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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 75

Le jeudi 19 juin 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 19 juin 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Préavis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 19 juin 2014

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, se rendra à la Chambre du Sénat, aujourd'hui, le 19 juin 2014, à 17 h 30, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

La sous-secrétaire,
Patricia Jaton

L'honorable
   Président du Sénat
       Ottawa


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les pompiers

Le soutien financier pour les membres de la famille des pompiers décédés dans l'exercice de leurs fonctions

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, au Canada, les pompiers protègent la population pendant certains des événements les plus dévastateurs que les gens puissent vivre au cours de leur vie, par exemple : un incendie, un accident de voiture, un sauvetage technique, une urgence médicale ou un incident mettant en cause des matières dangereuses. Ces premiers intervenants exceptionnels sont à l'avant-plan de la sécurité publique au Canada. En tout temps et en tout lieu, les pompiers sont disposés à s'exposer au danger et même parfois, malheureusement, à faire l'ultime sacrifice dans l'exercice de leurs fonctions en cas de besoin.

Le 29 avril dernier, j'ai eu l'honneur et le privilège de rencontrer huit représentants de l'Association internationale des pompiers pour discuter des enjeux les plus importants qui touchent les pompiers canadiens.

À l'heure actuelle, le Canada accorde une indemnité de 250 000 $ aux familles des membres des Forces armées canadiennes et de la GRC qui sont tués dans l'exercice de leurs fonctions. Les représentants de l'Association internationale des pompiers ont insisté sur le fait que les pompiers et leur famille doivent être reconnus et soutenus de la même façon.

Bien que nous reconnaissions actuellement l'immense service rendu par les pompiers volontaires au moyen du crédit d'impôt pour les pompiers volontaires, l'Association internationale de pompiers estime que nous devons aller plus loin pour veiller à ce que les familles des pompiers décédés reçoivent un soutien adéquat.

Pour reprendre ses propres termes, « la sécurité financière de la famille d'un pompier qui est tué ou qui devient invalide à titre permanent pour avoir sauvé la vie de Canadiens [...] ne doit pas dépendre des incertitudes qui entourent les négociations collectives [...] ».

Par conséquent, cette association demande la création d'une prestation nationale d'indemnisation des agents de la sécurité publique qui reconnaîtrait les services héroïques et indispensables que ces personnes rendent aux Canadiens.

Les pompiers canadiens veulent également être aussi proactifs que possible en ce qui concerne leur sécurité et celle de tous les Canadiens. Voilà pourquoi l'Association internationale des pompiers, l'AIP, cherche à faire reconnaître la sécurité des pompiers dans le Code national du bâtiment du Canada. J'ai appris que les matériaux de construction légers modernes brûlent plus vite et dégagent souvent beaucoup plus de chaleur et de fumées mortelles. Voilà pourquoi les pompiers courent de plus grands risques et pourquoi ils doivent combattre des incendies incontrôlables qu'ils peinent à contenir.

Ils veulent pouvoir se fier à des critères de sécurité des pompiers — qui est également notre sécurité — pour élaborer des politiques et des modifications du code du bâtiment. Il est primordial pour les pompiers que leurs préoccupations soient prises en considération. En conséquence, lorsque le Code national du bâtiment du Canada sera révisé, il faut leur permettre de participer à ce processus politique afin qu'ils puissent faire leur travail.

L'organisation des pompiers reste certes une priorité municipale, mais ces huit représentants de l'AIP sont venus me parler de la nécessité de reconnaître, à l'échelle nationale, le rôle crucial que jouent les pompiers dans notre vie. Ces problèmes touchent tous les Canadiens et je nous encourage tous à continuer de nous pencher sur les grands défis que les pompiers relèvent quotidiennement.

L'honorable JoAnne L. Buth

Remerciements à l'occasion de son départ du Sénat

L'honorable JoAnne L. Buth : C'est avec beaucoup d'humilité que je prends la parole en cette Chambre une dernière fois. J'aimerais tout d'abord remercier tous mes collègues du Sénat. Ce fut un plaisir et un honneur de travailler avec vous. Si je nommais toutes les personnes qui m'ont aidée ou qui sont devenues mes amis, j'utiliserais tout mon temps de parole.

Il va sans dire que je remercie tous ceux qui m'ont tendu la main, sur le plan personnel ou professionnel pour défendre un intérêt commun. Chers collègues du Comité permanent de l'agriculture et des forêts, et de celui des finances nationales, nos discussions et débats me manqueront.

Je tiens à remercier tout particulièrement le greffier du Sénat et tous les membres de son personnel, dont Jodi Turner et Kevin Pittman, qui incarnent à merveille l'excellence qui les caractérise.

Je remercie les agents qui assurent notre sécurité.

Je remercie aussi les membres de mon personnel, Loren Cicchini et Zachary Potashner. Vous avez fait pour moi du travail exceptionnel et m'avez généralement empêchée de faire des bêtises. Je sais que, tous les deux, vous allez continuer de connaître beaucoup de succès.

Je n'ai jamais prévu de plan de carrière. J'ai tout simplement toujours travaillé dur, si possible de manière intelligente, et été ouverte aux nouvelles possibilités. J'ai toujours dit que, pour chaque porte qui se ferme, il y en a une qui s'ouvre.

Je tiens à remercier la sénatrice Marjory LeBreton, qui a fait de l'agriculture un sujet d'intérêt au Sénat. Il en a résulté un appel fort inattendu de la part du premier ministre Stephen Harper, il y a deux ans et demi. Cet appel a changé ma vie. Une porte s'est ouverte.

Il s'agit d'une occasion rare, que très peu de Canadiens ont la chance de vivre. C'est pourquoi je n'ai jamais pris à la légère ma présence dans cette enceinte. Moins de 1 000 personnes ont siégé au Sénat depuis la Confédération. J'ai été la 916e personne nommée au Sénat. Ce fut pour moi un privilège et un honneur immenses.

Honorables sénateurs, je tiens à vous dire que la modernisation du Sénat pourrait ouvrir bien des portes pour vous. Je vous encourage à franchir certaines d'entre elles.

Honorables sénateurs, en tant que sénatrice, j'ai tenté d'abord et avant tout de mettre la question de l'agriculture au premier plan, afin de rappeler aux Canadiens que ce secteur ne devrait pas et ne peut pas être tenu pour acquis.

En terminant, j'aimerais présenter une dernière fois une statistique qui vous fera réfléchir. Un emploi sur huit au Canada est lié au secteur agricole. J'espère que vous vous souviendrez que l'agriculture procure un gagne-pain à une partie importante de la population en lui fournissant un emploi, et qu'elle permet aux Canadiens et à des gens partout dans le monde d'avoir des aliments nutritifs et sains.

Je vais conclure sur une citation de Brenda Schoepp, qui a dit ceci : « Mon grand-père disait toujours que, dans la vie, on peut avoir besoin de temps à autre d'un médecin, d'un avocat, d'un policier et d'un prêtre, mais on a besoin d'un fermier trois fois par jour, tous les jours. »

Chers collègues, merci infiniment de ces deux remarquables années et demie.

Des voix : Bravo!

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du gouverneur général de l'honorable Jim Ross, qui a servi avec distinction dans cette enceinte, où il représentait la province du Nouveau-Brunswick.

Nous sommes ravis de revoir l'ancien sénateur Ross au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1340)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je profite de l'occasion pour signaler la présence à la tribune de Mme Tasleem Damji Budhwani, psychologue clinicienne et membre du conseil d'administration du Club garçons et filles d'Ottawa; d'Adam Joiner, gestionnaire principal et ancien membre du Club garçons et filles d'Ottawa; et, enfin, d'Achan Akwai Cham, ancien membre du Club garçons et filles et travailleuse intermédiaire auprès des jeunes. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Jaffer.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Mme Achan Akwai Cham

L'ancienne membre du Club garçons et filles d'Ottawa

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler de l'excellent travail qu'accomplit le Club garçons et filles d'Ottawa. Chaque année, le club sert plus de 4 500 enfants et jeunes. J'aimerais vous raconter l'histoire d'un de ces enfants, mais, auparavant, je tiens à remercier mon amie Tasleem Budhwani, une directrice du Club garçons et filles, de m'avoir fait connaître le club, et Adam Joiner, qui est ici aujourd'hui.

Achan Akwai Cham est née au Soudan en 1993. En 2000, ses parents ont fui Khartoum et la guerre civile avec leurs neuf enfants afin de se rendre dans un camp de réfugiés en Éthiopie. Ils ont passé l'année suivante là-bas avant de déménager à Ottawa. Le camp a été attaqué peu de temps après leur départ et, au cours d'une période de trois jours, 400 personnes ont été tuées.

Lorsqu'Achan est arrivée à Ottawa, elle était incapable de lire, d'écrire et même de parler en anglais. La famille s'est établie dans l'Ouest de la capitale et a tenté de s'acclimater à sa nouvelle demeure. Au cours de l'année qui a suivi, le père d'Achan est retourné au Soudan. Il est décédé en 2012.

Achan, ses frères et ses sœurs ont rapidement découvert le Club garçons et filles d'Ottawa. Ils ont découvert les divers programmes qu'on y offrait. Ils y ont vu d'autres enfants de leur âge s'amuser. Ils ont appris que l'inscription était gratuite, mais que, pour participer aux activités, il fallait auparavant retourner à la maison pour se mettre des chaussures. C'est ce qu'ils ont fait, et ils ont été conquis.

Dès sa deuxième visite, Achan y est retournée tous les jours. Beaucoup de ses souvenirs d'enfance viennent du Club garçons et filles d'Ottawa. Elle a dit : « Le club m'a pour ainsi dire permis de décrocher de tout ce qui m'est arrivé dans mon enfance, qui a été assez difficile. »

Les programmes du club l'ont aidée à se concentrer sur ses devoirs et à apprendre l'anglais. Le personnel du club lui a fait connaître différentes personnes et l'a fait participer à des programmes de leadership. Le club lui a même donné son premier emploi, soit celui de conseillère au Camp Smitty, le camp de vacances du club.

Achan, comme bien d'autres membres du club, s'est épanouie. Elle a terminé ses études secondaires avec une moyenne de 80 p. 100 et elle a reçu une bourse d'études de 16 000 $. Elle a maintenant 21 ans. Elle va bientôt obtenir son diplôme en travail social et compte poursuivre ses études à l'Université Carleton ou à l'Université McGill.

Achan a été finaliste pour le Top Teen Philanthropist Award du Canada et elle a remporté le prix de reconnaissance des femmes chefs de file pour l'ouest d'Ottawa. Elle est très fière d'être une ancienne du Club garçons et filles d'Ottawa.

Honorables sénateurs, je m'en voudrais de ne pas remercier le sénateur White pour tout ce qu'il a fait, pendant de nombreuses années, pour des Clubs garçons et filles.

Honorables sénateurs, chaque année, les Clubs garçons et filles offrent à des milliers d'enfants et de jeunes des programmes parascolaires qui contribuent à améliorer leur estime de soi et qui transforment leur vie. Le Club garçons et filles d'Ottawa fournit un endroit sécuritaire et sécurisant où les enfants et les jeunes peuvent découvrir de nouvelles possibilités, surmonter des obstacles, établir des relations positives, prendre de l'assurance et acquérir des compétences qui leur serviront toute la vie.

Honorables sénateurs, je ne doute pas un seul instant que vous vous joindrez à moi pour remercier les Clubs garçons et filles d'Ottawa et de partout au Canada de veiller au bien-être de nos jeunes, garçons et filles.

L'Alberta

Le premier anniversaire des inondations dans le Sud de l'Alberta

L'honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, nous soulignerons demain le premier anniversaire des inondations qui ont frappé le Sud de l'Alberta. Avec des dommages dépassant les 5 milliards de dollars, il s'agit de la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l'histoire canadienne. Même si plusieurs villes et villages ont été touchés, comme Calgary, Canmore et Lethbridge, c'est la petite ville de High River, d'où je viens, qui a été la plus durement touchée. Quatre personnes du secteur ont perdu la vie ce jour-là : Jacqui Brocklebank, Amber Rancourt, Dominic Pearce et Rob Nelson.

Les eaux déchaînées ont englouti notre localité presque sans avertissement, et ce, même si des dispositifs de surveillance du niveau de l'eau sont installés plus haut sur la rivière. En réalité, les chiffres qui ont été transmis par ces dispositifs aux petites heures du matin étaient si élevés que les responsables environnementaux qui les ont analysés n'osaient pas y prêter foi, croyant plutôt à une défaillance des jauges.

Ce n'était pas une défaillance. Les jours qui ont suivi nous ont permis de mesurer l'ampleur de la catastrophe. Au pire des inondations, le débit de l'eau était deux fois plus élevé que tout ce qui avait jamais été enregistré pour la rivière Highwood. Les 13 000 habitants de High River ont reçu l'ordre d'évacuer leur domicile. La GRC, l'armée canadienne et les services d'urgence gouvernementaux ont pris le contrôle de la ville et travaillé nuit et jour pendant neuf jours afin de ramener les choses assez à la normale pour que les habitants puissent réintégrer leur maison.

Quand nous sommes revenus, ce qui nous attendait nous a brisé le cœur. Plus de 80 p. 100 des maisons étaient endommagées, dont bon nombre gravement. Le secteur des commerces a pour ainsi dire été rayé de la carte.

La première journée, plusieurs d'entre nous étaient incapables de réagir, paralysés que nous étions par la puissance de dame Nature et la destruction pure et simple de nos maisons et de notre localité. Mais c'est de ce qui est arrivé par la suite que les habitants de High River se souviendront le plus longtemps : l'infinie puissance de la bonté humaine et de la compassion qui nous ont submergés en même temps qu'affluaient les milliers de bénévoles venus nous aider à nettoyer et à commencer les travaux de reconstruction.

Ces « anges » sont venus de partout au Canada et même des États-Unis et du Mexique. Ils ont travaillé sans relâche pendant des semaines, au sein de notre collectivité, pour nous aider à nous remettre sur nos pieds. Nous serons à jamais reconnaissants à tous ceux qui nous ont soutenus à High River et dans le Sud de l'Alberta au moment où nous en avions le plus grand besoin.

Un an plus tard, les travaux de réfection et d'assainissement se poursuivent, et il y a beaucoup de tristesse et de frustration, car les citoyens doivent s'orienter dans un labyrinthe qui semble n'en plus finir pour essayer d'accéder aux ressources gouvernementales qu'on leur avait promises au lendemain du désastre. Sans vouloir paraître ingrate, je me contenterais de dire qu'il y a de nombreuses leçons à tirer pour faire face aux catastrophes futures.

Mais demain, dans ma collectivité, nous tiendrons un événement qui nous aidera à nous rappeler combien nous avons de la chance de vivre dans notre collectivité et dans la province de l'Alberta et, par-dessus tout, dans ce pays qu'est le Canada.

J'avais espéré pouvoir assister à cet événement afin de souligner respectueusement ce triste anniversaire et de contribuer à rendre hommage aux héros de l'inondation de 2013. Au lieu de cela, je serai ici, avec vous, honorables sénateurs, pour remplir nos devoirs parlementaires dans l'intérêt du Canada, et c'est un honneur pour moi que de le dire au Sénat aujourd'hui.

Le décès du Dr Richard G. Rockefeller

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage au Dr Richard G. Rockefeller, de Falmouth, dans le Maine, aux États-Unis d'Amérique, qui est mort tragiquement, samedi dernier en matinée, à l'âge de 65 ans, lorsque son avion s'est écrasé peu de temps après avoir quitté l'aéroport du comté de Westchester, dans l'État de New York. Seul à bord de l'avion, il revenait chez lui après avoir rendu visite à son père, M. David Rockefeller, qui fêtait ses 99 ans.

Richard était l'arrière-petit-fils de John D. Rockefeller, cofondateur de la Standard Oil Company. Cet homme modeste, sans prétention et aimable était un philanthrope animé de bonnes intentions. Diplômé de la faculté de médecine de l'Université Harvard, il a été médecin en région dans le Maine et il a enseigné la médecine dans le Maine également, à Portland, de 1982 à 2000.

Il a siégé au conseil d'administration du fonds des frères Rockefeller durant 23 ans, à partir de 1989, dont sept ans en tant que président. Il était conseiller au moment de sa mort.

À titre de président du comité consultatif de Médecins Sans Frontières durant 21 ans, soit jusqu'en 2010, Richard a contribué à établir la présence de cette organisation aux États-Unis et à en assurer le financement. Il a travaillé sur le terrain pour l'organisation en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie du Sud-Est.

Richard a joué un rôle immense dans la conservation du Maine. Membre dévoué du fonds du patrimoine de la côte du Maine durant 40 ans, il en a également été le président. Grâce à lui, plusieurs générations pourront profiter de la côte du Maine.

J'ai eu le plaisir de travailler avec Richard au sein de l'alliance pour la mer des Sargasses, l'entité qu'il a cofondée avec son ami David E. Shaw, de Portland.

Comme le Président Kinsella le sait, en novembre dernier, j'étais parmi les invités étrangers au centre Pocantico, sur le domaine où est situé le fonds des frères Rockefeller, à Tarrytown, dans l'État de New York. J'ai alors participé à la rédaction de la Déclaration d'Hamilton, document qui prévoit une collaboration pour la conservation de la mer des Sargasses, considérée comme la « forêt tropicale dorée de l'océan Atlantique ». Richard a mis à la disposition de l'alliance l'élégant Pocantico Center pour cette importante réunion.

(1350)

Richard a tenu la barre de l'alliance pendant trois ans, au terme desquels plusieurs pays ont signé la déclaration à Hamilton, aux Bermudes, en mars dernier, et un secrétariat a été créé à Hamilton. J'aurais seulement souhaité que le Canada la signe. Peut-être un jour.

Ses récents travaux sur le traitement des anciens combattants atteints du trouble de stress post-traumatique témoignent aussi de son engagement à redonner à la collectivité.

En terminant, j'aimerais me faire l'écho des pensées exprimées par son ami James Fallows, qui a écrit dans le magazine The Atlantic :

[...] J'offre mes sincères condoléances à sa famille et à ses amis, et j'espère que le souvenir de Richard G. Rockefeller restera gravé dans les mémoires, non pas pour les conditions privilégiées dans lesquelles il est né, mais pour ce qu'il en a fait.

La juge Manjusha Pawagi

Les greffes de cellules souches sanguines

L'honorable Asha Seth : Honorables sénateurs, c'est une tragédie lorsque des citoyens souffrent sans y être pour quoi que ce soit. C'est le cas de la juge Manjusha Pawagi, épouse et mère de jumeaux, qui livre en ce moment le combat de sa vie contre une forme rare de leucémie.

Vous avez peut-être entendu parler de cette femme accomplie de 47 ans, auteure primée de livres pour enfants, journaliste diplômée de Stanford et, depuis 2009, juge en droit de la famille à Brampton. Si elle complète son deuxième mois de chimiothérapie, ses chances de survie ne seront que de 50 p. 100.

Toutefois, ses chances pourraient être accrues de façon considérable grâce à une procédure médicale simple : la transfusion de cellules souches.

Malheureusement, dans la communauté sud-asiatique, comme au sein de plusieurs autres groupes minoritaires, les dons de sang et de cellules souches sont très rares, de sorte que les chances de correspondance génétique sont de moins de une sur un million en raison du manque de diversité des réserves de sang et de cellules souches. Ce manque de participation est exprimé dans les rapports de la Société canadienne du sang, qui montrent que plus de 70 p. 100 des donneurs sont de race blanche.

La mise sur pied de registres de cellules souches qui reflètent la diversité de la population canadienne est essentielle, puisque les cellules souches ont cette incroyable capacité de se transformer en divers autres types de cellules utiles, pour le traitement de plus de 70 maladies à l'échelle mondiale.

Nous devons absolument inciter l'ensemble de la population, et surtout les groupes minoritaires, à s'inscrire aujourd'hui à un registre du sang ou de cellules souches comme onematch.com au Canada.

La juge Pawagi fait partie des milliers de personnes au pays et ailleurs dans le monde qui attendent un donneur, un sauveur, dans l'espoir de retrouver la santé.

Il n'est pas trop tard pour la juge Pawagi, et j'espère pouvoir apporter des changements positifs dans ce dossier, mais j'ai besoin de votre aide pour transmettre ce message urgent pour les autres.

La Journée nationale des Autochtones

L'honorable Vernon White : Honorables sénateurs, ce samedi, nous célébrerons les premiers peuples du Canada à l'occasion de la Journée nationale des Autochtones.

Comme j'ai passé la majeure partie de ma vie adulte à travailler dans les collectivités autochtones de notre grand pays, je sais que, malgré le chemin parcouru dans ce domaine, nous avons encore beaucoup à faire. Je suis très heureux de voir les efforts que nous faisons pour élaborer des accords entre le Canada et les Premières Nations du pays.

Nous avons vu le défi que doivent relever nos communautés autochtones et la fierté éprouvée par les Premières Nations du Canada quand elles travaillent à améliorer leur situation au Canada.

Honorables sénateurs, je propose que tous les Canadiens profitent de cette occasion pour mieux comprendre le parcours des Premières Nations du Canada, ce qui nous permettra également de mieux comprendre notre histoire et, bien entendu, notre avenir, ainsi que de tenir compte de notre avenir collectif dans notre recherche de solutions.

Comme j'ai vécu dans ces communautés, j'ai été témoin de la fierté des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Leur histoire est riche, et ils étaient là pour travailler aux côtés des premiers Européens qui sont arrivés ici. Ils ont combattu aux côtés des mêmes Européens pendant la guerre de 1812, la Première et la Seconde Guerres mondiales, et des soldats les ont représentés dans tous les conflits auxquels le Canada a pris part. La relation du Canada avec ses Premières Nations en est rendue à un point où nous pouvons nous préparer mieux que jamais à un avenir collectif.

Honorables sénateurs, le 21 juin est un jour spécial pour tous les Canadiens. Nous avons l'occasion de remercier les Autochtones de ce qu'ils nous ont donné il y a quelques siècles : un chez-soi.

En ce jour, comme chaque jour, veuillez prendre le temps d'engager le dialogue avec nos communautés autochtones.

[Français]

Le décès de Claire Martin

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, c'est sans doute moi aussi la dernière fois que j'aurai l'occasion de m'exprimer en cette Chambre.

Hier soir, en rentrant à mon appartement, j'ai appris par la télévision une bien triste nouvelle. Mme Claire Martin, une grande auteure, une grande dame, est décédée mercredi, deux mois après avoir célébré son 100e anniversaire. Elle a vraiment été une battante pour la condition féminine toute sa vie durant. Elle a été la première femme à qui Radio-Canada a permis de lire des bulletins de nouvelles. C'est ainsi que c'est elle qui a annoncé, en français, la fin de la guerre en 1945. Elle a ensuite écrit plusieurs livres, dont le plus important a sans doute été Dans un gant de fer, en deux parties : La joue gauche et La joue droite.

C'était une féministe extraordinaire, une femme merveilleuse. J'ai eu l'occasion de la connaître personnellement, il y a deux ans, quand nous sommes allées à Québec. Je me suis rendu compte qu'elle n'avait jamais reçu l'Ordre de la Pléiade, ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures; nous sommes donc allées à Québec, et elle était encore assez bien pour se déplacer. Nous avons pu prendre un repas ensemble et la décorer officiellement de l'Ordre de la Pléiade. C'est une grande dame que nous perdons et une grande auteure.

Honorables sénateurs et, surtout, honorables sénatrices, nous avons perdu quelqu'un de grand pour nous; si vous ne la connaissez pas, essayez de mettre la main sur ses livres.

Je vous remercie.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur la Journée nationale du violon traditionnel

Présentation du treizième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dépose le rapport suivant :

Le jeudi 19 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de déposer son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 29 avril 2014, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec l'amendement suivant :

Préambule, page 1 : Remplacer la ligne 19 par ce qui suit :

« Antonio Stradivari ».

Respectueusement soumis,

Le président,
KELVIN K. OGILVIE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Le sénateur Ogilvie : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit étudié plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Ogilvie, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

(1400)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du treizième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable George Baker, vice-président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 19 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-221, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre un conducteur de véhicule de transport en commun), a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 4 juin 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le vice-président,
GEORGE BAKER

— Honorables sénateurs, nous appuyons à l'unanimité le projet de loi du sénateur Runciman.

Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

Des voix : Maintenant.

L'honorable Bob Runciman : À la prochaine séance.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Runciman, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L'étude sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

Dépôt du septième rapport du Comité des droits de la personne

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le septième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, portant sur les femmes, la paix et la sécurité.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Droits de la personne

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains—Présentation du huitième rapport du comité

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, présente le rapport suivant :

Le jeudi 19 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 6 mai 2014 à étudier, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2015 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin;

b) voyager à l'extérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
MOBINA S. B. JAFFER

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1127.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser la photographie et l'enregistrement vidéo de la cérémonie de la sanction royale

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que des photographes et caméramans soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier et enregistrer sur vidéo la cérémonie de la sanction royale aujourd'hui, d'une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 16 septembre 2014, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

La drépanocytose et les thalassémies

Préavis d'interpellation

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la drépanocytose et les thalassémies et à l'importance du dépistage pour identifier les enfants avec la drépanocytose et la nécessité de développer des améliorations dans la gestion de la drépanocytose et les thalassémies au Canada.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Les femmes et les jeunes filles autochtones portées disparues ou assassinées

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, aujourd'hui, mes questions s'adressent au leader du gouvernement au Sénat.

Il y a quelques semaines, plus précisément le 4 juin 2014, quand mon amie et collègue l'honorable sénatrice Sandra Lovelace Nicholas a posé des questions au sujet des femmes autochtones portées disparues ou assassinées, vous avez répondu ce qui suit :

Dois-je également rappeler à la sénatrice — elle a sûrement pris connaissance du rapport de la GRC sur le sujet — que, malheureusement, le résultat des enquêtes indique un niveau similaire, qu'il s'agisse de crimes commis à l'endroit d'Autochtones ou de non-Autochtones?

Voici le rapport dont vous-même et la sénatrice parliez. J'inviterais tous les sénateurs à prendre leur iPad, à ouvrir Safari, et à taper, sans guillemets, « rapport GRC femmes autochtones ». Vous pourrez alors ouvrir le rapport et voir tous les tableaux et les chiffres dont je parlerai. Si vous les avez sous les yeux, vous pourrez me suivre plus facilement.

Si nous étions dans un établissement moderne, nous aurions un bel écran géant, et je pourrais faire une présentation PowerPoint, n'est-ce pas?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mercer : Où est Hugh Segal quand nous avons besoin de lui?

La sénatrice Dyck : Oui, tandis que nous y sommes, nous pourrions passer à la télévision, et tous les Canadiens pourraient suivre les paroles pendant notre étude du rapport.

Sénateur Carignan, je suis sûre que votre assistant vous a fait parvenir le lien vers le rapport. J'aimerais citer de nouveau la réponse que vous avez donnée à mon amie et collègue, la sénatrice Lovelace Nicholas :

Dois-je également rappeler à la sénatrice — elle a sûrement pris connaissance du rapport de la GRC sur le sujet — que, malheureusement, le résultat des enquêtes indique un niveau similaire, qu'il s'agisse de crimes commis à l'endroit d'Autochtones ou de non-Autochtones?

J'aimerais savoir si vous maintenez cette réponse que vous avez donnée à ma collègue. Je vous pose la question, parce que j'ai lu ce rapport. Je dois admettre que je trouve encore que c'est plus facile à consulter sur papier. Si vous allez à la page 10 du rapport, vous verrez trois colonnes de texte. Le dernier paragraphe de la première colonne, à gauche, dit ceci :

Il y a eu 1 017 femmes autochtones victimes d'homicide durant cette période, ce qui représente 16 p. 100 de tous les homicides commis contre des femmes — beaucoup plus que la proportion de femmes autochtones dans la population féminine canadienne, comme on l'indique ci-dessus.

Les femmes autochtones ne représentent que 4 p. 100 de l'ensemble de la population, mais elles sont victimes de 16 p. 100 de tous les homicides. Cela signifie que les victimes d'homicide sont quatre fois plus nombreuses chez les femmes autochtones.

Comment les taux peuvent-ils être identiques? Pouvez-vous répondre à cette question?

(1410)

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : On a probablement mal compris ce que je voulais dire, mais je n'ai jamais dit que le pourcentage était le même, d'autant plus que, d'après le rapport de la GRC, il y a clairement une surreprésentation des femmes autochtones. Ce que j'ai dit, c'est que le taux de résolution des crimes était identique. Si vous lisez le rapport, vous verrez que le taux de résolution des crimes commis contre les femmes autochtones assassinées ou portées disparues et celui des crimes commis contre les femmes non autochtones est identique.

[Traduction]

La sénatrice Dyck : Merci de votre réponse. C'est effectivement le cas. Le taux de résolution des crimes est à peu près le même pour les femmes autochtones et les femmes non autochtones, mais ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous avez dit ce que je viens de citer, à savoir que le taux de crimes était le même. Je vous suggère de dire aux employés qui vous ont transmis cette information qu'elle ne correspond pas aux données réelles.

Continuons dans la même veine et allons aux graphiques de la page 10 du rapport, où les figures 3 et 4 — surtout la figure 4 — montrent clairement que le pourcentage d'homicides de femmes autochtones n'a pas cessé d'augmenter entre 1980 et 2011, dernière année pour laquelle nous disposons de données. C'est donc dire que les choses empirent pour les femmes autochtones, parce que la courbe du haut, dans le graphique de la figure 3, indique que le nombre de femmes non autochtones victimes d'homicide diminue. Cela nous ramène à la première citation que j'ai lue, dans laquelle vous disiez que le pourcentage était le même. Pourtant, ces graphiques montrent parfaitement que le nombre de femmes autochtones victimes d'homicide est plus élevé et, de surcroît, qu'il ne cesse d'augmenter.

J'espère que vous allez confirmer que ces interprétations des données devraient être connues de tous. Vous le ferez, n'est-ce pas?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice Dyck, je n'ai pas relu la transcription de cette partie de la période des questions. S'il est mentionné que le taux d'assassinat ou de disparition est le même, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas non plus ce qui se trouvait dans mes notes. Je parlais plutôt du taux de résolution des crimes.

Par ailleurs, je vous remercie pour votre question, car cela va m'éviter de devoir invoquer une question de privilège pour faire corriger la transcription. En ce qui a trait aux actions que prend le gouvernement, nous croyons qu'il agit de façon concrète dans le dossier tragique des femmes et des jeunes filles autochtones portées disparues ou assassinées.

Ai-je besoin de rappeler que, hier, nous avons adopté le budget qui met en œuvre le Plan d'action économique de 2014? Le gouvernement consacrera 25 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans à la poursuite des efforts entrepris dans ce dossier, et il consacrera 8 millions de dollars sur cinq ans à la création du fichier national des données génétiques sur les personnes disparues.

De votre côté, une seule personne a voté en faveur de ce plan d'action qui prévoit des investissements en faveur des femmes autochtones, et c'était le sénateur Massicotte.

[Traduction]

La sénatrice Dyck : Je crois que c'est essentiellement la même réponse que celle que vous avez fournie à la sénatrice Lovelace Nicholas, il y a quelques semaines, en citant le Plan d'action économique, que nous venons d'adopter. Vous mentionnez une enveloppe de 25 millions de dollars sur cinq ans pour la lutte contre la violence envers les femmes et les jeunes filles autochtones. Or, rien ne précise à quoi ces fonds seront affectés ni de quelle manière ils seront versés.

Il est tout à fait paradoxal — et du dernier ridicule — que l'Association des femmes autochtones du Canada ignore encore si elle obtiendra du financement. Elle porte pourtant cette cause à bout de bras depuis 2005. Elle a dû mettre à pied presque tout son personnel chargé du dossier des femmes autochtones disparues ou assassinées. C'est pour cette raison que j'ai voté contre le budget : l'argent est là, mais il n'est rattaché à aucun objectif précis. Cette question relèvera de quel programme, au juste?

Le sénateur Mitchell : Il faut tirer les choses au clair.

[Français]

Le sénateur Carignan : Si vous poursuivez la lecture de la transcription de la période des questions de cette séance en particulier, vous verrez que j'ai répondu que les sommes seraient versées aux organismes communautaires qui favorisent des initiatives de prévention et qui travaillent de concert avec les collectivités autochtones. Ce sont ces organismes qui pourront bénéficier de l'enveloppe de 25 millions de dollars. Voulez-vous que je réitère ce que vous avez probablement lu de cette séance?

[Traduction]

La sénatrice Dyck : Pour en revenir aux communautés, honorables sénateurs, vous constaterez que le rapport de la GRC précise que les données étaient insuffisantes pour repérer les communautés qui sont à risque. C'est pour cette raison qu'il faut davantage de données ainsi qu'une enquête nationale : afin que les programmes et les projets soient efficaces. On ne peut pas offrir de programme si on n'a pas cerné le problème. Comment peut-on savoir quelles communautés sont à risque? Même la GRC affirme qu'il faut davantage de données.

[Français]

Le sénateur Carignan : De plus, vous verrez que, dans la majorité des crimes résolus, la victime était parente de son agresseur ou le connaissait. J'aimerais simplement vous rappeler que notre gouvernement a aussi adopté la Loi sur les biens immobiliers matrimoniaux, qui accorde aux femmes habitant dans les réserves des Premières Nations les mêmes droits matrimoniaux que tous les Canadiens et Canadiennes, y compris l'accès aux ordonnances de protection d'urgence en situation de violence. Mais, cette fois encore, vous avez voté contre cette disposition.

[Traduction]

La sénatrice Dyck : J'ai deux questions.

Vous avez répondu à ma collègue que, dans 82 à 84 p. 100 des cas, les homicides et les disparitions de femmes autochtones qui ont été résolus mettaient en cause un être aimé ou un membre de la famille. Vous avez probablement obtenu ces renseignements de la même personne. C'est très trompeur.

La figure 8, que l'on trouve à la page 13 du rapport de la GRC, illustre ce que vous venez tout juste de mentionner. Les chiffres que vous avez fournis représentent le total de certaines catégories. Vous avez dit « un proche ou un membre de la famille ». Compte tenu de la figure, je suppose que lorsque vous parlez d'un proche, vous parlez d'un conjoint. Vous avez donc regroupé les données sur les conjoints, les autres parents et les connaissances, ce qui vous a permis d'obtenir ces chiffres, soit 82 à 84 p. 100.

La figure montre qu'il existe une nette différence entre les femmes autochtones qui ont été assassinées et les femmes non autochtones. Les femmes autochtones risquent davantage d'être assassinées par une connaissance, et non par un membre de la famille ou un proche. Les femmes non autochtones sont quant à elles plus susceptibles d'être assassinées par leur conjoint. De toute évidence, les tendances sont différentes. Lorsque vous regroupez ces données et que vous y ajoutez la colonne des connaissances, elles perdent tout leur sens. C'est pour cette raison qu'une distinction a été établie entre chaque type de données. Ce chiffre est exact — même s'il ne tient pas compte des « connaissances » —, mais il est très trompeur, car, dans les deux cas, il laisse entendre qu'il est question de violence familiale, alors que ce n'est pas ce que les données montrent.

Je ne vois donc pas comment vous pouvez prétendre que la violence dans les réserves ou la violence familiale sont des facteurs clés dans le cas des femmes autochtones. Les données n'appuient pas une telle affirmation.

Je vais continuer sur ma lancée.

Toujours à la page 13 du rapport, au premier paragraphe de la première colonne, on peut lire ceci :

Les femmes autochtones ont le plus souvent été tuées par une connaissance (dans 30 % des cas comparativement à 19 % pour les femmes non autochtones). En examinant les données de plus près, on constate que les femmes autochtones étaient plus susceptibles que les non autochtones d'être tuées par une simple connaissance [...]

... pas même par un ami proche : par une simple connaissance. Voilà qui donne un éclairage complètement différent. Je vous demande donc de réfléchir à votre affirmation voulant que les facteurs qui expliquent les meurtres de femmes autochtones sont les mêmes que pour ceux des femmes non autochtones, dont l'élément clé est la violence conjugale.

(1420)

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai de la difficulté à suivre votre ligne de pensée. Et l'autre chose avec laquelle j'ai de la difficulté aujourd'hui, c'est que vous me posez ces questions, alors qu'hier, vous avez eu l'occasion de voter en faveur de mesures qui prévoient 25 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans pour poursuivre les efforts entrepris dans ce dossier et 8 millions de dollars sur cinq ans pour la création du fichier national de données génétiques. Je trouve cela assez décevant.

[Traduction]

La sénatrice Dyck : J'ai une deuxième question sur le même sujet parce que vous avez mentionné que je n'ai pas appuyé le projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux. C'est exact, je ne l'ai pas appuyé, et mon collègue non plus, parce qu'on y présumait la même chose, c'est-à-dire que les femmes autochtones sont victimes de leur conjoint. Or, nous n'avons pas de statistiques sur les meurtres commis dans les réserves et à l'extérieur. Nous n'avons pas cette information, seulement les données fournies par la GRC.

La GRC devrait se pencher sur le facteur de la race. J'ai moi-même été mariée à un non-Autochtone. Quelle est la proportion de femmes autochtones dans la même situation? Nous l'ignorons. Le pourcentage est sans doute assez élevé et il doit varier selon que l'on se trouve dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci. Il nous manque donc beaucoup d'informations.

Je n'ai pas voté pour le projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux parce que nous avions déjà adopté un autre projet de loi, dont j'oublie le nom. Le sénateur Kinsella s'en souvient sans doute. Ce projet de loi visait à abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, selon lequel les droits de la personne ne s'appliquaient pas dans les réserves. Les femmes dans les réserves n'avaient pas des droits de propriété égaux parce la Loi canadienne sur les droits de la personne les annulait, en établissant que toutes les lois exemptaient les réserves indiennes. Voilà pourquoi je n'ai pas appuyé le projet de loi : j'ai jugé que les autres projets de loi adoptés préalablement par le Sénat le rendaient redondant.

Étiez-vous au courant du fait que l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne avait été abrogé et des graves répercussions que cela a entraînées relativement à votre projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux?

Le sénateur Mitchell : Il ne le savait pas. Il n'est pas au courant.

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, ce que je sais, c'est qu'on mène des actions concrètes dans ce dossier. On a adopté plus de 30 mesures portant sur la justice et la sécurité publique, notamment des peines plus lourdes à l'endroit de ceux qui commettent des meurtres, des agressions sexuelles et des enlèvements. On a créé un site web national pour les personnes disparues et mis au point des plans de sécurité communautaire en concertation avec les collectivités autochtones. On a appuyé l'élaboration de documents de sensibilisation du public, adopté la Loi sur les biens immobiliers matrimoniaux et adopté, hier, une enveloppe de 25 millions de dollars supplémentaires nous permettant de poursuivre nos efforts dans ce dossier, de même qu'une somme de 8 millions de dollars pour le fichier national de données génétiques. Ce sont des actions concrètes, et ce que je sais, c'est que vous avez voté contre.

[Traduction]

La sénatrice Dyck : Je vous remercie. Je suis tellement heureuse de savoir que vous tenez un registre de tous mes votes et de la position que j'adopte chaque fois. Dieu du ciel. Je n'avais pas réalisé que j'étais si importante.

Le sénateur Mitchell : Même notre whip ne fait pas ça!

La sénatrice Dyck : Je me reporte de nouveau au rapport de la GRC, à la figure 4 de la page 10, qui illustre l'augmentation de la proportion d'homicides de femmes autochtones entre 1980 et 2011. Vous parlez de tout l'argent que vous avez investi au fil des ans : 50 millions sur 10 ans, 25 millions sur 5 ans dans le budget de 2010, et ainsi de suite.

Quoi qu'il en soit, vous avez investi tout cet argent au cours des sept dernières années, depuis votre arrivée au pouvoir, et pourtant, la proportion d'homicides de femmes autochtones continue de grimper, comme l'indiquent clairement les données de la GRC. Votre gouvernement se targue de respecter l'argent des contribuables, et pourtant, tous ces fonds investis n'ont pas permis de faire baisser la proportion d'homicides de femmes autochtones par rapport au pourcentage du nombre d'homicides de femmes non autochtones. N'est-ce pas un signe que les mesures que vous avez adoptées ne fonctionnent pas et qu'il se peut que vous n'utilisiez pas l'argent des contribuables de la façon la plus judicieuse possible?

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vous parlez des sommes supplémentaires. Elles ont été adoptées hier. Vous avez voté contre la proposition, hier. Il est sûr que l'enveloppe de 25 millions de dollars est prévue pour les prochaines années.

[Traduction]

L'environnement

La stratégie sur les changements climatiques

L'honorable Grant Mitchell : Chers collègues, vous serez sans doute soulagés et grandement reconnaissants de savoir qu'il s'en est fallu de peu pour que l'on n'ait pas de période des questions aujourd'hui et que c'est grâce à la sénatrice Dyck et à moi, assis sur notre petit banc, que celle-ci a lieu. Ce n'est pas le cas? D'accord, une troisième personne se joint à nous.

J'ai le plaisir de poser une question au nom de Nancy Drope, de St. Catharines, en Ontario. Voici sa question, qui est précédée d'un préambule :

La semaine dernière, lors de la visite de Tony Abbott au Canada, le premier ministre Harper a enfin admis que son gouvernement n'avait aucunement l'intention de mettre l'accent sur la protection de l'environnement. Il a dit ceci :

Peu importe ce que les nations affirment, aucun pays ne prendra des mesures pour lutter contre les changements climatiques [...] si ces mesures entraînaient de facto des pertes d'emplois et un ralentissement de la croissance dans leur pays.

M. Harper a dit sans équivoque que son bon ami M. Abbott et lui-même allaient, croyez-le ou non, inciter d'autres leaders, notamment ceux de l'Inde, du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande, à adopter leur stratégie immobiliste. La Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont rapidement pris leurs distances à l'égard de cette position désuète et déconcertante.

En fait, la Chine et le Royaume-Uni ont récemment annoncé leur plan et ils redoubleront d'effort pour lutter contre ce problème mondial, et nous sommes bien entendu au fait des nouvelles initiatives énergiques que les États-Unis ont mises de l'avant.

Voici la première question : puisque tant de nations mettent en œuvre des initiatives audacieuses pour lutter contre les changements climatiques, qu'attend exactement le Canada pour prendre des mesures substantielles?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je trouve drôle que vous disiez que, n'eût été de « ce banc-là », il n'y aurait pas eu de période des questions aujourd'hui. Ce qui est drôle, c'est que « ce banc-là » pose des questions qui ont déjà été posées au cours des semaines précédentes. C'est quand même à noter.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Mais nous attendons toujours la réponse!

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, sénateur Mitchell, le gouvernement est déterminé à protéger l'environnement tout en veillant à la vigueur de l'économie. Le Canada est responsable de moins de 2 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre, et c'est pourquoi nous voulons conclure un nouvel accord international sur les changements climatiques, qui inclut de véritables changements opérés par les grands émetteurs. Notre gouvernement fait sa part en prenant des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada. Depuis 2006, nous avons investi des montants substantiels en faveur de nouvelles technologies, de meilleures infrastructures, de programmes d'adaptation et de l'énergie propre, et ce sont des mesures contre lesquelles vous avez voté.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Selon une vieille maxime, soit on trace la voie, soit on suit la vague, soit on s'écarte du chemin. Nous savons que M. Harper ne trace pas la voie, nous savons qu'il ne suit pas la vague et nous avons appris que, au lieu de s'écarter du chemin, il incite — et c'est encore pire — les autres à ne faire absolument rien, comme le Canada, qui reste les bras croisés.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire si M. Harper, puisqu'il ne trace pas la voie et ne suit pas la vague, pourrait au moins s'écarter du chemin et ne pas dissuader les autres de faire ce qui s'impose?

[Français]

Le sénateur Carignan : Encore une fois, sénateur, il faut souligner le leadership et les actions concrètes de notre gouvernement. Je le répète, nous avons sévi contre deux des principales sources d'émission au Canada : le secteur des transports et les centrales électriques. Le Canada est devenu le premier grand utilisateur de charbon à interdire la construction de centrales électriques alimentées au charbon. Au fait, au cours des 21 premières années de la mise en œuvre de la réglementation visant le secteur de l'électricité au charbon, nous prévoyons des réductions cumulatives des émissions de gaz à effet de serre qui équivalent à un retrait de 2,6 millions de véhicules personnels sur la route, et le Canada a déjà l'un des réseaux d'électricité parmi les plus propres au monde. En effet, 77 p. 100 de la production de notre électricité ne produit pas d'émissions de gaz à effet de serre, par comparaison à 33 p. 100 aux États-Unis.

Encore une fois, le Canada fait preuve de leadership, et vous devriez plutôt souligner ces apports positifs et nous féliciter de ces actions plutôt que de nous critiquer sans cesse comme vous le faites

(1430)

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Lorsque le leader du gouvernement entend des interventions sincères comme celle que nous avons entendue aujourd'hui de notre collègue, le sénateur Tannas, au sujet des répercussions des inondations et du lien qui existe avec le problème beaucoup plus vaste des tempêtes violentes qui causent beaucoup de dommages, n'a-t-il pas un peu l'impression que l'inaction au sujet des changements climatiques causera des torts irréparables à notre économie et que beaucoup de moyens s'offrent à nous pour améliorer la situation des changements climatiques, y compris l'adoption des énergies renouvelables et le soutien à cet égard? N'a-t-il jamais l'impression que lire ses notes ne fait rien pour traiter du véritable problème des changements climatiques?

Le contenu de vos notes ne corrige en rien le problème. Vous devriez peut-être avoir une discussion avec le premier ministre et lui dire : « Il faut intervenir; il est minuit moins une. »

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, notre gouvernement est déterminé à protéger l'environnement tout en veillant à la vigueur de l'économie. Le Canada est responsable de moins de 2 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et c'est pourquoi nous voulons conclure un nouvel accord international sur les changements climatiques, qui inclut de véritables changements opérés par les grands émetteurs. Notre gouvernement fait sa part en prenant des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada.

Les finances

Le logement abordable

L'honorable Céline Hervieux-Payette : J'arrive avec des nouvelles qui datent de quelques jours seulement, donc vous ne pourrez pas me dire que vous m'avez déjà répondu; il s'agit d'une question que je ne pouvais pas vous poser avant d'avoir lu le rapport de l'OCDE.

Ce dernier se trouve sur le site web de l'organisation et, comme l'a dit mon collègue avant moi, si on avait un écran, on projetterait les chiffres. Ceux-ci montrent que le Canada, sur les 34 pays de l'OCDE, se classe actuellement à deux positions du dernier rang à la rubrique « maisons à prix raisonnables », c'est-à-dire relativement au revenu des familles. Ceci veut dire que, à l'heure actuelle, on est pris à la gorge. Sur 34 pays, le Canada vient au 32e rang. Je ne pense pas que ce soit une situation enviable.

Aussi, et c'est encore pire, le Canada est le premier des pays pour lesquels les loyers ne correspondent pas aux revenus et sont très élevés. Cela signifie que beaucoup de personnes paient bien plus de 25 p. 100 de leur revenu, soit 30 p. 100 et parfois plus, seulement pour avoir un toit sur leur tête.

Dans son dernier rapport sur l'économie, la semaine dernière, l'OCDE a fait plusieurs recommandations, ainsi que celle, en général, d'effectuer une réforme en profondeur de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et des politiques concernant l'habitation.

En revanche, le président-directeur général de la Société canadienne d'hypothèques et de logement prétend que l'estimation de notre parc de maisons est légèrement surévaluée et qu'il fera des tentatives pour se placer à un degré de risque beaucoup plus raisonnable.

Ma question est la suivante : sachant que la plupart des paramètres des changements à la Société canadienne d'hypothèques et de logement ont été fixés par le ministre des Finances — et non par le président de la SCHL, qui ne fait que les appliquer —, pouvez-vous m'assurer, aujourd'hui, au vu du rapport de l'OCDE, que vous allez veiller à ce que le ministère des Finances et la Société canadienne d'hypothèques et de logement examinent la situation et fassent en sorte que les Canadiens puissent avoir des logements abordables, tant à la location qu'à l'achat?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Merci, sénatrice, pour votre question. Comme vous le savez, l'OCDE, dans son rapport — et je suppose que vous citez celui qui a été publié le 11 juin — s'attend à ce que la croissance économique au Canada continue de s'accélérer au cours des années à venir. Or, c'est grâce à nos politiques économiques que nous avons mis en place un climat propice à l'investissement et à la création d'emplois. Plus d'un million de nouveaux emplois, ai-je besoin de vous le rappeler, ont été créés depuis le creux de la récession. Néanmoins, l'économie mondiale demeure fragile, et le Canada n'est pas à l'abri de ces pressions externes.

Quant au marché du logement, nous avons agi prudemment au cours des dernières années en vue de réduire les risques liés à ce marché. Nous allons continuer à surveiller ce marché et à prendre d'autres mesures pour atténuer les risques, le cas échéant.

En ce qui concerne le logement abordable, plus précisément, notre gouvernement comprend que l'accès à un logement sûr et abordable est important pour les familles canadiennes et leurs collectivités. Comme je l'ai déjà dit, de concert avec ses partenaires, le gouvernement fédéral aide plus de 880 000 personnes et familles à avoir accès à un logement abordable. Dans le Plan d'action économique de 2013 — contre lequel vous avez voté —, on a affecté 1,5 milliard de plus au renouvellement des investissements liés au logement abordable. Nous avons aidé à créer plus de 46 000 nouvelles unités de logement abordable et nous avons contribué à la construction et à la rénovation de 104 000 unités de logement pour des familles à faible revenu, grâce à ce plan d'action économique.

C'est sans compter les 594 000 ménages qui reçoivent également un soutien de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Aussi, en vertu des investissements en faveur du logement abordable, les provinces et les territoires ont la souplesse voulue pour concevoir et fournir des programmes qui vont cibler les priorités et les besoins locaux; en dernier ressort, ce sont les provinces et les municipalités qui décident de l'utilisation optimale de ces fonds.

Nous avons également annoncé, comme vous le savez, le renouvellement de la stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, ce qui réaffirme l'engagement de notre gouvernement à faire passer le logement en premier.

[Traduction]

Dépôt de la réponse à une question inscrite au Feuilleton

Les finances—Le transfert canadien en matière de santé

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 30 inscrite au Feuilleton par la sénatrice Callbeck.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la citoyenneté

Troisième lecture

L'honorable Nicole Eaton propose que le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis reconnaissante d'avoir encore une fois l'occasion d'exprimer mon soutien à l'égard du projet de loi C-24, Loi renforçant la citoyenneté canadienne.

La citoyenneté canadienne, c'est bien plus que le simple droit d'avoir un passeport canadien ou de voter aux élections. La citoyenneté définit qui nous sommes en tant que nation et en tant que peuple et nous demande de respecter et de refléter les valeurs qui trouvent leur fondement dans notre histoire, comme la liberté, l'unité, l'honnêteté et la loyauté.

Le projet de loi C-24, Loi renforçant la citoyenneté canadienne, rehausse la valeur de la citoyenneté, permet un traitement plus rapide des demandes et réduit les arriérés. Il rend hommage aux Forces armées canadiennes, redonne la citoyenneté à la vaste majorité des personnes qui ont perdu leur statut de citoyens canadiens, et protège les traditions et les intérêts du Canada.

Les opposants au projet de loi soutiennent qu'il découragera les demandes de citoyenneté, qu'il contrevient à la Charte des droits et libertés, que nous n'écoutons pas les personnes qui laissent entendre que ses dispositions laissent à désirer, et que le gouvernement ne prend pas au sérieux l'avis des experts.

Il est important, à ce stade-ci, que des mesures soient prises afin de dissiper tout malentendu, de corriger toute inexactitude contextuelle et de confirmer la véracité des dispositions contenues dans le projet de loi C-24, pour le bénéfice de tous mes collègues.

L'intention de résidence est l'une des questions clés. Le projet de loi demande à ceux qui cherchent à obtenir la citoyenneté canadienne d'affirmer leur intention de résider au Canada pendant quatre des six années précédant l'octroi de la citoyenneté.

Le ministre Alexander a précisé très clairement l'objectif, le contexte et la signification de cette disposition. Reportons-nous à ce qu'il a dit la semaine dernière, durant sa comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

(1440)

Il y a dit ce qui suit :

Il n'y a aucune obligation pour un citoyen du Canada de rester physiquement au Canada une fois qu'il a obtenu sa citoyenneté, alors il n'y a ici aucune question d'interprétation.

Au cas où il faudrait préciser davantage la question, voyons encore ce qu'avait à dire le ministre Alexander au sujet de la liberté de circulation et de la Charte lorsqu'il a comparu devant le comité la semaine dernière :

La liberté de circulation garantie par la Charte canadienne des droits et libertés s'applique à chacun d'entre nous. L'obtention de la citoyenneté a toujours été assujettie à l'exigence de résidence, et ce que nous cherchons à faire est de demander aux gens de confirmer qu'ils ont l'intention de résider pour remplir ces conditions.

En réponse à ces déclarations, le porte-parole d'en face à propos du projet de loi a dit ne pas avoir le même point de vue que le ministre. Il affirme s'en tenir à la lettre de la loi. Bien qu'il ait raison de faire de telles déclarations — c'est d'ailleurs son devoir en tant que porte-parole —, il est important d'en déterminer le bien-fondé sur le plan juridique.

Nicole Girard est avocate au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Le ministre lui a demandé de l'accompagner au comité pour offrir un commentaire juridique concernant la Charte et l'intention de résidence.

Voici ce qu'a dit Mme Girard :

La seule chose que je pourrais ajouter à ce que le ministre a déjà dit — et je crois qu'il a été très clair à ce sujet —, c'est que le texte que vous lisez dans le projet de loi doit être compris dans la perspective plus large de ce que sont ces exigences.

Quelles sont donc ces exigences « dans le grand contexte », donc au-delà du libellé du projet de loi? Ce sont les exigences pour devenir citoyen canadien. Ce sont les exigences à respecter jusqu'à la fin de la période de résidence, jusqu'à l'obtention de la citoyenneté.

Tâchons d'appliquer cette idée du contexte élargi à certains cas présentés par le sénateur Eggleton à l'appui de ses objections contre cette dimension de ce projet de loi. Il pose une question hypothétique : « Qu'arrive-t-il si une personne doit quitter le pays pour travailler ou étudier, peu de temps après avoir obtenu la citoyenneté canadienne? »

La réponse est simple : la personne est libre de quitter le pays, comme n'importe quel autre citoyen. Pour reprendre les mots du ministre lors de son témoignage devant le comité, la personne peut partir « sans problème ».

Une fois qu'une personne obtient la citoyenneté canadienne, une fois qu'elle a rempli ses conditions et qu'elle a accumulé quatre ans de résidence au pays, sur une période de six ans, elle est aussi libre que n'importe quel autre Canadien né au pays d'aller et de venir comme elle veut. Il convient de le répéter, Citoyenneté et Immigration Canada ne suit pas les allées et venues des citoyens. L'Agence du revenu du Canada peut le faire pour prélever l'impôt sur le revenu. Les ministères provinciaux de la Santé peuvent le faire pour gérer le droit aux services de santé, mais Citoyenneté et Immigration Canada ne le fait pas.

Nous laissons le mot de la fin dans ce dossier au ministre Alexander, qui a rappelé au comité que l'intention de résider est « une mesure de gros bon sens ». Il a dit également ceci :

C'est une précision qui vient éclairer une zone grise qui ouvrait la porte aux abus, mais il n'est interdit à personne de changer d'intention. Si vous changez d'intention avant d'avoir respecté l'exigence des quatre ans, vous n'obtenez pas la citoyenneté ou, du moins, pas à ce moment-là de votre vie. Si vous changez d'avis le lendemain de la cérémonie, vous pouvez quitter le pays sans problème.

Passons maintenant à la question de la révocation, monsieur le Président. Depuis 1977, une centaine de personnes se sont fait révoquer leur citoyenneté.

Plusieurs enquêtes actuellement en cours sur des fraudes à grande échelle ont permis à la GRC de repérer plus de 3 000 citoyens canadiens et 5 000 résidents permanents liés à ces fraudes, qui concernent pour la plupart la résidence.

Il ne faut pas prendre la fraude à la légère. Le gouvernement croit que ceux qui ont un lien avec le Canada, sont vaillants et disent la vérité méritent la citoyenneté canadienne. Ceux qui préfèrent mentir et tricher ne la méritent pas.

Le projet de loi C-24 ajoute un nouveau motif de révocation qui s'appliquerait dans le cas des personnes qui ont une double citoyenneté et mènent des activités hostiles aux intérêts nationaux du Canada. Le gouvernement pourrait retirer la citoyenneté à des personnes qui ont une double citoyenneté et la refuser à des résidents permanents qui ont fait partie d'une force armée ou d'un groupe armé organisé engagés dans un conflit armé avec le Canada ou condamnés pour terrorisme, haute trahison ou certaines infractions d'espionnage, selon la peine imposée.

Aux termes de la loi actuelle, nous pouvons révoquer la citoyenneté pour fraude en matière de résidence et pour fausses déclarations.

Jusqu'à l'adoption du projet de loi C-24, nous ne pouvons pas la révoquer si quelqu'un nous a caché un crime, un crime de guerre ou une violation majeure des droits de la personne dont il s'est rendu coupable antérieurement. Le projet de loi nous accordera ce pouvoir, si nous pouvons prouver que les faits se sont produits avant que la demande ne soit faite, si bien qu'il y a fraude.

Une autre disposition parmi les plus chaudement discutées du projet de loi C-24 est celle qui révoque la citoyenneté de personnes qui ont une double citoyenneté qui ont été membres d'une force armée ou d'un groupe armé organisé engagés dans un conflit armé avec le Canada, comme ce serait le cas pour les résidents permanents qui ont fait la même chose.

En des termes simples, ceux qui trahissent le Canada ou qui prennent les armes contre une force armée au Canada renonceraient à leur droit de détenir la citoyenneté canadienne.

Comme le ministre Alexander l'a signalé au comité, avant 1977, il existait un certain pouvoir à cet égard, mais les modifications de 1977 l'ont fait disparaître. Le ministre a fait observer que, selon lui, le seul autre pays de l'OTAN qui ne soit pas doté de ce pouvoir est le Portugal.

En démocratie, ces pouvoirs dissuasifs sont normaux, mais ils sont rarement utilisés. Qu'on ne s'y trompe pas, toutefois : ils sont nécessaires. Ils servent d'avertissement. Si on traite à la légère l'allégeance au Canada et à ses institutions, le prix à payer sera très élevé. Comme le ministre Alexander l'a affirmé, ce sont là des mesures d'une importance historique; modérées selon nous, et populaires d'après notre expérience.

Le député ministériel Devinder Shory a joué un rôle déterminant en proposant l'idée de révocation, et il a fait un sondage d'opinion à ce sujet. Jusqu'à 80 et 90 p. 100 des Canadiens croyaient que nous devrions pouvoir révoquer la citoyenneté dans ces cas extrêmes.

Encore une fois, je laisse les derniers mots au ministre Alexander, qui a déclaré ce qui suit :

Seuls quelques cas d'espionnage ou de trahison surviennent au Canada tous les 10 ans, mais ces mesures vont nous aider à garantir qu'ils n'augmenteront pas à l'avenir.

Le ministre a parfaitement raison. Ce pouvoir dissuasif prévu dans le projet de loi C-24 fera en sorte, espérons-le, que le nombre de ces cas reste minime.

Quant à l'application régulière de la loi, il faut souligner que, avant même que la révocation ne soit envisagée, il faut qu'il y ait procès et que la personne soit reconnue coupable par un tribunal canadien. Tant que cela n'a pas eu lieu, la révocation est impossible.

Les critiques du projet de loi affirment aussi qu'il n'est pas conforme à la Charte canadienne des droits et libertés, mais le ministre Alexander a déclaré au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de l'autre endroit : « [...] mon collègue le ministre de la Justice et moi avons révisé ce projet de loi sur le plan de sa constitutionnalité. Nous croyons que ce projet de loi respecte complètement les exigences de notre Constitution. » Le gouvernement a l'assurance que les mesures proposées résisteront à tout examen à la lumière de la Charte.

Ces réformes raisonnables feront en sorte que la citoyenneté canadienne demeure un privilège hautement prisé, réservé à ceux qui le méritent et l'ont gagné.

J'exhorte mes honorables collègues à appuyer ces mesures nécessaires et à faire en sorte que le projet de loi C-24 soit rapidement adopté.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : La sénatrice Eaton accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Eaton : Avec plaisir.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie du travail que vous avez consacré à ce projet de loi et je tiens aussi à vous remercier de ce que vous avez dit.

Les communautés que je représente sont vraiment inquiètes. Sur le terrain, on a l'impression qu'une fois qu'on est devenu citoyen, si, pour quelque raison que ce soit, comme le sénateur Eggleton l'a dit, on a l'occasion d'étudier à l'étranger et qu'on part pour quelques années, on risque de perdre sa citoyenneté. Vous avez clairement énoncé ce que le ministre a dit.

Malheureusement, je n'étais pas à l'audience. Il serait utile que vous nous disiez comment a pu apparaître cette impression, cette crainte de perdre la citoyenneté.

La sénatrice Cordy : C'est ce qui se trouve dans le projet de loi.

La sénatrice Eaton : Je remercie ma collègue. J'ignore comment cette impression est apparue, mais c'est un cas singulier. Mais le ministre a dit très clairement — de même que Nicole Girard, l'avocate qui a participé à la rédaction du projet de loi — que cela signifie simplement que, lorsque quelqu'un remplit la demande, il déclare qu'il a l'intention de résider au Canada.

(1450)

Comme vous le savez, toutes les demandes de citoyenneté sont vérifiées. Cela fait partie de la procédure destinée à s'assurer qu'elles sont complètes. Si le demandeur a l'intention de résider au Canada, la demande fait partie des conditions. Toutefois, une fois que le demandeur a obtenu la citoyenneté, il est aussi libre que vous et moi d'aller où il veut.

La sénatrice Jaffer : Puis-je poser une autre question?

Sénatrice, dans mon autre vie, je remplissais de nombreux formulaires. D'après les explications que vous venez de donner, si on est résident permanent, on remplit une déclaration et, si on est absent, on remplit un formulaire de résident de retour pour dire qu'on a l'intention de rester dans le pays. Lorsqu'on présente une demande de citoyenneté, il faut évidemment dire — nous l'aurions nous-mêmes exigé — qu'on veut s'établir au Canada.

Mais pourquoi y aurait-il confusion? Une fois qu'on est citoyen, on devrait avoir la possibilité de voyager. Quand je lis le projet de loi, je trouve le libellé déroutant : il dit que si on veut devenir citoyen et qu'on se trouve hors du pays, on peut perdre sa citoyenneté. Est-ce une chose que vous ont dite les gens que vous écoutiez?

La sénatrice Eaton : Non, sénatrice Jaffer. J'en ai entendu parler par mes collègues, la sénatrice Cordy et le sénateur Eggleton. De plus, certaines personnes qui travaillent beaucoup dans ce domaine, des avocats de l'Association du Barreau, ont attiré mon attention sur cette question.

Je crois que c'était pour établir très clairement les conditions car, comme vous le savez — et vous devez le savoir mieux que moi —, il n'était pas nécessaire d'être physiquement au pays pour obtenir la résidence permanente ou la citoyenneté. Maintenant, il faut avoir été présent dans le pays quatre années sur six.

Cette condition a été prescrite pour attirer l'attention des gens sur le fait que nous voulons, pour qu'ils soient admissibles à la citoyenneté, qu'ils vivent ici et qu'ils fassent partie de leur collectivité. On ne peut plus remplir un formulaire, puis aller passer huit mois par an dans un autre pays.

Je ne peux pas me mettre à la place d'un autre et deviner ce qu'il peut ressentir, mais j'ai été rassurée quand j'ai entendu le ministre et son avocate donner ces explications. De toute évidence, les deux en avaient discuté avec le ministre de la Justice, qui avait très soigneusement étudié cette question.

Je regrette, mais je ne peux pas vous en dire davantage.

La sénatrice Jaffer : Sénatrice, merci beaucoup pour ces explications. Je vous en suis reconnaissante.

J'ai souvent comparu devant les tribunaux dans des affaires de citoyenneté. Je comprends la condition voulant qu'on ait résidé dans le pays pendant quatre ans. En réalité, cela était le cas depuis des années. Ce n'est pas nouveau.

Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est de savoir si le projet de loi résistera à une contestation en vertu de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

La sénatrice Eaton : Je peux seulement dire que, si nous adoptons ce projet de loi, les gens qui le voudront pourront contester ce texte en vertu de la Charte. Je répète cependant que le ministre et ses avocats ainsi que le ministre de la Justice sont persuadés que le projet de loi est conforme à la Charte.

L'honorable Jane Cordy : Acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Eaton : Avec plaisir.

La sénatrice Cordy : Je vous ai peut-être mal entendue, mais j'ai eu l'impression que vous avez dit que le sénateur Eggleton et moi sommes les seuls à vous avoir parlé de l'intention de résider au Canada.

La sénatrice Eaton : Non, j'ai mentionné les avocats et le barreau. J'ai parlé des avocats et des témoins.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, si vous avez l'impression que vous avez entendu la sénatrice Eaton et moi aborder ce sujet, vous avez parfaitement raison. Cela fait seulement deux jours. En fait, le projet de loi est arrivé pour la première fois de la Chambre des communes lundi. Mardi, nous avons eu la deuxième lecture. Mardi soir, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie s'est réuni pour l'étude article par article. Hier, le président du comité a présenté son rapport au Sénat, et nous voilà aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture. C'est assez rapide pour vous? La semaine précédente, nous avions consacré trois jours à une étude préliminaire. Que personne ne dise jamais que le Sénat a été lent dans le traitement de ce projet de loi.

En fait, si vous cherchez de la lenteur dans cette affaire, vous la trouverez du côté des Communes. Le projet de loi a, en fait, été déposé aux Communes le 6 février de cette année. Il a été mis de côté pendant trois mois avant de passer à l'étape de la deuxième lecture. Par conséquent, nous sommes passés tout à coup d'une grande lenteur à une grande hâte parce qu'il faut adopter le projet de loi avant l'ajournement de l'été.

Je crois que c'est vraiment malheureux, pour au moins une des raisons évoquées jusqu'ici au cours du débat à l'étape de la troisième lecture, soit la probabilité — je dirais presque la certitude après avoir lu la lettre de Rocco Galati — que cette mesure sera contestée devant les tribunaux et ira probablement jusqu'à la Cour suprême du Canada à cause de violations possibles de la Charte des droits et libertés et de la Constitution.

Comme l'a dit la sénatrice Eaton, les fonctionnaires et le ministre nous ont donné l'assurance que le projet de loi est conforme à la Constitution. Quand avons-nous entendu cela pour la dernière fois? En fait, nous l'avons entendu à plusieurs reprises, et les résultats ne sont pas très concluants d'après les décisions rendues par la Cour suprême, par exemple au sujet du Sénat et de la non-nomination. Ce ne sont que deux exemples des erreurs commises.

Le sénateur Mercer : Une fois de plus.

Le sénateur Eggleton : La sénatrice Eaton a également parlé du contexte plus large dans lequel le ministre a situé cette question. Le ministre a dit ceci, le ministre a dit cela, il avait telle intention ou telle autre.

Vous voulez savoir à quoi vous en tenir? Eh bien, les ministres vont et viennent. L'actuelle Loi sur la citoyenneté a duré près de 40 ans. Si celle-ci ne dure que la moitié de ce temps, nous aurons vu plusieurs ministres et peut-être plusieurs gouvernements de différents partis.

Comment pouvons-nous nous fier à ce que le ministre a dit, compte tenu de ce qu'a mentionné la sénatrice Eaton? De toute façon, ce n'est pas le ministre qui est en cause.

La sénatrice Cordy : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : C'est la loi. C'est ce qui figure dans le projet de loi. Voilà ce qui compte. Ce texte durera plus longtemps que de nombreux ministres et de nombreux gouvernements.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Eggleton : La première question que nous avons abordée dans un amendement présenté au comité — la sénatrice Eaton en a également parlé — était la disposition concernant l'intention de résider au Canada.

À la fin de ces observations, je proposerai encore les amendements que j'avais présentés au comité. Il y en avait quatre.

Le premier traitait de l'intention de résider au Canada. La sénatrice Eaton dit qu'il faut avoir résidé dans le pays quatre années sur six — oui, quatre sur six — et au moins la moitié de l'année, soit 183 jours, dans chaque année pour pouvoir devenir citoyen.

Cela ne fait pas partie de mon amendement, même si je n'aime pas particulièrement le fait que nous passons de trois à quatre ans. Depuis 1977 jusqu'ici, il fallait attendre trois ans pour obtenir la citoyenneté. Nous disons maintenant qu'il faut attendre plus longtemps.

Par conséquent, il faut avoir été présent quatre années sur six et, ensuite, il faut aussi indiquer qu'on a l'intention, si on obtient la citoyenneté — vous trouverez cela la page 11 du projet de loi —, de continuer à résider au Canada. La sénatrice Eaton dit : « Oh, ne vous inquiétez pas de cela. Ce n'est pas ce que dit le ministre Alexander, qui affirme qu'on est libre d'aller où on veut. »

On est libre, comme n'importe quel Canadien. Si vous travaillez pour une société qui vous dit que vous devrez aller à Londres, à Berlin ou ailleurs pendant cinq ans, si vous décidez d'aller obtenir un diplôme à Oxford ou dans un autre établissement, si votre père ou votre mère sont malades dans votre pays d'origine et ont besoin de votre présence pendant quelques années vers la fin de leur vie, la sénatrice dit que vous êtes libre d'y aller.

C'est peut-être bien le cas. Je ne m'attendrais pas à ce qu'on fasse des difficultés à quiconque dans un cas de ce genre, mais il y a là une disposition selon laquelle si vous faites une fausse déclaration, vous risquez de vous faire retirer votre citoyenneté.

(1500)

J'ai entendu M. Alexander demander pourquoi, dans le cas où quelqu'un fait une fausse déclaration, nous voudrions maintenir la citoyenneté de gens qui n'ont pas l'intention de rester au Canada. Il existe une possibilité.

Si quelqu'un se rend à l'étranger pour une longue période, qu'arrivera-t-il si un bureaucrate trop zélé décide de mettre un processus en branle? Tout ce qu'il a à faire, c'est obtenir une lettre, vraisemblablement signée par le ministre, qui dirait : « Nous allons révoquer votre citoyenneté. Vous avez 30 jours pour répondre et vous ne pouvez pas en appeler devant les tribunaux, sauf dans le cas d'une révision judiciaire », qui est un processus juridique complexe. Cette situation peut créer tout un émoi.

En fait, certains avocats qui ont témoigné devant le comité ont dit qu'ils pourraient difficilement conseiller à leurs clients de quitter le pays pour quelque période de temps que ce soit, pour trois ou cinq ans par exemple, parce que, selon eux, il est toujours possible que cette situation soit perçue comme une fausse déclaration quant à l'intention dont il est question dans cette disposition, et cela pourrait enclencher un processus de révocation.

Peut-être que cela n'arrivera pas. En fait, cela n'arrivera probablement pas. M. Matas, qui représente B'nai Brith, a déclaré ne pas affirmer qu'il y aura des abus, mais que la possibilité existe. Nous devons être prudents à cet égard.

Lorne Waldman, un des avocats qui ont témoigné devant le comité, a une grande expertise du domaine. Il plaide des causes de citoyenneté et d'immigration depuis des années. Voici ce qui arrivera selon lui si le projet de loi est adopté :

Il y aura donc deux classes de citoyens : ceux qui sont nés ici et qui sont libres de voyager et d'accepter des postes à l'étranger, et les autres qui seront privés de cette liberté.

Il dit que si vous êtes né ici, vous pouvez aller vivre à l'étranger durant 10 ou 15 ans, ou aussi longtemps que vous le souhaitez. Vous pouvez faire ce que vous voulez. Toutefois, si vous êtes un citoyen naturalisé, cet article sur l'intention de résider et la fausse déclaration va donner à plusieurs l'impression que le principe d'égalité auquel nous nous attendons et que nous chérissons relativement à la citoyenneté canadienne n'est pas respecté. Peu importe que nous soyons naturalisés ou nés ici, nous sommes tous des citoyens égaux.

Je vais proposer un amendement afin de supprimer les articles qui traitent de l'intention de résider. Jetons un coup d'œil à l'exigence relative à la résidence, qui passera de quatre à six ans. À mon avis, cette condition indique clairement qu'une personne veut devenir un citoyen de notre pays, et non pas se servir de la citoyenneté uniquement à des fins opportunistes, comme le craint la sénatrice Eaton. Cela semble raisonnable, mais je pense que cet article sur l'intention de résider crée un problème qui va mener à une contestation constitutionnelle parce qu'il établit deux classes de citoyens. Il crée une citoyenneté à deux niveaux.

Le deuxième amendement que j'ai proposé en comité vise les tests de langue. Le projet de loi prévoit que ces tests qui, jusqu'à maintenant, visaient les personnes âgées de 18 à 55 ans, s'appliqueront désormais aux personnes âgées de 14 à 64 ans. Les plus jeunes n'ont jamais été inclus parce qu'on présume qu'ils vont arriver au Canada, s'intégrer au système d'éducation et apprendre la langue assez rapidement. Je ne crois pas que leur cas pose un gros problème. Ma préoccupation est liée aux gens plus âgés.

Le fait d'imposer un test de langue aux personnes âgées de 55 à 65 ans signifie qu'un grand nombre de parents ou de grands-parents, c'est-à-dire de personnes plus âgées qui viennent ici et qui veulent obtenir la citoyenneté canadienne, vont devoir passer ce test, qui est le NCLC de niveau 4. C'est un test oral et écrit. Jusqu'à maintenant, les personnes de ce groupe d'âge n'étaient pas tenues de passer ce test. Or, je pense que cette nouvelle exigence va décourager un grand nombre de demandeurs. Ceux-ci n'ont pas tous une grande compréhension de la langue, et leur degré d'alphabétisation varie.

Je connais beaucoup de personnes qui sont venues au Canada après la Seconde Guerre mondiale. On se demande comment elles auraient pu venir au Canada si la disposition relative à la révocation pour avoir été engagé dans un conflit armé avec le Canada avait existé. Après la Seconde Guerre mondiale, nous avons accueilli des immigrés de l'Europe ravagée par la guerre. Plusieurs d'entre eux étaient originaires de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Autriche, des pays ennemis, mais nous avons reconnu qu'ils avaient fait ce qu'ils considéraient être leur devoir envers leur pays. Nous ne leur en avons pas tenu personnellement rigueur et ne les avons pas empêchés d'obtenir la citoyenneté. Or, ce projet de loi prévoit une disposition qui les en empêchera.

Je connais beaucoup de gens qui sont venus au Canada durant les années où j'ai siégé à la Chambre des communes et à la Ville de Toronto, comme conseiller et maire, qui sont aujourd'hui de fiers citoyens canadiens. Il y avait beaucoup de familles d'immigrants d'Italie et d'autres pays qui voulaient faire partie du Canada et élever leur famille ici. Ils étaient un peu plus âgés et ne maîtrisaient pas très bien la langue. Plusieurs d'entre eux sont devenus des ouvriers et ont exercé des métiers manuels. On pouvait discuter un peu avec eux, mais ils ne maîtrisaient probablement pas assez bien la langue pour passer un examen écrit et oral. Je pense qu'il serait honteux de décourager ce genre de personnes.

En plus, il y a les réfugiés. Voici un exemple qu'a donné l'un des témoins :

Beaucoup de femmes se remettent d'une situation où elles étaient vulnérables. Elles arrivent peut-être d'un camp de réfugiés. Elles ont peut-être été torturées. Quoi qu'il en soit, le Canada leur a offert sa protection. Or, on ne peut pas s'attendre à ce que ces personnes qui ne savent peut-être même pas comment lire et écrire dans leur langue maternelle apprennent une langue officielle et réussissent un examen écrit. Selon nous, c'est aussi inutile qu'injuste.

J'ai proposé l'amendement, qui a été rejeté. Je le proposerai encore une fois aujourd'hui pour que l'on rétablisse les exigences relatives à l'âge qui étaient prévues dans la loi de 1977. J'estime qu'elles sont plus raisonnables.

Le troisième amendement a trait à la période de résidence requise avant de devenir résident permanent. Il vise les étudiants qui viennent au pays de même que les gens qui sont des aides familiaux résidants, dont plusieurs vivent avec des familles et en apprennent beaucoup sur le Canada et sur ses coutumes. Nous leur permettions jusqu'ici de compter 50 p. 100 de leur temps passé ici dans le calcul des trois années de résidence requises. Ils peuvent obtenir un crédit d'un an et l'appliquer à la période de résidence de trois ans, maintenant passée à quatre ans, qu'ils doivent passer au pays avant d'obtenir leur citoyenneté.

Nous avons entendu beaucoup de témoins dire que nous sommes dans un marché mondial concurrentiel où nous nous disputons les meilleurs éléments, que nous parvenons à attirer en grande partie en accueillant des étudiants. C'est ce que nous préconisons.

En fait, parmi les personnes qui m'ont écrit, un Torontois a indiqué que cette disposition désavantagerait un groupe en particulier : la catégorie de l'expérience canadienne. Il disait que les étudiants étrangers arrivent à un très jeune âge, grandissent, se bâtissent une carrière, rencontrent leur partenaire de vie, paient des impôts et travaillent au Canada. Pourquoi devrait-on désormais déprécier cet attachement? Nous essayons d'attirer de bons citoyens, les meilleurs éléments. Pourquoi dire maintenant : « Eh bien, nous allons vous retirer les crédits que nous vous accordions auparavant »? Cela est illogique et va à l'encontre de ce que l'ancien ministre a dit. Jason Kenney a déclaré ceci :

C'est ce genre de jeunes brillants que nous tentons de recruter [...] des données qui indiquent que les immigrants plus jeunes, les personnes qui possèdent un niveau supérieur de compétences linguistiques et les titulaires de grades et de diplômes canadiens, ont tendance à obtenir de meilleurs résultats au cours de leur vie au Canada.

Nous disons maintenant à ces personnes que nous n'allons plus les encourager. Nous allons supprimer cette disposition.

L'amendement no 4 porte lui aussi sur les tribunaux et le processus d'appel, dans le cas d'individus qui sont des criminels, qui ont été reconnus coupables de trahison, d'espionnage ou de terrorisme. La sénatrice Eaton dit qu'ils devront être reconnus coupables par un tribunal canadien. Je regrette, mais le projet de loi dit que si vous êtes reconnu coupable de terrorisme dans un autre pays et que l'on vous impose une peine de cinq ans d'emprisonnement cela pourrait entraîner la révocation de votre citoyenneté canadienne.

En fait, même des personnes nées au Canada pourraient voir leur citoyenneté révoquée en vertu de ces dispositions. Si ces personnes ont la double citoyenneté, si elles détiennent la citoyenneté d'un autre pays, elles pourraient être expulsées vers ce pays.

(1510)

Le ministre a dit : « Oui, c'est vrai, mais si ces personnes disent qu'elles ne veulent pas de leur citoyenneté, elles la révoquent, elles y renoncent et il n'y a pas de problème. » Toutefois, certains pays qui accordent la citoyenneté à des enfants — des fils, des filles et des petits-enfants — ne révoquent pas la citoyenneté. Ils n'y touchent pas. Une fois que vous devenez un ressortissant d'un de ces pays, vous l'êtes pour toujours. Par conséquent, même une personne née au Canada pourrait être expulsée vers un tel pays.

À l'heure actuelle, il y a aussi le cas de Mohamed Fahmy devant les tribunaux égyptiens, auquel j'ai fait allusion l'autre jour. Cet homme est à la fois Égyptien et Canadien. Il détient la double citoyenneté. C'est un journaliste canadien qui a été accusé de terrorisme. Il ne semble guère y avoir de preuves pour étayer cette accusation, mais il n'en demeure pas moins qu'il pourrait être reconnu coupable. Il pourrait se voir imposer une peine d'emprisonnement en Égypte. Ce qui est sûr, c'est qu'il est détenu depuis un long moment. Que va-t-il lui arriver? Le ministre peut bien dire : « Oh, non, nous allons examiner ce dossier et nous assurer que les règles sont aussi bonnes en Égypte qu'au Canada, ou qu'elles sont raisonnables. » Cependant, encore une fois, ce sont uniquement les paroles du ministre. La situation de cette personne demeure très incertaine. Or, à mon avis, ce n'est pas une bonne chose que notre citoyenneté baigne dans un climat d'incertitude.

La situation serait tout à fait différente s'il s'agissait d'un journaliste du nom de John Smith, qui serait né au Canada et qui n'aurait absolument aucun lien avec un autre pays. Même s'il était reconnu coupable de terrorisme, cela ne changerait rien : il pourrait quand même revenir au Canada. C'est là une autre illustration de l'existence de deux classes de citoyens, de deux niveaux de citoyenneté.

Je ne propose pas d'amendement visant à supprimer ces activités criminelles. La sénatrice Eaton a aussi dit que, si la personne est reconnue coupable, elle doit l'être par un tribunal canadien. Il est évident que cette déclaration est inexacte. Une personne peut être reconnue coupable d'un acte de terrorisme par une autre cour. Il y a aussi d'autres accusations. Toutefois, ce que le ministre recommande, c'est de bannir ces personnes, ce qui équivaut à imposer une deuxième punition qui s'ajoute à la première. La personne se voit d'abord imposer une première punition relativement à l'un des actes criminalisés. On se demande d'ailleurs pourquoi le projet de loi mentionne uniquement ces actes criminalisés. Il y aurait peut-être lieu d'ajouter le meurtre ou d'autres crimes. Robert Pickton est-il un meilleur citoyen canadien que certains de ces individus? Je ne sais pas. Qui sait? Peut-être la liste sera-t-elle rallongée un jour.

Quoi qu'il en soit, c'est une deuxième punition qui, en outre, est très sévère, puisqu'elle peut entraîner l'expulsion. Dans bien des cas, cela signifie aller dans un pays que la personne ne connaît pas, ou aller dans un pays où sa sécurité pourrait être compromise.

Je dis simplement que si cela se produit il faut absolument que la personne ait la possibilité d'être entendue par une tierce partie, par une personne autre que le ministre ou les bureaucrates, afin de déterminer si elle devrait ou non se voir retirer sa citoyenneté. Il doit y avoir un processus d'appel devant un tribunal, comme c'était le cas par le passé. Il n'y a rien du genre ici. Il y a seulement le critère juridique lié à une erreur de droit, qu'on appelle le « contrôle judiciaire » dans le projet de loi. Ce processus n'inclut pas d'audiences. En fait, il faut d'abord obtenir l'autorisation du tribunal. Or, la Cour fédérale n'accorde une telle autorisation que dans 15 p. 100 à 20 p. 100 des cas.

Par conséquent, vous devez d'abord espérer obtenir l'autorisation requise. Si on vous accuse alors d'avoir une double nationalité, il vous faut prouver que c'est faux. C'est un cas d'inversion du fardeau de la preuve. Les gens doivent surmonter tous les obstacles juridiques possibles. Ils ne peuvent pas présenter de nouveaux éléments de preuve; ils ne peuvent pas invoquer de motifs d'ordre humanitaire. Il ne s'agit donc pas du processus d'appel complet auquel les Canadiens voudraient que nous leur permettions d'avoir recours, selon l'ordre normal des choses. Je proposerai donc cet amendement dans quelques instants.

J'ai fait une observation au comité sur les droits à acquitter. On les a doublés. Nous voulons que vous soyez citoyen canadien, mais nous avons doublé les droits à acquitter. En effet, il en coûtera 1 400 $ pour une famille de deux adultes et trois enfants. Les personnes à faible revenu et les réfugiés auront beaucoup de mal à trouver cette somme. Je remercie d'ailleurs le comité d'avoir ajouté, à ma demande, cette observation. Les droits à acquitter peuvent être coûteux pour les familles à faible revenu, et je voulais ainsi demander au ministre de créer une procédure de réduction ou d'annulation des droits à acquitter à l'intention des résidents permanents à faible revenu qui présentent une demande de citoyenneté. Je remercie le comité d'avoir accepté d'ajouter cette observation.

Pour les raisons que je viens de donner — des raisons qui ne sont pas seulement fondées sur les déclarations du ministre, mais aussi sur le droit —, je propose maintenant les quatre amendements suivants.

Motions d'amendement

L'honorable Art Eggleton : Voici donc le premier amendement, qui porte sur l'intention de résider au Canada :

Que le projet de loi C-24, à l'article 3, soit modifié :

a) par suppression des lignes 11 à 26, page 11.

b) par suppression des lignes 26 et 27, page 14.

Le deuxième amendement porte sur l'âge d'admissibilité au test linguistique :

Que le projet de loi C-24, à l'article 3, soit modifié :

a) par substitution, à la ligne 27, page 11, de ce qui suit :

« d) si elle a moins de cinquante-cinq ans à la date de sa ».

b) par substitution, à la ligne 30, page 11, de ce qui suit :

« e) si elle a moins de cinquante-cinq ans à la date de sa ».

Ces amendements visent en fait à rétablir ce qui se trouve dans la Loi sur la citoyenneté en ce qui concerne les tests de langue.

Voici l'amendement no 3 :

Que le projet de loi C-24, à l'article 3, soit modifié par adjonction, après la ligne 4, page 12, de ce qui suit :

« (1.011) Pour l'application de l'alinéa (1)c), il est compté un demi-jour de présence effective au Canada pour chaque jour de résidence au Canada de la personne avant son admission à titre de résident permanent. ».

C'est exactement comme ce qui se trouve dans la loi actuellement. Cet amendement vise ceux qui vivaient ici avant d'obtenir leur résidence permanente, comme les aides familiaux résidants, les étudiants, et cetera.

Enfin, à l'amendement no 4 :

Que le projet de loi C-24, à l'article 8, soit modifié par adjonction, après la ligne 5, page 25, de ce qui suit :

« 10.61 Est susceptible d'appel devant la Cour fédérale la décision du ministre prise aux termes de l'article 10. ».

Je vous remercie, chers collègues.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Non? Poursuivons le débat, alors.

L'honorable Jane Cordy : J'aimerais parler du projet de loi, Votre Honneur.

Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui parler brièvement du projet de loi C-24. J'aimerais d'abord remercier la sénatrice Eaton d'avoir fait son travail et d'avoir présenté le projet de loi de son gouvernement. J'aimerais aussi remercier le sénateur Eggleton d'avoir aussi bien su analyser cette mesure législative et d'avoir cherché à l'améliorer en proposant des amendements judicieux.

Beaucoup de dispositions de ce projet de loi ont mon appui; il y en a certaines autres, par contre, qui ont suscité de sérieuses réserves lors de l'étude menée par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. De nombreux Canadiens m'ont aussi appelée ou écrit pour me dire qu'ils s'inquiètent des répercussions que ce projet de loi aura sur eux. Si ces dispositions demeurent inchangées, elles auront un effet dévastateur sur les gens une fois qu'elles seront en vigueur. Au fond, le projet de loi C-24 créera des obstacles inutiles à l'acquisition de la citoyenneté et rebutera beaucoup de personnes, qui n'envisageront même plus la citoyenneté canadienne. Selon moi, honorables sénateurs, ce serait là une situation déplorable.

(1520)

Une des préoccupations soulevées à plusieurs reprises par les témoins qui ont comparu devant notre comité, et par ceux qui ont communiqué avec moi, est la nouvelle exigence selon laquelle l'auteur d'une demande de citoyenneté canadienne doit démontrer qu'il a l'intention de résider au Canada. Si le demandeur ne parvient pas à démontrer de façon satisfaisante qu'il a l'intention de résider au Canada, il se verra refuser la citoyenneté. Certains se sont demandé, non sans un certain scepticisme, comment cette exigence sera administrée par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, sachant qu'une telle intention serait impossible à déterminer. D'autres encore ont exprimé certaines réserves au sujet de la constitutionnalité de cette disposition.

J'aimerais vous lire un extrait d'un courriel que j'ai reçu de la part d'un monsieur qui a exprimé des inquiétudes à l'égard du projet de loi C-24. Il écrit ce qui suit :

La nouvelle loi portera atteinte à la liberté de circulation et placera tous les citoyens naturalisés sous la menace tacite d'une révocation de leur citoyenneté, parce qu'elle permettra aux fonctionnaires de les dépouiller de leur citoyenneté s'ils estiment que la personne n'a jamais eu l'intention de vivre au Canada — par exemple si on décide d'étudier, de travailler ou de vivre avec un conjoint à l'extérieur du Canada. À l'opposé, les citoyens de naissance n'ont jamais à s'inquiéter de l'éventualité que le temps passé à l'étranger puisse mettre en péril leur citoyenneté. À mon avis, il est inconstitutionnel d'obliger les gens à indiquer leur intention de vivre au Canada s'ils obtiennent la citoyenneté, car une telle mesure établirait une distinction entre les citoyens naturalisés et les autres citoyens canadiens, et contreviendrait à la liberté de circulation qui est garantie par la Charte.

Les observations de ce monsieur mettent en évidence une autre crainte que partagent de nombreux Canadiens naturalisés : le risque que la disposition du projet de loi sur l'intention de résider au pays crée un climat de discrimination et confère un statut de citoyens de deuxième classe aux citoyens à double nationalité ou aux citoyens naturalisés en leur réservant un traitement différent. Honorables sénateurs, nous ne devrions pas avoir deux catégories de citoyens. Un Canadien, c'est un Canadien.

J'ai soulevé cette question avec le ministre lorsqu'il a comparu devant le comité. L'alinéa 3(1)(c.1) du projet de loi prévoit que la personne « a l'intention, si elle obtient la citoyenneté, [...] (i) de continuer à résider au Canada ». Elle a « l'intention, si elle obtient la citoyenneté » — donc après avoir obtenu la citoyenneté — « de continuer à résider au Canada ».

Je ne suis pas avocate, mais, à mon avis, cette disposition semble dire que, si le demandeur se voit accorder la citoyenneté canadienne, il doit obligatoirement rester au Canada. J'ai l'impression que cette disposition impose des restrictions aux citoyens canadiens naturalisés. Or, au comité, le ministre a affirmé que ce ne serait pas le cas et a donné l'assurance que la citoyenneté canadienne ne serait pas révoquée à ceux qui quittent le pays après l'avoir obtenue. Pour citer le ministre :

Les citoyens canadiens n'ont pas l'obligation de rester physiquement au Canada une fois qu'ils ont obtenu leur citoyenneté [...]

Or, lors de son témoignage, l'Association du Barreau canadien interprétait différemment l'exigence relative à l'intention de résider. Barbara Caruso, membre de l'exécutif, Section nationale du droit de l'immigration, a tenu les propos suivants :

Selon le ministre, ce qu'on fait après l'obtention de la citoyenneté canadienne n'a aucune importance puisque, en vertu de la Charte, les citoyens ont le droit à la liberté de circulation. Cependant, la citoyenneté canadienne peut être révoquée pour fausse représentation, et les déplacements ultérieurs à l'extérieur du Canada peuvent être invoqués pour prouver qu'il y a eu fausse représentation.

L'Association du Barreau canadien fait donc valoir que le ministre peut avoir recours à son pouvoir discrétionnaire unilatéral, s'il le juge nécessaire, pour retirer la citoyenneté à un Canadien si ce Canadien quitte le pays. Il peut agir ainsi sous prétexte que le demandeur a menti sur son intention de résider au Canada lors du processus de demande.

Si, comme le ministre l'affirme, l'exigence relative à l'intention de résider ne s'applique pas aux nouveaux citoyens canadiens, pourquoi cette disposition figure-t-elle dans le projet de loi? Pourquoi, au comité, les conservateurs ont-ils voté contre l'amendement du sénateur Eggleton visant à retirer du projet de loi cette disposition concernant l'intention de résider?

Nous avons entendu des avocats dire que, s'ils avaient des Canadiens naturalisés comme clients, ils leur diraient de ne pas sortir du pays avant qu'il y ait une jurisprudence en la matière. Si j'étais avocate et que je conseillais un Canadien naturalisé, c'est exactement ce que je lui dirais, quand je vois les dispositions de ce projet de loi.

Ces commentaires révèlent un autre point qui me préoccupe dans le projet de loi, à savoir, le pouvoir accru du ministre de révoquer plus facilement la citoyenneté. Pour des raisons techniques, le projet de loi permettra au ministre d'éviter le processus d'appel judiciaire en cas de révocation de la citoyenneté canadienne et il sera le seul — lui ou un fonctionnaire agissant en son nom — à pouvoir trancher dans ces cas. Les juges de la citoyenneté sont complètement retirés du circuit et les pouvoirs seront centralisés au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. J'aimerais lire un autre passage du courriel que j'ai lu tout à l'heure :

La nouvelle loi diminuera considérablement les droits à des recours et donnera aux représentants du gouvernement le pouvoir de révoquer la citoyenneté. En vertu de la loi actuelle, le gouvernement ne peut pas retirer la citoyenneté à une personne sans en faire la demande à un juge de la Cour fédérale. La nouvelle loi, cependant, accroît le pouvoir discrétionnaire du ministre de retirer la citoyenneté, supprime des droits d'appel et, dans la plupart des cas, remplace le droit à une audience devant un juge indépendant par une évaluation écrite faite par un bureaucrate sous les ordres du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Le but du projet de loi C-24 est de renforcer les politiques du Canada en matière de citoyenneté et c'est ce que feront bien des mesures dans le projet de loi. Il était d'ailleurs temps de modifier la Loi sur la citoyenneté du Canada. Toutefois, comme pour toute mesure législative, il y a toujours la possibilité de conséquences inattendues. Ce sont les articles où il y a des zones grises qui requièrent notre attention.

Étant donné le nombre de projets de loi qu'on nous demande d'adopter à toute vitesse, nous pouvons rarement mener d'examen complet. Ce projet de loi est arrivé au Sénat lundi et, bien que le comité ait effectué une étude préalable la semaine dernière, la majorité des sénateurs n'y ont pas participé. Quelle est l'urgence? Qu'en est-il de la conviction de sir John A. Macdonald selon laquelle le second examen objectif est la plus importante fonction du Sénat? Les ministres prétendent que leurs projets de loi sont fantastiques, qu'ils n'ont besoin d'aucun amendement. Ils continuent de faire preuve de mépris envers le processus législatif de notre démocratie; en effet, ils semblent trouver ce processus embêtant et balaient régulièrement du revers de la main les avis des Canadiens qui ne sont pas d'accord avec eux. Le gouvernement démontre sans cesse qu'il n'a que faire des opinions des autres, et il pense que le Sénat devrait adopter ses projets de loi aveuglément, et rapidement. Tout sénateur qui ose remettre en question des aspects d'un projet de loi ou proposer des amendements s'expose à des attaques partisanes de la part du ministre, comme celles qu'il a lancées durant l'étude en comité.

Le ministre Alexander a dit au comité qu'il ne révoquerait pas la citoyenneté d'un nouveau Canadien qui irait à l'étranger pour travailler ou étudier; tant mieux. Cependant, honorables sénateurs, que dire du prochain ministre? En effet, l'alinéa 3(1)c.1) du projet de loi, que je vais citer à nouveau, dit clairement : « [...] a l'intention, si elle obtient la citoyenneté, selon le cas : (i) de continuer à résider au Canada [...] ».

Honorables sénateurs, tous les Canadiens, pas seulement certains Canadiens, ont le droit à la liberté de mouvement. Comme le dit l'article 6 de la Charte : « Tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir. »

Honorables sénateurs, Rocco Galati, avocat spécialisé en droits de la personne, a dit qu'il demandera l'opinion de la Cour suprême sur la constitutionnalité du projet de loi, qu'il contestera lui-même s'il n'est pas modifié.

Honorables sénateurs, jusqu'à présent, il n'a pas été modifié, et ce, malgré les excellents amendements proposés au comité par le sénateur Eggleton, qu'a rejetés la majorité conservatrice au comité. Le projet de loi C-24 n'a pas été modifié malgré ce qu'ont dit les témoins au comité et malgré les lettres que nous ont envoyées les Canadiens. C'est vraiment malheureux, parce que nous sommes la Chambre de second examen objectif, et je crois que nous sommes responsables, en tant que sénateurs, d'examiner les projets de loi en profondeur.

(1530)

Pourquoi ne réparons-nous pas le projet de loi maintenant plutôt que de le renvoyer à la Cour suprême, à grands frais pour les contribuables canadiens?

Honorables sénateurs, ce projet de loi créera deux catégories de citoyens canadiens. Certains citoyens seront plus égaux que d'autres.

Ce projet de loi a été présenté sans grande consultation. Comme l'a dit le sénateur Eggleton dans le discours qu'il a prononcé à l'étape de la deuxième lecture, lorsqu'on a apporté des modifications d'envergure à la Loi sur la citoyenneté en 1977, on a produit un livre blanc et organisé des forums partout au pays. Toutefois, en 2014, le Sénat a reçu le projet de loi le 16 juin et veut qu'il soit adopté le 19 juin. Je crois qu'il est malheureux qu'un projet de loi d'une telle importance, qui sera presque certainement contesté devant les tribunaux, n'ait pas fait l'objet d'un second examen objectif digne de ce nom par le Sénat.

Certes, le projet de loi C-24 vise la mise à jour de certaines politiques du Canada en matière de citoyenneté, ce que j'appuie, mais je suis aussi préoccupée par certains éléments du projet de loi qui prévoient l'octroi de pouvoirs accrus et excessifs au ministre et au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Ce qui est aussi inquiétant, c'est la possibilité que le projet de loi soit discriminatoire et crée une deuxième classe de citoyens canadiens, sans oublier la constitutionnalité non vérifiée de certains articles.

Lorsqu'on l'a questionné au sujet des nouveaux obstacles du processus de demande de citoyenneté à l'occasion de son témoignage devant le comité de la Chambre des communes chargé d'étudier le projet de loi, Christopher Veeman, de l'Association du Barreau canadien, a dit ceci :

Il ne suffit pas de la rendre plus difficile à obtenir pour l'améliorer.

Honorables sénateurs, la citoyenneté canadienne est un grand privilège, qu'on soit né au Canada ou qu'on ait choisi d'en faire son pays. Il ne faut pas créer une seconde classe de citoyens canadiens.

Honorables sénateurs, je ne peux appuyer le projet de loi sans qu'y soient apportés les excellents amendements proposés par le sénateur Eggleton, qui feront du projet de loi C-24 un meilleur projet de loi.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Eggleton, avec l'appui de l'honorable sénateur Robichaud, propose que le projet de loi C-24 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 3 :

a) par suppression des lignes 11 à 26, page 11;

b) par suppression des lignes 26 et 27, page 14 [...]

Le sénateur Carignan : Suffit!

Son Honneur le Président : Qu'il soit également modifié, à l'article 3 :

a) par substitution [...]

Puis-je me dispenser de lire la suite?

Une voix : Oui.

Son Honneur le Président : Et qu'il soit également modifié, à l'article 3, par adjonction, après la ligne 4, page 12, de ce qui suit...

Puis-je me dispenser de lire la suite?

Une voix : Oui.

Son Honneur le Président : Et qu'il soit également modifié, à l'article 8, par adjonction, après la ligne 5, page 25, de ce qui suit...

Puis-je me dispenser de lire la suite?

Une voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever; les whips ont-ils une recommandation à faire?

La sénatrice Marshall : Une demi-heure.

Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant 30 minutes. Par conséquent, le vote aura lieu à 16 h 5. Convoquez les sénateurs.

(1600)

(Les motions d'amendement, mises aux voix, sont rejetées.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Hubley
Callbeck Jaffer
Campbell Lovelace Nicholas
Chaput Massicotte
Charette-Poulin McCoy
Cools Mercer
Cordy Merchant
Dawson Mitchell
Day Moore
Downe Munson
Dyck Ringuette
Eggleton Rivest
Fraser Robichaud
Furey Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif—30

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Mockler
Black Nancy Ruth
Boisvenu Neufeld
Buth Ngo
Carignan Ogilvie
Champagne Oh
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Eaton Raine
Enverga Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Frum Seidman
Gerstein Seth
Greene Smith (Saurel)
Housakos Stewart Olsen
Johnson Tannas
Lang Unger
LeBreton Verner
MacDonald Wallace
Maltais Wells
Marshall White—52

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Nolin—1

(1610)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte maintenant sur la motion de l'honorable sénatrice Eaton, appuyée par l'honorable sénateur Rivard :

Que le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent

Et deux sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs. Les whips ont-ils une recommandation à faire?

Le sénateur Munson : Maintenant.

Son Honneur le Président : Alors, nous passons au vote maintenant.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Mockler
Black Nancy Ruth
Boisvenu Neufeld
Buth Ngo
Carignan Ogilvie
Champagne Oh
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Eaton Raine
Enverga Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Frum Seidman
Gerstein Seth
Greene Smith (Saurel)
Housakos Stewart Olsen
Johnson Tannas
Lang Unger
LeBreton Verner
MacDonald Wallace
Maltais Wells
Marshall White—52

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Callbeck Lovelace Nicholas
Campbell Massicotte
Charette-Poulin McCoy
Cools Mercer
Cordy Merchant
Dawson Mitchell
Day Moore
Downe Munson
Dyck Ringuette
Eggleton Rivest
Fraser Robichaud
Furey Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif—29
Hubley

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Chaput Nolin—2

(1620)

Projet de loi interdisant les armes à sous-munitions

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-6, Loi interdisant les armes à sous-munitions, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du septième rapport du comité

Consentement ayant été accordé de revenir au dépôt de rapports de comités :

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le septième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui porte sur la Politique régissant les déplacements des sénateurs.

Dépôt du huitième rapport du comité

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le huitième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui porte sur une unité armée dans l'enceinte du Sénat.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Autorisation au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles d'étudier la teneur du projet de loi

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 18 juin 2014, propose :

Que, conformément à l'article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner l'objet du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel pour donner suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Procureur général du Canada c. Bedford et apportant des modifications à d'autres lois en conséquence, déposé à la Chambre des communes le 4 juin 2014, avant que ce projet de loi soit présenté au Sénat;

Que, pour les mois de septembre et octobre 2014 :

1) le comité soit autorisé à se réunir aux fins de cette étude, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

2) nonobstant l'article 12-18(2)a) du Règlement, le comité soit également autorisé à se réunir aux fins de cette étude, même si le Sénat est alors ajourné pour plus d'une journée, mais moins d'une semaine;

3) conformément à l'article 12-18(2)b)i) du Règlement, le comité soit également autorisé à se réunir aux fins de cette étude, même si le Sénat est alors ajourné pour plus d'une semaine;

Que, nonobstant les pratiques habituelles, le comité soit autorisé à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport sur cette étude si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à restructurer l'appel des articles de la rubrique « Autres affaires » et du Feuilleton des préavis pour la séance d'aujourd'hui

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5(j), je propose :

Que, lorsque le Sénat abordera les Autres affaires et le Feuilleton des préavis aujourd'hui, les points soient abordés dans l'ordre suivant :

A. Projets de loi d'intérêt public des Communes — troisième lecture : l'article no 1 (projet de loi C-489);

B. Projets de loi d'intérêt public du Sénat — rapports de comités : treizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, conformément à l'ordre donné plus tôt aujourd'hui;

C. Projets de loi d'intérêt public du Sénat — deuxième lecture : les articles nos 2 (projet de loi S-217), 3 (projet de loi S-208) et 5 (projet de loi S-214);

D. Projets de loi d'intérêt public des Communes — deuxième lecture : les articles nos 2 (projet de loi C-483), 3 (projet de loi C-479) et 4 (projet de loi C-501);

E. La motion no 71;

F. L'interpellation no 35 au Feuilleton des préavis;

suivis des autres points tels qu'ils apparaissent au Feuilleton et Feuilleton des préavis.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Code criminel
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Dagenais, appuyée par l'honorable sénateur McIntyre, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-489, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (conditions imposées aux délinquants).

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour aborder le projet de loi C-489, qui vise à procurer aux victimes de violence sexuelle la sécurité dont elles ont besoin pour se rétablir. J'aimerais remercier l'honorable député de Langley, en Colombie-Britannique, M. Mark Warawa, dont le projet de loi attire notre attention sur cet enjeu important. La réadaptation des victimes, particulièrement des victimes de violence sexuelle, devrait faire l'objet de plus de discussions tant ici qu'à l'autre endroit.

Honorables sénateurs, pendant ma carrière d'avocate, j'ai traité plusieurs cas de violence sexuelle. Je peux vous dire que ces situations nous brisent le cœur. Les victimes de violence sexuelle subissent un traumatisme grave dont bon nombre ne se remettent jamais complètement. En tant qu'avocate, je sais combien le bien-être et la réadaptation des victimes sont essentiels.

Du point de vue juridique, ces cas exigent beaucoup de doigté. Chaque cas est non seulement unique mais aussi tragique, puisque la plupart des victimes se font agresser par une personne qu'elles connaissent.

L'honorable Jim Munson : Monsieur le Président, il y a des sénateurs qui tiennent des conversations. Je sais qu'il reste environ 8 heures à la séance, mais j'aimerais entendre mes collègues. Merci.

La sénatrice Jaffer : En 2011, Statistique Canada a révélé que 88 p. 100 des agressions sexuelles sur des enfants ou des jeunes étaient commises par quelqu'un que la victime connaissait. De ce pourcentage, 50 p. 100 des agressions avaient été commises par un ami ou une connaissance et 38 p. 100 par un membre de la famille. Cette relation étroite entre la victime et le violeur ajoute un élément de complexité au crime. Il faut absolument adopter une approche globale dans ces cas-là.

Le projet de loi vise à ce qu'il soit moins probable que la victime croise le délinquant dans la vie de tous les jours. Le traumatisme vécu par la victime d'agression sexuelle est autant physique que psychologique et émotionnel. Bien souvent, le fait de revoir le délinquant pendant la période de guérison amènera la victime à revivre ses tourments, causant du coup angoisse et douleur.

(1630)

En interdisant au délinquant de se trouver à moins de deux kilomètres de la demeure de la victime, le projet de loi C-489 vise à aider la victime à se sentir en sécurité afin de favoriser le processus de rétablissement. Le délinquant ne doit ni se trouver à l'intérieur du périmètre établi, ni communiquer avec la victime par tout autre moyen. Si le juge décide de ne pas imposer ces restrictions, il doit indiquer que l'une des deux conditions suivantes a été remplie : la victime donne son consentement; des circonstances exceptionnelles sont en cause.

Honorables sénateurs, je m'inquiète des effets que ce projet de loi pourrait avoir sur le système judiciaire, ainsi que sur le pouvoir discrétionnaire de la magistrature. La directrice générale de la Société John Howard du Canada, Catherine Latimer, a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lorsque ce dernier a étudié ce projet de loi. Je cite son témoignage :

[…] il y a très peu de choses dans ce projet de loi que l'on ne peut pas déjà accomplir. Notre seule réserve, c’est qu'on y ajoute une exigence judiciaire dans laquelle il faudrait expliquer pourquoi les ordonnances de non-communication avec la victime ont été imposées. Nous croyons que cela pourrait ralentir un système judiciaire déjà surchargé alors que ce n'est pas véritablement nécessaire.

Puisque le cadre juridique actuel oblige déjà la cour à tenir compte des besoins des victimes, aux termes des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, concernant les libérations sous caution et les peines avec sursis, le projet de loi C-489 pourrait ne pas changer grand-chose à la loi actuelle.

Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire de la magistrature, je crains que le projet de loi C-489 n'empêche les juges de tenir compte de toutes les circonstances. Les cas où la victime a subi de la violence sexuelle sont très complexes. Le délinquant est habituellement un proche de la victime. Il est donc important de considérer tous les facteurs avant de prendre une décision.

Que des restrictions géographiques soient imposées ou non, les juges suivent déjà un cadre détaillé qui place le bien-être de la victime au centre des préoccupations. Le projet de loi C-489 semble permettre d'accroître la confiance de la population à l'égard du système judiciaire, mais il pourrait donner une fausse impression de sécurité.

Honorables sénateurs, nous savons que 88 p. 100 des actes de violence sexuelle à l'endroit des enfants et des jeunes sont le fait de membres de la famille, d'amis ou de connaissances. Les victimes hésitent à dénoncer les agresseurs à cause de leur relation étroite avec eux. La plupart souffrent en silence parce qu'elles craignent les peines sévères qui attendent les délinquants si elles signalent les agressions. L'imposition de conditions additionnelles peut décourager encore davantage les victimes d'aller de l'avant — surtout si le délinquant est le principal soutien financier de la famille.

Comme la dynamique familiale varie beaucoup, dans les cas de violence sexuelle, je crains que le projet de loi C-489 n'atteigne pas l'objectif visé. Pour les autres victimes —12 p. 100 —, qui ne connaissent pas leur agresseur, interdire au délinquant de se trouver à une distance donnée de l'endroit où la victime habite équivaut à révéler cet endroit. Cela ne pose peut-être pas de problème dans les grandes villes, mais dans les petites localités et les collectivités rurales, oui.

Le projet de loi C-489 a pour but de faire en sorte que la victime se sente en sécurité pour se remettre de l'expérience traumatisante qu'elle a vécue. Dans ces cas, cependant, il serait difficile, pour la victime, de se sentir à l'aise en sachant que le délinquant connaît le secteur où elle habite.

Il va sans dire que, pour pouvoir guérir, la victime doit se sentir en sécurité. Je crois toutefois que le projet de loi C-489 ne met pas l'accent à la bonne place. La réadaptation des victimes dépend de différents facteurs.

Aux premières étapes, le tribunal a certes un rôle à jouer pour assurer à la victime la sécurité dont elle a besoin, mais la réadaptation dépend aussi du système de soutien. Au Canada, d'excellents organismes s'emploient à soutenir les victimes.

La Société John Howard du Canada est un organisme de bienfaisance communautaire qui offre de nombreux programmes de soutien aux victimes d'actes criminels, notamment les enfants et les jeunes victimes de violence sexuelle, dont il est essentiellement question dans le projet de loi C-489. Voici ce qu'a déclaré la directrice générale de l'organisme, Catherine Latimer :

Je serais en faveur d'investir davantage dans les services aux victimes plutôt que de se contenter d'imposer des conditions supplémentaires. Je pense qu'un processus de guérison doit prendre place et il serait logique de l'appuyer.

Je suis de l'avis de Mme Latimer : qu'une victime en vienne à se sentir en sécurité lorsqu'elle est seule ne signifie pas qu'elle est entièrement remise de son épreuve. Puisque la loi actuelle prévoit déjà de l'aide pour la victime dans les premiers temps, il faut concentrer nos actions sur les organismes qui lui viennent en aide.

Honorables sénateurs, j'estime que le projet de loi C-489 vise un objectif louable et je suis ravie que la question revienne constamment sur le tapis. Cependant, je crois que nous devons concentrer nos efforts sur les organismes qui viennent en aide aux victimes, car ils sont les mieux à même de les aider à se remettre. Créer des attentes chez les victimes sans pour autant prévoir les ressources nécessaires serait cruel et les poserait en victimes de nouveau. Merci.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Projet de loi sur la Journée nationale du violon traditionnel

Adoption du treizième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Le Sénat passe à l'étude du treizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (Projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel), ainsi que d'un amendement, présenté au Sénat plus tôt aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Troisième lecture

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je propose, avec la permission du Sénat, que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.

Son Honneur le Président : La sénatrice Hubley a la parole pour ouvrir le débat à l'étape de la troisième lecture.

La sénatrice Hubley : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel. Depuis la présentation de cette mesure législative, en avril, je suis sans cesse renversée par l'immense appui qu'elle remporte parmi les sénateurs, tous partis confondus.

L'audience du comité qui s'est tenue hier soir sur le projet de loi était vraiment particulière. Dans le milieu artistique, on parlerait d'un happening. Un happening, c'est lorsque quelque chose est censé avoir lieu, mais que ce qui se produit dépasse largement les attentes. C'est exactement ce qui est arrivé hier soir. C'était vraiment une occasion festive.

Je veux remercier les nombreuses personnes qui m'ont aidé à rendre possible l'audience d'hier. Merci au président du comité, le sénateur Ogilvie, et aux membres, c'est-à-dire le vice-président du comité, le sénateur Eggleton, la sénatrice Seth, la sénatrice Cordy, le sénateur Enverga, la sénatrice Chaput, la sénatrice Eaton, la sénatrice Merchant, la sénatrice Nancy Ruth, et la sénatrice Seidman. Je remercie tout particulièrement la sénatrice Stewart Olsen, qui a coparrainé le projet de loi, de son enthousiasme et de son appui tout au long du processus.

Le sénateur Munson : Bravo!

La sénatrice Hubley : Je veux aussi remercier la greffière, Jessica Richardson, d'avoir pris des mesures tout à fait inhabituelles afin de rendre possible la tenue de cette audience.

Je remercie également les membres de mon personnel, Joanne Ghiz et Joel Tallerico, d'avoir fait des pieds et des mains afin que les danseurs à claquettes puissent faire une démonstration sur un plancher en contreplaqué. Leur capacité à transporter une feuille de contreplaqué de la scène de la fête du Canada, sur la Colline du Parlement, jusqu'à l'édifice Victoria ne fait pas partie de leur description de tâches, mais il ne faut jamais douter de leur capacité de trouver ce qu'il faut pour que tout se passe bien.

Les témoins entendus hier étaient remarquables. J'ai été ravie de pouvoir accueillir trois des meilleurs violoneux du Canada et un docteur en ethnomusicologie, qui sont venus donner leur appui au projet de loi.

L'une de ces personnes était Calvin Vollrath, de St. Paul, en Alberta. Calvin est reconnu pour son incroyable présence sur scène et sa capacité à soulever l'auditoire. C'est un véritable prodige de la musique. À ce jour, il a composé plus de 500 chansons et enregistré 60 albums.

Nous avons aussi accueilli Mme Sherry Johnson, qui a grandi en pratiquant la danse à claquettes et en jouant du violon. Mme Johnson est présentement professeure agrégée de musique à l'Université York. Sa thèse de doctorat en ethnomusicologie portait sur la question de savoir comment les violoneux qui participent aux concours de violon et de danses à claquettes dans le circuit ontarien ont conceptualisé la notion de « tradition ». En ce moment, elle travaille à deux projets. Le premier porte sur les liens entre la danse traditionnelle en Grande-Bretagne et en Irlande et celle de diverses régions du Canada, et le deuxième sur le rôle du violon et de la danse traditionnels dans le Nord du Canada.

(1640)

De Kingston, en Ontario, nous avons accueilli Kelli Trottier, qui est une championne du violon et de la danse traditionnels. Elle chante également et écrit des chansons, donne des spectacles et enseigne aux quatre coins du Canada. Elle a fait des tournées internationales avec le sensationnel ensemble à cordes Bowfire pendant neuf ans et elle a donné des spectacles pendant quatre tournées pour les soldats canadiens dans le Grand Nord et au Moyen-Orient.

De Moncton, au Nouveau-Brunswick, il y avait Ivan Hicks. Ivan, qui a 68 ans d'interprétation de la musique traditionnelle à son actif, est un violoneux lauréat connu dans toute l'Amérique du Nord pour sa contribution à la préservation et à la promotion du violon traditionnel. Son épouse, Vivian, se trouvait dans l'auditoire. Elle a accompagné Ivan au piano pendant des années.

La musique jouée par ces musiciens extraordinairement talentueux a été époustouflante. Et ils ont raconté de belles histoires pour illustrer l'importance du violon traditionnel dans leur pays.

Je voudrais vous rapporter une histoire que raconte Calvin Vollrath. Calvin a de nombreuses réalisations à son actif en violon traditionnel, mais il enseigne cet art. Il a enseigné au premier camp de violon traditionnel au Canada, à Emma Lake, en Saskatchewan, en 1988. En 1996, un jeune instituteur de Sherridon, au Manitoba, qui enseignait dans une école d'une seule classe à 24 élèves de la première à la huitième année, a pensé que ce serait extraordinaire de faire apprendre le violon traditionnel aux enfants.

L'instituteur n'avait pas de violon et ne savait pas en jouer, mais il savait beaucoup de choses sur ses élèves, qui venaient de foyers difficiles et avaient une vie compliquée. Il est allé au Emma Lake Fiddle Camp, a acheté un violon en route et a pris les cours de débutant. À la fin de la semaine, il s'est arrêté au même magasin d'instruments de Prince Albert, et il a acheté lui-même 24 violons pour pouvoir enseigner cet instrument aux jeunes du Nord du Manitoba. Après leur avoir enseigné pendant quelques mois, il a invité Calvin à venir donner un atelier, puis il a invité aussi un violoneux de Winnipeg.

La vie de ces jeunes a vraiment commencé à changer, et ce ne fut pas seulement grâce à la musique traditionnelle. L'enseignant emmenait aussi les jeunes jouer à différentes manifestations locales dans la région, ce qui a aidé les enfants à prendre confiance en eux et à acquérir des aptitudes sociales.

Les responsables d'autres écoles ont commencé à s'apercevoir de ce qui se passait et la Frontier School Division, dans le Nord du Manitoba, enseigne maintenant le violon traditionnel dans toutes ses écoles, à plus de 5 000 élèves. Un grand nombre de ces élèves ont ensuite enseigné le violon dans tout le Canada. Cet enseignant a vu là une occasion d'améliorer la vie de ses élèves au moyen du violon, et il a remporté un très grand succès.

Honorables sénateurs, pour moi, la Journée nationale du violon traditionnel est l'occasion pour les violoneux de rendre quelque chose à leur collectivité en offrant un divertissement et en mettant leurs talents à profit pour rendre les gens heureux, leur remonter le moral et célébrer la nature unificatrice de notre pays par la magie de la musique et l'universalité de ce bel instrument.

La Journée nationale du violon traditionnel est l'occasion non seulement de célébrer l'instrument qu'est le violon, mais aussi de célébrer cette musique elle-même, les hommes et les femmes qui lui donnent vie pour divertir, pour accompagner les réunions familiales, les réunions entre amis, les rassemblements communautaires. C'est l'occasion de célébrer notre culture unique et distincte qui trouve une expression si mélodieuse grâce au violon traditionnel.

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-218, sur la Journée nationale du violon traditionnel. Comme à mon intervention précédente, je serai très brève. Comme les membres du comité l'ont appris hier, il vaut mieux écouter les violons qu'en parler.

Je remercie les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et tous ceux qui travaillent au sein de ce comité. Ils ont été prêts à s'ouvrir à une façon différente d'exécuter les travaux du Sénat. Je les en remercie beaucoup. Nous avons eu beaucoup de plaisir. Nous avons écouté des musiciens extrêmement talentueux, sans oublier la sénatrice Hubley elle-même, qui s'est jointe au groupe pour nous faire cadeau de son jeu.

Nous savons que les styles de la musique de violon traditionnel sont extrêmement variés. Le violon a suivi l'expansion territoriale de notre pays, et les nombreux colons qui se sont établis au Canada ont développé des traditions. Hier soir, les membres du comité ont assisté à des démonstrations de cet art et des différents styles de violon traditionnel au cours d'une rencontre qui constituait sûrement la première « fête de cuisine » du Sénat.

Chers collègues, le projet de loi de la sénatrice Hubley fait ressortir ce qu'à mon avis, le Sénat a de mieux à montrer. Le projet de loi S-218 touche des milliers de Canadiens et confirme l'influence historique du violon traditionnel sur l'évolution de notre pays.

Nous avons écouté hier quelques-uns des meilleurs musiciens du Canada. Nous avons entendu parler de camps de violon où des milliers de jeunes apprennent à jouer et de l'énorme influence que ces camps exercent sur la vie de nos jeunes, et surtout de nos jeunes Autochtones.

J'aborde ce projet de loi sans esprit partisan, estimant à sa juste valeur un Sénat qui a gardé le contact avec des personnes authentiques, des personnes que chaque sénateur doit représenter personnellement dans sa région.

Pour moi, ce projet de loi est l'un des meilleurs exemples de la façon dont le Sénat peut toucher les Canadiens ordinaires. Il reconnaît qu'un simple geste peut persuader des gens qu'Ottawa pense à eux d'une manière très concrète. Le projet de loi S-218 est une mesure législative très positive pour le Sénat. C'est une occasion pour notre institution de se brancher sur les Canadiens ordinaires et d'honorer une tradition canadienne.

Chers collègues, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi et à offrir aux Canadiens une Journée nationale du violon traditionnel.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de participer au débat sur ce projet de loi, mais comment une Écossaise qui a grandi au Cap-Breton peut-elle s'abstenir de parler d'un projet de loi traitant d'une Journée nationale du violon traditionnel?

Le violon faisait partie de notre mode de vie lorsque j'ai grandi au Cap-Breton. Chaque fois que mes parents faisaient une fête chez nous, il y avait toujours des violoneux et beaucoup de danseurs. C'est encore le cas dans beaucoup des foyers de cette région. Dans le Cap-Breton d'aujourd'hui, nous avons le festival international Celtic Colours, auquel participent des gens venant de tous les coins du monde pour assister à des concerts non seulement à Sydney, mais dans toutes les régions rurales, dans les petites salles paroissiales et les salles communautaires, faisant revivre la tradition écossaise du violon, de la danse et du chant.

Nous avons appris hier — et je n'ai aucun doute là-dessus — qu'on a plus de chances de trouver le vieux style écossais de la musique de violon traditionnel au Cap-Breton qu'en Écosse même. Je me rappelle d'un voyage que mon mari et moi avons fait en Écosse. À notre retour en Nouvelle-Écosse, nous avions conclu que le Cap-Breton était en fait plus écossais que l'Écosse par de nombreux aspects, et pas seulement le violon.

Hier soir, nous avons entendu des témoins violoneux qui nous ont dit que le violon traditionnel nous unit tous partout au pays. C'était certainement bien vrai. Il importait peu de savoir d'où chacun venait, à la réunion du comité, hier. Vous pouviez voir les gens battre le rythme de la musique du pied et quelques-uns s'étaient même déchaussés pour danser. Comme la sénatrice Stewart Olsen l'a dit tout à l'heure, nous avons été enchantés de voir notre chère sénatrice Hubley jouer du violon avec les témoins. Elle a dit que c'était un happening. Si cela s'était passé au Cap-Breton, on aurait plutôt parlé d'une « fête de cuisine » ou d'un ceilidh. Cependant, quel que soit le nom, nous avons eu une merveilleuse séance de comité hier soir.

Je voudrais ajouter qu'au Cap-Breton, nous avons le Gaelic College, dont le premier dirigeant est l'ancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Rodney MacDonald, qui est lui-même un violoneux de talent.

Je suis ravie de prendre la parole pour appuyer le projet de loi. Je veux également me joindre à la sénatrice Stewart Olsen pour remercier les membres du comité de cet excellent intermède dont nous avions grand besoin et qui nous a permis d'entendre des témoins jouer du violon au lieu de prononcer des discours. Ce fut extrêmement agréable. Je voudrais aussi remercier la sénatrice Hubley d'avoir présenté ce projet de loi et la sénatrice Stewart Olsen, de l'avoir appuyé.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, moi non plus, je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais j'ai pensé qu'il serait utile de vous donner quelques conseils. La sénatrice Cordy a parlé des « fêtes de cuisine » et des ceilidhs du Cap-Breton. S'il vous arrivait d'assister à l'une de ces fêtes, j'ai un bon conseil à vous donner : restez à l'écart du violoneux. Je vais vous dire pourquoi. Quand il se fatigue, le violoneux passe son violon à la personne la plus proche. Vous seriez alors obligé de jouer.

C'est un bon conseil, mais, si vous avez l'occasion d'y aller, ne la manquez surtout pas. Vous passerez une soirée des plus agréables.

(1650)

L'honorable Nancy Greene Raine : J'aimerais moi aussi féliciter la sénatrice Hubley d'avoir présenté ce merveilleux projet de loi ainsi que tous les sénateurs, qui l'ont appuyé sans réserve.

J'aimerais rappeler à tout le monde que rien ne nous donne plus envie de bouger que le son du violon. Ce son nous donne envie de nous lever et de danser et, partout au pays, on l'associe à l'activité physique.

Sénatrice Hubley, je vous invite donc à participer avec moi à la Journée nationale de la santé et de la condition physique et à amener votre violon.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur la modernisation des conseils d'administration

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-217, Loi visant à moderniser la composition des conseils d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères, notamment à y assurer la représentation équilibrée des femmes et des hommes.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-217, Loi visant à moderniser la composition des conseils d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères, notamment à y assurer la représentation équilibrée des femmes et des hommes.

C'est la quatrième fois que la même sénatrice nous présente essentiellement le même projet de loi. Au cours de la dernière session de la législature précédente, nous avons été saisis du projet S-206. Le Comité des banques et du commerce a fait rapport au Sénat à ce sujet et a recommandé que le projet de loi ne soit pas adopté. Pendant la dernière session de la législature actuelle, c'est le projet de loi S-203 qui a été présenté, mais le comité n'a jamais présenté de rapport à ce sujet. Il y a aussi eu le projet de loi S-212, qui a été rayé du Feuilleton cette année, après la première lecture. Nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi S-217.

J'admire la persévérance de la sénatrice Hervieux-Payette, qui tente d'améliorer notablement l'équilibre entre hommes et femmes au sein des conseils d'administration. C'est un objectif que j'appuie sans réserve et que le gouvernement appuie énergiquement aussi, tant en parole que par des gestes concrets.

La marraine du projet de loi S-217 a eu raison de dire dans son discours que la situation actuelle est à la fois socialement injuste et économiquement contreproductive. Là où elle a tort, selon moi, c'est dans la solution qu'elle propose : légiférer au sujet du déséquilibre entre les sexes en prévoyant des quotas et des sanctions en cas de dérogation.

Dans son discours à l'étape de la deuxième lecture, la sénatrice Hervieux-Payette a insisté sur ce point : « Le projet de loi S-217 n'établirait pas de quota de femmes dans les conseils d'administration. L'idée même de quota n'est pas compatible avec l'esprit du projet de loi, et l'idée de quota pour les femmes l'est encore moins. »

Honorables sénateurs, ce n'est pas logique. Quand on exige qu'au moins 40 p. 100 des membres de certains conseils d'administration soient des femmes et au moins 40 p. 100 des hommes, comment peut-on dire qu'il n'y a pas de quotas? Au moins 4 membres sur 10 doivent être des femmes, avec une possibilité de 6 sur 10, si 4 sur 10 sont des hommes.

Et quelles sont les sanctions prévues par la sénatrice Hervieux-Payette en cas de dérogation? Elles sont sévères. Le directeur nommé en application de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ne délivre pas de certificat à la société fautive et le ministre peut ne pas délivrer les lettres patentes aux termes de la Loi sur les banques, de la Loi sur les associations coopératives de crédit, de la Loi sur les sociétés d'assurances et de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt.

Le projet de loi S-217 présente d'autres problèmes encore. Il impose une loi fédérale à des sociétés publiques constituées dans une province ou à l'étranger qui ont des activités dans des domaines de ressort fédéral, ce qui peut dépasser les compétences du Parlement. Il sape la démocratie des sociétés et des actionnaires en imposant des quotas et en mettant en place un processus électoral compliqué et inefficace pour les administrateurs. Il ne s'attaque pas à ce que l'on considère comme les vrais obstacles à la diversité, comme l'absence de réseautage et de programmes de mentorat. Il pourrait exclure des conseils des candidates compétentes.

Comme vous pouvez le constater, la proposition de l'honorable sénatrice est prescriptive et constitue une ingérence. Ce n'est pas la bonne façon de s'y prendre.

Il est particulièrement regrettable que celle qui a conçu et parrainé le projet de loi présente sous un faux jour la position du gouvernement concernant l'importance d'une participation féminine beaucoup plus forte dans les conseils d'administration des sociétés. Sur le site web du Forum des sénateurs libéraux, on lui prête les propos suivants : « Les conservateurs ont une conception particulièrement agressive de la présence des femmes dans la société. Dans ce cas-ci, ils ne croient absolument pas qu'elles aient droit à une représentation égale à celle des hommes dans les conseils d'administration des sociétés. »

Honorables sénateurs, mon honorable collègue fait là une assertion scandaleuse. Les conservateurs sont tout à fait convaincus que les femmes ont leur place dans les conseils d'administration, et qu'elles doivent y être beaucoup plus nombreuses que maintenant, et ce, dans tout l'éventail des sociétés commerciales au Canada.

Il n'y a rien de plus important pour l'existence et la survie du Canada que le secteur privé. L'entreprise est notre économie, et notre économie est l'entreprise. Sans le secteur privé et les sociétés qui en sont le fondement, nous n'aurions rien, et nous ne serions rien.

De la même façon, les femmes sont indispensables à notre pays, et pas seulement à sa fibre sociale. Elles représentent plus de la moitié de la population et apportent une énorme contribution au bien-être du Canada. J'ose dire au moins en proportion de leur nombre, car non seulement elles sont présentes dans le monde du travail, mais elles jouent aussi le rôle de premier plan dans l'éducation des enfants et le fonctionnement des foyers.

La contribution des femmes continue de croître au fur et à mesure que le Canada évolue et mûrit. Les Canadiens comprennent de plus en plus que c'est nuire à leur pays et l'empêcher d'atteindre son plein potentiel que de ne pas utiliser au maximum l'intelligence, les compétences et les talents des femmes. Bien sûr, cela comprend la présence d'un plus grand nombre de femmes compétentes dans les conseils d'administration, et à d'autres postes de commande dans les sociétés pour ajouter à la diversité des talents et des points de vue, ce qui stimule la créativité, la compétitivité et la prospérité des sociétés canadiennes. Nous devons faire mieux non seulement pour les femmes, mais aussi pour nous tous. Et la situation s'améliore.

Je remarque que l'honorable sénatrice a cité des recherches de l'organisation mondiale Catalyst, une organisation sans but lucratif de premier plan dont la mission est d'élargir les débouchés pour les femmes et l'entreprise. Elle a elle-même parlé au Sénat des recherches de Catalyst qui montrent que, en 1998, les femmes occupaient 6,2 p. 100 des postes dans les conseils d'administration des sociétés canadiennes figurant au classement du Financial Post 500. En 2013, la proportion était passée à 15,9 p. 100. La représentation féminine a donc doublé en 15 ans. C'est une progression de plus de 300 p. 100. Nous sommes sur la bonne voie.

Il y a d'autres bonnes nouvelles sur les progrès accomplis au Canada, sans loi qui impose des quotas. Le Globe and Mail du 2 février dernier titrait : « Représentation féminine aux conseils d'administration : les entreprises canadiennes devancent leurs pairs ». L'article cite une étude de Spencer Stuart, un consultant international renommé, spécialisé dans la recherche de dirigeants. L'étude, écrit le Globe and Mail, montre que :

Les femmes occupent maintenant 20 p. 100 des sièges aux conseils d'administration de 100 des plus grandes sociétés au Canada, alors que la proportion, dans des sociétés américaines de taille comparable, est de 17 p. 100 et qu'elle est de 18 p. 100 dans les sociétés britanniques, qui sont parties d'un niveau plus faible il y a cinq ans.

Il y a donc eu d'importants progrès dans les plus grandes sociétés canadiennes. Elles comprennent qu'il est important d'avoir une proportion de femmes beaucoup plus élevée dans les conseils d'administration. Elles sont un phare, un exemple de leadership pour toutes les sociétés canadiennes.

Pourquoi cette évolution? Pas parce que la loi a contraint les sociétés à mieux faire. Elles se sont engagées dans cette voie parce qu'elles savent que c'est la chose à faire, et grâce à l'encouragement venu de l'intérieur du secteur privé, y compris des hommes.

Par exemple, Women on Board est une initiative de l'organisation sans but lucratif Catalyst, qui choisit des candidates à des conseils d'administration et les jumelle avec des mentors et des champions et fait la promotion de la candidature de femmes à ces conseils qui figurent dans la liste en ligne de Catalyst, Women on Board Source.

Il y a aussi, bien sûr, le Conseil canadien pour la diversité administrative, dirigé par Pamela Jefferey, et dont l'une des missions est d'accroître la participation féminine aux conseils d'administration des sociétés. Le conseil demande : « Les quotas sont-ils la solution? » Et il répond : « Le conseil n'appuie pas les quotas pour l'instant. Il préconise plutôt une approche proprement canadienne. »

Dans un article d'opinion publié dans le Financial Post, Mme Jefferey écrit : « [...] les quotas pourraient faire plus de mal que de bien, s'il s'agit d'ouvrir la voie aux femmes pour qu'elles siègent aux conseils d'administration des sociétés canadiennes. Ils pourraient provoquer un ressac et du ressentiment [...] »

L'automne dernier, la publication Canadian Business a posé la question : « Les quotas sont-ils la solution? » à plusieurs dirigeants du monde des affaires canadiens. Isabelle Courville, présidente de la Banque Laurentienne du Canada a répondu : « Je ne crois pas que nous devions appliquer des quotas. » Monique Leroux, présidente et directrice générale du Groupe Desjardins, a répondu quant à elle : « En fait, je suis en faveur d'un engagement volontaire et transparent. »

(1700)

Eileen Mercier, présidente du conseil d'administration du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, a dit : « Je n'accepterais des quotas qu'après avoir essayé sans succès toutes sortes d'autres solutions. »

Sue Paish, PDG de LifeLabs, a dit avec beaucoup de justesse : « Si vous n'êtes là que parce que quelqu'un avait un quota à remplir, je ne peux m'empêcher de penser que vous vous sentiriez amoindrie et que vos collègues vous considéreraient autrement que les autres. »

C'est exact. Si j'étais nommée membre d'un conseil d'administration parce que la société devait respecter un quota, je ne serais jamais sûre que j'occupe le poste à cause de mes compétences. Aucune autre femme ne pourrait l'être, même si elle possédait toutes les compétences du monde.

Comment pourrait-on prendre au sérieux une administratrice de société qui a été nommée pour satisfaire un quota?

Beaucoup des dirigeants d'entreprises qui ont participé à une enquête de Canadian Business se sont déclarés en faveur d'une politique semblable à l'approche « Obtempérez ou expliquez » qu'étudie la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.

La commission envisage d'exiger des sociétés qu'elles déclarent le nombre de femmes qui occupent des postes élevés chez elles et fassent état des mesures qu'elles prennent pour diversifier leur conseil d'administration, et notamment leur façon de trouver et de choisir des candidates.

Par son action, le gouvernement du Canada a montré qu'il appuie sans réserve les mesures visant à augmenter sensiblement la représentation des femmes dans les postes de direction des entreprises.

Le gouvernement estime, comme l'a déclaré Condition féminine Canada, qu'il est inacceptable qu'un conseil d'administration ne compte aucune femme parmi ses membres. D'après Condition féminine Canada, il importe d'examiner les principaux leviers du secteur fédéral et du secteur des affaires afin de stimuler le changement.

Dans le budget de 2012, le Plan d'action économique, le gouvernement s'est engagé à créer un organisme chargé de le conseiller sur les meilleurs moyens de procéder pour augmenter la représentation des femmes au sein des conseils d'administration.

Il y a un an, la ministre Ambrose a annoncé la création du Conseil consultatif canadien pour la présence des femmes aux conseils d'administration des entreprises. J'ai le privilège d'y siéger en compagnie de 15 autres femmes et de 7 hommes, qui sont presque tous des chefs de file du secteur privé.

Le gouvernement étudie actuellement les recommandations du conseil consultatif et prévoit publier bientôt un plan d'action. En même temps, le gouvernement se félicite des efforts déployés par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario afin de promouvoir la participation des femmes aux conseils d'administration des entreprises et attend avec intérêt le rapport final qui doit être publié à ce sujet.

La voie à suivre n'est pas celle des quotas. C'est plutôt la voie de l'encouragement, qui consiste à favoriser le mentorat, l'encadrement et la formation de réseaux par des femmes pour les femmes dans le monde canadien des affaires et à appuyer l'idée que beaucoup plus de femmes devraient faire partie des conseils d'administration des sociétés grâce aux pressions positives exercées par les pairs.

L'honorable Terry M. Mercer : L'honorable sénatrice accepte-t-elle de répondre à une question? Il est curieux de vous entendre dire qu'il ne devrait pas y avoir de discrimination, et cetera. J'ai lu aujourd'hui un article de la Presse canadienne selon lequel le ministre de la Justice a répondu à un texte publié mercredi par le Toronto Star au sujet d'une réunion de l'Association du Barreau de l'Ontario au cours de laquelle on l'avait interrogé au sujet du manque de femmes et de membres des minorités visibles parmi les juges fédéraux. Le ministre MacKay a répondu que les femmes n'essaient pas de devenir juges parce qu'elles craignent que leur travail les éloigne de leurs enfants et parce que les enfants ont davantage besoin de leur mère que de leur père.

La sénatrice Cordy : C'est honteux.

Le sénateur Mercer : Convenez-vous que la discrimination systémique contre les femmes par des gens tels que le ministre de la Justice du Canada est la cause de la sous-représentation des femmes aux niveaux élevés du gouvernement et parmi les juges du pays?

La sénatrice Frum : Sénateur Mercer, je rejette l'idée qu'il y a une discrimination systémique contre les femmes au sein du présent gouvernement. Le fait est que la vie des femmes est très compliquée et qu'elles ont davantage d'éléments avec lesquels elles doivent jongler dans leur vie que les hommes. C'est une réalité. Elle ne devrait pourtant pas les empêcher de faire ce genre de progrès. Je ne crois cependant pas qu'il y a du mal à reconnaître que la vie des femmes est plus complexe que celle des hommes. En fait, nous en sommes fières. Celles d'entre nous qui arrivent à réaliser l'équilibre dans leur vie en sont très fières.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mercer : Je ne doute pas un instant que les femmes doivent rechercher davantage l'équilibre, pas plus que je ne doute de leur intelligence supérieure. Je m'étais fait un point d'honneur d'épouser une femme beaucoup plus intelligente que moi. Mais revenons à la question des juges.

Le sénateur Day : Et plus riche.

Le sénateur Mercer : À l'heure actuelle, il n'y a que 24 femmes parmi les 81 juges fédéraux, soit moins de 30 p. 100. Me dites-vous que le gouvernement favorise une représentation égale des femmes parmi les juges? Je n'ai même pas parlé des membres des minorités visibles, parce que les pourcentages seraient encore plus faibles.

Sénatrice Frum, je comprends les arguments que vous avez avancés contre le projet de loi de la sénatrice Hervieux-Payette, mais vous ne pouvez pas me dire que vous croyez vraiment que le gouvernement fait tous les efforts possibles pour assurer l'égalité des femmes dans le pays.

La sénatrice Frum : Eh bien, je le crois vraiment. Si vous considérez la fonction publique canadienne, vous verrez que la représentation est très bonne. En fait, les femmes forment plus de 50 p. 100 de l'effectif. Je pense cependant que nous nous sommes beaucoup trop écartés du projet de loi S-217, qui porte sur la représentation des femmes au sein des conseils d'administration. C'est de cela que nous parlons cet après-midi.

Des voix : Bravo.

Le sénateur Carignan : Le vote! Le vote!

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : La sénatrice Frum répondrait-elle à une autre question? Je cherche une précision.

Quand vous avez cité des statistiques sur la représentation des femmes dans les conseils d'administration, j'ai cru vous entendre dire que, en l'espace de 15 ans, leur proportion a doublé. Ensuite, vous avez dit, je crois, que cela représente une augmentation de 300 p. 100. Je croyais que lorsqu'une chose doublait, l'augmentation était de 100 p. 100. Ai-je manqué quelque chose?

La sénatrice Frum : Voici les chiffres exacts : le pourcentage est passé de 6 p. 100 à 18 p. 100.

Une voix : Donc trois.

La sénatrice Frum : Oui, trois. Le pourcentage a triplé.

Une voix : En multipliant six par trois, on obtient 18.

La sénatrice Fraser : Oui, mais il ne s'agit pas d'une augmentation de 300 p. 100.

La sénatrice Frum : J'ai dit « approximativement » et « dans ces eaux-là ». Je crois que mes calculs sont à peu près exacts.

Une voix : C'est inacceptable.

La sénatrice Cordy : Encore une fois, c'est inacceptable.

Le sénateur Carignan : Le vote!

Son Honneur le Président : À l'ordre. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Carignan : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion? L'honorable sénatrice Hervieux-Payette, avec l'appui de l'honorable sénatrice Fraser, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Le sénateur Carignan : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : Il sera lu pour la deuxième fois.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

[Français]

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Hervieux-Payette, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui en tant que porte-parole pour le projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.

Le projet de loi S-208 propose la création d'une commission canadienne de la santé mentale et de la justice. Bien que je souscrive à l'objectif de ce projet de loi de chercher à régler le problème de la maladie mentale au sein du système de justice pénale, j'ai également des réserves à l'égard de la création d'une telle commission, qui risque de dédoubler bon nombre des efforts qui ont déjà été déployés en vue de s'attaquer à ce problème extrêmement grave et préoccupant, notamment par la Commission de la santé mentale du Canada, qui est déjà financée par le gouvernement fédéral.

Le projet de loi ne semble pas tenir compte des progrès qui ont déjà été réalisés dans ce dossier grâce à d'autres initiatives et programmes du gouvernement fédéral et grâce aux efforts déployés conjointement par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il s'agit d'une question qui relève de tous ces ordres de gouvernement et qui a déjà donné lieu à de multiples collaborations, efforts et initiatives.

Je peux en fournir de nombreux exemples, mais, compte tenu du temps qu'il nous reste aujourd'hui et du fait que je reconnais le travail louable accompli par le sénateur Cowan — et je comprends pourquoi il a présenté cette mesure législative —, je vais prendre le temps de continuer d'examiner attentivement le projet de loi cet été.

Je sais que les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel sera renvoyé le projet de loi — et auquel j'ai déjà siégé — sont très dévoués et qu'ils connaissent bien ce sujet. Lorsque je siégeais au comité, c'est une question que nous avons étudiée très sérieusement.

J'ai donc des réserves, mais j'accepte que le projet de loi soit renvoyé au comité aujourd'hui, après la deuxième lecture.

(1710)

L'honorable Jane Cordy : La sénatrice Martin accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Martin : Oui.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. En tant que membre du Comité des affaires sociales qui a joué un rôle déterminant dans la création de la Commission de la santé mentale, étant donné que c'était l'une des recommandations de notre rapport sur la maladie mentale et la toxicomanie, vous avez dit qu'il ne serait pas nécessaire d'avoir une Commission de la santé mentale et de la justice en raison de ce que fait déjà la Commission de la santé mentale.

J'ai entendu des rumeurs et j'espère de tout cœur qu'elles sont fausses. On entend dire que le financement de la Commission de la santé mentale ne sera que de 10 ans et qu'ensuite cette commission disparaîtra. Pourriez-vous démentir ces rumeurs et nous confirmer que la Commission de la santé mentale sera encore là dans 10 ans et longtemps après?

La sénatrice Martin : Je vous remercie de votre question. Je ne suis pas en mesure de démentir des rumeurs. Si c'est une rumeur, c'est une rumeur. Je peux par contre souligner l'excellent travail de cette commission et le travail qui est fait dans les provinces, les territoires et l'appareil fédéral, ainsi que la collaboration qui se fait déjà avec divers intervenants et les responsables de l'administration des divers programmes et initiatives.

Je ne réponds pas directement à votre question. Je dirai simplement que la présente commission effectue de l'excellent travail.

La sénatrice Cordy : Convenez-vous que la Commission de la santé mentale a fait de l'excellent travail, en particulier en ce qui a trait à la réduction de la stigmatisation de la santé mentale et des maladies mentales, et qu'elle devrait continuer d'exister à la fin de son mandat de 10 ans?

La sénatrice Martin : Ce n'est pas à moi de faire une telle déclaration, mais je suis d'accord pour dire que la commission a fait un excellent travail.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l'honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-214, Loi modifiant le Code criminel (exception à la peine minimale obligatoire en cas d'homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort).

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi S-214, Loi modifiant le Code criminel (exception à la peine minimale obligatoire en cas d'homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort).

Je souhaite d'abord féliciter la sénatrice Jaffer d'avoir présenté le projet de loi S-214. En agissant ainsi, elle a révélé les horreurs du syndrome de la femme battue, et attiré notre attention sur ce problème.

Toutefois, le projet de loi ne se contente pas d'aborder cette question. Il vise à modifier le Code criminel pour éliminer la peine minimale obligatoire dans le cas d'un homicide involontaire coupable ou d'une négligence criminelle causant la mort comportant l'usage d'une arme à feu, si la personne responsable est une femme battue.

Le projet de loi S-214 prévoit une exception à la peine minimale obligatoire de quatre ans qui est habituellement imposée dans le cas d'un homicide involontaire coupable comportant l'usage d'une arme à feu ou d'une négligence criminelle causant la mort comportant l'usage d'une arme à feu.

Cette exception s'appliquerait si « la victime se livrait régulièrement à des abus physiques, sexuels ou psychologiques sur le contrevenant ».

Honorables sénateurs, en termes clairs, ce projet de loi rendrait inapplicables les peines obligatoires actuelles associées à l'utilisation d'armes à feu, peines que le Parlement a jugé approprié de lier aux deux infractions en question.

[Français]

Soyons clairs, les peines minimales obligatoires signalent nettement que les législateurs dénoncent les infractions graves. Ces peines permettent la protection de la population par la neutralisation et le retrait, de la société, des délinquants qui commettent des crimes graves.

Le prononcé de certaines peines conçues pour s'appliquer aux infractions moins graves se trouve restreint lorsque l'infraction en question est passible d'une peine minimale obligatoire.

Par exemple, une infraction passible d'un emprisonnement obligatoire ne peut donner lieu à un emprisonnement avec sursis, aussi appelé détention à domicile ou absolution. Une disposition qui permettrait de réduire la peine d'emprisonnement obligatoire prévue en affaiblirait la valeur de dénonciation et éliminerait, à l'égard de la détermination de la peine, la certitude et la clarté nécessaires pour dissuader la perpétration de certains crimes violents.

[Traduction]

La négligence criminelle causant la mort et l'homicide involontaire coupable entraînent la mort d'une personne. Dans les deux cas, la peine maximale est l'emprisonnement à perpétuité.

Alors que le meurtre est une infraction qui consiste à causer intentionnellement la mort de quelqu'un et qui est passible d'une peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité, la négligence criminelle causant la mort et l'homicide involontaire coupable sont des infractions qui sont, de façon générale, liées à des gestes ayant causé la mort de façon involontaire.

L'utilisation d'armes à feu pour perpétrer une infraction est un geste très grave qui reçoit un traitement spécial en vertu du Code criminel, et ce, pour plusieurs raisons importantes. Ce principe s'applique que la personne ait eu ou non l'intention de décharger l'arme à feu. Tout d'abord, les armes à feu sont généralement plus meurtrières que les autres armes et, par leur nature même, représentent un danger beaucoup plus grand pour la vie humaine. L'utilisation d'armes à feu peut entraîner la mort plus souvent que d'autres armes, et elles peuvent causer de nombreux décès en très peu de temps.

Les armes à feu peuvent aussi être déchargées par négligence et causer assez facilement la mort de façon accidentelle. Ceci est particulièrement important en ce qui concerne l'homicide involontaire coupable et la négligence criminelle causant la mort.

En 1995, le gouvernement Chrétien a reconnu cet état de fait et a présenté la Loi sur les armes à feu, qui prévoyait, entre autres choses, des peines minimales obligatoires pour plusieurs crimes commis avec une arme à feu. Le gouvernement Chrétien a adopté cette loi, qui a créé 19 peines minimales obligatoires pour des infractions commises avec des armes à feu. En particulier, le gouvernement a établi des peines minimales obligatoires pour la négligence criminelle causant la mort et l'homicide involontaire coupable, lorsque l'infraction est commise au moyen d'une arme à feu.

En vertu de la Loi sur les armes à feu, les personnes qui commettaient ces crimes étaient passibles d'une peine minimale obligatoire d'un an pour une première infraction et d'une peine minimale obligatoire de trois ans pour une deuxième infraction.

[Français]

L'usage légal des armes à feu est fortement réglementé. L'usage qui en est fait pour la perpétration d'infractions criminelles justifie donc une peine plus sévère que l'usage d'autres types d'armes qui ne sont pas assujetties à un régime de réglementation et de surveillance.

Pour toutes ces raisons et bien d'autres, le législateur a cru bon de dénoncer la manipulation non sécuritaire et la décharge délibérée d'armes à feu.

[Traduction]

Le projet de loi S-214 porterait atteinte à ces importantes considérations en donnant aux tribunaux un plein pouvoir discrétionnaire en matière de détermination de la peine, en dépit du fait qu'une arme à feu ait été utilisée. Cette mesure donnerait lieu à des incohérences dans le régime existant de peines d'emprisonnement obligatoires imposées pour avoir utilisé une arme à feu dans la perpétration d'une infraction.

Comme je l'ai mentionné au début de mon discours, ce critère décrit dans le projet de loi S-214 concerne les cas où on se livrait « régulièrement à des abus physiques, sexuels ou psychologiques [...] »

À ce sujet, il est essentiel que les honorables sénateurs comprennent que la légitime défense s'appliquera souvent dans des situations que le projet de loi S-214 est censé régler. De plus, les sénateurs se rappellent peut-être que le Parlement a adopté des modifications à la légitime défense en 2012. La Loi sur l'arrestation par des citoyens et la légitime défense est entrée en vigueur en mars 2013 et a modernisé et simplifié le droit en la matière qui, pendant des dizaines d'années, a été critiqué comme étant trop détaillé, trop compliqué et presque impossible à comprendre.

La loi est maintenant très claire. Une personne n'est coupable d'aucun crime si elle a agi pour se défendre contre l'usage de la force ou la menace d'y avoir recours, si sa perception de la menace était raisonnable et si ses actions étaient également raisonnables compte tenu de toutes les circonstances. La légitime défense est une défense complète.

De toute évidence, nous appuyons les Canadiens qui prennent des mesures pour se protéger ou protéger toute personne qui risque d'être attaquée.

Aux termes du projet de loi S-214, la négligence criminelle causant la mort et l'homicide involontaire coupable surviendraient lorsque l'arme est maniée de manière irresponsable, qu'elle est déchargée accidentellement et que la mort est causée involontairement. Il est donc difficile de voir le lien entre les antécédents en matière d'agressions subies par le délinquant et la détermination d'une peine appropriée pour avoir déchargé accidentellement une arme à feu.

Pour toutes ces raisons, le projet de loi S-214 rendrait incohérent un régime de détermination de la peine qui reflète les préoccupations des Canadiens concernant le danger des armes à feu et soulèverait beaucoup plus de questions au sujet des autres peines obligatoires prévues dans nos lois pénales.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, que le Sénat s'ajourne à loisir en attendant l'arrivée de Son Excellence le Gouverneur général?

Des voix : D'accord.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


(1740)

[Français]

La sanction royale

Son Excellence le Gouverneur général du Canada arrive et prend place au Trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son Président. Il plaît à Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants :

Loi modifiant le Code criminel (méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre) (Projet de loi C-217, Chapitre 9, 2014)

Loi modifiant le Code criminel (fausse représentation à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public) (Projet de loi C-444, Chapitre 10, 2014)

Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant les Tlaamins et modifiant certaines lois en conséquence (Projet de loi C-34, Chapitre 11, 2014)

Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence (Projet de loi C-23, Chapitre 12, 2014)

Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada — Terre-Neuve et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et d'autres lois, et comportant d'autres mesures (Projet de loi C-5, Chapitre 13, 2014)

Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, de l'Accord de coopération dans le domaine de l'environnement entre le Canada et la République du Honduras et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Honduras (Projet de loi C-20, Chapitre 14, 2014)

Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (recrutement : organisations criminelles) (Projet de loi C-394, Chapitre 17, 2014)

Loi concernant le Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq (Projet de loi C-25, Chapitre 18, 2014)

Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales ainsi qu'à modifier la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (Projet de loi C-37, Chapitre 19, 2014)

Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures (Projet de loi C-31, Chapitre 20, 2014)

Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (conditions imposées aux délinquants) (Projet de loi C-489, Chapitre 21, 2014)

L'honorable Andrew Scheer, Président de la Chambre des communes, adresse la parole à Son Excellence le Gouverneur général en ces termes :

Qu'il plaise à Votre Excellence.

Les Communes du Canada ont voté certains subsides nécessaires pour permettre au gouvernement de faire face aux dépenses du service public.

Au nom des Communes, je présente à Votre Excellence les projets de loi suivants :

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015 (Projet de loi C-38, Chapitre 15, 2014)

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015 (Projet de loi C-39, Chapitre 16, 2014)

Que je prie humblement Votre Excellence de bien vouloir sanctionner.

Il plaît à Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi.

Les Communes se retirent.

Il plaît à Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.


(Le Sénat reprend sa séance.)

(1750)

[Traduction]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Wallace, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-483, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (sortie avec escorte).

L'honorable George Baker : Votre Honneur, je tiens à féliciter le sénateur MacDonald de sa présentation du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Nous avons hâte qu'il soit renvoyé au comité pour y être étudié.

J'ai écouté très attentivement sa description de l'objet du projet de loi, qui ne touche que les personnes condamnées à purger une peine minimale d'emprisonnement à perpétuité, dans les cas de haute trahison ou de meurtre au premier et deuxième degré. Donc, le projet de loi permettrait aux victimes ou aux observateurs d'être informés et d'avoir voix au chapitre pendant les trois dernières années de la peine — c'est-à-dire les 25 ans qu'il faut avoir purgés dans le cas d'une peine d'emprisonnement à perpétuité avant d'être admissible à la libération conditionnelle. Ainsi, ceux-ci disposeraient d'une période de trois ans pendant laquelle l'audience de libération conditionnelle serait transférée du directeur du pénitencier à la Commission des libérations conditionnelles.

Je remarque qu'il y a une question que le sénateur devrait poser au comité. Juste avant de renvoyer le projet de loi au Sénat, le gouvernement a apporté un amendement qui en annulerait pratiquement l'utilité. Je vais en lire une phrase qui dit ceci :

(2) Si la Commission des libérations conditionnelles du Canada autorise une sortie [...] et que la permission n'est pas annulée pour violation d'une des conditions de la permission, le directeur du pénitencier peut accorder toute permission de sortir avec escorte subséquente [...]

Ce pouvoir n'est donc remis entre les mains de la Commission des libérations conditionnelles que le temps d'une audience. Il est ensuite retransféré au directeur d'établissement. Il faudra étudier le tout afin de voir si cet amendement ne rend effectivement pas inutile le reste de votre projet de loi. Nous attendrons avec impatience que vous veniez au comité pour nous expliquer précisément en quoi consiste l'amendement en question. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l'honorable sénatrice Beyak, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-479, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (équité à l'égard des victimes).

L'honorable George Baker : Votre Honneur, je tiens à féliciter le sénateur Boisvenu de son exposé sur ce projet de loi. Je crois qu'il en a bien résumé l'objet. Je dois avouer que j'ai quand même quelques réserves. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire nous provenant de l'autre endroit.

Le texte dit que, si un détenu essuie un refus à une première demande de libération conditionnelle, il devra attendre cinq ans avant de pouvoir présenter une nouvelle demande. Le problème, là-dedans, sénateur Boisvenu, c'est que cette disposition va s'appliquer, comme vous l'avez fait remarquer, à tous les détenus incarcérés pour avoir commis un acte de violence. Or, l'annexe I de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui définit ce qui constitue un acte de violence, renvoie à environ 80 articles du Code criminel, dont l'article 266 qui porte sur les voies de fait. Si je pose un geste, un geste agressif, à votre endroit, c'est considéré comme des voies de fait. Si je lance un crayon dans votre direction dans le but qu'il vous atteigne, il s'agit d'une agression armée. Si j'entre par effraction quelque part dans le but de commettre un acte criminel, je viole alors l'article 384 du Code criminel. C'est la même chose si j'entre dans un entrepôt dans le but de le dévaliser : acte criminel.

Ce ne sont-là que deux exemples qui se trouvent à l'annexe I. Ce ne sont donc pas ces personnes qui sont reconnues coupables d'une infraction violente commise contre des personnes. Voilà mon argument.

En quoi est-ce important? Parce que la plupart des gens qui présentent une demande de libération conditionnelle ne l'obtiennent pas après la première audience. D'accord. La majorité des personnes incarcérées, c'est-à-dire environ 12 000 personnes reconnues coupables d'une infraction figurant à l'annexe I, doivent purger une peine de deux à quatre ans. Si on ne leur accorde pas la libération conditionnelle après leur première audience et qu'on ne leur permet pas d'avoir une autre audience au cours des cinq années suivantes, on nie le fonctionnement même du système correctionnel, car les prisonniers ne voudront plus participer aux activités requises pour avoir droit à la libération conditionnelle. Comme les prisonniers ont hâte de pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle, ils se comportent bien et ils participent à tous les programmes qu'on leur fait suivre. Voilà ma plus grande réserve au sujet du projet de loi. Je ne sais pas si cet argument a été présenté à la Chambre des communes, mais c'est une réalité.

Sénateur Boisvenu, ce qui me pose vraiment problème dans le projet de loi, c'est la dernière partie du projet de loi. Ne l'oubliez pas : vous privez des gens qui purgent une peine de plus de deux ans — trois, en moyenne —, de la possibilité, pendant cinq ans, d'obtenir une audience de libération conditionnelle; la peine de la personne est couverte. On les empêche d'avoir une audience de libération conditionnelle. En d'autres mots, si ce projet de loi est adopté, ces délinquants pourraient être emprisonnés pendant une plus longue période qu'en temps normal.

(1800)

Voici le dernier article qui m'a vraiment sauté aux yeux et qui m'a causé beaucoup d'inquiétude. Je cite le paragraphe 7(3) des dispositions transitoires :

[...] s'appliquent aux délinquants même s'ils ont été condamnés ou transférés au pénitencier avant la date d'entrée en vigueur du présent article.

En d'autres mots, ce sont des gens qui ont déjà été condamnés et incarcérés. Cette disposition m'a vraiment sauté aux yeux, parce que, dans mon tiroir, ici, j'ai l'arrêt Whaling c. Canada (procureur général), dans lequel le Sénat a joué un rôle clé en faisant remarquer au ministre et au ministère...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, devrais-je ne pas tenir compte de l'heure?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Sénateur Baker, vous pouvez poursuivre.

Le sénateur Baker : Je dois préciser que cette décision a été rendue le 20 mars, il y a trois mois exactement. Permettez-moi de lire le paragraphe en question dans la décision de la Cour suprême du Canada, qui est fondé sur l'audience du comité sénatorial sur ce projet de loi et sur la mise en garde formulée par ce comité, composé de sénateurs conservateurs et libéraux qui siègent au Sénat aujourd'hui. Le comité avait formulé l'opinion que cette mesure risquait d'être inconstitutionnelle parce qu'elle renfermait une disposition rétroactive. Nous appelions cela une condition rétroactive. Vous en souvenez-vous? Le ministre de l'époque, M. Toews, avait admis que c'était bel et bien le cas. Il savait que c'était une condition rétroactive parce qu'il avait de l'expérience en tant qu'avocat de la Couronne; il connaissait bien le droit. Un député conservateur — dont je tairai le nom — qui était allé parler au ministre avec moi avant la réunion m'a dit : « Écoutez, soulevez cette question parce que c'est important. » La Chambre des communes n'avait pas discuté de cette question, et on l'a donc soulevée.

La Cour suprême du Canada avait alors donné raison au comité sénatorial dans sa décision rendue il y a trois mois. Je vais lire les deux phrases des paragraphes 8 et 9 :

La Cour doit déterminer si l'augmentation rétrospective du temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté...

— ce qui est l'objet du projet de loi —

... à l'égard des détenus condamnés et punis avant l'abrogation des dispositions créant la PEE [...]

C'est exactement ce que fait ce projet de loi.

Pour les motifs qui suivent, je conclus que l'al. 11h) s'applique au grief des intimés. L'augmentation rétrospective du temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté porte atteinte au droit des intimés, garanti par l'al. 11h) de ne pas être « puni [s] de nouveau ». Cette atteinte n'est pas justifiée au regard de l'article premier de la Charte.

C'est exactement ce que ce projet de loi fait.

Pour défendre le comité de la Chambre des communes, j'ai demandé ce matin à la bibliothèque à quelle date le comité avait été saisi du projet de loi. Il s'avère que c'est le 4 mars. N'oubliez pas que la Cour suprême du Canada a rendu sa décision le 20 mars, donc après le rapport du comité de la Chambre des communes et l'approbation du projet de loi. On peut excuser le comité sous prétexte qu'il ignorait que la loi interdisait cette disposition du code. J'ai demandé à la bibliothèque de me transmettre une copie des audiences du comité, afin de savoir pourquoi il avait proposé cette disposition prévoyant l'application rétrospective, ou rétroactive comme certains l'appellent, de la loi. La loi est rétroactive si on l'applique à des événements passés, mais elle est rétrospective si elle impose une peine pour l'avenir à l'égard d'événements passés.

Je ne sais pas si c'est clair, mais voici ce que Mme Roxanne James a dit. Elle est maintenant secrétaire parlementaire du premier ministre. Je dois féliciter le Comité sénatorial des affaires juridiques et le sénateur Runciman, qui ont envoyé une lettre au Comité de la procédure de la Chambre des communes hier, disant qu'il doit modifier la procédure de la Chambre qui ne nous permet pas d'amender ou de modifier un projet de loi qu'un secrétaire parlementaire à la Chambre des communes ou un vice-président a appuyé et qui a été présenté à la Chambre des communes puis renvoyé au Sénat. Il n'est pas permis de changer un seul mot dans ce projet de loi parce que la procédure tire à sa fin. En outre, un secrétaire parlementaire ne peut pas parrainer un projet de loi qui revient à la Chambre des communes. C'est une règle pour le moins stupide de la Chambre des communes, car elle empêche qui que ce soit d'amender une mesure législative.

Je dois dire que la lettre envoyée hier par le sénateur Runciman à la Chambre des communes est particulièrement bien formulée.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Baker : Voici maintenant ce que Mme James, qui est maintenant secrétaire parlementaire, donne comme motif pour cet amendement, en l'occurrence celui de la ligne 31 :

Cet article vient préciser que le projet de loi C-479 touchera les catégories suivantes de délinquants sous responsabilité fédérale : [...] les délinquants actuellement incarcérés après la première audience de liberté conditionnelle ou le premier contrôle des motifs de détention suivant l'entrée en vigueur du projet de loi C-479.

Puis, elle ajoute ce qui suit :

La raison motivant cet amendement est que dans sa forme actuelle, le projet de loi ne s'appliquerait qu'aux délinquants qui n'avaient pas encore reçu leur condamnation à l'entrée en vigueur des modifications, et il faudrait attendre de nombreuses années avant de voir les résultats escomptés.

Je ne suis pas d'accord, car on ne peut rendre la mesure applicable rétroactivement ou rétrospectivement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cet amendement a été proposé, pour la rendre rétrospective dans le cas où il y a eu une audience de libération conditionnelle.

Ainsi, je crois que le projet de loi devrait être renvoyé au comité pour que nous puissions l'étudier à fond, et nous sommes impatients que le sénateur Boisvenu nous en donne une explication complète. Si des amendements sont nécessaires, et je soupçonne que ce sera le cas, le comité prendra pleinement connaissance de cette décision de la Cour suprême du Canada, laquelle confirme précisément l'opinion du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.

[Français]

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Beyak, appuyée par l'honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-501, Loi instituant la Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Eh bien, chers collègues, je ne suis pas beaucoup plus ferrée en matière de chasse, de piégeage et de pêche que je ne l'étais l'autre jour. J'en sais un peu plus au sujet des milliers de Canadiens qui travaillent dans des domaines liés à ces activités et sur la valeur que celles-ci apportent au Canada; apparemment, ces industries génèrent plus de 10 milliards de dollars par année.

(1810)

Un détail retient particulièrement mon attention : ce projet de loi ne vise pas à instituer une journée de la chasse, du piégeage et de la pêche, mais bien une journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche. Cette distinction m'apparaît importante. Encore récemment, une grande majorité des Canadiens dépendaient en grande partie de la chasse, de la pêche et du piégeage pour leur survie, davantage que dans la plupart des autres pays. C'était le cas des peuples autochtones, bien sûr, mais aussi de tous les colons et pionniers venus s'installer au Canada. Avant la construction des villes, avant la création d'une économie moderne et principalement urbaine, tout le monde avait besoin de la chasse, de la pêche et du piégeage.

L'idée de commémorer ce qui constitue, en fait, un volet de notre patrimoine me plaît vraiment. Je suis prête à me prononcer sur ce projet de loi.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Beyak, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

Le Sénat

Motion tendant à honorer les soldats qui ont participé à la campagne d'Italie pendant la Seconde Guerre mondiale—Suspension du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénatrice Frum :

Que, à l'occasion de la visite de Gino Farnetti-Bragaglia au Canada, le Sénat du Canada exprime sa gratitude aux quatre soldats canadiens qui lui ont sauvé la vie et qui ont pris soin de lui il y a soixante-dix ans, qu'il rende hommage aux familles de ces quatre soldats et qu'il salue la bravoure et le sacrifice de tous les soldats canadiens qui ont participé à la campagne d'Italie pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, le débat sur cette question est ajourné au nom du sénateur Meredith. Je lui ai parlé, et, si vous le permettez, il est d'accord pour que je prenne la parole avant lui, et que le débat soit ajourné à son nom à la fin de mon intervention.

Honorables sénateurs, je tiens à ce que vous sachiez que j'appuie cette motion, mais j'aimerais profiter de cette occasion pour parler d'un certain nombre d'événements intéressants qui ont eu lieu lors de la campagne d'Italie.

Parlons d'abord du 6 juin, jour où nous avons commémoré le 70e anniversaire du débarquement des Alliés en Normandie, un événement charnière de l'histoire qui allait finalement mener à la défaite de l'Allemagne nazie. On ne saurait surestimer l'importance de ce chapitre de notre histoire militaire et des sacrifices faits par ceux qui sont débarqués sur la plage Juno, le 6 juin 1944. Toutefois, l'ampleur des événements qui se sont produits ce jour-là a malheureusement éclipsé d'autres contributions du Canada aux efforts de guerre des Alliés, y compris l'invasion de l'Italie, au cours de laquelle les Canadiens ont contribué de façon importante à la chute du fascisme en Italie, puis en Allemagne.

Le sénateur Plett a présenté cette motion visant à honorer quatre soldats canadiens qui, pendant cette campagne, ont sauvé la vie d'un jeune garçon, Gino Farnetti-Bragaglia. Après une bataille militaire, ils l'ont trouvé sur le champ de bataille, affamé et mourant, et ils ont pris soin de lui jusqu'à ce qu'il retrouve la santé.

M. Farnetti-Bragaglia est venu au Sénat au début de la semaine. Cette motion vise à rendre hommage aux familles des quatre soldats, et à honorer le courage et les sacrifices de tous les soldats canadiens qui ont combattu lors de la campagne menée en Italie au cours de la Seconde Guerre mondiale.

La première salve de l'invasion de l'Italie par les troupes alliées fut appelée l'opération Husky. L'attaque de la Sicile devait être le prélude à l'invasion de l'Europe continentale. L'opération fut confiée à la 7e armée américaine, qui était commandée par le lieutenant-général George Patton, et à la 8e armée britannique, qui répondait aux ordres du général sir Bernard L. Montgomery. Les Canadiens devaient être intégrés à l'armée britannique. La force d'invasion des Alliés était constituée de 3 000 navires et péniches de débarquement. L'assaut commença dans la nuit du 9 juillet 1943. L'opération dura 38 jours, au cours desquels les forces alliées se heurtèrent à une vive résistance et essuyèrent des pertes considérables.

L'opération Husky fut couronnée de succès. Benito Mussolini fut renversé et le gouvernement italien se rendit. Cependant, les Allemands prirent immédiatement le contrôle de l'Italie et les Alliés postés en Sicile furent forcés de mener le combat sur le continent pour repousser les troupes allemandes.

Le vide laissé par la chute du fascisme signifiait que la force d'invasion alliée était la seule source de gouvernement pour certaines villes italiennes. Un soldat canadien, le lieutenant Syd Frost, du régiment Princess Patricia's Canadian Light Infantry, se retrouva de facto maire de la ville sicilienne d'Ispica pendant deux semaines, à l'été de 1943. Voici ce qu'il en a dit :

À 21 ans seulement, j'ai pris en charge l'administration d'une ville de plus de 13 000 habitants, sans avoir reçu de véritables pouvoirs de mon officier supérieur, ni de qui que ce soit. Pendant deux semaines, j'ai dirigé la ville sans vraiment obtenir d'aide de l'extérieur, pas même du quartier général du régiment auquel j'appartenais, le 4e Bataillon, toujours posté 15 milles plus loin, à Pachino, près des plages. J'ai néanmoins apprécié au plus haut point chaque instant et j'en suis venu à la conclusion qu'une dictature bienveillante n'était peut-être pas une si mauvaise chose, après tout!

Voici un autre extrait de son livre :

En l'espace de quelques semaines, j'avais vu les habitants d'Ispica se libérer du joug terrible du fascisme et recommencer leur vie à neuf sur le chemin de la démocratie. Ils avaient travaillé vaillamment pour rebâtir leur commune et leur mode de vie sicilien. Ils avaient retrouvé confiance et espoir en l'avenir.

À la fin du mandat du lieutenant, les habitants d'Ispica regrettaient de le voir partir. Ils étaient reconnaissants envers les soldats canadiens stationnés là-bas, et ce sentiment fut le même dans l'ensemble de l'Italie, alors que les Alliés envahissaient le territoire et obligeaient les Allemands à battre en retraite vers le nord.

Après avoir franchi le détroit de Messine, les Alliés combattirent les Allemands en remontant vers le nord pendant presque deux ans. Les Canadiens étaient souvent en première ligne. Ils aidèrent les Britanniques à lancer l'assaut contre Termoli et participèrent à la bataille de Monte Cassino ainsi qu'à celle de la vallée du Liri.

J'ai l'honneur de représenter le Nouveau-Brunswick dans cette enceinte, honorables sénateurs. Cette province abrite l'un des plus anciens régiments de blindés des Forces canadiennes, le 8e régiment canadien de hussards, qui a des unités à Hampton, Sussex, Sackville et Woodstock, au Nouveau-Brunswick. Après s'être embarqué au Royaume-Uni, ce régiment débarqua à Naples et prit part à la campagne d'Italie, où il se distingua et fut l'un des meilleurs régiments de chars de la 5e division canadienne blindée entre le 30 août et le 14 septembre 1944, deux semaines particulièrement sanglantes.

À la Ligne gothique, dans le Nord de l'Italie, le 8e régiment canadien de hussards affronta deux des meilleures divisions allemandes. Ce fut l'une des batailles les plus féroces de la Seconde Guerre mondiale pour les hussards. L'offensive de la Ligne gothique a forcé les Allemands à conserver 23 divisions en Italie, pendant que les Alliés établissaient une solide tête de pont en Normandie.

Un peu comme d'autres soldats avaient sauvé le jeune Gino, des mécaniciens du régiment des hussards trouvèrent un poulain blessé dans la région de Coriano, au cours de leur assaut contre la Ligne gothique. Ils prirent soin du poulain et le remirent sur patte. Puis, ils le nommèrent Princess Louise, en l'honneur de leur régiment, qui porte aussi ce nom. Le cheval a grandi et a pris des forces. Puis, il a accompagné le régiment pendant la libération des Pays-Bas, en 1945, et, plus tard, est revenu avec lui au Nouveau-Brunswick. Je me souviens, jeune garçon, à Hampton, d'avoir vu la jument dans les défilés. Elle repose aujourd'hui dans le cénotaphe de Hampton.

(1820)

Honorables sénateurs, les soldats qui ont participé à la campagne d'Italie seraient les premiers à vous dire qu'ils ont pris part à plusieurs débarquements du jour J avant l'invasion de la Normandie par les alliés en 1944. Après le 6 juin 1944, les forces alliées dans le Sud de l'Europe se sont vite aperçues que le gros de l'attention et des ressources allaient vers les combats du Nord de la France. Ils ont commencé à se donner le surnom de « tire-au-flanc du jour J », ce qui était un peu sarcastique, vu l'intensité de la résistance allemande en Italie.

Au plus fort de leur engagement, les Forces canadiennes en Italie comptaient des effectifs de près de 76 000 soldats. À la fin de la campagne d'Italie, elles comptaient 25 000 victimes, dont 6 000 morts.

Les Canadiens qui ont servi en Italie ont réalisé des exploits militaire importants, mais ils ont aussi apporté une contribution humanitaire non négligeable à la population italienne, sauvant notamment la vie de M. Farnetti-Bragaglia.

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, il y a à peine quelques semaines, ici même, notre collègue de la belle province du Manitoba, le sénateur Donald Plett, nous a raconté l'histoire émouvante de Gino Farnetti-Bragaglia, un Italien de 75 ans qui a peut-être dû la vie à quatre soldats canadiens courageux et compatissants, il y a de longues années, pendant la campagne d'Italie de la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd'hui, je suis heureux d'apporter mon appui à la motion du sénateur Plett et de souligner la grande signification que revêt le voyage de M. Farnetti-Bragaglia au Canada. Il a jugé nécessaire de venir au Sénat du Canada et de remercier personnellement le Canada pour les actes d'abnégation de ces quatre jeunes soldats, il y a tant d'années.

Je comprends comment son histoire aide à renforcer la tradition de compassion de notre pays, peu importe où, maintenant et à l'avenir.

Honorables sénateurs, j'appuie la motion du sénateur Plett, qui nous invite à souligner le courage de nos valeureux soldats. Il cite plus particulièrement les gestes de quatre simples soldats, Lloyd « Red » Oliver, Paul Hagen, Mert Massey et Doug Walker. J'ai été fier que M. Farnetti-Bragaglia soit à la tribune tandis que nos collègues transmettaient son estimée requête pour que nous, sénateurs, exprimions notre respect et notre gratitude aux familles de ces soldats.

J'ai écouté attentivement la remarquable histoire d'un jeune garçon italien. J'ai écouté comment la courageuse 1re Division du Canada est remontée dans la péninsule italienne et comment, dans la nuit noire qui a suivi une bataille meurtrière, en mai 1944, contre des unités blindées allemandes, ces quatre soldats canadiens ont trouvé un orphelin de 5 ans. Il souffrait de malnutrition. Il était sans frères ni sœurs. Son père avait été tué à la guerre. Sa mère était disparue. Il n'avait pas de parents — personne pour le nourrir, le vêtir et prendre soin de lui.

Ces soldats avaient le choix, honorables sénateurs. Ils pouvaient le laisser là, un orphelin parmi tant d'autres, et poursuivre leur travail déjà difficile. Se charger de lui aurait compromis leur capacité de remplir leur mission. Ils n'avaient pas la responsabilité de cet enfant. Personne n'aurait pu leur reprocher de ne rien faire. Il était une victime de la guerre.

Mais ils étaient des Canadiens. Ces belles valeurs de compassion étaient profondément ancrées dans leur être. Ces valeurs leur avaient été transmises par leurs parents, leur milieu, leur pays.

Ils ont décidé qu'ils ne pouvaient pas l'abandonner dans le noir, au milieu de la nuit. Ils ont choisi de l'aider, de prendre soin de lui, de le vêtir et de le nourrir. D'autres ont préféré ne rien voir, mais ces Canadiens n'ont pas obéi à l'égoïsme pour préserver leur propre vie. Ils ont consacré leurs efforts à aider ce petit garçon italien. Combien d'autres petits garçons et petites filles ont été abandonnés?

J'ai été ému de savoir que, au fil du temps, le petit Gino a fini par recevoir un uniforme et devenir la mascotte de la brigade. Il a appris l'alphabet en anglais, les chiffres et les histoires de la Bible. Par la suite, il a reçu un vélo. Il est devenu estafette et il a vécu aux côtés des soldats canadiens jusqu'à leur départ de l'Italie. Ils ont alors confié Gino à une famille italienne, qui a fini par l'adopter officiellement.

Honorables sénateurs, j'ai été ému d'apprendre que, le 16 décembre 2012, après des années de recherches, on a retracé l'acte de naissance de Gino, qui a ainsi pu reprendre sa véritable identité.

Il est alors venu au Canada pour raconter son histoire et rencontrer les proches des anges gardiens canadiens qui l'avaient sauvé et pris sous leur aile. À vrai dire, cette histoire de bravoure, de compassion et de dignité dans l'adversité nous est familière puisqu'elle s'inscrit tout simplement dans la tradition canadienne.

Les récits anecdotiques comme celui de M. Farnetti-Bragaglia témoignent de la conscience sociale des Canadiens : n'oublions jamais.

Je joins ma voix à celles du sénateur Plett et de M. Farnetti-Bragaglia pour exprimer ma gratitude aux quatre soldats canadiens. Je remercie également les membres de leur famille, qui perpétuent leur mémoire et font honneur à ces ambassadeurs exceptionnels pour le Canada dont l'exemple est une source de fierté et d'inspiration. Il nous revient sans doute de saisir la moindre occasion de rendre hommage à nos soldats et de les soutenir tout en continuant d'écrire l'histoire exceptionnelle de ce grand pays qu'est le Canada, l'histoire marquée par la compassion d'un pays qui puise sa force dans sa diversité.

Je suis le quatrième Afro-Canadien à peine et le tout premier d'origine jamaïcaine à siéger au Sénat du Canada, ce qui me donne une appréciation toute particulière des sacrifices et de la compassion qui ont caractérisé tant de femmes et d'hommes de bonne volonté au cours de notre histoire, sans parler de l'apport courageux d'une multitude de femmes et d'hommes d'ascendance africaine.

Lorsque je pense à ces quatre jeunes hommes qui se sont occupés du jeune Gino, il me vient à l'esprit le souvenir de grands héros canadiens de cette époque, comme par exemple le lieutenant-général Julian Byng, qui commandait les soldats canadiens lors de la bataille épique de la crête de Vimy. Dix mille Canadiens ont été tués ou blessés au cours de ce qui, aujourd'hui encore, est considéré comme le plus grand exploit militaire canadien.

Il y a aussi l'histoire de Thomas Prince, dont nous nous souvenons en raison de son service au sein de la Brigade du diable, qui était une unité d'élite des forces spéciales canado-américaines durant la Seconde Guerre mondiale.

Honorables sénateurs, notre tradition de sacrifices n'a pas débuté avec la Seconde Guerre mondiale. Elle remonte à plusieurs générations antérieures et elle inclut William Hall, qui est le premier marin canadien, toutes races confondues, à recevoir la Croix de Victoria, plus haute distinction militaire de l'Empire britannique. William Hall a obtenu cet honneur au cours de la Première Guerre mondiale, à une époque caractérisée par les tensions raciales.

Honorables sénateurs, vous aurez compris qu'en tant que personne d'origine africaine, William Hall a dû surmonter de nombreux obstacles et, ce faisant, il a servi d'exemples à d'autres. C'est pour cette raison que je poursuis mes efforts afin qu'un buste honore sa mémoire au Monument aux Valeureux, à Ottawa. Ce buste s'ajouterait aux 14 autres qui honorent des héros canadiens à cet endroit. Je prends cette initiative avec l'appui d'un groupe de travail très engagé qui inclut des membres des familles de militaires canadiens, notamment des fils, des filles, des petits-enfants et d'autres parents.

Vous conviendrez qu'un buste de William Hall à cet endroit donnera un aperçu plus juste de l'histoire du Canada. Ce buste honorerait aussi la mémoire du soldat Mark Graham, un Canadien d'origine jamaïcaine qui nous a bien représentés lors des Jeux olympiques de Barcelone, en 1992. Il aimait le Canada et il a illustré les valeurs canadiennes que sont la compassion et la bonne volonté durant son service en Afghanistan. Il a donné sa vie en tentant d'aider les autres. Le soldat Mark Graham est enterré au cimetière national des Forces canadiennes, ici même à Ottawa. C'est cette reconnaissance de notre capacité à faire le bien dans le monde en tant que Canadiens que je continue de souligner dans le contexte de la crise actuelle au Soudan du Sud. Beaucoup de victimes innocentes, y compris des femmes et des enfants, pourraient bénéficier de la compassion des Canadiens.

Plus tôt ce mois-ci, j'étais fier de me retrouver aux côtés de milliers de Canadiens sur la Colline du Parlement à l'occasion de la Journée nationale de commémoration, afin d'honorer les 158 soldats canadiens morts en Afghanistan. Nos pensées et nos prières accompagnent leurs familles.

Honorables sénateurs, oui, je crois fermement que nous devons exprimer notre gratitude à ceux dont le sacrifice a contribué à créer le monde plus pacifique dans lequel nous vivons aujourd'hui. Voilà pourquoi j'organise chaque année une cérémonie du jour du Souvenir en collaboration avec l'Université Ryerson à Toronto, afin de ne jamais les oublier.

(1830)

Et oui, j'appuie la motion du sénateur Plett, qui nous demande, à juste titre, de remercier les familles de ces quatre soldats. Il est vrai que leurs proches n'étaient pas sur le champ de bataille. Mais ne vous y trompez pas, leurs proches ont aussi été marqués émotionnellement, psychologiquement et physiquement par le service de ces soldats. Ils portent bien haut le souvenir de ceux qui ont courageusement risqué leur vie pour le bien de l'humanité. Ce sont eux les véritables gardiens de ce fier héritage. Nous sommes redevables à nos soldats, qui eux-mêmes le sont envers leurs proches et, bien souvent, leurs enfants. Ils méritent notre gratitude.

Je paraphrase M. Farnetti-Bragaglia : les soldats méritent nos encouragements soutenus alors même qu'ils continuent leur bon travail, eux qui incarnent la compassion typiquement canadienne là où les besoins sont les plus criants et qui savent prendre de bonnes décisions, même lorsque personne ne regarde.

Ces quatre soldats n'ont pas seulement sauvé M. Farnetti-Bragaglia il y a 70 ans; c'est l'essence même des Canadiens qui a été sauvegardée. Ce fut peut-être l'un des nombreux gestes qui ont fait connaître à la communauté internationale les valeurs profondes qui habitent les Canadiens.

Ils auraient pu abandonner ce petit Italien. Mais ces quatre soldats ont choisi de faire ce qui s'imposait, ce qui était juste. Ils sont allés au-delà de ce que leur devoir leur dictait sur le terrain. Grâce à eux, la compassion a eu le dessus sur l'apathie. C'est peut-être les mots du premier ministre Mackenzie King, qui était au pouvoir pendant la Grande Guerre, qui pourraient le mieux décrire leurs actions : « Le renoncement et la maîtrise de soi [...] sont les qualités prédominantes d'un bon soldat, on le reconnaîtra. »

Pour moi, en tant que pasteur, l'autodiscipline nécessite une loyauté envers ses propres valeurs. En ce qui concerne la compassion et l'altruisme, notre pays ne connaît pas de frontières.

Les quatre soldats canadiens avaient compris que le devoir ne se bornait pas à combattre de dangereux adversaires sur le champ de bataille italien, et qu'il était tout aussi crucial de sauver la vie d'un enfant, peu importe son origine ethnique ou sa nationalité. Des générations plus tard, nous formons une véritable mosaïque culturelle, riche et dynamique, qui comprend des Italiens, des Philippins, des Ukrainiens, des Africains et des Caribéens. Aujourd'hui, toujours résolu à répandre l'espoir et la charité, le Canada continue à ouvrir ses portes au monde entier, avec le courage et l'empathie qui ont façonné sa réputation bien méritée sur la scène internationale.

C'est pourquoi l'histoire de M. Farnetti-Bragaglia trouve un tel écho en moi. Sa visite chez nous était à la fois importante et courtoise. Je suis d'accord avec lui et avec tous ceux qui ressentent une telle gratitude pour le courage et la compassion des militaires canadiens.

En passant, j'ai eu l'honneur de lui serrer la main; il m'a dit « merci », avec un fort accent.

À la même époque, au cours de la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill avait déclaré ceci :

La première des qualités humaines est le courage, car c'est la qualité qui garantit toutes les autres.

Bref, honorables sénateurs, l'histoire de M. Farnetti-Bragaglia confirme une fois de plus que nous avons fait ce qu'il fallait. La meilleure façon de rendre hommage à la contribution et aux sacrifices de nos militaires consiste à faire notre part pour que le Canada demeure un symbole d'espoir et de compassion, partout et dans n'importe quelle condition.

C'est dans cet esprit que je continue de m'efforcer à changer les choses dans le cadre de mes fonctions au Sénat du Canada et de mon travail de défense des droits en tant que directeur exécutif bénévole du centre d'apprentissage de la GTA Faith Alliance à Toronto. En hommage à cet héritage, j'ai le devoir de continuer à faire ce que je peux, selon mes moyens, en collaboration avec mes collègues du Sénat et partout ailleurs afin de contribuer à créer un monde meilleur, notamment en poursuivant mes efforts en vue de permettre à tous les Canadiens de réaliser pleinement la valeur de nos militaires canadiens. C'est ainsi que nous bâtirons un pays meilleur, où nous pourrons transmettre les valeurs que sont la paix, la justice et la liberté aux générations à venir.

Merci.

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer la motion présentée par notre estimé collègue le sénateur Plett et pour exprimer ma gratitude aux héros canadiens que sont Paul Hagen, Lloyd Oliver, Mert Massey et Doug Walker, de même qu'à tous les braves hommes et femmes qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale pour défendre la justice et la démocratie.

[Français]

L'histoire de ces quatre soldats canadiens me touche profondément parce qu'elle représente qui nous sommes en tant que peuple — une nation compatissante, qui valorise les droits et libertés, et dont l'attachement à ces idéaux ne peut jamais être remis en question, même dans des circonstances très dangereuses.

Bien que mon but aujourd'hui soit de me joindre à notre estimé collègue pour honorer ces quatre courageux Canadiens, je crains que de simples mots ne puissent exprimer convenablement la vraie signification de leurs actes de bravoure, car leurs actions n'ont pas seulement contribué à sauver la vie d'un enfant; elles symbolisent également les efforts de toute une génération de nos compatriotes.

[Traduction]

Si chacun de nous peut prendre la parole dans cette enceinte aujourd'hui et participer à des débats, exprimer son opinion et celle de la population, c'est précisément grâce aux sacrifices qu'ils ont consentis et aux services qu'ils ont rendus pour protéger le Canada et son mode de vie. Ce que nous tenons aujourd'hui pour acquis dans notre grand pays, le droit de vivre dans une nation démocratique et libre de tyrannie, c'est à des hommes et à des femmes comme Paul Hagen, Lloyd Oliver, Mert Massey et Doug Walker que nous le devons.

Malheureusement, comme nous le savons tous, ce que nous, Canadiens, tenons pour acquis n'est pas la norme partout dans le monde. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir, et le Canada continue de donner fièrement l'exemple.

Chers collègues, il est essentiel de ne jamais oublier les leçons du passé. Comme nous le savons tous, avant la Seconde Guerre mondiale, il y a eu la Grande Dépression. Même si bien des gens avaient déjà beaucoup souffert de cette situation, on a demandé à toute une génération de Canadiens de mettre de côté ses rêves et de combattre pour défendre un principe — la démocratie — qui était en péril. Comme leurs camarades américains, nos soldats, y compris les héros à qui nous souhaitons rendre hommage ici aujourd'hui, étaient jeunes et innocents. Leurs actes altruistes ont incité un journaliste fort respecté, Tom Brokaw, à désigner cette génération comme étant la plus glorieuse, car ceux qui en font partie ont combattu non pour qu'on leur rende hommage, mais parce qu'ils estimaient que c'était la chose à faire.

[Français]

Des milliers de jeunes Canadiens, hommes et femmes, de cette Génération grandiose considéraient qu'ils devaient « faire la bonne chose » et se joignaient à l'armée — plusieurs d'entre eux à l'adolescence. Certains, comme Paul Hagen, l'un des héros à qui nous rendons hommage aujourd'hui, étaient mineurs et ont menti sur leur âge afin de pouvoir servir leur pays. George Beurling, fier natif de Verdun, dans ma province natale de Québec, est un autre exemple d'héroïsme. Beurling a survécu à une traversée dangereuse de l'Atlantique, dans des eaux infestées de U-Boat, après avoir défié ses parents, qui l'avaient supplié de ne pas entrer dans l'armée et après avoir été refusé, au départ, par la Royal Air Force britannique parce qu'il n'avait pas d'acte de naissance.

[Traduction]

M. Beurling a enfin eu l'occasion de servir son pays. Il a participé à la bataille d'Angleterre avant d'être transféré à Malte, où il a pris part à la mission de défense aérienne, qui tenait presque du suicide. C'est là qu'il s'est illustré et qu'il est devenu l'un des pilotes de chasse les plus respectés de l'histoire de l'Aviation royale canadienne. Son courage lui a valu l'Ordre du service distingué, la Croix du service distingué dans l'Aviation ainsi que deux Médailles du service distingué dans l'Aviation. M. Beurling est un homme courageux et exceptionnel qui a fait honneur au Canada.

Chers collègues, tandis que je prends la parole pour appuyer la motion de notre collègue, qui vise à rendre hommage à quatre héros canadiens de la Seconde Guerre mondiale, je ne peux m'empêcher de penser à un événement que nous avons commémoré tout récemment, en l'occurrence le 70e anniversaire de l'invasion de l'Europe, le jour J. Plus précisément, je parle du moment où le monde a pris connaissance de la réalité terrifiante que ces soldats ont dû affronter ce jour-là, grâce aux images qui ont été tournées par l'Unité de film de l'armée canadienne au fur et à mesure que l'opération progressait. Pendant que le monde retenait son souffle, avide de comprendre l'invasion du jour J, les premiers métrages de cette journée dramatique ont été filmés non pas par des soldats américains ou britanniques, mais bien par des soldats canadiens. Pour la première fois, le monde était mis en contact de façon très tangible avec les horreurs de la guerre.

(1840)

Aujourd'hui, ces vues animées sont célèbres dans le monde entier et nous les avons tous visionnées bien des fois. À cette époque, ces films ont permis à un monde épouvanté de toucher du doigt la réalité de l'invasion. L'entreprise américaine Movietone News a produit un film d'actualités intitulé Allies Land in France, avec comme narrateur Ed Thorgerson, célèbre personnalité de la radio américaine, et a intégré dans ce film les métrages canadiens, afin de faire prendre pleinement conscience de la réalité au public américain. Les efforts de nos hommes en uniforme ont servi d'exemple à tous.

[Français]

Et pourtant, afin d'apprécier l'importance cruciale du débarquement du jour J, il faut tenir compte des durs combats auxquels ont participé les quatre héros que nous honorons aujourd'hui. Paul Hagen, Lloyd Oliver, Mert Massey et Doug Walker se sont battus pour le Canada lors de la campagne d'Italie. En fait, si la campagne d'Italie avait échoué, le jour J ne serait probablement pas arrivé.

[Traduction]

Il fallait repousser les nazis en Italie et il fallait prendre Rome. Pour y parvenir, les alliés devaient remporter la victoire dans de petites villes côtières comme Ortona, en Italie. Pour ce faire, les troupes canadiennes ont été appelées, durant la période de Noël de 1943, à livrer certains des combats les plus sanglants de la guerre, de maison en maison. La bataille d'Ortona a rapidement été qualifiée de Stalingrad italien. Nos héroïques soldats canadiens ont été confrontés à des unités d'élites de l'armée allemande et ont dû se battre avec acharnement pour gagner chaque mètre de territoire.

Des soldats canadiens ont fait preuve d'un très grand courage, notamment le capitaine Paul Triquet, du Royal 22e Régiment, affectueusement appelé le « Van Doos » par les soldats canadiens-anglais. Triquet s'est vu décerner la Croix de Victoria pour son courage devant des forces ennemies écrasantes et ses hommes ont été marqués par son légendaire cri de guerre : « Ils ne passeront pas. » Les pertes atteignaient des niveaux inquiétants, et les Allemands ont finalement été repoussés, ce qui a permis aux alliés de libérer Rome.

D'une manière typiquement canadienne, les quatre Canadiens auxquels nous rendons hommage aujourd'hui se sont battus pour leur pays et la démocratie en Italie, mais ont quand même trouvé en eux la force d'aider un enfant orphelin. C'est ce que nous devons souligner aujourd'hui.

Honorables collègues, l'histoire nous a appris que la réussite de la campagne d'Italie est l'un des événements qui ont permis aux Alliés de se préparer pour le jour J. Nos soldats ont joué un rôle clé en Italie, ainsi que sur la plage Juno. De plus, ils ont grandement contribué à garder les voies d'approvisionnement ouvertes, tandis que les troupes alliées marchaient sur l'Europe. La contribution du Canada à cet effort massif a été considérable et très appréciée.

[Français]

En tant que pays, nous avons de nombreuses sources de fierté. C'est pourquoi nous devons nous unir aujourd'hui, dans le respect de cette Génération grandiose, et appuyer la motion du sénateur Plett. Donnons-lui, d'une voix unanime, l'honneur de transmettre nos remerciements et notre gratitude à tous nos soldats pour leurs services rendus en reconnaissant officiellement ces quatre jeunes Canadiens qui non seulement se sont battus pour la liberté, mais sont aussi...

(Le débat est suspendu.)

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 19 juin 2014

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l'annexe de la présente lettre le 19 juin 2014, à 18 h 7.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable
   Président du Sénat
       Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 19 juin 2014 :

Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence (Projet de loi C-24, Chapitre 22, 2014)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à honorer les soldats qui ont participé à la campagne d'Italie pendant la Seconde Guerre mondiale

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénatrice Frum,

Que, à l'occasion de la visite de Gino Farnetti-Bragaglia au Canada, le Sénat du Canada exprime sa gratitude aux quatre soldats canadiens qui lui ont sauvé la vie et qui ont pris soin de lui il y a soixante-dix ans, qu'il rende hommage aux familles de ces quatre soldats et qu'il salue la bravoure et le sacrifice de tous les soldats canadiens qui ont participé à la campagne d'Italie pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j'étais en train de dire que c'est pourquoi nous devons nous unir aujourd'hui, dans le respect de cette Génération grandiose, et appuyer la motion de notre collègue, le sénateur Plett. Donnons-lui, d'une voix unanime, l'honneur de transmettre nos remerciements et notre gratitude à tous nos soldats pour leurs services rendus en reconnaissant officiellement ces quatre jeunes Canadiens qui non seulement se sont battus pour la liberté, mais sont aussi venus en aide à un jeune garçon il y a tant d'années.

[Traduction]

Leur histoire est celle de notre pays. Rendons hommage au Canada en adoptant cette motion. C'est la manière canadienne de faire les choses

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, j'aimerais participer moi aussi au débat sur la motion présentée par le sénateur Plett. C'est une motion très valable, sénateur. Je voulais parler tout particulièrement de la nécessité de saluer la bravoure et le sacrifice de tous les soldats canadiens.

J'ai eu le plaisir et l'honneur d'aller en Italie à l'occasion du soixante-cinquième anniversaire de la campagne d'Italie avec l'ancien ministre des Anciens Combattants, l'honorable Greg Thompson, qui était le très bienveillant chef de notre délégation. Il nous a amenés sur la plupart des champs de bataille aux alentours de Monte Cassino et de la vallée de la Liri qui ont été mentionnés ici aujourd'hui. Nous avons visité la majorité des champs de bataille, y compris celui où l'oncle de ma femme, le lieutenant Charles Ritcey de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, qui était un chef de peloton, s'est battu et est mort dans la vallée de la Liri. C'est aussi là qu'il est enterré.

C'est amusant que, parmi vos invités, se trouve justement M. Gianni Blasi, d'Italie. C'est lui qui nous a accueillis et qui nous a servi de guide, durant cette visite. Ses explications étaient fort instructives. Il connaît bien cette partie de l'Italie, ça c'est sûr. Si jamais vous allez dans le coin, sénateur, c'est l'homme qu'il vous faut. Il en a même fait un sujet d'étude. Il enseigne la contribution du Canada aux jeunes des écoles secondaires, et leur parle des hommes et des femmes qui sont morts ou qui ont été blessés sur les champs de bataille, là-bas.

Je suis vraiment content que vous ayez eu cette idée, car nous pouvons ainsi parler de ceux qui nous ont précédés et qui nous ont ouvert la voie.

Vous pouvez compter sur moi pour appuyer votre motion.

Son Honneur le Président : Conformément au Règlement du Sénat, j'ai l'obligation de vous informer que, en prenant la parole, le sénateur Plett se trouvera à clore le débat.

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je serai très bref, même si je tiens à dire quelques mots. Je remercie tous mes collègues pour l'intérêt qu'ils ont porté à cette motion, et plus particulièrement ceux qui ont pris la parole.

J'ai eu l'occasion, hier soir, de me rendre au Musée de la guerre, à quelques pas d'ici, pour prendre la parole dans le cadre d'une merveilleuse cérémonie de commémoration en l'honneur de l'opération Husky et de notre bon ami Gino. Il y avait environ 250 personnes dans la salle, dont des diplomates, des vétérans de la campagne d'Italie et des membres en service des Forces armées canadiennes. De nombreux dignitaires avaient entendu parler de ce que nous faisons au Sénat, et ils m'ont transmis leur profonde gratitude. Je tiens à vous raconter au moins une anecdote savoureuse, parce que, même s'il s'agit d'un sujet grave, l'humour y est quand même présent.

Hier, on a demandé à Gino de monter sur scène. Gianni Blasi, l'homme dont parlait le sénateur Moore, faisait office d'animateur. Gino était là, sur scène, prêt à nous raconter ce qu'il avait vécu dans le camp de l'armée canadienne. Il va sans dire qu'il était tout de suite devenu la mascotte du groupe, qui l'avait fait caporal honoraire et lui avait donné une bicyclette. On lui avait aussi donné un vieux revolver et l'étui qui venait avec; ce qu'il pouvait en être fier. Nous avons pu voir de nombreuses photos de Gino, debout, équipé de son revolver rangé dans l'étui.

Quand M. Blasi lui a demandé ce qu'il faisait de ses journées, Gino a répondu qu'il portait toutes sortes de messages ou qu'il se rendait à l'atelier aider Mert Massey le mécanicien. Il a dit qu'il devait aussi s'assurer que son arme était propre, parce que, tous les matins, Red Oliver inspectait les armes de ses hommes, et il insistait pour que celle de Gino soit toujours impeccable. Alors, pendant la soirée, il astiquait et polissait son arme jusqu'à ce qu'elle soit d'une propreté impeccable à ses yeux. Le matin, évidemment, des inspections des armes avaient lieu, et Red Oliver voulut voir son arme. Lorsqu'il la lui montra, Red Oliver le réprimanda et lui dit : « Vous savez qu'on ne fait pas comme ça dans l'armée canadienne. Votre arme n'est pas propre, soldat, et vous devrez mieux le nettoyer d'ici la prochaine inspection, demain matin. »

(1850)

Alors, le lendemain matin, il se mit en rang encore une fois. Cette fois, il avait tout fait le nécessaire, et l'arme était étincelante de propreté. Oliver passa les soldats en revue et, encore une fois, jugea que l'arme n'était pas assez propre. Alors, Gino commençait à être fâché. Le lendemain, au moment où Oliver quitta les lieux, il alla voir Mert Massey et lui dit : « Je veux que vous me donniez un chiffon d'un blanc immaculé provenant de votre atelier de mécanique. Je vais bien polir mon arme et, si jamais il me dit que l'arme n'est pas propre, je vais la frotter avec le chiffon blanc pour lui montrer qu'il ne reste plus la moindre tache dessus. »

Le lendemain matin, l'inspection des armes eut lieu, évidemment. Red Oliver regarda l'arme de Gino et lui dit : « Ce n'est pas acceptable. » Gino était vraiment fâché. Il passa le chiffon blanc sur son arme et le montra à Oliver en disant : « Il n'y a aucune saleté. » Oliver prit l'arme, pointa du doigt une petite tache et lui dit : « Ce n'est pas assez propre. »

Qu'allait-il faire? Il était très frustré. Évidemment, il parlait italien, et c'est M. Blasi qui faisait l'interprète, mais il se mit un moment donné à parler avec ses mains, comme la plupart des mennonites et des Italiens le font, j'imagine. Rempli de frustration, il faisait des gestes que nous pouvions désormais comprendre sans traduction. Il pointait du doigt l'endroit où il avait pris son arme. Il la sortit et nous montra qu'il était allé la mettre sur un pupitre pour en prendre visiblement une autre et la mettre dans son étui, puis quitter les lieux. Évidemment, ce qu'il disait était traduit par un interprète.

Le lendemain matin, le moment est venu d'inspecter les armes. Ce jour-là, c'est le colonel qui effectuait l'inspection. Lorsqu'il est arrivé au petit Gino, il lui a dit : « Montrez-moi votre arme, soldat ». Lorsqu'il a voulu la dégainer, elle est restée prise parce qu'elle était plus large. Bien entendu, il avait pris le fusil de Red Oliver. Lorsqu'il a enfin réussi à dégainer son arme, il l'a montrée au colonel, qui a été immédiatement pris de furie. « À qui appartient ce fusil? » Gino, âgé de cinq ans, avait en sa possession un pistolet chargé. Bien entendu, ils ont dû s'expliquer ce soir-là.

Gino pensait que tout était oublié. Il récitait ses prières tous les soirs. Un jour, alors qu'il s'apprêtait à sauter au lit après avoir récité ses prières à genoux à côté de son lit, Oliver lui a dit : « Un instant. Il reste quelque chose à faire. » Gino était assis, et il a montré où Oliver l'a pris, lui a baissé le pantalon de son pyjama et lui a donné la fessée.

Dommage que la sénatrice Hervieux-Payette ne soit pas présente; je suis sûr qu'elle aurait voulu intervenir, même après coup.

Le sénateur Mercer : Après coup!

Le sénateur Plett : Gino a dit que, le lendemain, il pouvait à peine marcher. Il avait compris qu'il était mal de prendre l'arme de quelqu'un d'autre, et il a décidé de se contenter de la sienne.

C'était une des histoires les plus amusantes que nous avons entendues, mais il y en avait d'autres. J'ai été particulièrement ému par les paroles du premier ministre. Il a dit ceci :

J'ai été ému par l'histoire touchante de l'héroïsme des Canadiens durant la campagne visant à libérer l'Italie du fascisme. Nos soldats ont manifesté beaucoup de compassion à l'égard des civils italiens accablés par la guerre. Après le carnage, ils ont trouvé un garçon sous-alimenté sans famille et sans abri. Les quatre soldats ont eu la générosité de le protéger et de le mettre à l'abri. L'histoire de la deuxième chance de Gino Farnetti-Bragaglia illustre la gentillesse et la bienveillance avec laquelle nos soldats ont traité les habitants de l'Italie.

Le ministre des Anciens Combattants, Julian Fantino, a ajouté ce qui suit :

L'histoire de Gino, cet orphelin italien qui a été sauvé des ruines de la guerre par quatre soldats canadiens, revêt pour moi une signification profondément personnelle. J'ai passé ma plus tendre enfance dans un pauvre village d'Italie, et certains de mes premiers souvenirs sont marqués par les soldats alliés qui avaient créé des liens d'amitié avec nous après la guerre. Ils semblaient plus grands que nature. C'est justement ainsi que j'imagine Lloyd « Red » Oliver, Paul Hagen, Mert Massey et Doug Walker.

Bien entendu, Gino et le groupe de chercheurs étaient également de la partie et ils nous ont témoigné leur extrême reconnaissance pour l'accueil qu'ils avaient reçu ici, au Sénat. M. Gianni Blasi a clos la discussion en faisant quelques observations sur le modèle canadien. C'est un sujet dont notre collègue, le sénateur Meredith, a beaucoup parlé. M. Blasi a expliqué combien il est difficile pour nous, les Canadiens, de reconnaître à quel point notre pays est réellement formidable. Il a affirmé qu'en tant que citoyen italien, il jouit d'un certain recul qui lui permet d'avoir une très bonne idée de la situation. C'est comme lorsqu'on regarde un beau tableau, a-t-il dit. Et il a ajouté ceci :

Lorsqu'on regarde un tableau à deux pouces du mur, on n'arrive pas à saisir l'ampleur de sa beauté. Mais quand on le regarde de loin, on a une vue d'ensemble.

Nos amis sur la scène internationale sont très conscients du modèle canadien. Il y a là de quoi être fiers.

M. Blasi a aussi parlé de la compassion avec laquelle les soldats ont sauvé Gino, ce qui incarne bien le modèle canadien. Il nous a ensuite fait part de plusieurs anecdotes qui mettent en évidence le modèle canadien. Il a conclu en parlant de la visite du groupe d'Italiens à notre Chambre. Voici ses mots :

J'ai parcouru le monde. Dites-moi, dans quel autre pays un Sénat interromprait-il ses travaux pour rendre hommage à un garçon qui a été sauvé il y a 70 ans en Italie? Dans quel autre pays les sénateurs lui offriraient-ils une ovation? Et dans quel autre pays le Président quitterait-il son fauteuil pour aller l'accueillir? C'est ça, le modèle canadien.

Il a dit que cette expérience dépassait toutes les attentes déjà très élevées qu'ils avaient à l'égard du Canada.

Honorables collègues, merci de ce dont vous avez fait preuve. Je n'arrive pas à me rappeler une occasion où je me suis senti plus fier d'être Canadien et plus fier de notre Sénat pour l'effet qu'il a eu sur ce groupe. J'aimerais encore une fois vous remercier de l'accueil chaleureux que vous avez fait à Gino et à son groupe. Ces gens n'oublieront jamais cette expérience.

L'adoption de la présente motion ce soir montrera également que nous n'oublierons jamais les sacrifices de tous les soldats canadiens qui ont combattu lors de la campagne d'Italie.

Merci, chers collègues, de votre appui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'honorable Catherine S. Callbeck

Interpellation—Fin du débat

L'honorable Jane Cordy, ayant donné préavis le 18 juin 2014 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la carrière de l'honorable sénatrice Callbeck au Sénat et les nombreuses contributions qu'elle a faites aux Canadiens.

— Honorables sénateurs, j'ai le plaisir aujourd'hui de prendre la parole pour rendre hommage à notre estimée collègue, la sénatrice Catherine Callbeck. Elle est une pionnière du milieu politique canadien et elle a ouvert la voie pour les femmes au Canada. Elle a été la première femme élue chef d'un parti politique au Canada à gagner des élections générales. En 1993, elle a mené le Parti libéral à une victoire majoritaire et est devenue la première ministre de l'Île-du-Prince-Édouard.

Je suis d'accord avec les commentaires que la sénatrice Fraser a faits hier, à savoir que des statues seront érigées dans l'avenir pour rendre hommage à la sénatrice Callbeck. Hier, quelqu'un d'autre a suggéré — et je crois que c'était vous, Votre Honneur — de créer un timbre pour rendre hommage à la sénatrice Callbeck à titre de première femme élue première ministre au Canada.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Cordy : Catherine a été députée provinciale de 1974 à 1978 et députée fédérale de 1988 à 1993. Elle a été élue chef du Parti libéral de l'Île-du-Prince-Édouard et a été première ministre de 1993 à 1996. Puis, elle a été nommée au Sénat en 1997. Ce fut une excellente décision de la part du premier ministre Chrétien.

(1900)

Je me rappelle quand j'ai été nommée au Sénat en 2000 et que je siégeais au Comité des affaires sociales. La sénatrice Callbeck est entrée dans la pièce et a pris place à mes côtés. Je me souviens d'avoir pensé : « Mon Dieu, je suis assise à côté de la sénatrice Catherine Callbeck, faites que je ne dise pas de bêtises. »

La sénatrice Callbeck conclut une carrière politique tout à fait remarquable et a été une source d'inspiration non seulement pour les jeunes femmes, mais pour tous les Canadiens. Elle a été un exemple à suivre et a fait avancer les choses en politique. Au Sénat, la sénatrice Callbeck est une ardente défenseure de sa région et de la province de l'Île-du-Prince-Édouard. Que ce soit durant les débats ou à la période des questions dans cette enceinte ou encore aux réunions des comités sénatoriaux, elle faisait toujours passer au tout premier rang les intérêts des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard.

Combien de fois a-t-elle commencé un discours, une question ou une déclaration par « les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard » ou « dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard »? Les citoyens de l'île étaient et sont toujours bien représentés par la sénatrice Callbeck.

Au cours des 17 dernières années, il n'y pas eu meilleur défenseur de l'Île-du-Prince-Édouard que la sénatrice Callbeck. Nous siégions toutes les deux au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie lorsqu'il a tenu d'innombrables audiences partout au pays et a préparé deux excellents rapports. L'un portait sur le système de soins de santé au Canada et l'autre était, bien entendu, notre rapport sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie intitulée De l'ombre à la lumière.

Je lève mon chapeau à la sénatrice Callbeck pour son dévouement envers l'éducation postsecondaire et sa volonté de trouver des solutions pour rendre les études postsecondaires accessibles à plus de Canadiens. Elle a joué un rôle clé dans l'élaboration du rapport sur ce sujet intitulé Ouvrir la porte : Surmonter les obstacles aux études postsecondaires au Canada, que notre comité a rendu public en décembre 2011.

L'Île-du-Prince-Édouard perd une grande défenseure, et le Sénat une intervenante passionnée et dévouée. Catherine, ce fut un honneur et un privilège de travailler avec vous et de vous considérer comme une amie. Je vous souhaite la plus agréable des retraites, et je suis certaine que vous continuerez de défendre ardemment vos compatriotes insulaires.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre quelques instants pour saluer une collègue qui nous a été d'une grande valeur, tant dans cette enceinte qu'à l'extérieur, pendant de nombreuses années, l'honorable Catherine Callbeck. Depuis sa nomination au Sénat, en 1997, sur la recommandation du très honorable Jean Chrétien, elle a accompli un travail remarquable en tant que libérale, représentante de l'Île-du-Prince-Édouard et forte personnalité politique aux yeux tant des hommes que des femmes. Malheureusement, il est temps de dire adieu à notre collègue et amie de longue date.

Originaire de Central Bedeque, à l'Île-du-Prince-Édouard, elle a beaucoup apporté à l'endroit qu'elle considère comme son chez soi. En 1988, la sénatrice est devenue la première femme élue députée de Malpeque, et, du même coup, la deuxième femme à représenter l'Île-du-Prince-Édouard à la Chambre des communes. En 1974, elle était également devenue la deuxième femme élue à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard.

Honorables sénateurs, sa présence et sa participation à l'Île-du-Prince-Édouard ne sont pas passées inaperçues. À l'automne 1997, elle a reçu le prix Shaw d'embellissement rural en reconnaissance de sa contribution à l'amélioration de la qualité de la vie rurale au Canada. J'ai siégé avec elle pendant un certain nombre d'années au Comité de l'agriculture du Sénat, et je sais qu'elle se préoccupe grandement de la vie rurale partout au pays. De 1974 à 1978, elle a été la première femme à occuper le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux. Elle a également assumé les fonctions de ministre responsable des Personnes handicapées et ministre déléguée aux Affaires autochtones. Son impressionnant parcours ne s'arrête pas là.

Bien sûr, le 25 janvier 1993, elle a été assermentée première ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, devenant ainsi la première femme au Canada à être élue à la tête d'une province. Il va sans dire que la sénatrice a connu de nombreuses premières tout au long de sa vie. Il serait intéressant de parler aux autres femmes qui ont été premières ministres provinciales au cours des dernières années parce que c'est la sénatrice Callbeck qui leur a préparé la voie. Elle a rendu cela possible pour les premières ministres de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de Terre-Neuve, du Québec et, bien entendu, de l'Ontario. Ces femmes ont marché dans les traces de Catherine Callbeck.

La réputation de Catherine comme modèle féminin au Parlement et en politique est tout simplement spectaculaire. En novembre 2002, elle a été nommée par le premier ministre Chrétien au poste de vice-présidente du groupe de travail sur les femmes entrepreneures. L'objectif de ce groupe consistait à veiller à ce que les femmes aient le droit et la capacité d'utiliser équitablement leurs aptitudes et leurs talents dans l'économie canadienne. En tant que femme d'affaires de l'Île-du-Prince-Édouard, elle est parfaitement qualifiée pour ce poste.

Je me rappelle avoir voyagé avec elle un jour à l'Île-du-Prince-Édouard. À l'heure du dîner, nous nous sommes arrêtés. Nous étions tous en train de manger. Elle parlait avec un monsieur un peu plus loin. Par curiosité, je lui ai demandé de qui il s'agissait. Bien entendu, c'était le directeur de son entreprise. Elle s'informait des ventes de la journée.

En novembre 2006, le Réseau des femmes exécutives de Toronto l'a désignée comme l'une des 100 femmes les plus influentes au Canada. Elle a aussi été la première personne à être intronisée dans l'Ordre du mérite des femmes canadiennes en politique, qui rend hommage aux multiples contributions des politiciennes. À mon avis, c'est bien mérité.

Catherine a également assuré une présence constante dans les groupes de bienfaisance et du secteur public, et a siégé à plusieurs comités durant son mandat au Sénat. Comme je l'ai mentionné, j'ai eu le plaisir de siéger, à quelques occasions, avec la sénatrice Callbeck au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Nous avons vécu de beaux moments — cocasses parfois — et nous avons eu de très bons débats.

Je me rappelle que, dans le cadre de notre étude sur la pauvreté rurale, nous avons pris un très petit avion exigu pour nous rendre de Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Corner Brook, sur l'île de Terre-Neuve. Catherine n'est pas petite et il n'y avait pas beaucoup de place dans l'avion. Nous avons tous dû nous entasser.

Je me souviens également de cette fois où, dans le cadre de notre plus récente étude sur l'innovation, le comité a visité l'entreprise Oxford Frozen Foods, à Oxford, en Nouvelle-Écosse. Nous avions rendez-vous avec John Bragg, le président-directeur général de l'entreprise. Nous avons dû monter des escaliers pour nous rendre à la salle de conférence. Les membres du comité ont monté les escaliers, le sénateur Mockler et d'autres en tête, et ont serré la main de M. Bragg. Je le connais depuis plusieurs années. Il m'a accueilli en me disant qu'il était content de me voir. Comme il n'arrêtait pas de regarder derrière moi, je lui ai demandé ce qu'il cherchait. Il m'a alors dit qu'il croyait que Catherine Callbeck siégeait à notre comité. Je lui ai répondu que oui, mais qu'elle ne participait pas à la visite. Il était déçu et je lui ai demandé pourquoi. Il m'a alors répondu que Catherine Callbeck était sa première petite amie à l'Université Mount Allison. »

Sénatrice Callbeck, je vous remercie de toutes vos années de travail acharné et de dévouement. Je suis certain que je parle au nom de tous les sénateurs lorsque je dis que c'était à la fois un privilège et un honneur de travailler à vos côtés. Vous nous manquerez beaucoup, mon amie. Bonne chance et bonne santé tout au long de votre retraite.

L'honorable. Paul E. McIntyre : Monsieur le Président, le Sénat a rendu hommage, cette semaine, à trois sénatrices, les sénatrices Champagne, Buth et Callbeck. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour leur rendre hommage.

Sénatrice Callbeck, l'histoire retiendra que vous avez eu une longue et brillante carrière dans les affaires publiques. Parmi vos nombreuses réalisations, vous avez déjà été députée provinciale et députée fédérale et vous êtes la première Canadienne à avoir été élue première ministre d'une province, l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai acheté récemment le livre qui décrit votre brillante carrière. Je l'ai trouvé très intéressant et agréable à lire. Je n'ai pas besoin d'en dire plus. Votre présence au Sénat et ce livre témoignent de tout ce que vous avez fait. Tous les sénateurs pourraient vous dire que vous nous manquerez beaucoup. Bonne retraite.

Sénatrice Buth, même si vous n'avez été sénatrice que pendant trois ans, vous avez réussi, pendant cette courte période, à laisser votre trace dans notre merveilleuse institution grâce à votre conscience professionnelle et à votre excellent travail. Je crois comprendre que vous retournez dans le secteur privé pour poursuivre votre carrière dans le secteur agricole. Je vous souhaite bonne chance dans votre nouvelle carrière. J'ajoute que votre départ, tout comme celui des sénateurs Dallaire, Segal, Champagne et Callbeck, est une grande perte pour notre merveilleuse institution, et que vous nous manquerez beaucoup aussi.

[Français]

C'est maintenant ton tour, ma chère Andrée!

Malheureusement, je n'ai pu te faire mes adieux mardi dernier, faute de temps.

(1910)

Il y avait trop d'admirateurs et d'admiratrices qui faisaient la queue.

Naturellement, c'est avec tristesse que nous apprenions tout récemment ton départ, l'âge de la retraite ayant sonné. On a dit beaucoup de belles choses à ton sujet : mère de famille, grand-mère, actrice, écrivaine, députée, ministre, vice-présidente de la Chambre des communes, sénatrice, présidente de la section canadienne de l'APF, présidente internationale de l'APF, et j'en passe.

Honorables sénateurs, mardi dernier, la sénatrice Champagne nous a annoncé que je serai, en juillet, son successeur à titre de président de l'APF au niveau international. À ce sujet, je dois vous raconter une petite anecdote. Dès que je suis devenu sénateur, la sénatrice Champagne m'a demandé de devenir membre de l'APF, et j'ai accepté aussitôt. Peu après, à mon insu, elle s'est organisée pour que je devienne président de la section canadienne de l'APF, sachant fort bien que, puisque j'étais dans cette position, je lui succéderais automatiquement à la présidence de l'APF au niveau international. Son but était de compléter son deuxième mandat de deux ans qui, effectivement, expire en juillet 2015. J'ai eu beau protester, hélas, c'était peine perdue.

En se servant de son charme, de sa ruse et de sa ténacité, elle m'avait déjà choisi comme successeur. Merci, Andrée, pour cette belle marque de confiance. J'espère être à la hauteur de la situation, comme tu l'as toujours été d'ailleurs.

Je comprends qu'André-Sébastien et toi avez passé une période plutôt difficile, la maladie vous ayant atteints tous les deux. Mais le vent a vite tourné, et je vois que vous envisagez déjà la vie avec confiance et sérénité.

Bonne chance, sois heureuse.

[Traduction]

L'honorable Art Eggleton : Je suis heureux de joindre ma voix à celles de mes collègues pour dire combien j'apprécie la contribution de Catherine Callbeck, tant au Sénat qu'à la société canadienne.

Auparavant, comme mon collègue il y a quelques minutes, j'aimerais exprimer ma gratitude à la sénatrice Champagne et à la sénatrice Buth pour leur contribution à cette institution.

Sénatrice Callbeck, nos collègues ont beaucoup parlé de votre carrière, des honneurs que vous avez récoltés et de vos réalisations. Il ne fait aucun doute que, dans l'histoire du Canada, être la première femme élue au poste de premier ministre d'une province restera un fait marquant.

Bien d'autres choses que vous avez accomplies dans votre carrière témoignent de votre désir de servir la population de notre pays. Je connais particulièrement votre travail aux comités, car nous avons siégé en même temps à deux d'entre eux : celui des finances et celui des affaires sociales.

Ce qui m'a le plus impressionné chez vous, c'est votre éthique de travail. Vous êtes toujours préparée. Lorsque j'arrive à une réunion, vous y êtes déjà. Vous avez vos notes et vos questions et vous avez étudié le sujet. Je pense que c'est très admirable d'avoir pu le faire invariablement. Cela montre tout le sérieux que vous mettez dans votre travail.

Au comité des affaires sociales, je me rappelle que nous discutions de la nécessité de nous pencher sur la question de l'enseignement postsecondaire — vous savez, comme nous le savons tous, à quel point c'est important pour notre pays, pour notre avenir économique et pour notre bien-être collectif. J'ai été heureux d'avoir pu, bien modestement, contribuer à ce que votre demande d'étude soit acceptée par le comité, et quelle bonne étude ce fut. Je suis très heureux de dire que, comme pour bien des études auxquelles vous avez participé au comité, nous avons réussi à nous entendre et à produire un rapport unanime, dans l'espoir que les recommandations qu'il contenait fassent l'objet de mesures législatives, et ce fut le cas pour nombre d'entre elles.

Je souligne également que, lorsque vous preniez la parole au Sénat pour poser des questions, vous le faisiez toujours, à mon avis, dans un esprit dépourvu de toute partisanerie, tout en cherchant à servir les intérêts de votre province, l'Île-du-Prince-Édouard, puisque bon nombre de vos questions y avaient trait.

Selon moi, vous avez servi votre pays avec grande distinction. Je vous souhaite santé et bonheur. Merci encore une fois de votre dévouement envers notre pays.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet d'une collègue pour qui j'éprouve du respect depuis de nombreuses années, et cela remonte même avant ma nomination au Sénat. Sénatrice Callbeck, je vous ai observée de loin lorsque vous avez été élue députée provinciale à l'Île-du-Prince-Édouard, puis députée fédérale, et lorsque vous êtes devenue la première femme à accéder au poste de première ministre provinciale, ce qui a fait la fierté de toutes les Canadiennes. Vous étiez la première femme à être élue première ministre non seulement à l'Île-du-Prince-Édouard, mais également dans tout le Canada. Vous êtes ensuite devenue sénatrice.

Vous êtes réellement la voix du peuple de l'Île-du-Prince-Édouard. Vous nous avez enseigné ce que sont le dévouement et l'ardeur au travail. Vous m'avez appris que notre état de santé et nos circonstances personnelles n'ont aucune importance. Vous êtes toujours au service de la population de l'Île-du-Prince-Édouard et de l'ensemble du Canada, que ce soit par vos déclarations, vos questions ou votre travail au Comité des finances nationales.

J'ai travaillé avec vous au Comité des affaires sociales, et ce qui m'a le plus impressionnée, c'est de vous voir prendre le temps de comprendre un sujet que je croyais très bien connaître. Lorsque le comité a été saisi du projet de loi sur l'immigration, j'ai été impressionnée par tout le temps que vous avez mis à vous y préparer. Mais ce qui m'a encore plus marquée, c'est de voir à quel point vous vous souciiez de la population canadienne.

Même si vous quittez notre Chambre, je suis sûre que vous aurez de nombreux autres défis et aventures, mais je tiens à vous dire que vous avez fait une différence dans la vie de beaucoup de Canadiens; nous n'avons qu'à penser à votre position sur l'aide juridique ou l'assurance-emploi. Aujourd'hui, la qualité de vie de près de 20 000 anciens combattants et de leur conjointe est différente, parce que vous avez pris position en vue de vous assurer qu'ils reçoivent des prestations.

Catherine, alors que vous quittez cette Chambre, je tiens à vous dire que vous m'avez appris beaucoup de choses. Vous m'avez notamment appris qu'aucun emploi n'est banal. Chaque emploi est important s'il apporte quelque chose aux gens et change leur vie. Vous avez défendu les intérêts des habitants de votre province et des Canadiens. Vous nous avez beaucoup appris. Merci beaucoup.

[Français]

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à notre collègue, la sénatrice Catherine Callbeck, avec qui j'ai eu le plaisir de siéger au cours de ces 17 années.

Je lui rends hommage en français car, au cours de nos 17 ans en tant que collègues, sénatrices et amies, j'ai pu apprécier à plusieurs reprises le soutien que la sénatrice Callbeck accordait à toutes les questions qui sont importantes pour la francophonie canadienne, et je l'en remercie sincèrement.

En réfléchissant à ce que je voulais dire, je me suis aperçue que la sénatrice Callbeck pourrait être l'étoile du Sénat — ou, comme on dit en anglais, « poster girl » —, car elle incarne ce que les Canadiens et les Canadiennes attendent de leurs sénateurs. Elle est tout simplement une parlementaire modèle.

Oui, la sénatrice Callbeck a mis à profit sa vaste expérience et son immense savoir-faire en tant que femme d'affaires, enseignante, députée à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, députée fédérale, étant seulement la deuxième femme de l'Île-du-Prince-Édouard à siéger à la Chambre des communes et, aussi, la première femme canadienne élue première ministre d'une province. C'est sans compter que la sénatrice a toujours été très impliquée auprès de nombreux organismes; je l'en remercie encore une fois.

(1920)

À titre de sénatrice, elle a représenté de manière exceptionnelle sa région et a défendu avec vigueur les intérêts de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle a profité de toutes les occasions pour attirer l'attention sur des questions importantes que l'on avait, dans bien des cas, négligé d'étudier ou d'examiner à fond. Il serait trop long de toutes les énumérer, mais je mentionnerai le manque de services de passeport pour les Canadiens habitant dans les régions rurales, en particulier à l'Île-du-Prince-Édouard; l'octroi de fonds pour les anciens combattants, les personnes âgées à faible revenu, les familles à faible revenu et les étudiants; la réduction des postes à Service Canada, à l'Île-du-Prince-Édouard; les préoccupations des pêcheurs de homards; l'emploi pour les personnes handicapées; la nécessité de mettre en place une stratégie en matière de santé mentale; et enfin, plus récemment, un nouvel accord sur la santé et l'importance de l'immigration pour la prospérité des régions du Canada.

L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : Sénatrice Charette-Poulin, votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous quelques minutes de plus?

La sénatrice Charette-Poulin : S'il vous plaît, si mes collègues acceptent.

Son Honneur le Président suppléant : Quelques minutes de plus.

La sénatrice Charette-Poulin : En tant que Canadienne, la sénatrice est une pionnière et est reconnue, comme tous mes collègues l'ont dit jusqu'à présent, pour avoir ouvert la voie aux femmes ainsi qu'aux hommes dans l'arène politique. Elle a été la première femme à être intronisée au Temple de la renommée des femmes canadiennes en politique et a été classée parmi les 100 femmes les plus puissantes du Canada par le Women's Executive Network, à Toronto. Tout récemment, elle a été nommée pionnière par le groupe Famous 5 d'Ottawa.

La sénatrice Callbeck, en plus d'être une collègue, est une amie de tous. Sa présence en cette Chambre nous manquera.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à ma collègue, amie et voisine de banquette, la sénatrice Callbeck, alors qu'elle s'apprête à prendre sa retraite du Sénat. On a dit beaucoup de choses à propos de Catherine, et de manière beaucoup plus éloquente que je ne saurais le faire, mais je m'en voudrais de ne pas ajouter moi aussi quelques mots.

Dans sa première profession, Catherine a été enseignante. Puis, elle a travaillé dans l'entreprise familiale, mais ce n'est là que le début de sa glorieuse carrière. En 1974, elle est devenue la deuxième femme à être élue à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, où elle a été la toute première femme à être nommée ministre de la Santé et des Services sociaux.

En 1978, elle a quitté la politique provinciale pour retourner à l'entreprise familiale, mais l'appel du service à la population s'est de nouveau fait entendre et elle a repris la vie publique. Pendant sa longue carrière, Catherine a été une véritable pionnière. En 1988, elle est devenue la première femme à être élue députée fédérale de Malpeque, ce qui a fait d'elle la deuxième femme de l'histoire à être élue à la Chambre des communes en provenance de l'Île-du-Prince-Édouard. En 1993, elle est devenue la toute première femme au pays à être élue première ministre de sa province.

À ce titre, Catherine est devenue une inspiration pour toutes les femmes souhaitant devenir politiciennes. À sa façon, c'est-à-dire sans vague et sans prétention, elle a fait savoir à tous les Canadiens que les jeunes femmes avaient leur place dans les plus hautes fonctions du pays.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Furey : Les réalisations de Catherine dans les milieux des affaires, de l'enseignement et de la politique sont beaucoup trop nombreuses pour que j'en fasse l'énumération ici aujourd'hui, mais j'admettrai, honorables sénateurs, que ces nobles réalisations me rendent à la fois intimidé et honoré d'avoir une telle voisine. Je suis toujours fort impressionné par les réalisations de Catherine et son comportement professionnel et courtois. Sa façon de voir la vie n'est pas sans rappeler les paroles d'Aristote :

L'excellence n'est jamais un accident, elle est toujours le résultat d'une forte volonté, d'efforts sincères, de réflexions intelligentes et d'une exécution habile; elle représente un choix judicieux parmi de nombreuses possibilités. Le choix, et non la chance, détermine notre destinée.

La détermination de Catherine et sa volonté de faire les bons choix ont toujours caractérisé ses réalisations.

Ce fut un privilège et un plaisir de travailler avec une collègue aussi remarquable; ses réalisations seront soulignées et célébrées dans les livres d'histoire des générations à venir. La grâce et le dévouement de Catherine pour le service au public me font penser à une autre pionnière de la politique, Margaret Thatcher, qui a dit ceci :

Un jour où l'on est très satisfait de soi est un jour où l'on n'a pas été paresseux; c'est un jour où l'on avait tout à faire et où l'on a réussi.

Catherine, vous avez vécu chaque jour comme si tout était à faire, et vous avez réussi à tout faire. Vous l'avez fait avec fierté, avec respect, avec dignité et surtout, avec distinction.

Sénatrice Callbeck, vous allez nous manquer dans cette institution, et je vous souhaite beaucoup de succès dans les prochains projets que vous entreprendrez, malgré une vie déjà riche et accomplie. Bonne chance, et tous mes vœux de bonheur, mon amie.

L'honorable Grant Mitchell : Je me joins à tous mes collègues pour exprimer mon admiration envers la sénatrice Callbeck. Vous avez tous tant dit, et si bien, que je vais simplement me joindre à vous pour souligner ses grandes réalisations.

J'aimerais toutefois ajouter une perspective de l'Ouest. Pendant les années 1980 et 1990, l'Alberta a connu une sorte de révolution politique. Après 21 ans, nous avions gagné des sièges libéraux et nous ressentions une grande excitation. Dans cette excitation, le Parti libéral s'est développé sur le plan culturel et a beaucoup misé sur l'égalité des femmes et leur présence en politique, dans les affaires et dans les postes de haute direction de notre société, surtout dans la province, pour une raison quelconque. C'était peut-être seulement grâce au mélange de personnes au sein du parti.

Lorsque la sénatrice Callbeck est devenue la première femme élue première ministre au pays, en 1993, il est devenu évident que la popularité de ces idées et de cette tendance au sein du Parti libéral en Alberta avait atteint son paroxysme. Je me souviens très bien de ce moment et de l'importance qu'il revêtait et du fait que, dans l'Ouest canadien, en Alberta, le caucus de notre parti tenait la sénatrice Callbeck en haute estime.

Quelque mois plus tard seulement, nous nous préparions à des élections, et je n'oublierai jamais combien de femmes ont dit s'être portées candidates parce qu'elles avaient été inspirées par les grandes réalisations de la sénatrice Callbeck, qui était alors première ministre. Ce fut un grand moment non seulement pour les Canadiennes, mais aussi pour tous les Canadiens, pour le Parti libéral, bien entendu, et pour la présence des femmes sur la scène politique de l'Alberta. Je ne l'oublierai jamais.

D'ailleurs, je pourrais dire qu'elle est, en quelque sorte, la tête d'affiche parfaite pour À voix égales. Je suis sûr qu'elle a été une grande source d'appui et d'inspiration pour l'organisme.

J'aimerais également donner un autre point de vue personnel. Ces derniers jours, et même auparavant, nous avons tous essayé de justifier l'existence du Sénat et d'en démontrer l'importance. Il m'arrive souvent de parler de ceux que je côtoie au Sénat afin de montrer la valeur exceptionnelle de cette institution et de ceux qui en font partie. Or, il y a toujours une personne dont je parle en premier : la sénatrice Catherine Callbeck. Il est remarquable de constater à quel point elle est bien connue parmi les gens du public avec qui je discute — particulièrement en Alberta, je vous le rappelle —, et à quel point ces personnes sont impressionnées à l'idée qu'une personne aussi exceptionnelle reflète parfaitement la nature et l'importance du Sénat et de ses travaux.

(1930)

Bref, je répète ce que d'autres ont dit avant moi : sénatrice Callbeck, vous avez eu une carrière incomparable. Personne n'en a fait autant. Certaines personnes se distinguent tout naturellement de leurs pairs, quoi qu'elles fassent, peu importe où. De toute évidence, vous êtes l'une d'entre elles. J'admire votre façon de faire de la politique, avec dignité, avec élégance, en restant concentrée sur l'essentiel et en défendant les intérêts qui s'imposent. Vous êtes une représentante hors pair pour votre région et pour tous les Canadiens.

Pour conclure, je tiens à signaler que vous avez systématiquement accompli de grandes choses en toute modestie, mais avec une efficacité hors pair. Sur ce, je vous remercie de tout cœur de tout ce que vous avez fait. Ce fut un privilège de vous connaître, de collaborer avec vous et de vous observer, et je suis immensément reconnaissant d'avoir eu ce bonheur. Je vous souhaite bonne chance dans tout ce que vous entreprendrez encore.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, il est très difficile de faire suite aux paroles éloquentes et senties du sénateur Furey à l'endroit de la sénatrice Callbeck. Je me joins à vous tous pour souligner, entre autres, la carrière politique exemplaire de la sénatrice Catherine Callbeck. Concernée par le mieux-être de ses concitoyens et concitoyennes de l'Île-du-Prince-Édouard, la sénatrice n'a jamais hésité à apporter sa contribution à des organismes à but non lucratif dont la liste serait trop exhaustive pour vous les énumérer.

À jamais, dans l'histoire de notre pays, la sénatrice Callbeck a été la première femme élue première ministre d'une province en 1993, après avoir été élue successivement à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard et comme députée au Parlement canadien. Pionnière de nature, la sénatrice Callbeck, de par sa formation et son expérience, est toujours partante pour promouvoir la participation active des femmes dans tous les secteurs socioéconomiques.

[Traduction]

Honorables sénateurs, permettez-moi de dire à quel point il est agréable de siéger à un comité avec la sénatrice Callbeck, comme j'en ai eu le privilège pendant des années au Comité sénatorial permanent des finances nationales. La sénatrice était toujours très bien préparée. Elle posait d'excellentes questions, car elle avait approfondi le dossier. Elle ne se laissait jamais décourager par la douleur — oui, il nous arrivait de nous en rendre compte, Catherine — ni par les réponses superficielles à ses questions. Elle ne haussait jamais le ton, mais elle n'hésitait pas à insister pour obtenir des réponses.

On ne s'étonne donc pas que les Prince-Édouardiens l'aient élue et réélue. Quelles que soient les circonstances, la sénatrice ne baisse jamais les bras. Elle se contente, de sa voix douce, d'imposer le respect pour les Canadiens qu'elle représente et les questions pouvant influer sur leur bien-être.

Je dois dire, Catherine, que depuis que le sénateur Cowan nous a raconté, hier après-midi, l'histoire concernant la première fois où vous avez entendu parler des Barenaked Ladies, je ne puis m'empêcher de vous imaginer en train de tourner en rond, l'air furieux, à vous demander pourquoi on voulait faire venir des « dames flambant nues » à l'île. Je crois que je ne pourrai jamais oublier cette image.

Je crois qu'il y a un autre hommage que vous mériteriez. En 2017, le Canada célébrera son 150e anniversaire. Vous avez été une digne représentante et une dirigeante politique de l'Île-du-Prince-Édouard, qui compte l'assemblée législative fondatrice de notre pays.

Puis-je avoir deux minutes de plus?

Son Honneur le Président intérimaire : Merci.

La sénatrice Ringuette : À Ottawa, tout juste à l'extérieur de cette enceinte, un monument a été érigé pour rendre hommage à de grandes Canadiennes, les Célèbres cinq. Je crois que, devant l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, à l'occasion du 150e anniversaire du pays, on devrait ériger en l'honneur du rôle de pionnière que vous avez joué une statue de vous intitulée « Une femme extraordinaire ».

Des voix : Bravo!

La sénatrice Ringuette : Catherine, je suis convaincue que, d'une part, les gens de l'Île-du-Prince-Édouard se réjouissent de savoir que la sénatrice Callbeck sera parmi eux plus souvent, mais que, d'autre part, ils vont regretter — tout comme nous, d'ailleurs — le dévouement avec lequel vous les représentiez au Sénat. Sénatrice Callbeck, j'éprouve la plus grande admiration pour votre ferveur et votre intégrité. Vous nous manquerez assurément. Nous vous souhaitons de vous reposer un peu — un tout petit peu — avant de passer à de nouveaux défis.

Merci de votre dévouement, Catherine.

L'honorable Pana Merchant : Honorables sénateurs, dans le discours d'adieu qu'elle a prononcé hier, la sénatrice Callbeck a fait allusion à sa participation au Groupe de travail du premier ministre sur les femmes entrepreneures, dont elle a été la vice-présidente.

Mes premières rencontres avec cette grande Canadienne ont eu lieu alors que j'effectuais du travail de soutien lorsque le groupe de travail venait à Regina, où il était accueilli avec beaucoup d'enthousiasme.

Cette enquête importante sur les défis constants que devaient relever les Canadiennes en 2002 demeure d'actualité. La sénatrice Callbeck a joué un rôle clé dans la planification et la mise en œuvre de ce groupe de travail, de même que dans la rédaction et le dépôt du rapport final.

Le groupe de travail a tenu des audiences partout au pays. C'était une enquête exhaustive à laquelle la sénatrice a dévoué beaucoup de temps et dans laquelle elle s'est engagée corps et âme. Il était particulièrement remarquable que ces audiences ne se soient pas limitées aux grandes villes, mais qu'elles aient aussi eu lieu dans une multitude de petites localités d'un bout à l'autre du pays, notamment Kelowna, London, Bracebridge, Kenora, Orangeville, Laval et St. John's.

Des centaines de femmes entrepreneures ont comparu devant le comité. Lors des audiences, on a discuté de toutes sortes de questions relatives aux obstacles auxquels se heurtent les femmes dans le monde des affaires, y compris la garde des enfants, les plafonds de cotisations à un REER, les politiques culturelles, le fardeau fiscal des entreprises, l'accès à des subventions en microcapital et à des capitaux de risque plus importants, l'immigration au féminin, les cadres de règlement des différends, les questions d'assurance, les compétences et la formation.

Honorables sénateurs, maintenant que la sénatrice Callbeck prend sa retraite, je ne voulais pas rater l'occasion de saluer sa contribution au sein de ce groupe de travail. Elle était bien préparée puisqu'elle avait travaillé dans une petite entreprise, siégé dans une assemblée législative élue, fait partie du Cabinet de sa province, avant de se retrouver à sa tête, à titre de première ministre de cette province.

Catherine, je vous souhaite tout le bonheur possible. Ce fut un honneur et un plaisir de siéger ici avec vous.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, j'ai une petite anecdote à raconter qui, à mon avis, résume bien la personnalité de Catherine Callbeck.

Mais d'abord, j'entends déjà le bruit de la construction de votre statue, qui sera érigée à côté de celle des Célèbres cinq. J'entends un bruit, mais je suppose que, comme M. Chrétien, je peux dire que je « suis ici depuis longtemps ».

Quoi qu'il en soit, je veux retourner en arrière, à l'année 1976. Devinez qui est devenu chef du Parti progressiste-conservateur à cette époque? C'était Joe Clark. Le lendemain, on pouvait lire la manchette suivante dans le journal : « Joe qui? »

(1940)

Le lendemain, Peter Mansbridge, quelques autres journalistes et moi nous sommes rendus dans le bureau de Joe Clark. Sur les pages du journal, la manchette nous demandait : « Joe qui? ». Nous lui avons donc posé directement la question : « Qui est Joe Clark? » Joe trouvait tout cela très amusant. Il n'a eu d'autre choix que de vivre avec ce sobriquet. C'était en 1976.

J'ai aussi couvert la campagne de Mulroney, puis j'ai travaillé à l'étranger pendant une douzaine d'années, pour ensuite revenir au Canada en 1992. J'étais l'un de ces journalistes prétentieux qui couvrent l'actualité nationale et internationale et qui croient tout savoir ce qui se passe. En vérité, je connaissais beaucoup de choses en général, mais bien peu de choses en profondeur.

On m'a demandé de me rendre dare-dare à l'Île-du-Prince-Édouard pour couvrir l'excellente campagne électorale de 1993. Imaginez la scène : moi, journaliste national, en pleine conférence de presse avec la nouvelle première ministre de l'Île-du-Prince-Édouard. Je l'ai regardée et me suis dit : « Voyons voir si je peux déstabiliser cette nouvelle élue ». Je lui ai donc adressé la parole : « Madame Callbeck, en 1976, nous nous sommes tous demandé `Qui est Joe Clark?' Madame Callbeck, qui est Catherine Callbeck? » Elle a pris une pause et a répondu : « Je suis Catherine Callbeck. » Un point, c'est tout. Je suis Catherine Callbeck. Que dire de plus?

L'honorable David P. Smith : Je suis le dernier. En général, c'est là que je me trouve dans une file.

Catherine, je veux simplement vous dire que vous êtes unique. Vous travaillez dur et représentez avec sincérité les intérêts de votre province. Vous êtes pleine d'élégance, une vraie grande dame. Pour être honnête, j'aurais aimé travailler davantage avec vous. Pour une raison quelconque, nous n'avons jamais siégé aux mêmes comités et j'aurais souhaité qu'il en fût autrement. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration et de respect pour vous. Pour tout dire, je vous aime bien. Vous allez nous manquer, à moi tout autant qu'aux autres. Merci beaucoup.

La Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Wilfred P. Moore propose que le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada (inspecteur général de l'Agence des services frontaliers du Canada) et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada et modifiant d'autres lois en conséquence.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-222 fait suite à plusieurs années de préoccupations grandissantes concernant la surveillance de nos agences de sécurité nationale. Nous avons tous entendu l'appel de divers organismes nous exhortant à assurer une meilleure surveillance puisque le milieu de la sécurité détient désormais de nombreux pouvoirs, ce qui, avant les attentats du 11 septembre, était du jamais vu au pays et dans le monde.

L'Agence des services frontaliers du Canada a été créée le 12 décembre 2013, lorsque le projet de loi C-26, Loi constituant l'Agence des services frontaliers du Canada, a été présenté par le gouvernement du premier ministre Paul Martin. Le projet de loi faisait suite aux terribles événements du 11 septembre 2001, et au rapport de 2003 de la vérificatrice générale, qui en soi faisait partie d'un effort plus vaste, soit l'initiative visant à améliorer la sécurité nationale, qui avait été annoncée dans le budget de 2001.

La création de l'ASFC faisait partie d'une vague de changements. L'attention du monde entier était dirigée, comme c'est toujours le cas aujourd'hui, vers la sécurité des pays et de leurs citoyens à la suite des attentats terroristes aux États-Unis d'Amérique et ailleurs dans le monde.

L'ASFC a pris en charge certaines des responsabilités du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et de l'Agence des douanes et du revenu du Canada par décret du gouverneur en conseil en vertu de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique.

Ce transfert de responsabilité a été confirmé lors d'un débat sur le projet de loi C-26 qui a été tenu à l'autre endroit en 2004. J'en cite un extrait :

L'agence a pris en charge les programmes de renseignement, d'interdiction et d'application et le programme d'immigration aux points d'entrée qui étaient auparavant du ressort de Citoyenneté et Immigration Canada. De plus, elle est désormais en charge du programme d'inspection des importations aux points d'entrée qui relevait auparavant de l'Agence canadienne d'inspection des aliments; ainsi elle peut assurer une véritable intégration aux points d'entrée [...]

En outre, le poste de ministre de la Sécurité publique a été créé en 2003, et son titulaire a assumé les responsabilités du solliciteur général afin de diriger le nouveau ministère responsable de la sécurité intérieure, Sécurité publique Canada. La nouvelle agence devenait alors responsable de l'application de 90 lois régissant le commerce et les voyages, en plus de s'occuper de la coordination de la sécurité aux frontières, un changement très important.

Aujourd'hui, l'agence compte 1 président, 7 vice-présidents et 8 directeurs régionaux. Ce n'est pas tout : elle compte également plus de 12 000 employés. L'agence mène ses activités dans 1 200 points de service, 119 postes frontaliers, 3 ports de mer, 3 centres de courrier et 4 centres de détention. Elle est réellement devenue une organisation de très grande envergure, et elle continue de croître.

Le 10 février 2014, le vice-président des opérations de l'Agence des services frontaliers du Canada, Martin Bolduc, a comparu devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Voici ce qu'il a dit :

L'an dernier, l'Agence a traité dans les 100 millions de voyageurs, 5,4 millions de camions et 14 millions d'expéditions commerciales. Elle a réalisé 93 saisies de pornographie juvénile, et plus ou moins 400 d'armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte. La valeur des saisies de drogue, finalement, dépasse les 300 millions de dollars. Ces chiffres augmentent de façon soutenue depuis plusieurs années, et ils entraînent à leur suite la demande en services frontaliers.

Honorables sénateurs, personne ne sous-estime l'important travail dont l'agence s'acquitte chaque jour et personne ne remet en question la qualité du travail qu'elle accomplit pour protéger les Canadiens. Nous remercions sincèrement les fonctionnaires de l'agence. Pas un jour ne passe sans qu'une saisie de marchandises illégales à la frontière fasse les manchettes. Par exemple, le 11 juin à Edmonton, l'agence a mis la main sur l'équivalent de 9 millions de dollars de stupéfiants, et 16 kilogrammes de cocaïne ont été saisis à l'aéroport Pearson le 30 mai. Voilà deux exemples récents d'un des aspects du travail de l'agence.

Mais l'ASFC a beaucoup changé depuis 2003. Les pouvoirs que possède maintenant cette agence sont assez ahurissants, même comparativement à ceux d'autres organismes de sécurité.

Le juge O'Connor, dans son rapport de 2006, était probablement le premier à demander officiellement une surveillance accrue de l'ASFC. Neuf ans se sont écoulés depuis la publication de ce rapport, et on n'a toujours pas établi un organisme chargé de surveiller l'ASFC. Et il n'y a aucune autorité indépendante à laquelle un plaignant peut s'adresser pour faire entendre sa cause.

Une question importante qui est souvent évoquée dans les plaintes concerne le manque de surveillance de l'ASFC. Permettez-moi de citer les propos de Sukanya Pillay, directrice exécutive et avocate générale de l'Association canadienne des libertés civiles, dans le cadre de son témoignage, en mars dernier, devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense :

L'ASFC est un organisme qui jouit de vastes pouvoirs, y compris le pouvoir de faire respecter la loi. Les agents de l'ASFC peuvent arrêter, avec ou sans mandat, un résident permanent ou un étranger s'ils croient que la personne présente une menace pour la sécurité publique ou se trouve illégalement dans le pays. L'ASFC a également le pouvoir de détenir des étrangers et des résidents permanents, y compris les demandeurs d'asile. Comme on l'a mentionné, l'ASFC collabore aussi étroitement avec d'autres organismes, dont la GRC et le SCRS, afin d'échanger des renseignements sur lesquels peut se fonder l'ASFC au moment de déterminer qu'une personne pose une menace ou se trouve illégalement au pays.

(1950)

Dans un pays comme le Canada, nous devrions nous inquiéter que de tels pouvoirs puissent être exercés par une agence qui ne fait l'objet d'aucune surveillance indépendante et qui ne prévoit aucun mécanisme de recours pour ceux qui estiment que ces pouvoirs ont été appliqués sans égard aux lignes directrices et aux règles de l'agence.

L'ASFC administre aussi son propre programme d'informateurs. Le 15 janvier de cette année, de nombreux médias ont parlé d'un document d'information élaboré par le ministre de la Sécurité publique. Ce document décrit une situation où ces informateurs ont accès à un agent responsable des sources humaines confidentielles, et il les désigne comme étant des participants au programme des sources humaines confidentielles. Ce document décrit également les opérations de surveillance secrètes des agents de l'ASFC. Ces activités ne portent pas seulement atteinte à la vie privée des personnes visées par les activités de surveillance; étant donné que l'agence n'est pas supervisée comme il se doit, elles pourraient aussi donner lieu à des abus.

La commissaire à la protection de la vie privée par intérim, Chantal Bernier, a exprimé des préoccupations en ce qui concerne la protection de la vie privée lorsqu'elle a comparu devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, en avril 2014. Voici ce qu'elle a déclaré :

[...] nous avons, au cours des trois dernières années, déployé des efforts considérables pour examiner les risques pour la vie privée liés à la sécurité frontalière. Dans nos communications avec l'ASFC et d'autres organismes, nous avons signalé des préoccupations concernant la portée grandissante des renseignements personnels de nature délicate qui sont recueillis, l'utilisation et l'échange accrus de ces renseignements par les autorités, la nécessité de mettre en place des mécanismes clairs de plaintes et de recours et les périodes de conservation des renseignements personnels de nature délicate, qui devraient être justifiées.

Il s'agit d'un problème très important, car le régime actuel prévoit que ces renseignements peuvent être communiqués à des pays tiers, dont le bilan en matière de droits de la personne est parfois peu enviable. Les risques sont donc évidents dans ce cas et ils sont aussi directement liés au rapport O'Connor.

On a également su grâce à une demande d'accès à l'information que l'ASFC a communiqué plus de 18 000 fois avec des compagnies de télécommunications en 2012, cherchant à obtenir des renseignements sur des clients, et que seulement 52 de ces demandes de dossier comportaient un mandat.

Selon l'ASFC, dans 99 p. 100 des cas, on cherche à obtenir des renseignements de base sur l'abonné. Quoi qu'il en soit, l'agence peut forcer la divulgation de l'information en invoquant un pouvoir ministériel et non pas judiciaire. L'ASFC a révélé ces faits sans rechigner, ce qui est louable, mais comme on l'a vu dans le cas du CSTC, un organisme indépendant devrait superviser ce type de cueillette de renseignements.

Chers collègues, les documents obtenus par les médias grâce à des demandes d'accès à l'information et qui ont été communiqués consistaient en 1 428 plaintes déposées contre l'ASFC en 2008-2009 et 1 100 autres plaintes formulées contre l'ASFC durant la première moitié de 2011. Je répète que ces chiffres ont été obtenus grâce à l'accès à l'information. Les Canadiens n'y ont pas accès d'office. La nature de ces plaintes est inconnue, mais nous savons par les reportages qu'elles portent sur un vaste éventail de sujets.

J'ai déjà décrit à la Chambre le cas d'un navigateur de plaisance âgé qui est entré en solitaire dans le port de Canso, en Nouvelle-Écosse, le 1er juillet 2010. Après avoir appris que ce port historique ne comporte aucun bureau des douanes ou de l'immigration, il a communiqué avec la GRC. Je signale qu'il n'y a pas de bureau de l'ASFC à Canso. Quand on arrive à cet endroit par mer, on peut téléphoner à l'ASFC pour demander une inspection durant les heures de travail, du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h. En dépit de tout ce qu'on entend dire au sujet de la sécurité des frontières, telle est la situation dans à peu près tous les ports et toutes les anses le long de la côte en Nouvelle-Écosse.

Un agent de la GRC est venu et a vérifié les documents du visiteur et de son bateau. Constatant que tout était en ordre, l'agent a dit au navigateur de se présenter à l'Agence des services frontaliers du Canada quand il arriverait à Halifax. Il était en route vers Lunenburg, où sa fille et d'autres membres de sa famille prévoyaient lui rendre visite. À son arrivée à Halifax quelques jours plus tard, le navigateur s'est présenté officiellement à l'ASFC, et c'est alors que son cauchemar a commencé.

Honorables sénateurs, comme le capitaine du yacht n'était pas arrivé au bon port, à Canso, des gardes-frontières armés ont chambardé sa vie. À la recherche de produits de contrebande, ils lui ont confisqué son bateau et l'ont mis sens dessus dessous, jetant par-dessus bord la nourriture, les provisions, les pièces de rechange et l'équipement et détruisant une unité de réfrigération coûteuse. Je cite :

Le chef de bord a dit à Dan Leger, directeur des nouvelles du Chronicle Herald, à Halifax, que c'était comme si des vandales s'étaient introduits dans son bateau et l'avaient saccagé.

Le plus navrant, ce sont les gestes non professionnels d'intimidation dont le visiteur a fait l'objet. Lorsqu'il a protesté, on a hurlé après lui et on l'amalmené. Les agents l'ont accusé de fréquenter des criminels à Vancouver, un port qu'il n'avait jamais visité. Ils l'ont traité à maintes reprises de menteur et ils ont menacé de le faire emprisonner. De plus, ils lui ont dit qu'il n'avait aucun droit et qu'ils pouvaient faire de lui ce qui leur plaisait.

Les agents n'ont trouvé aucun article de contrebande, mais ils ont exigé qu'il paie 1 000 $ d'amende pour avoir accosté dans le mauvais port. Ils lui ont donné 24 heures pour l'acquitter, sans quoi il devrait payer une amende de 30 000 $. Ils lui ont dit qu'ils avaient inscrit son nom dans une base de données et qu'il ferait l'objet de soupçons partout où il irait.

Ce n'est là qu'un exemple qui montre à quel point il est nécessaire d'instaurer un processus indépendant de traitement des plaintes à l'endroit de l'ASFC.

À l'autre extrême, mentionnons le cas de Lucia Vega Jiménez, décédée dans un centre de détention de l'ASFC à Vancouver en décembre 2013. La nouvelle de son décès n'a été diffusée qu'un mois plus tard. Une enquête du coroner est en cours, mais ce genre d'incident mettant en cause une agence gouvernementale canadienne fait bien ressortir, honorables sénateurs, la nécessité d'une surveillance indépendante.

Quand il a témoigné devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, en février dernier, Martin Bolduc, dont j'ai parlé plus tôt, a répondu ceci au sénateur Campbell, qui l'interrogeait sur l'incident :

Je sais que les médias ont rapporté beaucoup d'inexactitudes au sujet de cette affaire. Oui, l'ASFC collabore pleinement à l'enquête du coroner.

Toutefois, n'est-ce pas là une partie du problème? Nous ne pouvons obtenir que très peu de renseignements sur le fonctionnement de l'ASFC. Cette situation suffit à confirmer qu'il est nécessaire de mettre en place un organisme de surveillance indépendant.

Chers collègues, le projet de loi S-222 a été rédigé pour répondre aux préoccupations des personnes mentionnées précédemment, ainsi qu'à celles qui ont fait l'objet de mesures de la part de membres de l'ASFC. De toute évidence, il faut créer un organisme de surveillance indépendant des activités de l'ASFC. Cet organisme devra être habilité à enquêter sur des plaintes et à présenter des rapports au Parlement.

Voici ce que dit le sommaire du projet de loi S-222 :

[...] prévoit la nomination d'un inspecteur général de l'Agence des services frontaliers du Canada ayant le pouvoir de présenter des rapports et des recommandations sur les activités de l'Agence et étant chargé de recevoir et d'instruire les plaintes concernant celle-ci.

L'inspecteur général serait nommé par le gouverneur en conseil après consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat et à la Chambre des communes et approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes. L'inspecteur général serait nommé pour un mandat de sept ans, lequel pourrait être renouvelé pour des périodes maximales de sept ans chacune.

En cas d'absence ou d'empêchement de l'inspecteur général, une personne compétente pourrait être nommée pour un mandat maximal de six mois. L'inspecteur général aurait le rang et tous les pouvoirs d'un administrateur de ministère. L'inspecteur général serait habilité à embaucher du personnel à temps plein et à recruter des experts sur une base temporaire. En vertu de cette mesure législative, le mandat de l'inspecteur général serait le suivant : premièrement, contrôler les activités de l'ASFC dans l'exécution de son mandat et faire rapport notamment de ses observations et recommandations concernant les procédures et le rendement de l'ASFC en ce qui a trait à ses activités; deuxièmement, faire enquête relativement aux plaintes qu'il reçoit.

Le projet de loi S-222 donne les lignes directrices relatives aux enquêtes menées par le Bureau de l'inspecteur général. Le projet de loi comporte des dispositions générales à cet égard. Toute personne peut porter plainte au sujet d'une action ou d'une mesure prise par l'ASFC. L'inspecteur général se réserve toutefois le droit de refuser d'enquêter davantage s'il estime que l'enquête est inutile, si la plainte est futile ou de mauvaise foi, ou si elle outrepasse les pouvoirs de l'inspecteur général.

Le projet de loi stipule qu'avant de commencer une enquête, l'inspecteur général doit informer le ministre et le président de l'ASFC de l'intention d'enquêter et de la nature de la plainte. L'enquête proprement dite donnera l'occasion au plaignant et à l'ASFC de faire des démarches auprès de l'inspecteur général pour présenter des preuves.

(2000)

Le projet de loi S-222 prévoit que, dans le cadre de ses enquêtes, l'inspecteur général aura notamment le pouvoir d'assigner et de contraindre des témoins à comparaître devant lui, à déposer verbalement ou par écrit sous serment et à produire les pièces qu'il juge indispensables à ses enquêtes. Il aura en outre le pouvoir de faire prêter serment.

Si l'inspecteur général conclut au bien-fondé d'une plainte, il devra adresser au ministre et au président de l'ASFC un rapport où il présentera les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu'il juge indiquées et pourra demander qu'on lui donne avis, dans un délai déterminé, soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en œuvre de ses recommandations, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite. Il devra en outre rendre compte au plaignant des conclusions de son enquête.

Le deuxième aspect important du projet de loi S-222 touche les rapports. Aux termes de la loi, dans les trois mois suivant la fin de chaque exercice, l'inspecteur général devra établir un rapport sur ses activités et le remettre au ministre de la Sécurité publique. Il pourra aussi préparer, à l'intention du ministre de la Sécurité publique, des rapports spéciaux sur toute question dont l'urgence est telle qu'il serait contre-indiqué d'en différer le compte rendu jusqu'au rapport annuel suivant.

De son côté, le ministre de la Sécurité publique devra déposer les rapports annuels ou spéciaux qui lui seront ainsi remis devant chacune des Chambres du Parlement dans les 15 premiers jours de séance suivant leur réception.

Le troisième aspect important, honorables sénateurs, porte sur les recours. Aux termes de la mesure législative, quiconque a saisi l'inspecteur général d'une plainte peut former un recours devant la Cour fédérale. Le recours en question doit être formé dans les 60 jours qui suivent la communication au plaignant des conclusions de l'enquête de l'inspecteur général ou de l'avis de refus d'ouverture d'une enquête.

De plus, si le tribunal conclut que la plainte est fondée, il pourrait accorder tout recours qu'il estime convenable et juste. L'inspecteur général se réserve également le droit de demander au tribunal d'accorder un recours au plaignant, si ce dernier y consent, et il pourrait comparaître devant le tribunal pour le compte de toute personne ayant formé un recours.

En examinant le contenu de ce projet de loi, il m'est apparu évident que la question des recours est importante et qu'il faut la régler. Je crois qu'il est primordial d'instaurer un processus de dépôt de plainte garantissant au plaignant que sa plainte sera traitée rapidement et de manière équitable, qu'elle soit recevable ou non. À mon avis, le processus prévu dans le projet de loi S-222 est équitable et mettra en place un système beaucoup plus équilibré que le système actuel. Comme vous le savez peut-être, à l'heure actuelle, les plaintes sont traitées à l'interne par l'ASFC. Il n'y a pas de surveillance indépendante. Les plaignants n'ont pas l'impression que l'actuel processus de plainte est transparent et qu'il leur permet d'avoir une audience équitable.

Honorables collègues, le projet de loi contient beaucoup d'autres dispositions générales qui portent sur les exigences relatives au secret, les normes de sécurité que doivent respecter l'inspecteur général et son personnel, le droit à l'accès à l'information de l'inspecteur général, ainsi que la modification d'autres lois en conséquence.

Comme je l'ai mentionné au début, on demande, depuis sa création, que l'ASFC fasse l'objet d'une surveillance, plus particulièrement depuis le rapport O'Connor publié en 2006.

En terminant, je soutiens que la disposition visant à instaurer une surveillance indépendante de l'ASFC se fait attendre depuis longtemps et que nous rendrions un grand service aux Canadiens et aux visiteurs en adoptant le projet de loi S-222.

Son Honneur le Président intérimaire : Je vois qu'une sénatrice demande la parole. Souhaitez-vous poser une question?

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Oui. Sénateur Moore, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Moore : Oui.

La sénatrice Fraser : Vous justifiez de manière très convaincante la création d'une telle surveillance. En écoutant la liste des pouvoirs que vous proposez de confier à l'inspecteur général, je me suis demandé si cela est comparable aux pouvoirs des autres mécanismes de surveillance qui existent dans l'appareil fédéral. Avez-vous suivi un modèle ou est-ce là une toute nouvelle approche, unique en son genre?

Le sénateur Moore : J'ai collaboré avec des conseillers juridiques qui ont examiné le modèle de surveillance d'autres agences du gouvernement du Canada, et c'est le meilleur concept auquel ils sont parvenus.

Je crois qu'il est important que nous ayons un organisme indépendant tel que celui prévu dans le projet de loi pour que la personne qui remplit cette fonction puisse enquêter de manière indépendante sur les plaintes, soit tenue de faire rapport au ministre et au président de l'Agence des services frontaliers du Canada pour qu'ils sachent ce qui se passe, et soit également tenue de faire rapport à l'auteur de la plainte. À l'heure actuelle, cela n'existe pas. J'ai donné l'exemple du plaisancier, qui a abandonné ses projets de séjour au Canada et est rentré chez lui, aux États-Unis.

Nous pouvons faire mieux que cela. Le projet de loi confère également beaucoup de pouvoirs au ministre — il est omniprésent à toutes les étapes — de même qu'au président de l'Agence des services frontaliers du Canada, qui est avisé de la plainte et de la nature de celle-ci et peut faire valoir son opinion, ou son agent le peut, s'il est possible que l'agence soit impliquée. Je crois que cela procure un juste équilibre. Je crois qu'on en a vraiment besoin.

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Chers collègues, je vous prie, ayez un peu de respect pour ceux qui ont la parole. Si vous souhaitez tenir une conversation, vous pourriez peut-être utiliser la salle de lecture.

Écoutons la question du sénateur Baker.

L'honorable George Baker : Je serai bref.

Sénateur Moore, vous avez raison de dire qu'il n'y actuellement aucune possibilité d'appel. Il y a beaucoup de décisions de la Cour supérieure concernant des Canadiens, principalement des femmes, qui ont subi une fouille à nu à l'aéroport international Pearson à leur retour au Canada. Il y a des équipes itinérantes chargées de surveiller de près les arrivées en provenance de sept pays; si elles ont le moindre soupçon — selon diverses lignes directrices données aux employés — elles peuvent décider de soumettre quelqu'un à un examen secondaire. Si elles soupçonnent quelque chose, elles amènent le suspect dans une pièce. Dans deux récentes affaires mettant en cause des femmes, on leur a demandé de vider leur sac à main. Si elles s'y opposent, elles peuvent être menottées et fouillées à nu.

Dans le cas le plus récent, les responsables ont trouvé une bouteille d'alcool contenant des particules blanches. L'inspecteur a dit : « On dirait de la cocaïne ». Le mari et l'enfant de la femme ont dû attendre 15 heures dans une zone d'attente de l'aéroport pendant que tout cela se passait.

À la fin, elle a été libérée, en larmes et totalement bouleversée. Ils ont dit : « Ouais, on a une trousse de détection. » Les agents de police le savent. Les sénateurs White et Dagenais savent que les agents ont des trousses de détection qui peuvent immédiatement confirmer la présence de drogues.

On ne lui a pas vraiment présenté d'excuses. On l'a laissé partir. Son enfant et son mari ont attendu 15 heures.

Les juges de la Cour supérieure de l'Ontario rendent toujours la même décision. Tout revient au libellé de la loi. Personne au Canada, même pas un agent de police, n'a le droit de mettre les menottes à quelqu'un sur la foi de simples soupçons. Pourtant, c'est ce que permet la loi que nous avons adoptée. Le projet de loi que nous avons adopté parlait de « soupçons ». C'est pour cela que le sénateur Dagenais nous a dit un jour, au comité, qu'ils attendent généralement qu'un agent des douanes arrive afin de pouvoir intercepter le véhicule et le fouiller, parce que la Sûreté n'a pas ce pouvoir. Il en est de même de la police de l'Ontario. C'est à cause du mot « soupçon » que l'on retrouve partout dans la loi.

Chacune de ces causes a été déboutée. Dans le cas de la dernière cause dont je me souviens avoir pris connaissance, la femme a dû payer les frais.

La sénatrice Fraser : Pardon?

(2010)

Le sénateur Baker : La seule raison pour laquelle elle s'est adressée aux tribunaux, c'est qu'elle estimait que ses droits avaient été brimés. Le juge a déclaré que ce n'était pas le cas, parce que c'était ce que prévoit le libellé de la loi. Vous savez que, si vous engagez un procès civil au Canada et que vous perdez, vous devez normalement assumer les frais judiciaires, et c'est ce qu'elle a dû payer.

Si je comprends bien ce que vous dites, cet organisme de surveillance pourrait alors revenir voir la femme en question qui s'était adressée à lui pour porter plainte en premier lieu. Il examinerait son cas et il dirait : « Oups, la loi permet à ces gens d'agir de la sorte sur la base d'un soupçon ». Même un étudiant embauché pour l'été pourrait le faire sur la base d'un soupçon. La commission des plaintes dont vous proposez la création suggérerait sans doute au gouvernement de remplacer l'expression « sur la base d'un soupçon » par « sur la base de motifs raisonnables ». Est-ce bien cela?

Le sénateur Moore : Oui, sénateur Baker. J'ai aussi pris connaissance de certaines de ces causes, et c'est ce que prévoit actuellement le libellé de la loi. Les pouvoirs sont tellement démesurés, c'est inouï. On n'a pas besoin d'avoir une raison de croire, ni le plus petit élément de preuve qui pourrait témoigner du fait que cette personne essaie de faire quelque chose d'illégal ou d'inapproprié. L'inspecteur général pourrait entendre la cause de la dame dont vous avez parlé, convoquer les agents qui ont mené l'enquête et procédé à la fouille de sa personne et de ses affaires, entendre les arguments, décider de former un recours et effectivement intenter une action en cour fédérale en son nom en tant que témoin afin de l'aider dans sa cause.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Baker, avez-vous une question complémentaire ou avez-vous posé toutes vos questions en même temps? Je n'essaie pas de vous taquiner.

Le sénateur Baker : Nous avons des experts parmi nous. Vous êtes vous-même spécialisé en droit criminel. Il y a des experts sur les pouvoirs des policiers, dont les deux assis un à côté de l'autre, là-bas. Ce sont des experts, et ils vous diront qu'on ne peut pas détenir quelqu'un sans motif valable, même aux fins d'une enquête.

Au final, si c'est inscrit dans la loi — et c'est le cas — et que c'est conforme à la formation donnée, les juges ont décidé qu'on ne saurait reprocher ces actes aux agents, car ils respectent la loi que nous avons adoptée il y a des années et qui leur confère des pouvoirs que même les policiers ne possèdent pas. C'est en cela, selon moi, que réside toute l'importance du projet de loi.

J'ai une question pour le sénateur : croyez-vous que le projet de loi pourrait nous permettre de modifier la loi à ce sujet?

Le sénateur Moore : Vous voulez savoir si le projet de loi contient une disposition qui modifierait la loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada en ce qui concerne la notion de suspicion, le fait que les agents ont carte blanche? Non, le projet de loi ne contient aucune disposition de ce genre. Cependant, je suis ouvert à tout amendement amical.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le Jour de l'Avril noir

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ngo, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-219, Loi instituant une journée nationale de commémoration de l'exode des réfugiés vietnamiens et de leur accueil au Canada après la chute de Saïgon et la fin de la guerre du Vietnam.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne suis pas tout à fait prête, alors je propose l'ajournement du débat pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi constitutionnelle de 1867
La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Terry M. Mercer propose que le projet de loi S-223, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat), soit lu pour la deuxième fois.

— Je vous remercie, honorables sénateurs. Aujourd'hui, je prends la parole au sujet du projet de loi S-223, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada, que j'ai présenté mardi. La « Loi sur la présidence du Sénat », espérons-le, attirera une attention nouvelle sur le Sénat et sur ce que nous faisons ici, de notre propre initiative, pour rendre cette assemblée plus démocratique.

Premièrement, j'aimerais remercier le Président actuel, Noël Kinsella, pour toutes ses années au service du Sénat. Comme vous le savez, le sénateur Kinsella prendra sa retraite en novembre. Au fil des ans, le sénateur Kinsella a aidé le sénateur Munson et moi à souligner la Journée nationale de l'enfant, ici en cette enceinte, et il a travaillé avec moi à l'organisation de la Journée de la marine sur la Colline du Parlement. Je lui suis reconnaissant de son soutien. Le Président a toujours été d'une aide précieuse pour tous les sénateurs et je crois que nous convenons tous qu'il a fait un travail inestimable pour le Sénat du Canada. Merci, sénateur Kinsella.

Honorables sénateurs, le Président du Sénat est une ressource inestimable pour nous. Pour que le Parlement fonctionne, il doit être efficace. Le Président est notre guide et le gardien du décorum. Il doit donc être impartial, saisir tous les points de vue et rendre un jugement en se fondant sur les précédents, mais en respectant les besoins en constante évolution d'une institution démocratique comme le Sénat.

Cette personne ne devrait pas avoir à compter sur une nomination par le gouvernement du fait qu'elle est au service de tous les sénateurs, et pas seulement des sénateurs du gouvernement de l'heure, n'est-ce pas?

Honorables sénateurs, vous avez peut-être été très surpris lorsque j'ai présenté ce projet de loi, puisque ce n'est pas la première fois que la question est soulevée au Sénat. En effet, en mars, 2003, il y a plus de 11 ans, notre ancien collègue, le sénateur Oliver avait présenté le projet de loi S-16, qui demandait au Sénat de faire exactement ce que je propose. Vous devez certainement vous demander pourquoi je suivrais l'exemple d'un conservateur, mais je sais reconnaître une bonne idée et je crois que ce débat devrait être dépourvu de toute partisanerie.

J'ai relu les anciens débats sur le projet de loi de mon collègue et examiné les arguments afin d'entreprendre le débat sur un sujet qui, je le crois, est bénéfique pour le Sénat, le Parlement et les Canadiens. Je ne ferai pas l'historique du Président du Sénat, mais je dois expliquer le rôle du Président et la façon dont il est exercé.

Mon collègue, le sénateur Joyal, a tenu les propos suivants lors du débat sur le projet de loi S-16 :

Je voudrais souligner aux honorables sénateurs aujourd'hui pourquoi le Président exerce un rôle très important dans notre institution. Il représente notre institution. Il en est en quelque sorte l'incarnation.

Le Président est, bien entendu, nommé par le gouverneur général sur l'avis du premier ministre. Il préside les travaux du Sénat, dont les débats et les votes. Il lui revient également de trancher les questions soulevées à propos de la procédure parlementaire au Sénat ou des droits et immunités du Sénat ou de sénateurs. Nous ne devons pas oublier que toute décision du Président peut être confirmée ou rejetée par vote, si elle fait l'objet d'un appel. Le projet de loi S-223 ne prévoit aucune modification à cet égard.

Le Président participe rarement au débat, mais il peut le faire en quittant le fauteuil et en prenant la parole du siège qu'il occupe au Sénat. Le Président peut voter, mais il ne peut pas trancher en cas d'égalité. Comme vous le savez, au Sénat, l'égalité des voix correspond à un vote négatif. Le poste de Président intérimaire est une tout autre chose.

En 1982, le Sénat a adopté la règle voulant que le Comité de sélection, qui est composé de neuf sénateurs, nomme, au début de chaque session, le Président intérimaire, qui, de facto, est le vice-président. Avant l'adoption de cette règle, le Président intérimaire était choisi chaque fois que le Président était absent.

(2020)

Nous devons nous poser les questions suivantes. La procédure a-t-elle entravé ou empêché le bon fonctionnement du Sénat? A-t-elle étouffé le débat? A-t-elle empêché un sénateur d'agir honorablement à titre de Président? La réponse à ces questions est « non ». Alors, pourquoi changer la procédure? Eh bien, pourquoi pas? Pour répondre à ces questions, nous devons examiner les intentions du projet de loi.

Honorables sénateurs, cette mesure législative modifie la Loi constitutionnelle de 1867 afin de prévoir l'élection du Président et du vice-président du Sénat. Elle modifie en outre la Loi constitutionnelle de 1867 afin d'instituer au Sénat une procédure de vote semblable à celle de la Chambre des communes où le Président élu, le vice-président ou toute autre personne qui préside la séance n'a droit de vote sur une question qu'en cas d'égalité des voix. Elle apporte aussi des modifications connexes à la Loi sur le Parlement du Canada pour prendre des dispositions en cas d'absence du Président ou du vice-président du Sénat.

Comment fait-elle cela? Le projet de loi apporte une modification à la Loi constitutionnelle du Canada, une modification qui, selon moi, est bien dans les limites des pouvoirs des sénateurs et des députés. Les deux Chambres du Parlement peuvent travailler ensemble pour déterminer la façon de réformer cet endroit. Ce projet de loi modifie exclusivement les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif, au Sénat ou à la Chambre des communes et, partant, il est donc visé par l'article 44, à la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982, qui précise ceci :

Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

Selon l'interprétation que nous en faisons, le Parlement a le pouvoir de modifier l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui, pour l'instant, dit ceci :

Le gouverneur général peut, par acte revêtu du grand sceau du Canada, nommer un sénateur président du Sénat, le révoquer et le remplacer.

Soit dit en passant, en anglais, c'est le pronom « him » qui est employé.

Le projet de loi S-223 vise à remplacer cet article par l'article suivant :

34.(1) Le Sénat, à sa première réunion de la première session d'une législature, procède, avec toute la diligence possible, à l'élection par scrutin secret de deux de ses membres aux postes de président et de vice-président.

Et voici le deuxième paragraphe de l'article :

(2) En cas de vacance du poste de président ou de vice-président, pour cause de décès ou de démission ou toute autre cause, le Sénat procède, avec toute la diligence possible, à l'élection d'un autre de ses membres au poste vacant.

Le poste de Président intérimaire serait donc remplacé par un poste de vice-président, et c'est nous, les sénateurs, qui élirions le Président et le Président intérimaire.

Le projet de loi prévoit aussi une modification de l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui dit actuellement ceci :

Le Sénat prend ses décisions à la majorité des voix, le président ayant toujours droit de vote; en cas de partage, le vote est considéré comme négatif.

C'est la formulation actuelle. Dans mon projet de loi, je propose que la nouvelle formulation soit la suivante :

Les questions soulevées au Sénat sont décidées à la majorité des voix; le sénateur qui préside n'a droit de vote qu'en cas d'égalité des voix.

Le Président ne voterait pas, sauf en cas d'égalité. Je souligne qu'actuellement, le Président exerce son droit de vote à l'occasion. Je souligne aussi que le sénateur Nolin, qui a exercé de façon très compétente et rigoureuse les fonctions de Président intérimaire ces derniers temps, s'est abstenu de voter à de nombreuses occasions. Je ne sais s'il voulait faire comme si le projet de loi avait déjà été adopté, mais je crois que c'est tout à son honneur de vouloir demeurer impartial comme on devrait le faire lorsqu'on préside des délibérations.

Honorables sénateurs, le projet de loi modifie également la Loi sur le Parlement du Canada de façon à ce que le fauteuil ne soit jamais vide. Il exige que le Président demande d'abord au vice-président de le remplacer. Si le vice-président est absent, le Président peut choisir un autre sénateur qui agira comme vice-président temporaire, une situation semblable à celle que nous connaissons actuellement. Par ailleurs, si le vice-président occupe le fauteuil et doit s'absenter, il peut se faire remplacer par un sénateur de son choix, qui devient pour l'occasion vice-président temporaire.

En l'absence du Président et du vice-président, tous les sénateurs choisissent un vice-président temporaire pour la journée.

Voilà ce que prévoit le projet de loi S-223.

Je crois que les pouvoirs associés à l'article 44 de la Constitution nous autorisent à apporter ces changements. Les modifications constitutionnelles de ce genre ne sont pas soumises à la règle du 7/50 et ne requièrent pas le consentement unanime des provinces. La Constitution permet au Parlement du Canada de changer sa façon de choisir le Président du Sénat. Je crois que nous devrions exercer ce droit, car il est temps d'envisager ces changements.

Le Sénat traverse une période intéressante mais plutôt troublée. Fait désolant, si les Canadiens sont maintenant plus attentifs aux activités de notre institution, c'est à cause du scandale entourant les dépenses et le comportement de certains sénateurs. Malheureusement, les Canadiens remarquent davantage les défaillances du Sénat que sa valeur véritable.

Le Sénat du Canada est un lieu de débats importants, où s'élaborent des politiques saines. Si nous souhaitons que les Canadiens reconnaissent davantage le rôle crucial que joue le Sénat dans le processus parlementaire, nous pouvons transformer cette institution de l'intérieur.

Les modifications que le gouvernement actuel souhaitait apporter au Sénat ont été jugées contraires à la Constitution. Le gouvernement ne peut donc pas donner suite aux projets de loi qui devaient modifier la nature du Sénat. Grâce à ce projet de loi-ci, nous pouvons tenter d'apporter nous-mêmes quelques changements dans l'intérêt de la population.

Puisque la Chambre des communes élit son Président, pourquoi n'envisagerions-nous pas de faire la même chose? À bien des égards, le Sénat est différent de la Chambre des communes, c'est vrai, mais pourquoi le choix du Président de notre assemblée devrait-il se faire à la demande du premier ministre? Cela ne nous rend-il pas moins indépendants?

À titre de député, tout premier ministre vote par scrutin secret pour choisir le Président de la Chambre des communes. Puisque le premier ministre ne fait pas partie du Sénat, pourquoi a-t-il le droit de nommer le Président du Sénat, alors que les sénateurs n'ont pas le droit de voter pour élire le Président de la Chambre des communes, ni même, en l'occurrence, le droit de voter pour choisir notre propre Président? Ce qui est bon pour l'un l'est aussi pour l'autre.

Honorables sénateurs, cette idée n'est pas nouvelle. Le Président du Sénat est élu dans de nombreux pays du Commonwealth, y compris en Australie. Ici, chez nous, les dix provinces et les trois territoires élisent leur Président.

Le projet de loi ne cherche pas à imiter la Chambre des communes pour le plaisir de la chose. Nous devons effectuer des réformes au Sénat et nous pouvons les réaliser dans les limites des pouvoirs des sénateurs et des députés, tels que définis dans la Constitution. Si vous êtes en désaccord avec cela, discutons-en.

De plus, ne devrions-nous pas étudier ce projet de loi en comité, où l'on peut tenir un débat plus vaste et plus complet? Lançons ce débat, un débat tout à fait public, au lieu d'interpréter la Constitution chacun de notre côté. Qui a raison et qui a tort?

Écoutons les experts. Écoutons les Canadiens. Écoutons-nous.

Honorables sénateurs, c'est un autre petit pas que nous pouvons faire pour améliorer le Sénat. Mardi, après avoir présenté ce projet de loi, j'ai écrit une lettre à mon ancien chef, le priant d'examiner ces options afin que, s'il remportait les élections, même si le projet de loi n'est pas adopté, il en reconnaisse l'esprit et nous permette de choisir notre Président.

Notre ancien chef a fait quelque chose pour rendre le Sénat plus indépendant, et nous formons maintenant un caucus indépendant qui continue de croire aux idées que défend le Parti libéral. Certains peuvent penser que son geste était sans importance, mais je crois qu'il a aidé le Sénat et je puis vous assurer qu'il nous a aidés, nous de ce côté-ci, comme groupe et comme équipe.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mercer : Il est intéressant de constater que ce ne sont pas tous les sénateurs qui jugent importants les changements survenus de ce côté-ci.

(2030)

Aujourd'hui, mon collègue, le sénateur Mitchell, a posé une question d'un citoyen et hier, j'ai posé une question d'un citoyen à l'autre bout du pays. Ce sont des changements importants. Tous les deuxième ou troisième mercredis du mois, nous tenons des caucus ouverts. La sénatrice Tardif et le sénateur Eggleton sont chargés d'organiser ces séances. Ces réunions sont extraordinaires et enrichissantes pour nous et pour le public. Elles sont ouvertes au public, aux médias et à tous les partis politiques. Trois membres du Parti conservateur y ont assisté : deux députés et un sénateur. L'ancien ministre Steven Fletcher a participé à notre discussion sur les soins en fin de vie. Ces changements ne sont pas négligeables. Notre ancien collègue, le sénateur Segal, a pris la parole au sujet de la surveillance de la sécurité. Revenons au projet de loi.

Certains d'entre nous ont également parlé des régions et de la façon dont nous travaillons ensemble pour mieux représenter nos régions, tel que le prévoit la Constitution. Le sénateur Greene, la sénatrice Ringuette, le sénateur Nolin et moi en avons parlé par le passé. Les sénateurs des deux côtés s'entendent — c'est un nouveau concept, honorables sénateurs, et une entreprise louable.

Honorables sénateurs, ce projet de loi aidera le Sénat à devenir plus indépendant parce que ce seront les sénateurs qui décideront de son organisation, et non pas le premier ministre du moment. Le Président sera neutre dans les dossiers dont le Sénat est saisi, sauf en cas d'égalité des voix, où il aura le vote décisif. Le Président intérimaire sera élu plutôt que choisi par un comité. Ce sont toutes de bonnes raisons de voter en faveur de ce projet de loi.

Ce type de réforme est facile, à défaut d'un meilleur mot. Si nous travaillons de concert et partageons la volonté de contribuer à améliorer notre institution, nous nous engageons à apporter des changements. Nous nous aidons également. Nous devrons vraisemblablement prendre des décisions lourdes de conséquences en cours de route. En prenant des petites mesures maintenant, nous jetons les bases en vue d'une meilleure coopération et d'une meilleure compréhension de la bonne volonté dont nous voulons tous faire montre pour contribuer à changer cette institution.

Honorables sénateurs, je crois qu'il est dans notre intérêt de débattre de la question et d'adopter ce projet de loi. En fait, c'est impératif pour le Sénat. Le projet de loi est bénéfique pour l'ensemble du Parlement et montre que nous sommes à l'écoute des préoccupations des Canadiens. Merci, honorables sénateurs. Je vous invite à participer à cet important débat. Je vous prie d'appuyer le projet de loi S-223.

L'honorable Paul J. Massicotte : Sénateur Mercer, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Mercer : Certainement.

Le sénateur Massicotte : Je trouve votre proposition extrêmement intéressante; elle mérite un examen sérieux de notre part. Il n'y a rien qui nous empêche d'élire nous-mêmes notre Président. Pouvez-vous nous dire de quelle manière procèdent la Chambre des lords et les provinces pour élire leur Président?

Le sénateur Mercer : Bien sûr. À la Chambre des lords, on procède par nomination. Le fonctionnement de la Chambre des lords est intéressant : le Président n'y occupe pas le fauteuil de la présidence et ne détermine pas qui aura la parole. Il ne joue pas le même rôle que son homologue du système parlementaire canadien. Évidemment, il en est de même dans bien des pays du Commonwealth. Dans les provinces et les territoires canadiens, le Président est élu par les députés de l'assemblée législative. Nous savons aussi ce qui se passe à la Chambre des communes, où un esprit de compétition féroce s'installe à toutes les nouvelles législatures, lorsque vient le moment d'élire un nouveau Président.

Lors du changement de gouvernement en 1993, six personnes s'étaient lancées dans la course. Il a fallu cinq heures pour élire un nouveau Président, ce qui est extraordinaire. Quant au Président Sheer, il a remporté plus de votes que les autres candidats. C'est ainsi que les choses se passent dans une démocratie et c'est ce qui est intéressant. Selon moi, si nous tenions une élection ici aujourd'hui, il n'est pas certain que seulement des conservateurs se présenteraient. Certains sénateurs libéraux le feraient peut-être, de même que plusieurs conservateurs. L'avantage, c'est de choisir nous-mêmes la personne qui préside les séances et qui dispose de toute l'autorité rattachée à cette fonction.

Le sénateur Massicotte : Évidemment, il est question de modifier la Constitution. Notre première réaction fut de croire que ce serait certainement compliqué, et qu'il faudrait obtenir de nombreuses approbations auprès des provinces. Pourriez-vous expliquer la procédure? Est-ce que cela prendrait beaucoup de temps?

Le sénateur Mercer : J'aimerais citer ce qu'un ancien collègue conservateur, le sénateur Beaudoin, a dit lors d'un débat :

L'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 habilite, à mon avis, le Parlement à faire un amendement. Il y a, en plus, une convention de la Constitution qui prévoit que c'est le premier ministre qui choisit le Président du Sénat. On peut modifier une convention constitutionnelle, le premier ministre peut y renoncer.

Le premier ministre peut simplement nous contraindre à élire un Président en refusant d'en nommer un. Il serait préférable d'inscrire la procédure dans la loi. Le sénateur Beaudoin a ajouté ceci :

L'avis consultatif donné en 1979 par la Cour suprême du Canada sur le statut et les pouvoirs du Sénat règle ce premier point, à mon avis — à savoir que c'est l'article 44 qui s'applique.

Je crois que c'est une procédure assez simple. Selon l'article 44, si nous adoptons une modification à la Constitution, la mesure sera renvoyée à la Chambre des Communes — puisqu'il s'agirait d'un projet de loi —, et la Chambre n'aurait qu'à l'adopter pour qu'elle entre en vigueur. La Constitution serait modifiée. Fait intéressant, la prochaine occasion d'appliquer une telle mesure se présentera à l'automne, lorsque notre cher ami, le sénateur Kinsella, prendra sa retraite. L'occasion pourrait donc se présenter plus tôt que prévu.

(Sur la motion du sénateur Greene, le débat est ajourné.)

L'étude sur les relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense

Adoption du dixième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense et demande d'une réponse du gouvernement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénateur Housakos, que le dixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Le Canada et la défense antimissile balistique : s'adapter à l'évolution du contexte de menace, déposé au Sénat le 16 juin 2014, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la défense étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

L'honorable Grant Mitchell : Alors, vous pensiez que je n'allais pas prendre la parole, n'est-ce pas? Eh bien, vous vous êtes trompés!

Je prends donc la parole pour appuyer ce rapport du Comité de la défense, qui recommande que le Canada participe à la défense antimissile balistique avec le NORAD. Je félicite le sénateur Lang et les autres membres du comité d'avoir si bien réussi — du moins, à mon avis — à travailler en collaboration, d'une manière tout à fait non partisane, en accordant énormément d'attention aux détails et en faisant des recherches exhaustives. Nous nous sommes déplacés pour aller rencontrer les gens du NORAD et ce fut une expérience mémorable pour nous tous. Je tiens aussi à souligner l'excellent travail accompli par le sénateur Lang à la présidence du comité. Il est un excellent président. Il est très équitable et donne à tous la chance de participer. Il fait preuve d'ouverture et d'un grand leadership. Même si le sénateur Dallaire est absent, je tiens à le féliciter lui aussi du travail qu'il a accompli dans ce dossier.

Lorsque nous avons examiné pour la première fois la question de la participation du Canada à la défense antimissile balistique, nous n'avons pas perdu de vue ce qui s'est passé en 2004-2005. À ce moment, il avait alors été décidé que le Canada ne participerait pas à la défense antimissile balistique. À cette époque, le contexte politique faisait en sorte que la défense antimissile balistique était assimilée — si je peux aller aussi loin — à La guerre des étoiles. On avait l'impression que les Canadiens ne voulaient pas participer à un programme comparable à ce qu'on voyait dans La guerre des étoiles : il n'était pas question de militariser l'espace.

(2040)

En fait, il s'est très clairement avéré que la défense antimissile balistique n'a absolument rien à voir avec La guerre des étoiles; il n'est nullement question de la militarisation de l'espace. La participation du Canada à la défense antimissile balistique en collaboration avec les États-Unis, probablement par l'intermédiaire du NORAD, permettrait de corriger une grande incohérence dans la façon dont le NORAD défend l'Amérique du Nord.

Dans le cadre du présent régime, si une arme nucléaire est lancée d'un avion ou si elle déployée au moyen d'un missile de croisière — il s'agit, tout simplement, d'un missile qui contient du carburant et qui est propulsé de son aire de lancement jusqu'à sa cible — alors le NORAD, conseillé conjointement par le Canada et les États-Unis, décide d'abattre l'avion ou le missile de croisière. En fait, il n'y a aucune différence entre les deux.

On peut lancer ce type d'ogive nucléaire d'une troisième façon, au moyen d'un missile balistique. Voici la différence : le missile est alors projeté au-dessus de l'atmosphère, où ses propulseurs et son moteur se détachent de l'engin, puis le missile tombe sur sa cible comme une balle de baseball qu'on lancerait. C'est la courbe suivie par le missile qui fait toute la différence.

Dans sa forme actuelle, le système de défense antimissile balistique servirait à abattre ce missile. Or, cette décision reposerait entièrement sur le commandement des États-Unis; nous ne serions pas parties à cette décision. Si l'ogive est lancée d'un avion, le Canada participe à la prise de décision. Si l'ogive est déployée au moyen d'un missile de croisière, le Canada participe à la prise de décision, mais s'il s'agit d'un missile balistique, le Canada n'a pas son mot à dire. Quel type de problème cela peut-il entraîner?

Nous entretenons de très bonnes relations avec les États-Unis. C'était très clair. Il était même très rassurant et réconfortant de constater le respect que les généraux les plus hauts gradés de la structure de commandement américaine au NORAD avaient pour les soldats canadiens, nos généraux, comme le général Parent et d'autres. Ils avaient une relation extraordinaire et le général Jacoby, le commandant supérieur, ainsi que son personnel avaient beaucoup de respect pour le Canada et les Canadiens, ce qui est très rassurant. Cependant, si nous ne participons pas à la décision, il n'y a pas moyen de savoir si on prendrait la décision d'intercepter un missile balistique en direction d'une ville canadienne comme on le ferait s'il était en direction d'une ville américaine.

Je ne dis pas pour autant que les Américains nous abandonneraient. Je dis simplement que nous ne serions pas là pour contribuer à la décision. Je viens d'Edmonton, qui est assez loin de la frontière avec les États-Unis pour que les décideurs américains n'aient pas à craindre d'éventuelles retombées d'une frappe sur Edmonton dans la microseconde qu'il faut pour prendre une telle décision.

Peut-être que j'exagère un peu pour mieux faire valoir mon argument, et je ne souhaite pas du tout dénigrer l'engagement des Américains et leur engagement à l'égard de notre pays. Mais la seule raison pour laquelle la structure de commandement est si différente concerne la nature du système de lancement, une question relativement sans importance.

Il y a également le problème corollaire de la militarisation de l'espace. Il était question d'assortir des satellites de missiles capables d'être déployés pour intercepter un missile balistique qui pénétrerait notre espace aérien. Ce n'est pas le cas. L'installation d'un nombre suffisant de missiles dans l'espace pour pouvoir, à tout moment et à tout endroit, intercepter un missile balistique à partir de l'espace entraînerait des coûts faramineux, sans parler du fait que ce serait techniquement impossible. On ne parle pas de la militarisation de l'espace. On s'attaque simplement à la question d'une différence négligeable dans les vecteurs de missiles.

Je tenais à le souligner. Deux autres arguments sont invoqués à l'encontre de notre participation à la défense antimissile balistique. Le premier, c'est que cela romprait l'équilibre du principe de dissuasion réciproque. Or, la défense antimissile balistique n'a rien à voir de près ou de loin avec la dissuasion réciproque, qui concerne la défense contre l'attaque potentielle d'une superpuissance comme la Russie ou la Chine.

Nous n'aurons jamais assez de missiles antimissiles balistiques pour intercepter tous les missiles que ces pays pourraient lancer sur nous, et vice-versa. La dissuasion réciproque entre alors en jeu. Le problème, c'est qu'elle peut ne pas fonctionner lorsque l'on compose avec un État voyou, car il pourrait déployer un arsenal restreint, que nous pourrions alors abattre avec nos missiles balistiques.

Le succès n'est pas garanti, tout d'abord parce que le processus décisionnel d'un État voyou pourrait apparaître irrationnel, mais aussi parce que — prenons l'exemple de la Corée du Nord — celui-ci est si près de pays comme la Chine et la Corée du Sud qu'il pourrait s'imaginer que nous n'exercerions pas de représailles nucléaires de crainte de les insulter ou de les exposer indirectement aux retombées radioactives. Il s'agit donc d'une forme de dissuasion envers les États voyous de ce genre. C'est très important.

L'autre argument, c'est qu'il faudrait céder ou offrir quelque chose pour prendre part au processus décisionnel concernant la défense antimissile balistique aux côtés du NORAD et des États-Unis. Quel serait alors le prix? Les Américains ne laissent aucunement entendre qu'ils installeraient des roquettes au Canada, sur notre territoire. Ce serait très cher.

Actuellement, nous disposons du Système d'alerte du Nord. Il s'agit essentiellement d'un radar qui peut être utilisé à diverses fins défensives. Il deviendra de toute façon obsolète d'ici 2020 ou 2025, alors il faudra le changer. Ce n'est pas un nouveau coût net.

Nous espérons que, un jour, nous construirons de nouveaux navires munis du Système de combat Aegis, qui pourraient être équipés de fusées et d'un radar de surveillance. Loin de nous l'idée d'y installer des fusées, mais nous pourrions les équiper d'un bon radar de défense antimissile balistique. Ce radar serait utile pour toutes sortes d'activités de surveillance de défense auxquelles ces navires participeraient.

Cela n'entraînerait pas une augmentation du coût net, car nous participerions à la défense antimissile balistique. Ce n'est pas un affront à la Russie ou à la Chine, cela ne constitue pas une menace pour ces pays et n'érode pas leur pouvoir. La dissuasion mutuelle reste de rigueur et les propos qu'a tenus l'ambassadeur russe aujourd'hui ne sont que de la manipulation politique. La Russie et la Chine savent très bien que tout cela est faux. Elles ne se sont jamais senties menacées par la défense antimissile balistique. Cette dernière sert à nous protéger contre les États voyous. La menace qui, autrefois, était théorique — plus particulièrement la menace que posent la Corée du Nord et, de plus en plus, l'Iran — est aujourd'hui pratique. Ces pays sont probablement en mesure de lancer des missiles qui pourraient atteindre notre territoire.

Notre participation mettra tout simplement fin à une drôle de contradiction dans la façon dont nous avons structuré notre défense dans le cadre du NORAD, car un missile balistique n'est qu'une troisième façon de lancer le même genre d'ogive. Nous ne participons pas à la décision d'abattre les missiles balistiques, nous participons seulement à la décision d'abattre les aéronefs ou les missiles de croisière.

C'est un très bon rapport et je recommande à mes collègues de le lire. J'espère que vous l'appuierez et je félicite le président de nous avoir guidés jusqu'à la production de ce rapport. Merci.

Le sénateur White : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Nous reprenons le débat.

Le sénateur Munson : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Pêches et océans

Budget et autorisation de se déplacer— L'étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie—Adoption du cinquième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (budget—étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 10 juin 2014.

L'honorable Elizabeth Hubley propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, permettez-moi de donner une brève explication.

(2050)

Il s'agit du budget qui est nécessaire pour entreprendre la deuxième phase de notre étude en cours sur l'aquaculture. Au cours de la première phase, les membres du comité se sont rendus à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. À la suite des témoignages entendus, nous nous sommes dit que nous pourrions approfondir nos connaissances — chose absolument essentielle — en examinant plus attentivement la politique en matière d'aquaculture et le régime réglementaire en vigueur en Norvège et en Écosse.

Afin que nous puissions commencer à établir les plans pour l'automne, je demande que ce budget soit adopté ce soir.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole

Adoption du sixième rapport du Comité de l'agriculture et des forêts et demande d'une réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, intitulé L'innovation agricole : Un élément clé pour nourrir une population en pleine croissance, déposé au Sénat le 18 juin 2014.

L'honorable Percy Mockler propose :

Que le rapport soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, compte tenu de l'esprit de coopération qui règne ici ce soir, je vais envoyer mon discours au vice-président du comité à des fins de consultation ultérieure.

Le sénateur Carignan : Le vote!

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous devriez peut-être poser la question.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Mockler et mes collègues du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de la coopération dont ils ont fait preuve lors de l'élaboration de ce rapport très important. Je tiens à féliciter le sénateur Mockler, qui a présidé les travaux du comité de manière impartiale et équitable. Je tiens aussi à remercier le greffier, Kevin Pittman, les recherchistes et, plus particulièrement, les témoins, qui nous ont communiqué avec franchise les renseignements dont nous avions besoin.

Nous avons eu le plaisir de visiter de nombreux centres de recherche au pays dans le cadre de cette étude. Le comité a produit un rapport très important.

En résumé, nous devons vraiment amener les Canadiens à s'intéresser davantage à l'agriculture, à la production des aliments au Canada et au Canada rural. Un emploi sur huit au Canada provient du secteur agricole : un sur huit. C'est beaucoup plus que toute autre industrie, ou presque. Nous devons faire en sorte que le gouvernement fasse de l'agriculture une priorité en matière de recherche, et mettre l'accent là-dessus. C'est ce qu'on nous a dit partout au pays.

Honorables sénateurs, je vous invite tous à appuyer la motion que le sénateur Mockler et moi proposons.

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion exhortant le gouvernement à établir une Commission nationale pour le cent cinquantième anniversaire de la Confédération—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, C.P. :

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à prendre les mesures nécessaires afin d'établir une Commission Nationale pour le 150e anniversaire de la Confédération qui serait responsable de la préparation et la réalisation des célébrations, projets et initiatives à travers le pays qui marqueront le 150e anniversaire de la Confédération tout au long de l'année 2017. De plus, le Sénat recommande que les membres de cette commission incluent des représentants de toutes les provinces et territoires et que la commission puisse recevoir, en sus de tout budget voté par le parlement, des contributions financières des Canadiens.

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Stewart Olsen, le débat est ajourné.)

La promotion et la défense des causes d'intérêt public—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur les activités de certains sénateurs dans la promotion et la défense de causes qui intéressent l'intérêt public.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je sollicite votre clémence à mon égard en cette heure tardive parce que j'ai un discours, mais vous devez comprendre que, pour que l'on puisse souligner dignement le départ de nos cinq collègues sénateurs cette semaine, j'ai cédé mon temps de parole pour que nous puissions rendre hommage aux sénateurs Buth, Segal, Callbeck, Dallaire et Champagne.

J'estimais qu'il était important que nous profitions bien de ces hommages, malgré notre tristesse, mais je tenais néanmoins à livrer un discours au sujet de l'interpellation du sénateur Nolin. Je dois vous avertir que je prendrai de nouveau la parole ce soir, pour présenter un bref discours sur les phares, au cours duquel je ferai pour vous la lumière sur ce sujet.

Je suis reconnaissant au sénateur Nolin parce que son interpellation se rattache à la représentation et à la protection des minorités et de leurs intérêts, ainsi qu'à la défense de causes dans l'intérêt public. Je remercie sincèrement le sénateur Nolin d'avoir lancé cette interpellation sur les principes directeurs du Sénat et les façons dont nous pouvons améliorer nos pratiques.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, cette interpellation vise à défendre le rôle important que joue notre institution au sein du Parlement fédéral. J'appuie cet objectif sans réserve. Je crois que cet exercice nous aidera à aller de l'avant, après plusieurs mois passés à subir des bouleversements et de virulentes critiques du public.

Réfléchir à l'histoire du Sénat et de notre fédération nous permet de nous ressourcer et de refaire nos forces. Le sénateur Nolin a dit de cet exercice qu'il permettait à certains de se souvenir de ce qu'ils savent déjà et à d'autres de découvrir cette histoire et de l'apprécier.

Pour ma part, je dirai ceci. Il s'agit, somme toute, d'une occasion de nous rafraîchir la mémoire. Alors que je préparais mon exposé de ce soir sur le rôle que nous jouons dans la protection des minorités, j'en ai profité pour relire l'excellent ouvrage du sénateur Joyal, Protéger la démocratie canadienne : le Sénat en vérité, qui a d'ailleurs inspiré le thème et la structure de cette interpellation.

On a rarement l'occasion de lire une telle analyse rafraîchissante et rigoureuse des faits, qui vient confirmer catégoriquement le but du Sénat et son impact tout au long de l'histoire de notre pays. Mes recherches et mes réflexions en prévision de mon intervention de ce soir m'ont amené à éprouver un sentiment d'affiliation renouvelé et renforcé à cet endroit. Les collègues qui ont déjà participé à cette interpellation ont exprimé leur respect envers cette institution et leur volonté de défendre le Sénat et les gens que nous représentons. Je suis ravi de suivre votre exemple.

Je suis frappé par le concours de circonstances dont nous avons été témoins ces derniers temps. Durant les semaines qui ont précédé la décision de la Cour suprême du Canada sur la réforme du Sénat, je m'attendais à ce que les médias ne couvrent qu'une version de l'histoire. À ma grande surprise, l'impatience avec laquelle la population attendait la décision a suscité une diversité de réflexions sur le Sénat. La couverture médiatique était relativement équilibrée, ce qui dénote un éventuel renouveau de la conscience et du débat publics sur l'importance que revêt cet endroit pour les Canadiens et sur la place qu'il occupe dans le contexte du Parlement.

(2100)

Pendant tout le temps où nous attendions la décision de la Cour suprême sur la réforme du Sénat, les groupes minoritaires écoutaient très attentivement tout ce qui se disait. Ils ont eu l'occasion d'exprimer leurs points de vue à un vaste auditoire. Alors qu'il se trouvait à Ottawa avec un groupe défendant les intérêts des territoires du Nord canadien, Norman Tarnow, conseiller juridique du Nunavut, en a dit long aux journalistes en quelques mots :

Nous avons un seul sénateur, et nous ne voulons pas le perdre.

Marie-France Kenny, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, a également fait connaître son opinion aux journalistes en disant ceci :

Dans notre système parlementaire actuel, il n'y a pas d'autre institution que le Sénat qui protège les droits des minorités. Nous voulons avoir la garantie que nos intérêts sont protégés.

Il ne s'agit que d'un petit échantillon des arguments invoqués contre l'abolition du Sénat ou la modification de ses éléments fondateurs. Toutefois, il suffit à jeter une lumière nouvelle sur certaines questions litigieuses. Les dispositions constitutionnelles permettent au Sénat de remplir son rôle le mieux possible, ce qui est avantageux pour l'ensemble du Parlement. Comme le précise la décision de la Cour suprême, la nomination des sénateurs et les exigences en matière de représentation régionale ne sont pas des accidents de l'histoire.

Dans sa décision sur la réforme du Sénat, la Cour suprême applique la même logique que les sénateurs Nolin, Joyal et d'autres, en précisant pourquoi les Pères de la Confédération ont attribué à chaque région un nombre égal de sièges. D'après les juges, le Sénat a « a servi de tribune aux femmes ainsi qu'à des groupes ethniques, religieux, linguistiques et autochtones auxquels le processus démocratique populaire n'avait pas toujours donné une opportunité réelle de faire valoir leurs opinions ».

Cette conclusion trouve un écho parmi les personnes et les groupes de notre société qui se soucient de la protection et du respect des minorités. C'est une décision importante. Si seulement le rôle du Sénat était décrit plus souvent d'une manière aussi succincte en faisant allusion à des situations réelles, par exemple aux réalisations de certains sénateurs; aux comités sénatoriaux et aux sénateurs qui étudient les mesures législatives en tenant compte des intérêts des groupes minoritaires; aux défis qu'ils doivent relever; et à ce que cela signifie d'être vraiment vulnérables, ainsi que de ne pas pouvoir s'intégrer à l'ensemble de la société et y prospérer.

Ce sont les journalistes qui informent les gens et influencent la plupart de leurs opinions sur le gouvernement. Comme j'ai été journaliste durant plus de 30 ans, je sais que les contribuables canadiens ont le droit de savoir ce que nous faisons dans l'intérêt public. Les événements qui se sont produits récemment n'ont certainement pas aidé, mais c'est du passé.

Aujourd'hui, nous devons relever le défi d'un Sénat nouveau, moderne et dynamique. Nous avons une occasion de le faire.

Je vais retourner dans le passé. Je ne siégeais pas au Sénat depuis longtemps quand j'ai commencé à me rendre compte à quel point je me trompais sur le travail accompli ici, les qualités et le contenu de mes nouveaux collègues et le dévouement de certaines personnes exceptionnelles à des causes humaines et à des enjeux sociaux. Je m'explique.

Dans un rapport publié en 1963 sur les services psychiatriques au Canada, l'Association canadienne pour la santé mentale faisait le commentaire suivant :

Aucune autre affection, sauf peut-être la lèpre, n'a causé au patient autant de confusion, d'erreurs d'aiguillage et d'opprobre que la maladie mentale [...] Encore de nos jours, la maladie mentale est trop souvent considérée comme un crime à sanctionner, [...] un démon à exorciser, une honte à dissimuler, une tare à déplorer ou un problème d'assistance sociale à régler au moindre coût.

Ces propos datent de 1963. La profession créée pour aider les personnes souffrant de maladie mentale et leur donner espoir a décrit une situation aussi sombre et sans espoir. Ces propos sont tellement révélateurs que, en 2006, le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie les a repris, comme la sénatrice LeBreton le sait, dans l'avant-propos de son rapport De l'ombre à la lumière : La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada. Ces propos sont cités dès le début du rapport, et nullement à la fin.

Le comité était alors présidé par le sénateur Michael Kirby. L'engagement de longue date du sénateur pour sensibiliser davantage la population et résoudre nombre des questions liées à la santé soulevées dans ce rapport est évident dans la description respectueuse qu'il fait des témoignages de diverses personnes de partout au pays qui souffrent de maladie mentale ou de toxicomanie, ou qui connaissent des gens qui en souffrent.

Leur histoire en est une de frustration, de solitude et de mauvais traitements. Non seulement le rapport décrit bien les combats de ces gens, mais il nous donne d'autres détails pertinents : des témoignages de courage, d'espoir et de triomphe, même au plus profond du désespoir et de la tragédie humaine.

Le Sénat produit des rapports exceptionnels sur le vécu et le contexte social des groupes minoritaires. De l'ombre à la lumière en est un exemple particulièrement frappant. Reconnaissant que tout le monde est susceptible de se retrouver dans cette situation, le comité a fait un effort spécial pour entendre des personnes qui sont particulièrement vulnérables aux symptômes de la santé mentale et de la toxicomanie et à la discrimination sociale qui s'ensuivent : « Comme c'est le cas pour d'autres problèmes de santé, les gens qui sont pauvres, marginalisés ou autrement défavorisés sont touchés en nombre disproportionné [...] »

En 2014, nous prenons soin de reconnaître les conséquences distinctes et parfois exacerbées de telles difficultés pour les groupes minoritaires. Rapport qui faisait état de l'expérience des enfants et des adolescents, des femmes, des personnes âgées, des Autochtones, des Inuits et des Métis, De l'ombre à la lumière aurait pu être publié hier, mais cela fait huit ans que les sénateurs Kirby, Keon, LeBreton, Cordy, Callbeck et d'autres membres du comité à la fois solides et éclairés ont remis ce rapport.

Alors qu'on a si souvent tendance à porter un jugement sur les gens souffrant de maladie mentale et de toxicomanie, ce rapport témoigne d'une compassion combinée à suffisamment d'objectivité pour formuler des recommandations claires et pratiques en vue d'améliorer une situation extrêmement complexe qui touche des millions de Canadiens.

La conclusion sous-jacente du rapport était qu'il était grand temps que le gouvernement s'engage dans l'action et consacre des fonds à la lutte contre ce problème. Et c'est ce que le gouvernement a fait. L'initiative est venue du Sénat, d'un groupe de sénateurs libéraux et conservateurs, et d'un gouvernement conservateur. Je dois féliciter M. Harper pour ce qu'il a fait à cet égard.

Le sénateur Mercer : Bravo.

Le sénateur Munson : Ceux qui travaillent dans le domaine de la santé mentale le savent; beaucoup de gens qui souffraient de maladie mentale et de toxicomanie à cette époque le savent également. Ils connaissent aussi le rapport Kirby, comme on l'appelle couramment. Ils savent que les problèmes de santé mentale sont aujourd'hui sur l'écran radar des politiques en grande partie grâce aux sénateurs, grâce à un comité du Sénat, grâce au fait que le Sénat joue le rôle de défenseur des intérêts des groupes minoritaires.

En 2009, dans un article intitulé « La réforme du Sénat et les minorités francophones », les auteures, Claudette Tardif et Chantal Terrien, commencent par faire l'observation suivante :

[...] on semble oublier que, sans l'inclusion d'une Chambre haute qui soit capable de représenter et de défendre les intérêts régionaux et les minorités, il n'y aurait pas eu de Confédération en 1867 [...] le Québec n'aurait pas consenti à se joindre aux autres colonies.

Bien que les minorités linguistiques soient en hausse dans notre pays, elles sont loin de compter assez de membres pour élire suffisamment de députés au Parlement. Selon le même article :

En consultant les données historiques sur les sénateurs, on constate que les francophones en situation minoritaire ont joui d'une représentation sénatoriale presque continue (à quelques exceptions près) en Alberta, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse...

J'ai déjà mentionné que les défenseurs des droits linguistiques reconnaissaient le rôle du Sénat. Grâce au travail méticuleux et suivi du Comité sénatorial des langues officielles et aux activités spéciales de certains sénateurs, le Sénat a l'habitude de relever les points faibles dans le respect des obligations de notre pays sur le plan linguistique et de trouver des moyens de l'améliorer, et le Canada y gagne au change.

La sénatrice Tardif, qui préside le Comité des langues officielles, est franco-albertaine. La sénatrice Chaput, qui siège aussi au comité, est franco-manitobaine. Elles ont une compréhension profonde de l'origine et de l'importance de la législation sur les langues officielles au Canada. En raison de leur bagage personnel, elles ont une idée de ce que vivent vraiment les groupes linguistiques minoritaires.

(2110)

Ces propos de la sénatrice Tardif révèlent une sensibilité capitale et précieuse à ce que l'égalité signifie et à ce qu'elle ne signifie pas pour les minorités de langue officielle. Ils éclairent et instruisent tous les Canadiens :

[...] les minorités de langue officielle [doivent être] traitées différemment selon leurs situations et leurs besoins particuliers afin de leur assurer un traitement équivalent à celui de la majorité. [...] l'exercice des droits linguistiques ne doit pas être considéré comme une demande d'accommodement.

Quel extrait!

Nous sommes ce que nous sommes. Nous pouvons nous inspirer de nos expériences pour alimenter et orienter le travail que nous réalisons dans l'intérêt des autres.

Dernièrement, quand le gouvernement fédéral a décidé de revoir le financement des petits journaux communautaires, la sénatrice Chaput a tout de suite compris les répercussions de cette décision sur le plan des droits de la personne. Elle a montré le seul hebdomadaire de langue française du Manitoba comme exemple de ce qui était en jeu. Elle a parlé de ce qu'elle connaît de ses origines : c'est-à-dire que le journal relate depuis 100 ans des récits sur les francophones du Manitoba aux francophones du Manitoba, des anecdotes et des événements qui sont inconnus de la plupart des Canadiens, mais qui sont lourds de sens pour les gens qui tiennent tellement à ce journal. Grâce à la sénatrice Chaput, la destinée de ces sources d'informations spéciales, et de ceux qui en dépendent à bien des égards, est représentée ici. De plus, le débat public sur cette question s'en est trouvé enrichi.

Les Canadiens méritent d'entendre ce genre d'histoires, plutôt que de se faire représenter le Sénat de la façon dont le font actuellement les médias, qui sont souvent partiaux. Les Canadiens veulent connaître la vérité. C'est pour cela qu'ils s'intéressent tellement aux cas des sénateurs qui n'ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités. C'est accrocheur. Les cas en question sont bien réels, mais ils ne sont pas l'exception par rapport au travail qui est réalisé au Sénat et par les sénateurs.

La meilleure défense du Sénat, c'est son rôle. Ceux qui ont des préoccupations ou des besoins spéciaux qui ne sont pas adéquatement pris en compte ou représentés à la Chambre basse élue du Parlement ont ici une tribune, un véhicule et un lieu d'échange.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Munson, avez-vous besoin de plus de temps?

Le sénateur Munson : Oui. Pourrais-je avoir cinq minutes?

Son Honneur le Président intérimaire : Est-on disposé à accorder cinq minutes de plus au sénateur Munson?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Munson : Merci. Je vais tâcher de parler un peu plus vite.

Nous parlons ici des autres minorités, des possibilités et des perspectives d'avenir qui leur échappent actuellement, quand elles font l'objet d'une injustice.

Je commencerais par la façon dont nous communiquons avec les Canadiens. Les citoyens du pays seraient prêts à communiquer avec nous, surtout s'ils se rendaient compte qu'ils occupent une place prépondérante dans notre pensée et notre volonté de rendre la société meilleure. Pensons seulement aux groupes qui nous ont déjà fait part de leurs connaissances et de leurs histoires dans les salles de réunion des comités, qui suivent nos débats et que nous rencontrons quand nous défendons des intérêts particuliers.

Après avoir passé plus de 10 ans ici à défendre les intérêts des autistes, des handicapés et des jeunes à risque et à promouvoir d'autres causes, nous savons, vous et moi, que les personnes vulnérables peuvent se sentir profondément isolées. L'espoir de surmonter les difficultés auxquelles elles se heurtent naît généralement quand elles établissent des liens avec des personnes qui comprennent leur situation et qui s'y intéressent. C'est ce qu'ont vécu les milliers de personnes que j'ai rencontrées en m'occupant de questions spéciales. C'est également ma propre expérience.

Je ne connaissais pas grand-chose de l'autisme quand j'ai commencé à me renseigner sur cet endroit, mais je fais maintenant partie d'un vaste réseau — votre réseau, leur réseau — regroupant la communauté autiste, des spécialistes de la santé, des médecins, des théoriciens et des chercheurs, des porte-parole et des fournisseurs de soins, et les familles. Je suis, dans ce réseau, quelqu'un qui peut attirer l'attention sur ces questions, encourager et établir des liens entre les gens. Le réseau s'étend chaque jour.

Comme plusieurs d'entre vous qui vous occupez également d'intérêts spéciaux le savent, un travail comme celui-là est des plus gratifiants. On contribue à améliorer la vie des gens et on fait mieux connaître le rôle du Sénat en s'occupant des plus vulnérables de la société canadienne.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Munson : Autisme Canada, Autism Speaks Canada, l'Alliance canadienne des troubles du spectre autistique, la Société canadienne de l'autisme, les sociétés provinciales de l'autisme, NeuroDevNet, la fondation Stars For Life, la fondation de la famille Sinneave en Alberta, le centre sud-asiatique de sensibilisation à l'autisme à Scarborough, Kerry's Place à Aurora. Ce ne sont que quelques exemples de groupes avec qui je travaille et qui forment le réseau canadien de l'autisme. Et il y en a des centaines d'autres, chacun ayant à cœur de servir les intérêts des Canadiens — adultes et enfants — d'aujourd'hui et de demain.

Mon attachement à la cause des personnes handicapées m'a aussi permis d'échanger et de collaborer avec une multitude de réseaux de personnes et d'organismes tous plus dynamiques les uns que les autres — comme bon nombre d'entre vous, je suppose : Olympiques spéciaux Canada; les organismes provinciaux de paralympisme; Lésions médullaires Canada; la Société canadienne du syndrome de Down; Célébration pour tous; l'initiative Prêts, désireux et capables, sur laquelle l'ancien ministre des Finances, le regretté Jim Flaherty, a écrit un article dans le but de l'aider à recueillir des fonds.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Munson : Si je devais inscrire sur une carte le nom de tous les réseaux de groupes associés à toutes les causes que nous défendons ici et tracer une ligne entre chaque nom, nous n'aurions pas assez de tous les murs et des peintures qui ornent cette salle pour dessiner tous les traits et les lignes. Des milliers et des milliers de gens se reconnaissent dans ces causes, et ils sont des millions à se reconnaître dans le travail que nous faisons.

Mais cessons de penser aux chiffres. Ce qui compte, c'est de pouvoir donner de l'espoir à la minorité et aux groupes les plus vulnérables qui, autrement, pourraient passer toute leur vie en étant convaincus que personne ne s'intéresse à leurs épreuves, que l'isolement social est leur lot et que le système parlementaire canadien est là pour les autres, mais pas pour eux.

En terminant, notre ancien collègue, le sénateur Norm Atkins, qui est aussi mon mentor et l'ami de beaucoup de sénateurs, a été membre de cette assemblée durant plus de 23 ans. Vous pouviez être certain que tout ce qu'il disait reposait sur une expérience solide. La dernière fois qu'il s'est adressé aux sénateurs, il a résumé son passage en ces murs et remercié ceux qu'il avait côtoyés. Il a aussi décrit notre rôle d'une manière particulièrement inspirante, qui m'a amené à comprendre que ce qu'il y a de mieux à propos du Sénat, c'est ce qu'il y a toujours eu de mieux à propos du Sénat. Voici ce qu'il a dit exactement :

Nous sommes ici pour servir les Canadiens et non les partis politiques. Je suis d'avis que nous devons être à la hauteur de ce privilège qui nous est accordé de servir notre magnifique pays.

Je tiens à le souligner, parce que je considère parfois que les sénateurs sont un peu ambivalents pour ce qui est de leurs rôles et de leurs fonctions. Nous devons défendre cette institution. Nous devons nous montrer proactifs. Nous devons nous mettre en valeur et être plus visibles. Nous devons être présents dans la société.

Un sénateur représente le Canada en toute occasion et en tout temps. Nous avons la responsabilité de parler non seulement au nom du Sénat, mais au nom des Canadiens en tout temps.

C'était une autre citation de Norm Atkins.

Je remercie encore une fois le sénateur Nolin de nous avoir mis au défi de rassembler nos idées sur l'histoire et le rôle du Sénat et d'en faire part à nos collègues. C'est un exercice fructueux.

J'ajouterais, avant de terminer, que les journalistes ont parfois du mal à comprendre comment se déroule notre travail de ce côté-ci et comment se déroule le travail de votre côté, étant donné que vous êtes près du gouvernement. Voici une anecdote très personnelle. Je n'ai jamais eu l'occasion de la mentionner auparavant, mais je vous la raconte aujourd'hui. Le ministre des Finances, Jim Flaherty, et moi étions devenus d'excellents amis. Peut-être parce que nous avions en commun notre petite taille, notre prénom et un peu de sang irlandais, et que sa mère était une Harkwell de Campbellton, au Nouveau-Brunswick. Il était originaire de Loggieville et moi, de la côte Nord.

Un jour, dans son bureau, je lui ai raconté le décès de notre premier fils, mort à un an. Et il a pleuré. Il a pleuré, et moi aussi. Je lui ai dit alors : « Je veux travailler avec toi aux programmes des Jeux olympiques spéciaux. » Nous avons parlé de son fils.

Un jour, il m'a accompagné à une rencontre avec des représentants des Jeux olympiques spéciaux, après s'être fait malmener par John McCallum durant la véritable farce qu'est parfois la période de questions. Il m'a écouté leur raconter l'histoire de mon fils : sa naissance en 1967, l'année de la création des Jeux olympiques spéciaux et les 12 mois où il a vécu. J'ai aussi parlé des raisons pour lesquelles les jeux revêtent une si grande importance pour moi et pour mon travail en tant que sénateur. Je leur ai expliqué ce qui s'était passé lors de mon arrivée au Sénat et ce que j'avais l'intention de faire. « Voici mes objectifs et voici ce que j'ai accompli jusqu'à présent. » Jim a écouté. Il s'est ensuite adressé aux autres et leur a dit : « Vous n'avez qu'à me présenter un plan. »

Ce que Jim Flaherty a fait ce jour-là, c'est le genre de choses qu'on ne veut pas raconter, parce qu'on souhaite tellement qu'elles se réalisent. Il a tenu parole. Il y a trois budgets, le financement pour Olympiques spéciaux Canada a été augmenté. Je suis allé le revoir les années suivantes pour obtenir plus d'argent. La troisième fois, il m'a approché. Nous nous sommes croisés dans le couloir et il m'a dit : « Jim. » Je lui ai répondu : « Oui, Jim? » « Cette année, vous n'aurez pas à me le demander. »

Voilà comment nous procédons au Sénat. C'est ainsi que nous fonctionnons : discrètement, efficacement, et pour tous les niveaux de la société, y compris les minorités. Il n'est pas nécessaire de le faire avec éclat; il suffit d'être nous-mêmes. Je remercie le sénateur Nolin de cette interpellation, parce que je me sens plus que jamais investi de pouvoir et je n'ai jamais été aussi fier d'être sénateur.

(2120)

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?

[Français]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Avant de proposer l'ajournement du débat, je voudrais profiter du fait que le sénateur Munson ait parlé de façon éloquente de la contribution du Sénat auprès des minorités linguistiques pour en dire également quelques mots. À cet égard, je voudrais remercier la vice-présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, l'honorable sénatrice Champagne, qui nous a rappelé, hier, le travail extraordinaire que ce comité a accompli pour la minorité peut-être la plus oubliée de notre pays : les anglophones de ma province, de mon Québec.

Je vous remercie, sénatrice Champagne. C'était très important pour moi que vous ayez choisi de rappeler ce travail comme vous l'avez fait hier. Je vous remercie également du travail que vous avez fait dans le cadre de cette étude par le comité.

Le travail que le Sénat accomplit pour les minorités et pour les autres causes, comme nous l'a signalé le sénateur Munson, est inestimable. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

Son rôle de représentation des régions de la fédération canadienne—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle de représentation des régions de la Fédération Canadienne.

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, j'ai l'intention d'intervenir au sujet de cette importante interpellation présentée par l'honorable sénateur Nolin. Cependant, je n'ai pas eu la chance de compléter mes recherches et j'aimerais donc proposer l'ajournement du débat pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'inégalité d'accès à la justice

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Jaffer, attirant l'attention du Sénat sur la question de la pauvreté au Canada — notamment, l'inégalité d'accès à la justice.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, je sais que la sénatrice Jaffer s'apprêtait à clore ce débat, mais auparavant, je tenais seulement à dire à quel point la question qu'elle a portée à notre attention est importante.

La question de l'accès à la justice au pays est au cœur de notre identité et de nos convictions. Les lois de notre pays tendent à l'égalité. Le Canada est non seulement une démocratie, mais un pays qui croit à l'égalité de tous devant la loi. Si les Canadiens ne peuvent accéder à la justice, alors nous manquons à notre principe le plus fondamental. C'est une question absolument cruciale qui mérite d'être étudiée par le Sénat.

Je sais qu'il se fait tard, alors j'aimerais seulement vous rappeler l'une des statistiques citées par la sénatrice Jaffer. En 2011, le World Justice Project, qui a évalué le respect de la primauté du droit dans 12 pays riches, a classé le Canada au neuvième rang. Le Canada est l'un des pays les plus riches au monde, et c'est l'un des pays qui accorde le plus d'importance à la primauté du droit et à l'égalité des citoyens devant la loi.

Comme l'a dit la sénatrice Jaffer, les Canadiens qui vivent dans la pauvreté sont les plus durement touchés. Cette pauvreté ne touche pas seulement les Canadiens qui font partie des statistiques, mais aussi les millions d'autres gens qui ne sont peut-être pas pauvres statistiquement parlant, mais dont le revenu est fragile ou marginal, et pour qui chaque sou compte.

J'ai parlé l'autre jour avec une femme dont les moyens financiers sont relativement modestes. Cette femme a un emploi et contribue à notre société, mais il fallait qu'elle consulte un avocat pendant une heure, selon elle, pour obtenir un petit conseil sur une situation juridique imprévue dans laquelle elle s'était retrouvée. Pour pouvoir rencontrer l'avocat, elle devait faire un dépôt de 2 000 $. Or, elle n'avait pas 2 000 $ en réserve pour réagir à une situation inopinée. Elle aurait pu déposer 300 ou 400 $, mais pas 2 000 $. Elle n'aura donc pas le conseil juridique qu'elle voulait. Sa situation risque d'en souffrir. Ce n'est qu'un petit exemple, mais c'est vraiment arrivé à une femme que je connais.

Honorables sénateurs, je vous invite instamment à méditer sur notre responsabilité envers ces Canadiens, qui n'ont pas équitablement accès à ce à quoi ils ont pourtant droit.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

Sécurité nationale et défense

Autorisation au comité d'étudier les questions de sécurité nationale et de défense dans les relations avec la région Indo-Asie-Pacifique

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 17 juin 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les questions de sécurité nationale et de défense dans les relations avec la région Indo-Asie-Pacifique et leurs répercussions sur les politiques, pratiques, situation et capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

— Chers collègues, je sais qu'il est tard, comme la sénatrice Fraser l'a dit, mais c'est important. On m'a demandé de vous présenter, au nom du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, trois motions afin que nous puissions planifier et poursuivre nos travaux cet été et être prêts l'automne prochain lorsque nous recommencerons à siéger ici.

La première motion, chers collègues, est très claire. Nous demandons l'autorisation d'étudier, afin d'en faire rapport, les questions de sécurité nationale et de défense dans les relations avec la région Indo-Asie-Pacifique et leurs répercussions sur les politiques, pratiques, situation et capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense.

Je crois qu'il est important, monsieur le Président, que l'objet de l'étude soit clairement énoncé ici afin que, lorsque nous en saisirons le comité permanent, les membres du comité étudient attentivement la question. Je prendrai encore quelques minutes de votre temps, si vous me le permettez, chers collègues.

Tout d'abord, comme nous le savons, le Comité des affaires étrangères se penche présentement sur cette région, mais du point de vue commercial et économique. Nous examinerons, pour notre part, les questions de sécurité nationale et de défense liées à cette région. Nous estimons qu'il s'agit d'une région importante du monde. Le Canada est présent dans cette partie du monde, et pas seulement sur les plans commercial et économique, puisqu'il y a aussi des intérêts liés à l'armée canadienne et à la sécurité du pays.

Je crois qu'il est important, chers collègues, que vous nous autorisiez à établir un programme qui sera présenté au début de l'automne.

Son Honneur le Président : Y a-t-il débat?

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Je présume que le sénateur Lang sait parfaitement que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international étudie les questions liées à l'économie et à la sécurité dans la région de l'Asie-Pacifique. J'espère que l'étude proposée ne fera pas double emploi avec notre travail et que vous respecterez nos mandats respectifs.

Le sénateur Lang : Je me réjouis à la perspective de travailler en étroite collaboration avec ma collègue à mesure que nous avançons dans ce dossier.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(2130)

Autorisation au comité d'étudier les menaces à la sécurité

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 17 juin 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les menaces à la sécurité nationale, notamment :

a) le cyberespionnage;

b) les menaces aux infrastructures essentielles;

c) le recrutement de terroristes et le financement d'actes terroristes;

d) les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes;

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de siéger et de déposer son rapport relativement à l'étude sur les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada auprès du greffier du Sénat pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 17 juin 2014, propose :

Qu'en conformité avec l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à se réunir pendant 2 jours entre le vendredi 27 juin 2014 et le vendredi 12 septembre 2014 inclusivement afin d'examiner un projet de rapport relatif à son étude sur les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles, même si le Sénat est ajourné à ce moment pour une période de plus d'une semaine;

Que, nonobstant les pratiques habituelles, le comité soit autorisé à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Myanmar

La persécution des Rohingyas musulmans—Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, ayant donné préavis le 8 mai 2014 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la persécution des Rohingyas musulmans au Myanmar et sur le mandat du Bureau de la liberté de religion du Canada.

— Honorables sénateurs, je prends encore une fois la parole pour attirer l'attention sur la persécution des Rohingyas musulmans au Myanmar. Les Nations Unies ont déclaré que les Rohingyas, qui sont aujourd'hui apatrides, sont l'une des minorités les plus persécutées du monde.

Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de vous informer que je travaille avec la sénatrice Ataullahjan et l'ambassadeur de la liberté de religion sur cette question. Des membres du personnel de l'ambassadeur se sont récemment rendus au Myanmar pour examiner la question des Rohingyas musulmans. Lorsque j'aurai pu m'entretenir avec eux, je poursuivrai mon interpellation. Je demande l'ajournement du débat sur cette interpellation pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

Les phares à titre de symboles irremplaçables du patrimoine maritime

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Jim Munson, ayant donné préavis le 17 juin 2014 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les phares qui sont un symbole unique du patrimoine maritime du Canada et des monuments qui enrichissent les collectivités et le paysage national.

— Merci, Votre Honneur, et je présente mes excuses à la sénatrice Champagne.

[Français]

Andrée, je regrette. Champagne, Chaput, mon épouse s'appelle Ginette. Ce n'est pas mon fort!

[Traduction]

Je me laisse un peu trop emporter par l'émotion; le compte rendu va en témoigner et je vous prie de m'excuser.

Je sais qu'il est tard et ce discours ne sera pas aussi long que mon précédent, mais encore une fois, dans le but d'assurer une réception magnifique pour tous les sénateurs qui nous quittent, j'ai renoncé à ce discours également, mais je l'avais promis à la Nova Scotia Lighthouse Preservation Society. Dans le cadre de mes recherches sur les phares canadiens, dans ces heures sombres, je suis venu pour faire briller la lumière.

J'ai intérêt à faire attention parce que mon père était un ministre du culte de l'Église unie, et j'étais assez turbulent pour un fils de ministre du culte. Mais je commence à parler comme mon père; je fais donc mieux de me surveiller.

Je prends la parole aujourd'hui pour attirer l'attention sur les phares à titre de symboles irremplaçables du patrimoine maritime canadien et à titre de monuments qui enrichissent les communautés et les paysages de notre pays. Vous vous rappellerez peut-être, honorables sénateurs, une déclaration que j'ai faite ici même en décembre dernier au sujet du phare de l'île Sambro. Inauguré en 1758, c'est le plus ancien phare toujours en service dans les Amériques.

Une fois de plus, nous parlons ici du Sénat et de ce que nous avons fait, mais le 20 juin, Pêches et Océans Canada a déclaré ce phare excédentaire. Le ministère a décidé de ne plus en financer l'entretien. Pendant plus de 200 ans, le phare de l'île Sambro a guidé les navires et a assuré leur sauvegarde à travers la noirceur, les forts vents, les tempêtes et les eaux périlleuses. Paradoxalement, une fois déclaré excédentaire, il a été abandonné et laissé à la merci des éléments pour se dégrader et, à un moment donné, s'effondrer.

Quand les soldats partaient à la guerre, la dernière lueur qu'ils apercevaient était celle du phare de l'île Sambro et, pour ceux qui avaient la chance de rentrer à la maison, c'était la première lueur qu'ils apercevaient.

L'histoire de ce phare et de sa présence dans la collectivité où il est érigé n'est pas différente de l'histoire de centaines d'autres phares dans des communautés éparpillées d'un bout à l'autre de notre pays. Pêches et Océans a aussi déclaré excédentaires 975 autres phares, décision consternante pour ceux d'entre nous pour qui ces structures symbolisent le Canada.

La décision du ministère est souvent décrite comme ayant été le coup de grâce. Ce n'est toutefois pas réellement le cas. Au fil des décennies, de nombreux facteurs ont contribué à la diminution du rôle des phares, notamment les changements technologiques en matière de sécurité maritime, l'automatisation des phares et ses répercussions sur la dotation en personnel ainsi que des problèmes de financement, d'assurances et de vandalisme.

Les défis grandissants que représentait l'exploitation continue des phares étaient bien connus à l'époque et quelques tentatives avaient été faites en vue de régler les problèmes. En mai 2010, soit un mois avant que le MPO annonce sa décision concernant les phares excédentaires, la Loi sur la protection des phares patrimoniaux était entrée en vigueur. Tirant parti de l'attachement presque patriotique que bon nombre d'entre nous ont pour les phares, la loi propose des mécanismes qui permettent aux Canadiens de jouer un rôle dans la protection et la conservation de ces structures.

Ses quatre principaux objectifs sont les suivants : prévoir un processus de sélection et de désignation des phares patrimoniaux, empêcher leur modification ou leur aliénation non autorisée, exiger l'entretien des phares fédéraux désignés dans une mesure raisonnable et faciliter leur vente ou leur transfert pour qu'ils soient utilisés à des fins publiques.

En mars 2011, au milieu de la période accordée aux particuliers et aux groupes communautaires pour soumettre la candidature de phares en vue de leur désignation patrimoniale, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a publié un rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur la protection des phares patrimoniaux. Dans la préface du rapport, notre ancien collègue et le président du Comité des pêches à l'époque, Bill Rompkey, confirmait que le processus de consultation du public était raisonnable.

Barry McDonald, président de la Nova Scotia Lighthouse Preservation Society, est l'un des témoins qui ont comparu devant les membres du comité. Si vous avez déjà eu l'occasion d'entendre Barry, vous savez à quel point le sort des phares lui tient à cœur. Il offre soutien et encouragements aux particuliers et aux groupes de bénévoles locaux qui cherchent à faire reconnaître l'importance d'un phare d'un point de vue historique et du rôle qu'il a joué dans son milieu. Il croit fermement que les phares du Canada ont mérité qu'on les traite avec respect.

Cette cause est portée par des gens qui puisent leur motivation dans cette conviction. Par exemple, Carol Livingstone, de la Prince Edward Island Lighthouse Society, décrit ainsi la raison pour laquelle elle a choisi de défendre cette cause :

[...] depuis plus d'un siècle, les phares ont veillé sur notre pays. C'est maintenant à nous — en tant que gens du pays — de nous occuper de nos phares.

Le sénateur Mercer : Bravo!

Le sénateur Munson : Le travail acharné qui se fait découle de ce genre de conviction. En avril, la députée Megan Leslie a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire par lequel elle invite les parlementaires à appuyer la désignation patrimoniale du phare de l'île Sambro. La même semaine, j'ai fait ma déclaration de cette année, et le député Geoff Regan a présenté à ses collègues des Communes deux pétitions signées par plus de 5 000 personnes qui demandent de l'argent au gouvernement fédéral et des gestes décisifs de la part du Parlement pour élaborer une stratégie de préservation de ce phare.

À n'en pas douter, les défenseurs de la cause des phares font preuve de bon sens et savent se montrer persuasifs. Ils savent certainement comment diffuser leur message. Des collectivités dynamiques s'emploient par ailleurs à trouver de nouvelles façons d'utiliser les phares. Nous en avons de nombreux exemples.

On trouve au pays des phares qui ont été transformés par des groupes de bénévoles en musées, en centre d'interprétation, en galeries d'art, en restaurants, en gîtes touristiques, en auberges et en boutiques d'artisanat. Comme chaque phare se caractérise par une structure, une apparence et un milieu qui lui sont propres et comme on conclut chaque fois un accord de propriété distinct, il existe une vaste gamme de possibilités. L'association de l'industrie touristique de la Nouvelle-Écosse a indiqué au Comité des pêches que les phares constituaient un actif crucial pour le tourisme dans cette province, dont les retombées ont été d'environ 1,82 milliard de dollars en 2009, principalement grâce à la proximité de la mer.

Les candidatures présentées conformément à la Loi sur la protection des phares patrimoniaux devaient comprendre des analyses de rentabilisation assez impressionnantes. Au total, les candidatures de 348 phares ont été présentées, en provenance de huit provinces, soit la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario, le Québec — qui a présenté la candidature du phare de Tadoussac —, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador. La Commission des lieux et monuments historiques du Canada étudie actuellement ces candidatures et indiquera au ministre responsable de Parcs Canada à quels phares elle lui recommande d'accorder la désignation patrimoniale au plus tard le 29 mai 2015. C'est dans un an seulement.

L'ancienne sénatrice Pat Carney, qui a joué un rôle de premier plan dans la rédaction et l'adoption de la Loi sur la protection des phares patrimoniaux, est membre du groupe consultatif qui conseille cette commission. Cela me convainc et devrait convaincre tous ceux qui ont soumis des candidatures que le processus sera pris au sérieux et qu'il tiendra compte de l'importance des phares pour le Canada et les Canadiens.

J'aimerais pouvoir être aussi rassuré sur le sort des phares du Canada une fois que les décisions relatives aux candidatures auront été prises. Je prévois que d'autres obstacles et encore bien du travail attendent ceux qui mènent ce combat.

Dans le rapport du comité sénatorial, on parvient à une conclusion irréfutable : la préservation des phares ne se fera pas seule. La Loi sur la protection des phares patrimoniaux, bien qu'elle ait été bienvenue, semble inapte à répondre aux besoins complexes créés par des années de négligence à la suite de la décision inattendue du ministère des Pêches et des Océans de déclarer la plupart des superbes tours traditionnelles excédentaires aux besoins opérationnels.

(2140)

Il nous faut autre chose.

L'essentiel de la plupart des recommandations incluses dans le rapport est que le leadership et le financement du gouvernement fédéral sont nécessaires pour assurer la stabilité à long terme des phares du Canada. C'est là qu'interviennent les sénateurs : en encourageant de manière concertée le gouvernement à faire cela. Dans sa réponse aux recommandations, le gouvernement appuie de façon générale les demandes d'orientation en matière de normes patrimoniales et les autres considérations du genre. Toutefois, il refuse carrément d'appuyer des recommandations majeures telles que celles visant l'octroi d'un financement de démarrage à la fondation Héritage Canada ainsi que la participation du gouvernement fédéral à la création d'un comité consultatif pour coordonner l'échange d'idées relativement aux options de commercialisation et de financement.

Quoi qu'il transpire de l'année qui vient, une chose demeure certaine : les phares évoquent chez bon nombre d'entre nous un sentiment unique; un mélange d'émotions pures et simples et de libération.

Je viens du Nouveau-Brunswick. J'ai des ancêtres dont la vie était fondamentalement liée à l'océan Atlantique. Mon grand-père, Miles Munson, était capitaine d'une goélette, et ses frères, d'autres goélettes. Son beau-père était le capitaine T.D. Alexander. J'aurais de nombreuses histoires à raconter à son sujet, mais bref, mon arrière-grand-oncle était le premier gardien de phare.

[Français]

En français, le Sud du Nouveau-Brunswick s'appelle le cap Enragé.

[Traduction]

En anglais, dans le comté d'Albert, on le prononce Cape Enrage. Donc, en 1854, mon arrière-grand-oncle a été le premier gardien de phare du cap Enragé. Il s'appelait James Munson.

Plusieurs d'entre vous ici présents ont des origines ancestrales semblables aux miennes. Je pense que le respect envers les phares est un sentiment fondamental que partagent un très grand nombre de Canadiens. Ce que je crains toutefois, c'est que nous n'arrivions vraiment à comprendre l'importance des phares pour notre pays et dans nos vies qu'une fois qu'il sera trop tard.

Alors que nous nous apprêtons à faire relâche pour l'été, je souhaite à chacune d'entre vous, honorables sénateurs, des vacances merveilleuses et remplies de belles expériences. Si vous prévoyez voyager, j'espère que vous irez vous promener sur une côte ou un rivage pittoresque, où vous pourriez avoir la chance de voir et de visiter un phare. J'espère aussi que cette expérience vous incitera à réfléchir au sort de ce que vous verrez et que vous laisserez vagabonder votre cœur et votre esprit.

Peu importe ce que vos projets seront cet été, je vous inviterais à réfléchir aux phares en vous souvenant de ce que je vous ai dit aujourd'hui. Je vous demande instamment de penser aux générations futures, qui méritent de connaître l'histoire de notre pays et de ses gens, qui pourraient bénéficier d'une meilleure compréhension du rôle que les phares ont joué jadis et qui pourraient prendre conscience que leur présence sur nos côtes symbolise le respect pour la vie humaine et la responsabilité qu'il nous incombe de nous entraider au cœur des tourmentes, car c'est tout simplement la chose qu'il convient de faire.

L'honorable Elizabeth Hubley : Puis-je poser une question?

Son Honneur le Président : Oui, passons à la période des questions et observations.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup, sénateur Munson. Je faisais partie du Comité des pêches lorsqu'il a fait une merveilleuse tournée du Canada pour visiter certains de ces magnifiques phares. J'aimerais insister sur votre commentaire selon lequel nous devrions tous chérir cet élément de notre patrimoine. Je souhaite vous faire part d'une invitation que j'ai reçue. Il s'agit d'une fête que les gens de l'Île-du-Prince-Édouard vont organiser pour souligner le départ à la retraite de la sénatrice Catherine Callbeck, qui approche à grands pas. Je souhaite vous transmettre l'invitation, chers collègues.

Vous êtes tous invités à la réception, avec spectacle, gâteau et crème glacée, le vendredi 25 juillet 2014, de 16 à 19 heures, au phare de Seacow Head, chemin Lighthouse, à Fernwood, à l'Île-du-Prince-Édouard.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

[Français]

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avant de quitter pour la pause estivale, j'aimerais remercier tout le personnel du Sénat, particulièrement les gens à l'intérieur de la Chambre. Je suis toujours impressionné par la qualité de leur travail, par leur assiduité même encore à une heure aussi tardive, après de longues journées de travail.

Je profite de l'occasion pour remercier les sténographes parlementaires, les interprètes, les greffiers au Bureau, les pages, tout le personnel de soutien, le Service de sécurité ainsi que les services administratifs. Au nom de tous les sénateurs, j'aimerais leur dire un grand merci. Je leur souhaite de profiter de l'été pour se retrouver en famille et reprendre des forces.

Je sais que quelques pages nous quitteront pour entreprendre une nouvelle étape de leur vie. Je leur souhaite beaucoup de succès. Vous êtes des jeunes extraordinaires, vous êtes beaux. Vous êtes remplis de talent et votre avenir est prometteur. J'espère vous revoir un jour assis sur ces banquettes plutôt qu'à l'arrière.

J'aimerais aussi remercier l'ensemble de mes collègues sénateurs. Nous avons vécu une session parlementaire active qui a débuté dans un certain climat de tempête mais, comme on le sait, le mauvais temps fait toujours place au beau temps. Nous sommes dans une période plus tranquille et plus fructueuse.

Lors de l'étude des projets de loi, nous avons tenu des débats vraiment soutenus et profonds. Les arguments et les discussions des deux côtés ont été plutôt recherchés. Les travaux en comité ont été tout aussi extraordinaires.

Je dis donc merci à tous pour ces travaux, merci pour cette camaraderie aussi. Parce que, oui, la Chambre est partisane, oui, parfois il y a des débats et des échanges d'idées, mais tout cela se fait dans le respect et la camaraderie, et je crois que c'est tout à l'honneur des membres de cette Chambre.

Nous avons le grand privilège de servir nos concitoyens et je pense que nous le faisons avec beaucoup de respect envers les Canadiens. Monsieur le Président, à vous aussi, merci pour votre patience, vos jugements, votre sagesse, vos conseils. C'est vraiment un honneur et un privilège de pouvoir siéger en cette Chambre avec vous pour présider ces débats. Donc, à vous et à votre conjointe, je souhaite un bel été.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, je prends la parole au nom du leader de l'opposition, le sénateur Cowan, qui devait être à Halifax ce soir pour un engagement public. Je dois vous dire que, lorsque je l'ai appelé pour lui dire que nous allions ajourner pour l'été ce soir, je l'ai senti assez irrité, non pas parce qu'il voulait que nous continuions à travailler comme des galériens, mais parce qu'il avait déjà rédigé un discours qu'il voulait prononcer demain matin. Il allait se présenter ici à 9 heures, à l'ouverture de la séance, et prononcer le discours suivant.

(2150)

Le sénateur Plett : Merci de nous épargner.

La sénatrice Fraser : Vous serez ravi d'apprendre que, contrairement au sénateur Cowan, je ne bénéficie pas d'un temps de parole illimité, sénateur Plett. Néanmoins, essayez d'imaginer que c'est lui qui prononce ces paroles.

Avant l'ajournement, je tiens à prendre le temps de remercier les nombreuses personnes qui nous permettent d'accomplir notre travail. Cette année a été riche en rebondissements, des deux côtés du parquet. Le sénateur Carignan et la sénatrice Martin sont devenus leaders l'automne dernier. C'est la première fois depuis des décennies que le leader du gouvernement au Sénat n'est pas membre du Cabinet, ce qui, j'en suis convaincue, a dû poser des difficultés au sénateur Carignan. Il s'en est néanmoins sorti avec habileté et dignité, ce dont mes collègues et moi lui savons gré.

Pour notre part, le changement draconien annoncé le 29 janvier dernier nous a pris de court. Pour autant que je sache, c'était une première dans l'histoire du Sénat. Nous apprivoisons encore notre nouvelle indépendance, mais nous nous réjouissons de l'accueil que les Canadiens ont réservé à nos initiatives, comme les réunions libres du caucus et l'invitation à nous envoyer les questions qu'ils veulent poser au gouvernement.

Je tiens aussi à exprimer publiquement mon admiration pour tous mes collègues, qui ont su relever avec brio ce défi imprévu, et ma reconnaissance pour leur appui indéfectible. Ce fut une période difficile, mais non moins passionnante.

Je me permets également de vous remercier, monsieur le Président, de même que le Président intérimaire, le sénateur Nolin, du doigté admirable avec lequel vous avez présidé nos délibérations parfois houleuses et souvent embrouillées. Armé de votre maîtrise de la procédure parlementaire, vous avez concilié discipline et souplesse en toute équité sans jamais vous départir de ce sens de l'humour si indispensable lorsqu'on occupe le poste qui est le vôtre, ce qui vous vaut toute notre admiration et tout notre respect.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Fraser : Je tiens également à remercier les employés de soutien du Sénat, qui ont fait tout en leur pouvoir pour nous donner l'aide et les conseils dont nous avions besoin lorsque nous nous sommes aventurés en terrain inconnu. Nous leur en sommes très reconnaissants.

Pour cela et pour tout l'appui qu'ils nous donnent, je tiens à remercier notre greffier, Gary O'Brien, et les personnes exceptionnelles qui l'entourent, des greffiers au Bureau aux employés qui travaillent en coulisse. Nous connaissons tous le rôle essentiel que jouent les règles de la procédure parlementaire dans notre travail. Simplement dit, si nous n'avions pas entièrement confiance en l'intégrité, l'impartialité et l'ampleur des connaissances des greffiers au Bureau, nous ne pourrions faire le travail qui est attendu de nous. Merci.

Je tiens également à remercier les employés des comités. Je pense que nous sommes tous fiers du travail des comités du Sénat, qui doivent une grande partie de leur réputation aux exceptionnels employés des comités, qui réussissent à respecter les délais serrés et à répondre à des demandes parfois contradictoires tout en demeurant impartiaux dans un milieu partisan, tout cela avec grâce, humour et surtout une détermination absolue à produire un travail de la plus haute qualité.

Je remercie les employés de la Bibliothèque du Parlement, autant les chercheurs affectés à nos comités que ceux qui se tiennent à notre disposition pour répondre à toute une gamme de questions qui exigent parfois la consultation d'ouvrages obscurs.

Je tiens tout particulièrement à remercier Mark Audcent, notre ancien légiste et conseiller parlementaire, de ses nombreuses années de loyaux services au Sénat et à chacun des sénateurs. J'aimerais également souhaiter la bienvenue à Michel Patrice, le nouveau légiste et conseiller parlementaire. Nous avons beaucoup de chance d'avoir bénéficié de l'excellent service de Mark à titre de légiste et de Michel à titre de légiste adjoint. Je suis ravie que Michel ait accepté le titre de premier conseiller juridique, et ce, malgré le fait qu'il savait exactement dans quoi il se lançait.

Michel, nous nous réjouissons tous à l'idée de collaborer avec vous dans vos nouvelles fonctions, et Mark, si vous lisez ces lignes, nous vous remercions bien sincèrement des judicieux conseils que vous nous avez donnés pendant des années. Nous vous offrons nos vœux de santé et de bonheur pour une retraite bien méritée.

Je remercie également nos interprètes, traducteurs et sténographes, l'excellent personnel qui travaille aux Débats et aux Journaux, les membres du Service de sécurité, le personnel de nos bureaux, bien entendu, et les nombreuses autres personnes qui assurent le bon fonctionnement du Sénat et nous permettent ainsi de nous consacrer aux projets de loi et aux autres questions dont nous sommes saisis. Merci à vous tous. Honnêtement, nous ne pourrions pas faire notre travail sans vous.

J'espère que vous profiterez du fait que vous ne nous aurez pas dans les jambes cet été pour vous reposer et refaire le plein. Je sais qu'à l'automne, nous vous reviendrons avec une foule de demandes impossibles auxquelles vous réussirez à répondre rapidement, comme par magie. Merci à vous, et passez un bel été.

Enfin, quelques mots à mes collègues des deux côtés de la Chambre. J'espère que nous profiterons de l'été pour réfléchir aux défis et aux possibilités que comporte la décision de la Cour suprême concernant le renvoi sur le Sénat et que nous reviendrons à l'automne déterminés à travailler ensemble afin d'améliorer, dans la mesure du possible, notre façon de faire les choses dans l'intérêt des Canadiens.

Passez un bel été. Au plaisir de vous revoir à l'automne.

Des voix : Bravo!

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Merci, Votre Honneur. Si je puis me le permettre, j'aimerais m'associer aux remerciements formulés par le leader du gouvernement et le leader de l'opposition.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 16 septembre 2014, à 14 heures.)

© Sénat du Canada

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