Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 101

Le mardi 2 décembre 2014
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président

LE SÉNAT

Le mardi 2 décembre 2014

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Coupe Grey de 2014

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, dimanche dernier, 14,1 millions de mes plus proches amis et moi avons regardé le match de la Coupe Grey, qui avait lieu à Vancouver, en Colombie-Britannique, dans le magnifique stade BC Place. Les Tiger-Cats d'Hamilton affrontaient les Stampeders de Calgary. Si la partie a commencé plutôt lentement, les joueurs se sont vite repris, et nous avons finalement eu droit à un vrai match de la Coupe Grey.

À 55 secondes de la fin, Hamilton a attrapé le botté et fait un retour de 90 verges, ce qui aurait dû lui assurer la victoire. C'était sans compter sur la pénalité annoncée lorsque le ballon a été attrapé. C'en était fait, et le match a pris fin aussitôt, et Calgary l'a emporté 20 à 16.

Nous avons eu droit auparavant à toutes sortes de défilés et de galas, à des chevaux dans les hôtels — quiconque suit la Coupe Grey sait que c'est la tradition d'amener son cheval avec soi quand on descend à l'hôtel. Bref, ce fut une belle fin de semaine. Heureusement, la température à Vancouver est descendue sous zéro. Il neigeait légèrement dimanche pendant le défilé, ce qui a permis à nous qui venions d'ailleurs au Canada de nous sentir à notre aise, comme si nous n'avions pas quitté notre coin de pays.

L'an prochain, j'invite tout le monde à venir avec moi assister à la 103e Coupe Grey, qui sera disputée à Winnipeg, au Manitoba. Dimanche, il faisait -37 à Winnipeg, par comparaison à 22 degrés au stade BC Place. Je vous conseille donc de vous habiller un tantinet plus chaudement. Merci.

[Français]

La Francophonie

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, un vent de fraicheur a soufflé sur Dakar, au Sénégal, le week-end dernier, alors que, au terme du 15e Sommet de la Francophonie, Mme Michaëlle Jean a été élue au poste de secrétaire générale de la Francophonie. Il s'agit de la première fois dans l'histoire de l'Organisation internationale de la Francophonie qu'une Canadienne est élue à sa tête, et je tiens à lui exprimer toute ma fierté et mes plus sincères félicitations.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que cette grande dame aux innombrables qualités saura promouvoir la langue de Molière et instaurer le renouveau et la modernité au sein de la Francophonie du XXIe siècle pour améliorer la prospérité et la stabilité dans les pays en développement.

Je sais d'ores et déjà que Mme Michaëlle Jean épouse les valeurs de l'organisation et qu'elle travaillera avec honneur et enthousiasme à la mise en œuvre des résolutions adoptées dans le cadre du sommet. Je sais aussi qu'elle veillera à ce que soient respectés les engagements qui ont été pris par le premier ministre du Canada et les chefs d'État, notamment en ce qui a trait à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, au développement et à la croissance économique durable, à la bonne gouvernance, à la démocratie, ainsi qu'à la réduction de la pauvreté.

Je suis fière d'avoir pris part au 15e Sommet de la Francophonie, qui a été présidé en fonction d'objectifs précis et atteignables, axés sur une stratégie économique novatrice permettant d'apporter des solutions aux problèmes auxquels sont confrontés les femmes et les enfants. À ce chapitre, je tiens à souligner que la résolution du premier ministre Harper sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants a été adoptée haut la main. Le premier ministre en a profité pour annoncer un soutien supplémentaire destiné à l'Initiative pour les micronutriments, organisation phare du Canada en matière de nutrition sur la scène mondiale.

Par ailleurs, nous savons que l'immunisation des enfants est l'une des solutions les plus efficaces pour assurer leur survie. Dans le cadre des efforts que déploie le Canada à ce chapitre, le premier ministre a annoncé une contribution supplémentaire de 500 millions de dollars destinée à des vaccins qui permettront de sauver la vie d'enfants du monde entier.

Au nom des membres de la délégation canadienne, je voudrais remercier l'ambassadeur du Canada au Sénégal, M. Philippe Beaulne, de même que les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, qui ont tout mis en œuvre pour que ce sommet se déroule à la perfection. Chapeau! Mission accomplie.

Enfin, je salue et remercie chaleureusement le secrétaire général sortant, M. Abdou Diouf, pour tout le travail qu'il a accompli au fil des 12 dernières années passées à la tête de la Francophonie. Merci d'avoir donné corps à une solidarité active entre les 80 États et gouvernements qui la composent et d'avoir contribué à améliorer le niveau de vie de ces populations en les aidant à devenir les acteurs de leur propre développement. Je vous remercie.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Le commissaire à l'intégrité du secteur public

La GRC—Dépôt des conclusions découlant d'une enquête sur une divulgation d'actes répréhensibles

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 38(3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Rapport sur le cas du Commissariat à l'intégrité du secteur public, dans lequel sont exposées les conclusions découlant d'une enquête sur une divulgation d'actes répréhensibles à la Gendarmerie royale du Canada.

[Français]

L'étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire

Dépôt du quatrième rapport du Comité des langues officielles

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, portant sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire, intitulé Saisir l'occasion : Le rôle des communautés dans un système d'immigration en constante évolution.

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1410)

[Traduction]

Le Comité de sélection

Dépôt du quatrième rapport du comité

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall, présidente du Comité de sélection, présente le rapport suivant :

Le mardi 2 décembre 2014

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité informe le Sénat qu'il désigne l'honorable sénateur Housakos au poste de président à titre intérimaire.

Respectueusement soumis,

La présidente,
ELIZABETH MARSHALL

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

La sénatrice Marshall : Avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

La sénatrice Fraser : Le consentement n'est pas accordé, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : Non.

(Sur la motion de la sénatrice Marshall, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Nancy Ruth dépose le projet de loi S-225, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Nancy Ruth, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Français]

Agriculture et forêts

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date de présentation de son rapport final sur l'étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 12 juin 2014, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts relativement à son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada soit reportée du 31 décembre 2014 au 31 mai 2015.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La condition féminine

La représentation des femmes au sein des conseils d'administration

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, et elle touche un sujet qui m'est favori.

La semaine dernière, nous avons appris que la chancelière allemande, Mme Angela Merkel, membre d'un parti conservateur en Allemagne, déposera, le 11 décembre prochain, un projet de loi qui imposerait d'ici 2016 une proportion minimum de 30 p. 100 de femmes au sein des instances dirigeantes des grandes entreprises allemandes. Si le projet de loi est adopté — et il semblerait que les deux partis les plus importants soient d'accord —, la ministre allemande responsable des droits des femmes a d'ores et déjà prévenu que, à partir de 2016, les sociétés ne pourront plus recruter d'hommes à des postes de direction tant que le quota de 30 p. 100 de femmes ne sera pas atteint. Il faut savoir que, au moment où on se parle, il y a seulement 7 p. 100 de femmes qui siègent aux conseils d'administration des grandes sociétés en Allemagne.

Cette mesure dont on discute en Allemagne fait suite à une mesure adoptée par le Parlement européen, qui a été adoptée de façon écrasante avec 67 p. 100 des voix. La France, la Norvège et le Québec ont également légiféré en la matière. À la suite de la publication du rapport de votre gouvernement en juin 2014, pouvez-vous me dire quand votre gouvernement interviendra pour assurer que les femmes aient leur place dans le milieu des affaires au Canada?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je remercie la sénatrice de sa question. Comme vous le savez, notre gouvernement a travaillé à promouvoir la participation des femmes aux conseils d'administration. Nous sommes résolus à atteindre cet objectif. Il y a une prise de conscience croissante au Canada selon laquelle la représentation des femmes au sein des postes de direction dans l'ensemble des secteurs économiques est capitale pour notre croissance économique et notre compétitivité.

Dans le budget de 2012, vous vous souviendrez que notre gouvernement a fait preuve, encore une fois, de leadership en créant le conseil consultatif chargé de promouvoir la participation des femmes aux conseils d'administration. Or, vous avez voté contre ce plan d'action.

En juin, la ministre Leitch a rendu public le rapport du conseil consultatif sur les moyens d'augmenter la représentation des femmes au sein des conseils d'administration au Canada, qu'ils soient publics ou privés.

Je suis très fier de préciser que le comité de direction du gouvernement compte trois femmes, soit la sénatrice Yonah Martin, leader adjointe du gouvernement, la sénatrice Rose-May Poirier, présidente du caucus, et notre whip, la sénatrice Elizabeth Marshall.

La sénatrice Hervieux-Payette : Il s'agit tout simplement d'un petit coup de pouce. Le ministre des Finances vient de nous écrire en nous demandant de donner des suggestions.

Il faut se souvenir que le projet de votre gouvernement d'accroître la participation des femmes vise à augmenter la productivité du Canada et à veiller à ce qu'il aille de l'avant en laissant derrière lui cette réputation de manque de productivité.

Dans leur rapport, les membres du conseil consultatif, nommés par votre gouvernement, estiment qu'un objectif de mixité de 30 p. 100 sur cinq ans, de 2014 à 2019, est un seuil raisonnable auquel nous pouvons aspirer, l'objectif à long terme étant l'équilibre entre les hommes et les femmes. Or, nous sommes déjà à la fin de 2014.

Je sais qu'il y a eu un exercice, qui semble un peu académique, avec la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Celle-ci a publié une politique selon laquelle les sociétés doivent se conformer ou bien expliquer leur démarche. Aucun conseil d'administration ni entreprise ne va bouger avec de telles politiques. On en a fait l'essai en Angleterre et on a échoué, de même que partout où on a tenté de le faire de façon volontaire. Même en Norvège, où on retrouve 40 p. 100 de femmes au sein des conseils d'administration depuis 10 ans, soit depuis le début, on ne procède pas selon une politique du type « conformez-vous ou expliquez-vous ».

Je vous pose donc la question suivante. Un budget sera déposé l'an prochain. J'écrirai au ministre des Finances, et j'aimerais que mes collègues qui siègent au caucus avec le premier ministre et les ministres fassent la promotion d'un projet de loi. Je suis prête à vous prêter mon projet de loi et son titre, si vous le désirez. Nous devons légiférer. C'est la seule façon de donner aux femmes une place juste et équitable dans le milieu des affaires au Canada.

Quand ferez-vous cette proposition à vos collègues de la Chambre des communes afin de légiférer en la matière?

(1420)

Le sénateur Carignan : Sénatrice, votre projet de loi fait présentement l'objet d'une étude au Parlement. Nous allons laisser les gens en débattre conformément à notre processus législatif, et ce, dans le but d'adapter les projets de loi que soumettent les sénateurs.

Vous comprendrez que notre gouvernement continuera de façon importante à viser l'excellence dans la fonction publique canadienne, car il est convaincu que les femmes contribueront largement à l'atteinte de cet objectif. Notre gouvernement a toujours fait preuve de leadership sur cette question, en faisant de la présence des femmes au sein des conseils d'administration et dans des rôles de direction une priorité.

Notre gouvernement s'est fait une fierté de nommer des femmes solides et compétentes au sein de plusieurs organisations et organismes publics. Il serait bon de le rappeler, sénatrice, parce que je ne suis pas certain que vous le fassiez de façon systématique dans chacune de vos présentations sur le sujet.

Depuis notre arrivée au gouvernement, le nombre de femmes qui se sont vu confier des postes de sous-ministre ou de sous-ministre délégué, ou qui ont été nommées par le gouverneur en conseil à la tête d'organismes ou en tant que dirigeantes de sociétés d'État s'est accru.

Parmi les nominations qui ont été faites par le gouverneur en conseil, 31 p. 100 comprennent des postes de sous-ministre et de sous-ministre délégué, de responsable d'organisme et de dirigeant de société d'État, qui sont actuellement occupés par des femmes. Nous sommes fiers de ce bilan et nous allons continuer de travailler en suivant cette orientation.

[Traduction]

La justice

La Cour suprême du Canada—Le processus de nomination

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement. Elle porte sur la nomination de madame la juge Suzanne Côté à la Cour suprême du Canada.

Le leader se souviendra que je lui ai déjà posé des questions sur la façon dont le gouvernement comptait combler, au fur et à mesure, les postes vacants à la Cour suprême du Canada. C'est la deuxième fois en six mois qu'une nomination est faite sans qu'un comité du Parlement tienne des audiences.

S'agit-il de la nouvelle façon de procéder du gouvernement pour nommer des gens à la Cour suprême? Le gouvernement a-t-il officiellement laissé tomber son intention de « revenir à un mécanisme officiel, c'est à-dire l'examen par le Parlement des futures nominations à la magistrature »?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Cowan pour sa question; je croyais que ce serait la première question aujourd'hui.

La nomination de Me Suzanne Côté a été retenue au terme d'un processus d'examen exhaustif qui comprenait de vastes consultations menées directement auprès d'éminents membres du milieu juridique, notamment auprès du procureur général du Québec, de la juge en chef du Canada, de la juge en chef du Québec, du juge en chef de la Cour supérieure du Québec, du Barreau du Québec et de l'Association du Barreau canadien, division du Québec.

La nomination de Me Côté sera gage d'une transition sans heurts qui permettra à la Cour suprême de traiter de toutes ses affaires sans délai. Puisque nous sommes toujours préoccupés par les fuites relatives à un processus qui se veut confidentiel, nous poursuivrons notre examen du processus en prévision des nominations à venir.

Notre gouvernement est toujours guidé par les principes du mérite et de l'excellence juridique dans le choix et la nomination des juges à la Cour suprême.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Je comprends très bien, sénateur Carignan, mais cela ne répond pas à ma question. J'ai bien choisi mes mots avant de poser ma question.

J'ai parlé de l'engagement du gouvernement de « revenir à un mécanisme officiel, c'est à-dire l'examen par le Parlement des futures nominations à la magistrature ». Il s'agit d'une citation d'un communiqué de 2008 du cabinet du premier ministre : « un mécanisme officiel, c'est à-dire l'examen par le Parlement des futures nominations à la magistrature ».

Ma question ne portait donc pas sur la compétence de la juge Côté, que je ne remets pas en question, ni sur la légitimité des consultations qui ont été faites auprès de diverses personnalités des milieux juridique et judiciaire. Ma question portait sur l'engagement qu'a pris le premier ministre lorsqu'il est entré en fonction. Il s'est engagé à « revenir à un mécanisme officiel, c'est à-dire l'examen par le Parlement des futures nominations à la magistrature ».

Je me permets de vous rappeler ce qu'il en est. L'ancien gouvernement du premier ministre Martin a réformé le processus de nomination des juges à la Cour suprême afin de le rendre plus transparent. Ce processus oblige notamment le ministre de la Justice à comparaître devant un comité parlementaire de la Chambre des communes pour présenter les personnes nommées et répondre aux questions concernant leurs qualifications. Deux personnes, les juges Charron et Abella, ont été nommées conformément à ce processus.

Lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, en 2006, le premier ministre Harper a amélioré et élargi le processus en demandant au juge Rothstein, qu'il proposait de nommer, de comparaître devant le comité de l'autre endroit. À l'époque, le premier ministre Harper avait vanté les mérites du processus qu'il avait amélioré en disant ceci : « Cette audience représente une démarche sans précédent vers l'approche que les Canadiens méritent, c'est-à-dire une approche axée sur une plus grande ouverture et une plus grande imputabilité. »

C'est l'approche que le premier ministre Harper a suivie pour les nominations suivantes, sauf dans le cas du juge Cromwell qui, comme vous vous en souviendrez, a été nommé pendant la prorogation de 2008.

Même en 2008, le premier ministre Harper a fait une déclaration dans laquelle il réitérait son engagement d'en revenir à « un mécanisme officiel, c'est-à-dire l'examen par le Parlement des futures nominations à la magistrature. » Le comité a organisé des audiences pour chaque juge nommé par la suite par M. Harper, jusqu'à la nomination du juge Gascon il y a quelques mois de cela.

Monsieur le leader du gouvernement, ma question est la suivante : pourquoi le gouvernement a-t-il manqué à l'engagement que le premier ministre a pris en 2006 et qu'il a répété chaque fois depuis, à l'égard d'un processus qui permet aux députés de l'autre endroit d'examiner minutieusement la candidature des juges que le premier ministre propose de nommer à la Cour suprême du Canada?

Je ne remets pas en question les qualifications des candidats. Je me demande simplement pourquoi le gouvernement a manqué à l'engagement que le premier ministre a pris à plusieurs reprises à l'égard d'un processus de surveillance parlementaire.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Cowan, je crois bien vous avoir donné la réponse la plus complète possible. Vous avez peut-être manqué la phrase que j'ai prononcée vers le milieu de la réponse, où j'ai dit que nous sommes toujours préoccupés par les fuites relatives à un processus qui se veut confidentiel et que nous poursuivons notre examen du processus en prévision des nominations à venir.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : La phrase ne m'a pas échappé. J'ai remarqué que vous mentionniez des fuites, et c'est la raison que M. MacKay, le ministre de la Justice, a évoqué en septembre, cinq mois après que le Globe and Mail a publié, vous vous en souviendrez, la liste des six candidatures prises en considération, dont quatre se sont avérées inadmissibles à la Cour suprême du Canada.

Êtes-vous en train de dire que le processus public — et c'est ce que prévoyait cet engagement, un processus parlementaire public — a été abandonné parce qu'une fuite émanant du Globe and Mail a révélé les noms des candidats? Le gouvernement utilise-t-il cette raison pour justifier sa décision de renier la promesse qu'il a faite à maintes reprises? Est-ce pour cela que vous agissez ainsi?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je n'ai pas affirmé que nous abandonnions nos discussions ou nos engagements. J'ai dit que nous poursuivons notre examen du processus en prévision des nominations à venir.

[Traduction]

Réponse différée à une question orale

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénatrice Chaput, le 29 octobre 2014, concernant le Programme d'action communautaire pour les enfants et l'accès aux services en français en Nouvelle-Écosse.

Les langues officielles

Le Programme d'action communautaire pour les enfants—L'accès aux services en français en Nouvelle-Écosse

(Réponse à la question posée le 29 octobre 2014 par l'honorable Maria Chaput)

L'Agence de la santé publique du Canada accepte les recommandations formulées dans le rapport du commissaire et est déterminée à favoriser l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans l'ensemble du pays.

L'agence a accompli des progrès importants dans la réponse à donner aux recommandations du commissaire qui ont trait à la prestation de programmes pour les communautés francophones à risque de la Nouvelle-Écosse. Le Cape Breton Family Place Resource Centre a été désigné bilingue et la South Shore Family Resource Association recevra une désignation bilingue.

Afin d'évaluer les besoins des familles néo-écossaises, les responsables de l'Agence se réunissent avec les organisations représentant des associations et des groupes de parents francophones dans la province, notamment La Pirouette, une organisation réunissant des intervenants du secteur des soins de santé et de la communauté francophone pour améliorer l'accès aux services de santé en français. L'agence est déterminée à maintenir des relations continues avec ces organisations pour appuyer l'amélioration des programmes francophones aux sites du Programme d'action communautaire pour les enfants (PACE). Les progrès seront revus annuellement afin de déterminer les moyens qui permettront de mieux répondre aux besoins des familles francophones à risque.

L'agence a partagé des outils et des ressources en français créés par le PACE avec les organisations francophones de la Nouvelle-Écosse. Elle continuera de travailler avec ses partenaires à l'élaboration d'un plan de promotion de ces ressources auprès des fournisseurs de programme.

Dépôt de la réponse à une question inscrite au Feuilleton

Le patrimoine canadien et les langues officielles—Le chômage chez les jeunes et l'embauche de jeunes Canadiens par le gouvernement fédéral

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 29 inscrite au Feuilleton par la sénatrice Callbeck.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation parlementaire dirigée par Son Excellence Tan Sri Datuk Seri Panglima Pandikar Amin Haji Mulia, Président de la Chambre des représentants de la Malaisie.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


(1430)

ORDRE DU JOUR

La Loi sur l'indemnisation de l'industrie aérienne

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Leo Housakos propose que le projet de loi C-3, Loi édictant la Loi sur l'indemnisation de l'industrie aérienne et modifiant la Loi sur l'aéronautique, la Loi maritime du Canada, la Loi sur la responsabilité en matière maritime, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables collègues, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour exprimer une dernière fois mon appui au projet de loi C-3, Loi visant la protection des mers et ciel canadiens.

Ce projet de loi exhaustif s'articule autour de cinq initiatives clés qui bénéficient de l'appui de tous les partis dans les deux Chambres.

La première initiative contenue dans le projet de loi C-3 est la modification de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Les modifications prévues dans cette partie visent à combler les lacunes en matière d'immunité civile et pénale accordée aux personnes qui interviennent lors d'un déversement d'hydrocarbures, à rehausser les exigences actuelles des installations de manutention d'hydrocarbures afin de réduire la probabilité d'un déversement, et à trouver une solution de rechange équitable et efficace aux poursuites en cas de violation mineure ou modérée des exigences relatives à la prévention de la pollution et à l'intervention, qui figurent dans la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et ses règlements d'application.

Les intervenants considèrent que les modifications proposées à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada sont un pas dans la bonne direction pour renforcer les activités d'intervention et de prévention de la pollution décrites dans la partie 8.

Lors de sa comparution devant le Comité des transports, M. Duncan Wilson, vice-président, Responsabilité sociétale, Port Metro Vancouver, a dit ceci :

[...] nous appuyons entièrement les modifications apportées à la Loi sur la marine marchande du Canada, dans le cadre du projet de loi C-3, qui vient renforcer les exigences actuelles en matière de prévention de la pollution et d'intervention aux installations de manutention d'hydrocarbures.

Nous sommes également en faveur d'augmenter la capacité de Transports Canada de surveiller les opérations maritimes et d'appliquer les règlements en fournissant aux inspecteurs chargés de la sécurité maritime les outils nécessaires pour assurer leur observation, d'introduire de nouvelles infractions pour la violation de la loi et d'augmenter les pénalités pour les dommages de pollution, et de supprimer les barrières juridiques qui feraient obstacle aux interventions en cas de déversement d'hydrocarbures en empêchant des organismes canadiens de participer aux travaux de nettoyage.

Ces mesures font ressortir que, dans le dossier du transport des ressources naturelles, le gouvernement ne mettra pas en péril la sécurité publique ou la protection environnementale.

[Français]

Les modifications à la Loi sur la responsabilité en matière maritime constituent la deuxième initiative essentielle du projet de loi C-3. Ces modifications visent à corriger une lacune dans le régime de responsabilité actuel à l'égard des navires, et à faire en sorte que les Canadiens et l'environnement soient protégés adéquatement contre certains risques liés au transport maritime, c'est-à-dire contre les substances nocives et potentiellement dangereuses.

[Traduction]

Là encore, les intervenants clés ont exprimé leur appui à l'égard des mesures prises par le gouvernement.

Anne Legars, vice-présidente de la Fédération maritime du Canada, a déclaré ceci dans un témoignage :

La fédération, de concert avec l'industrie et d'autres intervenants, a pris part aux consultations du gouvernement sur la Convention SNPD de 2010 et s'est montrée très favorable à sa ratification [...]

Nous appuyons ce régime international de responsabilité [...] parce que nous estimons qu'il s'agit de la façon la plus efficace d'offrir une assurance responsabilité dans le cas des déversements de produits chimiques provenant des navires.

Ces mesures montrent que le gouvernement est résolu à assurer la protection de l'environnement en offrant à l'industrie du transport des certitudes et la capacité de s'assurer contre des risques connus.

Les modifications proposées à la Loi maritime du Canada sont une autre initiative importante. Elles visent à alléger le fardeau administratif et à améliorer l'efficacité du processus de nomination dans les administrations portuaires canadiennes. Avant ces modifications, les nominations entraient en vigueur une fois qu'on en avait fait l'annonce aux administrations portuaires, ce qui nécessitait un processus de notification précis et un suivi additionnel. Cette modification fera en sorte que la date d'entrée en vigueur des nominations aux administrations portuaires canadiennes soit celle fixée par le gouverneur en conseil. On harmonisera ainsi la date d'entrée en vigueur des nominations avec toutes les autres fixées par le gouverneur en conseil dans l'ensemble du portefeuille des transports.

En outre, il ne sera plus nécessaire d'assurer un suivi quant aux dates d'entrée en vigueur des nominations auprès des administrations portuaires.

[Français]

Quatrièmement, j'aimerais aborder brièvement la question de la nouvelle loi proposée dans le projet de loi C-3, à savoir la Loi sur l'indemnisation de l'industrie aérienne, ou LIIA. Une fois adoptée, la LIIA permettrait au gouvernement d'offrir une assurance contre les risques de guerre en matière d'aviation, de manière fiable et transparente, lorsque cela s'avère nécessaire. Les participants de l'industrie aérienne appuient fortement cette proposition. Ils ont invariablement exprimé leur intérêt pour la prestation continue d'un tel programme. Cet appui est particulièrement marqué chaque fois qu'approche la fin du programme actuel, le Programme concernant la responsabilité résultant des risques de guerre touchant l'industrie aérienne, qui est maintenu en vertu de la prérogative royale. Par le passé, les compagnies aériennes consignaient l'annulation possible de ce programme comme un risque dans leurs états financiers annuels. En proposant cette nouvelle loi, notre gouvernement indique clairement qu'il est résolu à offrir à l'industrie de l'aviation les garanties dont elle a besoin pour s'assurer contre les risques.

[Traduction]

Enfin, permettez-moi de dire quelques mots sur le cinquième volet clé du projet de loi C-3, volet qui vise à modifier la Loi sur l'aéronautique. La nouvelle partie II de la Loi sur l'aéronautique proposée par le ministère de la Défense nationale prévoit les pouvoirs nécessaires pour enquêter sur tous les incidents ou les accidents de l'aviation militaire impliquant des personnes, comme les entrepreneurs, qui ne sont pas soumises au Code de discipline militaire. Les modifications de la loi favoriseront en outre l'indépendance et l'intégrité des enquêtes sur la sécurité des vols militaires. Transports Canada et le Bureau de la sécurité des transports du Canada souscrivent pleinement à ces modifications.

En somme, le projet de loi C-3 est solide et exhaustif. Il comporte des avantages considérables. Les mesures proposées démontrent qu'en matière de transport aérien ou maritime, le gouvernement n'a pas l'intention de lésiner sur la sécurité publique ou la protection de l'environnement. J'exhorte donc mes collègues sénateurs à voter en faveur du projet de loi C-3 dès que possible.

Merci.

(Sur la motion du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)

Le Code criminel
La Loi sur la preuve au Canada
La Loi sur la concurrence
La Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Tom McInnis propose que le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir prendre la parole aujourd'hui afin d'appuyer le projet de loi C-13, Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, qui prévoit des modifications au Code criminel, à la Loi sur la concurrence et à la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle afin de mettre ces lois au diapason des technologies du XXIe siècle.

Je remercie les membres et le personnel du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui s'est réuni à six reprises pour entendre 31 témoins.

Je siège au Sénat depuis un peu plus de deux ans. Bien que le fonctionnement du Sénat puisse sans doute être amélioré à certains égards, le souci des détails, l'efficacité et le professionnalisme des comités du Sénat sont sans égal.

Dans le cas du projet de loi C-13, c'est le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qui a tenu les audiences, et je peux dire sans équivoque au Sénat, alors que nous entreprenons l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi, qu'il a suscité beaucoup d'intérêt. Les témoins qui étaient pour et contre le projet de loi ont été interrogés en tout respect par les membres du comité, ce qui laisse planer peu de doute quant au sérieux de l'étude de la teneur du projet de loi.

J'aimerais toutefois souligner un point avant de poursuivre : lorsqu'ils font des recherches en vue des réunions, les membres du comité jettent normalement un coup d'œil à ce qui s'est dit pendant l'étude du projet de loi par le comité correspondant de l'autre endroit, avant que le Sénat entreprenne son étude. Lors d'une conversation privée, un témoin m'a dit que l'autre endroit était peut-être une bonne expérience sur le plan politique, mais que c'est au Sénat que les témoins doivent davantage se préparer et donner le meilleur d'eux-mêmes.

(1440)

Le comité sénatorial entend et questionne des représentants de tous les ordres de gouvernement, des ONG, des critiques, de simples citoyens, des experts et des universitaires. Ce n'est pas seulement une tribune impressionnante, c'est aussi un élément efficace de notre système parlementaire et de notre démocratie qui ne devrait jamais être mis de côté.

Mesdames et messieurs les sénateurs, ces mises à jour de la loi favoriseraient l'adaptation aux technologies modernes et aux défis qui en découlent, en particulier dans les cas d'intimidation, souvent appelée cyberintimidation. Le projet de loi C-13 répond à ces défis de diverses façons, notamment en créant une nouvelle infraction de distribution non consensuelle d'images intimes et en modernisant les outils d'enquête de la police.

Les propositions contenues dans le projet de loi C-13 permettront d'améliorer les enquêtes policières en établissant clairement le pouvoir d'effectuer un contrôle judiciaire efficace, tout en assurant une surveillance appropriée des activités d'enquête des policiers. Ces 20 dernières années, les policiers pouvaient demander à un juge un mandat afin de vérifier les numéros de téléphone des appels entrants ou sortants chez un suspect. Les enquêteurs ont de la difficulté aujourd'hui à travailler avec le mandat existant pour l'enregistrement des numéros de téléphone composés, qui est désuet. La disposition a été créée en 1993 et était destinée aux téléphones traditionnels. Les moyens de communication ont beaucoup changé; depuis 1993, on utilise notamment beaucoup plus l'Internet. Ces changements dans la technologie des communications ont mené à la proposition, dans le projet de loi C-13, de remplacer le mandat existant sur l'enregistrement des numéros de téléphone composés par le nouveau mandat sur l'enregistrement des données de transmission.

Les policiers pourraient utiliser ce nouveau mandat pour recueillir des renseignements liés aux communications sur Internet et continuer à obtenir une liste des numéros composés lors d'appels téléphoniques traditionnels. La modernisation de la loi garantirait que les policiers pourraient se servir de cette technique d'enquête policière, peu importe la technologie de communication utilisée dans la perpétration d'un crime.

Une autre mise à jour des outils d'enquête proposée dans le projet de loi C-13 vise à créer de nouvelles ordonnances de communication pour des tâches précises. Plus particulièrement, le projet de loi propose de nouvelles ordonnances de communication pour l'obtention de données de transmission, le suivi de données et le retracement d'une communication. Ces dernières seraient ajoutées aux ordonnances de communication existantes, à savoir l'ordonnance précise pour les données financières et l'ordonnance générale pour tous les autres types d'information.

Ces ordonnances forment le nouveau système d'ordonnances de communication proposé dans le projet de loi C-13. Ce dernier permettra à la police d'utiliser des outils modernes — conçus pour la technologie moderne et dont la portée est limitée, de manière appropriée —, afin d'obtenir différents types d'information. Comme les ordonnances de communication précisément adaptées ont une portée plus étroite et risquent moins de porter atteinte à la vie privée, les critères judiciaires sont les « motifs raisonnables de soupçonner qu'une infraction a été ou sera commise ».

Pour l'ordonnance générale de communication, où les risques d'atteintes à la vie privée sont plus grands, les critères judiciaires sont les « motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été ou sera commise ». Ces critères sont compatibles avec ceux des autres ordonnances de communication actuellement prévues dans le Code criminel. L'approche adoptée dans le projet de loi C-13 est conçue de façon à pouvoir être adaptée en fonction des intérêts liés à la protection de la vie privée.

Cette série d'ordonnances de communication donne à la police des outils précis pour des accès précis. Cela permet à un juge d'évaluer chaque demande pour déterminer si l'ordonnance respecte la norme déterminée et appropriée permettant de respecter la vie privée en lien avec les données qui seront obtenues.

Le projet de loi C-13 améliore également les outils d'enquête en proposant des ordres et des ordonnances de préservation. Il s'agit de nouveaux outils qui permettraient à la police de s'assurer que des données informatiques précises préservées par une tierce partie, comme un fournisseur de services de télécommunication, ne soient pas supprimées avant que la police puisse obtenir une ordonnance judiciaire, comme une ordonnance de communication, pour y avoir accès.

Bien que les données informatiques soient seulement préservées temporairement, ces outils sont très utiles pour les policiers compte tenu du fait que les enquêtes mettront en cause des renseignements conservés sur support électronique, renseignements qui risquent fort d'être supprimés. Par exemple, de grandes quantités d'informations sont supprimées régulièrement pour libérer de l'espace de stockage dans les réseaux informatiques, ce qui peut devenir une catastrophe au cours d'une enquête où les données informatiques étaient essentielles pour établir les faits relatifs à la perpétration d'un crime.

Si on examine l'ensemble des mesures proposées dans le projet de loi C-13, on constate que celui-ci établit un plan clair quant à l'approche globale visant à protéger les Canadiens contre la cybercriminalité. La nouvelle infraction concernant la distribution non consensuelle d'images intimes, ainsi que la modernisation d'infractions existantes comme le harcèlement téléphonique, fournit aux forces policières des outils modernes qui leur sont nécessaires pour lutter contre la cyberintimidation quand elle devient un comportement criminel.

Toutefois, mettre à la disposition des forces policières des infractions, nouvelles ou mises à jour, leur permettant de porter des accusations pour cyberintimidation n'est pas suffisant. Les policiers ont aussi besoin de nouveaux outils pour enquêter efficacement sur ces infractions. La création d'un nouveau régime de préservation des données informatiques, la proposition d'une série d'ordonnances de communication conçues de façon à protéger adéquatement la vie privée, et les mesures visant à améliorer l'efficacité — comme les ordonnances connexes et les mandats — permettront aux forces policières d'agir et d'enquêter adéquatement dans un contexte de communications modernes.

Honorables sénateurs, il serait injuste que je termine sans dire que les exposés des témoins ont parfois été difficiles et ont donné matière à réflexion. Tous les témoins appuient la nouvelle infraction de distribution non consensuelle d'images intimes. La plupart d'entre eux reconnaissent qu'il est nécessaire de moderniser les outils d'enquête des forces de l'ordre.

Les critères « motifs raisonnables de soupçonner » et « motifs raisonnables de croire » ont fait l'objet d'un examen très approfondi. Le premier critère est une précision permettant d'effectuer une enquête préliminaire afin de déterminer s'il y a des motifs d'enclencher le processus d'enquête en tant que tel. Sans ce critère, l'enquête policière pourrait échouer car, dans beaucoup de dossiers, les preuves disponibles au début de l'enquête sont insuffisantes pour donner des « motifs raisonnables de croire ».

Mesdames et messieurs les sénateurs, des policiers qui représentaient au moins 90 p. 100 des forces policières au pays ont témoigné devant le comité et se sont dits en faveur du projet de loi. Une forte majorité de Canadiennes et de Canadiens respectent et apprécient grandement l'ensemble de nos forces policières. J'ai toutefois l'impression que, lorsque l'on tombe dans les droits relatifs à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens, même si c'est sous surveillance judiciaire, le doute s'installe. Malgré tout, permettez-moi de vous lire une citation qu'un témoin a lue pendant une réunion du comité :

Nous avons tous une attente en matière de respect de la vie privée lorsque nous communiquons en ligne. Or, si une personne fait fi de cette attente et tire avantage d'autrui, le droit à l'anonymat n'existe plus, et notre système de justice devrait être en mesure de nous protéger et d'assurer notre sécurité.

Le droit à l'anonymat ne saurait avoir préséance sur le droit fondamental à la sécurité et à la protection.

Une citation très intéressante.

Les Canadiennes et les Canadiens s'attendent, à juste titre, à ce que la police soit en mesure de mener des enquêtes très complexes. Ils s'attendent, à juste titre, à ce que les agents de police qui mènent ces enquêtes respectent leur droit à la vie privée. En fait, les cadres supérieurs de la police croient qu'il est important que les personnes responsables de l'application de la loi reçoivent une formation spéciale pour ce faire.

En outre, ces enquêtes devraient être menées, dans la mesure du possible, avec transparence. Je crois que c'est l'inspecteur Scott Naylor, de la Police provinciale de l'Ontario, qui a suggéré la tenue de vérifications.

Mesdames et messieurs les sénateurs, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il y aura toujours des tensions entre l'application efficace de la loi et la protection des renseignements personnels si on veut parvenir à un équilibre entre les deux.

Enfin, il y a une multitude d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, ainsi que des bénévoles dans le cadre de programmes de lutte contre la cyberintimidation, notamment parmi les jeunes de partout au pays. Compte tenu des dizaines de milliers de cas présumés de cyberintimidation chaque mois, nos efforts sont-ils aussi efficaces qu'ils devraient ou pourraient l'être? Je ne suis pas sûr que nous ayons la réponse à cette question ou s'il est même possible de trouver une réponse exacte. Je recommande fortement que l'on poursuive ces discussions à l'avenir. J'estime que le projet de loi contient des modifications législatives avantageuses et même nécessaires et j'encourage tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi C-13 sans réserve.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

(1450)

Projet de loi sur la Journée du Parcours vers la liberté

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Thanh Hai Ngo propose que le projet de loi S-219, Loi instituant une journée nationale de commémoration de l'exode des réfugiés vietnamiens et de leur accueil au Canada après la chute de Saïgon et la fin de la guerre du Vietnam, soit lu pour la troisième fois sous sa forme modifiée.

— Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui dans le débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-219, Loi instituant une journée nationale de commémoration de l'exode des réfugiés vietnamiens et de leur accueil au Canada après la chute de Saïgon et la fin de la guerre du Vietnam, sous sa forme modifiée.

À mes yeux, la Journée du Parcours vers la liberté est une occasion pour nous de nous souvenir des souffrances éprouvées à la suite de la chute de Saïgon, de rendre hommage au Canada qui, par souci humanitaire, a accueilli des réfugiés durant et après la guerre du Vietnam et de commémorer les réalisations des Canadiens d'origine vietnamienne pour souligner un nouveau chapitre au Canada.

Je suis ravi et touché par le niveau de soutien pour le projet de loi, qui veillera à ce que la Journée du Parcours vers la liberté reflète le rôle humanitaire du Canada, qui a accepté des milliers de réfugiés vietnamiens, ces réfugiés de la mer qui ont fui après la chute de Saïgon. L'exode, qui dura de la chute de Saïgon en 1975 jusqu'en 1996, fut la plus grande migration de masse de l'histoire moderne; plus de 1,5 million de personnes ont quitté leur pays ravagé par la guerre en quête de liberté. Comme le savent les honorables sénateurs, beaucoup de Vietnamiens ont dû se lancer dans la mer de Chine méridionale à bord de rafiots délabrés, où ils furent constamment confrontés à des dangers inimaginables. Non seulement ont-ils dû traverser des tempêtes meurtrières, ils ont également dû affronter la maladie, la famine et même la menace de pirates.

[Français]

Il était devenu plus clair, pour le monde et pour le Canada, que le problème des réfugiés vietnamiens s'était transformé en une crise humanitaire mondiale, et que la seule façon humaine d'y remédier était d'adopter des mesures décisives et immédiates.

[Traduction]

L'honorable Ron Atkey, ministre de l'Immigration à l'époque, a soulevé la question de cette migration de masse auprès du cabinet de l'ancien premier ministre Joe Clark et a demandé à ses collègues : « Comment voulons-nous que les gens se souviennent de nous? » Ensuite, les citoyens canadiens ont fait quelque chose de vraiment formidable. En juillet 1979, le gouvernement canadien a fait une annonce historique, à savoir que 50 000 réfugiés vietnamiens seraient admis au Canada d'ici la fin de 1980. En février 1980, le gouvernement a annoncé que le nombre de réfugiés admis passerait de 50 000 à 60 000.

[Français]

Sur les 60 000 réfugiés vietnamiens arrivés au Canada de 1979 à 1980, près de 26 000 ont été parrainés par le gouvernement, tandis que 34 000 autres l'ont été dans le cadre d'un parrainage privé et par des membres de leur famille. Pendant la décennie suivante, de 1982 à 1991, environ 80 000 Vietnamiens de plus sont entrés au pays.

[Traduction]

Le Canada s'est fait connaître pour son programme de parrainage privé. Il demandait l'aide d'organismes bénévoles, d'églises et de groupes d'au moins cinq citoyens adultes qui pouvaient parrainer une famille de réfugiés et subvenir à ses besoins durant une année. Pour chaque personne ainsi parrainée, le gouvernement acceptait de s'occuper d'un autre réfugié. Des particuliers, des familles, des organismes bénévoles, des collectivités, des organisations religieuses et des Canadiens de toutes les couches de la société ont accepté de parrainer des milliers de réfugiés; ils en ont aidé près de 120 000 à se réinstaller au Canada.

[Français]

Cet exploit extraordinaire a été accompli grâce au leadership exceptionnel exercé par tous les ordres de gouvernement, des maires et des conseillers municipaux jusqu'aux ministres des Cabinets fédéraux et provinciaux, ainsi qu'aux extraordinaires fonctionnaires. Accueillir un tel nombre de réfugiés pendant un si court laps de temps est une tâche complexe. Les Canadiens ont accompli quelque chose d'unique.

[Traduction]

Mike Molloy, président de la Société historique de l'immigration canadienne, qui travaillait sur le terrain comme agent d'immigration pour le Canada, a témoigné la semaine dernière devant le Comité sénatorial des droits de la personne. Il a dit que le parrainage d'un aussi grand nombre de réfugiés de la mer était quelque chose d'incroyable, que c'était un moment spécial dans notre histoire et que cela demeurait de loin la plus grande réinstallation de réfugiés de l'histoire du Canada.

La réinstallation des réfugiés de la mer a été une réussite grâce au Programme de parrainage privé de réfugiés, qu'on a unanimement salué. Toutefois, les véritables héros de la réinstallation des Vietnamiens et de leur intégration dans le tissu social canadien sont les centaines de milliers de Canadiens qui ont parrainé des réfugiés par l'entremise de leur église, de leur synagogue, des clubs philanthropiques, des syndicats et de groupes improvisés composés d'amis et de voisins qui ont décidé de parrainer eux-mêmes des familles et même de voir à leur fournir un logement.

En 1986, la très honorable Jeanne Sauvé, qui était gouverneure générale à l'époque, a accepté au nom du peuple canadien la médaille Nansen, l'équivalent du prix Nobel pour les réfugiés et un prix humanitaire prestigieux décerné en reconnaissance d'efforts considérables et soutenus qui ont été déployés pour la cause des réfugiés. Depuis 1954, année de la création de la médaille, c'était la première fois que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés la présentait à une population entière.

Depuis leur arrivée au Canada, les membres de la communauté vietnamienne n'ont cessé de montrer qu'ils triment dur et qu'ils sont tout à fait capables d'intégrer la société canadienne. Il n'y a pas un seul village au pays qui n'a pas entendu parler ou accueilli des réfugiés issus de cet exode. Certains réfugiés vietnamiens se sont même retrouvés dans les Territoires du Nord-Ouest, à Tuktoyaktuk. On ignore combien de temps ils y sont restés une fois que l'hiver les a surpris. Une chose est sûre : il y a aujourd'hui des Canadiens d'origine vietnamienne qui dirigent des entreprises prospères à Yellowknife.

(1500)

Bien des Canadiens ont eu l'occasion d'accueillir pour la toute première fois des gens venant d'autres régions que l'Europe dans leurs églises et leurs maisons lorsque les réfugiés de la mer vietnamiens sont venus s'établir au pays.

C'est M. Molloy qui a le mieux résumé la situation la semaine dernière, au comité. Les Canadiens voient l'établissement des réfugiés vietnamiens comme « [une] expérience positive parce qu'elle leur a ouvert les yeux sur d'autres êtres humains ».

Le Canada compte maintenant plus de 300 000 citoyens d'origine vietnamienne, trois générations qui célèbrent fièrement un patrimoine important au sein d'une grande nation.

N'eussent été la générosité et l'esprit humanitaire du Canada, ni les milliers de réfugiés vietnamiens ni moi n'aurions pu obtenir ce que nous avons aujourd'hui. Nous sommes de fiers Canadiens et, à ce titre, nous vivons maintenant dans un magnifique pays où nous jouissons de la liberté et de la démocratie.

Honorables sénateurs, cet événement a incité les gens à faire preuve d'humanité, et les Canadiens ont accompli quelque chose de spectaculaire. Nous devons veiller à ce que cette période remarquable de l'histoire canadienne soit consignée et préservée et à ce qu'elle ne tombe pas dans l'oubli.

Le 30 avril, nous rendons hommage aux Canadiens de tous les horizons qui ont accueilli à bras ouverts 120 000 réfugiés vietnamiens qui ont subi les affres d'une guerre terrible, ont souffert dans les camps de réfugiés et ont enduré de longs voyages en bateau pour fuir un pays où ils ne se sentaient plus chez eux.

Chaque année depuis 39 ans, les Canadiens d'origine vietnamienne se réunissent le 30 avril pour se rappeler qu'ils ont connu un nouveau départ et pour remercier le Canada. En 2015, la communauté vietnamienne du Canada célébrera le 40e anniversaire de l'arrivée des réfugiés de la mer et de leur établissement au Canada.

Je propose que le projet de loi S-219 institue une journée visant à souligner la tradition humanitaire du Canada, qui a accueilli des réfugiés pendant et après la guerre du Vietnam. Ce serait une bonne façon de souligner ce jalon important de l'histoire.

Je propose aussi que le 30 avril devienne la Journée du Parcours vers la liberté, pour remercier le Canada de nous avoir sauvé la vie et pour souligner le fait que les Vietnamiens ont eu la chance de trouver une nouvelle liberté, car la liberté n'est pas gratuite, et les réfugiés de la mer ont payé pour la leur en entreprenant ce voyage périlleux.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Journée du pape Jean-Paul II

Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, appuyée par l'honorable sénateur Plett, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-266, Loi instituant la Journée du pape Jean-Paul II.

L'honorable Pana Merchant : Honorables sénateurs, je suis heureuse d'intervenir à propos du projet de loi C-266, Loi instituant la Journée du pape Jean-Paul II, à l'étape de la troisième lecture.

Pour moi, l'idée de consacrer une journée à Jean-Paul II appelle à diverses considérations intellectuelles. Il faut s'interroger sur ce qu'il a fait et non sur ce qu'il n'a pas fait. Quels changements a-t-il suscités dans le monde — pas au sein de l'Église catholique romaine, mais bien dans le monde? Ces changements sont-ils assez chers au cœur des Canadiens pour qu'ils consacrent une journée à commémorer le bien qui est ressorti des actions de cet homme?

Jean Paul-II a été appelé par une vocation spirituelle, c'est vrai. Cependant, si j'appuie le projet de loi, c'est en raison des répercussions cruciales et monumentales que sa vie et son œuvre ont eues sur le monde séculier.

Ne voir en lui que le pape, c'est se cantonner à son rôle religieux. Voyons plutôt en lui un iconoclaste qui a tenté de changer le monde pour le mieux, un homme dont les assises morales inébranlables et le poste lui ont permis de faire des changements. Ce sont les changements qu'il a provoqués dans le monde séculier et non religieux qui le rendent digne d'être reconnu par le Canada.

Pour reprendre les mots de Mikhaïl Gorbatchev :

Il a défendu les grandes valeurs humaines et chrétiennes, appelant au respect de la liberté et des droits de la personne ainsi qu'à un avenir juste et paisible. Il travaillait inlassablement à favoriser la coexistence des peuples et des pays dans un climat d'harmonie et de coopération.

Jean-Paul II a dû faire preuve d'un leadership remarquable tout au long de son règne. Quatre facteurs ont façonné ces décennies. Premièrement, notre sécurité personnelle était en péril, car on redoutait vivement le déclenchement d'une guerre nucléaire. En second lieu, le communisme, en particulier le communisme européen, asservissait une bonne partie du monde. Troisièmement, la mondialisation et la montée du phénomène mondial des conglomérats supranationaux avaient des conséquences sur l'économie et sur la pauvreté. Quatrièmement, le fondamentalisme religieux et les différences entre les religions — la lutte entre catholiques et protestants en Irlande, le racisme et les vestiges du colonialisme en Asie ainsi que la montée et l'agression de l'islam — se répercutaient sur la foi, les valeurs, les forces du bien et les forces du mal.

Le rôle de Jean-Paul II dans la chute du communisme a été salué dans cette enceinte.

[Français]

Son expérience en tant que jeune ecclésiastique en Pologne, où le communisme étouffe l'église au point où elle est appelée l'« église du silence », et son appui courageux et ouvert au syndicat Solidarité sont reconnus mondialement comme ayant contribué à la chute du bloc soviétique.

Il s'est également employé à équilibrer la justice économique dans le monde, dans l'Europe morcelée après la chute du communisme et dans les pays touchés par les maux de la mondialisation de l'économie.

[Traduction]

La notion fondamentale de « justice sociale », laquelle a été reprise dans le monde laïque, est attribuable à Jean-Paul II : il a incité les croyants à voir plus loin que leurs autels, leurs gurdwaras et leurs temples et à plaider pour la justice sociale.

La justice sociale est synonyme d'équité : il faut mettre un terme à l'exploitation économique qui pousse les gens à acheter le moins cher possible et à vendre le plus cher possible, et ce, peu importe les conséquences de ce comportement sur les autres.

[Français]

Personne n'a jamais égalé sa promotion du dialogue au sein de l'humanité, ses relations faciles et efficaces avec les jeunes, son style direct et explicite, son influence sur l'établissement de la paix, son opposition persistante au communisme, sa certitude que les personnes justes, équitables et religieuses reconnaîtraient la réalité économique du commerce équitable et de la justice sociale et sa ténacité à livrer un message d'espoir à l'humanité, dont le fondement est la liberté, la solidarité et la dignité de la personne.

[Traduction]

Le 18 octobre 1978, à la place Saint-Pierre, le conclave des éminents cardinaux a nommé le nouvel évêque de Rome, un cardinal d'un pays lointain, de la ville de Cracovie. Il s'agissait d'un homme des plus simples qui provenait d'un pays pauvre écrasé sous le joug communiste imposé par la Russie.

[Français]

Le premier pape non italien élu depuis 455 ans était perçu par le conclave comme éminemment supérieur aux cardinaux italiens pressentis.

[Traduction]

La réaction du président Jimmy Carter est éclairante :

Votre Sainteté a partagé la vie des travailleurs et vous comprenez les victoires et les défaites du quotidien. Théologien, pasteur et travailleur, vous êtes bien placé pour comprendre les épreuves les plus difficiles que les hommes doivent surmonter. Vous savez ce que c'est que de lutter pour défendre sa foi, sa liberté, sa vie, et votre connaissance intime de ces dilemmes modernes enrichira votre Église, tout comme la tradition catholique laissera une empreinte indélébile sur vous.

(1510)

John Findura, un conseiller municipal de Regina qui est né en Pologne, se remémore ainsi l'événement :

Je n'oublierai jamais l'instant où la fumée blanche est sortie de la cheminée du Vatican, ni la voix italienne qui a prononcé le nom du cardinal Wojtyla. À partir de ce moment, tout a changé pour la Pologne, les dirigeants communistes et les gens du monde entier.

Je crois que la croisade bienfaitrice menée par le pape a eu un effet rassembleur sur le monde entier. Il s'est servi de son influence pour apporter un changement politique. Si le pape n'avait pas été polonais, je suis persuadé que le mouvement de solidarité et de révolte qui a mené à la chute du communisme en Pologne n'aurait pas eu le même résultat.

La révolte en Hongrie a été écrasée, et le Printemps de Prague a connu le même sort.

Le leadership du pape Jean-Paul II a également eu un deuxième effet fondamental sur la perception que nous avons de nous-mêmes et de nos institutions, y compris les institutions religieuses du monde entier, et non seulement l'Église catholique romaine.

Le mouvement œcuménique, la collaboration entre les mouvements religieux, l'acceptation des différentes confessions, ainsi que leurs effets bénéfiques pour l'humanité, font partie d'un phénomène récent qui nous semble aujourd'hui tellement normal que nous en oublions l'origine.

Près de chez moi, à Regina, une simple rue séparait l'école catholique de l'école protestante. Il y a 20 ans, le directeur de l'école catholique m'a dit qu'il y avait enseigné lorsqu'il était plus jeune, et que, depuis qu'il y était revenu comme directeur, il avait remarqué un changement : les élèves des deux écoles pouvaient occuper toute la cour de l'école.

Il m'a dit que, lorsqu'il est arrivé pour la première fois à l'école, il y avait un corridor de 30 verges à partir des limites de la cour d'école où les élèves ne pouvaient pas aller parce que des enfants jetaient des pierres d'une cour d'école à l'autre. Il a ajouté à la blague que les catholiques jouaient avec les catholiques, que les catholiques détestaient les protestants, que les catholiques et les protestants détestaient les juifs, et que les catholiques, les protestants et les juifs ne connaissaient aucun musulman, mais qu'ils les détestaient quand même par principe.

Le mouvement œcuménique inspiré par Jean-Paul II a bénéficié d'un accueil si vaste que ce mot s'est ajouté à notre vocabulaire lorsque nous avons vu Jean-Paul II se rendre dans une mosquée ou une synagogue, et de façon plus générale, chercher à établir des liens avec les autres religions, favoriser un rassemblement des groupes confessionnels de la planète et amener les gens à reconnaître la valeur d'une foi autre que la leur.

Un volet essentiel de son leadership touchait l'univers laïque. Il avait un charisme indéniable et une faisait preuve d'une énergie intarissable.

En 1994, le magazine Time l'a nommé Homme de l'année en raison de sa solide position morale et de la grande visibilité qu'il maintenait malgré les effets de l'âge et la tentative d'assassinat qui lui avait presque coûté la vie en 1981. Voici un extrait du magazine Time publié le 26 décembre 1994 :

Le pape Jean-Paul II bénéficie, entre autres choses, de la vitrine la plus puissante du monde entier. Au cours des 2 000 dernières années, peu de ses prédécesseurs ont profité de cette vitrine aussi souvent et avec autant de conviction. Quand il parle, il ne s'adresse pas seulement à près d'un milliard de fidèles chrétiens, mais à la terre entière. Il s'attend à ce que la planète entière l'écoute et oui, ses fidèles et la planète l'écoutent [...]

Cette année, il a entrepris de diffuser encore plus largement son message. Son livre Entrez dans l'espérance, qui rassemble des méditations sur des sujets allant de l'existence de Dieu aux mauvais traitements infligés aux femmes, est devenu un succès de librairie instantané dans 12 pays.

Voilà l'exemple d'un prosélytisme sans précédent de la part d'un souverain pontife, à la fois mystérieux et personnel, chaleureux mais ferme au sujet de son message moral.

Il prend position contre de nombreux phénomènes que le monde laïque considère inévitables, notamment les immenses inégalités entre les riches et les plus démunis de la planète, et les souffrances des gens condamnés à vivre dans la misère, la pauvreté et l'oppression.

« Il a réellement la volonté et la détermination d'aider l'humanité au moyen de la spiritualité », a observé le dalaï-lama. « C'est merveilleux. C'est bien. Je sais à quel point c'est difficile pour les dirigeants. »

[Français]

Cette expression capitale, la justice sociale, dont je viens de parler, cette perception fondamentale de l'équité entre les êtres humains est une notion attribuable à Jean-Paul II. Comme le magazine Time l'a affirmé, les valeurs visant à réduire l'écart épouvantable entre les riches et les pauvres et à soulager les souffrances de ceux qui sont condamnés à des vies de misère, de pauvreté et d'oppression, tout comme la notion de justice sociale si familière aujourd'hui dans le monde, nous les devons à Jean-Paul II.

[Traduction]

L'idée que l'Église catholique invite non seulement sa communauté confessionnelle, mais le monde entier, à boycotter la société Kraft parce qu'elle exploite des travailleurs migrants de l'Amérique du Sud était à l'époque un concept si étranger pour les catholiques que, n'eussent été la ténacité et le sourire dont Jean-Paul II imprégnait son leadership, ce premier pas chèrement gagné, car d'autres exemples ont suivi, n'aurait pas fait naître la notion de justice sociale partout dans le monde.

[Français]

Les idées comme celles qui sont liées à l'importance des relations Nord-Sud, à l'importance de payer un prix équitable, de ne pas exploiter les producteurs de café et d'aider les peuples d'Afrique grâce au commerce et aux prix équitables font partie de ce concept que nous appelons la justice sociale.

[Traduction]

Dans le monde laïque, son leadership a donné naissance à la notion même de justice sociale.

Dans les sphères religieuse et laïque, Jean-Paul II a prôné un engagement envers le mouvement œcuménique, si important dans notre monde temporel où des enfants protestants et catholiques se lancent des pierres, mais où règnent aussi le commerce, le sectarisme et les meurtres, sombre facette de la foi et de la communauté.

À ces deux contributions dans le monde laïque s'est ajoutée une troisième, plus religieuse que les autres, mais dont l'incidence dépasse le cadre confessionnel. Cet apport s'accompagnait encore une fois d'un mot que seuls les savants universitaires connaissaient avant que Jean-Paul II n'introduise le concept dans nos vies. Ce mot est « vernaculaire », la religion dans la langue vernaculaire. Dans l'Église catholique, et une partie de l'Église anglicane, c'était la fin de l'emploi du latin comme langue de communication, ou, plus exactement, comme langue de non-communication. Parler dans la langue vernaculaire signifiait faire partie du peuple, participer à la justice sociale.

[Français]

Après presque 2 000 ans de cérémonies religieuses présidées en latin, une langue morte, faire en sorte que les catholiques utilisent la langue vernaculaire, c'était permettre à tous les peuples de la Terre de communiquer dans leur propre langue. Inciter les prêtres à tendre la main aux paroissiens était important pour l'Europe occidentale, pour le Canada, pour l'Australie et pour les États-Unis, mais c'était particulièrement important pour le Mexique, pour l'Amérique du Sud, pour l'Afrique et pour l'Asie.

[Traduction]

Les prêtres ont influencé le monde laïque. Je ne parle pas d'une influence spirituelle ou religieuse, mais d'une influence sur les concepts d'équité que nous acceptons maintenant partout dans le monde.

D'autres religions ont subi une influence semblable, surtout le judaïsme et l'islam, bien que certains chefs musulmans aient tâché de susciter des changements qui n'étaient pas toujours heureux. Le bouddhisme, l'hindouisme et le sikhisme ont aussi suivi l'exemple de la religion chrétienne — la plus importante du monde — et ont influencé le monde laïque. Ces religions, dont les dirigeants avaient jusque-là une influence strictement spirituelle, ont par conséquent contribué à la société, allant ainsi à l'encontre de la tradition millénaire de certaines religions orientales.

Jean-Paul II a joué un rôle important dans la chute du communisme, mais il a joué un rôle encore plus grand dans le développement du concept de justice sociale, du mouvement œcuménique et de l'enseignement de la religion à la population dans sa langue vernaculaire.

C'est son leadership dans le monde catholique, certes, mais aussi dans le monde entier, qui le place dans une classe à part et qui doit être reconnu au moyen du projet de loi C-266.

M'accorderiez-vous cinq minutes de plus?

L'honorable Leo Housakos (Son Honneur le Président suppléant) : La sénatrice Merchant peut-elle avoir cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Merchant : Les événements organisés en son nom et les honneurs qui ont été accordés à Jean-Paul II prouvent que ses réalisations dépassaient largement la portée de la religion.

(1520)

1979 : Jean-Paul II s'adresse à l'Assemblée générale des Nations Unies à New York.

1984 : Les États-Unis recommencent à entretenir des relations diplomatiques complètes avec le Vatican.

1984 : Le pape reçoit l'Ordre du sourire, un prix international donné par des enfants à des adultes qui se sont distingués pour l'amour, les soins et l'aide qu'ils donnent aux enfants.

1993 : Le pape reçoit l'Ordre de l'aigle blanc, la plus haute distinction de la Pologne.

1994 : Le magazine Time nomme le pape Jean-Paul II Homme de l'année.

1995 : Il s'adresse une seconde fois à l'Assemblée générale des Nations Unies à New York.

1998 : Le Vatican s'excuse officiellement auprès des juifs, des efforts insuffisants déployés par l'Église pour prévenir l'Holocauste.

2000 : Le pape s'excuse des mauvais traitements réservés par l'Église aux juifs, aux non-catholiques, aux chrétiens, aux femmes, aux pauvres et aux minorités au cours des 2 000 dernières années.

2000 : Le pape Jean-Paul II reçoit la Médaille d'or du Congrès, la plus haute distinction accordée aux civils par les États-Unis.

2004 : Le pape demande pardon pour l'Inquisition, « pour les erreurs commises au nom de la vérité au moyen de méthodes qui n'avaient rien à voir avec les enseignements de l'Évangile ».

2004 : Jean-Paul II reçoit la Médaille présidentielle de la liberté des États-Unis.

2004 : Le pape reçoit le prix Charlemagne, une des plus hautes distinctions européennes.

Au Canada, l'héritage de Jean-Paul II demeure une source d'inspiration. À titre d'exemple, un organisme connu sous le nom de Cercle des amis de la Fondation Jean-Paul II, qui a des sections régionales partout au pays, poursuit le travail de rayonnement dans le monde laïque entamé par Jean-Paul II. Cet organisme s'est engagé à poursuivre ses efforts visant à promouvoir le soutien aux plus démunis. Il joue d'ailleurs un rôle actif dans la prestation de soins aux orphelins et offre des bourses universitaires aux étudiants méritants d'Europe de l'Est.

Le Fonds Jean-Paul II pour les enfants abandonnés et les orphelins polonais et le Centre de soins Jean-Paul II de la résidence Copernicus, à Toronto, soulignent l'apport à la société du pape Jean-Paul II.

Le pape Jean-Paul II a suscité d'importants changements au cours du XXIe siècle. Il a changé notre façon de penser à l'égard d'autrui — d'autres pays et d'autres peuples. Ceux qui ne partageaient pas sa foi religieuse l'admiraient. Cet homme, dont ils admiraient la passion pour l'humanité, était pour eux une source d'inspiration.

Le projet de loi C-266 ne vise pas à souligner la ferveur religieuse du pape Jean-Paul II, mais plutôt à souligner son amour pour les gens, son amour pour la justice et le rôle qu'il a joué dans les relations internationales.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

[Français]

Les disparités en matière d'éducation au sein des Premières Nations

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Dyck, attirant l'attention du Sénat sur les disparités en matière du niveau d'éducation des membres de Premières nations, le financement inéquitable des écoles situées dans les réserves et le financement insuffisant de l'éducation postsecondaire.

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir d'intervenir sur l'interpellation de la sénatrice Dyck au sujet de l'écart, en matière de scolarité, entre les Premières Nations et la population en général, et du financement inéquitable des écoles situées dans les réserves. Je tiens à remercier notre honorable collègue de cette initiative.

L'état alarmant de l'éducation des Premières Nations a attiré l'attention du public et des médias en raison du dépôt du projet de loi C-33 et du rejet de certains aspects de cette réforme par l'Assemblée des Premières Nations, le 27 mai dernier. Comme vous le savez, il ne s'agit pas, cependant, d'un sujet nouveau.

[Traduction]

Au cours des années, nombre d'études et de rapports ont révélé que les Premières Nations vivent une situation critique en matière d'éducation, que le taux de décrochage est beaucoup plus élevé que la moyenne canadienne et que le financement inadéquat constitue un problème majeur.

Les statistiques sont renversantes. D'après les résultats de tests normalisés de 2013-2014 qui ont été publiés récemment par le ministère des Affaires autochtones, la majorité des élèves des Premières Nations qui vivent dans des réserves en Ontario et en Alberta obtiennent des résultats insatisfaisants en lecture, en écriture et en mathématiques. Les élèves dans les provinces de l'Atlantique et au Manitoba ont également des difficultés.

Les bâtiments scolaires dans les réserves sont souvent en ruine ou sont contaminés par des moisissures, ou encore ils ne comportent pas de bibliothèque, d'installations de laboratoire ou de gymnase. Il arrive trop souvent que les enseignants soient sous-payés, que les manuels scolaires soient inadéquats et que le chauffage dans les écoles soit insuffisant. Près de 60 p. 100 des élèves autochtones vivant dans des réserves abandonnent leurs études secondaires. Dans le reste du Canada, le taux de décrochage est inférieur à 10 p. 100. Selon un rapport publié en 2011 par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, dans certaines communautés, 70 p. 100 des élèves ne terminent pas leurs études secondaires. Les statistiques relatives aux études universitaires sont tout aussi inquiétantes. Seulement 7 p. 100 des membres des Premières Nations sont titulaires d'un diplôme universitaire. Là encore, ce taux est nettement inférieur à la moyenne nationale, qui est d'environ 23 p. 100.

Il n'y a pas que le taux de décrochage qui est préoccupant. Il y a aussi le taux alarmant de suicide chez les jeunes, qui est cinq fois plus élevé que la moyenne nationale. Il y a aussi le fait que les femmes autochtones sont huit fois plus susceptibles d'être assassinées que les autres Canadiennes, sans oublier le taux d'incarcération disproportionnellement élevé. De plus, les logements surpeuplés et insalubres dans les réserves sont une autre grande source de préoccupation. Les jeunes ont beau fréquenter une bonne école, une maison à deux Chambres où vivent dix autres personnes n'est pas un lieu propice à l'étude.

En octobre 2013, le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des peuples autochtones a visité plusieurs collectivités autochtones canadiennes dans six provinces. À la fin de sa tournée, c'est en ces mots durs qu'il a décrit la situation :

Le Canada se classe constamment parmi les meilleurs pays pour son indice de développement humain, et pourtant, malgré la richesse et la prospérité, les peuples autochtones vivent dans des conditions comparables à celles des pays qui arrivent beaucoup plus bas dans ce classement et où la pauvreté abonde.

[Français]

Depuis longtemps, le sous-financement de la part du gouvernement fédéral constitue l'un des facteurs importants qui nuisent à la qualité de l'éducation des Premières Nations. Le gouvernement fédéral consacre, en effet, beaucoup moins d'argent par enfant que ne le font les provinces. Par exemple, dans les écoles publiques administrées par le gouvernement de l'Alberta, le financement est d'environ 7 000 $ par élève. Dans les écoles situées dans les réserves gérées par le gouvernement fédéral, le financement n'atteint que 4 000 $, pour une différence de 3 000 $ par élève.

De plus, les écoles publiques dans les provinces sont appuyées par une structure administrative qui assure le fonctionnement des écoles, en élaborant les programmes scolaires et en leur fournissant une multitude de services administratifs essentiels.

(1530)

Les quelque 500 écoles situées dans les réserves fonctionnent sans le même soutien structurel offert par les conseils scolaires et les ministères provinciaux. Pour régler ces graves lacunes qui perdurent depuis trop longtemps, il est nécessaire que le gouvernement procède à une réforme de fond, en collaboration avec les Premières Nations, et à des investissements importants en vue d'améliorer les infrastructures et combler l'écart de financement. L'alternative à ces investissements, c'est le statu quo, et celui-ci engendrera des coûts économiques et sociaux encore plus importants.

Selon un rapport de 2009 du Centre d'étude des niveaux de vie, intitulé The Effect of Increasing Aboriginal Educational Attainment on the Labour Force, Output and the Fiscal Balance, si on comblait l'écart scolaire et professionnel des personnes autochtones, on serait en mesure de générer un gain économique de 400,5 milliards de dollars, en plus de réduire les dépenses gouvernementales et d'augmenter les recettes fiscales d'environ 115 milliards de dollars pour la période de 2001 à 2026. Une autre étude réalisée par le même centre d'étude en 2010 indiquait qu'une croissance de la population active autochtone permettrait au gouvernement d'économiser 1,9 milliard de dollars par année à partir de 2026.

Les populations autochtones connaissent une forte progression démographique et représentent un groupe beaucoup plus jeune que la population non autochtone. Plus de 50 p. 100 de la population des Premières Nations aura moins de 25 ans d'ici 2020. Ainsi, ironiquement, le Canada sous-finance actuellement l'éducation du plus jeune segment de sa population.

Une éducation de qualité qui répond aux besoins des peuples autochtones est essentielle pour améliorer les possibilités offertes à ces jeunes. Nous devons construire une société du savoir avec tous les Canadiens, pour tous les Canadiens. À l'âge de l'information, l'ignorance est synonyme d'exclusion, en commençant par nos peuples autochtones. Il s'agit aussi, et surtout, de respecter le droit fondamental des enfants autochtones à une éducation de qualité qui favorise leur épanouissement et valorise leur patrimoine.

Les membres des Premières Nations ont défini depuis longtemps les grands objectifs que devrait se fixer leur système éducatif. Ils veulent que le gouvernement respecte leur droit naturel à concevoir et à administrer la scolarisation de leurs enfants. Ils veulent une éducation qui forme des citoyens autochtones épanouis prêts à assumer les responsabilités de leur communauté, dotés de compétences économiques, linguistiques et culturelles. Le modèle du système scolaire Mi'kmaq, en Nouvelle-Écosse, qui connaît un taux de succès de 90 p. 100 de finissants à l'école secondaire, est souvent utilisé comme un bon exemple. C'est pourquoi Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations, demande que le gouvernement fédéral cède le contrôle de l'éducation des jeunes Autochtones aux Premières Nations d'ici le début de la prochaine année scolaire.

Honorables sénateurs, en tant que Franco-Albertaine et éducatrice, je peux témoigner de l'importance, pour un groupe minoritaire, d'établir un système d'éducation solide et adapté, qui soit spécifiquement au service de sa communauté. Au cours des dernières décennies, l'établissement de conseils scolaires et la construction d'écoles publiques francophones ont changé le visage des communautés francophones en situation minoritaire.

Honorables collègues, on a souvent tendance à concevoir l'éducation comme une formation destinée uniquement à préparer les élèves au marché du travail, et, donc, à valoriser essentiellement son utilité économique. Cependant, éduquer, c'est transmettre un patrimoine culturel et intellectuel. C'est garantir un avenir commun, la survie et la perpétuation de la langue, des valeurs et de la culture d'une communauté.

Il est peu surprenant que le contenu et le contrôle de l'éducation fassent l'objet de luttes politiques importantes, car le destin d'un peuple est nécessairement lié à la façon dont ses enfants sont instruits. Cela est encore plus vrai pour les groupes minoritaires, qui doivent cohabiter avec une société et une culture majoritaire.

Les Premières Nations ont évidemment une histoire très différente de celle des francophones du Canada. Il est impossible de comprendre les problèmes actuels, notamment les disparités en matière d'éducation, sans bien comprendre ce passé et les profondes injustices qui ont été commises.

Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, publié en 1996, documente plusieurs de ces injustices. Ce rapport reconnaît que les gouvernements successifs ont cherché à maintes reprises à transformer les peuples autochtones et leurs structures sociales pour les modeler à leur guise, notamment en prenant le contrôle de l'éducation.

Il est important de comprendre que les membres des Premières Nations ont été déracinés et privés de leurs territoires traditionnels. Ils ont aussi été déracinés socialement et culturellement, ce qui a notamment réduit leur capacité à transmettre leurs valeurs et traditions aux générations suivantes. Cette politique de déracinement a probablement atteint son paroxysme avec la mise sur pied des écoles résidentielles. Les résultats de ces politiques de déracinement ont été désastreux et se font encore ressentir aujourd'hui.

Selon le Rapporteur spécial des Nations Unies, le problème de fond est lié au fait que les Premières Nations éprouvent un profond manque de confiance envers les gouvernements et leurs institutions. Il est important que le gouvernement se rappelle les graves injustices du passé. Elles constituent, à bien des égards, l'arrière-plan sur lequel les Premières Nations abordent leurs relations avec la Couronne.

Depuis quelques années, des consensus se sont dégagés sur ce que devrait être la réforme de l'éducation des Premières Nations. Malheureusement, cette réforme se heurte aux mauvaises relations entre le gouvernement et les Premières Nations. Cela a été assez évident dans le cadre des pourparlers des derniers mois. Comme vous le savez, les chefs des Premières Nations ont officiellement rejeté le projet de loi C-33 et réclament un nouvel accord pour réformer l'éducation des enfants de leurs communautés. Le ministre a refusé, jusqu'à présent, de revoir le projet de loi et a menacé de n'accorder aucune aide supplémentaire tant que le projet de réforme ne sera pas accepté. Le ministre oublie simplement qu'une réforme n'est bonne que si elle est juste.

En effet, du point de vue des Premières Nations, le gouvernement se sert de la question de l'argent pour renforcer son pouvoir de négociation et imposer sa réforme. Le ministre Valcourt a tenté d'imposer la volonté du gouvernement et a refusé de négocier avec les Premières Nations. Pour le gouvernement Harper, soit l'Assemblée des Premières Nations accepte les changements proposés dans le projet de loi C-33, soit elle accepte le statu quo. Entre-temps, une nouvelle cohorte d'élèves autochtones a entamé sa première année scolaire, en septembre, dans des classes qui manquent de ressources essentielles pour favoriser leur apprentissage. Encore une fois, les élèves souffrent et le gouvernement choisit de ne pas intervenir.

À cet égard, le gouvernement a grandement besoin de démontrer sa bonne foi pour améliorer ses relations avec les Premières Nations. Au mois de mai dernier, l'Assemblée des Premières Nations a réclamé que l'enveloppe de 1,9 milliard de dollars de financement prévue dans le projet de loi C-33 soit accordée immédiatement aux communautés, mais le gouvernement a refusé. Combler dès maintenant le déficit de financement dans l'éducation des élèves autochtones constituerait un premier pas dans cette direction. De même, éliminer le plafond annuel de 2 p. 100 du programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire serait également une mesure susceptible de restaurer la confiance.

[Traduction]

Depuis la fin des années 1990, l'augmentation annuelle des dépenses d'éducation des Autochtones pour accéder à l'éducation postsecondaire est plafonnée à 2 p. 100.

Dans un article publié dans le National Post le 12 novembre 2014, le journaliste Steve Rennie cite un document interne de 2013 du ministère des Affaires autochtones recommandant vivement au gouvernement de hausser le plafond appliqué à l'éducation des Autochtones.

Voici ce qu'on peut lire dans le document du ministère :

Pour que les programmes d'enseignement [de la maternelle à la 12e année] puissent rester comparables aux programmes provinciaux, SANS qu'on aille puiser dans les fonds réservés à d'autres programmes [...], de nouveaux investissements seront nécessaires, dont un facteur de progression de 4,5 p. 100 pour les fonds destinés aux programmes d'enseignement de la maternelle à la 12e année, à partir de 2014-2015.

(1540)

Au fil des ans, les Premières Nations, les Inuits ainsi que de nombreuses autres associations ont demandé à plusieurs reprises que la limite de 2 p. 100 soit éliminée. Il y a deux semaines, j'ai eu le plaisir de rencontrer des représentants de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, qui ont recommandé une fois de plus que le gouvernement élimine cette limite.

[Français]

Honorables sénateurs, depuis des années, plusieurs intervenants et études recommandent de couvrir le sous-financement à titre de mesure immédiate et distincte. J'ai été heureuse d'apprendre dernièrement que le gouvernement confirmait la somme de 500 millions de dollars accordées en faveur des écoles situées dans les réserves, somme qui, d'ailleurs, avait déjà été annoncée dans le dernier budget fédéral.

Puis-je avoir cinq minutes de plus, s'il vous plaît?

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'accorder cinq minutes de plus à la sénatrice Tardif?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Tardif : Merci.

Cependant, la somme de 1,9 milliard de dollars de financement qui était prévue n'a toujours pas été accordée.

Il est temps, honorables sénateurs, que le gouvernement fédéral s'engage à travailler en partenariat avec les Premières Nations. Comme l'a dit Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations, dans un article du Hill Times, le 17 novembre dernier, et je cite :

[Le gouvernement doit] adopter les principes qui sous-tendent le partenariat, l'équité, le respect et la reconnaissance.

Le gouvernement peut investir dès maintenant dans l'avenir des jeunes Autochtones, montrer qu'il a leur éducation à cœur et donner le ton pour l'avenir. C'est la moindre des responsabilités du gouvernement fédéral que de garantir l'égalité du financement. Nous le devons depuis fort longtemps aux peuples des Premières Nations. Nous le devons à nous-mêmes en tant que nation démocratique. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Dyck, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La santé et la pauvreté

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur le lien bien documenté entre l'état de santé et la pauvreté, et sur le besoin pressant d'alléger le fardeau que représente la pauvreté pour notre système de santé et pour des millions de Canadiens.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je suis heureux de parler aujourd'hui de l'interpellation de l'ancienne sénatrice Callbeck, qui porte sur le lien entre l'état de santé et la pauvreté.

Pour des millions de nos concitoyens, la vie quotidienne est un combat — un combat pour surmonter des difficultés liées à des revenus insuffisants, des logements inabordables, des vêtements inadéquats et une nutrition insatisfaisante. Ces familles qui se débattent pour tenir simplement le coup ne peuvent même pas se permettre de rêver d'améliorer leur sort. Au moins 10 p. 100 des Canadiens vivent dans la pauvreté, dont à peu près un million d'enfants. Au sein des peuples autochtones, ces pourcentages sont encore plus élevés — 50 p. 100 des enfants autochtones vivent dans la pauvreté, un chiffre phénoménal. Ces statistiques sont dégoûtantes.

Ce qui est peut-être encore plus alarmant, c'est que la Chambre des communes s'est engagée il y a 25 ans, soit en 1989, à éliminer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. Quatorze ans après cette échéance et 25 ans après avoir pris cet engagement, 19 p. 100 ou plus d'un million de nos enfants vivent toujours dans la pauvreté, selon l'organisme Campagne 2000. En 2014, près de 900 000 Canadiens ont eu recours à des banques alimentaires tous les mois, ce qui est presque un chiffre record, et plus du tiers des personnes qui dépendent des banques alimentaires sont des enfants.

Honorables sénateurs, il y a une autre tendance alarmante : l'inégalité croissante des revenus. Le Conference Board du Canada, qu'on ne peut pas accuser d'être de gauche, a donné un C au Canada pour ce qui est de l'inégalité des revenus, et il l'a classé au 12e rang parmi 17 pays. Selon Statistique Canada, de 1980 à 2005, le revenu des Canadiens les mieux nantis a augmenté de plus de 16 p. 100, alors que celui des Canadiens les plus pauvres a chuté de 20 p. 100 et que celui des Canadiens de la classe moyenne est demeuré essentiellement le même. La tranche de 1 p. 100 des Canadiens qui gagnent les revenus les plus élevés ont vu leur part du revenu national passer d'approximativement 8 p. 100 à près de 14 p. 100 au cours des trois dernières décennies.

Certains diront que la situation n'est pas si mauvaise que cela. Ils feront souvent allusion à l'étude de Statistique Canada qui affirme que l'avoir net médian des familles canadiennes s'élevait à 243 800 $ en 2012, ce qui représente une augmentation de 44,5 p. 100 par rapport à 2005. Cependant, des recherches récentes montrent que les gains ne sont pas répartis également. On observe des inégalités croissantes même dans la valeur nette. La valeur nette des Canadiens les mieux nantis a augmenté considérablement, tandis que celle des plus démunis continue de diminuer.

À l'heure actuelle, les 10 p. 100 de Canadiens qui ont le plus haut revenu contribuent à presque 50 p. 100 de toute la richesse au Canada et, si on ajoute les 10 p. 100 suivants, on constate que les 20 p. 100 des Canadiens les mieux nantis détiennent environ 70 p. 100 de la totalité de la richesse au Canada. Par comparaison, la tranche de 50 p. 100 des contribuables dont les revenus sont les plus faibles en détient moins de 6 p. 100. Il ne s'agit pas d'une société égale. Ce ne sont pas des nouvelles prometteuses.

Pourquoi devrions-nous nous préoccuper de la pauvreté et de l'inégalité croissante des revenus? Pourquoi est-ce important? C'est parce que la pauvreté et l'inégalité ont des conséquences graves sur notre tissu social, la santé de notre population et, comme les économistes vous le diront, sur la vigueur de notre économie. Plus une société est inégale, plus cela a des effets négatifs sur l'espérance de vie, le niveau d'alphabétisation, le taux de criminalité, le taux d'obésité, le nombre d'actes de violence, le taux d'incarcération et le nombre de toxicomanes.

Il est facile de s'en apercevoir dans nos villes. Par exemple, à Toronto. Le professeur David Hulchanski, de l'Université de Toronto, constate dans un rapport que la première ville du Canada, Toronto, se compose en fait de trois villes. La première est très riche, mais la troisième, très peuplée, vit dans la pauvreté. La deuxième, composée de la classe moyenne, ne représente plus que 29 p. 100 de la population totale, alors qu'elle en constituait 66 p. 100 en 1970. Entre-temps, les quartiers à faible revenu, qui représentaient 19 p. 100 de la ville, en composent aujourd'hui plus de la moitié.

Pour ce qui est de la relation entre la santé et la pauvreté, l'Association médicale canadienne affirme que la pauvreté rend les gens malades. C'est ce qu'elle dit. Selon un rapport publié en 2013, 50 p. 100 des problèmes de santé peuvent être attribués aux déterminants sociaux de la santé, comme la pauvreté, le logement et l'itinérance. Une proportion de 20 p. 100 des 200 milliards de dollars consacrés chaque année aux soins de santé peut être attribuée aux inégalités socioéconomiques. Les contribuables en sont quittes pour payer la grosse facture.

Voici autre chose : une étude réalisée par le Hamilton Spectator fait le lien entre la pauvreté, les inégalités et la mortalité au Canada. La différence d'espérance de vie serait de 21 ans entre deux quartiers de Hamilton séparés d'une distance de cinq kilomètres. L'un est riche et l'autre est pauvre. Comment se peut-il que les habitants de deux quartiers à seulement cinq kilomètres l'un de l'autre puissent avoir une espérance de vie aussi différente? Si l'un de ces quartiers était un pays, il se classerait 165e au monde pour ce qui est de l'espérance de vie, aux côtés de nombreux pays pauvres.

À Saskatoon, honorables sénateurs, une étude réalisée en 2006 constate que le taux de mortalité infantile est 448 p. 100 plus élevé dans les quartiers à faible revenu que dans le reste de la ville. Pensez-y : 448 p. 100 ici même, au Canada.

L'une des raisons qui expliquent cela, c'est que, lorsqu'ils tombent malades, les pauvres n'ont souvent pas les moyens de se payer des médicaments. Selon un rapport de Statistique Canada de 2012, un Canadien sur dix ne fait pas remplir ses ordonnances à cause du coût des médicaments, ou ne suit pas à la lettre les prescriptions afin d'économiser de l'argent, c'est-à-dire de l'argent que ces gens n'ont pas.

Honorables sénateurs, pour beaucoup de Canadiens, la dure réalité, c'est que l'endroit même où ils vivent les rend malade. Le domicile peut être le point d'ancrage de la famille et l'assise dont dépendent plusieurs bienfaits importants, comme une bonne santé, la réussite scolaire, une meilleure stabilité professionnelle. Cependant, les domiciles ne sont pas tous pareils. Le nombre de logements sûrs, abordables et de qualité est largement insuffisant au Canada.

(1550)

Plusieurs familles se résignent à vivre dans des conditions inacceptables parce qu'elles n'ont tout simplement aucun autre choix. Pour les mères seules, il est encore plus difficile de trouver un logement abordable. Leurs enfants souffrent d'asthme et d'autres problèmes respiratoires causés par la moisissure. Ils vivent dans la peur dans leur quartier, ce qui fait en sorte qu'ils subissent beaucoup de stress inutile et développent des problèmes de santé mentale. Certains enfants n'ont pas accès à un approvisionnement en eau potable.

L'ancienne présidente de l'Association médicale canadienne, la Dre Anna Reid, a dit ceci à propos de la situation :

Si un patient consulte un médecin parce qu'il est asthmatique, on peut lui prescrire des médicaments. Mais si ce patient retourne dans un logement où il y a de la moisissure dans les murs et où l'air est malsain, tous les médicaments du monde n'amélioreront pas son état.

Dans les collectivités démunies, on s'inquiète beaucoup au sujet de la nutrition, et surtout de l'accessibilité et du coût des aliments sains. Les enfants qui vivent dans des ménages en situation d'insécurité alimentaire sont plus susceptibles de souffrir de divers problèmes de santé. D'après un rapport rédigé par l'organisme Canada sans pauvreté, on lit que 80 p. 100 de ces enfants étaient plus susceptibles de souffrir de diabète, 60 p. 100, d'hypertension artérielle, et 70 p. 100, d'allergies alimentaires.

Selon le Conference Board du Canada, il y aurait jusqu'à un million d'enfants qui vont à l'école le ventre vide au Canada. Un million d'enfants vont à l'école sans manger ici au pays. Je répète : un million d'enfants vont à l'école le ventre vide au Canada. Cela peut mener non seulement à des problèmes de santé mais aussi à une baisse de la motivation, à un taux d'absentéisme plus élevé, à de piètres résultats scolaires et à la violence dans les écoles.

L'état de la santé est encore pire pour les plus défavorisés de la société — les sans-abri. Selon l'Institut Wellesley, une femme qui vit dans un refuge n'a qu'environ 60 p. 100 de chances de vivre jusqu'à l'âge de 75 ans. C'est la même probabilité qu'en 1956, mais c'était alors pour l'ensemble des femmes de la société. Pour un homme sans abri, les chances sont de 32 p. 100; c'est comme vivre en 1921. Ces données concernent les sans-abri.

Ce sont là les réalités associées à la pauvreté et à l'inégalité des revenus de nos jours au Canada. Soyons clairs : la pauvreté et les inégalités ne sont pas des problèmes obscurs qui ne concernent que les économistes et les mordus de la politique. Ces problèmes nuisent à notre économie et changent la nature de nos villes et la cohésion de notre société. Ils faussent le coût d'achat d'une maison et font qu'un nombre grandissant de nos concitoyens ne sont pas en bonne santé.

Ils coûtent aussi très cher à chacun de nous. Selon une étude dirigée par les économistes et experts en politique Don Drummond, Judith Maxwell, John Stapleton et James Milway, la pauvreté coûterait au pays environ 7,5 milliards de dollars par année uniquement en soins de santé, et entre 8 et 13 milliards de dollars en perte de productivité. On estime que, au total, la pauvreté coûte 30 milliards de dollars par année. C'est un chiffre ahurissant.

Honorables sénateurs, que devons-nous faire maintenant? Il y a trois éléments sur lesquels nous devons mettre l'accent, selon moi. Le premier est l'éducation, qui est un moteur et un niveleur important dans toute société. Dans le rapport du Comité des affaires sociales intitulé Les trois fronts de la lutte contre l'exclusion, qui a été adopté à l'unanimité par le Sénat, nous avons constaté qu'il existe un lien évident entre le niveau de scolarité et le niveau de revenu. Nous avons aussi vu le cas classique d'une situation sans issue : la pauvreté empêche bien des gens d'atteindre le niveau de scolarité et de formation dont ils auraient besoin, et leur manque de compétences les empêche de trouver un emploi qui les sortirait de la pauvreté. Il est essentiel de briser ce cycle; cela doit commencer dès le plus jeune âge.

Les études sont unanimes : les enfants prêts à apprendre lorsqu'ils arrivent à l'école deviennent des adultes prêts à réussir. L'une de nos recommandations, dans ce rapport, portait sur l'élaboration à l'échelle nationale d'une initiative fédérale-provinciale sur l'apprentissage des jeunes enfants. Ce serait de l'argent dépensé à bon escient. Selon l'ancien administrateur en chef de la santé publique du Canada, pour chaque dollar investi dans les premières années de vie, nous économisons entre 3 $ et 9 $ en dépenses futures dans les systèmes de santé et de justice pénale, ainsi que dans le régime d'aide sociale.

Deuxièmement, nous devons revoir le régime fiscal. Notre régime d'impôt sur le revenu a perdu en progressivité au fil du temps. Le taux d'imposition fédéral le plus élevé est de 29 p. 100 et s'applique aux revenus à partir de 129 000 $. Si vous gagnez plus, votre taux d'imposition ne change pas. À titre comparatif, aux États-Unis, il existe six taux d'imposition fédéraux. Le plus élevé est de 35 p. 100 et s'applique à partir d'un revenu d'un peu moins de 380 000 $. Le système fiscal des États-Unis est plus progressif que le nôtre. C'est ce qu'il ressort des chiffres. Le président Obama, avec l'appui de Warren Buffet et d'autres, exige maintenant une hausse des impôts pour les très riches. Rendons notre régime fiscal plus juste et plus progressif.

Troisièmement, il ressort du rapport que plusieurs programmes — de l'aide sociale à l'assurance-emploi — ne fonctionnent pas. Dans bien des cas, nous avons constaté que même lorsqu'ils fonctionnent, ils produisent deux résultats également dévastateurs. Premièrement, ils ne sortent pas les gens de la pauvreté, car leur revenu est insuffisant. Deuxièmement, dans certains cas, les politiques font en sorte qu'il est plus difficile pour les gens de se libérer du piège de la pauvreté.

Je pense que le temps est venu d'explorer un revenu de base au Canada. Un revenu de base au moyen d'un impôt négatif sur le revenu — prôné à plusieurs reprises par notre ancien collègue, le sénateur Hugh Segal — pourrait garantir que tous les Canadiens disposent d'un revenu leur permettant de subvenir aux besoins fondamentaux de la vie — comme l'alimentation, les vêtements et un lieu de vie décent. En soi, ce revenu ne leur permettrait pas de vivre la belle vie, mais il garantirait que personne, y compris nos enfants, ne tombe dans la pauvreté.

Honorables sénateurs, en terminant, permettez-moi de dire que nous devons décider ensemble dans quel genre de pays nous voulons vivre. Nous devons déclarer que l'économie est importante non pas en tant que fin en soi, mais en tant que moyen d'améliorer le sort de toutes les personnes, pas seulement des quelques privilégiés. Si nous mettons l'accent là où il le faut, alors nous pouvons faire mieux, nous porter mieux et vivre une vie plus saine.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Son rôle d'enquêteur—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle d'enquêteur.

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, j'aimerais participer au débat sur cette interpellation. Malheureusement, je n'ai pu compléter ma recherche, et je vous demande donc d'ajourner le débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, le débat est ajourné.)

Son rôle en matière de diplomatie parlementaire—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle en matière de diplomatie parlementaire.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Nolin d'avoir lancé cette belle série d'interpellations, et particulièrement celle qui porte sur la diplomatie parlementaire qui, me semble-t-il, est l'un des sujets les moins bien compris et les moins bien connus par les Canadiens.

[Traduction]

On sait que les députés ont tendance naturellement à penser que les sénateurs ne font pas grand-chose de bien — du moins certains d'entre eux. Je serais portée à dire que, de la même manière, les diplomates professionnels ont tendance à penser qu'il ne vaut pas la peine de prêter tellement attention à la diplomatie parlementaire. En effet, elle nuit parfois à l'exercice paisible de leur profession.

(1600)

Je pense que tous ceux d'entre nous qui siègent ici depuis un certain temps savent que la diplomatie parlementaire peut combler des lacunes devant lesquelles la diplomatie ordinaire est impuissante. Notre ancien Président, le sénateur Kinsella, aimait bien citer en exemple une situation dont j'avais eu le privilège d'être témoin. Il s'agit d'un exemple classique de la manière dont la diplomatie parlementaire peut faire avancer les choses. Notre ancien Président dirigeait une délégation de sénateurs qui s'était rendue en Colombie. La sénatrice Nancy Ruth s'en souviendra sûrement.

Entre autres choses, les délégations dirigées par le sénateur Kinsella étaient de véritables marathons de travail, mais je pense que le point culminant du voyage fut notre rencontre avec le président de la Colombie, M. Santos, un homme très impressionnant. L'ambassade nous avait dit que, même si l'Accord de libre-échange Canada-Colombie progressait bien, le secteur du bœuf constituait une pierre d'achoppement. Je ne me souviens pas des détails précis de ce qui posait problème, mais les Colombiens restaient fermement sur leur position. Malgré d'innombrables réunions avec les autorités colombiennes, les diplomates canadiens n'arrivaient pas à les faire bouger.

Nous nous trouvions donc en compagnie du président de la Colombie, qui, entre autres choses, avait posé la question suivante : « Alors, est-ce que l'accord de libre-échange progresse bien? » Le sénateur Kinsella lui avait répondu que le seul point épineux avait trait au bœuf. Le président s'était alors exclamé : « Quoi? » Un haut fonctionnaire colombien très nerveux était alors intervenu : « Oh, mais monsieur le président, nous avons déjà eu 20 réunions. Nous travaillons sur le dossier. » Après l'avoir regardé, le président avait rétorqué : « Réunissez-vous pour la 21e fois et réglez cela une fois pour toutes. »

Ce problème n'avait pas été réglé par les voies diplomatiques normales et il n'aurait pas pu l'être si le Président du Sénat n'avait pas été en mesure de faire état de la situation au président de la Colombie en personne.

Je pense que la plupart d'entre nous ont participé à divers types d'associations parlementaires et avons eu la chance — bien sûr — de nous rendre dans plusieurs régions du monde dans le cadre de notre travail au sein de ces associations. Bien des gens, bien des Canadiens, ont tendance à penser que ces voyages sont, en termes péjoratifs, des voyages aux frais de la princesse. D'après mon expérience, ce sont des voyages où l'on travaille très fort, où l'on apprend beaucoup choses et où l'on est parfois en mesure de faire quelque chose pour son pays. L'aspect apprentissage est important car, en tant que parlementaires, plus nous comprenons le monde qui nous entoure et dans lequel nous travaillons, mieux nous pourrons faire notre travail.

Pour ma part, par exemple, j'ai vu la sénatrice Milne se battre pour la cause de la chasse au phoque au sein de l'Association parlementaire Canada-Europe. Elle a fait cela pendant des années et a contribué à améliorer la situation.

Plus récemment, je me souviens d'avoir vu le député David Tilson, qui préside maintenant l'Association parlementaire Canada-Europe, lutter férocement contre la classification discriminatoire du pétrole canadien par l'Europe. Dans ce contexte, il a peut-être, lui aussi, changé les choses.

Nous sommes plusieurs à avoir constaté à quel point l'Association parlementaire du Commonwealth renforce les liens entre les pays formant l'organisation. C'est une bonne chose pour les pays les plus pauvres, c'est-à-dire les pays du tiers monde qui font partie du Commonwealth. J'ai constaté, comme plusieurs d'entre nous, que les parlementaires de ces pays acquièrent des connaissances lors des séminaires et des différentes réunions de l'APC.

C'est également bon pour nous, car nous apprenons beaucoup de choses. Grâce à l'APC, j'ai acquis de nombreuses connaissances sur le système de gouvernance de Westminster, qui est à la base de notre régime, mais aussi sur les problèmes auxquels d'autres pays sont confrontés, dont nous devrions être informés et que nous pouvons peut-être aider à résoudre.

[Français]

J'ai été brièvement membre de l'Association Canada-France. Tout ce qu'on peut dire, pour témoigner de l'importance de cette association, c'est que c'est le président de la France qui a invité la présidente de l'Association Canada-France, la sénatrice Tardif, à participer aux commémorations du débarquement en Normandie plus tôt cette année.

[Traduction]

Il n'est pas arrivé souvent que le président d'un autre pays honore le Sénat de pareille invitation.

L'association parlementaire que j'ai appris à connaître le mieux au fil des ans est l'Union interparlementaire. C'est vraiment au sein de cette dernière que j'ai appris l'importance de tisser des liens entre parlementaires. Comme nombre d'entre vous le savent, il s'agit de la seule association parlementaire reconnue par les Nations Unies, la seule qui puisse faire participer les parlementaires aux délibérations des Nations Unies, ce qu'elle fait régulièrement.

En partie à cause du retrait des États-Unis il y a un certain temps — bien que l'on espère qu'ils reviennent sur leur décision —, mais aussi en fonction de ses propres mérites, le Canada joue depuis un certain nombre d'années un rôle de premier plan au sein de l'Union interparlementaire.

Je ne veux pas minimiser l'importance des hommes dans la représentation du Canada à l'Union interparlementaire. Le sénateur Oliver a été membre du comité exécutif international, le sénateur Dawson y a travaillé comme un forcené et ses efforts ont été très fructueux. Mon expérience personnelle se rapporte bien davantage au rôle des femmes au sein de cet organisme, qui a été un pionnier pour les femmes parlementaires du monde entier.

Les Canadiennes, en particulier les sénatrices canadiennes, ont joué un rôle de premier plan dans cet organisme, à commencer par la sénatrice Joan Neiman il y a bien des années. La sénatrice Sheila Finestone a été à la tête de l'aile féminine de l'Union interparlementaire. Quiconque a connu Sheila Finestone sait qu'elle était efficace. Sous sa gouverne, l'Union interparlementaire a délaissé sa vision du monde masculine traditionnelle en faveur d'une vision qui reconnaît vraiment le rôle et l'importance des femmes. C'est elle qui a écrit les premières règles que nous avons ensuite suivies pour veiller à ce que toute délégation sans femme soit pénalisée par l'Union interparlementaire : elle perdait des votes — une chose grave en politique, comme vous le savez.

J'ai eu la chance de succéder à la sénatrice Finestone. Tout comme elle, j'ai siégé au comité exécutif international. La sénatrice Ataullahjan a maintenant repris le flambeau; elle est à la tête du volet féminin de l'UIP et siège au comité exécutif international. Elle nous rend fiers, surtout compte tenu de son travail sur la santé maternelle et infantile. Nous nous en réjouissons.

Je crois qu'il importe de comprendre ce qu'ont fait des associations comme celle-ci, et en particulier l'UIP, pour faire avancer la cause des femmes parlementaires dans le monde. C'est avec le plus grand respect que je dis que ce n'est pas normalement une question à laquelle s'attardent des diplomates professionnels. Si nous ne le faisons pas, rien n'avancera.

Des femmes de plusieurs continents sont venues me voir — certaines en pleurs — pour me dire : « Merci beaucoup. N'eût été l'UIP et ses règles progressistes, je ne serais pas ici aujourd'hui. Si je n'avais pas pu venir assister à ces réunions, je n'aurais jamais été prise aussi au sérieux que je le devrais par mes collègues masculins dans mon pays. »

Encore une fois, nous n'avons pas seulement aidé d'autres pays. Ils nous ont également aidés. On apprend tellement de choses en rencontrant des homologues de partout dans le monde. On réalise à quel point nous sommes choyés de vivre ici, et on se rend compte des dangers qui peuvent guetter tout régime parlementaire. On acquiert des connaissances sur différents systèmes juridiques et politiques.

(1610)

Par exemple, c'est une parlementaire néo-zélandaise qui m'a présenté la meilleure introduction au système de représentation proportionnelle que j'aie jamais eue. Aucun ouvrage que j'ai lu sur la question ne contenait toutes les connaissances qu'elle m'a transmises. Ce fut une importante leçon.

Nous avons appris et nous avons servi. Dans un monde interdépendant, il me semble crucial que nous tous, ici présents, puissions nous appuyer sur ces liens pour poursuivre continuellement notre éducation, pour mieux servir notre pays et pour contribuer à bâtir des relations fondées sur la confiance et la compréhension qui sont nécessaires pour qu'il soit possible un jour d'établir la paix dans le monde.

Les associations et la diplomatie parlementaires ne suffisent pas à elles seules, bien entendu, mais j'estime, chers collègues, que sans elles, arriver à un état de paix et de confiance internationale nécessitera beaucoup plus de temps et d'efforts.

Je remercie encore une fois le sénateur Nolin d'avoir lancé cette interpellation. J'espère que d'autres sénateurs y participeront. Entre-temps, je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Dawson.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Dawson, le débat est ajourné.)

La réforme du Sénat

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mercer, attirant l'attention du Sénat sur la réforme du Sénat et la façon dont le Sénat et ses sénateurs peuvent réaliser des réformes et améliorer la raison d'être du Sénat par l'examen du rôle des sénateurs dans leurs régions.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Ce sujet important a été soulevé par le sénateur Mercer, et le sénateur Nolin y a fait allusion dans une série d'interpellations qu'il a lancées. Je souhaite intervenir à ce sujet, mais pas aujourd'hui. Je demande l'autorisation d'ajourner le débat pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

La contribution des militaires et des civils canadiens en Afghanistan

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Segal, attirant l'attention du Sénat sur la contribution des militaires et des civils canadiens à la mission en Afghanistan, d'une durée de 12 ans, qui avait pour but de lutter contre le terrorisme et de venir en aide au peuple afghan.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, j'aimerais proposer l'ajournement du débat à mon nom, s'il vous plaît.

(Sur la motion de la sénatrice Frum, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 3 décembre 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

Haut de page