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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 114

Le mardi 3 février 2015
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président

LE SÉNAT

Le mardi 3 février 2015

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à la tribune de la famille de M. Gary O'Brien, soit son épouse, Colette, et sa fille, Émilie.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Gary W. O'Brien

Le greffier du Sénat et greffier des Parlements—Hommages à l'occasion de son départ à la retraite

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Chers collègues, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à M. Gary O'Brien, greffier du Sénat et greffier des Parlements, qui nous quitte. M. O'Brien a déjà écrit que :

[...] la procédure parlementaire est essentiellement le moyen par lequel une assemblée s'acquitte de ses responsabilités constitutionnelles...

W. F. Dawson, éminent politologue et spécialiste de la démocratie parlementaire canadienne, a écrit sur le même sujet, disant que nos traditions et nos règles parlementaires :

[...] fonctionnent de manière à garantir des débats au Parlement, débats que nous estimons nécessaires, et à ce que le gouvernement soit soumis, en tout temps, à une surveillance des représentants de ceux, au pays, qui ne sont pas d'accord avec ses politiques.

C'est la procédure parlementaire qui donne corps à notre système.

Brièvement, chers collègues, nos règles de procédure, souvent obscures, des règles étranges qui sont un mystère et un casse-tête pour la plupart des observateurs externes, constituent vraiment l'assise sur laquelle repose notre démocratie parlementaire, et ce sont nos greffiers au Bureau, dirigés depuis cinq ans par M. O'Brien, greffier en chef, qui sont les gardiens de cette assise.

Nous n'aurions pu souhaiter meilleure personne pour remplir cette fonction. M. O'Brien a commencé sa carrière sur la Colline du Parlement en 1975, peu après avoir obtenu sa maîtrise ès arts en science politique de l'Université Carleton. Il a débuté à la Bibliothèque du Parlement, puis, après un court passage à la Chambre des communes, a trouvé sa véritable place ici, au Sénat, il y a 35 ans.

Au fil des ans, il a approfondi et élargi ses connaissances des traditions et de la procédure parlementaires, trouvant même le temps de rédiger une thèse de doctorat et d'obtenir son doctorat, là encore, de l'Université Carleton. Son sujet en était un dont tous ici saisiront d'emblée la pertinence, mais je crains qu'il n'ait eu quelques difficultés à l'expliquer à sa famille et à ses amis. Sa thèse s'intitule Pre-Confederation Parliamentary Procedure : The Evolution of Legislative Practice in the Lower Houses of Central Canada, 1792-1866, qu'on pourrait traduire par « La procédure parlementaire avant la Confédération : l'évolution de la pratique législative dans les Chambres basses des provinces centrales du Canada de 1792 à 1866 ». Voilà un sujet palpitant pour alimenter la conversation aux soupers dominicaux de la famille O'Brien.

Cela peut paraître obscur, mais sachez, chers collègues, que c'est loin d'être le cas quand on en examine la substance. Dans sa thèse, il décrit comment les règles législatives :

[...] avaient un effet modérateur sur le pouvoir et protégeaient les plus faibles contre les plus forts, en dépit du fait que les règles étaient souvent critiquées.

M. O'Brien a gravi les échelons jusqu'au poste de sous-greffier du Sénat, puis, après sept ans, comme d'autres personnes le font parfois au bout de sept ans de travail, il a pris un congé sabbatique prolongé, à partir de 2006. À vrai dire, il ne l'a pas qualifié de sabbatique — il pensait prendre sa retraite, mais nous savions bien que ce ne serait pas le cas.

Étant donné son dévouement envers le Parlement du Canada, et surtout le Sénat, ses connaissances en la matière et son engagement à l'égard des riches traditions et des idéaux de cet endroit, dont les origines remontent au Parlement britannique créé il y a plusieurs siècles, lorsque Gary a su que nous étions à la recherche d'un nouveau greffier en 2009, il a mis de côté, sans tarder et sans hésiter, ses plans de retraite pour revenir ici.

Être greffier du Sénat n'est pas une tâche facile, surtout à l'heure actuelle. Cependant, grâce à ses connaissances, à son expérience, à sa confiance tranquille et, dernières qualités mais non les moindres, à son calme et à son excellent sens de l'humour, M. O'Brien a énormément contribué à notre capacité collective de relever chacun des grands défis auxquels nous avons dû faire face ces dernières années. Il a toujours mis au premier plan de ses préoccupations l'institution qu'il sert, à savoir le Parlement et le Sénat du Canada, la démocratie parlementaire canadienne qu'incarne cet endroit, et, bien entendu, les nombreuses personnes dévouées qu'il dirige dans le cadre de ses fonctions. Ce dernier

point a été particulièrement évident le 22 octobre et pendant les jours qui ont suivi. Son leadership et son sang-froid ont joué un rôle crucial dans la réussite de la grande famille du Sénat pendant cette période difficile.

Gary, vous allez vraiment nous manquer. Je ne puis qu'espérer que, comme la dernière fois, vous avez tout simplement utilisé la mauvaise terminologie et que, par « retraite », vous voulez dire vraiment « vacances prolongées ». Qui sait? Avant longtemps, vous trouverez peut-être un moyen de revenir nous faire profiter de vos solides connaissances et de vos sages conseils, dans l'intérêt de cet endroit que vous avez si bien servi. D'ici là, soyez assuré que vous nous laissez entre bonnes mains grâce à l'excellente équipe de greffiers au Bureau que vous avez mise en place.

En attendant, nous vous transmettons nos meilleurs vœux de bonheur, à vous et à votre famille, pendant ce nouveau « congé sabbatique ».

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, c'est vraiment un honneur pour moi de rendre aujourd'hui hommage à M. Gary O'Brien à l'occasion de son départ à la retraite.

M. O'Brien a été nommé greffier du Sénat et greffier des Parlements le 16 septembre 2009. Un comité de recrutement du Bureau du Conseil privé — puisqu'il s'agit d'une nomination par décret — a recommandé la candidature de M. O'Brien parmi toutes celles qui avaient été posées. À son entrée en fonction, il connaissait déjà très bien le Sénat et le Parlement. En effet, comme le sénateur Cowan l'a déjà dit, il a occupé divers postes sur la Colline du Parlement depuis 1975. Il a notamment travaillé à la Bibliothèque du Parlement; il a aussi été chef des Journaux anglais pour la Chambre des communes et directeur des comités pour le Sénat. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de mieux le connaître pendant les travaux du fameux comité auquel bien des gens parmi nous ont siégé, à savoir l'enquête sur l'aéroport Pearson. Il a ensuite été sous-greffier du Sénat.

À titre de leader du gouvernement au Sénat, je lui avais alors souhaité un bon retour au Sénat dans ses nouvelles fonctions de greffier. Je l'avais félicité de sa nomination et je lui avais précisément dit que je comprenais aussi bien le rôle du greffier du Sénat que je comprenais mon rôle de leader du gouvernement au Sénat. J'avais bien compris que ce n'est pas le gouvernement qui dirige le Sénat, mais bien le Sénat lui-même, et que ce n'est pas non plus le gouvernement qui dirige la Chambre des communes. Il n'y a rien que je souhaitais plus ardemment que de voir notre institution être gérée adéquatement, et c'est tout ce que j'ai dit à Gary O'Brien : j'espérais sincèrement que, avec lui dans ces fonctions, le Sénat serait géré adéquatement et qu'il ferait ce qu'il fallait pour que ce soit le cas. Je ne voulais plus entendre parler d'autres rumeurs d'arrangements secrets ou de problèmes réglés en catimini.

(1410)

Je peux vous dire — et je suis convaincue que vous serez tous d'accord avec moi — que non seulement Gary O'Brien a fait ce qu'il fallait, mais qu'il avait compris dès son entrée en fonction que sa principale responsabilité à cette fin était le respect de l'éthique. Il ne l'a jamais oublié et il a toujours été à la hauteur de la tâche.

Nous avons connu de grandes avancées et amélioré grandement notre Règlement, et je l'en remercie. Comme l'a dit le sénateur Cowan, ce ne fut pas une tâche facile.

Je crois aussi, comme le nouveau Président, que certaines des épreuves que le Sénat a pu traverser depuis quelques années le rendront plus fort, au bout du compte.

Sauf erreur, peu de sénateurs savent que Gary, en plus de ses nombreux articles et critiques d'ouvrages sur la procédure parlementaire, a aussi publié un livre. Je l'ai justement avec moi. Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt. En fait, je vous le recommande chaudement. Il s'intitule Oswald's Politics, et il y est question de l'assassinat de John F. Kennedy. Comme certains ici le savent, Gary O'Brien a donné des cours au Collège Algonquin sur l'aspect politique de l'assassinat du président Kennedy et sur toutes les machinations qui ont entouré cet assassinat.

Pour conclure, j'aimerais vous remercier, Gary O'Brien, de vos loyaux services, du dévouement dont vous avez fait preuve dans votre rôle de greffier du Sénat et de votre décision de faire ce qu'il fallait. Je suis désolée de vous voir partir, mais je vous souhaite tout ce qu'il y a de mieux pendant votre retraite. Je crois que vous avez l'intention de vous y tenir, cette fois.

Gary, je sais que vous manquerez à tous vos collègues, c'est-à-dire non seulement aux personnes qui travaillent avec vous ou qui relèvent de vous, mais aussi aux sénateurs des deux côtés de cette enceinte et à tous ceux qui ont eu le privilège d'être au Sénat, ou employés par le Sénat, sous votre direction. Merci beaucoup.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, c'est vraiment un plaisir et un privilège pour moi de prendre la parole pour rendre hommage à M. Gary O'Brien, qui quittera bientôt son poste de greffier du Sénat et de greffier des Parlements pour prendre sa retraite. Il est étrange d'imaginer que Gary accrochera bientôt sa robe noire — et peut-être pour de bon cette fois.

Gary est originaire de Toronto, mais la Colline du Parlement est son vrai foyer depuis de nombreuses années. En 1975, il a fait ses débuts à la Bibliothèque du Parlement, puis il a passé du temps à la Chambre des communes avant de trouver sa vraie place au Sénat, en 1980. C'est l'année où il est entré au service du Sénat. Comme d'autres personnes l'ont mentionné, il a été notre chef des Journaux anglais et notre directeur des comités avant d'être nommé greffier adjoint en 1999. Il a occupé ce poste avec distinction jusqu'à ce qu'il prenne sa première retraite en 2006. À l'époque, la perte d'un ami et d'un observateur vif et perspicace nous avait attristés. Toutefois, nous étions loin de savoir que nous ne serions pas privés de sa présence bien longtemps — parce que, en 2009, il est revenu au Sénat non pas comme greffier adjoint, mais, cette fois, à titre de greffier.

Dans son travail, Gary a toujours fait preuve de loyauté, de perspicacité, d'érudition, de patience et de tact. Quel que soit l'enjeu, il sait mettre à profit sa vaste expérience, et ce fut toujours un plaisir de travailler avec lui. Sa passion à l'égard de notre démocratie parlementaire est évidente pour toutes les personnes qui consultent la liste d'ouvrages qu'il a rédigés. Ces derniers couvrent des sujets variés comme l'histoire de nos institutions parlementaires, les exigences relatives à la recommandation royale et des détails sur le fonctionnement d'une Chambre du Parlement.

Plus récemment, il a été la force motrice de l'ouvrage Trésors parlementaires et, avant cela, il a appuyé activement la mise à jour du Document d'accompagnement du Règlement du Sénat. Je crois que la consultation de ses publications serait un bon point de départ pour toutes les personnes qui souhaitent se renseigner sur le fonctionnement détaillé du Parlement. Sa passion pour les institutions parlementaires se révèle également dans son désir d'aider les autres pays qui tentent de développer leurs structures gouvernementales.

À titre de greffier du Sénat, un aspect important du travail de Gary a été de promouvoir la modernisation de nos politiques et d'encourager la transparence. Ce travail, qui est essentiel pour préserver la confiance du public envers le Parlement, s'est poursuivi sans interruption. Grâce à lui, nous sommes maintenant dans une meilleure position. Même s'il reste des défis à relever, la détermination de Gary à moderniser le Sénat a établi une base solide sur laquelle les sénateurs pourront s'appuyer, avec l'aide de ses successeurs.

En outre, il a accompli un travail sans pareil en tant que greffier du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Gary a été un grand conseiller et administrateur, et a facilité un peu l'administration des différents dossiers dont le Sénat a dû s'occuper au cours des cinq dernières années.

Gary est une personne polyvalente qui ne s'intéresse pas uniquement à la vie parlementaire. Comme la sénatrice LeBreton l'a affirmé plus tôt, il a écrit un livre sur l'assassinat de Kennedy. De plus, il est aussi plaisancier et agriculteur. Alors, même s'il quitte le Parlement, je suis sûre qu'il y aura beaucoup de choses qui le garderont occupé, et j'espère sincèrement que ce sera le cas au cours des années à venir.

Merci, Gary, pour votre travail et votre dévouement. Vous nous manquerez beaucoup, dans cette enceinte. Je vous fais mes meilleurs vœux pour les années à venir, à vous et à Colette, Kevin et Émilie.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je veux rendre hommage aujourd'hui à M. O'Brien, avec qui j'ai travaillé pour la première fois il y a 21 ans, lors de l'enquête sur l'aéroport Pearson, qui fut toute une introduction au Sénat, mais je voudrais d'abord prendre quelques minutes pour vous parler de la relation de M. O'Brien avec le Comité de la régie interne, que j'ai eu l'occasion de présider alors qu'il en était le greffier.

Je peux dire en toute honnêteté que, même dans les circonstances difficiles que nous avons vécues de temps à autre, M. O'Brien a gardé une conduite professionnelle. Il avait constamment ses dossiers bien en main, avait un esprit de coopération et ne craignait pas de remettre en question mon opinion ou de débattre d'une question donnée avec moi ou avec le vice-président du comité, George Furey.

Il connaît le Sénat mieux que n'importe qui, mais surtout, il l'affectionne, ce qui est une qualité importante pour un greffier. Il a développé sa connaissance et son amour du Sénat au fil de plusieurs décennies de travail sur la Colline du Parlement, d'abord à la Bibliothèque du Parlement, comme plusieurs d'entre vous l'ont déjà appris, et deuxièmement à la Chambre des communes, puis ici même, au Sénat, où Gary a été sous-greffier de 1999 à 2006 afin de se préparer à exercer les fonctions de greffier du Sénat. C'est à ce moment-là qu'il a développé et bien rodé ses compétences de chef.

Un bon dirigeant se distingue par le respect qu'il suscite parmi son personnel, et ce respect m'est apparu évident pratiquement chaque fois que j'ai eu à interagir avec le bureau de Gary. On sentait le respect qu'il avait pour son personnel et le respect que son personnel éprouvait pour lui.

Je veux également dire que, depuis le temps que je travaille avec Gary, je l'ai rarement vu perdre son sang-froid, contrairement à moi. Gary a toujours agi en parfait gentleman.

Il n'y a pas que le Sénat dans la vie de Gary. Plusieurs d'entre vous ont mentionné l'agriculture, mais il est aussi un amateur de hockey, comme la plupart d'entre nous. Contrairement à la plupart d'entre nous, cependant, il est partisan des Leafs.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Tkachuk : Gary a le courage d'afficher ses couleurs partisanes. Il les arbore sur son blouson. Il s'est souvent présenté à mon bureau pour une réunion en portant son blouson des Leafs. Comme je suis amateur des Oilers d'Edmonton, le hockey a en quelque sorte tissé un lien entre nous. Nous étions liés par une déception perpétuelle, mais le fait qu'il porte ce blouson témoigne de sa loyauté, de sa détermination et de sa croyance en des jours meilleurs. Je préfère penser que ce n'est pas un signe qu'il croit en des causes perdues.

Il a obtenu un doctorat de l'Université Carleton, a enseigné pendant un certain temps et a écrit un livre sur Lee Harvey Oswald. C'est une lecture intéressante et rafraîchissante, une approche intellectuelle à l'égard d'un homme bafoué par l'histoire.

J'aimerais dire en terminant que Gary a fait face à de nombreuses crises, comme les audiences sur l'aéroport Pearson, qui ont été assez animées. Tous ceux qui veulent connaître une petite partie de l'histoire peuvent lire les comptes rendus de ce qui s'est passé. Il y a également eu la crise du virus H1N1; les rapports de deux vérificateurs généraux, dont le dernier remonte à 1990, je crois; un rapport de vérification privée sur les dépenses du Sénat; et, bien entendu, les terribles événements d'octobre dernier.

(1420)

Je dois dire, Gary, que, après toutes ces années, vous êtes pour moi un ami; vous allez beaucoup me manquer. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la meilleure des chances. Votre gentillesse et votre élégance nous manqueront à tous. J'offre mes meilleurs vœux à votre famille. Amusez-vous bien sur votre ferme. C'est dommage que vous deviez assister aux parties des Leafs.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je veux rendre hommage au petit gars de Toronto, Gary O'Brien, notre cher greffier du Sénat et greffier des Parlements, qui a été nommé à ces hautes fonctions le 16 septembre 2009. Alors qu'il avait pris sa retraite en 2006, après 26 ans de service au Sénat dans plusieurs postes connexes, il s'est laissé convaincre en 2009 d'accepter les fonctions de greffier du Sénat, qu'il quitte aujourd'hui. C'est une journée mémorable pour lui et pour nous. C'est un rite de passage vers la prochaine étape du parcours de sa vie, de son pèlerinage. Notre greffier, Gary O'Brien, a servi le Sénat, les sénateurs et le Canada avec distinction. Il a su gagner l'affection de plusieurs d'entre nous par son altruisme, son esprit généreux et son impartialité remarquable.

Honorables sénateurs, on dit que la fonction publique exige le dévouement non seulement du fonctionnaire, mais aussi de toute sa famille. Je remarque que l'épouse bien-aimée de notre greffier du Sénat, Mme Colette O'Brien, ainsi que sa fille Émilie, sont présentes à la tribune aujourd'hui pour partager avec lui ce moment spécial. Son fils, Kevin, n'a pas pu être des nôtres. Je les remercie d'entourer d'amour et d'attention cet être humain extraordinaire, Gary O'Brien, que je connais et que j'admire depuis que j'ai été nommée sénatrice, il y a 31 ans.

Honorables sénateurs, au début de sa carrière, Gary a été en mesure d'apprendre que, pour être un bon chef, il faut comprendre qu'on est au service des personnes qu'on dirige. Le chef est au service des personnes qui relèvent de lui. Je remercie son personnel dévoué, Lucie Lavoie, Mireille Bonnerot, Maria Hernandez et Jimmy Manigat, de leur excellent travail et des services qu'ils ont rendus, à lui et à tous les sénateurs.

Lorsque Gary a été rappelé au Sénat en 2009, on lui a confié une commission par lettres patentes que je veux lire aujourd'hui :

Elizabeth Deux, par la Grâce de Dieu, REINE du Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth, Défenseur de la Foi.

À
Gary William O'Brien,
de la ville d'Ottawa, dans la province d'Ontario,

SALUT :

SACHEZ QUE, en raison de la confiance particulière que Nous mettons dans votre fidélité, votre intégrité et votre compétence, Nous, sur et avec l'avis de Notre Conseil privé pour le Canada, vous avons, le neuvième jour de septembre de l'an de grâce deux mille neuf, cinquante-huitième de Notre règne, constitué et nommé, vous,

GARY WILLIAM O'BRIENGREFFIER DU SÉNAT ET GREFFIER DES PARLEMENTS.

IL VOUS appartiendra, à vous, Gary William O'Brien, d'occuper, d'exercer et d'avoir en partage ladite charge de greffier du Sénat et greffier des Parlements, à titre amovible, avec tous les pouvoirs, droits, autorisations, prérogatives, bénéfices, émoluments et avantages attachés de droit et de par la loi à cette charge pour un mandat de sept ans, à compter du seizième jour de septembre de l'an de grâce deux mille neuf.

EN FOI DE QUOI, Nous avons fait délivrer Nos présentes lettres patentes et y avons fait apposer le grand sceau du Canada.

Honorables sénateurs, le serment du greffier du Sénat, que Gary a prononcé et que le Président de l'époque, le sénateur Kinsella, lui a fait prêter, est ainsi rédigé :

Vous serez fidèle et garderez fidélité à Notre Souveraine, la Reine Élizabeth Deux, par la grâce de Dieu, Reine du Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth, Défenseur de la Foi, et à ses héritiers et ses successeurs; vous n'apprendrez rien de préjudiciable à Son Altesse, sa couronne, ses biens et sa dignité royale, sans vous y opposer de tout votre pouvoir et sans en avertir en toute diligence Son Excellence le Gouverneur général, ou du moins quelqu'un de son conseil, de manière qu'Elle puisse en être instruite. Vous servirez bien fidèlement Son Altesse dans la charge de Greffier du Sénat du Canada, auprès du Sénat de ce pays, tenant des procès-verbaux fidèles de ses actes et délibérations. Vous garderez le secret sur les affaires qui seront traitées audit Sénat, et ne les révélerez, avant qu'elles ne soient publiées, qu'à ceux à qui elles doivent être révélées; et généralement vous observerez et remplirez bien et fidèlement tous les devoirs imposés par les fonctions de Greffier dudit Sénat. Dieu vous soit en aide.

Honorables sénateurs, je signale que, en 1988, le leader adjoint du Parti libéral à l'époque, le sénateur Royce Frith, qui travaillait sous la direction d'Allan MacEachen, qui était à ce moment-là leader du parti au Sénat, a reconnu la grande réalisation de Gary O'Brien, soit le doctorat qu'il a obtenu de l'Université Carleton. Sa thèse s'intitule Pre-Confederation Parliamentary Procedure : The Evolution of Legislative Practice in the Lower Houses of Central Canada, 1792-1866. L'amour que Gary éprouve pour le Parlement, ses lois, ses procédures et ses pratiques est aussi ardent que son amour pour l'humanité. Je termine maintenant en citant la première et la dernière strophe du poème de Robert Frost La route non empruntée, qui parle des choix que l'on fait dans la vie, de voyages, de pèlerinages et de passages. Voici ce que Frost a écrit :

Deux routes bifurquaient dans un bois jaune
Et au regret de ne pouvoir prendre les deux
Car voyageant seul, je suis resté longtemps
Les yeux fixés sur l'une des deux aussi loin que je le pouvais
Jusqu'à un virage qui se perdait dans les broussailles [...]
Un jour, dans des années et des années
Je conterai tout cela en soupirant, à savoir que
Deux routes bifurquaient dans un bois, et que moi
J'ai suivi celle par laquelle on chemine le moins souvent
Et cela a fait toute la différence.

J'offre à Gary et aux amours de sa vie mes meilleurs vœux pour l'avenir, qui commence aujourd'hui.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je désire joindre ma voix à celle de mes collègues pour rendre hommage à M. Gary O'Brien. M. O'Brien nous quitte afin de prendre une retraite bien méritée après plus de 35 années au cours desquelles il a occupé plusieurs fonctions avant d'être nommé greffier du Sénat et greffier des Parlements en 2009, poste qu'il occupe toujours.

Je veux remercier M. O'Brien pour le professionnalisme dont il a fait preuve dans le cadre de ses fonctions, de même que pour sa très grande disponibilité à l'égard des sénateurs et de notre institution qu'il a si bien servie. Alerte, attentif, engagé et rigoureux, voilà les qualificatifs qui dépeignent parfaitement l'attitude de M. O'Brien dans l'accomplissement de son mandat à titre de greffier du Sénat du Canada

Au nom de tous mes collègues et de la grande famille du Sénat, je désire vous souhaiter, Gary, une excellente retraite. Profitez-en pour réaliser les rêves que vous avez peut-être laissés de côté, compte tenu de vos importantes responsabilités. Surtout, que la santé vous accompagne afin que vous puissiez mordre pleinement dans ce nouveau chapitre de votre vie qui s'amorce maintenant.

Avant de prononcer mon discours, je ne savais pas que vous étiez un admirateur des Maple Leafs de Toronto. Vous pouvez toujours rêver à la grande coupe, monsieur O'Brien, mais je suis sûr que nos amis, les Canadiens de Montréal, se trouveront toujours sur leur chemin.

Sa désignation à titre de haut fonctionnaire honoraire du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j) du Règlement, je suis heureux de proposer, avec l'appui du leader de l'opposition, l'honorable James Cowan :

Que le Sénat exprime sa vive appréciation des services insignes de M. Gary O'Brien à titre de greffier du Sénat et greffier des Parlements, qu'en reconnaissance de la dignité, du dévouement et de l'érudition dont il a fait preuve dans l'exercice de ses fonctions il soit désigné haut fonctionnaire honoraire de cette Chambre et qu'il ait ses entrées au Sénat et un siège au bureau à l'occasion de ses cérémonies.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)


(1430)

AFFAIRES COURANTES

La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et d'autres lois, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La santé

La consommation de la marijuana—La publicité

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, Santé Canada a récemment dépensé plus de 7 millions de dollars pour une campagne de publicité de 10 semaines sur la consommation de la marijuana et les dangers de la toxicomanie. Pour l'exercice précédent, le budget de publicité total de Santé Canada était de 5,2 millions de dollars pour la promotion, notamment, de la salubrité des aliments, de la vaccination, des réactions indésirables aux médicaments ainsi que des services de santé et sécurité du Canada. Pourtant, le ministère a dépensé 7 millions de dollars pour une campagne de 10 semaines sur la consommation de la marijuana.

L'Association médicale canadienne, le Collège des médecins de famille du Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada ont tous refusé d'appuyer la campagne en invoquant la nature trop politique et partisane de la question de la marijuana. Dans une déclaration commune, les trois organisations médicales ont défendu leur décision de ne pas appuyer la campagne du gouvernement contre la marijuana. Voici ce qu'elles ont dit :

Nous n'avons jamais approuvé ou soutenu les messages ou publicités de nature politique en lien avec cette question.

Est-ce une coïncidence que la campagne de 7 millions de dollars ait été diffusée en même temps que les publicités contre la marijuana du Parti conservateur attaquant Justin Trudeau qui a déclaré qu'il légaliserait la marijuana? Il était impossible de faire la distinction entre les publicités négatives du Parti conservateur et celles qui sont financées par les contribuables. Honorables sénateurs, cela constitue un abus de fonds publics.

Sénateur Carignan, pourquoi les contribuables canadiens devraient-ils financer la campagne électorale du Parti conservateur?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, je pense qu'il est clair que c'est le rôle de Santé Canada d'informer la population de ce qui est néfaste pour la santé. Je pense que l'éducation des jeunes et des parents quant aux effets néfastes associés à la consommation de la marijuana n'a rien à voir avec la politique. Nous savons que la marijuana a des conséquences néfastes sur le développement du cerveau des adolescents et sur les poumons de tous ceux qui en consomment. Nous allons donc continuer à jouer notre rôle en matière d'information du public.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Je suis tout à fait d'accord pour dire que le rôle de Santé Canada est de mettre les Canadiens en garde contre ce qui est mauvais pour la santé. Je trouve difficile de croire que ce soit une coïncidence que des publicités de 7 millions de dollars financées par les contribuables aient été diffusées en même temps que les publicités négatives des conservateurs contre M. Trudeau et contre la légalisation de la marijuana. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il était impossible de faire la distinction entre ces deux publicités.

Le gouvernement a l'habitude de faire un mauvais usage de l'argent des contribuables en s'en servant pour faire des campagnes publicitaires partisanes. Nous savons que la campagne publicitaire de 2013-2014 sur les meilleurs emplois incluait des annonces qui ont coûté 2,5 millions de dollars et qui faisaient la promotion d'une subvention canadienne pour l'emploi qui n'existait pas. Le gouvernement a mis fin à cette campagne lorsqu'une enquête menée par Les normes canadiennes de la publicité a conclu que les annonces étaient trompeuses.

Pourquoi le gouvernement continue-t-il à se servir des deniers publics comme s'il s'agissait de l'argent du Parti conservateur pour faire la promotion de ce parti?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, il incombe au gouvernement de renseigner les Canadiens sur les programmes et les services importants qui leur sont offerts. La publicité, comme vous le savez, est un moyen essentiel d'informer le public sur des questions importantes comme les mesures de relance économique, les crédits d'impôt et la santé publique. Notre gouvernement traite l'argent des contribuables avec le plus grand respect, et nous exigeons que les opérations gouvernementales soient réalisées aux coûts les plus bas possible pour les contribuables. Notre gouvernement continuera d'agir en prenant des mesures qui accroîtront la responsabilité et la transparence, et qui protégeront l'intérêt des contribuables.

Vous devriez reconnaître que le Parti libéral n'a aucune crédibilité en ce qui concerne la publicité. Lorsque nous engageons des fonds pour faire de la publicité, nous les consacrons réellement à la publicité, et non à remplir les poches de nos petits copains.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Le rôle du gouvernement est d'informer les Canadiens. Le rôle de Santé Canada est de renseigner les Canadiens sur ce qui est sain et ce qui ne l'est pas. Or, l'Association médicale canadienne, le Collège des médecins et le Collège royal des médecins et chirurgiens ont tous dit, et je cite : « Nous n'avons jamais approuvé ou soutenu les messages ou publicités de nature politique en lien avec cette question. »

Cette déclaration est très claire et je dis que le gouvernement n'a pas fait une utilisation correcte de l'argent des contribuables canadiens.

Le gouvernement montre continuellement qu'il ne respecte pas les règles avec les publicités du Parti conservateur et les publicités qui sont censées informer les Canadiens de ce qui est sain et de ce qui ne l'est pas. Ces règles ont été bafouées à maintes occasions, et l'organisme Les Normes canadiennes de la publicité a conclu que la campagne publicitaire sur les meilleurs emplois était aussi trompeuse. C'est sans compter ce qu'ont dit les trois associations médicales au sujet de la campagne publicitaire sur la marijuana, qui a coûté très cher. Beaucoup plus d'argent a été consacré à cette campagne qu'aux efforts d'éducation et de sensibilisation des Canadiens par Santé Canada durant toute l'année précédente.

Le ministre des Finances veut qu'on lui donne des idées pour le prochain budget. Le gouvernement va-t-il s'engager à établir des règles sur ce qui constitue une campagne non partisane financée par les contribuables, et le prochain budget va-t-il sabrer dans les sommes que le gouvernement dépense en publicité?

(1440)

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice Cordy, nous allons, et vous en êtes convaincue, continuer d'informer la population, particulièrement sur les effets néfastes de la consommation de la marijuana sur la santé. Vous pouvez en être assurée. Je vois que vous avez commencé à vous impliquer dans la campagne du Parti libéral de façon plus partisane. Je ne sais pas si vous avez demandé l'autorisation de M. Trudeau de vous impliquer dans cette campagne. Une chose est certaine : quant à nous, nous continuerons d'informer la population.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Vous allez continuer d'informer les Canadiens. C'est ce qu'un gouvernement devrait faire. Toutefois, l'information que vous communiquez ne doit pas être partisane. Elle ne doit pas être conservatrice, et vous avez encore une fois fait allusion aux publicités sur la marijuana.

Le statu quo ne fonctionne pas. Au Canada, un système qui contrôlerait et réglementerait la marijuana rendrait plus difficile l'achat de cette drogue et ferait en sorte que nos enfants soient plus en sécurité. La légalisation de la marijuana ferait aussi en sorte que les profits ne tombent pas entre les mains du crime organisé et des gangs de rue.

Les jeunes Canadiens continuent de compter parmi les plus grands consommateurs de marijuana du monde occidental. Par conséquent, le statu quo ne fonctionne pas. Les 7 millions de dollars pourraient être dépensés plus judicieusement, de façon à profiter aux Canadiens plutôt qu'au Parti conservateur.

Les efforts du gouvernement pour endiguer la consommation de marijuana chez les jeunes Canadiens ont tout simplement échoué. La campagne publicitaire de 7 millions de dollars ne fait que maintenir le statu quo et elle semble viser davantage à appuyer le programme électoral du Parti conservateur qu'à soutenir véritablement les efforts de Santé Canada dans la lutte contre la marijuana.

Par conséquent, je pose encore une fois la question : le gouvernement va-t-il, dans le budget dont il a déjà reporté le dépôt, réduire le montant qu'il consacre aux publicités, en particulier aux publicités partisanes, et va-t-il s'engager à adopter des règles sur ce qui constitue des publicités non partisanes financées par les contribuables?

Le sénateur Cowan : Vous connaissez la réponse. Est-il vraiment nécessaire que vous posiez cette question?

[Français]

Le sénateur Carignan : Votre question est amusante, sénatrice. Lorsqu'il s'agit de renforcer les peines et de modifier le Code criminel pour réduire les taux de criminalité et le trafic de la drogue, vous votez contre, parce que vous dites que cela ne fonctionne pas, qu'il faut plutôt favoriser la prévention. Lorsqu'on investit en faveur d'une stratégie nationale de prévention, comme celle qui est faite dans le domaine de la santé, vous votez contre le budget afin qu'il n'y ait pas d'argent qui puisse être consacré aux stratégies nationales de prévention. D'autre part, lorsque nous faisons de la publicité pour informer la population, et particulièrement les adolescents, sur les effets nocifs liés à la consommation de drogues, vous êtes contre également. Il faudrait peut-être vous brancher et reconnaître un jour que les situations complexes peuvent susciter différentes approches qui doivent être bien équilibrées et bien structurées, comme le démontrent, entre autres, nos publicités anticonsommation de drogue.

[Traduction]

L'information nutritionnelle

L'honorable Wilfred P. Moore : Ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat.

Les questions posées par la sénatrice Cordy m'ont fait songer à un point relativement au prochain budget. Parmi les idées ou les éléments qui pourraient être inclus dans le budget, y a-t-il un plan d'action concertée pour s'attaquer à la quantité malsaine de sel et de sucre qu'on trouve dans les aliments?

Pas plus tard que la semaine dernière, la Food and Drug Administration des États-Unis a diffusé une conclusion au sujet de la nourriture pour bébé. J'ai cru comprendre que la quantité de sodium y serait 20 p. 100 plus élevée que la norme pour les bébés en bonne santé.

Je me demande si le prochain budget comprendra des mesures de promotion de ce genre, pour la santé des jeunes et des Canadiens en général.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : J'entends votre question, sénateur. Le ministre des Finances est en consultation prébudgétaire. Je vous invite donc, comme les Canadiens le font, à transmettre vos suggestions au ministre. Votre suggestion de publicité est une idée qui devrait peut-être être confiée au ministre; cependant, pouvez-vous me garantir que la sénatrice Cordy ne votera pas contre cette mesure en disant qu'il s'agit de publicité?

[Traduction]

Le sénateur Moore : Je suis prêt à vous le garantir, monsieur le leader, si vous promettez de ne pas l'inclure dans un projet de loi omnibus. Promettez-vous de ne pas présenter un tel projet de loi?

[Français]

Le sénateur Carignan : On ne spécule pas sur le contenu du budget, mais je puis vous affirmer qu'il s'agira d'un plan économique qui figurera parmi les priorités de notre gouvernement, soit la croissance économique et la création d'emplois. J'anticipe que vous voterez en faveur du budget avec enthousiasme.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je voudrais maintenant donner suite au rappel au Règlement soulevé par le sénateur Moore le 12 décembre 2014 relativement aux projets de loi omnibus.

Même si ce rappel au Règlement concernait le projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures, le sénateur Moore a remis en question les projets de loi omnibus en général, faisant valoir que ces projets de loi :

[...] touchent de nombreuses questions qui ne sont pas toutes liées. Il est donc inacceptable de contraindre les sénateurs à se prononcer sur plusieurs propositions distinctes lors d'un seul vote. Procéder ainsi est fondamentalement injustifiable et contraire au Règlement.

Exposant ses préoccupations, le sénateur Moore a parlé de la façon dont les projets de loi omnibus sont traités au niveau provincial, national et international, et a cité des textes rédigés à ce sujet. Il a souligné que les problèmes découlant des projets de loi omnibus s'aggravent. « Il faut que quelqu'un intervienne », a-t-il conclu.

[Français]

Plusieurs sénateurs se sont dits du même avis. La sénatrice Fraser a fait une distinction entre les projets de loi qui modifient plusieurs lois, mais qui sont clairement liés par un fil conducteur, et ceux qui réunissent une foule d'éléments disparates. Elle a placé le projet de loi C-43 dans cette deuxième catégorie, point de vue partagé par le sénateur Day. La sénatrice Chaput a expliqué, exemple concret à l'appui, que les projets de loi omnibus peuvent donner lieu à une étude insuffisante de certains éléments importants d'un projet de loi. Pour sa part, la sénatrice Ringuette estimait que ces mesures empêchent le Sénat de s'acquitter de son mandat, qui est de porter un second regard attentif. Appuyant ce rappel au Règlement, le sénateur Eggleton a souligné qu'il était en faveur de certains éléments du projet de loi C-43, mais que la nature trop volumineuse de ce projet de loi fait en sorte que les parlementaires ne peuvent pas exprimer adéquatement leur point de vue.

D'autres sénateurs ont contesté ces arguments. Renvoyant aux pratiques de l'autre endroit, la sénatrice Martin a soutenu que les projets de loi omnibus font partie intégrante de la pratique parlementaire canadienne. Le sénateur Smith (Saurel) et le sénateur Lang ont expliqué en quoi, à leur avis, le projet de loi C-43 a effectivement un fil conducteur : il vise à mettre en œuvre un vaste plan budgétaire pour faire face à une situation économique internationale difficile et contribuer à la prospérité des Canadiens. Sensible aux préoccupations du sénateur Moore, le leader du gouvernement, le sénateur Carignan, a souligné que le Sénat peut adapter ses procédures comme il le souhaite pour régler les problèmes dont il pourrait être question ici. Ainsi, le Sénat a déjà rajusté le processus d'étude préalable prévu dans le Règlement pour permettre à divers comités de donner leurs points de vue. Cela peut aider à dissiper certaines des préoccupations mentionnées.

(1450)

[Traduction]

Pendant l'examen du rappel au Règlement, tous se sont entendus sur le fait que l'étude du projet de loi C-43 par le Sénat ne devrait pas être retardée. Les délibérations sur le projet de loi se sont donc poursuivies, et il a reçu la sanction royale la semaine suivante. Même si le sort du projet de loi C-43 est réglé, la question plus générale des projets de loi omnibus demeure. Cette question, on le sait, n'est pas nouvelle. Au fil des ans, plusieurs sénateurs se sont objectés aux projets de loi volumineux et complexes. Il est donc opportun de revoir la question.

Malgré les préoccupations concernant les projets de loi omnibus, il n'y a eu, dans les faits, qu'un seul rappel au Règlement à ce sujet au Sénat depuis 1984. Dans une décision rendue le 23 octobre 2003, le Président déclarait qu'il n'était « pas au fait d'une exigence voulant qu'un tel projet de loi doive avoir un fil conducteur ».

La situation est tout à fait différente à l'autre endroit, où le Président s'est penché à plusieurs reprises sur la question des projets de loi omnibus. Comme on peut le lire à la page 725 de la deuxième édition de l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, « [i]l est en effet tout à fait admissible, sur le plan de la procédure, qu'un projet de loi modifie, abroge ou édicte plusieurs lois à condition d'en donner le préavis requis, de l'assortir d'une recommandation royale (au besoin) et de respecter la forme exigée. » Le Président de la Chambre des communes a parfois été prié de scinder un projet de loi, mais il a refusé de le faire sans les conseils et l'autorisation de la Chambre. Comme il l'avait déclaré le 8 juin 1988 : « Tant que la Chambre n'aura pas adopté de règles précises concernant les projets de loi omnibus, le Président n'a aucun recours, il doit s'abstenir d'intervenir dans le débat et laisser la Chambre régler la question. »

[Français]

Lorsqu'un projet de loi omnibus arrive au Sénat après avoir été examiné à la Chambre des communes, il ne faut pas oublier qu'il a déjà été adopté par l'une des composantes du Parlement. Nous ne devons pas remettre en question les raisons pour lesquelles l'autre endroit a adopté ce projet de loi ou sa façon de procéder, mais nous acquitter de notre mandat législatif en effectuant un examen attentif du projet de loi en toute indépendance, ou autonomie, et de la meilleure façon possible. Des problèmes de procédure peuvent parfois se poser à propos d'un projet de loi émanant des Communes — on peut constater, par exemple, que le consentement royal est requis pour un projet de loi —, mais ces situations ne sont pas fréquentes.

Dans son rappel au Règlement, le sénateur Moore a dit, à propos des projets de loi omnibus : « Il faut que quelqu'un intervienne. » Dans la mesure où les sénateurs reconnaissent que ce type de projet de loi pose un problème, cette affirmation peut être valable. Cependant, il ne revient pas au Président d'agir de façon unilatérale et de décider de la position à adopter et quand l'adopter. Le Président se prononce sur les questions de procédure à la lumière du Règlement du Sénat et de nos pratiques. Or, le Règlement ne prévoit rien au sujet des projets de loi omnibus, lesquels sont autorisés par nos pratiques. De ce point de vue, ces mesures font partie du fonctionnement du Parlement du Canada. En outre, il ne faut pas perdre de vue le fait que, sur le plan de la procédure du moins, la question posée à propos d'un projet de loi omnibus — et non à propos de sa teneur — est fort simple. Cette question est de savoir si le projet de loi sera lu pour la deuxième ou la troisième fois. Par conséquent, les projets de loi sont très différents des questions complexes où le Président peut, dans des situations très rares, exercer une certaine discrétion en scindant une motion.

[Traduction]

Honorables sénateurs, il serait peut-être bon de nous pencher ici sur certaines questions plus générales touchant les projets de loi omnibus. Comme le déclarait la Cour suprême dans la décision qu'elle a rendue en 2014 dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat, le Sénat est « une des institutions politiques fondamentales du Canada. Il se situe au cœur des ententes ayant donné naissance à la fédération canadienne. » En tant que sénateurs, nous avons diverses tâches et responsabilités, dont celles de représenter nos régions, de nous acquitter de nos fonctions législatives, d'exiger des comptes du gouvernement, d'œuvrer sur la scène internationale dans le cadre de la diplomatie parlementaire, d'assurer la protection des minorités, et d'étudier et de défendre les questions d'intérêt public. Et nous exécutons ces fonctions pour le Parlement national en nous servant de nos expériences et formations variées.

Fort de la vaste expérience de ses membres, le Sénat a tout ce qu'il faut pour agir à titre de Chambre complémentaire au sein du Parlement. L'idée de la complémentarité ne sous-entend pas qu'une Chambre est inférieure à l'autre. Le Sénat et la Chambre des communes jouent des rôles différents et interagissent d'une manière qui peut parfois, en effet, engendrer une certaine tension. Mais cela aboutit à un système de gouvernement qui est plus grand que la somme de ses parties. Cette interaction a toujours été au cœur de la structure constitutionnelle de notre pays. En travaillant de concert, les deux Chambres enrichissent le Parlement national et le rendent plus fort. Le Sénat propose un point de vue différent de celui de la Chambre des communes même lors de l'étude de questions semblables, et il se concentre sur des aspects différents. Par conséquent, il peut fournir un second examen attentif, et tout à fait autonome, des mesures adoptées par la Chambre élue. L'atmosphère beaucoup moins partisane qui règne en général au Sénat ainsi que les bonnes relations de travail que nous établissons entre nous, peu importe notre affiliation politique, nous aident grandement à nous acquitter de ces responsabilités.

[Français]

Je dis cela, honorables sénateurs, parce que rien ne devrait nous empêcher de revoir la façon dont nous traitons les projets de loi omnibus ou tout autre aspect de nos travaux si nous estimons que des changements pourraient nous aider à mieux remplir notre rôle de parlementaires. Nous devons nous assurer de toujours répondre aux attentes des Canadiens et de toujours nous acquitter du rôle qui a été confié à cette Chambre par ceux qui ont élaboré les structures fondamentales de notre gouvernement.

[Traduction]

Au cœur du rappel au Règlement soulevé par le sénateur Moore se trouve la façon dont le Sénat examine les mesures budgétaires et les projets de loi ayant des répercussions financières. À cet égard, je tiens à rappeler aux honorables sénateurs qu'il y a près d'un siècle, un comité spécial a étudié les droits du Sénat relativement aux lois financières. Son rapport, connu sous le nom de rapport Ross, a été déposé le 15 mai 1918 et adopté le 22 mai. Le temps est peut être venu d'examiner la question à nouveau afin que les honorables sénateurs puissent voir comment, de nos jours, cette Chambre peut faire le meilleur usage possible de ses pouvoirs pour s'acquitter de ses fonctions. Dans le cadre de cet examen, il faudra tenir compte du principe énoncé par sir John A. Macdonald selon lequel le Sénat ne s'opposera jamais « [...] aux vœux réfléchis et définis des populations ». Il conviendrait sûrement de nous pencher sur les limites convenables de ces restrictions que le Sénat s'est lui-même imposées.

(1500)

[Français]

Parallèlement, le Sénat — peut-être par l'entremise de l'un de ses comités —, voudra peut-être revoir sa façon de faire pour mieux assurer la reddition de comptes de la part du gouvernement, particulièrement en ce qui concerne les finances publiques et les dépenses. Nos pratiques permettent au Comité des finances nationales de très bien comprendre le Budget des dépenses et les rouages du gouvernement. La valeur de cette vue d'ensemble a été reconnue par les observateurs, mais il serait peut-être souhaitable de permettre à d'autres comités de faire de même. Sans pour autant nuire au rôle du Comité des finances nationales, le Sénat pourrait peut-être confier à d'autres comités l'étude de parties précises du Budget des dépenses qui relèvent de leur compétence. Le fait de comprendre comment d'autres instances — au Canada et à l'étranger — traitent ces questions nous aiderait à cerner les rajustements à apporter, s'il y a lieu, au fonctionnement de cette institution.

[Traduction]

En ce qui concerne plus précisément la question des projets de loi omnibus, nous pourrions aussi proposer des changements que le Sénat pourrait apporter à ses procédures, si tel est son désir. Encore une fois, des informations sur les procédures utilisées dans d'autres juridictions pour traiter de ces projets de loi seraient utiles. En Saskatchewan, par exemple, le Règlement limite, de façon explicite, les circonstances dans lesquelles un projet de loi omnibus peut être introduit. Un tel projet de loi n'est permis que s'il traite d'une seule politique générale ou s'il fait des amendements semblables aux lois existantes.

Au Sénat nous avons pris l'habitude d'effectuer une étude préalable des projets de loi d'exécution du budget et de permettre à divers comités d'exprimer leurs points de vue sur les éléments de ces projets de loi qui relèvent de leur compétence. Un premier changement pourrait être d'intégrer ce processus au Règlement afin qu'il devienne la norme pour tous les projets de loi omnibus.

[Français]

Nous pourrions aussi aller un peu plus loin en rendant ce processus systématique, et non facultatif, dans le cas des projets de loi complexes ou volumineux. Si un tel changement était adopté, le Comité des finances nationales pourrait étudier la teneur des projets de loi d'exécution du budget en collaboration avec d'autres comités sans avoir à attendre un ordre de renvoi du Sénat.

Une troisième possibilité, variation sur ce même thème, consisterait à trouver une façon de renvoyer diverses parties d'un projet de loi omnibus à différents comités, après la deuxième lecture. Les comités pourraient ainsi étudier en détail les éléments du projet de loi de leur ressort et proposer eux-mêmes des amendements.

[Traduction]

Même sans de tels changements, les sénateurs disposent de puissants outils. Qui plus est, le Sénat peut rejeter un projet de loi, même s'il est proposé par un ministre, sans entraîner la chute du gouvernement. Nous l'avons déjà fait avec un projet de loi d'exécution du budget. Les sénateurs ont aussi l'option, à laquelle ils recourent régulièrement, de proposer des amendements aux projets de loi en comité et à l'étape de la troisième lecture.

La possibilité — rarement utilisée — de scinder un projet de loi est un autre outil dont le Sénat dispose s'il juge un projet de loi trop complexe ou trop volumineux. À l'heure actuelle, un comité ne peut pas proposer de scinder un projet de loi sans avoir obtenu une autorisation spéciale du Sénat. On pourrait toutefois modifier le Règlement pour accorder au comité qui examine un projet de loi omnibus le pouvoir d'en proposer la scission, de sa propre initiative, s'il estime que cela pourrait aider le Sénat à l'étudier ou qu'il n'y a pas de fil conducteur entre ses différentes parties. Évidemment, une telle mesure serait prise uniquement lorsque le parrain aurait eu amplement l'occasion d'expliquer pourquoi il est contre la scission du projet de loi ou de montrer le fil conducteur qui en relie les différentes parties.

[Français]

Ce ne sont là que quelques idées. Il y a sûrement bien d'autres façons de régler les préoccupations qui pourraient exister à propos des projets de loi omnibus. Cependant, dans le cadre actuel du Règlement du Sénat et de nos pratiques, ces projets de loi sont acceptables et peuvent franchir les différentes étapes au Sénat comme n'importe quel autre projet de loi. Rien ne devrait empêcher le Sénat, peut-être après que le Comité du Règlement aura étudié la question, de revoir la façon dont il traite les projets de loi omnibus, s'il le souhaite. Mais ce sera au Sénat lui-même de décider des changements à apporter, s'il y a lieu; il ne revient pas au Président de les imposer.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Projet de loi sur le parc urbain national de la Rouge

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. propose que le projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup de fierté que je prends la parole relativement au projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge, et je suis honoré de parrainer cette mesure au Sénat.

Comme vous le savez peut-être, le parc de la Rouge est reconnu à juste titre comme un endroit spécial par un grand nombre de Canadiens, en particulier ceux qui vivent dans la région du Grand Toronto. J'ai le privilège de vivre tout près du parc et, au fil des années, ma famille et moi avons souvent visité cet endroit et les régions agricoles qui seront incluses dans le nouveau parc. Ces visites ont créé de beaux souvenirs liés à la beauté naturelle du parc et aux plaisirs qu'il offre. Notre maison est située à une cinquantaine de mètres de Glen Eagles Vista. De cet endroit, vous avez une vue panoramique de la beauté du parc. Vous pouvez voir les vallées de la rivière Rouge et du petit ruisseau Rouge. Les arbres y sont nombreux, ce qui crée de beaux changements de couleur au fil des saisons. La plupart du temps, des oiseaux de proie sillonnent le ciel.

Ma famille et moi nous faisions un point d'honneur d'aller dans la vallée et de marcher le long de la rivière Rouge, tout en regardant les poissons et les écrevisses zigzaguer le long des rives rocailleuses. De notre résidence, un déplacement de quelques minutes en voiture nous mène à la plage de la Rouge, où nous pouvons marcher dans le sable blanc ou suivre un beau sentier pour admirer le grand et majestueux lac Ontario. L'été est la saison des baies. Ma famille, comme bien d'autres, éprouve beaucoup de plaisir à cueillir ces petits fruits dans les fermes avoisinantes. Nous avons des histoires mémorables liées à nos déplacements dans la nature et sur les terres agricoles. Le plus extraordinaire, c'est que ces endroits sont situés tout près, à quelques minutes à peine, même de la partie la plus éloignée de la ville.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-40 nous permet d'accorder une fois pour toutes au parc de la Rouge la reconnaissance et la protection qu'il mérite. Ne ratons pas cette occasion.

Une fois qu'ils relèvent de l'autorité de Parcs Canada, les parcs sont protégés à perpétuité afin que les générations futures de Canadiens puissent en profiter. La Loi concernant le parc urbain national de la Rouge va donc protéger de façon permanente les paysages et les ressources naturelles, culturelles et agricoles de la Rouge.

Le parc proposé, le parc urbain national de la Rouge, situé dans la plus grande métropole du Canada — qui compte près de 7 millions d'habitants —, est un riche mélange de forêts, de prés, de terres humides et de terres agricoles. Cette zone de 58 kilomètres carrés sera facilement accessible aux habitants de la région du Grand Toronto ainsi qu'aux 13,5 millions de touristes qui y viennent en visite chaque année.

(1510)

La création du parc urbain national de la Rouge rend hommage aux hommes et aux femmes des groupes communautaires locaux et de tous les ordres de gouvernement qui travaillent fort depuis plus de 30 ans pour protéger ces terres importantes.

La création du parc rend aussi hommage à la riche histoire des Premières Nations, longue de plus de 10 000 ans, ainsi qu'aux agriculteurs locaux qui ont travaillé sur ces terres et qui ont commencé à produire des denrées dans la vallée de la Rouge dès 1799. Ces gens sont la force motrice derrière le projet de loi C-40, qui permettra de faire en sorte que le rêve d'un parc urbain national devienne une réalité.

La mesure dont vous êtes saisis est la réponse législative à une consultation poussée auprès d'organismes tels que l'Alliance du parc de la Rouge. Parcs Canada a consulté 150 groupes et il a entendu 11 000 Canadiens, y compris 10 Premières Nations qui sont des membres actifs du Conseil consultatif des Premières Nations.

En plus de donner suite à cette consultation, le projet de loi est aussi l'aboutissement d'une longue série de négociations et d'accords complexes conclus entre divers ordres de gouvernement. Les régions de Durham et York, les municipalités de Toronto, Markham et Pickering, de même que la province de l'Ontario ont toutes signé des accords en vue de céder des terrains pour le parc.

Honorables sénateurs, la nouvelle désignation de parc national permettra au secteur de la Rouge de se développer et de jouir d'une protection législative sans précédent. Le projet de loi va créer le premier parc urbain national — soit une toute nouvelle forme de zone protégée — et il fera du Canada un nouveau chef de file dans le mouvement mondial vers des zones et des espaces verts protégés en milieu urbain.

Parcs Canada va entretenir et cultiver les relations qu'il a développées avec des intervenants, des gouvernements, des Premières Nations et des organismes nationaux et locaux. Ce cadre urbain unique exige une mesure législative unique qui assurera une approche équilibrée axée sur l'intégrité écologique, les bonnes pratiques agricoles et la préservation de la vie urbaine.

Le parc a une longue tradition agricole qui est un élément très important du patrimoine passé, présent et futur de la Rouge. Parcs Canada va continuer de collaborer étroitement avec les agriculteurs dans le parc afin d'assurer la pérennité de cette importante communauté agricole.

Honorables sénateurs, vous savez peut-être que, en un sens, les exploitations agricoles sont une espèce en péril dans la majorité des zones urbaines au Canada et dans le monde. Le parc urbain national de la Rouge va protéger de vastes étendues de terres agricoles de catégorie 1, qui sont les plus rares et les plus fertiles au pays. Les exploitations agricoles dans le parc vont continuer de produire des denrées tout en faisant vivre des expériences aux visiteurs et en contribuant à la santé globale du parc.

Parcs Canada va assurer une stabilité à long terme aux agriculteurs afin de soutenir le riche patrimoine agricole du parc. En contrepartie, les agriculteurs vont contribuer à la santé du parc en innovant et en s'engageant à adopter des pratiques qui favorisent la conservation et l'agriculture durable.

À l'heure actuelle, les agriculteurs dans la région signent des baux annuels. Le projet de loi permettra à Parcs Canada de conclure des ententes à long terme et, après consultations, d'établir des normes obligatoires en matière de pratiques exemplaires afin d'assurer une utilisation responsable et innovatrice des terres.

Honorables sénateurs, vous savez peut-être que le pourcentage de Canadiens qui ont un lien direct avec leur patrimoine naturel, culturel et agricole diminue constamment. Compte tenu du fait que le parc urbain national de la Rouge sera créé dans la plus grande zone urbaine au pays, et aussi la plus diversifiée sur le plan culturel, ce parc sera idéalement situé pour accueillir les citadins qui voudront profiter de notre incroyable réseau de lieux patrimoniaux protégés à l'échelle nationale.

Honorables sénateurs, Parcs Canada est d'avis que l'accessibilité et une ambiance conviviale sont essentielles à la création d'un parc qui saura attirer les citadins, y compris les jeunes, ainsi que les néo-Canadiens.

Parcs Canada, qui fera appel à sa grande compétence pour sensibiliser les visiteurs et leur faire vivre de belles expériences, va élaborer toute une gamme d'activités et de programmes intéressants qui permettront aux Canadiens d'apprécier cet endroit unique. À partir des nombreuses possibilités qui seront offertes une fois que le parc sera créé, les visiteurs pourront choisir les aventures et les découvertes qui correspondent à leurs intérêts. Nous espérons que ces expériences inciteront les générations actuelles et futures à découvrir le patrimoine naturel, culturel et agricole du Canada d'un océan à l'autre.

Une disposition du projet de loi C-40 fait en sorte que cette vision sera soumise à un examen parlementaire. L'article 9 prévoit que le ministre doit établir un plan directeur et le présenter aux deux Chambres dans les cinq ans suivant la création du parc. Cette disposition prévoit aussi la tenue d'un examen obligatoire tous les 10 ans. En outre, puisque le parc urbain national de la Rouge sera assujetti à la Loi sur l'Agence Parcs Canada, le ministre devra soumettre un rapport du directeur général sur l'état du parc aux deux Chambres tous les cinq ans.

Honorables sénateurs, en plus d'offrir des expériences éducatives et mémorables qui favorisent l'apprentissage et le bien-être personnel, Parcs Canada aidera les visiteurs à participer bénévolement encore plus profondément à la conservation et à l'intendance générale du parc. La longue tradition de bénévolat dans le parc de la Rouge, si évidente au cours des dernières décennies, se poursuivra et prendra même de l'essor de bien des façons grâce à cette nouvelle catégorie de parcs nationaux.

En essayant de protéger et de mettre en valeur la nature, la culture et l'agriculture de façon intégrée, nous serons plus à même d'inciter les Canadiens à profiter du territoire diversifié du parc et de préserver les plus hautes normes de conservation dans l'ensemble du parc. Il s'agit d'une entreprise historique qui fera la fierté des générations à venir.

Honorables sénateurs, en faisant en sorte que les protections légales ne visent pas seulement la nature, mais aussi le patrimoine culturel et agricole du parc, le projet de loi C-40 établit une nouvelle norme qui tient compte de l'emplacement du parc urbain national de la Rouge, de son territoire diversifié, de son histoire fascinante et du fort attachement des gens de la région à l'endroit du parc.

En particulier, le projet de loi C-40 renforcera les protections légales visant les ressources naturelles, culturelles et agricoles du parc ainsi que ses paysages.

Je tiens à souligner que les articles 17 et 18 du projet de loi, pour la première fois de l'histoire du parc de la Rouge, interdiront expressément les activités nuisibles suivantes : le braconnage, le fait de polluer, le déchargement de substance, le vol de fossile, le harcèlement d'animaux sauvages, la chasse et l'extraction de minerai. Il s'agit manifestement d'une étape importante qui permettra de remédier à l'absence de mesures visant à protéger les ressources fragiles du parc.

(1520)

De plus, le projet de loi C-40 resserrera de façon considérable les mesures d'application des lois sur les parcs. Ainsi, les gardes de Parcs Canada patrouilleront à longueur d'année dans le parc. Ces mesures, qui sont assorties de peines sévères, permettront de protéger de précieuses ressources — la flore, la faune, les fossiles et les artéfacts — avec toute la rigueur de la loi.

En effet, grâce à une loi qui est adaptée à l'espace exceptionnel que le parc occupe dans la région du Grand Toronto, et qui prévoit des règles claires qui seront appliquées à longueur d'année, aucun parc urbain au monde ne sera mieux protégé que le parc urbain national de la Rouge.

N'oublions pas, honorables sénateurs, que Parcs Canada est le premier et le plus ancien service de parcs nationaux au monde, et qu'il est depuis longtemps considéré comme un chef de file mondial dans le domaine de la conservation et de la gestion fondée sur des données scientifiques. Parcs Canada possède l'expertise et l'expérience nécessaires pour faire en sorte que l'on puisse profiter pleinement des richesses que recèle le parc urbain national de la Rouge.

Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada est déterminé à protéger les écosystèmes naturels — y compris les forêts, les marais et les prairies — ainsi que les espèces sauvages indigènes du parc de la Rouge. D'ailleurs, Parcs Canada a déjà entrepris des projets de restauration en partenariat avec des municipalités, des groupes de conservation et des agriculteurs. Ces premiers projets visent à réintroduire une espèce de tortue en péril et à trouver des solutions pour que les espèces sauvages soient mieux protégées lorsqu'elles traversent les routes situées dans le parc. N'oublions pas que la tristement célèbre route 401 n'est que l'une des routes à forte densité de circulation qui sillonnent le parc. Parmi les autres mesures de restauration en cours, notons que l'on collabore déjà avec des agriculteurs pour améliorer les habitats des zones humides afin de protéger les oiseaux aquatiques ainsi que les tortues et les grenouilles qui y vivent en permanence.

Ces projets mettent en évidence l'approche scientifique à la fois rigoureuse et novatrice qu'emploie Parcs Canada pour la gestion des parcs, une approche qui a fait sa renommée et sert souvent de modèle dans le monde entier. Dans cette optique, Parcs Canada élaborera et utilisera une gamme complète d'outils de surveillance, d'évaluation et d'établissement de rapports, afin de préserver les espèces sauvages indigènes tout en veillant à la santé des écosystèmes. Signalons que les écologistes et les scientifiques de Parcs Canada ont déjà entrepris ce travail important.

Honorables sénateurs, la création d'un parc urbain national représente une excellente façon de protéger et de célébrer l'histoire humaine de la région, une histoire remarquable. Des peuples autochtones vivent sur les berges de la rivière Rouge depuis plus de 10 000 ans. Le lieu historique national de la Colline-Bead et la plaque marquant la piste du portage de Toronto, autre lieu historique national, se trouvent tous les deux à l'intérieur du parc urbain national proposé. Grâce au projet de loi C-40, ces deux lieux bénéficieraient pour la première fois d'une protection législative. Rappelons aussi que Parcs Canada travaille en étroite collaboration avec les Premières Nations pour s'assurer que leur histoire vivante devienne partie intégrante de l'histoire du parc urbain national de la Rouge.

Certes, développer le plein potentiel du parc représente un défi ambitieux. Heureusement, le gouvernement du Canada a déjà annoncé un investissement sans précédent, soit 143,7 millions de dollars pour une période de 10 ans puis 7,6 millions de dollars par année par la suite. Ces sommes financeront la création du parc urbain national, sa gestion et son fonctionnement. Cet engagement financier sans précédent permettra à Parcs Canada d'investir dans la conservation, la remise en état, l'éducation, le rétablissement des espèces menacées, l'expérience des visiteurs et les initiatives de gérance axées sur les collectivités, des investissements nécessaires. Le parc a grand besoin de ces fonds puisqu'il n'a reçu aucun financement public pour ses activités depuis 2012.

Le projet de loi dont nous sommes saisis s'inscrit dans la foulée du Plan de conservation national annoncé par le premier ministre Harper l'an dernier. En plus de mettre l'accent sur la conservation des terres et des eaux et la remise en état des écosystèmes, le plan vise à rapprocher les Canadiens de la nature. Le parc urbain national de la Rouge contribuerait grandement à l'atteinte de tous ces objectifs.

Le fait que près du cinquième de la population du Canada vive dans un rayon rapproché du parc imprègne l'initiative de la Rouge d'un sentiment d'enthousiasme et de possibilité. Les citadins qui n'ont pas ou n'ont que peu de contact direct avec la nature et qui ne connaissent pas l'appel de la nature, les joies d'une promenade en forêt ou la beauté des paysages ruraux du Canada pourront maintenant vivre cette expérience dans le réseau national d'aires protégées du Canada. La création d'un tout nouveau type de parc, en l'occurrence l'une des plus importantes aires urbaines protégées au monde, promet de mettre les générations futures en contact avec le remarquable patrimoine naturel, culturel et agricole du Canada.

Honorables sénateurs, je suis convaincu que, dans 100 ans, la décision de préserver ce lieu remarquable et d'en faire le premier parc urbain national du Canada sera perçue comme l'une des mesures de conservation en milieu urbain les plus avant-gardistes et les plus progressistes de notre époque; une mesure destinée à définir le Canada jusqu'à bien longtemps après que nous aurons quitté ce monde.

Pour toutes ces bonnes raisons, j'invite les honorables sénateurs à se joindre à moi pour appuyer le projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

Projet de loi corrective de 2014

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur McIntyre, appuyée par l'honorable sénateur McInnis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-47, Loi visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines dispositions ayant cessé d'avoir effet.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi du gouvernement et réclamer son adoption rapide, et pas seulement parce qu'il a été présenté par un brillant avocat et coureur de fond, le sénateur McIntyre, qui a récemment couru son 52e marathon.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Baker : Il a l'esprit d'un brillant juriste. Bien que je n'aie pas lu son discours à l'étape de la deuxième lecture — je n'étais pas là lorsqu'il l'a prononcé —, j'imagine que je souscrirais à tout ce qu'il a exprimé.

Honorables sénateurs, la raison pour laquelle j'appuie ce projet de loi du gouvernement est principalement pour mettre en lumière quelque chose que le Sénat fait, mais que très peu de gens reconnaissent. C'est en fait un projet de loi du Sénat. C'est un projet de loi du gouvernement qui remonte à 1975.

J'étais député à l'époque, et je me souviens d'avoir pris la parole sur une mesure du nom de « programme de lois correctives ».

(1530)

La Chambre des communes s'était rendu compte que, étant donné la lourdeur du processus d'adoption des lois à la Chambre et au Sénat, il devait exister une façon plus rapide et plus efficace d'apporter à l'occasion un grand nombre de changements mineurs à des lois.

Par conséquent, en 1974, nous avons décidé que le Sénat se chargerait en grande partie de cette tâche. Voici ce qui s'est passé. Nous avons déjà examiné ce projet de loi. Le sénateur Runciman et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles vous diront que nous nous sommes déjà penchés sur ce projet de loi.

Permettez-moi de vous expliquer le mécanisme. Le gouvernement décide de temps à autre qu'il faut apporter des changements à diverses lois fédérales. Dans le cas du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, il s'agit de 173 modifications. En vertu de l'article 14-1 du Règlement du Sénat, qui prévoit le dépôt de documents sur le bureau du greffier, un avant-projet de loi est présenté au Sénat. Il est aussi présenté à la Chambre des communes. C'est le seul système dont dispose le Parlement canadien pour faire approuver un projet de loi avant qu'il soit officiellement adopté. Sénateur McIntyre, j'image que, depuis 1974, le Parlement a suivi ce processus dans le cas de dizaines d'avant-projets de loi du même genre.

Je me souviens que le dernier a été présenté en 2001, ou aux environs de cette année-là. C'est bien cela, en 2001? Le comité du Sénat chargé de l'examiner a recommandé sept amendements au gouvernement de l'époque. Celui-ci a intégré ces amendements à l'avant-projet de loi, puis l'a renvoyé simultanément au Sénat et à la Chambre des communes. Par conséquent, il s'agit d'une façon pratique d'adopter des projets de loi lorsqu'il faut prendre en considération des questions d'ordre mineur.

Je songe ici au sénateur Doyle. Dans ce projet de loi, on remplace « Terre-Neuve » par « Terre-Neuve-et-Labrador », ce qui est un changement mineur dans la loi, mais il y a d'autres dispositions qui modifient les lois fédérales de façon assez importante.

Le comité sénatorial a étudié cet avant-projet de loi il y a un certain temps. À l'époque, le sénateur Runciman remplissait avec brio les fonctions de président du comité. La sénatrice Batters, le sénateur Boisvenu, la sénatrice Jaffer, le sénateur Dagenais, le sénateur Joyal, la sénatrice Frum, le sénateur McInnis, le sénateur Plett et le sénateur Meredith, je crois, étaient présents à ce moment-là. Il me semble aussi que notre whip a assisté à cette réunion.

Le Sénat a convoqué des témoins pour les 173 modifications, entendu leurs témoignages et fait des suggestions au gouvernement. Il faut remarquer qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi. C'est un avant-projet de loi que nous étudions. Le comité a suggéré au gouvernement d'apporter des changements. Voici donc le document final qui contient les changements recommandés par le Sénat.

Maintenant, vous vous dites peut-être que la Chambre des communes suit la même procédure de toute façon. Elle le fait, mais pas dans la même mesure que le Sénat, qui joue ce rôle depuis 40 ans. C'est une chose qui n'est généralement pas reconnue. Il s'agit d'un avant-projet de loi et il nous parvient de la façon prévue à l'article 14-1 des règles de procédure du Sénat.

Ces propositions sont évidemment accompagnées de restrictions, car elles ne doivent pas occasionner de dépenses. Elles ne peuvent pas traiter de mesures controversées, ni créer de nouvelles infractions, par exemple. Il existe une longue liste de dispositions qui ne peuvent pas être incluses dans l'avant-projet de loi, qui contient les amendements suggérés par le comité sénatorial, qui est finalisé, puis renvoyé au Sénat. Il suit alors le processus législatif habituel. Quelqu'un m'a fait penser à cela il y quelques instants. Ces autres sénateurs me disaient que j'avais tort parce que je disais une chose et qu'eux en disaient une autre. Ils m'ont convaincu que ce projet de loi devait suivre le processus habituel du Sénat, mais ce n'est pas ce que nous avions convenu ensemble en 1975.

J'ai admis qu'ils avaient raison, et il appartient au gouvernement et à l'opposition de décider ce qu'il adviendra du projet de loi. Néanmoins, je suggère fortement que nous approuvions ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture maintenant, et que nous cessions de faire traîner les choses. Le gouvernement a reconnu qu'il s'agit d'une priorité. J'abonde dans le même sens : c'est une priorité. Le Sénat l'a déjà passé au crible et il l'examinera de nouveau, bien entendu, pour s'assurer qu'il soit conforme à ce qu'il a recommandé, mais, honorables sénateurs, c'est l'une des fonctions du Sénat dont on ne parle pas beaucoup et que vous ne devriez jamais perdre de vue. Nous facilitons les modifications visant à corriger des anomalies, des contradictions et des erreurs, à apporter d'autres modifications mineures et non controversables aux Lois du Canada et à abroger certaines dispositions ayant cessé d'avoir effet. C'est l'un des rôles importants du Sénat, un rôle défini en 1975. Je le sais parce que, à cette époque, je faisais partie du comité. Chaque fois que des modifications ont été proposées dans des avant-projets de loi, le Sénat a fait une série de recommandations étoffée dont le gouvernement de l'époque — y compris le gouvernement actuel — a tenu compte, et nous devrions être fiers de cela. Le présent projet de loi ne fait pas exception, et je recommande fortement que nous l'adoptions rapidement, que nous réalisions le plus vite possible toutes les étapes du processus. Je ne dirais la même chose pour aucun autre projet de loi. Je ne dirais pas cela, mais je le dis pour celui-ci, car il s'agit vraiment d'une création. Le projet de loi a été examiné par un comité sénatorial présidé par le sénateur Runciman ainsi que par les autres sénateurs que j'ai mentionnés.

Je félicite le sénateur McIntyre et je suis tout à fait d'accord avec lui. Je lui souhaite la meilleure des chances pour son 53e marathon, qui aura lieu au printemps.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur McIntyre, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

(1540)

Le Sénat

Motion tendant à créer un comité spécial sur la péréquation et le fédéralisme fiscal—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénateur Munson,

Qu'un comité spécial sur la péréquation et le fédéralisme fiscal soit nommé pour examiner si les formules actuelles de péréquation et d'autres transferts fédéraux connexes nuisent à la capacité des Canadiens des diverses régions du pays d'accéder à des services publics de base sans être assujettis à des niveaux d'imposition très différents;

Que le comité soit composé de neuf membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et à présenter son rapport final au plus tard le 31 mars 2015.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'aimerais ajourner le débat à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

Le jour du Souvenir

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Cools, attirant l'attention du Sénat, en cette année qui marque le centenaire du début des hostilités de la Grande Guerre de 1914-1918, sur le 11 novembre, connu de tous sous le nom de Jour du Souvenir, journée de deuil national et collectif, journée de commémoration et d'hommage à tous ceux qui ont combattu et sont tombés au service de Dieu, du roi et de leur pays et dont nous saluons l'ultime sacrifice par des actes à la fois individuels et collectifs de prière et de commémoration à l'occasion desquels nous nous arrêtons un instant et penchons la tête dans un recueillement sacré à la onzième heure du onzième jour du onzième mois en l'honneur de tous ceux qui ont tant donné d'eux-mêmes; et :

Sur ceux qui ont servi dans la Première Guerre mondiale, qui a demandé tant de sacrifices, mobilisé et mis en service tant de millions d'hommes des deux côtés et fait tant de blessés et de morts; sur la contribution de notre jeune pays à cette guerre lointaine, où sont allés 620 000 hommes, soit le dixième de la population de l'époque, et où sont morts 60 661 hommes, soit le dixième du contingent; et sur l'obtention par le premier ministre conservateur Robert Borden d'un siège pour le Canada à la conférence de paix de Paris de 1919 et sur sa présence là-bas en compagnie de ses ministres; sur le respect que lui ont valu la contribution canadienne à la guerre et l'autonomie du Canada en matière d'affaires étrangères, de guerre et de paix; sur l'évolution des relations entre les chefs alliés et de leurs politiques nationales; et sur les Canadiens au pays et à l'étranger, notamment le premier ministre britannique né au Canada Andrew Bonar Law, et Max Aitken, connu sous le nom de lord Beaverbrook, qui étaient alors tous deux actifs sur la scène politique et qui, en 1922, ont cherché à éviter une nouvelle guerre à Chanak.

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la Grande Guerre et, plus précisément, de la participation de Terre-Neuve à cette guerre.

Lorsque la Grande-Bretagne a déclaré la guerre en 1914, sa plus vieille colonie, Terre-Neuve, un dominion de l'Empire britannique, est tombée automatiquement en guerre. Étant donné les liens étroits qu'avait toujours eus l'île avec la mère patrie, les hommes de toute l'île ont répondu à l'appel de volontaires et se sont enrôlés. La Royal Navy comptait déjà une unité de sa réserve à Terre-Neuve, qui était immédiatement disponible. Avec une population de seulement 242 000 habitants, Terre-Neuve était le plus petit dominion britannique autonome. Plus de 500 volontaires se sont tout de suite enrôlés. En octobre 1914, 538 Terre-Neuviens, portant des molletières bleues, sont montés à bord du SS Florizel, un bateau chasseur de phoques remis à neuf, et ont mis le cap sur l'Écosse et l'Angleterre, où ils allaient faire leur entraînement.

Il faut se rappeler que, dans un pays caractérisé par une si faible densité de population, les collectivités étaient particulièrement soudées. La plupart des hommes qui s'étaient enrôlés se connaissaient. C'étaient des frères, des cousins et des amis, réalité qui était particulièrement émouvante lorsque le nombre de victimes a commencé à grimper. On avait l'habitude de dire qu'à Terre-Neuve, même la guerre était une affaire de famille. Les Terre-Neuviens sont fiers de leur patrimoine, et c'est pourquoi ils n'ont pas voulu être intégrés dans l'armée canadienne ou britannique. Ils ont formé leur propre régiment, le Newfoundland Regiment.

Les sacrifices consentis par les Terre-Neuviens durant la Grande Guerre trouvent encore écho aujourd'hui. Les honorables sénateurs se souviendront sans doute qu'un des traversiers qui desservent Terre-Neuve est baptisé NM Blue Puttees, en hommage à ce régiment. Nous n'oublierons jamais le courage et les sacrifices des Blue Puttees.

En août 1915, une fois leur entraînement terminé, les soldats du Newfoundland Regiment ont débarqué à Alexandrie, puis au Caire, en Égypte, pour enfin aboutir dans la baie de Suvla, dans la péninsule de Gallipoli, en Turquie. Le matin du 20 septembre 1915, ils ont pris part à leur premier combat, et 15 d'entre eux ont été blessés. Je ne puis qu'imaginer ce que ces jeunes hommes ont dû vivre loin de chez eux, dans une autre culture et un autre climat. Ils ont sûrement remis en question leur décision de s'être enrôlés. Avant d'avoir quitté Gallipoli, le régiment avait perdu 45 hommes. Le Newfoundland Regiment était la seule unité nord-américaine à se battre à Gallipoli, aux côtés de soldats en provenance de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Inde. Les Terre-Neuviens faisaient également partie des dernières troupes à quitter la péninsule de Gallipoli, ayant contribué à l'évacuation réussie des troupes britanniques et de leurs alliés vers l'Égypte. En mars 1916, le Newfoundland Regiment a quitté l'Égypte pour se rendre en France. À leur arrivée dans le village de Beaumont-Hamel, en avril 1916, les soldats du régiment se sont préparés à ce qui allait devenir le massacre le plus marquant de l'histoire des Terre-Neuviens et des Britanniques.

Le Newfoundland Regiment faisait partie de la 29e Division britannique et, dans les jours ayant précédé le début de la bataille de la Somme, le 1er juillet 1916, les soldats de ce régiment ont participé aux raids préparatoires accompagnés de bombardements massifs des lignes allemandes. Les troupes britanniques, y compris les Terre-Neuviens, sortaient de leurs tranchées et avançaient en rangs serrés, épaule contre épaule. Pendant les sept jours ayant précédé la bataille comme telle, plus de 1,5 million d'obus ont été tirés. Les bombardements des Britanniques furent incessants. Les tranchées-abris s'effondrèrent, et des soldats allemands enterrés vivants suffoquèrent. On raconte que même les rats devinrent hystériques sous la pluie d'obus. Pourtant, les Britanniques et les Terre-Neuviens ne savaient pas ce qui les attendait. Le 1er juillet 1916, le bombardement final des alliés commença. C'était en plein jour, et la visibilité était parfaite. Les 100 000 soldats alliés étaient complètement à découvert, ce qui constituait un avantage énorme pour l'ennemi allemand.

Devant les troupes britanniques se trouvaient les barbelés allemands, que les bombardements étaient censés avoir démolis. Les soldats alliés n'arrivèrent pas à les traverser. Les Allemands sortirent leurs mitrailleuses, et la tuerie commença. Des bataillons entiers furent réduits à néant en l'espace de quelques minutes, mais l'ordre d'avancer fut maintenu à travers les corps des morts et des blessés. Beaucoup de soldats sont restés prisonniers des barbelés. Les équipes médicales britanniques furent débordées. Après la tombée du jour, beaucoup de blessés profitèrent de la noirceur pour regagner leurs lignes tant bien que mal. Ce fut le jour le plus meurtrier jamais vécu par l'armée britannique. Il fit 57 000 victimes, dont le tiers perdirent la vie. Aucune unité ne subit des pertes aussi importantes que le Newfoundland Regiment.

Sur les 790 hommes du Newfoundland Regiment qui prirent part à la bataille ce jour-là, seulement 68 répondirent à l'appel le lendemain. Les quelques Terre-Neuviens qui survécurent à cette journée en rapportèrent des récits épouvantables de ce qui était arrivé à leurs frères, leurs cousins et leurs amis. On compara la ligne de front à un abattoir où les blessés se traînaient au sol et tombaient dans les tranchées. Ceux qui survécurent prièrent pour que les familles, en particulier les mères, ne sachent jamais comment leurs fils trouvèrent la mort.

La bataille de la Somme frappa si durement la population de Terre-Neuve-et-Labrador qu'elle est encore commémorée chaque année, le 1er juillet. Tandis que, d'un bout à l'autre du pays, on célèbre la fête du Canada, les gens de Terre-Neuve-et-Labrador célèbrent le jour du Souvenir et rendent hommage à leurs ancêtres sacrifiés lors de la bataille de la Somme.

La bataille de la Somme désigne finalement 12 affrontements qui se sont déroulés du 1er juillet au 18 novembre 1916. Elle s'est terminée à cause des mauvaises conditions du temps. La pluie et la neige mouillée ont rendu le terrain impossible. Vivre dans ces conditions était devenu une épreuve physique impossible pour les soldats. Le sol était un énorme marécage. Les abris s'effondraient et les liens de communications avec les tranchées étaient coupés. L'artillerie ne pouvait plus être déplacée et les hommes mourraient en essayant de traverser le sol marécageux.

La bataille de la Somme n'a pas permis aux Alliés de faire des gains importants. Les quatre mois d'assaut contre les lignes allemandes ont donné de bien maigres résultats. Une bande de terre de 20 milles sur 6 milles a été prise à grands frais : on estime que les forces britanniques et du Commonwealth ont perdu 420 000 hommes; la France en a perdu 204 000 et l'Allemagne, entre 437 000 et 680 000.

On a beaucoup écrit sur la bataille de la Somme, sur l'incompétence du niveau de commandement supérieur et sur le sacrifice absurde de milliers de jeunes hommes. Les Terre-Neuviens qui ont survécu à cet épisode racontent l'extraordinaire courage des soldats, les souffrances inconcevables qu'ils ont endurées ainsi que les atrocités de la guerre.

Les Terre-Neuviens et les Labradoriens qui ont participé à la Première Guerre mondiale ont servi leur pays sur terre, en mer et dans les airs. Certains ont activement combattu à Gallipoli, en France et en Belgique. D'autres se sont portés volontaires en tant qu'infirmiers, ou dans la marine marchande pour le transport de biens essentiels aux pays alliés. En tout, 8 700 hommes se sont enrôlés dans les trois services : 6 300 dans le Royal Newfoundland Regiment, 2 000 dans la Royal Navy Reserve et environ 500 dans le Newfoundland Forestry Corps. En outre, 3 300 hommes ont joint les rangs du Corps expéditionnaire canadien. Pour poursuivre notre tradition de navigation en haute mer, plus de 5 000 hommes ont servi dans la marine marchande. De plus petits nombres d'hommes ont servi au sein de diverses autres forces comme la Royal Air Force et les forces armées d'autres pays.

(1550)

Les quelque 12 000 hommes qui ont servi dans les forces armées britanniques et canadiennes représentaient 10 p. 100 de la population masculine de Terre-Neuve et 36 p. 100 de tous les hommes en âge de servir dans l'armée.

Le Newfoundland Regiment a combattu à Gallipoli, à Beaumont-Hamel, à Gueudecourt, à Monchy-le-Preux, à Cambrai et ailleurs. Sa bravoure lui a valu le titre de « royal » en décembre 1917, un honneur qu'aucun autre régiment britannique n'a reçu pendant la Première Guerre mondiale.

Les 2 000 hommes de la Newfoundland Royal Naval Reserve ont été affectés partout dans la Royal Navy et ont servi sur des navires qui sillonnaient la planète. Winston Churchill a dit d'eux qu'ils formaient « les meilleurs équipages de petits bateaux au monde ».

Les 481 bûcherons et travailleurs de scierie qualifiés qui ont servi à l'étranger au sein du Newfoundland Forestry Corps ont contribué à fournir du bois d'œuvre pour la construction de tranchées-abris et de chemins de fer qui ont servi à transporter les soldats et le matériel.

Un grand nombre mais non la totalité des 3 000 Terre-Neuviens et Labradoriens qui se sont enrôlés dans le Corps expéditionnaire canadien au cours de la Première Guerre mondiale vivaient au Canada lorsque la guerre a éclaté. Ils ont participé à de nombreux combats célèbres, dont Ypres en 1915, la Somme en 1916 et la crête de Vimy en 1917.

Cinq mille Terre-Neuviens et Labradoriens ont servi dans la marine marchande et ont travaillé sur des navires non militaires qui transportaient des passagers et du fret vers des ports alliés ou neutres. La plupart d'entre eux ont servi dans le Nord de l'Atlantique, une région sur laquelle les U-boote allemands ont fait peser une menace grandissante au cours de la guerre. Au moins 115 membres de la marine marchande sont morts pendant la Première Guerre mondiale.

Environ 175 femmes ont servi à l'étranger à titre d'infirmières diplômées et d'infirmières semi-formées. Les Terre-Neuviennes travaillaient de longues heures pendant lesquelles elles soignaient des soldats gravement blessés. Elles ont également joué d'autres rôles, comme celui de conductrices d'ambulances. Lorsque la guerre a pris fin, ces femmes n'ont pas été en mesure de s'adapter et de reprendre leur rôle de ménagères. Plusieurs d'entre elles ont intégré le mouvement suffragiste et ont obtenu, en 1925, le droit de vote pour les Terre-Neuviennes.

Terre-Neuve et le Labrador ont subi de lourdes pertes durant la Première Guerre mondiale : environ 1 500 morts et 2 300 blessés.

Quand le père Tom Nangle, l'aumônier catholique du Royal Newfoundland Regiment, a été chargé de commémorer les activités du régiment lors de la Première Guerre mondiale, il a eu l'idée de créer ce qu'on appelle maintenant le « sentier du Caribou », qui marque l'emplacement des cinq plus importants combats auxquels les Terre-Neuviens aient participé. Les champs de bataille sélectionnés furent les suivants : Beaumont-Hamel, dont j'ai déjà parlé; Gueudecourt, où 76 Terre-Neuviens et Labradoriens ont perdu la vie en octobre 1916; Cambrai, où 110 Terre-Neuviens sont morts en novembre et en décembre 1917; Monchy, où les Terre-Neuviens et Labradoriens ont vécu leur deuxième pire journée de la guerre le 14 avril 1917, perdant 189 des leurs; et, enfin, Courtrai, en Belgique, où 93 Terre-Neuviens et Labradoriens sont décédés en septembre et en octobre 1918.

Tout comme les Canadiens marchaient en arborant l'insigne de la feuille d'érable pour les distinguer des autres forces combattantes, les Terre-Neuviens, quant à eux, portaient l'emblème du noble caribou, un animal natif de notre région.

Dans les cinq champs de bataille où le Newfoundland Regiment a accompli des exploits glorieux, on trouve un énorme caribou de bronze qui regarde à l'horizon, d'un air de défi, vers l'endroit où nos soldats affrontaient l'ennemi. Beaucoup de nos morts n'ont pas de sépulture connue et leur nom figure uniquement sur le monument commémoratif de Beaumont-Hamel, en France.

Même si les soldats ont vécu dans des conditions terribles loin de chez eux, les membres de leur famille ont aussi souffert. Les gens ne savaient souvent pas où se trouvaient leurs fils et leurs frères et, dans certains cas, ne savaient même pas s'ils étaient vivants ou morts. Parfois, on leur disait que les membres de leur famille étaient vivants ou blessés, alors qu'ils étaient morts. Dans d'autres cas, des soldats qui avaient été déclarés morts étaient en réalité vivants.

Bien souvent, on ne retrouvait pas le corps des soldats décédés, ce qui exacerbait la souffrance des familles. Certaines familles refusaient d'abandonner tout espoir, s'accrochant à la possibilité que leur fils ou leur frère ait été fait prisonnier de guerre.

Pour les familles des soldats décédés dont les corps ont été identifiés, l'endroit où ils allaient être enterrés et ce qui allait être inscrit sur leur tombe avaient beaucoup d'importance. Les effets personnels des soldats n'étaient pas toujours retournés aux familles, ce qui causait encore plus de souffrances à celles-ci. On a retrouvé des corps de soldats tombés au combat lors de la Première Guerre mondiale des années après la fin de la guerre. En 1933, 872 corps de soldats britanniques ont été retrouvés sur les champs de bataille en France.

Durant la Première Guerre mondiale, 180 membres du Royal Newfoundland Regiment ont été faits prisonniers. Le tiers d'entre eux ont été capturés le même jour, le 15 avril 1917, lors de la bataille de Monchy-le-Preux.

Les prisonniers de guerre de Terre-Neuve, comme la plupart des prisonniers de guerre, ont souffert aux mains de leurs geôliers. Ils n'étaient pas incarcérés dans la même prison, étaient souvent déplacés, recevaient des rations de famine et travaillaient de longues heures dans des mines, sur des chemins de fer ou dans des usines. Ils étaient habituellement traités sans ménagement par leurs gardiens. Plusieurs d'entre eux n'avaient pas de couvertures ou de vêtements chauds. Des 180 Terre-Neuviens qui ont été faits prisonniers, 38 sont morts pendant leur captivité.

Après la Première Guerre mondiale, il a été décidé que les noms de tous les soldats, marins ou aviateurs qui sont morts durant la guerre seraient inscrits sur une pierre tombale ou, pour ceux dont on ignorait où se trouvait la tombe, sur un monument commémoratif. Terre-Neuve a décidé d'honorer la mémoire des soldats disparus sur un monument commémoratif à Beaumont-Hamel, où des Terre-Neuviens ont fait le sacrifice ultime. Les noms de 820 soldats qui n'ont pas de sépulture connue figurent sur le monument commémoratif. De ce nombre, 114 ont servi dans la réserve de la Royal Navy, 115 dans la marine marchande et 591 dans le Royal Newfoundland Regiment. Il y a 17 familles dont plus d'un membre a son nom gravé sur le monument. Certains des soldats dont le nom y figure ont des frères ou des sœurs qui sont enterrés tout près.

Certaines familles de Terre-Neuve ont perdu trois fils. Les trois quarts de ceux dont les noms figurent sur le monument avaient 21 ans ou moins lorsqu'ils sont décédés.

En plus des monuments commémoratifs du « sentier du Caribou », il existe un sixième caribou en bronze au parc Bowring et un mémorial national à St. John's, à Terre-Neuve, pour commémorer les soldats tombés au combat pendant la Première Guerre mondiale.

Au sommet du Mémorial national à St. John's se dresse une femme arborant une torche allumée et une épée, symbolisant la loyauté de Terre-Neuve envers l'Empire britannique. De chaque côté du monument se trouvent un marin, qui représente la Royal Naval Reserve; un soldat, qui représente le Royal Newfoundland Regiment; un pêcheur, qui représente la marine marchande; et un bûcheron, qui représente les contributions du Forestry Corps.

La Première Guerre mondiale a été surtout un conflit européen auquel ont toutefois participé des pays d'ailleurs dans le monde, comme tous ceux du Commonwealth ainsi que ses colonies. Ils ont souffert, à l'instar des Terre-Neuviens et Labradoriens. On estime entre 8,5 et 10 millions le nombre d'hommes tués pendant la guerre. La Grande-Bretagne et ses alliés ont mobilisé environ 42 millions d'hommes, dont cinq millions ont été tués et environ 13 millions, blessés. Les Puissances centrales (l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Turquie et la Bulgarie) ont mobilisé plus de 23 millions d'hommes. Trois millions et demi d'entre eux ont perdu la vie tandis que neuf millions ont été blessés.

La guerre a aussi causé la mort d'un grand nombre de civils. Les alliés de la Grande-Bretagne ont perdu environ trois millions de civils, surtout russes. Les Puissances centrales ont aussi perdu environ trois millions de civils. Nombre d'historiens estiment que le nombre de personnes tuées et blessées est peut-être sous-représenté.

Bien des gens ont pensé que la Première Guerre mondiale — la Grande Guerre — serait « la guerre qui mettrait fin à toutes les guerres » à cause de toute la souffrance qu'elle a causée. Malheureusement, ce ne fut pas le cas et, une génération plus tard, de jeunes hommes et de jeunes femmes, à Terre-Neuve, au Canada et dans le monde entier, seraient appelés encore une fois à consentir le sacrifice ultime.

Merci.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Je tiens à remercier la sénatrice Marshall pour ce discours remarquable. Je la remercie notamment d'avoir consigné au compte rendu la terrible histoire de la participation terre-neuvienne à cette guerre. Bien qu'elle se soit inscrite de façon unique dans l'histoire des Terre-Neuviens et des Labradoriens, c'est une réalité qui fait maintenant partie de l'histoire de tous les Canadiens.

Il y a quelques années, à l'occasion du 95e anniversaire, j'ai fait partie d'une délégation qui accompagnait le ministre des Anciens Combattants à la cérémonie de commémoration de la bataille de la Somme. Le sénateur Plett faisait partie de la même délégation. Il s'agissait d'une délégation importante, composée de parlementaires, du ministre, d'anciens combattants, de représentants de la GRC et des forces armées, et bien sûr, de représentants du ministère des Anciens Combattants, et les Terre-Neuviens y étaient représentés dans une proportion importante en raison de cet anniversaire.

(1600)

Nous sommes allés à Beaumont-Hamel. Je ne l'oublierai jamais. Lorsqu'on se tient là et qu'on voit ce terrain, on ressent deux émotions contradictoires : la colère face à ce que la sénatrice Marshall a appelé l'incompétence des dirigeants, et la douleur. On a ordonné à ces jeunes hommes de descendre la crête d'une colline et de se diriger vers les positions fixes allemandes, au pied de la colline; les Allemands n'avaient qu'à lever les yeux pour voir se découper la silhouette des jeunes hommes à l'horizon et les abattre. Il y a des arbres sur la crête, maintenant, mais il n'y en avait pas à l'époque. Ces garçons étaient des cibles parfaites. Un observateur a déclaré qu'ils se sont tout de suite rendu compte de ce qu'ils faisaient; ils se sont penchés et ils ont marché à travers les rafales de balles comme au milieu d'un blizzard, mais ils continuaient d'avancer. Ils continuaient d'avancer. Nous avons tous pleuré. Que faire d'autre?

Comme je l'ai dit au Sénat lorsque le sénateur Rompkey a pris sa retraite, je n'oublierai jamais non plus notre visite, un ou deux jours plus tard, au cimetière de Gueudecourt, où, à peine trois mois plus tard, ce régiment avait été reconstitué et reformé avec des soldats de Terre-Neuve, qui ont combattu ce jour-là. Comme l'a dit la sénatrice Marshall, certains sont morts, trop d'entre eux sont morts, mais ils ont atteint leur objectif ce jour-là. Nous leur avons rendu hommage. Puis, spontanément, tous les membres de la délégation qui venaient de Terre-Neuve se sont regroupés sous les arbres, devant le caribou de bronze, et ils ont chanté tous les couplets de l'Ode to Newfoundland. Oui, il aurait été très facile de pleurer encore une fois, mais nous ressentions également un sentiment de fierté et de respect pour la mémoire que ces Terre-Neuviens ont perpétuée durant toutes ces années et qu'ils continueront de perpétuer.

Tout ce que je voulais dire, c'est que respecter le caractère unique de la mémoire de Terre-Neuve-et-Labrador ne signifie pas que nous n'avons pas éprouvé de la peine et que, dans une certaine mesure, nous n'en avons pas tiré gloire.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

Le maintien de la paix

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Cools, attirant l'attention du Sénat, en cette année qui marque le centenaire du début des hostilités de la Grande Guerre de 1914-1918, sur le 11 novembre, connu de tous sous le nom de Jour du Souvenir, journée de deuil national et collectif, journée de commémoration et d'hommage à tous ceux qui ont combattu et sont tombés au service de Dieu, du roi et de leur pays et dont nous saluons l'ultime sacrifice par des actes à la fois individuels et collectifs de prière et de commémoration à l'occasion desquels nous nous arrêtons un instant et penchons la tête dans un recueillement sacré à la onzième heure du onzième jour du onzième mois en l'honneur de tous ceux qui ont tant donné d'eux-mêmes; et :

Sur la sérénité des Canadiens et des Britanniques, libérés de la peur et du chagrin de devoir à nouveau envoyer leurs fils bien-aimés à la guerre; sur leur apaisement providentiel; sur l'appui unanime des Canadiens à la position du premier ministre Mackenzie King contre la guerre dans l'affaire de Chanak; sur les Canadiens comme John Wesley Dafoe, le grand journaliste et rédacteur en chef du Manitoba Free Press, plus tard appelé le Winnipeg Free Press, qui a accompagné la délégation du premier ministre Robert Borden à la conférence de paix de Paris de 1919, a appuyé la position du Canada dans l'affaire de Chanak et s'est vivement opposé à ce que le Canada et les autres Dominions envoient là-bas des troupes comme le leur demandait le premier ministre Lloyd George; sur le brillant compte rendu que John Dafoe a donné de la volonté des Canadiens et de leur gouvernement de vivre sans faire la guerre aux gens qui ne leur faisaient rien et notamment sur l'article historique qu'il a publié dans le Manitoba Free Press sous le titre The Rise of the Commonwealth Dominion Responsibility for External Affairs; sur l'influence du Canada sur la politique de la Grande-Bretagne et des autres Dominions; sur la décision ferme, raisonnée et justifiée de ne pas envoyer de troupes à Chanak; sur la paix durable négociée par le premier ministre britannique né au Canada Andrew Bonar Law avec la Turquie dans le traité de Lausanne, toujours en vigueur; et sur la profonde vérité voulant que le plus grand acte de paix consiste simplement à ne pas faire la guerre inutilement et à ne jamais faire la guerre par ambition.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : J'aimerais ajourner le débat à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 4 février 2015, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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