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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 151

Le jeudi 11 juin 2015
L'honorable Leo Housakos, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 11 juin 2015

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le Sénat

Hommage à des pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais saluer deux de nos pages qui nous quittent.

Karine Déquier entame sa dernière année au programme de baccalauréat ès arts à l'Université d'Ottawa, combinant une majeure en psychologie et une mineure en communications. Après avoir obtenu son diplôme, elle compte poursuivre ses études en communications et explorer les possibilités de carrière dans la région de la capitale nationale.

Elle est reconnaissante d'avoir pu travailler comme page au Sénat et est impatiente de mettre à contribution les compétences et les connaissances qu'elle y a acquises dans sa future carrière.

Félicitations.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Je salue également James Brown. Lorsqu'il aura terminé son mandat au Sénat, James compte déménager à Montréal, une ville qu'il adore et qu'il est emballé d'habiter, affirmant même que c'est la plus belle ville du monde. Il suspendra ses études pendant un an et retournera les compléter pour obtenir un baccalauréat en philosophie de l'Université McGill.

James souhaite se réaliser dans divers domaines et être la fierté de sa province, l'Île-du-Prince-Édouard.

C'est déjà fait.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Sheila Watt-Cloutier, O.C.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à Mme Sheila Watt-Cloutier qui, le 29 mai dernier, s'est vu remettre un doctorat honorifique en droit lors de la cérémonie de remise des diplômes à la faculté de droit Schulich de l'Université Dalhousie, à Halifax. Elle est la sœur de notre collègue, le sénateur Charlie Watt, qui sait lui-même fort bien défendre le peuple inuit et sa culture arctique.

Mme Watt-Cloutier n'en est pas à son premier prix ou à sa première distinction, loin de là. Elle était candidate au prix Nobel de la Paix en 2007 — l'année où Al Gore a remporté le prix, et il s'en est fallu de peu. Elle a également reçu le prix de développement humain Mahbub ul Haq des Nations Unies, ainsi que 16 autres diplômes honorifiques. Elle est Officier de l'Ordre du Canada et, en 2012, le gouvernement a lancé un timbre à son effigie.

Née à Kuujjuaq, au Nunavut, dans le Nord du Québec, Mme Watt-Cloutier est une militante de longue date qui défend ardemment les peuples autochtones, leur culture et leur environnement, tant au Canada qu'à l'échelle internationale. Élue présidente du Conseil de l'Arctique en 1995, elle a été réélue en 1998, puis elle a assumé la présidence en 2002. C'est là qu'elle a joué un rôle crucial en participant à l'élaboration de la convention de Stockholm de 2001, qui a interdit la production et l'utilisation de polluants organiques à l'origine de la contamination de la chaîne alimentaire de l'Arctique.

Mme Watt-Cloutier a également fait figure de pionnière lorsqu'elle a mis en évidence le lien entre les droits de la personne et les changements climatiques. Ce lien a été essentiel pour améliorer la protection de l'environnement de l'Arctique et, par le fait même, la protection de la culture des gens du Nord canadien.

Elle a récemment publié ses mémoires dans un livre intitulé The Right to Be Cold, où elle décrit son travail de militante pour la culture inuite, les droits des Autochtones et la protection des écosystèmes de l'Arctique.

Dans son discours à la cérémonie de remise des diplômes de l'Université Dalhousie, Mme Watt-Cloutier a affirmé que ce diplôme venait boucler la boucle de ses études, depuis ses années passées à l'école maternelle à Glace Bay, en Nouvelle-Écosse, jusqu'à l'obtention de ce diplôme honorifique à Halifax. Mme Watt-Cloutier a ensuite parlé avec passion de l'Arctique, qu'elle considère comme son université, comme notre université, et elle a mis en garde les diplômés et les membres de leur famille présents dans la salle contre sa disparition graduelle attribuable à la mauvaise gestion de l'environnement et à l'inaction dans le dossier des changements climatiques. Elle a souligné que nous devons être des gardiens vigilants de cette université arctique et travailler à maintenir son état naturel, non seulement pour les Inuits, mais pour tout le monde, et ce, pendant des générations à venir.

Au nom du Sénat du Canada, je félicite sincèrement Mme Watt- Cloutier et je l'invite à continuer de se battre pour l'avenir écologique de l'Arctique.

Les droits des personnes atteintes d'albinisme

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, l'albinisme est une maladie génétique rare qui empêche le corps de produire de la mélanine, le pigment qui donne la coloration à la peau et qui favorise le développement des yeux.

En Amérique du Nord et en Europe, environ 1 personne sur 20 000 est atteinte d'une forme ou une autre d'albinisme. Les cas sont toutefois beaucoup plus fréquents en Afrique de l'Est : environ 1 personne sur 1 400.

On peut lire ce qui suit dans un rapport publié en février 2015 par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies :

En octobre 2014, on avait recensé, dans 25 pays différents, 340 agressions à l'endroit de personnes atteintes d'albinisme, dont 134 meurtres.

La discrimination et la violence à l'endroit des albinos sont particulièrement graves en Afrique de l'Est. Le réalisateur d'un documentaire sur le sort réservé aux albinos en Tanzanie nous apprend ceci :

En swahili, les albinos sont des « zeru-zeru », c'est-à-dire des « fantômes ». La population locale croit qu'ils ont des pouvoirs spéciaux et que leurs membres peuvent être utilisés pour fabriquer des potions magiques et des amulettes.

Josephat Torner, militant de la Société des albinos de Tanzanie, témoigne :

Bien des gens croient que nous sommes des fantômes. Pour eux, nous ne sommes pas des êtres humains. Comment pourrions-nous alors être vivants? On nous chasse comme des proies. On nous coupe les bras et les jambes. Nous vivons constamment dans la peur, car nous ne savons pas qui sont nos amis et qui sont nos ennemis. N'importe qui peut nous trahir.

Les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer pour que les personnes atteintes d'albinisme puissent jouir de leurs droits. Ils peuvent contribuer à sensibiliser les gens dont les croyances et les pratiques culturelles sont marquées par la superstition.

Les politiciens ne doivent pas non plus perpétrer des crimes contre les personnes atteintes d'albinisme, surtout en période préélectorale. C'est pourquoi l'Association parlementaire Canada-Afrique a adopté une résolution exhortant les parlementaires à jouer un rôle de premier plan dans la défense des droits des personnes atteintes d'albinisme. Nous continuerons d'accorder la plus haute priorité à cette question.

En prévision de la toute première Journée internationale de sensibilisation à l'albinisme, qui aura lieu le samedi 13 juin 2015, j'exhorte les sénateurs à se joindre à leurs collègues de tous les partis, ici et à la Chambre des communes, pour défendre les droits des personnes atteintes d'albinisme partout dans le monde.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je partage les sentiments exprimés aujourd'hui par la sénatrice Andreychuk et, hier, par le sénateur Scott Tannas. Ce sont des choses troublantes à lire, mais il est important d'en prendre connaissance.

Honorables sénateurs, je n'étais pas du tout conscient des atrocités subies par les albinos africains jusqu'à ce que l'on remette une brochure ou une petite carte aux membres de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Afrique lors de notre voyage à Dar es Salaam, en Tanzanie. Un homme d'âge moyen, qui était atteint d'albinisme, nous a implorés de lire la brochure, et il regardait par-dessus son épaule comme s'il était pourchassé. La sénatrice Andreychuk était présente cette journée-là, et je sais qu'elle a, elle aussi, été ébranlée par ce que nous avons appris.

En Tanzanie, les adeptes de la sorcellerie croient qu'ils deviendront riches et heureux s'ils boivent une potion faite avec le sang, ainsi que les organes et les membres broyés, des albinos. Ce n'était pas facile à dire. Les sorciers font la promotion de cette croyance et encouragent la haine envers les albinos. En Tanzanie, on enlève des bébés, des enfants, des femmes et des hommes et on leur coupe les membres alors qu'ils sont encore vivants. D'autres sont assassinés. Des gens trahissent leurs voisins, leurs amis; des maris trahissent leur femme. Un seul membre peut rapporter environ 2 000 dollars américains; un corps entier, jusqu'à 75 000 $, paraît-il.

(1340)

Comme la sénatrice Andreychuk l'a mentionné, durant notre visite, elle et moi avons rencontré Vicky Ntetema. En 2007, alors qu'elle était collaboratrice pigiste de la BBC, elle a mené une enquête et publié des articles sur la corruption et les motivations financières des sorciers et d'autres personnes en Tanzanie, son pays natal. À la suite de son excellent travail, elle a été menacée de mort et a été forcée de se cacher. Depuis 2010, elle est directrice exécutive, Médias et affaires internationales, de l'organisme Under The Same Sun, dont la mission est d'aider les personnes atteintes d'albinisme qui sont défavorisées et marginalisées.

Le fondateur de cet organisme est Peter Ash, un Canadien lui- même atteint d'albinisme. Grâce à son organisme, il offre un programme de sensibilisation visant à éliminer les stéréotypes injustes qui sont véhiculés au sujet de l'albinisme.

Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a adopté une résolution faisant du 13 juin 2015 la première Journée internationale de sensibilisation à l'albinisme.

Nous ne pouvons pas tourner le dos à la crise qui sévit en Tanzanie. C'est une crise humaine; les frontières et les distances ne signifient plus rien. Cela se produit aussi dans d'autres pays africains.

Honorables sénateurs, avec les sénateurs Tannas et Andreychuk, je vous invite à vous renseigner au sujet de l'albinisme et de la résolution des Nations Unies. C'est un bon point de départ pour réparer les torts causés à une population vulnérable de l'Afrique de l'Est.

Le Nigeria

Les attaques terroristes de Boko Haram

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Il y a plus d'un an, le monde était horrifié par l'enlèvement de plus de 200 jeunes filles de Chibok, au Nigeria, par Boko Haram. Ce groupe extrémiste terrorise la population de cette partie du globe depuis 2002. C'est lui qui est responsable de l'attentat commis contre un édifice de l'ONU à Abuja et qui a kidnappé de très nombreuses jeunes filles un peu partout au Nigeria.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous raconter aujourd'hui l'histoire d'une des jeunes filles enlevées à Chibok. La première fois qu'Abigail John a essayé d'échapper aux griffes de Boko Haram, elle s'est fait prendre. Les conséquences furent brutales : elle a été remise en captivité et battue par ses geôliers.

La deuxième fois a été plus fructueuse. L'armée nigériane venait de lancer un raid contre le site de Boko Haram où se trouvait Abigail. Celle-ci a alors profité des frappes aériennes pour tenter de nouveau sa chance. Cette fois, elle a réussi à s'échapper, et je suis ravie de dire qu'elle est aujourd'hui soignée à Yola, au Nigeria.

L'histoire d'Abigail me laisse un arrière-goût amer. Je suis évidemment contente qu'elle puisse recommencer à vivre sa vie, mais je ne puis m'empêcher de songer à toutes celles qui n'ont pas réussi à s'échapper. Personne ne sait ce qui leur est arrivé. J'ose à peine penser au traitement qu'on leur fait subir.

Honorables sénateurs, j'ai assisté tout récemment à une activité organisée à l'Université Carleton en l'honneur du Jour de la démocratie au Nigeria. J'y ai rencontré l'ambassadeur du Nigeria, qui m'a appris que le président nouvellement élu, M. Buhari, a promis de retrouver les jeunes filles enlevées par Boko Haram à Chibok.

Cet engagement de la part des autorités nigérianes est attendu depuis longtemps, et je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'elles tiennent parole. Jusqu'ici, la population avait lancé la campagne #BringBackOurGirls — ce qui veut dire « ramenez-nous nos filles » — sur les médias sociaux afin d'attirer l'attention des autorités sur enlèvements qui ont eu lieu à Chibok. Aujourd'hui, je vous annonce que je lance ma propre campagne, qui s'intitule « Président Buhari, retrouvez les jeunes filles de Chibok ».

Les jeunes filles de Chibok ont été enlevées il y a 423 jours. Je vais afficher le décompte sur mon site web pour montrer le nombre de jours qu'il faudra au président Buhari pour honorer sa promesse. Il est président depuis 13 jours.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer cette initiative. Ces jeunes filles doivent rentrer chez elles.

Président Buhari, ramenez les filles de Chibok chez elles.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Petronila P. Garcia, ambassadrice de la République des Philippines. Elle est accompagnée du chef de mission adjoint, Uriel Norman Garibay, du ministre et consul général, Eric Gerardo E. Tamayo, du ministre et consul, Porfirio M. Mayo Jr., du fondateur et directeur général de la Philippine Heritage Band, Oscar Farinas, et de la présidente actuelle, Caroline Bañez, ainsi que des membres du conseil d'administration. Elle est également accompagnée du président du Silayan Community Centre, Ben Ferrer, et de Mario Alpuerto et de Fe Paca-Taduran, de la Philippine Canadian Charitable Foundation. Ils sont des invités de l'honorable sénateur Enverga.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les Philippines

Le cent dix-septième anniversaire de l'indépendance

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour porter à votre attention que demain, le 12 juin, on soulignera le jour où, pour la première fois, le drapeau philippin a été hissé il y a 117 ans et l'indépendance du pays a été déclarée. Ce moment historique a marqué la fin de 333 années de domination espagnole. Les Canadiens d'origine philippine d'un bout à l'autre du pays se réuniront avec leur famille et leurs amis pour célébrer notre fier État insulaire et sa population diversifiée.

C'est une célébration de plus en plus visible alors que les Philippines sont devenues, l'année dernière, le pays d'où proviennent le plus grand nombre de résidents permanents. Nous avons accueilli plus de 40 000 nouveaux résidents permanents en provenance de ce pays au cours de l'année 2014, ce qui est une augmentation de plus de 30 p. 100 par rapport aux années antérieures. C'est encourageant pour plusieurs d'entre nous qui ont fait du Canada notre nouvelle patrie.

Ce dont je suis le plus fier, en tant que Canadien d'origine philippine, c'est de voir que mes compatriotes kababayans, comme nous nous appelons entre nous, s'intègrent très bien dans leur milieu de vie canadien. Notre contribution s'étend à la fonction publique, aux œuvres de charité et à la croissance économique. Nous faisons cette contribution en tant que Canadiens fiers de leur pays.

Honorables sénateurs, je voudrais souligner un excellent exemple du dévouement dont je parle envers nos concitoyens.

Cette année, la fanfare patrimoniale philippine de Vaughan, en Ontario, célèbre son 35e anniversaire. Lauréate de plusieurs prix, cette fanfare joue dans des défilés comme toutes les autres fanfares du genre et enrichit notre paysage multiculturel. Mais surtout, certains considèrent que cette fanfare est un véhicule de développement de la jeunesse et qu'elle est un lieu de rencontre où les adultes et les jeunes peuvent se retrouver et apprendre les uns des autres.

En plus de donner de la formation musicale, la fanfare philippine organise toute une gamme de colloques, d'ateliers et d'autres activités qui, par exemple, portent sur la prévention de la criminalité et de la toxicomanie, permettent aux participants de développer leurs qualités de chef ou s'inscrivent dans des programmes de sports ou de stages printaniers plus généraux. La fanfare a aussi un programme de bourses d'études pour aider les jeunes doués et prometteurs.

Honorables sénateurs, la dernière fois que j'ai vu jouer la fanfare philippine, c'était au début de mai. Elle se produisait devant Son Excellence Benigno S. Aquino III, président des Philippines, et devant le très honorable Stephen Harper, premier ministre du Canada, sur la scène du Roy Thomson Hall, à Toronto. Les deux dirigeants scellaient alors le renforcement des relations bilatérales entre le Canada et la République des Philippines.

Je tiens à remercier le fondateur de la fanfare, Oscar Farinas, d'avoir eu la vision de créer ce groupe en 1980, et je tiens à remercier Caroline Bañez, l'actuelle présidente, non seulement d'avoir fait en sorte que la fanfare reste un organisme solide et dynamique, mais aussi de tout le bon travail que l'organisme fait dans notre collectivité.

Honorables sénateurs, je veux terminer dans ma langue maternelle, la langue non officielle qui connaît la croissance la plus rapide au Canada, le tagalog.

Maligayang araw ng kalayaan sa inyong Iahat. Joyeuse Fête de l'indépendance des Philippines à vous tous. Mabuhay et merci.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

L'Association parlementaire Canada-Afrique

Dépôt de la Résolution exhortant les parlementaires à faire preuve de leadership dans la défense des droits des personnes atteintes d'albinisme

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, conformément à l'article 14-1(3) du Règlement, je demande la permission de déposer le document intitulé Résolution de l'Association parlementaire Canada-Afrique exhortant les parlementaires à faire preuve de leadership dans la défense des droits des personnes atteintes d'albinisme.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(1350)

Projet de loi sur l'accord définitif sur l'autonomie gouvernementale de Deline

Projet de loi modificatif—Présentation du onzième rapport du Comité des peuples autochtones

L'honorable Dennis Glen Patterson, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le jeudi 11 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

ONZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-63, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif sur l'autonomie gouvernementale de Deline et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 10 juin 2015, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
DENNIS GLEN PATTERSON

Son Honneur le Président : Honorable sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5b) du Règlement, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Tannas, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

L'étude sur le potentiel d'accroissement du commerce et de l'investissement entre le Canada, les États-Unis et le Mexique

Dépôt du dixième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé Voisins nord-américains : maximiser les occasions et renforcer la coopération pour accroître la prospérité.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Présentation du trentième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 11 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

TRENTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 28 mai 2015, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
BOB RUNCIMAN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur McInnis, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Droits de la personne

Budget et autorisation d'embaucher du personnel—L'étude sur les mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières—Présentation du douzième rapport du comité

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, présente le rapport suivant :

Le jeudi 11 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a l'honneur de présenter son

DOUZIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 27 février 2014 à examiner, pour en faire rapport, les mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada pour favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la convention de La Haye sur l'enlèvement et renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2016 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
MOBINA S. B. JAFFER

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 2001.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Wilfred P. Moore dépose le projet de loi S-230, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Moore, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Français]

Projet de loi renforçant la sécurité des Canadiens et promouvant la chasse et le tir sportif

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Céline Hervieux-Payette dépose le projet de loi S-231, Loi modifiant la Loi sur les armes à feu, le Code criminel et la Loi sur la production de défense.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Hervieux-Payette, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Traduction]

L'Association parlementaire du Commonwealth

La visite bilatérale dans les Caraïbes, du 21 au 26 avril 2014—Dépôt du rapport

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la visite bilatérale dans les Caraïbes, qui s'est tenue à Saint-Georges, en Grenade, à Saint-Vincent-et-les-Grenades et à Road Town, sur l'île de Tortola, dans les îles Vierges britanniques, du 21 au 26 avril 2014.

Le Sénat

Préavis de motion portant que le Sénat prenne note de la résolution de l'Association parlementaire Canada-Afrique au sujet des droits des personnes atteintes d'albinisme

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat :

a) prenne note de la résolution adoptée par l'Association parlementaire Canada-Afrique le 3 juin 2015, et déposée au Sénat le 11 juin 2015, au sujet des droits des personnes atteintes d'albinisme, qui sont victimes de discrimination générale et dont les parties du corps ont été utilisées en sorcellerie, ce qui a augmenté les risques qu'elles soient tuées ou mutilées;

b) incite tous les parlementaires :

(i) à exercer leur influence au sein de leurs communautés pour lutter contre les préjugés et la désinformation en ce qui a trait à l'albinisme et aux personnes qui en sont atteintes,

(ii) à sensibiliser leurs concitoyens quant aux multiples défis en matière de droits de la personne auxquels sont confrontées les personnes ayant l'albinisme, notamment la marginalisation sociale, les problèmes médicaux et psychologiques, et le confinement dans la pauvreté,

(iii) à militer pour la tolérance et le respect de la primauté du droit pour défendre les droits et la sécurité des personnes ayant l'albinisme et à exercer une vigilance accrue en prévision des élections.


(1400)

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : le projet de loi C-26, suivi du projet de loi C-63, suivi du vingt et unième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, suivi du projet de loi C-66, suivi du vingtième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, suivi du projet de loi C-67, suivi par tous les autres articles dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, édictant la Loi sur la banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé (infractions sexuelles visant les enfants) et modifiant d'autres lois en conséquence.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, avant de commencer, j'aimerais dire que, hier, le sénateur Plett m'a abordé et je lui ai présenté des excuses pour m'être emporté dans le débat sur le projet de loi C-2. Il y a 1 500 personnes qui habitent à Landmark, au Manitoba. Ce village n'a rien d'une « dépression dans le sol »; c'est une fière communauté. Je suis désolé d'avoir pris les propos du sénateur comme une attaque personnelle.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Campbell : À la base, rien n'est plus important que la protection de nos enfants. À l'instar de tous les autres sénateurs, je préférerais pécher par excès de protection.

Le sénateur Plett a parlé d'un dénommé Gordon Stuckless — j'ai presque dit « monsieur », mais ce serait trop généreux. Cet homme travaillait au Maple Leaf Gardens. Il a plaidé coupable à 103 infractions de nature sexuelle contre 18 personnes sur une période de 20 ans. Il a été condamné à une peine de prison de cinq ans, ce qui, à mon sens, ne suffit pas.

Cela dit, la Couronne peut porter une peine en appel, et elle le fait effectivement, lorsqu'elle juge que la procédure judiciaire n'a pas été respectée. Je constate que ce ne fut pas fait; il faudrait peut-être diriger nos efforts en ce sens. Néanmoins, je peux affirmer catégoriquement qu'un coin de l'enfer est réservé spécialement pour les gens comme Stuckless.

Toutefois, il n'y a pas des milliers de Gordon Stuckless qui courent les rues. En lisant les deux interventions du sénateur Plett, j'ai réalisé — peut-être suis-je le seul — que nous parlons des délinquants sexuels comme d'un groupe homogène, comme s'ils étaient tous pareils. Nous savons que ce n'est pas le cas. Bien qu'aucune infraction d'ordre sexuel ne doive être tolérée, il reste que la sévérité des infractions varie du voyeur ordinaire à des personnes telles que Gordon Stuckless. Jeter tous ces gens dans la même catégorie dépasse l'entendement — quoique, en tant que policier, je sais qu'il y a un lien direct entre le voyeurisme et les autres délits d'ordre sexuel.

Je veux aborder trois points : l'augmentation du nombre de peines minimales obligatoires; l'érosion de la discrétion judiciaire, qui vient du fait que les peines liées à divers crimes doivent obligatoirement être purgées consécutivement; et, enfin, la mise sur pied d'une base de données accessible publiquement et contenant des renseignements personnels détaillés sur les délinquants sexuels.

Je remercie Michael Spratt, un avocat de la défense en droit criminel d'Ottawa, qui a témoigné à plusieurs reprises sur ce sujet au comité.

En ce qui concerne les peines minimales obligatoires, les faits indiquent ceci : elles ne rendent pas les collectivités plus sécuritaires, elles n'ont pas d'effet dissuasif sur la perpétration des infractions, elles nuisent à la réhabilitation et elles sont coûteuses. Étant donné notre situation financière, il faut prendre tous ces éléments en considération, compte tenu de la population carcérale et de notre capacité à incarcérer les délinquants et à leur fournir les soins et les traitements appropriés dans les établissements correctionnels.

Maintenant, pour ce qui est des limites concernant le pouvoir discrétionnaire des juges, il existe déjà une présomption selon laquelle les peines associées à des infractions qui n'ont pas de lien suffisamment étroit doivent être purgées consécutivement. Il en est question dans la décision rendue par le juge Sopinka dans l'affaire R. c. McDonnell, en 1997. Voici ce qu'il a déclaré :

[...] la décision d'infliger des peines concurrentes ou des peines consécutives devrait être traitée avec la même retenue que celle dont les cours d'appel doivent faire preuve envers les juges qui ont infligé des peines en ce qui concerne la durée de ces peines. La raison d'être de la retenue à l'égard de la durée de la peine, qui a été clairement exposée dans les deux arrêts Shropshire et M. (C.A.), s'applique également à la décision d'infliger des peines concurrentes ou des peines consécutives.

Rien ne prouve que les tribunaux canadiens imposent des peines clémentes en ce qui concerne les infractions sexuelles visant des enfants. Les peines associées à ces infractions sont habituellement plus longues que les peines minimales prévues dans le projet de loi C-26.

Passons finalement aux registres des délinquants sexuels. Le projet de loi C-26 vise à créer un registre, et les délinquants devraient à tout le moins fournir leur nom, leur date de naissance, leur sexe, des détails sur leur apparence physique, une photographie et leur adresse. À mon avis, ce n'est pas une exigence particulièrement lourde, mais elle doit bel et bien permettre de protéger les collectivités. Lorsque j'ai consulté les recherches, j'ai constaté que neuf études indépendantes ont été menées entre 2002 et 2011. Toutes ces études indiquent que les registres n'améliorent pas la sécurité des collectivités. En fait, ils font en sorte que les délinquants sexuels sont toujours en fuite, ce qui les pousse à récidiver.

Comme je l'ai déjà mentionné, les délinquants sexuels ne sont pas tous pareils. Les pédophiles se démarquent du lot, car leur taux de récidive est élevé. Le sénateur Plett m'a posé une question; il a laissé entendre que le taux de récidive était de 50 p. 100, et j'ai dit que je ne pense pas que c'est la réalité. Je pense toujours que ce n'est pas la réalité, et en fait, que ce taux soit de 30 p. 100, de 40 p. 100 ou de 25 p. 100, je crois qu'il est suffisamment élevé pour que nous soyons inquiets.

Je crois également, comme on peut le lire dans la revue médicale de l'Université Harvard et comme l'a déclaré le sénateur Plett, qu'il n'y a aucun remède pour la pédophilie. Je l'accepte, et ce, depuis bien des années. Cela dit, des mesures peuvent être prises pour faire respecter la loi et protéger la population.

Comme le premier ministre Harper l'a déclaré : « [...] nous ne savons pas pourquoi les prédateurs d'enfants commettent des actes si odieux, et en toute franchise, cette question ne nous intéresse pas particulièrement. » Déclarer que les raisons pour lesquelles les gens commettent des actes odieux ne nous intéressent pas va au cœur même de la question. On ne peut pas continuer d'enfermer les gens de plus en plus longtemps sans chercher à étudier et à comprendre pourquoi ils commettent des infractions. À moins d'emprisonner tous les pédophiles à perpétuité ou de trouver quelque part une île déserte où les envoyer tous, on doit décider comment nous allons les traiter.

Or, ce projet de loi ne le fait pas. En fait, il donnera probablement lieu à un plus grand nombre de préjudices commis contre la société.

Pour ces raisons, je n'appuierai pas ce projet de loi.

L'honorable Donald Neil Plett : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Campbell : Oui.

Le sénateur Plett : Je ne suis pas sûr d'avoir une question à poser. C'est plutôt une observation que j'aimerais faire. J'espère qu'il y aura une question à la fin.

Je tiens à préciser, sénateur, que vous vous êtes adressé à moi hier et m'avez présenté des excuses. Vous avez dit que vous me les présenteriez ici si je vous demandais de le faire et, bien entendu, je ne l'ai pas fait. J'ai dit que ce n'était pas nécessaire, mais je vous suis reconnaissant de votre geste. Je veux simplement, à mon tour, vous présenter mes excuses pour tout commentaire qui aurait pu vous faire réagir comme vous l'avez fait.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Plett, avec l'appui de l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

(1410)

Projet de loi sur l'accord définitif sur l'autonomie gouvernementale de Deline

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Scott Tannas propose que le projet de loi C-63, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif sur l'autonomie gouvernementale de Deline et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai aujourd'hui le plaisir d'intervenir à propos du projet de loi C-63, Loi sur l'accord définitif sur l'autonomie gouvernementale de Deline. J'entends rester bref, ce qui ne doit toutefois rien enlever à l'importance de cette mesure législative.

C'est un jour historique pour les membres de la bande de Deline et pour tous les Canadiens. Je suis déjà intervenu hier, à l'étape de la deuxième lecture, et je me permets de vous rafraîchir la mémoire : le projet de loi propose d'appuyer l'accord historique conclu entre la bande de la Première Nation de Deline, la Société foncière de Deline, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada.

Honorables sénateurs, la Première Nation qui aspire à un accord d'autonomie gouvernementale doit s'astreindre à un long et difficile processus de négociation. La bande de Deline a entamé la démarche il y a 19 ans, mais ce n'est que maintenant que nous ratifierons l'accord définitif. Il faut toute une dose de détermination et de patience de la part de toutes les parties à la table.

Si la bande de Deline désire conclure un accord d'autonomie gouvernementale, c'est parce qu'elle veut prendre en main ses terres et la vie de ses membres plus qu'elle ne le fait actuellement. En plus de lui conférer ce contrôle qu'elle réclame, l'accord lui donnera accès aux pouvoirs et aux ressources qu'il lui faut pour contribuer pleinement à la prospérité de notre pays et en profiter de manière équitable.

La ratification par le Sénat du projet de loi C-63 constitue l'ultime étape de l'interminable processus qui aura permis à la bande de Deline de se doter d'un gouvernement autonome. Je vous prie tous de la féliciter avec moi des efforts qu'elle a déployés afin de concrétiser cet accord tant attendu, pour le plus grand bien de ses membres.

Des voix : Bravo!

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, c'est tout un honneur pour moi que d'intervenir pour exprimer moi aussi mon appui au projet de loi. La bande de Deline vit en plein cœur des Territoires du Nord-Ouest, dans la région du Sahtu, près du Grand lac des Esclaves. Les dirigeants et plusieurs anciens ont fait le long trajet jusqu'ici. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux anciens, qui sont l'épine dorsale ainsi que l'inspiration tant spirituelle que culturelle de ce peuple. Je l'ai déjà dit hier soir au comité, mais je les prie de se lever.

[Le sénateur Sibbeston s'exprime dans la langue des Esclaves du Nord.]

Alfred Taniton et Leon Modeste, Charlie Neyelle, Andrew John Kenny et Dolphus Baton, Fred Kenny et Morris Neyelle collaborent tous depuis très longtemps au processus. Leon Modeste et Alfred Taniton faisaient même partie du tout premier conseil de bande, en 1959. Jusqu'à il y a cinq ans, ils n'ont jamais cessé de s'investir dans leur communauté. Ils ont siégé au conseil pendant 50 ans, soutenant leur communauté en attendant le jour où elle accéderait à l'autonomie gouvernementale.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Sibbeston : La plupart de ces personnes, en particulier Leon et Alfred, ne ménagent aucun effort pour se rendre dans les communautés afin d'expliquer les accords, de fournir des précisions sur des questions relatives au gouvernement et de favoriser un mode de vie agréable. Ce faisant, les anciens exercent une influence durable sur les membres des communautés. Si vous alliez à Deline, vous constateriez qu'il s'agit d'une des plus belles communautés au pays. Elle est belle, l'ordre y règne et ses résidants sont amicaux, probablement en raison de leur bagage spirituel et de la spiritualité qui imprègne leur vie, qui en font des gens à nul autre pareils.

[Le sénateur Sibbeston s'exprime dans la langue des Esclaves du nord.]

Votre Honneur, en témoignage de leur gratitude envers le Sénat, ils aimeraient exécuter une danse du tambour pour les sénateurs présents ici après la troisième lecture du projet de loi. Serait-il possible d'ajourner ou de sortir de la salle? Ils seraient heureux de vous montrer comment on exécute une danse du tambour dans leur communauté. Il pourrait y avoir une motion en ce sens.

Le but est que vous voyiez comment on exécute la danse du tambour et combien on a de plaisir à le faire. C'est un exercice spirituel qui est également amusant. Ils ont apporté leurs tambours et ils veulent danser pour vous. Cela s'était fait, il y a des années, quand l'accord Tlicho avait été conclu. Ils ne veulent pas se faire damer le pion par les Tlichos. Ils veulent être à égalité avec eux.

La réunion tenue par le comité hier soir a été productive grâce à la collaboration de tous les sénateurs qui y ont participé. Les représentants de Deline, du gouvernement fédéral, du pouvoir judiciaire et du gouvernement territorial y étaient aussi pour parler de l'accord et nous convaincre qu'il était intéressant et avantageux pour le peuple de Deline.

L'une des questions que j'ai soulevées hier a été celle de la mise en œuvre. Beaucoup de peuples autochtones de notre pays ont des accords sur les revendications territoriales. Récemment, des accords sur l'autonomie gouvernementale ont été conclus. Tous ces accords sont porteurs de beaucoup d'espoir et de promesses pour l'avenir. Au fil des ans, pour une raison que j'ignore, il est arrivé que le gouvernement fédéral donne une interprétation étroite de certains accords, dont il n'a pas saisi l'esprit, ce qui a causé des problèmes.

Hier soir, j'ai demandé aux représentants du gouvernement fédéral s'il y avait eu quelque changement d'attitude ou une modification du libellé des accords, afin que le bon peuple de Deline n'ait pas de difficultés plus tard. Ils m'ont promis que ce ne serait pas le cas. J'ai demandé qui il faudrait appeler dans quelques années si un problème surgissait. Je voulais savoir s'ils seraient encore là, c'est-à-dire si leur travail prenait fin maintenant ou s'ils seraient encore en poste dans quelques années pour rendre des comptes à la population. Ils m'ont répondu qu'ils seraient encore là. Ils prennent leur travail très au sérieux.

(1420)

Le peuple a donc bon espoir de voir cet accord être honoré et appliqué selon sa volonté. Je crois que les circonstances sont fort encourageantes. Ces gens sont confiants en ce qui a trait à tous les aspects de l'accord.

Je suis donc très heureux d'être ici aujourd'hui pour voir l'adoption de l'accord de Deline. J'en suis très fier en tant que Canadien.

Je suis également très fier, monsieur le Président, de pouvoir faire résonner dans cet édifice qui représente le Canada ces quelques mots dans la langue du peuple de Deline.

[Le sénateur s'exprime dans la langue des Esclaves du Nord.]

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

L'honorable Lillian Eva Dyck : Merci, monsieur le Président. Je souhaite également prendre la parole au sujet du projet de loi C-63. Je suis honorée d'être ici aujourd'hui afin d'appuyer le peuple de Deline dans le cadre de nos délibérations sur l'accord définitif sur l'autonomie gouvernementale de Deline.

Comme l'a dit mon collègue, le sénateur Sibbeston, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones s'est réuni hier soir. Les membres de notre comité ont travaillé très fort et dans un esprit d'équipe qui transcende toute appartenance politique. Nous avons travaillé très fort pour satisfaire le peuple de Deline, car des membres de cette communauté sont ici cette semaine, et nous voulions accélérer le processus afin que nous puissions terminer l'étude de cette mesure le plus vite possible et qu'ils puissent assister à l'approbation définitive de leur accord. C'est un moment historique.

Nous avons accéléré la cadence. Pour ce faire, nous avons en quelque sorte contourné certaines règles du Sénat cet après-midi. Même si on peut appeler cela un processus accéléré, nous avons fait preuve de la diligence requise. Je crois que c'est en grande partie grâce au sénateur Sibbeston, qui vient des Territoires du Nord- Ouest, qui y vit et qui parle la langue de ce peuple. Rien n'est plus important que de pouvoir communiquer avec les gens dans leur propre langue, car lorsqu'on la traduit en anglais, le sens perd de sa profondeur. Comme l'a dit le sénateur Sibbeston, le peuple de Deline a une dimension profondément spirituelle. Une bonne partie de sa langue est fondée sur cette dimension spirituelle que l'anglais est probablement incapable de traduire.

Le sénateur Sibbeston est en communication avec la Première Nation de Deline depuis des années. Il est donc bien informé du parcours qui les a menés à l'accord sur l'autonomie gouvernementale de Deline. Par conséquent, bien que nous ayons quelque peu accéléré le processus, nous tous, au comité, nous sentions en pleine confiance, car nous savions qu'un de nos collègues vivait avec eux et parlait leur langue. Nous sommes donc convaincus que ce que nous avons fait hier soir était tout à fait approprié.

De plus, les autres membres du comité ont posé d'excellentes questions et, comme l'ont souligné le sénateur Sibbeston et le sénateur Tannas, nous avons entendu des représentants du ministère des Affaires autochtones et des gens des Territoires-du-Nord-Ouest, de même que des représentants du groupe de Deline : le chef Kenny, de la Première Nation de Deline, le négociateur en chef, Danny Gaudet, le conseiller juridique, M. Crane, et Mme Georgina Dolphus, présidente de la Société foncière de Deline.

Fait intéressant, la bande de Deline a signé une entente sur la revendication territoriale en 1993. Quant à l'accord sur l'autonomie gouvernementale, un de ses aspects m'apparaît remarquable : le nouveau gouvernement établi sera beaucoup plus simple et plus intégré que les autres gouvernements que nous avons ailleurs au Canada. Il s'agit fondamentalement de combiner une municipalité qui regroupe des membres du public, des gens qui n'appartiennent pas à la Première Nation de Deline, des membres de la nation Deline, et les Territoires-du-Nord-Ouest. Ce gouvernement offrira les mêmes services à tous ces groupes.

Comme le savent les sénateurs, les Autochtones du Canada sont souvent assis entre deux chaises, qu'ils vivent dans une réserve ou non. Dans bien des cas, ils ne savent pas si le gouvernement fédéral paiera leur assurance-santé ou leurs études. Les Deline laissent ces distinctions de côté et créent un gouvernement où elles n'ont aucune importance. C'est une meilleure forme de gouvernement, selon moi.

Quand j'ai interrogé à ce sujet les fonctionnaires du ministère des Affaires autochtones, ils ont été un peu étonnés, et il leur a fallu un instant pour se rendre compte que c'est effectivement une amélioration par rapport à ce qu'offre le reste du Canada aux Autochtones. Les membres de la Première Nation de Deline ont donc fait un travail formidable et, comme ils nous l'ont dit hier soir, ils ont également réalisé une prophétie de leurs aînés, qui sont les gardiens de la sagesse et qui leur ont évidemment servi de guides.

Je suis immensément honorée d'avoir participé à ces démarches. Je tiens à remercier tous les membres et le président du comité.

Hier soir, le président du comité a notamment posé une question concernant le temps qu'il aura fallu — 19 ans, et ce n'est pas encore vraiment terminé — pour en arriver à cet accord. Il a demandé pourquoi il a fallu 19 ans, et le négociateur en chef de la Première Nation de Deline, M. Gaudet, a répondu que, à vrai dire, il y a probablement deux raisons :

[...] Je crois qu'on a peur. Je ne sais pas. Je ne peux pas vraiment parler au nom du gouvernement. Je pense qu'on a peur que les groupes autochtones qui négocient l'autonomie gouvernementale veuillent devenir souverains et ne pas faire partie du pays. Je peux seulement parler pour nous, mais, dans les faits, c'est plutôt le contraire. Nous voulons faire partie de ce pays et des Territoires du Nord-Ouest. Nous voulons travailler avec le Canada. La première chose que nous devons faire, c'est nous débarrasser de la peur.

C'est-à-dire la peur ressentie par les Affaires autochtones et le gouvernement, le gouvernement fédéral. M. Gaudet a ensuite dit ceci :

La deuxième chose, c'est de cesser de toujours vouloir être certain. Avant de s'entendre, tout le monde veut savoir exactement quels sont les tenants et aboutissants. Même dans le cas des Autochtones, nous voulons tout avoir, mais il n'est pas réaliste de penser ainsi. L'idéal, ce serait de pouvoir commencer les négociations pour ensuite les reprendre et les mener à terme, de se servir de cette approche pour commencer à renforcer notre capacité à nous gouverner nous-mêmes et à développer une relation de travail avec le gouvernement. Montrez-nous que c'est possible, et nous vous donnerons plus de responsabilités par la suite. Je crois que cette approche ferait progresser beaucoup de ces accords et permettrait de les conclure, car, dans les faits, nous négocions de nombreux accords qui devront être modifiés au fil du temps, et nous devrions en être conscients.

Ce sont là des propos très sages. On a d'ailleurs fait remarquer qu'il s'agit d'un document vivant. Ils continueront de négocier avec le gouvernement fédéral tout en acceptant de plus en plus de champs de compétence, comme la santé. Il s'agit donc d'un document vivant, et il pourrait très bien servir de modèle aux autres groupes autochtones du Canada quant à la façon de procéder.

Comme je l'ai dit, la Première Nation de Deline a une culture très riche. Elle a gardé sa langue, sa spiritualité. Nous avons été honorés de commencer notre séance d'hier soir par des prières. Je leur souhaite tout ce qu'il y a de mieux. Je sais que les choses vont très bien se passer pour eux.

C'est formidable que vous soyez ici, cet après-midi. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord. Bravo!

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la délégation de Deline souhaite dire une prière et exécuter une danse dans la rotonde afin d'honorer le Sénat et de saluer l'appui des sénateurs. Bien entendu, tous ceux qui veulent exprimer leur soutien sont les bienvenus. J'invite donc tous mes collègues à sortir pour assister à ce qui va se passer. Tous les honorables sénateurs peuvent y assister. Toutefois, il serait bon que nous puissions respecter le quorum et poursuivre nos activités pendant ce temps.

(1430)

[Français]

Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015

Dépôt du vingt-deuxième rapport du Comité des finances nationales sur la teneur du projet de loi

Consentement ayant été accordé de revenir aux Affaires courantes, présentation ou dépôt de rapports de comités :

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingt-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui porte sur la teneur du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Le Budget des dépenses de 2015-2016

Le Budget principal des dépenses—Adoption du vingt et unième rapport du Comité des finances nationales

Le Sénat passe à l'étude du vingt et unième rapport (deuxième intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget principal des dépenses 2015-2016), déposé au Sénat le 9 juin 2015.

L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j'aimerais parler un peu de ce rapport, qui vient expliquer le projet de loi C-66 sur lequel nous devrons ensuite nous pencher. Le vingt et unième rapport de votre comité est le deuxième rapport intérimaire sur le Budget principal des dépenses de cette année.

Les honorables sénateurs se rappelleront que le premier rapport intérimaire, publié en mars, portait sur les crédits dont le gouvernement avait besoin pour poursuivre ses activités du 1er avril, c'est-à-dire du début de l'exercice, jusqu'à la fin de juin. Le rapport présenté aujourd'hui examine le reste du Budget principal des dépenses, sur lequel le Comité des finances a dû se pencher, pour la suite de l'exercice.

En plus des fonds prévus dans le Budget principal des dépenses, les honorables sénateurs doivent savoir que le gouvernement peut aussi obtenir des fonds au titre de diverses lois qui comportent des dispositions à cet égard et qui peuvent être invoquées dans un budget supplémentaire des dépenses. Il n'y aura probablement pas beaucoup de Budgets supplémentaires des dépenses cette année en raison des élections. Nous parlerons du Budget supplémentaire des dépenses (A) plus tard cet après-midi.

Ainsi, honorables sénateurs, nous avons procédé, à toutes fins utiles, à une étude du Budget des dépenses. Il s'agit de la suite de l'étude que nous avions commencée dans le cadre de l'examen des crédits provisoires. Nous avons évalué certains des aspects qui présentent un intérêt pour les honorables sénateurs et, plus particulièrement, pour le Comité des finances. Nous avons ensuite préparé un rapport, qui permet de mieux comprendre le projet de loi de crédits. Contrairement aux autres projets de loi qui font l'objet d'une deuxième lecture et qui sont renvoyés au comité, les projets de loi de crédits font l'objet d'une étude préliminaire afin que les honorables sénateurs connaissent les détails du projet de loi sur lequel ils seront appelés à se prononcer.

Voilà où nous en sommes dans ce dossier. Je vais parler brièvement du projet de loi, qui représente 62 milliards de dollars. Le rapport nous permet de comprendre à quoi servira ce montant. Il n'y a pas grand-chose à signaler, honorables sénateurs, mais je me suis dit qu'il serait utile de noter que, dans le Budget principal des dépenses, la Chambre des communes demande 443 millions de dollars pour cet exercice, alors que le Sénat demande 88 millions de dollars. Cela met les choses en perspective. La Chambre des communes demande presque trois fois plus de fonds, mais il faut dire que son budget est bien plus que le triple de celui du Sénat.

Comme le vérificateur général a été au centre des discussions, je crois qu'il serait bon de savoir combien le vérificateur général demande dans le Budget des dépenses. Il sollicite un montant de 78 millions de dollars, comparativement aux 88 millions de dollars demandés par le Sénat. La hausse n'est pas aussi importante que nous l'aurions pensé, sachant que le total de l'année dernière s'élevait à 77 millions de dollars. Le vérificateur général a dépensé, de son propre aveu, 23 millions de dollars, soit le tiers de son budget total, pour réaliser l'étude sur les dépenses du Sénat. Je me demande quels projets ont dû être mis en veilleuse en conséquence. Le vérificateur général viendra-t-il nous demander plus de fonds dans un des budgets supplémentaires des dépenses?

Honorables sénateurs, c'est bien ce qui nous pose problème — recevoir ici le vérificateur général, un mandataire du Parlement, et l'entendre nous demander des fonds, alors qu'il vient de réaliser une étude sur le Sénat, qu'il a d'ailleurs présentée dans un esprit d'affrontement. D'habitude, lorsque le vérificateur général s'apprête à présenter les résultats d'une vérification, il y a quelques fuites d'information, et les gens sont impatients d'en prendre connaissance. On nous dit : « La semaine prochaine, il y aura une séance d'information à huis clos pour les médias. » On organise donc un gros événement, plus qu'il n'en faut. Compte tenu des superlatifs et des adjectifs employés, les médias commencent à lire le rapport et ils se rendent compte que certains des postes ne sont peut- être pas si déraisonnables, mais il a fallu dépenser 23 millions de dollars pour en arriver là. Le débat prend de l'ampleur, honorables sénateurs. Il y a toujours eu une tension inhérente entre l'autre endroit et le Sénat. Nous examinons les budgets de chaque Chambre et nous discutons des différences, ce qui crée forcément une tension.

Honorables sénateurs, je veux vous parler de deux choses qui me dérangent depuis quelques jours. L'une d'elles est la motion présentée à l'autre endroit par le Nouveau Parti démocratique demandant de voter contre un crédit de 88 millions de dollars pour l'année pour tout le Sénat. Cette motion a été longuement débattue lundi et j'ai écouté le débat du début à la fin. On a dit bien des choses qui seront difficiles à oublier et à ignorer. Mardi, le chef de ce parti a donné une entrevue à CBC que tout le monde peut regarder. Il a dit que, durant toute sa carrière politique, il n'a jamais vu le Sénat ou un sénateur faire quoi que ce soit d'utile.

(1440)

Des voix : C'est une honte.

Le sénateur Day : Ces gens, qui demandent à la population de les élire, disent que, lorsqu'ils seront portés au pouvoir, ils feront de leur mieux pour abolir une institution qui existe depuis 150 ans.

Honorables sénateurs, j'ai pris la peine de parler de ces deux choses parce qu'elles nous permettent de mieux comprendre ce qui se passe au Parlement et en quoi les travaux du vérificateur général alimentent le climat ambiant.

Honorables sénateurs, tenez-vous au courant de la situation et sachez que le Comité des finances du Sénat continue de faire de l'excellent travail et de défendre vos intérêts.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi de crédits no 2 pour 2015-2016

Deuxième lecture

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-66, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2016, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui, la Loi de crédits no 2 pour 2015-2016, prévoit le déblocage du solde des crédits du Budget principal des dépenses de 2015-2016 qui a été déposé au Sénat le 25 février 2015.

La Loi de crédits no 1 pour 2015-2016 a permis d'obtenir l'autorisation de dépenser 25,8 milliards de dollars, des 88,3 milliards de dollars en crédits budgétaires et non budgétaires votés du Budget principal des dépenses 2015-2016. L'autorisation de dépenser le solde de 62,5 milliards de dollars est demandée par l'entremise de la Loi de crédits no 2 pour 2015-2016.

[Français]

Le gouvernement présente le budget des dépenses au Parlement pour appuyer sa demande d'autorisation de dépenser des fonds publics, budget dans lequel figurent des renseignements sur les autorisations de dépenser les crédits budgétaires et non budgétaires. Par la suite, le Parlement examine les projets de loi de crédits pour autoriser les dépenses.

[Traduction]

Le Budget principal des dépenses de 2015-2016 comprend 241,6 milliards de dollars en dépenses budgétaires qui incluent les frais du service de la dette, les dépenses de fonctionnement et en capital, les paiements de transfert aux autres ordres de gouvernement, à des organisations et à des particuliers, et les paiements aux sociétés d'État.

Le présent Budget principal des dépenses appuie la demande du gouvernement d'obtenir du Parlement l'autorisation de dépenser 88,2 milliards de dollars au titre des autorisations de programme en vertu desquelles le Parlement doit approuver annuellement les limites de dépenses. Le solde de 153,4 milliards de dollars est affecté à des postes législatifs qui ont déjà été approuvés par le Parlement et dont les prévisions détaillées ne sont fournies qu'à titre indicatif.

Le Budget principal des dépenses de 2015-2016 comprend également des postes non budgétaires : 70 millions de dollars en autorisations votées et 930 millions de dollars en autorisations législatives. Les dépenses non budgétaires — les prêts, les placements et les avances — sont des dépenses qui correspondent à des modifications de la valeur des actifs financiers du gouvernement du Canada.

Honorables sénateurs, si vous avez besoin de renseignements supplémentaires à ce sujet, le sénateur Day et moi sommes à votre disposition.

L'honorable Joseph A. Day : Je remercie le sénateur Smith, vice- président du comité, de ses remarques sur le projet de loi C-66. Tel qu'il a été indiqué, vous devrez voter des crédits de 62 milliards de dollars, montant qui permettra au gouvernement d'assumer ses responsabilités jusqu'à la fin de mars de l'année prochaine, l'exercice 2016. Ces fonds seront dépensés de la façon indiquée dans l'annexe, honorables sénateurs. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un projet de loi de crédits.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous quelque chose à dire, sénatrice Cools?

L'honorable Anne C. Cools : J'aimerais poser une question au sénateur.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Day, accepteriez- vous de répondre à une question?

Le sénateur Day : Oui.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, je me demande si le sénateur Day ne se souviendrait pas, parmi les très nombreuses sommes que contient la loi de crédits, de celle qui correspond aux crédits destinés au vérificateur général pour le reste de l'exercice.

Le sénateur Day : C'est votre jour de chance, car j'ai justement l'information sur le vérificateur général en main.

La sénatrice Cools : Très bien.

Le sénateur Day : C'était au cas où quelqu'un poserait la question. Le vérificateur général recevra 78 millions de dollars pour le reste de l'exercice.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, il ne s'agit que d'une fraction du montant total, car le Budget principal des dépenses est déjà passé. Nous sommes en juin. Je vois.

Sauriez-vous également si le ministre responsable des dépenses du vérificateur général, c'est-à-dire le ministre des Finances, a autorisé ou approuvé la vérification dont le Sénat a fait l'objet?

Le sénateur Day : Non, je n'ai malheureusement pas cette information. Ce n'est qu'une des difficultés causées par la vérification menée par le vérificateur général et par la manière dont elle a été présentée.

En ma qualité de président du Comité des finances, j'ai reçu une lettre dans laquelle le vérificateur général m'informe qu'il vient de terminer un rapport — pas celui sur le Sénat, mais un autre, sur un autre sujet. Il me dit qu'il aimerait bien venir en parler au comité, au moment que je choisirai. Ordinairement, nous l'aurions tout de suite invité, mais les relations avec le vérificateur général ont pris une telle tangente depuis quelque temps que c'est de plus en plus difficile de faire comme avant.

Il faudra du temps pour que guérissent les plaies causées par les renseignements qui ont transpiré et la manière dont toute cette affaire a été menée.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur un autre point.

Comme vous le savez, le Comité des finances nationales ayant pour tâche d'étudier les Budgets des dépenses, il a déjà eu pour nom « Comité des prévisions budgétaires ». De par la nature même de ses attributions, ce comité s'intéresse de près au lien entre le vérificateur général et les finances nationales.

Comme vous le savez fort bien, le Comité des finances nationales, que vous présidez, a un mandat assez large. Je voudrais donc savoir si, dans ses études futures du Budget principal des dépenses, le Comité des finances nationales pourrait se pencher attentivement sur le rôle du vérificateur général, comme il l'a déjà fait auparavant. Je pense que les développements auxquels nous assistons nous montrent clairement que nous devrions examiner sérieusement la Loi sur le vérificateur général pour voir si elle est compatible avec la modernité.

Le sénateur Day : Merci, madame la sénatrice. Je connais bien la teneur de vos interpellations. J'ai suivi vos interventions, qui nous donnent une perspective historique du poste de vérificateur général. Vous savez que la question du vérificateur général fait partie du mandat du Comité des finances nationales.

En ce qui concerne le point que vous soulevez, je vous dirais qu'il est possible que nous allions dans le sens que vous suggérez simplement en raison de ce qui se passe au Sénat. Compte tenu du changement de relation que cette vérification nous impose, nous allons devoir déterminer si la façon traditionnelle de faire les choses et la relation traditionnelle peuvent être maintenues. Nous allons devoir nous pencher là-dessus.

La sénatrice Cools : Je pense pouvoir dire sans risquer de me tromper qu'il serait dans l'intérêt du Sénat que son Comité des finances nationales effectue une étude sous cet angle du Budget principal des dépenses. Je m'adresse à vous en tant qu'ancienne vice- présidente qui portait beaucoup d'attention à ces questions.

L'honorable Percy E. Downe : Je voudrais me joindre brièvement à la présente discussion. Je pense qu'il est clair que nos objections relativement au travail du vérificateur général ne concernent pas directement le rapport lui-même, mais bien la façon de procéder de son bureau, que nous avons pu observer de près. Si le vérificateur général a dépensé 23,5 millions de dollars pour effectuer sa vérification des dépenses des sénateurs, bien franchement, nous nous interrogeons sur la bonne utilisation des deniers publics. Nous avons tous pu voir une armée de fonctionnaires débarquer dans nos bureaux et poser des questions à répétition.

(1450)

Pour ma part, j'ai de sérieuses préoccupations. J'ai présenté une motion visant à vérifier les comptes de la Chambre des communes parce que, à l'époque, je pensais que c'était la bonne chose à faire. Étant donné que la vérification des dépenses du Sénat a coûté 23,5 millions de dollars, j'ai l'intention de retirer cette motion, parce que la vérification des comptes de la Chambre des communes coûterait probablement plus de 100 millions de dollars. Je ne peux pas défendre ma motion ou la décision de faire dépenser une telle somme aux contribuables canadiens.

J'aimerais revenir sur les propos de la sénatrice Cools. Nous avons été témoins des dysfonctionnements et du gaspillage de ressources, de temps et d'argent, eu égard aux résultats obtenus. Comme nous le savons tous, la vérification a coûté 23,5 millions de dollars et le vérificateur a trouvé des dépenses problématiques totalisant moins de 1 million de dollars. En outre, le juge Ian Binnie et d'autres par la suite risquent de réduire ce montant. Je ne dis pas que la vérification était inutile. J'appuie le travail du vérificateur. C'est une feuille de route et un cadre.

Je crois toutefois que nous devrions nous intéresser de plus près au travail du Bureau du vérificateur général, car c'est un acteur clé du gouvernement. Nous ne devrions pas le mettre de côté ou ne pas examiner ses dépenses simplement parce qu'il s'agit d'une instance supérieure. Toutes les dépenses du vérificateur général devraient être examinées, tout comme il a examiné toutes nos dépenses. Ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre.

Le 25 mai dernier, la chaîne CTV News a rapporté que le Bureau du vérificateur général avait organisé deux fêtes de retraite pour l'ancienne vérificatrice, au coût de 19 226 $. Pendant la pause- déjeuner, j'ai examiné les lignes directrices du Conseil du Trésor et j'en conclus que ces fêtes, comme l'a rapporté CTV, ne respectent pas la politique du Conseil du Trésor.

Par exemple, je sais que, si nous voulions offrir un dîner d'adieu à l'ancien greffier O'Brien, nous devrions payer la facture. Si l'un des membres de votre personnel s'en va, vous ne pouvez pas lui payer un repas — je crois comprendre que c'était au Rideau Club — et envoyer la facture aux contribuables. Nous devrions poser certaines de ces questions.

Je suis curieux. Si votre comité, sénateur Day, se penche sur ces questions, étant donné que nous parlons du remboursement des fonds, cet argent a-t-il en fait été remboursé aux contribuables? Dans la négative, pourquoi?

Je devrais peut-être tout simplement écrire directement au vérificateur général pour lui poser certaines de ces questions si votre comité n'a pas le temps de le faire avant l'ajournement des travaux.

J'ai également remarqué que les employés ont participé à un exercice de renforcement d'équipe, et c'est toujours selon ce que dit le réseau CTV, qui prétend avoir des documents qui prouvent ce qu'il avance. Je suis en train de regarder la nouvelle en ligne. Au cours des quatre dernières années, le Bureau du vérificateur général a dépensé 107 000 $ pour des dîners annuels pour faire le point à l'extérieur du lieu de travail. C'est, encore une fois, beaucoup d'argent. Les règles le permettent-elles?

Des collègues m'ont souvent entendu parler de l'Agence du revenu du Canada, soit une autre agence qui n'est pas aussi surveillée qu'elle le devrait, à mon avis. Après avoir passé en revue la vérification, je crains que le Bureau du vérificateur général ait peut- être tout simplement été oublié. Je sais que le vérificateur général répète souvent que ses finances sont vérifiées par des vérificateurs étrangers. Je répondrai ceci : la prochaine fois que les dépenses du Sénat feront l'objet d'une vérification, nous devrions peut-être demander aux sénateurs de l'Australie de la faire plutôt qu'au vérificateur général.

Cela dit, j'espère que votre comité examinera certaines de ces propositions.

Le sénateur Day : Merci de vos commentaires. Je crois qu'ils sont très à propos. À titre de sénateur, je m'inquiète des nouvelles concernant certaines dépenses qui ont été rendues publiques. Je m'inquiète également de la manière dont le réseau CTV en vient à apprendre de tels renseignements.

Je sais que le vérificateur général a indiqué, dans un premier temps, que les coûts de la vérification du Sénat étaient élevés parce que son bureau n'avait jamais rien fait de la sorte auparavant, à savoir une vérification judiciaire exhaustive visant 116 personnes et l'institution.

Cependant, quand j'ai demandé si le vérificateur général souhaitait effectuer une vérification de la Chambre des communes, puisqu'il sait à peu près à quoi s'attendre après l'avoir fait pour le Sénat et les sénateurs, il a dit que ce serait tout simplement trop coûteux. C'est ce que le vérificateur général a répondu. Donc, les activités de la Chambre des communes ne pourraient pas faire l'objet d'une vérification, car ce serait trop coûteux. Je pense que beaucoup de commentaires troublants sont attribuables aux activités dont nous entendons parler.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur L. Smith, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Budget des dépenses de 2015-2016

Le Budget supplémentaires des dépenses (A)—Adoption du vingtième rapport du Comité des finances nationales

Le Sénat passe à l'étude du vingtième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget supplémentaire des dépenses (A) 2015-2016), déposé au Sénat le 9 juin 2015.

L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je veux simplement dire quelques mots sur le vingtième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il porte sur le projet de loi sur le Budget supplémentaire des dépenses (A) que nous étudierons sous peu, le projet de loi C-67.

Ceci, je le rappelle, est votre référence pour l'étude du projet de loi de crédits qui suivra. C'est pour cette raison qu'il est important que vous l'ayez en main et que les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales aient la chance d'en prendre connaissance avant qu'on nous demande de voter sur ces dépenses, c'est-à-dire, dans ce cas-ci, sur ces 3,2 milliards de dollars.

C'est le Budget supplémentaire des dépenses (A). Il est basé sur le budget supplémentaire des dépenses qui a été distribué et dont tous les sénateurs ont pu avoir une copie. Honorables sénateurs, dans le cadre de ce processus, nous avons dû recevoir différents ministères et organismes, sept en tout. Je crois que le nombre d'organismes qui demandent des fonds additionnels s'élève à 43.

Ces dépenses supplémentaires ont été soumises par les ministères, dépenses qu'ils n'avaient pas eu la chance de soumettre à temps au Conseil du Trésor pour qu'elles soient dans le Budget principal des dépenses. Les Budgets principaux des dépenses sont approuvés en mars, mais leur préparation commence avant Noël. Certains ministères n'arrivent tout simplement pas à tout préparer à temps et ils doivent attendre le budget supplémentaire des dépenses. Voilà la raison d'être du Budget supplémentaire des dépenses (A).

Les budgets supplémentaires tiennent également compte d'initiatives prises dans le cadre du budget. Certains postes législatifs du projet de loi C-59 permettront l'octroi du financement législatif. Ceux qui ne le permettront pas, mais qui portent sur des activités, seront repris dans les Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) ou (C). En fait, il arrive parfois qu'une initiative prévue dans un budget — pas dans le projet de loi d'exécution du budget — ne soit reprise dans un budget supplémentaire des dépenses que deux ou trois ans plus tard, la raison étant que le gouvernement n'est pas prêt à aller de l'avant concernant l'initiative en question.

Le budget ne donne aucune autorisation de dépenser quoi que ce soit. C'est le projet de loi d'exécution du budget, le projet de loi C- 59, qui nous sera renvoyé sous peu, qui donne cette autorisation.

(1500)

J'ai déposé tout à l'heure le rapport sur notre étude préalable du projet de loi C-59. Vous pourrez en prendre connaissance afin que lorsque le projet de loi arrivera, vous soyez prêts, comme nous, au Comité des finances, à examiner les demandes liées à cette mesure législative. Il y a également le budget supplémentaire des dépenses que nous avons devant nous.

Honorables sénateurs, je peux mettre en lumière certains points, mais je vous invite à examiner le rapport.

Les représentants de Ressources naturelles Canada parlent d'Énergie atomique du Canada et de son nouveau mandat, qu'il est important pour nous de comprendre. Les représentants de Marine Atlantique parlent du nouveau navire dont l'organisation souhaite faire l'acquisition.

On discute du report du budget de fonctionnement. Les reports et l'autorisation donnée aux ministères de reporter des fonds ont été mis en place initialement pour empêcher la course aux dépenses à la dernière minute. Nous l'avons vu par le passé, et bien des cas ont été rapportés.

Les ministères commencent à se servir du pouvoir de dépenser d'un Budget principal des dépenses et à dire : « Je n'ai pas dépensé cet argent, alors je peux en reporter une certaine partie à l'année prochaine sans que cela doive être soumis à un examen parlementaire. »

C'est ce sur quoi nous devons nous concentrer : l'examen parlementaire des dépenses des ministères. On le constate concrètement au ministère de la Défense nationale, où des sommes énormes ne sont pas dépensées. Une partie des crédits deviennent périmés, mais un petit pourcentage de fonds sont reportés à l'exercice suivant, et c'est ce que nous devrons surveiller.

En revanche, le report concerne les fonds qui n'ont pas été utilisés; la demande revient au Parlement, qui peut réexaminer les dépenses qui n'ont pas eu lieu l'année précédente.

Nous souhaitions vous éclairer à ce sujet. Il y a de bonnes discussions là-dessus, de même que sur les sites contaminés par des déchets nucléaires, plus particulièrement dans les cas liés au ministère de la Défense nationale. Il s'agit d'anciennes stations de radar et d'autres installations du genre dont le MDN est responsable, et cela fait partie de la question horizontale, c'est-à- dire l'obligation et la responsabilité qu'ont de nombreux ministères de nettoyer les déchets nucléaires un peu partout au Canada.

Honorables sénateurs, c'était mes commentaires sur le rapport concernant le Budget supplémentaire des dépenses (A).

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter le rapport maintenant?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 3 pour 2015-2016

Deuxième lecture

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de C-67, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2016, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui, la Loi de crédits no 3 pour 2015-2016, prévoit le déblocage de crédits du Budget supplémentaire des dépenses de 2015-2016 et demande l'autorisation au Parlement de dépenser 3,1 milliards de dollars en dépenses votées. Ces dépenses ont été accordées dans le cadre des dépenses prévues, telles qu'elles ont été annoncées par le ministre des Finances.

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2015-2016 a été déposé au Sénat le 14 mai 2015 et a été transmis au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il s'agit d'un premier budget supplémentaire des dépenses pour l'exercice en cours, qui se terminera le 31 mars 2016.

[Traduction]

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2015-2015 tient compte d'une augmentation de 3,2 milliards de dollars des dépenses budgétaires, ce qui comprend 3,1 milliards de dollars en crédits approuvés et 19,8 millions de dollars en dépenses législatives. Les dépenses législatives ont déjà été approuvées par le Parlement, et les prévisions détaillées ne sont fournies qu'à titre indicatif.

Simplement pour faire suite aux commentaires du sénateur Day, je tiens à préciser que le montant de 3,1 milliards de dollars au titre des crédits approuvés comprend les postes budgétaires principaux, comme 402,6 millions de dollars destinés à financer les besoins de fonctionnement et en capital de l'Autorité du pont Windsor-Detroit; 345,9 millions de dollars destinés à financer les besoins de fonctionnement et en capital de Marine Atlantique; 345,7 millions de dollars pour améliorer les biens patrimoniaux, les biens à vocation touristique, les biens liés aux routes et les biens liés aux voies navigables de Parcs Canada; 255,5 millions de dollars destinés à Affaires indiennes et du Nord canadien à des fins de règlements extrajudiciaires; 231,3 millions de dollars pour le Programme des responsabilités nucléaires héritées, comme nous l'avons mentionné précédemment; 219,8 millions de dollars pour des projets aux bases des Forces armées canadiennes et à d'autres installations du ministère de la Défense nationale; 189,3 millions de dollars destinés à Pêches et Océans Canada pour des ports pour petits bateaux, des biens immobiliers, l'acquisition de petites embarcations, ainsi que des travaux de radoub et de prolongation de la durée de vie de navires; 164,9 millions de dollars à Énergie atomique du Canada pour des activités scientifiques nucléaires et pour la production d'isotopes médicaux; 70,2 millions de dollars à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pour la réparation et la modernisation de divers biens fédéraux au Canada; 58,3 millions de dollars à Transports Canada pour moderniser plusieurs aéroports appartenant au gouvernement fédéral et pour rénover une installation destinée au Programme écoTECHNOLOGIE pour véhicules; 58,1 millions de dollars pour renforcer le tablier de l'Estacade à Montréal et pour construire une piste cyclable séparée sur la structure des ponts Jacques-Cartier et Champlain; 52,4 millions de dollars pour développer et déployer des solutions scientifiques et technologiques qui contribueront à soutenir la croissance des entreprises innovatrices au Canada; et 50 millions de dollars à Affaires indiennes et du Nord canadien pour soutenir la réparation et la construction d'écoles dans les réserves.

Si les sénateurs ont besoin d'autres renseignements, nous nous efforcerons de les leur fournir. Merci.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, il vaut la peine de jeter un coup d'œil à l'un de ces projets de loi de crédits qui sont une pure formalité. Leur importance et leur formulation historiques les rendent aussi très intéressants.

Voici une loi qui vise à octroyer certains crédits à Sa Majesté. Sa Majesté écrit au Parlement et lui dit : « Veuillez octroyer certains crédits dont nous avons besoin. » En réalité, le pouvoir exécutif détermine les crédits dont il a besoin et, par l'intermédiaire de Sa Majesté, s'adresse au Parlement pour que celui-ci approuve l'affectation de crédits puisés à même les recettes générales.

Le projet de loi n'est composé que de six articles, et la seule chose qui change dans ces projets de loi, c'est le montant des crédits, selon qu'il s'agit du budget principal ou de l'un des budgets supplémentaires des dépenses.

On y a joint les deux annexes qui, dans le cas présent, sont tirées du budget supplémentaire des dépenses. C'est de là que vient l'annexe qui est jointe au projet de loi.

Selon moi, un autre aspect palpitant du Comité des finances, c'est que nous avons une excellente occasion de conserver une vue d'ensemble de la mécanique du gouvernement et des divers ministères, et que nous pouvons choisir différents ministères chaque année. En effet, selon les années, nous pouvons choisir d'examiner les organismes subventionnaires, les agences de développement économique ou tout autre ministère. C'est ce que nous faisons, puis nous vous présentons un rapport sur ceux que nous avons choisi. Notre rapport est un bon bilan de ce qui s'est passé et de ce qui se produit.

Honorables sénateurs, voici donc le Budget supplémentaire des dépenses (A), qui s'élève à 3,2 milliards de dollars.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur L. Smith, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1510)

[Français]

Projet de loi instituant la Journée nationale des produits du phoque

Troisième lecture

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose que le projet de loi S-224, Loi instituant la Journée nationale des produits du phoque, tel qu'amendé, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que j'attire de nouveau votre attention sur un sujet qui me préoccupe depuis plusieurs années. Permettez-moi tout d'abord de reconnaître la fierté, l'utilité, et surtout la vaillance de nos chasseurs de phoque.

Je ne m'opposerai certainement pas au fait que le gouvernement ait amputé le projet de loi de trois mots; l'important, ce qui est au cœur du projet de loi, c'est de reconnaître qu'il s'agit d'une activité noble. Cette activité est pratiquée dans le nord du pays, au Nunavut, à Terre-Neuve, aux Îles-de-la-Madeleine en particulier, et dans quelques autres endroits au Québec.

Nous devons rendre hommage à ces gens qui gagnent leur vie de façon difficile en utilisant des méthodes approuvées par la classe scientifique; ils sont formés par des spécialistes, des professeurs d'université, ce qui permet de contredire la mauvaise presse qui leur est faite de la part du lobbying américain, qui est végétarien et qui s'oppose à toute consommation de viande.

Il est plus facile de s'attaquer aux chasseurs de phoque qu'aux producteurs de bovins ou de porc, car le lobby américain n'aurait peut-être pas les ressources nécessaires pour mener cette bataille contre les producteurs. Ils préfèrent s'attaquer aux plus vulnérables, à ceux à qui cela fait le plus mal, et à ceux qui ont davantage besoin du soutien du gouvernement fédéral.

C'est avec grand plaisir que je vous convie à appuyer l'instauration de cette Journée nationale des produits du phoque, le 20 mai, peu après la fermeture de la chasse, afin de célébrer une autre saison de chasse, de nous encourager à développer de nouveaux marchés — ce que nous promet le gouvernement, bien qu'il y ait encore des efforts à faire — et de nous prémunir contre la remise en question continuelle de ce métier fort louable.

Je salue toutes les personnes qui pratiquent cette chasse et incite tous les honorables sénateurs à voter en faveur du projet de loi S- 224. Merci.

[Traduction]

L'honorable David M. Wells : Honorables collègues, je suis fier d'intervenir en faveur du projet de loi S-224 et du travail de la sénatrice Hervieux-Payette.

Le projet de loi envoie un message important au sujet de l'engagement du Canada à soutenir les traditions de nos communautés côtières et autochtones et souligne combien leur viabilité économique dépend de la chasse au phoque. Je pense que tous les sénateurs seront d'accord avec moi pour dire qu'il est de plus en plus important que le monde reçoive ce message.

Le secteur canadien du poisson et des fruits de mer est un des principaux moteurs économiques du Canada. En effet, ce secteur contribue bien plus que sa juste part, générant des recettes annuelles de 7,4 milliards de dollars. Le Canada se classe au septième rang mondial parmi les pays exportateurs de poisson et de fruits de mer. Notre succès est en partie attribuable à notre brillante réputation. Nous sommes reconnus comme étant un fournisseur fiable et responsable de produits de la mer de haute qualité. Cette activité économique est la pierre angulaire de plusieurs de nos collectivités côtières. En tout et pour tout, le secteur représente 80 000 emplois dans plus de 1 500 localités.

Le gouvernement exécute le programme commercial le plus ambitieux de l'histoire du Canada, et grâce à ses efforts, le secteur canadien du poisson et des fruits de mer aura de nouvelles occasions d'expédier ses produits de calibre mondial dans les pays du monde entier. Il s'agit d'un secteur économique vigoureux et en pleine croissance, et notre gouvernement demeure déterminé à aider nos producteurs de poisson et de fruits de mer à réussir, autant ici qu'à l'étranger.

Toutefois, bien que l'industrie du poisson et des fruits de mer en général continue de prospérer, celle des produits du phoque est toujours confrontée à une opposition indue de la part de groupes radicaux de défense des droits des animaux, qui veulent abolir cette activité économique importante et légitime. Malheureusement, ces groupes n'accordent aucune importance aux aspects sociaux, culturels et économiques de la chasse au phoque pour les habitants de la côte Est et les Autochtones.

Comme nous le savons tous, l'Union européenne a interdit l'importation et la vente de produits du phoque en 2010, à la suite des pressions exercées par ces groupes. Bien que, en principe, l'embargo européen ne touche pas les produits du phoque d'origine autochtone, ses conséquences rejoignent tous les chasseurs de phoque, tant les Autochtones que les chasseurs commerciaux non autochtones.

Le gouvernement a toujours défendu les droits des chasseurs de phoque. C'est pourquoi il a contesté l'embargo européen auprès de l'Organisation mondiale du commerce. C'est une chose de savoir que le gouvernement défend nos intérêts dans les coulisses du pouvoir. C'en est une autre de le savoir prêt à nous appuyer publiquement, comme il l'a fait en exprimant son appui pour les chasseurs de phoque dans le dernier discours du Trône, ici, au Sénat, et dans le projet de loi amendé à l'étude aujourd'hui.

L'adoption de ce projet de loi, qui vise à célébrer l'industrie du phoque, envoie un message clair sur l'importance que ce type de chasse revêt pour les Canadiens. Ce jour désigné offre clairement l'occasion à l'industrie et aux intervenants de s'unir pour promouvoir les aspects sociaux, culturels et environnementaux de la chasse au phoque. Il nous aidera ainsi à poursuivre nos efforts en vue de rétablir les faits et de montrer que la chasse au phoque est sans cruauté, bien réglementée et viable. La Journée nationale des produits du phoque sert surtout à souligner le fait que la chasse aux phoques représente une source importante de revenus pour les collectivités rurales et côtières, pour qui les débouchés économiques sont souvent limités.

La chasse au phoque est une tradition solidement établie. Elle fait partie de la culture des Inuits depuis fort longtemps, et elle continue d'assurer la survie des collectivités, tant sur le plan culturel qu'économique. Dans certaines collectivités de Terre-Neuve-et- Labrador et du Québec, on chasse le phoque depuis des centaines d'années. La chasse au phoque fait partie intégrante de l'histoire et de la culture de notre pays, et elle est un important moyen de subsistance pour les familles des collectivités côtières du Canada.

L'un des arguments invoqués par les groupes radicaux de défense des droits des animaux est la durabilité de cette chasse. Honorables sénateurs, la réalité, c'est qu'on estime qu'il y a plus de 7 millions de phoques du Groenland, entre 400 000 et 500 000 phoques à capuchon, et autant de phoques gris. Leur nombre augmente à un rythme alarmant chaque année.

C'est un aspect dont le gouvernement doit tenir compte lorsqu'il élabore des politiques et prend des décisions relatives à la gestion des pêches, car les phoques se nourrissent de nombreuses espèces de poissons. Le très grand nombre de phoques risque de causer un véritable déséquilibre environnemental au sein de notre écosystème marin, qui est fragile.

Honorables sénateurs, on ne saurait trop insister sur l'importance de la chasse au phoque et la nécessité d'instituer une journée visant à célébrer les produits de cette tradition. Cette industrie joue un rôle important dans les collectivités. On compte environ 11 000 chasseurs de phoques possédant un permis, qui tirent jusqu'à 55 p. 100 de leur revenu annuel de la chasse au phoque. Il ne faut pas non plus oublier les travailleurs des usines de transformation et ceux qui s'occupent du développement de produits, des pratiques artisanales et de la vente au détail. Cela dit, cette industrie est injustement touchée par les campagnes de désinformation menées par les groupes radicaux de défense des droits des animaux.

(1520)

Le gouvernement prend des mesures concrètes. Le Plan d'action économique de 2015 affecte 5,7 millions de dollars sur cinq ans aux activités visant à ouvrir de nouveaux marchés pour les produits canadiens dérivés du phoque. On constate un intérêt renouvelé pour la viande, l'huile et les produits dérivés du phoque dans l'industrie alimentaire, sans oublier les utilisations biomédicales. Le marché des produits du phoque offre des possibilités considérables. Et bien que la chasse au phoque ait une immense valeur économique et culturelle, la recherche d'un bon équilibre entre l'environnement et la gestion des pêches demeure prioritaire.

Qu'elle soit effectuée par les Inuits ou d'autres communautés côtières, la chasse au phoque est tout à fait viable. Pour tout dire, la population de phoques du Groenland a plus que triplé depuis les années 1970.

Comme le projet de loi l'indique, la chasse au phoque est conçue et gérée, au Canada, de manière à garantir la conservation de l'espèce et l'utilisation durable, conformément aux objectifs de la Convention sur la diversité biologique et aux principes de l'Union internationale pour la conservation de la nature.

Pour conclure, j'aimerais souligner que le projet de loi S-224 n'institue pas une fête légale ni un jour non juridique, mais que la désignation proposée aurait quand même beaucoup plus qu'une valeur symbolique : elle aurait un sens profond. En faisant du 20 mai une célébration de l'industrie du phoque au Canada, on inviterait cette industrie à se joindre à la conversation. On créerait ainsi un contrepoint solide aux messages contre la pêche au phoque transmis par des groupes radicaux de défense des animaux, qui n'ont aucun intérêt pour un dialogue factuel sur la chasse durable et la conservation, et ne cherchent qu'à poursuivre leur travail de désinformation et de financement.

L'adoption de ce projet de loi est une façon concrète de défendre les traditions des peuples autochtones et des localités côtières du Canada. En sensibilisant la population à l'importance de la chasse au phoque sur les plans de la culture, de l'économie et de l'environnement, nous pourrons continuer de lutter contre les idées fausses et les préjugés. Ainsi, nous contribuerons au maintien et à la popularité de cette tradition canadienne.

L'industrie canadienne de la chasse au phoque est, depuis longtemps, la cible de campagnes de désinformation menées par des activistes qui ont de l'argent et qui s'expriment haut et fort. En appuyant le projet de loi S-224, le gouvernement prend la défense de la chasse au phoque, de nos produits du phoque de renommée mondiale et des collectivités côtières qui dépendent de cette activité traditionnelle.

J'invite tous les sénateurs à faire de même.

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, en tant que sénateur du Nunavut — une région où, depuis des millénaires, les Inuits, qui vivent et chassent sous l'un des climats les plus rigoureux du monde, accordent aux phoques une importance spirituelle et culturelle et en dépendent pour se nourrir et se vêtir — j'aimerais dire quelques mots pour m'associer pleinement aux propos de mes collègues, la sénatrice Hervieux-Payette et le sénateur Wells.

Je vous remercie de reconnaître ce mode de vie important pour les habitants du Nunavut. Merci.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

Projet de loi de 2014 instituant des réformes

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénateur Oh, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires).

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, nous savons tous, ne serait-ce que par les courriels que nous avons reçus, que ce projet de loi, qui a été présenté par le député Michael Chong, a suscité un grand intérêt et un fort appui de la part du public. À mon avis, l'appui qu'il a reçu montre clairement que le mécontentement grandit à l'égard de la façon de plus en plus dysfonctionnelle dont le Parlement fonctionne depuis quelques années, non seulement sous le gouvernement actuel, mais aussi sous les gouvernements qui l'ont précédé.

À bien des égards, il n'est pas exagéré de dire que, pour ce qui est du fonctionnement du Parlement, nous sommes arrivés à un point qui n'est pas très loin d'un régime dictatorial, tout particulièrement à l'autre endroit. Les whips donnent des directives pour à peu près n'importe quoi, et chaque décision semble être prise par le bureau central du parti visé, que ce soit le parti ministériel ou les partis de l'opposition. Manifestement, le Parlement n'a pas été conçu pour fonctionner de cette façon, et ce n'est pas la façon dont fonctionne le Parlement dans d'autres régimes reposant sur le modèle de Westminster.

Le projet de loi a été étudié par le Comité du Règlement pendant deux séances seulement. J'aurais vraiment préféré que l'étude soit plus longue. Néanmoins, les témoins que nous avons entendus étaient extrêmement intéressants et bien informés. Nombre d'entre eux ont exposé certains des problèmes auxquels se heurte le système parlementaire actuel.

M. Bob Rae, ancien premier ministre néo-démocrate de l'Ontario et ancien chef par intérim du Parti libéral du Canada, a déclaré que la question centrale est de déterminer comment accorder aux députés une plus grande autonomie, une plus grande capacité à élire un président de comité et une plus grande capacité à fonctionner avec un certain degré d'indépendance par rapport à l'exécutif. Selon lui, le problème, c'est qu'un très grand nombre de députés ont l'impression d'avoir un moins grand contrôle sur leur vie et une moins grande responsabilité sur le plan politique qu'ils ne voudraient. M. Rae a parlé des façons dont fonctionnent les comités aux Communes et du fait que les députés ne disposent pas du degré d'indépendance voulu. Il a aussi parlé des problèmes liés au fait de déterminer ce qui devrait constituer une question de confiance et ce qui ne le devrait pas.

L'ancien Président de la Chambre des communes, Peter Milliken, a parlé du fait que le chef a, essentiellement, un contrôle absolu sur le choix des membres du caucus, n'importe quel caucus, en fait. Il a parlé de ce qu'il considère comme un grave problème, c'est-à-dire qui décide quelle personne posera une question à la Chambre, quelles seront les questions posées et qui est même autorisé à intervenir à un moment quelconque.

L'honorable Stéphane Dion, ancien chef national du Parti libéral du Canada, a dressé une longue liste des problèmes qui affligent notre système, et je crois que la plupart d'entre nous s'entendent sur la majeure partie des éléments qui forment cette liste. Cette liste comprend notamment la nécessité d'effectuer un contrôle plus rigoureux des finances publiques; d'accorder plus de pouvoirs et de financement au directeur parlementaire du budget; de respecter le droit d'accès à l'information; de mieux encadrer la publicité gouvernementale; d'adopter des règlements visant à restreindre le nombre de réunions des comités parlementaires à huis clos; et, enfin, d'adopter des règlements limitant la présentation de projets de loi omnibus et la prorogation du Parlement. Stéphane Dion a aussi dit qu'il serait important d'accroître les pouvoirs d'Élections Canada et de lui offrir davantage de ressources; d'adopter des règles plus strictes en ce qui concerne les dépenses des parlementaires et d'exercer un contrôle plus serré à cet égard, un sujet dont nous avons beaucoup parlé récemment; de la nécessité de faire du Sénat une institution plus indépendante et moins partisane; et, enfin, de trouver un système de scrutin qui soit mieux adapté à la démocratie canadienne.

Ce qui me frappe le plus, c'est que le projet de loi ne règle aucun de ces problèmes. Je vous l'accorde, il traite de la formation des groupes parlementaires, mais la méthode qu'il propose ne me semble pas appropriée. Les témoins ont également parlé des problèmes qu'ils perçoivent dans un système qui permet aux chefs de parti d'approuver les candidats aux élections. Ce projet de loi s'attaque à ce genre de problèmes, mais à aucun des autres problèmes.

(1530)

Dans une certaine mesure, il me semble que la population et ceux qui ont pris la parole au sujet de ce projet de loi, que ce soit au comité ou dans les deux Chambres, ont très bien cerné le problème auquel nous sommes confrontés, mais ceux qui appuient ce projet de loi ont proposé une mauvaise solution. D'ailleurs, à mon avis, la solution proposée aggraverait les choses au lieu de les améliorer.

Premièrement, comme je l'ai dit à l'étape de la deuxième lecture, ce projet de loi inscrirait dans la loi un système universel pour des questions que nous considérons depuis longtemps comme des problèmes qui relèvent de l'administration interne d'un parti. Depuis longtemps, et encore aujourd'hui, les divers partis ont différentes façons non seulement de choisir les membres de leur groupe parlementaire, comme je l'ai souligné, mais aussi — et je crois que c'est encore plus important à bien des égards — de sélectionner et de désélectionner — le mot est terrible, mais c'est ce qu'on dit — les chefs de parti.

On sait bien que ce projet de loi donnerait aux membres du groupe parlementaire le droit de demander la tenue d'un examen de la direction si 20 p. 100 des membres le réclament. Dans le cadre de cet examen, il suffirait que les députés votent à 50 p. 100 plus une voix en faveur de la destitution pour que le chef quitte ses fonctions, obligeant ainsi le parti à tenir un congrès à la direction.

On nous dit qu'il s'agit là du véritable système employé dans tous les autres régimes fondés sur le modèle de Westminster. En fait, ce système remonte au XIXe siècle, alors que les groupes parlementaires choisissaient le chef qui allait devenir ou qui aspirait à devenir premier ministre du pays. C'est ainsi qu'on procédait dans tous les régimes fondés sur le modèle de Westminster à cette époque. Je ne crois pas que beaucoup de gens voudraient qu'on retourne en arrière.

C'est ce que souhaite M. Milliken. Il pense que le groupe parlementaire devrait à tout le moins avoir un droit de veto en ce qui a trait au choix du chef de parti. Il m'a semblé très clair, à l'entendre en comité, qu'il pense que ce serait formidable si les chefs étaient choisis par les seuls membres du groupe parlementaire, comme c'est le cas, disons, en Australie.

M. Chong ne semble pas vouloir revenir exactement au modèle de Westminster appliqué au XIXe siècle. En fait, il a dit que l'atmosphère « sélecte » du modèle parlementaire du XXIe siècle est de plus en plus archaïque, mais ce qu'il propose pour régler le problème, c'est l'adoption de règles codifiées qui, je le répète, seraient universelles.

Ce n'est pas la voie que le Canada a empruntée. Le Canada ne fait pas marche arrière vers le XIXe siècle. Depuis le début du XXe siècle, et maintenant au XXIe siècle, le Canada va dans la direction diamétralement opposée. Parmi les parlements de type britannique, nous étions des chefs de file de l'ouverture et de la démocratisation du processus de sélection des chefs de partis. Je ne peux pas concevoir que tourner le dos à 100 ans d'histoire est une bonne façon de procéder. Vous n'avez pas à me croire sur parole; beaucoup de gens pensent comme moi.

Je vais me contenter de citer un article intéressant du magazine Inside Policy, publié par l'Institut Macdonald-Laurier, qui a été rédigé par un homme que beaucoup de gens connaissent, M. Tom Flanagan. Voici ce qu'il a dit :

[...] on peut se demander, pourquoi le chef doit-il être choisi par les membres du parti? Pour quelle raison le caucus ne l'élirait-il pas, comme on le faisait au XIXe siècle et comme le font encore certains partis en Australie et en Nouvelle- Zélande? La réponse, c'est que « l'âge d'or du parlementarisme » a cédé la place à une époque de démocratie de masse. Les électeurs s'attendent maintenant à intervenir dans le choix du directeur général du pays.

Il a ajouté ce qui suit :

Le fait de permettre aux membres d'un parti de choisir le chef accroît le soutien populaire et confère au chef une autorité non seulement légale, mais aussi politique, pour diriger le parti et le caucus élu. C'est d'une importance capitale pour donner aux électeurs un véritable choix entre des partis aux politiques, programmes et représentants différents. Sinon, les élections reviendraient à choisir des représentants qui ont une piètre idée de ce qui va suivre. Il suffit de voir les politiques de factions personnalisées de bien des conseils municipaux (non seulement celui de Toronto) pour avoir une idée de ce à quoi peut ressembler la démocratie sans partis politiques responsables.

Je crois que ce sont là de très sages paroles.

Au comité, nous avons entendu un spécialiste des sciences politiques très impressionnant, le professeur William Cross, de l'Université Carleton, qui a publié de nombreux ouvrages sur la question du choix ou du renvoi des chefs politiques.

Il a dit que plusieurs éléments le préoccupaient dans ce projet de loi :

[...] surtout parce qu'il donne l'autorité légale au caucus de la Chambre des communes de retirer le chef si le parti le souhaite. Ce n'est pas conforme à la tradition de Westminster où les lois sont muettes sur cette question et la décision est prise par le parti extraparlementaire.

C'est le parti à l'extérieur du Parlement. Il ajoute ceci :

Il n'y a nulle part ailleurs un règlement qui dicte la façon dont, dans les systèmes de Westminster, les candidats ou les chefs devraient être choisis. C'est laissé à la discrétion des partis extraparlementaires.

Je pense qu'il convient aussi de lire une citation un peu plus longue du professeur Cross, si vous le voulez bien. Il possède une vaste expérience dans ce domaine et aucun intérêt personnel à favoriser un point de vue plutôt qu'un autre.

Il a dit ceci :

J'aborde ce travail avec ce que j'estime être un scepticisme sain à l'égard de la réglementation de nos partis politiques et, surtout, des processus décisionnels internes des partis politiques. Il y a plusieurs raisons à cela et je vais en mentionner rapidement deux.

La première est cette notion de règle générale, qui laisse entendre qu'il existe une approche qui est meilleure que les autres, qu'il convient d'exposer et ensuite, d'imposer à tous les partis. Bien sûr, nos partis mettent l'accent sur des valeurs démocratiques différentes; ils reflètent des principes démocratiques différents auxquels ils attribuent des priorités différentes; et, bien sûr, ils se trouvent de temps en temps dans des contextes politiques très différents. Par exemple, le parti qui se choisit un chef alors qu'il est au pouvoir — ce qui revient en fait à choisir un nouveau premier ministre — est dans une situation fort différente du parti parlementaire qui se situe au quatrième ou cinquième rang avec un caucus de 12 députés et qui choisit un chef. Il n'est donc pas certain qu'il existe un ensemble de règles capables de préciser ce qu'il conviendrait de faire dans ces différents cas de figure.

Une deuxième préoccupation est ce que j'appellerais la thèse de la prise en main par l'État. Les partis politiques sont de plus en plus dépendants de l'État pour leur financement et ils sont déjà très réglementés par l'État, mais à un moment donné, on constate qu'il y a une limite à ne pas dépasser. La recherche indique qu'à un moment donné, les citoyens se détachent des partis qui sont trop réglementés et qui sont trop intégrés à l'État. Cela peut se traduire par une diminution de l'engagement envers les partis politiques et de la confiance de la population dans les partis.

Je crois qu'il s'agit là d'un avertissement que nous devrions prendre très au sérieux.

Ce projet de loi est présenté comme une façon de réformer le Parlement, de redonner le pouvoir aux députés et, en général, d'améliorer les choses. Mais aboutira-t-il réellement à un tel résultat? J'en doute fort, et cela semble être l'avis de tout le monde ou presque.

Les témoignages que j'ai entendus étaient fascinants. M. Milliken a dit, au fond, que nous devrions adopter ce projet de loi parce qu'il sera alors immédiatement modifié. Les députés à la Chambre des communes en seront si mécontents qu'ils ne tarderont pas à y apporter des modifications.

(1540)

M. Rae a dit que le projet de loi valait la peine d'être adopté pour qu'il suscite un débat. Je ne vois pas en quoi il serait justifié d'adopter un mauvais projet de loi seulement pour provoquer un débat. M. Chong a déjà très bien réussi à lancer le débat et je ne crois pas qu'il cesserait de parler de cette question même si le projet de loi était rejeté.

D'autres sénateurs et moi avons déjà dit — le sénateur Smith a fait plusieurs fois valoir cet argument valable — que, dans les autres Parlements reposant sur le modèle de Westminster, les députés et les sénateurs sont beaucoup plus libres de voter selon leur conscience et d'adopter une position différente de celle du chef de leur parti. Il y a quelques mois, j'ai donné des chiffres et j'ai parlé des centaines d'amendements que la Chambre des lords adopte, à Westminster, et qui permettent d'améliorer les projets de loi d'initiative ministérielle. Honorables sénateurs, ce qui est fascinant, c'est que, pour nous donner cette liberté et pouvoir nous prononcer comme nous l'entendons sur les amendements proposés au comité, il suffit tout simplement de le faire. Aucune loi ne nous en empêche.

En effet, aucune loi n'empêche les députés de voter selon leur conscience. Il est déjà arrivé, ici même, au cours des dernières années, qu'un nombre important de députés ou de sénateurs s'entendent pour voter comme le leur dictait leur conscience et aller à l'encontre de la position de leur chef, et ils l'ont emporté; ils ont fait pencher la balance. C'est possible. Il suffit de le faire. Aucune loi ne nous pousse à le faire, mais aucune loi ne nous en empêche non plus.

On n'a pas besoin d'une loi pour se tenir debout. Il suffit de le vouloir.

Personnellement, la manière dont le Sénat a été traité figure parmi ce qui m'irrite le plus dans tout ceci. Nous avons tous déjà entendu l'argument voulant que, dans la mesure où ce projet de loi ne concerne pas le Sénat et ne touche que la Chambre des communes, nous devrions l'adopter les yeux fermés.

Eh bien, c'est faux : le Sénat est bel et bien concerné, puisque les sénateurs n'auraient désormais plus le droit de se prononcer sur l'un des éléments les plus importants de la vie politique, à savoir qui dirigera la destinée de leur parti ou même de leur groupe parlementaire.

Pourtant, on nous répète que nous devons l'adopter sans rechigner, puisqu'il a été adopté à 200 voix contre 17 — ou quelque chose du genre — par la Chambre des communes. Je regrette, mais ce n'est pas le genre d'argument auquel je suis particulièrement sensible.

L'argument le plus intéressant qui a été soumis au comité nous vient de M. Stéphane Dion, qui est fermement convaincu que, même s'il s'agit d'un très mauvais projet de loi, nous devrions l'adopter, puisque c'est ce qu'a fait la Chambre des communes avant nous. Au moins, il est resté courtois en nous disant cela.

La sénatrice Jaffer a posé la question suivante à M. Chong :

Pour l'essentiel, vous nous demandez d'approuver le projet de loi tel qu'il est; est-ce bien cela?

Ce à quoi il a répondu ceci :

C'est exact.

Il a alors poursuivi en disant que nous n'avions le droit de ne rien faire d'autre à part l'adopter.

L'ancien Président de la Chambre des communes, le distingué M. Milliken, a dit ce qui suit :

[...] Je prierais le Sénat de se pincer le nez et d'adopter ce projet de loi.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, en ce qui me concerne, je n'aime pas qu'on me demande d'adopter quoi que ce soit les yeux fermés ou le nez pincé.

Prenons l'exemple d'un autre projet de loi de la Chambre des communes qui avait la faveur à la fois des députés et de la population. J'invite pour ce faire les sénateurs à remonter jusqu'en 1997 et à rappeler à leur mémoire le projet de loi C-220, que l'on surnommait parfois le projet de loi « Son of Sam ». Cette mesure législative faisait fureur auprès du public, parce qu'on y disait en gros que les criminels et les meurtriers — Clifford Olson, par exemple — ne devraient pas avoir le droit de gagner de l'argent en écrivant sur leurs crimes.

Il est difficile d'imaginer une mesure législative unissant davantage l'opinion publique que ce projet de loi qui visait à empêcher des gens comme Clifford Olson de profiter de leurs crimes. Le projet de loi fut adopté à l'unanimité à la Chambre des communes. Pas un député ne s'y est opposé. Puis, il a été renvoyé au Sénat, qui en a confié l'étude au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Ce dernier a examiné le projet de loi très longuement et attentivement avant de parvenir à la conclusion que le projet de loi ne devrait pas aller de l'avant puisqu'il allait à l'encontre de la Charte des droits et de nombreuses obligations internationales du Canada. Le comité a précisé que, dans sa forme actuelle, le projet de loi enfreignait la loi sur le droit d'auteur. Il a signalé que le projet de loi aurait empêché une personne comme Nelson Mandela de rédiger son autobiographie, et qu'il ne se serait pas seulement appliqué à des individus comme Clifford Olson.

Le comité estimait que le projet de loi ne pouvait être sauvé. Voici ce qu'il a dit :

[...] après mûre réflexion, nous sommes parvenus à la conclusion que les moyens proposés pour y arriver ne méritaient pas d'être appuyés, [même si l'objectif visé est louable].

Le public a été très mécontent de la décision du Sénat. Cependant, ce dernier a fait ce qui lui paraissait juste, et je crois qu'il avait raison.

Le sénateur Mitchell : Comme toujours.

La sénatrice Fraser : Il arrive parfois que la Chambre des communes adopte des mesures extrêmement populaires, puis que les députés nous abordent, peut-être dans l'autobus ou le couloir, pour nous dire qu'ils comptent sur le Sénat pour torpiller le projet de loi ou en corriger les pires éléments. Je suis sûre que nous avons tous vécu ce type de situation. Je peux assurer à ceux qui n'ont pas encore eu cette expérience que cela leur arrivera un jour.

J'aimerais citer une déclaration très célèbre qui a été faite par sir John A. Macdonald en 1865, et que le sénateur Nolin a lui aussi citée ici il n'y a pas si longtemps. La voici :

Une Chambre haute ne serait d'aucune utilité si elle n'exerçait pas, quand elle le juge opportun, le droit de s'opposer à un projet de loi de la Chambre basse, de l'amender ou de le retarder. Elle ne serait d'aucune utilité si elle se bornait à sanctionner les décrets de la Chambre basse. Elle doit être une Chambre indépendante, jouissant de sa propre liberté d'action, car elle n'est utile que comme organe de réglementation, qui considère calmement les projets de loi proposés par la Chambre populaire et empêche le passage de toute loi intempestive ou pernicieuse adoptée par cette dernière, mais elle ne s'opposera jamais aux souhaits délibérés et compris du peuple.

Comme j'ai essayé de le dire au début de mes remarques, chers collègues, je crois que le souhait délibéré et compris du peuple, c'est une véritable réforme en profondeur du système parlementaire, et non pas cette ingérence étatique à formule unique proposée dans ce projet de loi. Je ne crois pas non plus que ce projet de loi peut être sauvé du fait que les caucus pourraient voter pour accepter ou non les recommandations. Ils seront confrontés au même déferlement d'opinion publique auquel ils sont confrontés à l'heure actuelle. Ils voteront donc pour approuver ces règles, du moins temporairement, jusqu'à ce qu'ils puissent adopter de meilleures règles dans leurs partis, et Dieu sait combien de temps cela prendra. Nous nous retrouverons avec une mauvaise loi en vigueur.

Je sais que beaucoup de sénateurs croient que ce mois de l'année est un moment difficile pour que le Sénat envisage de s'opposer à une politique de la Chambre des communes, mais je tiens à vous signaler, chers collègues, que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. C'est pourquoi notre emploi nous est assuré jusqu'à l'âge de 75 ans, pour faire ce que nous croyons être juste.

J'ai le plus grand respect pour ceux qui appuient ce projet de loi et qui estiment qu'il faut l'adopter. Quant à moi, je crois que le bon choix est de s'y opposer.

(1550)

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je voudrais féliciter la sénatrice Fraser de son discours, auquel je souscris certainement. Je voudrais que le débat soit ajourné à mon nom jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je voudrais me joindre au débat actuel en y ajoutant quelques réflexions. J'ai un grand respect pour le parrain de ce projet de loi, le député de Wellington—Halton Hills, M. Michael Chong. Je l'observe depuis de nombreuses années. C'est un travailleur infatigable et un lecteur. J'ai beaucoup d'admiration pour lui.

Je ne suis pas du même avis que la sénatrice Fraser. Je pense que les ministres aux Communes avaient le devoir de respecter le projet de loi C-586 de M. Chong et je peux citer des autorités en la matière pour étayer mon opinion. Le projet de loi ayant été adopté par une vaste majorité des députés aux Communes, je crois que les ministres avaient l'obligation de revoir leur position et d'accorder leur appui au projet de loi. Je l'ai dit au cours de la réunion du Comité du Règlement où M. Chong est venu témoigner et je voudrais citer des autorités à cet égard. La règle veut que, si la Chambre persiste à exprimer une opinion contraire à celle des ministres, ceux-ci aient l'obligation de revoir leur position.

Je voudrais vous lire un extrait du deuxième volume de l'ouvrage publié en 1889 par Alpheus Todd, qui s'intitule Le gouvernement parlementaire en Angleterre. À la page 500 de la version anglaise, l'auteur écrit ceci :

Lorsque l'opinion du Parlement a été exprimée sans équivoque en faveur d'un projet de loi, en dépit des objections exprimées par les ministres, ceux-ci ont invariablement eu pour pratique soit de renoncer à leur opposition, par déférence pour l'opinion du Parlement, et d'apporter leur concours à la mise en œuvre de la mesure, avec les amendements nécessaires pour l'adapter à leur propre idée de la politique gouvernementale, soit de démissionner.

Honorables sénateurs, lorsqu'un projet de loi ou une mesure est adopté par la Chambre en dépit de la ferme opposition du conseil des ministres, s'il y a des pressions, cela devient alors une question de confiance. La règle veut que, lorsque la Chambre des communes maintient une opinion contraire à celle du conseil des ministres, les ministres devraient non seulement céder, mais aussi fournir l'assistance et les capacités de recherche de leur ministère respectif à M. Chong afin qu'il améliore le projet de loi.

Mon opinion diffère légèrement de celle de la sénatrice Fraser sur la question. J'admire la persévérance de M. Chong face à une opposition très injuste. Tous ceux qui ont siégé à l'une ou l'autre des Chambres savent très bien que, dans toute confrontation avec le gouvernement, un simple député est toujours désavantagé. Pour commencer, il y a 4 000 avocats qui travaillent pour les ministres au ministère de la Justice. Il m'est arrivé de travailler durant un an sur une question et de voir le gouvernement soumettre mon discours, durant deux jours, à l'examen de trois ou quatre avocats, qui sont revenus avec une réponse dévastatrice. Nous devrions applaudir M. Chong pour son courage face à une résistance certaine.

En ce qui concerne les mauvais projets de loi, j'ai un autre exemple à citer en ce sens aujourd'hui. Je vois tous les jours de mauvais projets de loi être adoptés ici même. Le premier qui me vient à l'esprit, auquel je me suis opposée en 1995, je crois, fut le projet de loi C-68, le projet de loi sur les armes à feu d'alors. Rien de ce qu'ont pu dire ou faire les sénateurs n'a pu convaincre le gouvernement de l'époque qu'il commettait peut-être une erreur. Il s'agissait du projet de loi de M. Rock, le ministre de la Justice. M. Rock a persisté et il a renvoyé son projet de loi au Sénat sans amendement. Nous avons vu ce projet de loi être adopté ici, même s'il était mauvais. À mon sens, il était très mauvais. En conséquence, nous avons perdu des dizaines de députés libéraux à chaque élection, durant quatre ans.

Honorables sénateurs, je m'oppose aux mauvaises mesures, mais je suis favorable à ce qu'on donne la chance à une personne de se faire entendre et à ce qu'on ait un débat et une discussion réels sur la substance et le bien-fondé de la question. À mon avis, les préoccupations de M. Chong sont valables. Dans notre système, les premiers ministres sont devenus des êtres aux pouvoirs absolus. Nous ne sommes plus certains de la nature de la créature constitutionnelle que nous appelons « premier ministre ».

Nous oublions que, dans le système britannique, il n'y a jamais eu de monarchie absolue ni de monarques absolus. Les Canadiens n'ont pas l'habitude de ce genre d'absolutisme. Honnêtement, il faut dénoncer cela chaque fois que l'occasion s'en présente. Voilà pourquoi j'ai toujours été prête à accorder à M. Chong une audience équitable et à lui donner l'occasion de se faire entendre.

Honorables sénateurs, je ne sais pas si les choses ont changé. J'ai siégé pendant 20 ans au caucus libéral. On en est venu au point où une liste de projets de loi d'initiative parlementaire arrivait de nulle part au moment de chaque réunion du caucus. On nous disait que le gouvernement ne voulait pas de certains projets de loi et qu'on s'attendait à ce que les membres du caucus rejettent tel ou tel projet de loi d'initiative parlementaire parce que le gouvernement le leur demandait ou voulait qu'il en soit ainsi.

Honorables sénateurs, je ne vois pas la vie de cette façon. Je crois que, au bout du compte, nous devrions examiner la pertinence des résultats et des objectifs de chaque projet de loi.

L'ancien Président Peter Milliken a témoigné devant le Comité du Règlement. Au fond, il a dit qu'il valait mieux adopter un projet de loi imparfait que ne pas en adopter du tout. Je me souviens d'un tel cas au Sénat. C'était juste après le débat sur la TPS, dans le cadre du projet de loi C-43 sur l'avortement. Plusieurs avaient fait valoir qu'une mauvaise loi, c'est mieux que pas de loi du tout. Malheureusement, le Sénat a rejeté le projet de loi et je doute maintenant que nous ayons fait une bonne chose, car, en raison de ce rejet, nous n'avons aucune loi sur l'avortement.

Honorables sénateurs, personne n'a fait valoir que, si la Chambre des communes adopte des mesures dont le gouvernement ne veut pas, le gouvernement peut faire l'objet d'un vote de confiance, mais cela n'a pas été le cas. Si cela n'a pas été le cas à la Chambre des communes, cela ne devrait pas l'être au Sénat.

J'aimerais citer aux fins du compte rendu un autre passage tiré du même livre de M. Todd. À la page 492, il dit ce qui suit :

Le retrait de la confiance de la Chambre des communes à l'endroit d'un ministère peut se manifester soit par un vote direct de défiance ou un vote de censure pour certains actes ou omissions désignés, soit par le rejet d'une mesure législative proposée par des ministres, dont l'acceptation par le Parlement a été déclarée d'une importance capitale; ou encore,

— c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons —

par l'intention du Parlement de promulguer une loi en dépit des conseils et sans le consentement de l'administration.

(1600)

C'est un peu plus compliqué que l'on pense. Toutefois, si ce projet de loi a reçu un tel appui à la Chambre des communes, je reste d'avis que le ministre responsable en la matière avait le devoir de laisser de côté une partie de son opposition et de travailler avec le député pour corriger les imperfections du projet de loi. C'est un principe convenu, et j'aimerais seulement avoir la chance de le faire valoir et de m'assurer qu'il figurera une fois de plus dans le compte rendu.

Pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas, Alpheus Todd était Anglais, mais il a grandi au Canada. C'était un bibliothécaire de renom et un érudit à propos de ces questions. Sir John A. Macdonald lui parlait fréquemment. Ses écrits sur le Parlement, ses processus et ses procédures ont précédé ceux d'Erskine May en la matière. J'invite les sénateurs à prendre connaissance de ses propos remarquables.

Le fait est que ce projet de loi a été massivement appuyé à la Chambre des communes. Je pense que nous devrions lui donner une chance et l'étudier équitablement, et que nous devrions garder l'esprit ouvert à cet égard.

Le sénateur Plett : Pour permettre cette considération équitable du projet de loi, j'aimerais avoir la possibilité d'en parler la semaine prochaine, et je vais de nouveau demander que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à accorder l'asile à Mme Asia Bibi et à sa famille—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., telle que modifiée :

Que le Sénat du Canada rappelle au gouvernement du Pakistan l'urgence de libérer sans délai Madame Asia Bibi, femme chrétienne détenue arbitrairement pour ses croyances religieuses;

Que le Sénat du Canada déclare son intention de voir le Canada lui accorder asile avec sa famille à sa libération si elle en fait la demande;

Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes pour lui demander de faire front commun avec le Sénat aux fins de ce qui précède.

L'honorable Percy Mockler : Je n'ai pas encore terminé la préparation de mes notes d'allocution sur cette motion. Je propose donc que le débat soit ajourné pour le reste du temps de parole dont je dispose.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, permettez-moi de poser une question à l'honorable sénateur Mockler.

Sachant que nous ne siégerons pas en juillet et en août, pouvez- vous nous dire à quel moment vous interviendrez afin que nous puissions voter sur cette motion? Puisqu'il s'agit d'une motion, il n'est pas nécessaire d'obtenir l'assentiment de la Chambre des communes.

Aussi, étant donné que cette question est sur la place publique, qu'il y a eu récemment des changements dans l'état de santé de Mme Bibi, et que des meurtres ont été commis contre des personnes qui ont tenté de sauver la vie de madame, j'aimerais savoir à quel moment vous prononcerez votre discours afin que nous puissions débattre de cette motion et voter.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, même si le débat est ajourné sur cette motion, si la Chambre est d'accord, nous permettrons au sénateur Mockler de répondre à la question.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je l'espère.

Le sénateur Mockler : Honorables sénateurs, je puis vous assurer que, lorsque mes notes seront complétées, je prononcerai mon discours sur cette motion.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Mockler, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Transports et communications

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada et de le déposer auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Dennis Dawson, conformément au préavis donné le 9 juin 2015, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le lundi 9 décembre 2013, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des transports et des communications relativement à son étude des défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications, soit reportée du 30 juin 2015 au 30 juillet 2015;

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé durant la période entre le 22 juin 2015 et le 30 juillet 2015 et nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat un rapport si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Langues officielles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Claudette Tardif, conformément au préavis donné le 10 juin 2015, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à siéger à 17 heures le lundi 15 juin 2015, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

— Honorables sénateurs, je propose l'adoption de la motion inscrite à mon nom dans le Feuilleton des préavis.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Droits de la personne

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 10 juin 2015, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à siéger à 16 heures le lundi 15 juin 2015, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18 (1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Régie interne, budgets et administration
Règlement, procédure et droits du Parlement

Motion tendant à retirer à certains membres l'autorisation de siéger aux comités—Ajournement du débat

L'honorable Céline Hervieux-Payette, conformément au préavis donné le 10 juin 2015, propose :

Que les honorables sénateurs dont les noms figurent dans le rapport du vérificateur général sur les dépenses du Sénat ne soient plus autorisés à siéger, ni au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ni au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, jusqu'à ce qu'ils obtiennent une décision finale de l'arbitre ou de toute autre instance légale.

— Honorables sénateurs, j'aimerais modifier la motion que j'ai présentée hier. Dans la motion originale, il est mentionné ce qui suit :

Que les honorables sénateurs dont les noms figurent dans le rapport [...]

Je ne savais pas que tous les sénateurs du Sénat étaient inclus dans le rapport. Je propose donc de modifier la motion par ce qui suit :

Que les honorables sénateurs qui voient leurs dépenses questionnées par le vérificateur général dans son rapport sur les dépenses du Sénat ne soient pas autorisés à siéger, ni au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ni au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, jusqu'à ce qu'ils obtiennent une décision finale de l'arbitre ou de toute autre instance légale.

Je demande le consentement de mes collègues pour modifier le texte, afin que nous ayons une motion sensée.

(1610)

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Motion de modification

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, comme modification, je propose :

Que les honorables sénateurs qui voient leurs dépenses questionnées par le vérificateur général dans son rapport sur les dépenses du Sénat ne soient pas autorisés à siéger, ni au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ni au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, jusqu'à ce qu'ils obtiennent une décision finale de l'arbitre ou de toute autre instance légale.

Ð Honorables sénateurs, hier, j'ai donné préavis d'une motion pour demander à ce que les sénateurs dont les dépenses sont remises en question par le vérificateur général ne soient plus autorisés à siéger, ni au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ni au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, jusqu'à ce qu'ils obtiennent une décision de l'arbitre ou de toute autre instance légale.

Nous avons tous voté en faveur de la motion, avant-hier, qui portait sur la nécessité de mener une enquête indépendante sur les fuites du rapport du vérificateur général. En effet, nous avions tous convenu que ces fuites avaient causé un préjudice considérable à notre institution, de même qu'aux sénateurs cités dans les médias, qui n'avaient aucune possibilité de se défendre avant le dépôt du rapport dans cette Chambre.

Oui, notre institution a souffert de ces fuites, et tous les sénateurs sont des victimes collatérales. Au-delà de cela, nous avons un exercice cathartique à réaliser. En effet, il faut affronter le séisme causé par le rapport du vérificateur général pour mieux le dépasser et nous assurer que cette institution que nous représentons en sera renforcée. Cet exercice passe par la démonstration, au-delà de tout doute, de la probité des sénateurs dont les dépenses sont contestées dans le rapport. Les Canadiens n'en attendent pas moins de nous. D'ailleurs, je félicite le Président et mes collègues d'avoir mis ce procédé en place.

Je vous l'ai dit, nous avons convenu que le droit fondamental à la présomption d'innocence de ces sénateurs, ainsi que leur droit à une défense juste et équitable n'avaient pas été respectés en raison des fuites dans les médias. Il n'en demeure pas moins que le rapport est public, que leur nom figure dans ce rapport, que certaines de leurs dépenses sont contestées et que leur réputation doit être rétablie, pour eux-mêmes et pour le Sénat, parce qu'ils portent, comme chacun d'entre nous, une part de la respectabilité de notre institution démocratique.

Cette motion n'est pas une attaque contre les sénateurs dont les dépenses sont remises en question par le vérificateur général, loin de là. Cependant, en tant qu'avocate, je ne puis méconnaître la présomption d'innocence. À l'instar de ma motion d'avant-hier, que nous avons tous appuyée, il est nécessaire de restaurer l'intégrité de notre institution dans sa gestion des fonds publics et de nous assurer que les décisions prises par les deux comités mentionnés seront, elles aussi, considérées comme des décisions qui sont au-delà de tout soupçon.

C'est pourquoi j'estime que les sénateurs dont les dépenses sont remises en question par le vérificateur général pourront temporairement se retirer de ces comités et, ainsi, attendre la décision de l'arbitrage, afin de pouvoir siéger de nouveau à ces comités. Il importe de s'assurer que l'opinion publique accepte cette prise de position, et j'ose espérer que vous l'appuierez. Nous devons rétablir le respect des règles que nous avons adoptées et de celles que nous allons adopter après avoir étudié le rapport du vérificateur général, que nous pourrons mettre en place le plus tôt possible. Je crois que vous serez tous d'accord avec moi pour dire que notre première obligation, à ce moment-ci, est d'obéir aux normes d'éthique les plus élevées. C'est la raison pour laquelle, honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer cette motion.

(Sur la motion du sénateur Maltais, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Les pouvoirs qui sont conférés au vérificateur général par la loi

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné avis le 3 juin 2015 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur :

a) l'agent législatif qu'est le vérificateur général du Canada, et la Loi sur le vérificateur général, dans laquelle le Parlement ne lui a délibérément conféré aucun pouvoir de soumettre les sénateurs ou les députés à une vérification; la section Attributions de cette loi, qui comprend les articles 5 à 12, et l'article 5 selon lequel :

Le vérificateur général est le vérificateur des comptes du Canada [...]

b) la vérité constitutionnelle selon laquelle le Sénat ne fait pas partie des comptes du Canada, ni de l'administration publique, ni de la fonction publique; le fait constitutionnel que la Chambre haute du Parlement, le Sénat, tout comme la Chambre des communes, n'est pas un ministère dirigé par un ministre de la Couronne; l'article 7 de la Loi sur le vérificateur général aux termes duquel le vérificateur général doit établir à l'intention de la Chambre des communes un rapport sur ses vérifications des comptes publics, et l'absence dans cette loi de tout article autorisant ce vérificateur à faire rapport au Sénat sur quoi que soit, et surtout pas sur une vérification comptable des sénateurs, essentiellement parce que cette loi ne confère aucun pouvoir de faire rapport sur une activité qu'elle ne confère pas le pouvoir d'accomplir et qu'en fait, elle interdit; le fait crucial que la Loi sur le vérificateur général est subordonnée à la règle constitutionnelle fondamentale qu'est la « souveraineté du Parlement » et que le vérificateur général est tenu par serment de respecter;

c) le fait constitutionnel que l'audit du Sénat et des sénateurs par le vérificateur général ne fait pas partie des données ni des renseignements dont il a besoin dans « l'exercice de ses fonctions » de vérificateur des comptes du Canada, en vertu des paragraphes 13(1) et 14(1) et (2) de la Loi sur le vérificateur général; le fait que les sénateurs et le Sénat ne sont pas assujettis au paragraphe 13(4) de cette loi, qui lui confère les pouvoirs dont un commissaire est investi en vertu de la partie I de la Loi sur les enquêtes, parce que le Sénat ne fait pas partie des comptes du Canada, ni de la fonction publique, ni de l'administration publique;

d) la décision de 1987 de la Cour fédérale d'appel déboutant le vérificateur général de sa demande d'accès aux documents du Cabinet relatifs à l'affaire Petrofina, dans laquelle le juge Pratte exprimait son accord avec le juge en chef Heald en statuant que le vérificateur général est « le vérificateur des comptes du Canada » et que, quels que soient ses droits en vertu des art. 13 et 14, ils se limitent à l'exercice de ses fonctions à titre de vérificateur des comptes du Canada; le fait constitutionnel que l'audit des sénateurs ne fait pas partie des droits et pouvoirs du vérificateur général et ne se rapporte pas à « l'exercice de ses fonctions » au sens de la Loi sur le vérificateur général.

— Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui au sujet de mon interpellation sur le vérificateur général.

Honorables sénateurs, le poste de vérificateur général, dont le devoir consiste à faire rapport à la Chambre des communes, a été créé par voie législative pour aider la Chambre à assumer sa prééminence dans son rôle unique qui consiste à exiger des comptes aux ministres fédéraux en matière de finances nationales, de recettes publiques et de dépenses publiques, ainsi que de taxation et de dépenses. Cette fonction de la Chambre des communes est intimement liée aux votes de confiance, ce pouvoir fatal qui défait les gouvernements, les pousse à démissionner et entraîne la dissolution du Parlement, des élections générales et l'arrivée d'un nouveau gouvernement. Le pouvoir formidable qui forme les gouvernements et les défait rapidement sans effusion de sang est au cœur du système de gouvernement de Westminster. C'est le pouvoir de la Chambre des communes de contrôler les fonds publics.

Honorables sénateurs, la vérification du Sénat — la Chambre haute, la Chambre de Sa Majesté et la Chambre fédérale du Parlement — effectuée par le vérificateur général pose de grandes questions constitutionnelles. La vérification du Sénat est-elle conforme à la Constitution du Canada? Est-elle conforme au rôle du vérificateur général — entité indépendante créée par voie législative en 1878 — qui consiste à vérifier les crédits des comptes publics?

Cet agent, dont le poste a été créé par la loi de 1878, avait pour rôle de vérifier les dépenses de la Chambre des communes en s'assurant que l'affectation des crédits primait et que le gouvernement dépensait les deniers publics conformément aux lois de crédits adoptées par la Chambre des communes — nous en avons d'ailleurs adoptées ici tout à l'heure, comme le veut l'usage au mois de juin. Comme le prévoient les articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, les lois portant affectation de crédits doivent être proposées à la Chambre des communes et peuvent l'être seulement par un ministre de la Couronne, pas par un simple député.

Honorables sénateurs, la loi de 1878 s'intitulait Acte pour pourvoir à la meilleure audition des comptes publics. Selon la Constitution, le seul rôle de ce titulaire d'une charge créée par une loi consistait à vérifier les comptes publics et à aider la Chambre des communes à l'égard de sa prééminence dans les finances nationales et de son pouvoir de contrôler les deniers publics.

Honorables sénateurs, lorsqu'il est question d'un gouvernement responsable, ce pouvoir donne lieu à des refus en ce qui concerne les crédits, à des votes de confiance et à des procédures de destitution. Ce pouvoir détenu par la Chambre des communes se manifeste également dans le contexte parlementaire, car c'est la Chambre basse, la Chambre des communes, qui choisit le gouvernement et le premier ministre du Canada, qui sont ensuite nommés par le gouvernement général. Le premier ministre est celui qui jouit de la confiance de la Chambre, autrement dit, du soutien de la majorité.

La prééminence de la Chambre en ce qui concerne le contrôle des deniers publics repose sur des fondements historiques et s'appuie sur différents principes, c'est-à-dire l'imposition suivant le principe de la représentation, la représentation selon la population, le principe selon lequel il n'y a pas d'imposition sans représentation, de même que les initiatives financières de la Couronne, autrement dit, les initiatives qui proviennent de la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, la vérification visant le Sénat, qui a récemment été effectuée par le vérificateur général, va à l'encontre de notre Constitution ainsi que de ses pouvoirs et devoirs énoncés aux articles 5 à 12 de la Loi sur le vérificateur général, sous la rubrique « Attributions ». Ces articles énoncent l'ensemble des pouvoirs du vérificateur général. L'article 5 indique ce que la loi l'autorise à vérifier. Voici ce qu'on peut lire à l'article 5, sous la rubrique « Examen » :

Le vérificateur général est le vérificateur des comptes du Canada [...]

Je répète : le vérificateur général est le vérificateur des comptes du Canada. Il est question ici des comptes des ministères, dirigés par des ministres de la Couronne, qui doivent rendre compte de leurs dépenses à la Chambre des communes. Le Sénat n'est pas un ministère, il n'est pas dirigé par un ministre devant rendre des comptes à la Chambre des communes, et il n'est pas non plus un organisme ou une société d'État relevant d'un ministre.

Les dépenses des sénateurs et du Sénat ne font pas partie des comptes du gouvernement, des comptes du Canada. L'ancienne leader du gouvernement au Sénat, de même que le vérificateur général, qui a été invité par cette dernière à effectuer une vérification, ont ignoré ce fait. Ils ne reconnaissent pas qu'à titre de vérificateur des comptes publics, le rôle du vérificateur général consiste à vérifier au nom de la Chambre des communes que les dépenses publiques ont été effectuées comme le prévoient les annexes des lois de crédits de la Chambre des communes. Cette vérification relève de l'obligation légale que doit assumer le vérificateur général à l'égard de la Chambre des communes, compte tenu du rôle prépondérant que joue celle-ci dans les finances nationales. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit du « contrôle des deniers publics ». La bonne utilisation des crédits représente l'intérêt absolu de la Chambre des communes à l'endroit des « comptes du Canada » et des vérifications dont ils font l'objet. Son intérêt absolu réside dans le « contrôle des deniers publics ».

(1620)

Honorables sénateurs, les comptes du Sénat ne font pas partie des « comptes du Canada » des ministères. À la page 35 de la quatrième édition révisée du Black's Law Dictionary, on trouve la définition suivante de l'expression « comptes publics » :

Les comptes tenus par des agents d'un pays, d'un État ou d'un Royaume et qui ont trait au reçu et à la dépense des recettes du gouvernement.

Les dépenses des sénateurs ne font pas partie des « comptes du Canada », lesquels, aux termes de la Loi sur le vérificateur général, peuvent faire l'objet d'une vérification de la part du vérificateur général, qui, en vertu de l'article 5 de cette loi, sous la rubrique « Attributions », est le « vérificateur des comptes du Canada ».

Honorables sénateurs, une motion du gouvernement proposée par l'ancienne leader du gouvernement au Sénat et adoptée dans cette enceinte en tant qu'initiative ministérielle à la suite d'un vote dicté par le parti au pouvoir ne peut pas modifier la Loi sur le vérificateur général dans le but d'accorder à celui-ci le pouvoir de contraindre les sénateurs à une vérification. Un tel pouvoir est contraire aux obligations légales du vérificateur général envers la Chambre des communes. Pour cette raison, on n'a jamais envisagé de consentir un tel pouvoir au vérificateur général, car les législateurs chevronnés et expérimentés savaient et comprenaient que ce pouvoir conduirait à des catastrophes constitutionnelles aux proportions épiques, comme celle qui a été provoquée par ce rapport. La motion de madame le leader du gouvernement était formulée dans un langage insipide, qui ne tenait pas compte de la gravité de la situation. À la page 4133 des Débats du Sénat du 5 juin 2013, la motion se lit comme suit :

Que le Sénat invite le vérificateur général du Canada à procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat, les dépenses des sénateurs y comprises.

Ce jour-là, lorsque je lui ai demandé si sa motion était une motion du gouvernement, la sénatrice LeBreton a répondu ceci, comme on peut le lire à la page 4134 des Débats du Sénat :

J'ai agi à titre de leader du gouvernement au Sénat [...]

Il s'agit donc incontestablement d'une motion du gouvernement, d'une affaire du gouvernement.

Honorables sénateurs, les motions et les résolutions, une fois adoptées, se transforment en ordres des Chambres. Les personnes concernées sont assujetties aux puissants pouvoirs judiciaires des Chambres et peuvent faire l'objet d'une sanction pour outrage ou d'une procédure de destitution de leur part. Par voie de motion, madame le leader du gouvernement au Sénat a délégué à un mandataire du Parlement des devoirs uniques — dont celui-ci doit faire rapport aux Communes —, qui relèvent clairement des pouvoirs judiciaires du Sénat, en présentant ce geste comme une invitation. Le mot « invite » est chaleureux et cordial, mais la décision du gouvernement et sa mise en application sont une affaire grave qui affaiblit et compromet l'indépendance de ce mandataire. Je le répète : compromet l'indépendance de ce mandataire.

Il s'agit là d'une mauvaise pratique parlementaire et de mauvaise politique. Constitué par voie de statut, ce poste devait être totalement indépendant du contrôle du gouvernement et d'une impartialité absolue, comparable à celle d'un juge. Cette indépendance a été jugée nécessaire pour permettre au vérificateur général d'exprimer son opinion sur les dépenses du gouvernement sans craindre les représailles des ministres, ce qui n'est pas rien.

Honorables sénateurs, le Sénat et les dépenses des sénateurs ne font pas partie des comptes publics du Canada. Le vérificateur n'a pas les pouvoirs légaux de contraindre le Sénat à produire les documents pertinents ou de procéder à l'examen des dépenses du Sénat, qui sont de toute façon surveillées depuis toujours. Dans sa décision rendue en 1987 relativement à l'affaire Petrofina, le juge Heald de la Cour fédérale d'appel fait état des limites des pouvoirs du vérificateur général. Le juge a statué que les droits et les pouvoirs du vérificateur général ne s'appliquent pas au Cabinet, au Conseil privé et au Parlement. Il fait valoir que « l'exercice de ses fonctions » au sens de l'article 13(1) de la Loi sur le vérificateur général, se rapporte aux fonctions à titre de vérificateur des comptes du Canada, qui se limitent aux comptes publics des ministères. Le Sénat, les Communes et le souverain ne sont pas assujettis aux droits et aux pouvoirs du vérificateur général. Le juge Pratte a exprimé son accord; au paragraphe 21, il dit que le vérificateur général :

[...] est le vérificateur des comptes du Canada [...] quels que soient ses droits en vertu des art. 13 et 14, ils se limitent à l'exercice de ses fonctions à titre de vérificateur des comptes du Canada.

Dans l'appel de la même affaire Petrofina en 1989, la Cour suprême a confirmé cette responsabilité, rejetant la demande qu'avait faite le vérificateur général pour une ordonnance de mandamus à l'endroit du Cabinet. Le juge en chef Dickson a déclaré que les pouvoirs et les devoirs du vérificateur se limitent à ceux que le Parlement lui a accordés dans la loi le concernant, la Loi sur le vérificateur général. À la page 103 de son énoncé de décision, on peut lire ceci :

La règle fondamentale que les tribunaux doivent appliquer [...] est celle de la souveraineté du Parlement.

C'est la règle que les tribunaux, et donc le vérificateur également, doivent appliquer.

Je le répète, la règle fondamentale du constitutionnalisme est la souveraineté du Parlement, que le vérificateur général ne peut en aucun cas altérer.

Les dépenses des sénateurs ne relèvent pas de l'administration publique, des services publics ou des comptes publics du Canada. Le vérificateur général est le vérificateur des comptes publics. En vertu de la responsabilité ministérielle, les ministres de la Couronne, en leur qualité de chefs de tous les ministères gouvernementaux, sont les principaux responsables des dépenses publiques, et la Constitution exige qu'ils en rendent des comptes aux Communes. Le gouvernement, le ministère, rend des comptes aux Communes, la première instance, au sujet du « contrôle des deniers publics ». Le Sénat, cependant, n'a pas de comptes à rendre aux Communes concernant ses dépenses, ce qui était justement un des facteurs qui a donné lieu à la création du Bureau du vérificateur général.

Honorables sénateurs, contrairement aux dépenses gouvernementales, les dépenses des sénateurs ne peuvent faire l'objet d'une vérification par le vérificateur général. Aux termes de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, on parle de « courtoisie constitutionnelle » en référence aux relations entre les deux Chambres du Parlement, le Sénat et les Communes, ces deux institutions de force égale. L'adoption de l'acte conféra au Canada les pleins pouvoirs de l'ancien lex et consuetudo parliamenti du Parlement britannique, soit la loi du Parlement. Il y est prescrit qu'une Chambre ne doit s'ingérer dans les affaires de l'autre et que l'une ne peut porter jugement contre l'autre. Chaque Chambre est maîtresse de ses propres travaux. C'est cette « courtoisie constitutionnelle » qui confère à notre Constitution son équilibre.

Honorables sénateurs, la preuve que les dépenses du Sénat ne font pas partie des comptes publics du gouvernement, c'est qu'aucun processus parlementaire n'existe en vue de saisir le Comité des comptes publics de la Chambre des communes des dépenses des sénateurs. Or, il s'agit du comité qui s'occupe du « contrôle des deniers publics » et de l'examen des comptes publics. C'en est la preuve irréfutable. Les dépenses du Sénat ne font pas partie des « comptes du Canada ». Nos deux Chambres s'occupent de leur propre gestion. Elles ont été créées directement par notre Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867; les articles 17 et 18 ont créé les deux Chambres et la Couronne, soit les trois entités distinctes qui forment le Parlement du Canada. Nous avons clairement été témoins de cet aspect, lorsque le vérificateur général était incertain de l'entité à laquelle présenter son rapport sur la vérification du Sénat et de la forme sous laquelle il devait le faire. Tout cela prouve hors de tout doute que le vérificateur a outrepassé son champ de compétence. Voici comment le Webster's Encyclopedic Unabridged Dictionary de 1989 définit « report » à la page 1217 :

[...] un compte rendu ou une déclaration décrivant en détail un événement, une situation ou d'autres choses semblables, normalement à la suite d'une observation, d'une enquête, etc. [...]

Honorables sénateurs, en vertu de la Loi sur le vérificateur général, un « rapport » signifie uniquement les rapports du vérificateur général à la Chambre des communes sur les « comptes du Canada ». Ses rapports sont liés à ses fonctions relatives aux comptes publics. Il n'a pas le devoir de présenter un rapport au Sénat, parce qu'il ne vérifie pas le Sénat. Bref, il n'a pas le devoir de vérifier les dépenses ni de présenter un rapport, et il n'a personne à qui présenter ce rapport.

Honorables sénateurs, l'absence de compétence du vérificateur général en vue de vérifier les dépenses du Sénat est prouvée par l'anomalie suivante. La vérification du Sénat a été proposée par le leader du gouvernement au Sénat au moyen d'une motion du gouvernement dans le cadre des affaires du gouvernement, qui ont priorité sur les travaux du Sénat. L'article 4-13(1) du Règlement du Sénat stipule ce qui suit :

Sauf disposition contraire, les affaires du gouvernement ont priorité sur toute autre affaire dont le Sénat est saisi.

Honorables sénateurs, en soumettant le Sénat à un exercice de vérification sous le couvert d'une initiative ministérielle, le vérificateur a entièrement compromis, selon moi de manière irrémédiable, l'indépendance de cette institution en ce qui concerne les comptes publics. Avant-hier, dans sa conférence de presse du 9 juin, il a déclaré que la vérification des comptes du Sénat avait en fait coûté 23,5 millions de dollars. À mes yeux, honorables sénateurs, ces 23,5 millions de dollars sont du délire, un délire qui se reflète dans son idée qu'un organisme indépendant et non composé de sénateurs puisse exercer un rôle de surveillance sur le Sénat. Je cite la recommandation 52, à la page 11 du rapport :

La surveillance des dépenses des sénateurs devrait être assurée par un organe (« l'organe de surveillance ») dont la majorité des membres, y compris le président, seraient indépendants du Sénat. Les membres devraient être choisis de telle manière que leurs compétences, connaissances et expériences réunies permettent à l'organe de surveillance de s'acquitter pleinement et efficacement de toutes ses responsabilités.

Cette recommandation n'est pas du tout crédible. Elle n'est même pas discutable. Elle n'a pas la moindre crédibilité. À vrai dire, elle est tellement puérile que c'est à se demander comment quelqu'un peut avoir sérieusement pensé la proposer aux sénateurs. Ce conseil infantile a coûté cher. Le vérificateur a sciemment porté préjudice à plusieurs excellents sénateurs. On croirait vraiment entendre Cléopâtre : « Qu'on les jette aux crocodiles! »

Les sénateurs en question subissent maintenant des préjudices parce que le vérificateur général en a fait le « groupe faisant l'objet d'une enquête de la GRC ». Cependant, je tiens à les rassurer en les renvoyant aux articles 18.1 et 18.2 de la Loi sur le vérificateur général, sous la rubrique « Immunité », qui protège le vérificateur général de toute poursuite de la part des sujets d'une vérification. Or, ces articles ne s'appliquent pas aux sénateurs, alors ils ne peuvent pas l'en protéger. Cet agent ne jouit d'aucune immunité par rapport aux sénateurs, aussi bien en ce qui concerne la vérification illégale et illicite de leurs dépenses que son mépris public du Sénat et des sénateurs. Les sénateurs victimes de ce préjudice doivent savoir qu'ils sont libres d'entamer toute poursuite qu'ils jugent bon d'intenter. Les sénateurs devraient le savoir. J'espère leur apporter un certain réconfort, car je sais qu'il y en a beaucoup qui meurent d'inquiétude.

(1630)

Honorables sénateurs, le vérificateur général relève du ministre des Finances, Joe Oliver. Celui-ci répondra-t-il aux Communes du coût de cette vérification démentielle des dépenses du Sénat? Est-il responsable du coût de cette vérification des dépenses du Sénat devant les Communes et son comité des comptes publics? Acceptait- il que la motion de la sénatrice LeBreton, alors leader du gouvernement, soit une affaire du gouvernement? Estimait-il que les crédits accordés au vérificateur général pour la vérification des comptes publics devraient servir à une vérification inexpliquée des affaires des sénateurs mandatée par le gouvernement?

La sénatrice LeBreton ne nous a jamais dit en quoi sa motion demandant la vérification des dépenses des sénateurs par le vérificateur général relevait des affaires du gouvernement.

Pourquoi a-t-on demandé au vérificateur général, qui est indépendant, de s'occuper des affaires du gouvernement? Quelles sont ces affaires du gouvernement? Quel article de la Loi sur le vérificateur général autorise ce dernier à s'occuper des affaires du gouvernement et à faire cette vérification extrajudiciaire? Cette vérification des dépenses des sénateurs à titre d'affaire du gouvernement en vaut-elle le coût? Qui le sait? Qui le dira?

On n'a jamais répondu à ces questions; on n'y a même jamais réfléchi.

Honorables sénateurs, j'ai dit que la vérification des dépenses du Sénat représente un danger mortel pour l'indépendance du vérificateur général du Canada. C'est grave. J'attire votre attention sur un article d'Ian MacDonald publié le 9 juin sur le site web ipolitics.ca et intitulé « Le vérificateur général et le Sénat : 23 millions de dollars pour récupérer 1 million? C'est sérieux? »

Voici ce qu'il a écrit :

La réputation des sénateurs n'est pas la seule à se jouer ici : celle de Ferguson est aussi en jeu. Oublions pour l'instant les neuf sénateurs dont le dossier a été transmis à la GRC [...]

Je ne puis m'empêcher de penser à ces sénateurs. Je souffre pour eux.

Je répète...

Son Honneur le Président : J'ai le regret d'informer la sénatrice que son temps de parole est écoulé.

La sénatrice Cools : Puis-je avoir cinq minutes de plus? J'ai presque terminé.

Il a écrit :

La réputation des sénateurs n'est pas la seule à se jouer ici : celle de Ferguson est aussi en jeu. Oublions pour l'instant les neuf sénateurs dont le dossier a été transmis à la GRC; si Binnie rejette ses conclusions à propos d'une grande partie ou de la plupart des 21 sénateurs, la réputation professionnelle de Ferguson — et celle de ses consultants — sera en péril. Si cela se produit, il devra penser à son propre avenir, ne serait-ce que pour préserver l'intégrité et l'image du bureau du VG.

L'acronyme VG correspond, bien entendu, au vérificateur général.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous dire ce que j'ai déjà dit au sénateur Day plus tôt aujourd'hui. Comme vous le savez, en 1988, le Comité sénatorial des finances nationales a examiné en profondeur le rôle du vérificateur général. À l'époque, nombre de sénateurs gardaient encore de mauvais souvenirs du belliqueux vérificateur général Macdonell, qui avait fait adopter la Loi sur le vérificateur général de 1977. Le Comité des finances nationales a fait une étude très éclairante, dans le cadre du Budget principal des dépenses, à propos du vérificateur général, qui était à l'époque Kenneth Dye. Nous avons entendu le témoignage non seulement du vérificateur général, mais aussi de divers chercheurs, dont Mme Sharon Sutherland, qui étudiait le rôle du vérificateur général depuis des années.

Je laisse les sénateurs sur une dernière pensée : je crois qu'il est temps de mener une autre étude sénatoriale approfondie au sujet du rôle et des responsabilités du vérificateur général du Canada.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, au nom de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

L'ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir à l'article no 114, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Motions :

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 10 juin 2015, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au lundi 15 juin 2015, à 18 heures;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au lundi 15 juin 2015, à 18 heures.)

© Sénat du Canada

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