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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 34

Le mardi 10 mai 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mardi 10 mai 2016

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorable sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la famille et d'amis de l'honorable sénateur David Smith, dont son épouse, la juge en chef Heather Smith, son fils Alex et sa fille Kate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L'honorable David P. Smith, C.P., c.r.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, j'ai reçu un préavis du leader du gouvernement au Sénat qui demande que, conformément à l'article 4-3 du Règlement, la période des déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd'hui, afin que l'on puisse rendre hommage à l'honorable David Smith, C.P., qui prendra sa retraite du Sénat le 16 mai 2016.

Je rappelle aux sénateurs que, conformément à notre Règlement, les interventions des sénateurs ne peuvent dépasser trois minutes et qu'aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois. Il est entendu que nous allons consacrer la période des déclarations de sénateurs au sénateur David Smith, C.P. Nous disposerons donc de 30 minutes pour les hommages, sans compter le temps alloué à la réponse du sénateur David Smith. Le temps qu'il restera après ces hommages, s'il en reste, sera consacré à d'autres déclarations.

Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à notre collègue, le sénateur David Smith, qui se prépare à quitter notre assemblée pour ce qui est sans aucun doute une retraite bien méritée.

Même s'il semble tout naturel de parler tout d'abord du profond héritage politique qu'il laisse derrière lui, ce n'est pas ce dont j'aimerais parler en premier lieu aujourd'hui.

J'ai la chance de connaître le sénateur Smith depuis les années 1960, alors que des versions plus jeunes de nous-mêmes travaillaient ensemble au sein des Jeunes libéraux du Canada.

Cependant, bien que je connaisse le sénateur depuis un peu plus de cinq décennies —, ou, de façon un peu plus alarmante, un demi-siècle — ce n'est que récemment que j'ai pris conscience de la véritable ampleur de sa longue expérience de l'engagement communautaire.

Habitat pour l'humanité du Grand Toronto, Exhibition Place, le Collège George Brown, l'Hôpital général de Toronto et l'Hôpital Mount Sinai ne sont que quelques-uns des conseils philanthropiques torontois auxquels le sénateur Smith a siégé pendant sa carrière.

Bien qu'il se trouve parmi nous aujourd'hui, il aide à mettre en valeur le talent canadien en siégeant au conseil d'administration du Massey Hall et du Roy Thomson Hall, deux des salles de concert les plus importantes au Canada.

En plus de siéger à des conseils d'administration, le sénateur Smith fait preuve d'un dévouement inébranlable à l'égard de sa collectivité en appuyant des organismes de bienfaisance comme la Scott Mission à Toronto, organisme que son père, le regretté révérend Campbell- Bannerman Smith, a aussi parrainé.

David, votre engagement communautaire est, pour le moins, admirable. Vous avez sûrement touché la vie de bien des personnes, et je sais que celles que vous avez aidées vous en sont très reconnaissantes. Je suis certain que votre père serait très fier de vous voir honorer la tradition familiale d'engagement communautaire.

Permettez-moi cependant de revenir à l'empreinte dont je parlais tout à l'heure, qui témoigne d'un autre type d'engagement passé du sénateur Smith.

Chers collègues, on s'est longtemps demandé si l'homme était, de nature, une « bête politique » mais, lorsqu'on connaît le sénateur Smith et sa carrière captivante, on abonde clairement dans le même sens que les aristotéliciens.

Pour la plupart des experts politiques canadiens, le nom « David Smith » est synonyme de politique canadienne et témoigne d'une passion pour la politique insurpassée dans ce pays.

Avant la relâche, j'ai parlé de l'indépendance et de la façon dont une personne peut être membre d'un parti politique, mais en même temps agir de manière très indépendante. Le sénateur Smith en est un parfait exemple, honorables collègues. J'ai été fier de compter le sénateur Smith parmi les membres de notre caucus libéral indépendant. Peu des gens sont aussi dévoués que lui au Parti libéral du Canada. David est un libéral depuis toujours, et son travail acharné, son dévouement et sa détermination ont aidé à bâtir et à définir le Parti libéral du Canada.

(1410)

Après avoir été président du Club libéral de l'Université Carleton, David a servi le parti de presque toutes les façons possibles et imaginables.

Seulement au cours des années 1960, il a été président national des Jeunes libéraux, directeur national de l'aile jeunesse du Parti libéral, adjoint du directeur national du Parti libéral et chef de cabinet de deux ministres à l'époque où Lester B. Pearson était premier ministre. Malgré son horaire chargé, il a trouvé le temps de décrocher un diplôme en droit de l'Université Queen's.

Torontois depuis toujours, David éprouve un attachement et un engagement profonds à l'égard de cette ville. En 1972, l'année même où il a été admis au barreau, il a été élu au conseil municipal de la Ville de Toronto, où il a consacré les six années suivantes de sa vie au service des Torontois en assumant diverses fonctions, dont celles de président du conseil municipal et d'adjoint au maire.

Puis, en 1980, il s'est porté candidat aux 32e élections fédérales du Canada. Élu, David est arrivé sur la Colline du Parlement en tant que représentant de la circonscription de Don Valley-Est. Ici, il a servi la population canadienne en assumant les responsabilités de secrétaire parlementaire du président du Conseil privé, de leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, de leader parlementaire adjoint du Parti libéral et, plus tard, de ministre d'État aux Petites Entreprises et au Tourisme.

C'est à l'époque où il siégeait à l'autre endroit que David a participé à ce qui, selon lui, a été le projet le plus satisfaisant de sa carrière de parlementaire. Le sénateur Smith a présidé le Comité spécial concernant les invalides et les handicapés — c'était son nom. Ce comité a produit un rapport historique intitulé Obstacles. Ce rapport, qui renfermait de nombreuses recommandations, a permis de mettre à l'avant-plan des politiques publiques canadiennes les défis auxquels devaient faire face les personnes handicapées.

Peu après la publication du rapport, la première version de la Charte canadienne des droits et libertés a été déposée, et le sénateur Smith, qui est une personne discrète, timide et réservée, comme nous le savons, a pris l'initiative d'exercer des pressions pour que les déficiences mentales et physiques soient intégrées à l'article 15(1), qui porte sur les droits à l'égalité.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Après avoir réclamé pour la cinquième ou la sixième fois l'inclusion de cet aspect dans la Constitution, il n'a pas pu contenir ses larmes de joie, comme il l'a dit, lorsqu'il a été interrompu par le premier ministre, Pierre Elliott Trudeau, qui lui a dit : « David, nous n'aurons pas à vous écouter plus longtemps : nous intégrons cet aspect à la Constitution. »

Aujourd'hui, grâce aux efforts déployés par le sénateur Smith et par ses collègues, la Charte se lit comme suit :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous [...], indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Comme beaucoup d'autres de ses collègues de l'époque, il a tenté de se faire réélire en 1984, mais il a été battu dans la foulée du balayage conservateur. Cependant, il ne s'est pas laissé démonter et il est revenu à ses anciennes amours. Ainsi, il a recommencé à pratiquer le droit et est devenu président de la firme Fraser & Beatty et de celles qui lui ont succédé, Fraser Milner Casgrain et Dentons Canada LLP; il s'agit aujourd'hui de la firme qui compte le plus grand nombre d'avocats, et il en est président émérite.

Pendant qu'il perfectionnait sa maîtrise du droit municipal, administratif et réglementaire, il a accru sa renommée. Il a la réputation d'être l'un des meilleurs gestionnaires politiques de l'histoire moderne du Canada.

En effet, il est reconnu pour avoir orchestré trois victoires majoritaires consécutives pour Jean Chrétien en 1993, en 1997 et en 2000.

De nombreux sénateurs se souviendront de l'élection de 1993. La marée libérale avait alors déferlé sur l'Ontario et le parti avait remporté tous les sièges de cette province, sauf un. M. Chrétien le taquinait souvent à propos de ce siège perdu, jusqu'à ce qu'il le fasse devant le président Bill Clinton. Celui-ci avait alors déclaré : « Grâce à vous, 98 sièges sur 99? Ça me conviendrait tout à fait. Écoutez, aimeriez-vous venir travailler pour moi à Washington? Pourriez- vous être là lundi matin? »

Pas étonnant qu'il ait été appelé le gourou des élections, le Machiavel des campagnes ou même, pour reprendre l'image de la politologue Heather MacIvor, « le gorille de 800 livres ».

En juin 2002, David Smith a été appelé au Sénat sur la recommandation du premier ministre Chrétien. Pendant les 14 années qu'il a passées ici, il a fait partie de nombreux comités, où il s'est toujours distingué. Je dois cependant souligner plus particulièrement le travail qu'il a accompli comme président du Comité du Règlement et président du Comité spécial sur l'antiterrorisme. Comme président du premier comité, il s'est efforcé d'améliorer le fonctionnement du Sénat et, en qualité de président du deuxième, il a contribué à protéger les Canadiens contre la terrible menace du terrorisme international.

Le sénateur Smith a mobilisé toutes ses compétences d'avocat, de négociateur, d'animateur et de charmeur dans l'ensemble de son travail, y compris au Sénat. Il pouvait accomplir des miracles, et il l'a souvent fait, et c'est ainsi que le Canada lui doit d'être meilleur.

David, je tiens à vous remercier de toutes ces années de loyauté et de travail au service de votre ville, de votre parti, de votre caucus et du Sénat. Vous laissez derrière vous un legs impressionnant, et je vous souhaite, à vous et à votre famille, beaucoup de bonheur pour le chapitre qui s'ouvre maintenant. Merci.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous disons au revoir à notre honorable collègue, le sénateur David Paul Smith. Élu à la Chambre des communes en 1980 alors que le premier ministre Pierre Elliott Trudeau dirigeait le Parlement, il nous quitte maintenant que M. Trudeau fils est aux commandes.

[Traduction]

Il y a deux ans, il a dit de son nouveau grand patron qu'il n'était « pas parfait, mais très impressionnant dans une entrevue ». Comme vous pouvez le voir, il est très généreux. Dans une autre entrevue, il a dit du Sénat qu'il « n'était pas ennuyeux, mais au contraire animé et passionnant ». On peut dit que, ces 14 dernières années, il a lui- même contribué à la vitalité du Sénat. Il n'a certainement pas été oisif.

[Français]

Qu'il s'agisse de son travail à la présidence du Comité spécial sur l'antiterrorisme ou de sa participation aux travaux du Comité du Règlement, du Comité des affaires étrangères et du commerce international, du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, du Comité de la sécurité nationale et de la défense, et j'en passe, il a démontré son dévouement à l'égard de notre institution, et son service envers la population canadienne est exemplaire.

[Traduction]

Le sénateur Smith a toute une personnalité, je peux vous le dire. Il reprend la période des questions au Sénat sur son site web, et le National Post l'a un jour qualifié de « sénateur libéral espiègle » parce qu'il avait raconté une blague à Margaret Thatcher.

[Français]

J'ai eu le privilège d'apprendre à le connaître lors du récent voyage à Londres d'une délégation de l'Association parlementaire du Commonwealth. Nous avions pour but de nous familiariser avec les différentes pratiques parlementaires et les meilleures politiques. Son esprit vif, son côté raconteur et ses nombreuses histoires — qui n'étaient pas toujours vérifiables, je dois le dire — m'ont beaucoup plu. J'aurais bien aimé avoir eu l'occasion de le côtoyer au cours des années passées.

Le sénateur Smith est aussi un grand humaniste qui a défendu les personnes souffrant d'un handicap à de nombreuses reprises. Alors qu'il était député et qu'il présidait le Comité spécial de la Chambre des communes sur les personnes handicapées, il a participé à la désignation des principaux obstacles que doivent affronter les personnes qui vivent avec un handicap. Cela l'a inspiré à défendre les droits des personnes handicapées au cours de l'élaboration de la Charte canadienne des droits et libertés.

[Traduction]

Il était inlassable dans ses efforts visant à modifier l'article 15 pour y ajouter « les déficiences mentales ou physiques ».

[Français]

Honorables sénateurs, c'est ce genre de détermination que notre collègue a montré au Sénat. Sénateur Smith, nous vous remercions de votre grande contribution et de votre esprit de collaboration. Nous vous souhaitons, ainsi qu'à votre épouse, Heather, et à vos enfants, des moments mémorables dans votre maison d'été de Cobourg.

[Traduction]

J'espère que nous nous reverrons bientôt.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que j'interviens pour parler de mon voisin de pupitre, expliquer tout ce qu'il a fait pour le Canada et lui dire qu'il nous manquera beaucoup.

(1420)

Je connais le sénateur depuis une cinquantaine d'années, tout comme le sénateur Cowan. Nous sommes entrés chez les Jeunes libéraux du Canada ensemble. J'ai bien des anecdotes à raconter. Il y en a beaucoup que je n'oserais pas répéter, mais je pourrai peut- être en glisser quelques-unes.

Il m'appelait volontiers frère Eggleton et je l'appelais à mon tour frère Smith. Il aime cette grande tradition chrétienne qui consiste à appeler tout le monde frère ou sœur : frère Harder, sœur Martin. Cela lui plaît beaucoup. Et il aime la musique gospel. Amen.

On a déjà dit que la plus grande distinction, c'est de servir les autres. Voilà qui décrit bien David Smith. Il a passé sa vie au service des autres. Il a servi les autres au Canada, dans sa province, sa ville, son parti et sa profession, le droit. Il a excellé sur tous les plans.

Il a commencé à travailler ici à un très jeune âge, pendant ses études de droit, mais il apprenait énormément de choses auprès de grandes personnalités de notre parti, comme Walter Gordon, John Turner et Keith Davey. Il a travaillé en étroite collaboration avec Keith Davey et appris bien des choses sur la façon de mener une campagne électorale. Cela a rapporté gros à M. Chrétien, qui a fait élire trois gouvernements majoritaires, et chaque fois, David a été le président de la campagne. Voilà une belle réalisation de son engagement politique.

Le sénateur et moi avons passé quelques années ensemble au conseil municipal. Nous avons fait partie du conseil exécutif pendant un certain nombre d'années. Après, il est venu à Ottawa et je suis devenu maire de Toronto.

Il est donc venu à Ottawa, et la grande réalisation qui l'a distingué, c'est le rapport intitulé Obstacles. Les sénateurs Cowan et Carignan en ont parlé. Je dois dire que je sais à quel point il est fier de ce rapport sur les personnes handicapées. Ce rapport a aidé à implanter une nouvelle approche des défis que doivent surmonter tant de Canadiens et il nous a aidés à souligner la très importante Année internationale des personnes handicapées, décrétée par l'ONU.

Voici le plus important. Combien de gens peuvent se vanter d'avoir apporté une très solide contribution à la Constitution du Canada et au libellé de cette Constitution et de la Charte des droits et libertés? Voilà un legs très important que le sénateur nous laisse.

Il a quitté Ottawa, comme on l'a fait remarquer, pour retourner à la pratique du droit. Il y a parmi nous des représentants des cabinets qu'il a eu le plaisir de présider pendant un certain nombre d'années.

Je constate que mon temps de parole est presque écoulé. Il y a tant d'autres choses que je pourrais dire. Pendant les 14 années où il a siégé ici, il a brillé.

David, votre retraite est amplement méritée, et nos meilleurs vœux vous accompagnent. Heather, Alex, Laura et Kate, nous vous adressons les mêmes vœux, ainsi qu'à toute votre famille et à vos amis ici présents.

Vous avez bien travaillé, monsieur. Merci beaucoup, mon ami.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'adresse aussi mes meilleurs vœux les plus sincères à notre collègue et à mon frère en esprit, David Smith, qui conclut une grande carrière sur la Colline du Parlement après plus de 30 ans de service et d'action politique.

Dans la longue liste de ses réalisations, on remarque, et cela a déjà été signalé, l'inclusion de la protection des personnes ayant des déficiences physiques ou mentales au paragraphe 15(1) de la Charte, qu'on doit à sa vigoureuse insistance. Nous entendrons certainement d'autres choses durant les hommages d'aujourd'hui et plus tard ce soir, au dîner spécial en l'honneur de sa retraite dont Art Eggleton et moi serons les hôtes.

Permettez-moi d'expliquer pourquoi j'appelle notre collègue mon frère en esprit, un frère légèrement plus âgé que moi.

Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que, chose curieuse, certaines années qui sont des étapes marquantes dans sa vie ont été aussi des années importantes pour moi. Par exemple, ma vie au Canada a commencé en 1972, l'année même où David Smith a été appelé au Barreau de l'Ontario, amorçant ainsi sa distinguée carrière d'avocat, puis de député.

En 1976, année où il a été nommé président du conseil municipal et maire adjoint de Toronto, je suis devenue citoyenne canadienne.

En 1983, j'obtenais mon diplôme d'études secondaires. Or, c'est la première année où il a fait partie du Cabinet à titre de ministre d'État aux Petites Entreprises et au Tourisme. Aussi, le jour où a commencé son mandat au Sénat, le 25 juin, est l'anniversaire du jour où a éclaté la guerre de Corée, jour important pour nous, frère Smith.

En toute honnêteté, aucune comparaison n'est possible entre lui et moi. Les différences sont énormes entre moi et mon grand frère Smith : la richesse de son expérience politique, le nombre des campagnes électorales, les réalisations en politique et le montant des fonds de campagne qu'il a recueillis comme président d'élections passées. Vous êtes un géant parmi les géants de la politique.

Pourtant, je déclare aujourd'hui que David Smith est un frère en esprit. Depuis le début de mon mandat, en 2009, je siège en face du sénateur Smith — je devrais plutôt dire du frère Smith. Pas une journée de séance n'a passé sans qu'il me salue ou sans qu'il m'envoie une note.

Le mercredi matin, au petit déjeuner-prière œcuménique, où se réunissent des sénateurs et députés de toutes les allégeances politiques, lui et moi nous assoyons souvent à côté l'un de l'autre pour mettre en commun des témoignages sincères et prier ensemble pour nos collègues, nos familles, notre pays et le monde. Bien longtemps avant que je devienne coprésidente du Groupe d'amitié interparlementaire Canada-Corée, le frère Smith éprouvait une authentique affection pour le pays où je suis née et il a assumé fidèlement la vice-présidence du groupe d'amitié depuis.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour saluer David Smith, qui a mené une longue et distinguée carrière à titre de parlementaire et qui est un grand humaniste et un grand serviteur de la chose publique. Nous lui offrons nos meilleurs vœux au moment où il arrive à la fin d'un parcours professionnel mémorable et s'apprête à entreprendre une nouvelle aventure. Nous profitons de l'occasion pour saluer également son épouse, Heather, qui est juge en chef de la Cour supérieure de l'Ontario, et leurs trois enfants, Alexander, Kathleen et Laura, ainsi que leurs familles respectives.

Des voix : Bravo!

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens moi aussi pour remercier mon collègue et distingué ami.

Sénateur Smith, je vous remercie de vos nombreuses années de service à la Chambre haute et de votre contribution au Canada. Je profite également de l'occasion pour vous exprimer ma gratitude pour l'amitié que vous m'avez témoignée.

Le sénateur Smith, sa charmante épouse Heather, une ancienne juge en chef de l'Ontario, et leurs trois enfants ont généreusement servi le Canada pendant de nombreuses années.

J'ai de nombreuses anecdotes au sujet du sénateur Smith et de notre amitié, mais je me contente d'en présenter uniquement quelques-unes.

Le sénateur Smith et moi avons eu de nombreuses discussions au fil des ans, particulièrement lorsqu'il a dirigé plusieurs campagnes électorales. Cependant, en toute honnêteté, je dois dire qu'il s'est toujours assuré que nous restions amis. Voilà l'une de ses forces.

David arrive probablement en tête de liste pour ce qui est du nombre d'années à titre de président d'élection, et force est d'admettre qu'il faisait un travail remarquable.

Le sénateur Mercer peut également témoigner des enseignements intéressants que nous avons reçus du sénateur Smith lorsque nous sommes allés à l'Université d'Oxford, en Angleterre, pour assister à des rencontres de l'Internationale libérale. Le sénateur Smith possède un souvenir encyclopédique du campus et de l'histoire de l'Université d'Oxford. Je me souviens que, un dimanche matin, il nous a tous traînés à l'église. Nous lui avons pardonné parce qu'il nous a ensuite invités à bruncher.

Honorables sénateurs, le sénateur Smith a toujours été le premier à nous inviter tous à prendre un verre lorsque l'occasion se présentait, et il a toujours eu la délicatesse de s'assurer qu'on me servait ma boisson spéciale.

David et Heather, je tiens à vous remercier tous les deux. Monsieur le sénateur Smith et madame la juge Smith, vous avez montré au cours de vos carrières respectives qu'il y a de nombreuses façons de servir notre grand pays. Vous avez tous les deux servi avec aplomb et humilité dans le but de toujours rendre le Canada plus fort. Votre travail inlassable a eu une incidence sur nos vies. Nous nous souviendrons toujours de la générosité avec laquelle vous vous êtes tous les deux acquittés de votre charge publique.

(1430)

Aujourd'hui, honorables sénateurs, je veux profiter de l'occasion pour remercier le sénateur Smith, et je remercie particulièrement ses trois enfants, Alexander, Kathleen et Laura, d'avoir laissé leur père nous consacrer autant de son temps.

Aujourd'hui, nous vous saluons et nous vous remercions du service que vous avez rendu à notre pays.

Sénateur, sachez que votre présence dans cette enceinte nous manquera beaucoup, mais votre sens du travail acharné sera transmis de génération en génération. Vous avez aidé à rendre notre pays plus fort, plus juste et plus résilient.

Maintenant, Heather et David, il est temps de profiter du bonheur d'être grands-parents. Vous allez nous manquer.

L'honorable Pana Merchant : Honorables sénateurs, comme d'autres l'ont dit, le sénateur David Smith se distingue sur bien des plans : en plus d'avoir siégé à l'autre endroit comme ministre — et je demanderais aux enfants de moins de 12 ans et aux sénateurs indépendants de couvrir leurs oreilles —, il a servi le Canada en présidant avec grand succès la campagne du Parti libéral en 1993, 1997 et 2000; il a été au service des Canadiens en sa qualité de sénateur et on le compte parmi les chefs de file canadiens en matière juridique; il a voyagé dans le monde entier, et, enfin, il possède d'excellents talents de conteur.

Ce sont les idées qui nous rassemblent et, pour beaucoup d'entre nous, libéraux ou autres, l'amitié et la camaraderie de David étaient sans frontières. La porte de son bureau était toujours ouverte. Il est un excellent hôte après une longue journée.

Sénateur David, vous êtes mon ami depuis plus de 30 ans, et j'ai gardé d'excellents souvenirs. Même si nous vous verrons moins souvent après votre départ, sachez que nous aurons pour vous du respect et beaucoup d'affection. Merci pour tout ce que vous avez fait pour nous.

L'honorable Jim Munson : Sénateur Smith, puisque je suis votre whip, j'ai gardé toutes les blagues que vous m'avez rédigées ces 12 dernières années. Je les ai toutes sur mon bureau, mais je vais vous donner assez de temps pour sortir d'ici avant que je les publie dans un livre. En tout cas, ces blagues expriment une vision très intéressante de la vie et elles représentent aussi, je suppose, des élans de fantaisie.

Il me revient à l'esprit, David, que, parce que j'étais votre whip, vous me regardiez toujours lorsqu'on procédait à un vote, à l'époque où nous étions assis de l'autre côté, et vous disiez : « Un petit verre? » Puis nous descendions dans votre bureau et vous racontiez des histoires extraordinaires. Les illustrations sur le mur de votre bureau sont un cours d'histoire en soi pour n'importe qui dans notre pays.

Il y a autre chose que vous faisiez aussi. Vous l'avez fait récemment lorsque vous avez accueilli les nouveaux sénateurs dans cette assemblée. Je vous ai vu parler à chacun d'eux. Vous mettiez les gens à l'aise ici, au Sénat du Canada, peu importe qui ils étaient et quel parti ils représentaient.

Maintenant, comme je suis fils de prédicateur de l'Église Unie, vous ne me laissiez jamais m'en tirer parce que vous parliez toujours des enfants de prédicateur et de la façon dont ils se comportent et interagissent avec les autres. Je vous assure que, la plus grande partie de ma vie, j'ai été un assez bon fils de prédicateur, mais il faut s'opposer au système de temps à autre, et c'est ce que vous avez fait pendant de nombreuses années.

Il y a une chose que je tiens à dire. Il en a été question au sujet de la Charte et cela concerne le rapport que vous avez devant vous, Obstacles. C'est une bonne lecture sur les déficiences mentales et les handicaps physiques. De nos jours, on parle de déficiences intellectuelles. J'ai utilisé ce rapport. Votre voisin de bureau l'a utilisé, tout comme le sénateur Keon et d'autres qui siégeaient au Comité des affaires sociales, lorsque nous avons fait une étude sur l'autisme et lorsque le comité a fait une étude sur la santé mentale juste avant que j'arrive ici. Nous nous en sommes inspirés pour invoquer les droits en vertu de la Charte, qui sont extraordinaires, pour donner une voix aux handicapés. Vous avez été l'un des premiers, avec le comité à l'époque, à parler pour les sans-voix, qui, aujourd'hui, ne peuvent pas être oubliés dans les débats du pays, qu'on parle des autistes ou des participants aux Jeux Olympiques spéciaux.

Je tiens à vous remercier de votre amitié. Je n'ai pas souvent l'occasion de pouvoir parler face à face avec quelqu'un au Sénat, et vous êtes pourtant un géant.

Vous avez donc toujours été un grand homme à mes yeux, sénateur Smith. Pour faire court, je dirais que vous avez fait du bon travail et que nous vous aimons beaucoup.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, lorsque j'ai appris que le sénateur Smith allait prendre sa retraite, j'ai jeté un coup d'œil à sa date d'anniversaire, et j'ai été surpris d'apprendre que c'est la même que celle de mon unique petite-fille, Ellie, dont le premier anniversaire de naissance sera célébré lundi prochain. Ainsi, David, je ne pourrai plus jamais oublier votre date d'anniversaire.

C'est pendant la campagne électorale de 1993 que j'ai pu, pour la première fois, travailler en étroite collaboration avec David. J'avais la responsabilité de former des libéraux partout en Ontario, quelques années après avoir soutenu M. Chrétien pendant la campagne à la direction. J'ai alors eu l'occasion de rencontrer David à plusieurs reprises. Il a dû me réprimander une fois ou deux pour mon manque de préparation, mais cela ne s'est jamais reproduit depuis ce temps. Je n'ai plus jamais rencontré David sans être préparé, car je savais qu'il s'en rendrait compte. Je ne tiens pas à m'attarder là-dessus.

Je veux cependant parler d'un voyage que nous avons fait ensemble et auquel la sénatrice Jaffer a fait allusion. Nous sommes allés à Oxford, en Angleterre, pour participer à une réunion de l'Internationale libérale. L'épouse de David et la mienne nous accompagnaient, et plusieurs autres couples allaient prendre part à cette réunion très sérieuse. Nous avons fait un détour pour visiter la maison de Churchill. Un voyage en Angleterre n'est pas complet sans David Smith. Pendant que je préparais mes notes pour aujourd'hui, je me suis dit que Sa Majesté est peut-être la seule personne qui en sait plus que David Smith sur la mère patrie.

David, il était toujours agréable d'aller en voyage avec vous, que ce soit en Grande-Bretagne ou ailleurs pour d'autres réunions de l'association parlementaire du Commonwealth.

David, comme d'autres l'ont dit, a été directeur de campagne en 1993, mais je suis allé ailleurs et je suis devenu directeur national du parti et j'ai travaillé avec David, directeur national de campagne pour les élections de 1997 et de 2000.

Comme je le répète sans cesse, David a été poursuivi par bien des gens, mais aucun n'a eu gain de cause. Beaucoup de membres mécontents du parti ou de quelque autre groupe ont voulu s'en prendre à lui, mais il avait veillé à tous les détails. Bravo.

Tous nos collègues du Sénat ne le savent peut-être pas, mais David est un hôte remarquable, et il a aussi la chance de pouvoir compter sur son épouse, Heather, qui est une excellente hôtesse. Et j'ai eu le plaisir d'être accueilli par eux dans leurs maisons de Toronto et de Cobourg. Si vous êtes invités, acceptez. Je peux vous garantir que vous ne vous ennuierez pas.

Merci, David, de ce que vous avez fait pour le Parti libéral et pour le Canada. Plus important encore, merci de votre amitié et de vos précieux conseils.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : David Smith est la personne qui incarne le mieux, à mes yeux, l'admirable expression « heureux guerrier ». Dieu sait que l'esprit de parti a été un élément central dans sa vie. Il a été un guerrier pour le Parti libéral, qu'il a si bien servi, pour son pays et pour toutes les causes qu'il a épousées. Cependant, ce que j'ai toujours remarqué chez lui, c'est qu'il est heureux. C'est un homme qui donne bonne presse à la partisanerie.

Au fil des ans, lorsque j'ai eu le plaisir de travailler avec lui, il m'est arrivé de le voir exaspéré. Vous vous rappellerez la répétition du mot « bientôt » par le sénateur Carignan. Pourtant, je n'ai jamais vu ni entendu David Smith prêter des motifs malveillants à ceux qui siégeaient en face et n'étaient pas d'accord avec lui, ni tenter de les calomnier. D'après ce que j'ai observé, il a toujours été capable de percevoir ce qu'il y a de bon chez les autres, même lorsque les divergences de vues étaient profondes. J'ignore combien de fois je l'ai entendu dire : « Oh, je la connais » ou alors : « Je le connais. C'est une excellente personne. », même lorsque le rôle de cette personne était de s'opposer.

(1440)

Comme tant d'autres l'ont dit aujourd'hui, David est un hôte extraordinaire. Il a toujours été prêt à ouvrir sa porte à quiconque éprouvait des difficultés. Il était toujours heureux et prompt à plaisanter. Il y avait fréquemment des citations qui avaient une coloration légèrement religieuse. J'ai essayé de trouver l'origine de cette ligne — ce doit être la Bible; sinon, ce devrait être la Bible : « Dès lors, mes frères, réjouissons-nous. »

Le sénateur D. Smith : Amen.

La sénatrice Fraser : David Smith a été joyeux et nous a rendus joyeux. Nous lui souhaitons beaucoup de joie pour toutes les années à venir. Merci à lui de la joie qu'il nous a apportée.

Des voix : Bravo!

Remerciements

L'honorable David P. Smith : Voilà qui est très émouvant. Votre Honneur, chers collègues du Sénat, parents et amis, c'est aujourd'hui ma dernière journée au Sénat. Je suis prêt à partir, mais je ne pars pas et je ne dis pas au revoir de gaieté de cœur.

J'ai pensé revoir les différents chapitres de mon passage à Ottawa pour vous donner une idée de tout cela.

Lorsque j'étais jeune, j'entendais parfois la phrase suivante : « À table, nous ne discutons jamais de religion ni de politique. » Eh bien chez nous, nous ne parlions que de cela. Mon père s'appelait Campbell Bannerman Smith. Il était ministre, mais pas au Cabinet. Il était prédicateur. Son nom a été inspiré par celui d'un parent, sir Henry Campbell-Bannerman, qui avait été député au Royaume-Uni à compter de 1868. Lorsque mon père avait cinq ans, Henry est devenu premier ministre. Il est mort trois ans plus tard, mais il avait mené les libéraux à leur plus grande victoire, en 1906. Sir Henry n'a jamais eu d'enfant, mais son petit-neveu du Canada lui a toujours plu, et il a écrit plusieurs notes à ma grand-mère. Je ne sais pas ce qu'elles sont devenues, mais ce sont de toute manière de beaux souvenirs. Parfois, lorsque je me trouve au Parlement britannique, je trouve toujours un ou deux Campbell-Bannerman et un lien s'établit.

J'ai toujours eu la politique dans le sang, et c'est pourquoi je me suis retrouvé à Ottawa en 1961. J'ai étudié les sciences politiques à l'Université Carleton. À ce moment-là, je n'avais jamais adhéré à quelque parti politique que ce soit. J'observais tout de très près, mais les délibérations parlementaires n'étaient pas diffusées à la télévision à cette époque-là. Si je suis venu à Ottawa, c'est parce que je voulais pouvoir aller les voir, ce que j'ai fait. John Diefenbaker m'a fait venir pour essayer de me prouver que nous étions parents parce que le nom de jeune fille de sa mère était Bannerman. C'est une longue histoire, mais je vais m'abstenir.

Je respectais vraiment Lester B. Pearson. C'est à lui que je dois d'être devenu libéral. Je me suis retrouvé président des libéraux de Carleton, puis président national et, après, bras droit de Keith Davey au siège social du parti. Nous parcourions tout le pays aux quatre ou cinq semaines pour préparer les élections de 1965. Keith m'amenait souvent aux rencontres qu'il avait avec Lester B. Pearson, qui était un homme charmant. Son père était ministre méthodiste, ce qui est devenu aujourd'hui l'Église Unie.

Il parlait des enfants de prédicateur. Munson en est un aussi. Pearson disait : « Nous, les enfants de prédicateur, nous devons nous tenir ensemble. » Un jour que nous étions à la résidence d'été du premier ministre, devant la cheminée, il a dit : « Il y a beaucoup d'enfants de prédicateur, mais pas tellement qui le sont doublement. » J'ai demandé ce qu'il voulait dire. Il m'a expliqué que son père et son grand-père avaient tous deux été prédicateurs. J'ai répondu : « C'est mon cas. » Il a ajouté : « Je le sais. Je sais qui étaient votre père et votre grand-père. Nous sommes tous les deux fils et petit-fils de prédicateur. Nous devons nous tenir vraiment ensemble. »

À plusieurs reprises, le premier ministre m'a invité à regarder des parties de la Série mondiale de baseball. Pearson pouvait donner la moyenne au bâton de tous les frappeurs qui se présentaient au marbre avant même que les chiffres ne soient annoncés. Il s'y connaissait vraiment. Il était allé aux Jeux olympiques.

Parlant de prédicateurs, mes deux frères sont ici, George et Bob. Ils sont là. Vous n'avez qu'à faire un signe de la main. Ce sont mon frère aîné et mon frère cadet. Tous deux sont prédicateurs, et évangélistes, mais ils ne font pas comme Donald Trump. Ils ne parlent pas de Corinthiens 2, mais de la Deuxième épitre aux Corinthiens. Si vous regardez CNN, vous comprendrez.

Les gens me demandaient pourquoi je n'étais pas prédicateur. Mon père disait qu'il est très bien d'être prédicateur, mais seulement si on a la vocation. Je puis honnêtement dire que je n'ai jamais entendu l'appel. Je ne suis donc pas devenu prédicateur. J'ai plutôt eu la vocation de la vie publique.

J'ai obtenu un baccalauréat en sciences politiques, et je suis parti. Je me suis dit qu'il valait mieux être avocat. Je me suis donc inscrit à la faculté de droit de l'Université Queen's. La meilleure chose qui me soit arrivée là-bas, c'est que j'ai rencontré mon adorable épouse, Heather. Ce fut très agréable. Elle est juge depuis plus de 33 ans. Elle est maintenant juge en chef de la Cour supérieure. Je la taquine, mais elle ne prise pas tellement cette plaisanterie. Je suis le seul type en Ontario qui ne pourrait jamais obtenir un divorce équitable. Il y a 300 juges qui prononcent des divorces et ils sont tous sous ses ordres. Mais cela ne risque pas d'arriver, c'est une blague.

Après avoir obtenu mon diplôme de Queen's, j'ai été appelé au Barreau et j'ai commencé à exercer le droit. Huit mois plus tard, j'ai été élu au conseil municipal de Toronto et je me tenais avec notre frère Eggleton, qui est devenu maire. Je me suis présenté à ce poste en 1978, mais j'ai perdu, et il a gagné deux ans après. C'est une longue histoire. Disons seulement que j'ai été élu député 15 mois plus tard.

La vie publique peut être très satisfaisante si on a l'occasion d'améliorer le sort des gens. C'est ce qui m'est arrivé. Plusieurs sénateurs en ont déjà parlé, mais je ne peux m'empêcher de le faire également.

Obstacles est un rapport parlementaire qui a été publié en 1980. Il portait sur les personnes invalides et handicapées. C'est en 1981 que l'on a souligné l'Année internationale des personnes handicapées décrétée par l'ONU. M. Trudeau avait demandé un rapport pour 1981. Nous avons donc parcouru tout le Canada et entendu plus de 600 témoins. J'ai fait appel à des photographes et à des membres d'agences de publicité à Toronto dont je savais qu'ils donneraient gratuitement de leur temps, ainsi qu'à des rédacteurs, qui ont discuté avec les personnes handicapées physiquement ou mentalement et rédigé l'histoire de leurs difficultés. Puis, j'ai fait prendre une multitude de photographies et j'en ai rempli le rapport.

Toutes les facultés de sciences infirmières, tous les collèges communautaires et les écoles secondaires ont réclamé le rapport. Le tirage a dépassé les 400 000 exemplaires. J'en ai demandé encore plus. La présidence était alors occupée par Jeanne Sauvé. Elle m'a fait venir et elle m'a dit que nous n'avions pas les moyens d'en produire davantage. Je lui ai dit : « Madame la Présidente, la plupart des rapports parlementaires sont ennuyeux au point de guérir l'insomnie. Gardez-les à votre chevet et, si vous n'arrivez pas à dormir, lisez-les. Mais tout à coup, tous les jeunes des écoles secondaires et des collèges communautaires réclament ce rapport-ci, et vous me dites non? » Elle a cédé immédiatement et nous avons fait imprimer beaucoup d'autres exemplaires.

(1450)

Comme vous l'avez entendu, l'un des résultats, c'est que nous avons réussi ainsi à nous faire connaître — plusieurs l'ont déjà mentionné — juste à l'arrivée de la Charte. Je l'ai ici. Je vais vous lire la première ébauche de l'article 15 :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge...

C'est là que cela s'arrêtait. J'ai alors commencé à prendre la parole au cours des caucus spéciaux afin d'exposer les raisons pour lesquelles nous devions inclure « les déficiences mentales ou physiques ». Je prononçais mon discours et, bien sûr, on parlait aux bureaucrates du ministère de la Justice de tous les problèmes que cela causerait, mais je n'ai pas renoncé.

Je me rappelle que nous avions alors des réunions de caucus dans l'édifice de l'Ouest. Je revenais donc de l'édifice de l'Ouest pour aller dans l'édifice du Centre et, tout à coup, un bras m'entoure l'épaule. C'était Allan J. MacEachen, votre collègue de la Nouvelle-Écosse, un grand héros, qui était alors vice-premier ministre. Il m'a dit : « David, tu dois être découragé, mais ne renonce pas. C'est toi qui as raison. »

Vous avez déjà entendu cette histoire, mais, deux semaines plus tard, nous avons eu une autre réunion de caucus au cours de laquelle j'ai à nouveau pris la parole. Je parlais depuis peut-être deux minutes quand Pierre Trudeau s'est levé et a dit : « David, nous n'avons pas besoin d'entendre cela une autre fois. Nous allons l'inclure. » Comme je l'ai dit, j'ai fondu en larmes, mais c'étaient des larmes de joie. Quoi qu'il en soit, c'était très, très satisfaisant.

J'ai fini par être nommé ministre des Petites entreprises et du Tourisme, mais vous n'avez pas besoin de savoir tout cela. En 1984, le gouvernement a subi une raclée qui ne m'a pas épargné. C'était probablement une bonne chose, parce que j'ai pu alors pratiquer sérieusement le droit et mettre de l'argent de côté. Nous devons tous le faire tôt ou tard, alors tout était pour le mieux.

Lorsque Jean Chrétien a été élu chef du parti à Calgary, en 1990, il m'a demandé d'aller le voir. Il m'a dit : « Allez-vous vous présenter pour nous aux prochaines élections? » J'ai répondu : « Eh bien, non. » « Pourquoi? », m'a-t-il demandé. J'ai dit : « Vous savez, la Bible dit qu'un agriculteur sage engrange son grain dans les bonnes années. Pour moi, ce sont de très bonnes années, et j'engrange mon grain. » « Eh bien, je savais que vous diriez quelque chose de ce genre. Comme punition, je vous charge de diriger la campagne. » C'est ainsi que j'ai dirigé ces campagnes électorales.

Jim en a parlé, mais comme il s'agit d'un épisode vraiment drôle, je ne peux pas résister : je vais le raconter à mon tour. En Ontario, aux élections de 1993, nous avons remporté 98 sièges sur 99. Cela ne s'était jamais produit auparavant. Nous n'avons perdu qu'une seule circonscription, Barrie, par 120 voix. Chrétien essayait toujours de me mettre en boîte à ce sujet : « Alors, que s'est-il passé à Barrie? »

Bill et Hillary Clinton étaient ici en visite officielle en 1994. J'étais à la table d'honneur. Chrétien me fait venir et dit : « Voici l'homme qui dirige mes campagnes, mais, aux dernières élections, il a perdu un siège en Ontario. Nous n'avons remporté que 98 sièges sur 99. » Bill Clinton avait dit : « Ça me conviendrait tout à fait. Voulez-vous venir travailler pour moi à Washington? Pouvez-vous être là lundi prochain? » Il avait continué ainsi pendant deux ou trois minutes. Par la suite, Chrétien ne m'a jamais plus taquiné à ce sujet. Ce fut vraiment une soirée mémorable.

Ensuite, il me disait : « Eh bien, êtes-vous prêt pour le Sénat? » « Non, pas encore. Pas encore. Pas encore. » Vous savez, il fallait continuer à engranger. « Mais nous avons besoin de personnes compétentes. » Je répondais : « Eh bien, une fois que je serai dans la soixantaine, j'accepterai peut-être. » Je suis donc arrivé ici il y a 14 ans, et je ne l'ai jamais regretté. J'ai beaucoup aimé mon travail de sénateur. Je mentionnerai quelques occasions dont je me rappelle bien.

Lorsque Flora MacDonald est décédée, le National Post a publié un long article qui occupait une page entière et qui racontait comment elle et moi étions allés en URSS, à la demande du Congrès juif canadien, pour convaincre les Soviétiques du fait que, en vertu des accords d'Helsinki, les Juifs de l'Union soviétique avaient le droit d'émigrer directement en Israël. Seulement en Israël, pas dans d'autres pays. L'URSS ne les laissait pas partir, rejetant toutes leurs demandes. On les avait surnommés les refuzniks.

Nous sommes restés là plusieurs semaines, allant inlassablement de réunion en réunion. Les Soviétiques ont alors commencé à laisser les juifs partir. Abba Eban, qui était alors ministre des Affaires étrangères d'Israël, après avoir été ambassadeur aux Nations Unies, avait organisé une grande conférence à Jérusalem au cours de l'été. Il m'avait demandé d'être l'orateur principal. Vous savez, il y a des choses qui vous font penser : « Je suis vraiment heureux d'être entré en politique. » Il avait commencé par dire : « C'est grâce au Canada que nous avons obtenu ce résultat. C'est le Canada qui l'a fait. » Les gens qui avaient quitté l'Union soviétique venaient me serrer dans leurs bras pour me remercier. C'est après avoir rendu quelques services de ce genre qu'on commence à apprécier la vie publique.

Il y a une autre histoire avec Nancy Ruth. Êtes-vous là, Nancy? M'entendez-vous? Nous étions allés voir Kadhafi. Le Président du Sénat m'avait demandé si j'acceptais d'accompagner ce groupe qui allait rendre visite à Kadhafi. J'ai dit : « J'irai, mais nous devons obtenir de l'ambassadeur libyen l'assurance que nous pourrons nous entretenir avec les responsables compétents pour leur parler des 8 infirmières palestiniennes condamnées à mort parce que 170 pauvres personnes avaient succombé à l'épidémie de Benghazi. » On nous a dit que ce serait fait, et nous sommes partis. Près de trois mois plus tard, l'épouse du président français est allée en Libye chercher les infirmières. Je crois que c'est nous qui avons obtenu ce résultat. Nous y avons sûrement contribué. Quand vous pouvez faire de telles choses, vous vous dites qu'il valait vraiment la peine de faire de la politique.

Qu'est-ce que j'ai encore dans ces notes? Oh, j'ai ici une histoire concernant Margaret Thatcher. Je la connaissais assez bien car, voyez-vous, lorsque nous avons modifié la Constitution, il a fallu modifier aussi l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui est une loi de Westminster. Au Royaume-Uni, il y avait toute une bande de députés qui faisaient des difficultés. Trudeau avait dit : « Je vous envoie à Londres. Utilisez tous les arguments à la Campbell- Bannerman pour convaincre ces gens. » J'ai assisté à 44 déjeuners et dîners dans les meilleurs restaurants et clubs de Londres, essayant de persuader les responsables. J'ai travaillé aussi avec Mme Thatcher, qui m'a invité plusieurs fois au 10 Downing Street. Enfin, ça a marché. Ils ont fini par comprendre, et la loi a été modifiée.

Ensuite, lorsque Mme Thatcher est venue en visite spéciale, M. Trudeau m'a chargé d'aller l'accueillir à l'aéroport de Toronto et de l'accompagner partout. J'aurais beaucoup d'histoires à vous raconter au sujet de Mme Thatcher, mais si je commence, je risque de ne pas pouvoir m'arrêter.

Il y a cependant une chose qu'elle a dite et que je n'oublierai jamais. En l'écoutant, j'étais vraiment très fier d'être Canadien. Elle avait dit : « Vous savez, lorsqu'on va à ces réunions du G7 ou du G8, c'est le président des États-Unis, quel qu'il soit, qui est toujours la personnalité la plus influente. Mais je dois admettre, même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui, que, sur le plan intellectuel, votre M. Pierre Trudeau est vraiment un type à part. » On n'entendait pas souvent Margaret Thatcher faire des compliments de ce genre. Je ne l'oublierai jamais, jamais. De plus, elle a été très aimable avec moi.

Où est-ce que j'en suis maintenant? Oui, le Sénat. Eh bien, vous savez déjà tout à ce sujet. Je n'ai pas à vous convaincre qu'il ne disparaîtra pas. Certains pensent qu'il pourrait être aboli. Eh bien, modifier la Constitution pour le faire est vraiment une « mission impossible » : sept provinces et quatre du Canada atlantique. Oui, vous savez compter aussi bien que moi.

Nous voulons que le Sénat fonctionne bien. Nous sommes ici pour voir comment nous pouvons le mieux nous acquitter de notre mandat. Lorsqu'il y a eu un vote pour déterminer s'il convenait d'organiser un plébiscite, une seule province, l'Alberta, avait accepté d'en tenir un. Par conséquent, les choses ne changeront pas.

J'ai servi aussi bien à la Chambre des communes qu'au Sénat. Les deux Chambres sont différentes. Il est juste de dire que le travail des comités du Sénat est, dans l'ensemble, légèrement supérieur. Je ne critique pas les députés parce qu'ils doivent tous défendre énergiquement leurs électeurs, ce que nous ne faisons pas de la même façon. Je crois cependant que les sénateurs siègent plus longtemps au sein des comités et que, d'une façon générale, les comités sénatoriaux sont très forts. Nous devons maintenir cette situation.

Il y a une chose que nous devrions faire plus souvent. J'espère que nos dirigeants m'entendent. Nous devrions envoyer des comités parcourir tout le pays pour examiner des questions précises et entendre des témoins. Cela a vraiment aidé le Sénat à prendre contact avec les Canadiens. Comme j'ai fait partie d'un certain nombre de ces comités, je crois que nous devrions en avoir davantage. Nous avons déjà obtenu de bons résultats. Si nous recommencions, ce serait vraiment bien.

(1500)

Maintenant, avec tous les changements que nous avons ici, avec le nouveau système de nominations, les choses finiront bien par se tasser, j'imagine. On ne saurait avoir trop de gens qui ont des antécédents politiques. Je crois qu'il en faudra toujours un certain nombre. Je pense parfois que l'instinct politique, c'est un peu comme l'oreille musicale. Si on ne l'a pas en naissant, on peut écouter mille symphonies et continuer encore à chanter faux. Je crois parfois que l'instinct politique est presque un don inné. Oui, je pense qu'il est bon d'avoir des gens de différentes catégories, de différentes compétences, de différents groupes ethniques et religions. Je crois aussi qu'il est bon de maintenir l'équilibre entre les sexes, mais je pense que nous devons quand même avoir des gens qui ont l'instinct politique pour faire fonctionner les choses. Notre structure actuelle est un peu déroutante. Je ne suis jamais très sûr de comprendre la présence de trois caucus distincts, mais il faut espérer que cela fonctionnera parce que nous avons là de bons éléments.

Il y a encore une chose que je veux mentionner : je crois que la culture actuelle de la Chambre des lords constitue un modèle qu'il vaut la peine d'examiner. Lorsque le sénateur Carignan et moi étions à Londres, il s'est entretenu avec quelques cross-benchers, ou non-inscrits. Je crois vraiment que le principe est bon. Oui, en un sens, j'ai toujours été libéral, mais, plus j'avance en âge, moins je suis partisan. Pour moi, peu importe à quel parti on appartient. C'est la personne qui compte. Nous voulons avoir de bons éléments au sein de tous les partis. Nous avons besoin de bons éléments des deux côtés de la Chambre. Je crois que moins nous serons partisans, mieux cela vaudra. Le principe des non-inscrits est intéressant à envisager. Je n'irai pas plus loin à cet égard.

J'ai travaillé d'arrache-pied pendant 50 ans pour le parti, puis nous avons été expulsés. Ce fut un peu frustrant, mais je suis plutôt content du résultat : les votes libres. J'aime pouvoir voter librement. Martin Luther King a dit : « Enfin libres! » Dieu merci, je suis enfin libre. Qui veut être un robot soumis à la discipline de parti? Pas moi. Je ne veux pas être un robot. À mon avis, moins il y aura de partisanerie, mieux ce sera. Nous verrons comment les choses fonctionneront, mais il y a du bon monde au Sénat.

Je dirai enfin quelques mots sur la culture politique du Canada. Quelques membres de ma famille sont américains. Si vous regardez CNN ces temps-ci, vous avez sans doute entendu parler de « Ted le menteur », de « Hillary la malhonnête » et d'autres infamies de ce genre. Nous, Canadiens, ne voulons pas nous abaisser aux calomnies. Nous voulons que les politiciens soient des gens respectables. Nous avons besoin d'eux. Les honnêtes citoyens veulent-ils des ignominies qui se font aux États-Unis? Non. Les Canadiens ne veulent pas s'engager dans cette voie. Nous voulons conserver nos façons de faire et notre institution. Nous voulons que le Canada soit une société démocratique civilisée. Faisons en sorte qu'il en soit toujours ainsi!

Vous allez tous me manquer. Je vous adresse mes meilleurs vœux. Continuez d'être la Chambre de second examen objectif. Amen!

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à la tribune de deux élèves de la Dufferin Christian School, Myron van Dijk et Benjamin Vanlaar, et de Rudy Vangoor, de Winnipeg. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Gagné.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger à huis clos aux fins de son étude des mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :

Que, nonobstant l'article 12-15(2) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit habilité à tenir des séances à huis clos, de façon occasionnelle, pour entendre des témoignages et recueillir des informations particulières ou délicates dans le cadre de son étude, autorisée par le Sénat le 14 avril 2016, sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Français]

Le Sentier transcanadien

Son histoire, ses bienfaits et ses défis—Préavis d'interpellation

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le Sentier transcanadien — son histoire, ses bienfaits et les défis auxquels ce projet fait face à l'approche du 25e anniversaire de son existence.

[Traduction]

Le Sénat

Son rôle de protection dans la représentation des régions et des minorités—Préavis d'interpellation

L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur son rôle de protection dans la représentation des régions et des minorités.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 5 mai 2016, la période des questions aura lieu à 15 h 30.

[Français]

Réponse différée à une question orale

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénateur Carignan, le 14 avril 2016, concernant le pont Champlain.

Les Transports

Le pont Champlain

(Réponse à la question posée le 14 avril 2016 par l'honorable Claude Carignan)

Le nouveau pont Champlain assurera un lien vital vers Montréal et les villes environnantes. Le projet de corridor du nouveau pont Champlain respecte les délais et les budgets prévus, et le pont devrait être en service en décembre 2018.

Nous continuerons de travailler en étroite collaboration avec nos partenaires provinciaux et municipaux afin que cette infrastructure essentielle soit adaptée aux besoins de tous les usagers.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, serait-il possible de faire moins de bruit? Il semble y avoir beaucoup de conversations. Il était difficile d'entendre le sénateur Harder avec tout ce bourdonnement.


(1510)

ORDRE DU JOUR

La Loi sur le divorce

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suspension du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Cools, appuyée par l'honorable sénatrice McCoy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur le divorce (plans parentaux).

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur le divorce (plans parentaux), dont le titre abrégé est « Loi sur le partage des responsabilités parentales ».

Pendant un divorce, les besoins des enfants, leur garde, la pension alimentaire et l'accès aux enfants figurent parmi les principaux problèmes que doivent régler les époux et le tribunal. C'est notamment un problème parce que, pour faciliter la tâche du tribunal, il faudrait que les obligations des deux parents à l'égard des enfants soient clairement définies. Mon projet de loi, qui compte quatre articles, modifiera la Loi sur le divorce afin d'obliger les époux en instance de divorce à fournir au tribunal un plan parental où seront définis les pouvoirs et les responsabilités de chacun concernant le soin et l'éducation des enfants.

Honorables sénateurs, en partant du principe voulant que les enfants aient émotionnellement et financièrement besoin de leurs parents, la loi accorde depuis plus d'une centaine d'années de vastes pouvoirs aux juges et aux cours supérieures du pays en matière de protection des enfants.

Le paragraphe 11(1) de la Loi sur le divorce dit ceci :

(1)Dans une action en divorce, in incombe au tribunal : [...]

b) de s'assurer de la conclusion d'arrangements raisonnables pour les aliments des enfants à charge eu égard aux lignes directrices applicables et, en l'absence de tels arrangements, de surseoir au prononcé du divorce jusqu'à leur conclusion; [...]

Pas d'arrangement raisonnable pour les aliments des enfants, pas de divorce. C'est la loi.

Cet article définit clairement l'obligation du tribunal au sujet de la pension alimentaire, mais pas des responsabilités parentales. La loi ne prévoit pas que le tribunal doit surseoir au prononcé du divorce si aucun arrangement raisonnable n'a été pris quant aux responsabilités parentales. La Loi sur le divorce place les obligations du tribunal concernant le soutien financier des enfants au-dessus de ses obligations concernant l'aspect émotionnel. Cet article doit donc être revu de sorte que le tribunal soit tenu de surseoir au prononcé du divorce si aucun arrangement raisonnable n'est pris concernant les responsabilités parentales.

Honorable sénateurs, l'article 2 de mon projet de loi vient corriger ce déséquilibre et confie ce devoir au tribunal, par adjonction à l'alinéa 11.(1)a) du sous-alinéa a.1) que voici :

(1) a.1) de s'assurer de la conclusion d'arrangements raisonnables pour la responsabilité parentale des enfants à charge eu égard à leur intérêt et, en l'absence de tels arrangements, de surseoir au prononcé du divorce jusqu'à leur conclusion;

Le projet de loi S-202 répare une injustice qui a causé aux familles des douleurs incommensurables. Il établit un équilibre entre les responsabilités financières des parents, avec le régime d'ordonnances alimentaires prévu par la Loi sur le divorce, et leurs responsabilités affectives, avec le régime des ordonnances relatives à la garde d'enfants et au droit d'accès. Grâce au projet de loi, les conjoints devront convaincre le tribunal qu'ils ont conclu des arrangements raisonnables pour la responsabilité parentale. En l'absence de tels arrangements, le tribunal peut surseoir au prononcé du divorce jusqu'à la conclusion de ceux-ci. Voilà qui harmonisera deux devoirs parentaux distincts, soit celui du soutien financier, c'est-à-dire la pension alimentaire pour enfants, et celui d'assurer le bien-être émotif de l'enfant.

Je prie les sénateurs d'appuyer ce projet de loi. Je remercie la comotionnaire du projet de loi, la sénatrice Elaine McCoy.

Au Canada, le public appuie largement le partage des responsabilités parentales à la suite d'un divorce, depuis le dépôt en 1998 du rapport du Comité spécial mixte sur la garde et le droit de visite des enfants. Ce comité a voyagé d'un bout à l'autre du Canada et a entendu 500 témoins. J'y ai siégé et j'ai beaucoup contribué à sa création.

Dans ce rapport publié en 1998 et intitulé Pour l'amour des enfants, le comité a recommandé « l'exercice conjoint des responsabilités parentales ». D'un bout à l'autre du pays, les Canadiens ont fortement appuyé le travail du comité et son rapport. Ils attendent depuis la correction de cette cruelle lacune.

Honorables sénateurs, en 1984, les Canadiens prêts à se partager les responsabilités parentales s'attendaient à une nouvelle loi sur le divorce, étant donné que les provinces avaient adopté des lois portant réforme du droit de la famille afin d'établir l'égalité entre les sexes et le partage du foyer, des dettes et des biens matrimoniaux.

Cette année-là, le ministre libéral de la Justice, Mark MacGuigan, a présenté le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur le divorce, dans le but d'établir l'égalité entre les hommes et les femmes dans le divorce comme dans le mariage et d'instaurer la garde partagée comme norme lors d'un divorce. Il s'est servi à cette fin du principe bien établi de l'intérêt de l'enfant.

Le projet de loi est mort au Feuilleton le 4 juillet, à la dissolution du Parlement en vue de l'élection générale du 4 septembre, qui a porté au pouvoir les progressistes-conservateurs de Brian Mulroney.

Le nouveau ministre de la Justice, John Crosbie, a retravaillé le projet de loi C-10, en retenant le cadre conceptuel de l'intérêt de l'enfant. En 1985, il a présenté le projet de loi C-47, Loi sur le divorce et les mesures accessoires, qui a reçu la sanction royale le 13 février 1986. Cette loi, modifiée en 1996 par le projet de loi C-41 du ministre de la Justice, Allan Rock, énonçant les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, correspond en grande partie à l'actuelle Loi sur le divorce. On y trouve l'expression « l'intérêt de l'enfant » deux fois dans les paragraphes 16(8) et 16(10), qui portent sur les ordonnances de garde, et trois fois dans les paragraphes 17(5), 17(5.1) et 17(9), qui portent sur les ordonnances de suspension ou de résiliation.

Le paragraphe 16(10), que les avocats appellent la règle des parents coopératifs, se lit comme suit :

(10) En rendant une ordonnance conformément au présent article, le tribunal applique le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chaque époux le plus de contact compatible avec son propre intérêt et, à cette fin, tient compte du fait que la personne pour qui la garde est demandée est disposée ou non à faciliter ce contact.

Honorables sénateurs, le ministre MacGuigan était un éminent juriste qui a participé à la fondation de la faculté de droit de l'Université de Windsor, dont il a été le premier doyen. Il avait également enseigné à la faculté de droit Osgoode Hall de l'Université York ainsi qu'à l'Université de Toronto. Il connaissait bien l'expression juridique « l'intérêt de l'enfant » et ses origines dans le parens patriae du souverain, le droit de l'équité et les Cours britanniques de la chancellerie. Il s'en est servi afin d'assurer aux enfants d'un couple divorcé la protection qui leur est due de la part des cours supérieures et de leurs juges.

Par l'adoption du projet de loi du ministre Crosbie, la Loi sur le divorce a investi les enfants de parents divorcés de droits garantis par la loi, du droit inhérent au soutien financier et affectif des deux parents. Ces deux droits, comme le lien parent-enfant, sont inséparables. Le premier intérêt de l'enfant, ou le meilleur intérêt de l'enfant, est l'intérêt de cet enfant dans sa relation avec ses deux parents, sa mère et son père. Incertain que l'expression « partage des responsabilités parentales » resterait, Mark MacGuigan l'a employée ainsi que ses antécédents pour parvenir à la justice pour les enfants.

Mon projet de loi emboîte le pas aux ministres MacGuigan et Crosbie ainsi qu'au rapport de 1998 intitulé Pour l'amour des enfants, qui recommandait le partage des responsabilités parentales après le divorce, ainsi qu'une relation continue et significative des enfants avec les deux parents. Les efforts séparés de ces ministres nous ont donné la Loi sur le divorce de 1985, qui appuie l'égalité entre le père et la mère pour la pension alimentaire pour enfants, la garde des enfants et l'accès aux enfants.

Le paragraphe 15(8) de cette loi, maintenant abrogé, disait ceci :

(8) L'ordonnance alimentaire pour enfant à charge rendue en vertu du présent article devrait :

a) tenir compte de l'obligation financière commune des époux de subvenir aux besoins de l'enfant;

b) répartir cette obligation entre eux en proportion de leurs ressources.

Mon projet de loi S-202 n'utilise l'expression « partage des responsabilités parentales » que dans son titre, et emploie l'expression « intérêt de l'enfant » six fois. Je vais bientôt expliquer ses antécédents dans la jurisprudence britannique du XIXe siècle qui a façonné l'approche du XXe siècle du Canada centrée sur le bien-être de l'enfant.

Honorables sénateurs, le Canada a adopté sa première loi fédérale sur le divorce en 1968. Jusqu'alors, difficiles et dispendieux, les divorces étaient traités en fonction de l'ancienne loi britannique sur les causes matrimoniales dans toutes les provinces à l'exception du Québec et de Terre-Neuve, où le divorce était régi par des projets de loi d'intérêt privé individuels ici même au Parlement.

Commençant sous forme de pétitions au Sénat, ces projets de loi d'intérêt privé étaient débattus et mis aux voix ici, puis adoptés à la Chambre des communes, avant de recevoir la sanction royale. Chaque projet de loi de divorce était unique au couple nommé dans la pétition et le projet de loi d'intérêt privé. Ces divorces prononcés par le Parlement ont cessé en 1968.

(1520)

Honorables sénateurs, en 1966, le ministre libéral de la Justice, Allan Rock, a présenté son projet de loi C-41, ainsi que les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, définissant un tout nouveau régime qui modifiait le modèle d'égalité entre les sexes de MacGuigan-Crosbie. Adoptées légalement sous forme de règlement et de loi subordonnée, ces lignes directrices ont affaibli l'indépendance judiciaire et le rôle des juges dans la fixation du quantum des pensions alimentaires pour enfants. Les lignes directrices réglaient d'avance le montant des pensions et les présentaient dans des tableaux fondés exclusivement sur le revenu du parent non gardien, qui était le plus souvent le père. Le revenu du parent gardien, qui était le plus souvent la mère, n'était pas pris en compte parce qu'on supposait que sa contribution financière allait de soi.

Les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants ont donné naissance à la prééminence tant des obligations financières des conjoints par rapport à leurs devoirs parentaux que de l'alinéa 11(1)b) de la Loi sur le divorce par rapport à l'obligation du tribunal de suspendre le divorce en l'absence d'arrangements raisonnables pour subvenir aux besoins de l'enfant conformément aux lignes directrices.

Honorables sénateurs, notre Sénat a joué un grand rôle en faveur de l'équité dans ces lignes directrices. Le sénateur progressiste- conservateur Jessiman et moi — j'étais alors libérale — avons combattu pour les enfants. Nous avons soutenu leur besoin du soutien financier et psychologique des deux parents, aussi bien la mère que le père. Nous avons affirmé que le divorce rompait le lien matrimonial, mais non le lien enfant-parent et que le Parlement n'a jamais envisagé dans la Loi sur le divorce d'enlever les enfants à leurs parents ou d'enlever les parents à leurs enfants. Nous avons soutenu le droit du sang des enfants prévu dans l'ancienne common law fondée sur la prérogative royale de la reine de protéger les enfants, connue sous le nom de parens patriae dans la loi d'equity.

Dans l'ancienne Angleterre, le roi avait délégué ce pouvoir au juge le plus puissant après lui-même, le lord chancelier, qui était le gardien de la conscience du roi et le gardien du grand sceau aux cours de la chancellerie et d'equity dans leur juridiction exclusive sur les enfants. Le lord chancelier avait par la suite reçu les pouvoirs des anciennes cours des pupilles et mises en saisine du roi, en vertu desquels le roi devait à ses chevaliers tombés au champ d'honneur de protéger leurs enfants mineurs, qui étaient ses pupilles, ainsi que leurs biens qui devaient leur être restitués à l'âge adulte.

Honorables sénateurs, je vais maintenant vous parler de l'histoire des cours de la chancellerie, ou tribunaux appliquant les règles d'equity, au Canada et de leurs vastes pouvoirs à l'égard des enfants. Une cour de la chancellerie a été établie en 1837, dans le Haut- Canada, avec les mêmes pouvoirs que la Cour de la chancellerie britannique afin de protéger les enfants. Sa loi habilitante, l'Acte pour établir une cour de chancellerie en cette province, précise, à l'article II, à la page 765 :

[...] que ladite cour aura des compétences et des pouvoirs identiques à ceux conférés par la loi à la Cour de chancellerie d'Angleterre concernant les questions énumérées ci-après, soit : [...] toutes les questions touchant les enfants, les idiots, les aliénés et leur succession [...]

Par ailleurs, la Nouvelle-Écosse avait elle aussi une cour de la chancellerie.

Plus tard, en 1873, la Grande-Bretagne a fusionné ses tribunaux de common law avec ses tribunaux de chancellerie et d'equity par l'entremise de sa Loi sur la Cour suprême de justice. Cette loi a investi la Cour supérieure et la Haute cour de justice des pouvoirs inhérents à la Cour de la chancellerie de protéger les enfants. Au paragraphe 25(10), la loi de 1873 dit ceci :

Dans les questions relatives à la garde et à l'éducation des mineures, les règles d'equity l'emportent.

Le volume 1 du Dictionary of English Law, de Jowitt, publié en 1959 explique « l'equity », à la page 726 :

[...] l'equity défend les personnes; l'equity s'inspire des impératifs de la conscience morale; l'equity ne permettra pas qu'un tort reste sans réparation; l'equity respecte le droit; l'equity vise l'intention plutôt que la forme; [...] l'equity reconnaît l'intention de satisfaire à une obligation; [...] le retard exclut l'appel à l'equity; quiconque veut l'equity doit être sans reproche [...]

L'equity, c'est la conscience. Tout comme la Grande-Bretagne a fusionné ses tribunaux de chancellerie, de common law et d'equity par l'entremise de la loi de 1873, ma province a aussi fusionné ses tribunaux en 1881, par l'entremise de l'Ontario Judicature Act, qui conférait aux juges de la Cour supérieure et de la Haute cour de justice les pouvoirs inhérents à la Cour de la chancellerie de protéger les enfants. Tout comme la loi de la Grande-Bretagne, les paragraphes 17(9) et (10) de l'Ontario Judicature Act énonçaient que :

(9) Dans les questions relatives à la garde et à l'éducation des mineurs, les règles d'equity l'emportent.

(10) De manière générale, dans toutes les situations dont il n'est pas fait mention ici, lorsqu'il y a un conflit ou une divergence entre les règles d'equity et les règles de la common law, les règles d'equity ont préséance.

En toute conscience, les règles d'equity l'emportent. Applicable autrefois aux enfants qui possédaient une propriété administrée par le roi selon la doctrine du parens patriae, la loi concernant les enfants est aussi ancienne que vraie. Voici la définition que donne de cette doctrine la sixième édition du Black's Law Dictionary, à la page 1114 :

La notion de parens patriae vient de la common law anglaise et renvoie à la prérogative royale d'agir à titre de gardien des personnes ayant des incapacités juridiques, comme les enfants.

Le Jowitt's Dictionary of English Law, de 1959, définit également cette doctrine à la page 1294 de son volume 2 :

Le souverain, en sa qualité de parens patriae, exerce un type de tutelle sur diverses catégories de personnes qui, du fait de leurs incapacités juridiques, doivent être protégées, comme les enfants, les idiots et les aliénés.

Honorables sénateurs, l'expression juridique « dans l'intérêt de l'enfant » a été établie par la Cour d'appel de la Division du Banc de la Reine du Royaume-Uni, dans son jugement remarquable de 1893 concernant l'affaire Regina v. Gyngall. Après la fusion de 1873, ce tribunal avait hérité du pouvoir d'appliquer la doctrine du parens patriae ainsi que les règles d'equity de la Cour de la chancellerie. Dans l'affaire Regina v. Gyngall, la jeune fille avait à peine connu sa mère biologique, qui n'avait jamais été capable de prendre soin d'elle. Promenée à droite et à gauche et caractérisée par une santé fragile, elle s'était épanouie quand même grâce aux bons soins de Mme Gyngall. Âgée de 15 ans, elle étudiait pour devenir aide- enseignante et avait résisté fermement aux efforts de sa mère pour récupérer la garde de son enfant.

Les juges lui ont parlé. Ils ont pris la décision d'en confier la garde à Mme Gyngall. Le grand seigneur Esher, maître des rôles et juge le plus haut placé après le lord chancelier, a rédigé ce grand jugement. Voici ce qu'il écrit à propos de la compétence de son tribunal, à la page 239 :

Mais il existe aussi un autre pouvoir tout à fait différent et distinct, qui est exercé par la Cour de la chancellerie depuis des temps immémoriaux. Ce pouvoir ne s'applique pas aux droits d'un parent par rapport à un étranger, ou encore aux droits d'un parent par rapport à un enfant. Il s'agit en fait d'un pouvoir paternel, d'un pouvoir administratif judiciaire, grâce auquel la Cour de la Chancellerie est tenue d'agir au nom de la Couronne, qui devient ainsi la tutrice de tous les enfants, à la place d'un parent, comme si elle était le parent des enfants en question, ce qui signifie qu'elle a préséance sur le parent, qui est normalement le tuteur de son enfant. Le litige dont il est question survient après l'adoption de la Judicature Act [...] cette loi ne vise pas à inventer un nouveau pouvoir ou à créer de nouveaux droits; elle vise plutôt à modifier la procédure. Puisque cette question a été examinée par deux tribunaux indépendants, un tribunal de common law et un tribunal appliquant les règles de l'equity, la loi en vigueur prévoit que, si une personne saisit la Division du Banc de la Reine d'un litige en vertu de la common law, et qu'il s'avère que le litige soulève des questions qui relèvent du pouvoir de la Cour de la Chancellerie, les juges de la Division du Banc de la Reine ne doivent pas renvoyer le litige à la Cour de la Chancellerie. Ainsi, ils doivent exercer eux-mêmes les pouvoirs normalement confiés à cette cour.

À la page 240, lord Esher souligne ceci :

Dans le renvoi Spence (1), le lord chancelier Cottenham affirme : « Je ne mets aucunement cette compétence en doute. Les cas où la Cour intervient au nom des enfants ne se limitent pas à ceux où des biens sont en jeu. [...] La Cour intervient pour la protection des enfants, en tant qu'enfants, en vertu de l'autorité que lui confèrent les prérogatives de la Couronne à titre de parens patriae et dont l'exercice a été délégué au grand sceau. »

Puis, à la page 241, lord Esher ajoute ce qui suit :

Comment cette compétence doit-elle être exercée? Du fait des prérogatives de la Couronne, la Cour doit agir en tant que parent suprême des enfants et doit exercer sa compétence de la façon dont le ferait un parent sage, affectueux et attentionné qui a à cœur le bien-être de ses enfants.

À la page 242, lord Esher poursuit en disant ceci :

Puis, il y a le renvoi McGrath, aux termes duquel le lord juge Lindley déclare : « [...] La question primordiale dont la Cour doit se préoccuper est le bien-être de l'enfant. Cependant, le bien-être de l'enfant ne se mesure pas uniquement en termes d'argent ou de confort matériel. Le terme ``bien-être'' doit s'entendre dans son sens le plus large. [...] On ne peut pas non plus ne pas tenir compte des liens affectifs. » La Cour doit donc tenir compte de l'ensemble des circonstances de chaque cas, soit de la position du parent, de la position de l'enfant, de l'âge de l'enfant, de la religion de l'enfant [...] et du bonheur de l'enfant.

Honorables sénateurs, à la page 247, le lord juge Kay souligne ce qui suit :

[...] lord Hardwicke, qui s'inscrit en faux contre la tutelle et la curatelle, affirme ceci : la cour exerce la compétence de parens patriae au nom du roi.

Puis, à la page 248, il ajoute ceci :

Cette déclaration du juge montre qu'il s'agit essentiellement d'une compétence parentale émanant de l'autorité de l'État, qui est déléguée à la Cour de la chancellerie. Cette description implique que le principal facteur à considérer dans l'exercice de cette compétence est l'intérêt et le bien-être de l'enfant.

Son Honneur le Président : Sénatrice Cools, je regrette de vous interrompre. Vous disposerez du temps de parole qu'il vous reste au moment de la reprise du débat après la période des questions.

(Le débat est suspendu.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l'honorable Amarjeet Sohi, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté le 10 décembre 2015, l'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député et ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, est parmi nous aujourd'hui pour participer aux travaux en répondant aux questions portant sur ses responsabilités ministérielles.

(1530)

Comme je l'ai fait ces dernières semaines, je demande aux collègues de se limiter à une question et, si c'est nécessaire, à une seule question complémentaire. Cela permettra au plus grand nombre possible de sénateurs de prendre part à la période des questions.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre Sohi.

[Français]

Le ministère de l'Infrastructure et des Collectivités

Le système de train léger pour la région de Montréal

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Monsieur le ministre, merci d'être parmi nous. Ma question porte sur le système de train léger proposé pour la région de Montréal par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il s'agirait là du projet d'infrastructure de transport public le plus important entrepris à Montréal depuis la construction du réseau du métro, il y a 50 ans. La semaine dernière, le premier vice-président de la filiale responsable des activités en infrastructures de la Caisse de dépôt et placement du Québec, M. Macky Tall, a déclaré que, pour que ce projet puisse se réaliser d'ici 2020, le gouvernement fédéral doit confirmer sa participation au projet avant la fin de l'année.

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : avez-vous rencontré ou allez-vous rencontrer le ministre québécois des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports, M. Jacques Daoust, pour discuter de ce projet?

De plus, le gouvernement fédéral sera-t-il en mesure de confirmer sa participation à ce projet dès cette année, comme on l'a exigé? Étant donné qu'il s'agit de la Caisse de dépôt et placement du Québec, je sais que vous pouvez négocier directement avec cette dernière, sans attendre l'opinion du ministre Daoust à ce sujet.

[Traduction]

L'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités : Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord vous dire combien je vous suis reconnaissant de m'avoir permis d'être ici. C'est un moment très spécial pour moi d'être parmi vous pour vous parler de mon ministère et du portefeuille de l'Infrastructure et des Collectivités.

Je suis très conscient du fait que le travail des honorables sénateurs renforce réellement notre capacité d'honorer les engagements en matière d'infrastructure que nous avons pris envers les Canadiens. Nous serons très heureux de travailler avec vous pour tenir nos engagements. Par conséquent, merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.

J'ai eu la possibilité de m'entretenir avec M. Sabia, promoteur du projet au nom de la Caisse de dépôt. C'est l'un des projets les plus novateurs et les plus créatifs qu'il m'ait été donné de voir dans mon court séjour dans ce portefeuille. Il permettra de réaliser d'importantes transformations dans la région montréalaise.

J'ai également eu l'occasion de m'entretenir avec trois de mes homologues provinciaux vendredi dernier, pendant que j'étais à Montréal, ainsi qu'avec le maire Coderre et la Chambre de commerce. Nous collaborons très étroitement avec la province pour soutenir l'expansion du système de train léger dans la région de Montréal. Dans le cadre de la première phase de financement de notre plan d'infrastructure, nous avons affecté 775 millions de dollars à la région de Montréal. Ce montant permettra à la Caisse de dépôt de démarrer en utilisant une partie de l'argent pour les travaux de conception et de planification, ainsi que pour le prolongement de la ligne bleue de Montréal.

Le calendrier de la deuxième phase du financement, qui est celle du long terme, correspond bien aux plans de la Caisse de dépôt, qui souhaite passer à l'étape de l'approvisionnement d'ici la fin de l'année. Nous travaillons en étroite collaboration avec la Caisse. Je considère que c'est une excellente occasion d'appuyer l'innovation dans la mise en place de l'infrastructure parce que nous avons besoin d'engager des fonds de pension du secteur public, de même que des fonds du secteur privé, afin de nous assurer que les infrastructures mises en place partout dans le pays favorisent la participation d'autres intervenants et partenaires. Nous continuerons à travailler avec eux. Je vous remercie.

L'Île-du-Prince-Édouard—Le péage du pont de la Confédération

L'honorable Percy E. Downe : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence au Sénat aujourd'hui. J'ai noté, dans votre lettre de mandat, que vous êtes responsable des infrastructures pouvant favoriser le commerce et la croissance économique au Canada. J'ai également vu que vous êtes responsable du remplacement du pont Champlain par un pont sans péage. Cela m'amène au pont de la Confédération de l'Île-du-Prince-Édouard.

Lorsque l'Île-du-Prince-Édouard s'est jointe à la Confédération, le Canada avait promis des communications continues avec le continent, de sorte que, avec le temps, les bateaux à glace ont été remplacés par le service de traversier, puis celui-ci a été remplacé par le pont de la Confédération.

Les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard ont accepté d'acquitter un péage sur le pont, dont la construction a coûté 1 milliard de dollars. En effet, à ce moment-là, le gouvernement du Canada avait une politique d'autofinancement pour tous les grands projets d'infrastructure. Toutefois, votre gouvernement a modifié cette politique et a annoncé que le pont de 5 milliards qui remplacera le pont Champlain n'aurait pas de péage, même s'il en a eu jusqu'en 1990. S'il faut traiter également et équitablement tous les Canadiens, quel allégement votre gouvernement propose-t-il compte tenu du fait que les utilisateurs du pont doivent débourser 46 $ chaque fois qu'ils le traversent?

L'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie, honorable sénateur. Tout d'abord, je répondrai à votre question concernant les moyens de favoriser le commerce, le transport et un important corridor d'infrastructure.

Comme vous vous en souviendrez, le premier ministre m'a donné un mandat dont une partie consiste à recibler l'actuel Fonds Chantiers Canada sur les corridors de commerce et de transport.

Je travaille en étroite collaboration avec mon collègue, le ministre des Transports, pour réaffecter certaines des ressources du Fonds Chantiers Canada, et notamment l'élément national du fonds, aux corridors de commerce et de transport parce que nous croyons qu'il est avantageux de développer nos échanges commerciaux, d'assurer l'expansion de notre économie et de la rendre plus productive et efficace. Nous avons donc prévu des investissements dans ce domaine.

Quant à votre seconde question concernant le nouveau pont Champlain sans péage à Montréal, l'ouvrage que nous construisons est un remplacement. Ce n'est pas un nouveau pont. Le pont qui existe doit être remplacé. La raison pour laquelle nous nous sommes engagés à ne pas prévoir un péage sur le nouveau pont est que le pont actuel n'a pas de péage.

Quant au pont de la Confédération, il s'agit d'un bien fédéral qui fait l'objet d'une entente avec la société Strait Crossing Bridge Limited jusqu'en 2032. En vertu de cette entente, l'exploitant du pont est autorisé à modifier la structure et le taux des péages. Le seul rôle de Transports Canada à cet égard est d'examiner chaque année la structure et le taux des péages pour s'assurer qu'ils sont conformes aux dispositions de l'entente.

La distinction à faire, c'est qu'il s'agit dans un cas d'un nouvel ouvrage qui ne remplaçait rien d'autre et, dans l'autre, du remplacement d'un pont existant. Je vous remercie.

Le sénateur Downe : Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Si vous avez lu ma question, vous aurez remarqué que j'ai parlé moi aussi d'un pont de remplacement.

Le pont de la Confédération remplace le service de traversier. Le Canada avait promis à l'Île-du-Prince-Édouard et à ses habitants des communications continues, que les tribunaux ont interprété comme étant une évolution des transports. Nous sommes passés des bateaux à glace au service de traversier, puis à la technologie qui a permis de construire un pont. Par conséquent, il s'agit d'un remplacement. Ce qui est encore plus important, c'est qu'il faut honorer la promesse faite aux habitants de l'île pour les persuader de se joindre au Canada.

(1540)

Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, d'affecter une part des fonds d'infrastructure à un projet d'infrastructure existant pour favoriser le commerce et le développement économique à l'Île- du-Prince-Édouard.

Vous avez parfaitement raison de dire qu'un contrat de 35 ans a été signé avec une société privée, mais votre gouvernement peut envisager un certain nombre d'options. Le pont a été conçu pour durer 100 ans. Si le gouvernement du Canada prolongeait le contrat de 7 ans et versait la subvention qui va actuellement à la société, le péage pourrait être réduit de moitié du jour au lendemain. Si le contrat était prolongé 20 ans, le péage pourrait disparaître.

Il y a une autre possibilité. Le gouvernement du Canada a prévu des mesures fiscales pour des gens de toutes les régions du pays. Il serait possible pour les habitants de l'île de garder leurs reçus et de les déduire de leur revenu sur leur déclaration d'impôt, comme le font d'autres Canadiens de certaines régions. Les gens qui ne paient pas d'impôts recevraient un chèque pour le montant en question. Toutefois, nous souhaitons que vous vous occupiez de ce changement de politique que votre gouvernement a mis en œuvre lorsque vous avez annoncé que le pont de remplacement n'aurait pas de péage, même si le pont remplacé avait lui-même des péages par le passé. Pouvez-vous envisager cela, monsieur le ministre?

M. Sohi : Merci, honorable sénateur. J'aimerais aborder les changements que nous avons apportés au Fonds Chantiers Canada pour aider les provinces de l'Atlantique. Vous vous souviendrez que, en vertu des dispositions régissant le Nouveau Fonds Chantiers Canada, certaines restrictions s'appliquaient aux projets routiers que le fonds pouvait financer.

Au cours des entretiens avec mes homologues du Canada atlantique, nous avons fini par savoir que la grande majorité des fonds pour les infrastructures destinés aux provinces de l'Atlantique ne servaient pas à cause de ces restrictions, que nous avons levées. Cela libérera des centaines de millions de dollars que ces provinces pourront utiliser pour les infrastructures routières. Quant à l'affectation de ces fonds, la décision appartient aux provinces et non au gouvernement fédéral. Elles établiront leurs priorités. Si une province donnée veut utiliser ces ressources pour étendre le réseau routier ou pour remplacer des structures existantes ou encore pour réaliser d'autres travaux auxquels elles estiment devoir affecter ces ressources, elles pourront le faire.

Pour ce qui est du pont de la Confédération, je comprends que le contrat est en place jusqu'en 2032. Ce domaine est du ressort du ministre Garneau, mais, je le répète, je saisis bien et comprends les préoccupations qui s'expriment. La décision de ne pas exiger de péages sur le pont Champlain tient au fait qu'il s'agit de remplacer une infrastructure existante et qu'il n'y a pas eu de consultations auprès des municipalités, du monde des affaires ou des habitants de la région, qui auraient dû payer ces droits. Voilà pourquoi nous nous sommes engagés à ne pas avoir de péages sur le pont Champlain.

Le Nouveau-Brunswick—Les engagements en matière d'infrastructure

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Monsieur le ministre, un projet de modernisation de 90,4 millions de dollars du centre de traitement des eaux usées de l'agglomération de Moncton attend une lettre de vous assurant un soutien fédéral. La Commission des eaux usées du Grand Moncton a amorcé ce projet en 2015, présumant que les fonds pour les infrastructures du Fonds Chantiers Canada seraient disponibles.

Ces travaux sont essentiels à la santé de la rivière Petitcodiac et de la population locale de saumon de l'Atlantique. Sans aide fédérale, l'entreprise ne peut obtenir les fonds de contrepartie de la province pour le matériel et la sous-traitance de services, ce qui pourrait créer beaucoup d'emplois dont on a grand besoin au Nouveau- Brunswick, d'autant plus que nos gens rentrent de Fort McMurray et se retrouvent sans emploi.

Monsieur le ministre, pourriez-vous vous engager immédiatement à revoir ce dossier et à montrer aux habitants du Nouveau- Brunswick que les promesses de votre gouvernement au sujet des infrastructures sont autre chose qu'un simple écran de fumée?

L'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités : Merci, honorable sénatrice. Je puis vous donner l'assurance que nous sommes déterminés à honorer les engagements pris envers les Canadiens. Nous nous sommes engagés à injecter 60 milliards de dollars d'argent frais : 20 milliards pour les transports en commun, 20 milliards pour l'infrastructure sociale — c'est-à-dire les logements abordables, les refuges pour les femmes qui fuient la violence conjugale, les garderies, les installations culturelles et récréatives — pour renforcer la capacité de chacun de contribuer à la vie de son milieu, et 20 milliards dans les infrastructures vertes, comme les infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées, ce qui comprend les installations d'atténuation des inondations, sans oublier l'impact des changements climatiques sur nos collectivités.

Je suis bien au courant du projet dont vous parlez. Ces projets, nous les financerons dans le cadre de notre plan des infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées annoncé récemment dans le budget de 2016. Il y a là un engagement de 2 milliards de dollars sur les trois prochaines années, qui iront à la concrétisation de ce plan.

J'ai écrit à tous mes homologues provinciaux et territoriaux en vue de signer des accords bilatéraux, de façon à ce que nous puissions débloquer rapidement les fonds qui serviront à bâtir le type d'infrastructure dont vous parlez. Nous espérons que, au cours du mois prochain, nous pourrons signer ces accords bilatéraux. Plus rapidement ils seront signés, plus tôt nous pourrons commencer à approuver ces projets.

La sénatrice Stewart Olsen : Monsieur le ministre, voulez-vous dire que vous avez envoyé une lettre au sujet de ce projet relatif aux eaux usées?

M. Sohi : Je ne peux pas préciser à quel stade on en est, mais c'est un projet à l'étude dans mon ministère. Ce sont les projets de cette nature que nous voudrions financer grâce à ce nouveau fonds de 2 milliards de dollars.

Si vous le voulez, je peux demander à mes collaborateurs de vous dire à quel stade en est ce projet, mais le message que je veux lancer à tous les sénateurs, c'est que nous nous sommes engagés à investir dans les infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées pour que les municipalités puissent se conformer à la réglementation fédérale d'ici 2020. C'est la date butoir, et c'est pourquoi nous nous sommes engagés à investir 20 milliards de dollars dans les infrastructures vertes, ce qui comprend les infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées.

Le Nunavut—Les infrastructures du Nord

L'honorable Dennis Glen Patterson : Monsieur le ministre, je viens du Nunavut, qui n'a pas de routes entre les diverses localités et n'a pas non plus de lien routier avec le Sud. Le Nunavut a grand besoin d'infrastructures pour stimuler le secteur minier. D'ailleurs, son économie repose sur les mines.

Votre ministère et votre gouvernement ont proclamé haut et fort que les infrastructures municipales de transport étaient une priorité. Nous entendons beaucoup parler de la nécessité d'abréger le temps de transport dans les grands centres urbains, ce que je comprends, mais les grandes infrastructures et les transports dans le Nord souffrent aussi de graves lacunes, ce qui entrave, selon moi, la croissance économique du Canada et n'aide guère à affirmer notre souveraineté dans le Nord.

Votre gouvernement est-il disposé à investir dans le développement des infrastructures essentielles dont le Nord a besoin?

L'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités : Merci beaucoup de votre question, honorable sénateur. Oui, nous sommes déterminés à soutenir les localités du Nord pour répondre à leurs besoins très variés en infrastructures routières, pour nous assurer de pouvoir exploiter le potentiel des ressources du Nord et répondre aux besoins en logements, car les besoins varient et les saisons de construction sont différentes dans les collectivités du Nord.

Là encore, nous avons apporté des modifications après avoir écouté nos homologues des territoires et des collectivités du Nord. Les modifications permettront de faire appel au Fonds Chantiers Canada existant, auquel les territoires n'ont pas eu accès aux deux dernières saisons de construction. Ces quelques centaines de millions de dollars seront mis à la disposition, notamment, des territoires.

(1550)

Dans le présent budget, nous nous sommes engagés à fournir des ressources supplémentaires aux collectivités du Nord dans le domaine du logement et dans d'autres domaines, à améliorer l'alimentation dans le Nord du Canada, à soutenir les collectivités isolées du Nord et à débloquer 177,7 millions de dollars pour l'Initiative en matière de logement abordable; 8 millions de dollars pour le Yukon; 12 millions de dollars pour les Territoires du Nord- Ouest; et, enfin, 76,7 millions de dollars pour le Nunavut. Nous nous sommes donc engagés à agir dans cette optique, et le domaine dont vous avez parlé, monsieur, est très important : l'exploitation des ressources. Nous travaillons avec les dirigeants de ces provinces, qu'il s'agisse de la question du Cercle de feu ou de l'accès aux ressources dans les territoires. Nous entretenons donc une étroite collaboration avec les provinces pour les soutenir, mais nous ferons aussi appel au secteur privé, qui investira des fonds. Nous envisageons des partenariats avec le secteur privé pour exploiter les ressources.

Le sénateur Patterson : Merci de cette réponse, monsieur le ministre.

Nous avons également besoin d'infrastructures de traitement des eaux usées. Je vous ai entendu dire que vous étiez au courant d'un important projet au Nouveau-Brunswick. Puis-je oser demander si vous êtes au courant de la proposition d'infrastructure de traitement des eaux usées venant de la capitale du Nunavut, Iqaluit?

M. Sohi : Vous mettez ma mémoire à l'épreuve. Je dirai ceci : conscients des besoins particuliers des petites provinces et des territoires, nous élaborons le plan d'infrastructure pour l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées de façon à garantir à chaque province et territoire un financement de base.

À la première phase, les 2 milliards de dollars sont le montant global pour le Canada. De ce montant, chaque province et territoire recevra 50 millions de dollars pour les deux premières années. Viendra s'ajouter un montant calculé au pro rata de la population.

Les provinces qui ne s'en seraient pas bien tirées avec un financement réparti selon la population seront mieux traitées avec ce que nous proposons pour les infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées. Ces 50 millions de dollars permettront assurément aux petites provinces et aux territoires d'accomplir les travaux nécessaires pour l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées. Quant à votre projet précis, je vous ferai savoir s'il est à l'étude. Sinon, nous demanderons à la province à quel stade de préparation il en est, avant qu'il ne nous soit présenté. Nous nous apprêtons à signer des accords bilatéraux avec l'ensemble des provinces et territoires.

La Saskatchewan—Le financement des infrastructures

L'honorable Denise Batters : Monsieur le ministre, le gouvernement Trudeau donne à la Saskatchewan moins de 1 p. 100 des fonds promis pour les transports en commun dans le budget de 2016, même si elle représente 3 p. 100 de la population canadienne.

Mieux encore, cet argent est réservé aux transports en commun. Pas un sou pour les routes de la Saskatchewan, essentielles à l'activité économique dans toute la province. Le gouvernement Trudeau ne fait rien pour faciliter la construction des pipelines nécessaires à l'acheminement de nos produits énergétiques vers les marchés. Il ne finance pas les améliorations de l'infrastructure routière de la Saskatchewan. Il laisse donc tomber les collectivités de la province.

Le premier ministre, ancien enseignant, doit comprendre que E pour effort, c'est inacceptable. Il obtient des F sur toute la ligne. Monsieur le ministre, quand le gouvernement Trudeau va-t-il cracher l'argent et donner à la Saskatchewan sa juste part des fonds dont elle a besoin pour les infrastructures?

L'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités : Une fois de plus, honorable sénatrice, merci beaucoup de votre question. La première chose que j'ai faite, lorsque j'ai accepté ce portefeuille, c'est communiquer avec mes homologues des provinces et des territoires. La Saskatchewan a parlé de sa capacité ou de son incapacité d'utiliser l'argent qui lui avait été accordé en 2014 par le Fonds Chantiers Canada existant.

Nous lui avons permis d'utiliser ces fonds en modifiant le Fonds Chantiers Canada. Nous honorons donc cet engagement. Nous remettons des fonds aux provinces sans égard à leur allégeance politique.

L'esprit de parti n'a rien à voir dans les infrastructures. Il s'agit plutôt de construire les villes et localités dans lesquelles nous souhaitons tous vivre. Il s'agit de construire des villes et localités sûres, durables, ouvertes à tous et accueillantes.

Mes relations avec la Saskatchewan sont très constructives et nous établissons avec elle un solide partenariat. Pour ce qui est de la répartition des fonds destinés aux transports en commun, elle se fait en fonction de la fréquentation des réseaux. Le calcul ne se fait pas selon la population desservie par les réseaux ni selon la population des diverses provinces. Si nous avions réparti en fonction de la population les fonds destinés aux transports en commun, à l'approvisionnement en eau et au traitement des eaux usées, peut- être la Saskatchewan aurait-elle reçu moins d'argent. Pour compenser le fait que la Saskatchewan recevait moins d'argent pour les transports en commun, nous avons conçu un système qui lui permet d'en recevoir davantage pour les infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées. Mais une fois tous les éléments mis ensemble, chaque province et territoire reçoit essentiellement le montant qui lui aurait été attribué avec une répartition selon la population. Nous essayons d'être le plus justes possible, sachant que les besoins en transport en commun sont plus importants dans les grandes villes, tandis que les autres besoins — approvisionnement en eau, traitement des eaux usées, logement, loisirs, culture — sont répartis dans tout le pays. Parfois, les besoins sont plus importants dans les localités rurales ou plutôt petites, qui n'avaient pas les ressources nécessaires par le passé. Nous essayons donc de répartir les ressources selon les besoins mais sans perdre de vue le fait que toutes les provinces devraient recevoir leur juste part.

Si vous considérez l'ensemble des fonds pour l'approvisionnement en eau, le traitement des eaux usées et les transports en commun, la Saskatchewan reçoit des ressources qui correspondent à sa population.

[Français]

Le Nouveau-Brunswick—La répartition du financement accordé aux transports en commun

L'honorable Percy Mockler : Monsieur le ministre, les gens du Nouveau-Brunswick sont inquiets.

[Traduction]

Au Nouveau-Brunswick et dans le Canada atlantique, nous sommes très inquiets. Ma question traite du financement des transports en commun dans le budget fédéral. Comme vous le savez bien, les fonds seront attribués aux provinces et aux territoires en fonction de leur pourcentage de l'utilisation nationale des transports en commun. Cette formule favorisera les villes qui ont déjà une infrastructure bien établie et pénalisera les collectivités en croissance dont les transports en commun ne sont pas encore très développés.

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de répartir les fonds d'une manière qui désavantage manifestement les petites collectivités du Canada dont l'infrastructure publique n'est pas très développée, surtout au Nouveau-Brunswick et dans le Canada atlantique?

L'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie, honorable sénateur, de votre question. La première phase du plan d'infrastructure est axée sur la réparation de ce que nous avons. Elle visera donc surtout à remplacer des voies ferrées, des autobus, des centres de transit et aussi, dans le domaine de l'eau potable et des eaux usées, à réaliser de nouveaux projets.

Dans ce contexte, nous chercherons à assurer une certaine souplesse aux municipalités pour qu'elles puissent planifier à long terme en tenant compte des besoins des 10 prochaines années dans ces domaines particuliers. J'ajouterai cependant que, si on considère le nombre de municipalités qui recevront du financement dans le cadre du plan des transports en commun, on se rend compte qu'elles sont beaucoup plus nombreuses que celles qui ont reçu du financement aux termes du programme précédent.

Par conséquent, nous avons en fait augmenté notre soutien des petites et moyennes villes qui n'avaient pas reçu de fonds pour le transport en commun par le passé. Elles recevront maintenant des fonds. De plus, notre plan à long terme assurera de la flexibilité aux municipalités ou aux petites collectivités qui veulent étendre leur réseau de transport en commun ou en établir un nouveau à l'avenir.

(1600)

Bref, notre première phase visera surtout à réparer ce que nous avons, à faire du travail de conception et de planification et à établir des pratiques de gestion des biens destinées à examiner les moyens de les évaluer et de les entretenir. Encore une fois, nous cherchons à équilibrer les besoins en consacrant 2 milliards de dollars à l'infrastructure de l'eau potable et des eaux usées. Dans ce contexte, les petites provinces obtiendront plus d'argent que les grandes provinces et les villes en fonction de la population de leurs municipalités et de leurs collectivités.

L'Alberta—Le nettoyage des puits de pétrole et de gaz inactifs

L'honorable Betty Unger : Monsieur le ministre, la semaine dernière, je vous ai posé une question au Comité des transports, mais je n'ai pas reçu de réponse. Je vous la pose de nouveau aujourd'hui en espérant que vous y répondrez à l'intention de tous les Albertains.

Avant le dépôt du budget, de nombreuses sources ont clairement demandé à votre gouvernement de consacrer 500 millions de dollars des fonds d'infrastructure au nettoyage des puits de pétrole et de gaz inactifs de l'Alberta. Il y a dans la province plus de 75 000 puits abandonnés qui doivent être désaffectés. Cela créerait tout de suite plusieurs centaines d'emplois pour des travailleurs désespérés et donnerait un bon coup de main à un secteur qui en a vraiment besoin. Voilà une occasion qui pourrait donner des résultats économiques instantanés et qui assurerait des avantages environnementaux à long terme. Pourtant, nous n'avons reçu aucune réponse de votre gouvernement.

Je demande encore une fois si votre gouvernement veut bien appuyer cette initiative et si vous, à titre de ministre de l'Infrastructure et des Collectivités et de député d'Edmonton, voulez bien vous engager à relancer le ministre des Finances et à lui demander de revenir sur sa décision de ne pas accorder cette aide tellement nécessaire.

L'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie, honorable sénatrice, de votre question. Le dossier dont vous parlez relève non pas de mon portefeuille, mais de celui de mon collègue des Ressources naturelles. Son ministère travaille de concert avec le secteur de l'énergie, dont il examine les propositions.

J'aimerais vous expliquer de quelle façon mon ministère appuie l'Alberta. Nous avons pris l'engagement d'accorder d'urgence 700 millions de dollars pour des infrastructures promises à la province depuis 2014 parce que nous reconnaissons que les Albertains ont besoin d'aide. Les gens du Canada atlantique qui sont touchés par les difficultés du secteur énergétique ont également besoin d'aide. Les gens de la Saskatchewan qui souffrent du ralentissement que connaît le secteur des ressources ont aussi besoin de notre aide.

Nous avons pris l'engagement de dégager rapidement, pour les trois premières années, 9 milliards de dollars des fonds existants, qui auraient normalement été échelonnés sur 10 ans. Chaque province qui a subi des baisses pourra avoir une part de ces ressources.

De plus, nous nous sommes engagés à fournir 12 milliards de dollars supplémentaires pour les deux ou trois prochaines années pour réaliser de nouvelles infrastructures relevant de mon portefeuille, ce qui ne comprend pas les milliards de dollars prévus pour les collectivités autochtones, ni les fonds destinés aux établissements d'enseignement postsecondaire s'élevant presque à 2 milliards de dollars. Cela ne comprend pas non plus les 500 millions de dollars destinés à l'accès des collectivités rurales à Internet. Nous sommes ici pour travailler avec toutes les provinces et toutes les collectivités.

Nos relations avec chaque province s'améliorent de plus en plus. Nous sommes sur le point de signer les ententes bilatérales qui permettront de dégager des fonds au cours de la présente campagne de construction, de même que l'argent qui aurait dû être investi en 2014 et en 2015. Ensemble, ces fonds auront une influence réelle sur la vie des Albertains. Ils influeront considérablement sur la vie des gens qui s'en sortent difficilement dans le Canada atlantique, en Saskatchewan et dans d'autres régions du pays. Nous avons décidé de financer des infrastructures parce que nous savons à quel point il est critique non seulement de développer notre économie pour la rendre plus productive et plus efficace, mais aussi de permettre aux gens qui sont incapables de participer pleinement à la vie communautaire de réaliser leur potentiel en leur permettant de saisir des occasions grâce à des investissements dans l'infrastructure sociale. Voilà ce sur quoi mon ministère concentre ses efforts.

La sénatrice Unger : Monsieur le ministre, prenez-vous l'engagement de défendre les intérêts des Albertains à cet égard auprès du ministre des Ressources naturelles?

M. Sohi : Notre gouvernement défend les intérêts de tous les Canadiens. Comme je viens moi-même de l'Alberta et à titre de ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, il m'incombe de défendre les intérêts des Albertains et de tous les Canadiens. Nous le faisons et continuerons à le faire. Comme vous le savez, ma province connaît une période très difficile depuis une dizaine de jours.

La façon dont les Canadiens se sont solidarisés avec l'Alberta est vraiment remarquable. Je suis fier, comme Canadien, de voir la vague de soutien qui a déferlé d'une région à l'autre du pays ainsi que l'affection et la compassion que les Canadiens ont témoignées aux habitants de Fort McMurray. Voilà ce qui nous rend forts, comme nation. Voilà qui nous incite à nous serrer les coudes face aux difficultés. Nous le faisons pour l'Alberta. Nous le faisons et l'avons fait pour d'autres régions du pays. Nous continuerons à défendre les intérêts de tous les Canadiens, y compris les Albertains qui ont besoin de notre aide aujourd'hui. Nous nous tiendrons à leurs côtés non seulement maintenant, mais à l'avenir quand nous travaillerons ensemble pour reconstruire la ville de Fort McMurray.

La banque de l'infrastructure

L'honorable Paul E. McIntyre : Monsieur le ministre, je crois savoir que votre gouvernement a l'intention d'établir une banque de l'infrastructure. Cette banque permettrait aux provinces et aux municipalités d'emprunter au taux d'intérêt inférieur du gouvernement fédéral. C'est très bon si tout va bien. Toutefois, si les choses vont mal, il y aura des risques. Comme vous le savez, ces banques transfèrent le risque aux contribuables parce qu'on considère qu'elles garantissent les dépassements de coûts ou la livraison tardive des produits. Comment pourrez-vous justifier les coûts énormes que devront assumer les contribuables canadiens quand des projets coûteront beaucoup plus cher que prévu, ce qui augmentera encore plus le déficit?

L'honorable Amarjeet Sohi, C.P., député, ministre de l'Infrastructure et des Collectivités : Je vous remercie de votre question, honorable sénateur, parce que vous abordez un sujet dont je suis conscient et dont nous devons tous nous rendre compte.

Une banque de l'infrastructure aurait pour objet de renforcer les capacités des collectivités qui n'ont pas les moyens d'assumer leur part d'un tiers du financement. Au cours de la première phase, notre contribution s'élèvera à 50 p. 100 des coûts du projet au lieu d'un tiers. Cela réduira quelque peu les pressions qui s'exercent sur les petites collectivités et municipalités.

Toutefois, nous devrons être très prudents lors de la conception de la banque de l'infrastructure. En effet, nous voulons être sûrs, si nous empruntons cette voie, d'atténuer les risques que vous avez mentionnés. Nous engageons des experts du secteur privé ainsi que d'autres personnes connaissant bien ce concept pour nous aider à concevoir une banque capable d'obtenir les résultats voulus en développant la capacité des collectivités locales de réaliser les infrastructures nécessaires et de trouver des investissements du secteur privé ou des fonds de pension publics. Nous voulons en effet agir d'une manière responsable qui ne fasse pas courir de risques indus aux contribuables canadiens. Nous agirons très prudemment.

(1610)

Le dossier n'est pas encore assez avancé pour que nous puissions répondre aux questions de ce genre, mais vous avez soulevé quelque chose dont nous sommes conscients. Je vous en remercie.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Au nom de tous les sénateurs, je remercie le ministre Sohi de sa présence parmi nous; nous sommes impatients de vous revoir prochainement. Je vous remercie, monsieur le ministre.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur le divorce

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Cools, appuyée par l'honorable sénatrice McCoy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur le divorce (plans parentaux).

L'honorable Anne C. Cools : Merci, Votre Honneur. J'aimerais aussi remercier le ministre de sa venue au Sénat et de sa sincérité.

Honorables sénateurs, comme je le disais à propos de ma mesure législative, le projet de loi S-202, l'affaire R. v. Gyngall de 1893 a ouvert la voie, au XXe siècle, à de meilleures dispositions juridiques sur le bien-être des enfants, de sorte qu'on les considère maintenant comme des êtres humains à part entière ayant des besoins distincts de ceux de leurs parents. Pour le progrès de l'humanité, le juge Kay a formulé une observation qui est devenue la citation la plus célèbre du droit de l'enfance, à la page 252 :

[...] le pouvoir de surveillance concernant les enfants — qui, selon lord Eldon, a toujours été exercé par la Cour de la chancellerie en tant que parens patriae, sur délégation de la Couronne —, doit être exercé selon ce que la cour juge être dans l'intérêt de l'enfant.

Voilà d'où vient cette expression, honorables sénateurs.

Honorables sénateurs, les ministres MacGuigan et Crosbie ont inscrit l'expression « l'intérêt de l'enfant » et ses origines dans notre Loi sur le divorce afin d'exprimer le pouvoir quasi judiciaire de protéger les enfants du divorce, un pouvoir délégué aux tribunaux par la Couronne en tant que parens patriae. Notre loi reconnaît que l'enfant est un être humain complet, qui a des besoins et des droits qui lui sont propres.

On fait souvent l'erreur de lier l'intérêt de l'enfant à celui de l'un des parents ou des deux parents et on commet souvent le péché de lier l'intérêt de l'enfant à celui de la mère. Au XIXe siècle, les tribunaux du lord chancelier ont fait progresser le bien-être de l'enfant. À l'époque, les enfants étaient considérés comme de petits adultes, qui devaient travailler dans des usines sales et dangereuses. À Toronto, durant les années 1890, alors qu'émergeait la notion de bien-être de l'enfant, un écrivain a noté que, au cours d'une nuit, dans une rue, il avait dénombré 700 enfants — des va-nu-pieds, des enfants des rues, des gamins nomades — en train de mendier.

Autrefois, on utilisait ces expressions pour parler des enfants indigents. Je me souviens que, lorsqu'elle était en colère, ma mère nous traitait de « va-nu-pieds ».

Les ministres MacGuigan et Crosbie ont inscrit les droits positifs de l'enfant dans la Loi sur le divorce afin d'établir une distinction avec les lois provinciales en matière de protection de l'enfance. À l'avant-garde de l'inscription des droits de l'enfant dans la loi, ces ministres savaient que les seules lois fédérales sur les droits de l'enfant étaient, à l'époque, la Loi sur le divorce et la Loi sur les jeunes contrevenants, qui s'appelait autrefois Loi sur les jeunes délinquants et qui est maintenant connue sous le nom de Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

En tant que personne à part entière, l'enfant a des besoins distincts, qui englobent les soins que lui prodiguent des parents adultes. L'incapacité juridique de l'enfant est un privilège, qui impose aux adultes des obligations à son endroit. En tant qu'être vulnérable et distinct, l'enfant a besoin de l'amour de ses deux parents, ainsi que de leurs soins en matière tant financière qu'affective. L'expression « l'intérêt de l'enfant » n'a rien de poétique; elle relève en fait d'une « compétence judiciairement administrative », c'est-à-dire administrée par des juges, dans des tribunaux.

Honorables sénateurs, j'en viens maintenant au jugement décisif rendu par la Cour d'appel de New York dans l'affaire Finlay c. Finlay. En l'occurrence, le juge Benjamin Cardozo invoque le précédent établi dans l'affaire Regina c. Gyngall lorsqu'il écrit, à la page 938 :

La compétence de l'État à réglementer la garde des jeunes enfants sur son territoire ne dépend pas de l'adresse domiciliaire des parents de celui-ci. Elle tire plutôt son origine de la protection due aux personnes inaptes ou sans défense.

À la page 940, le juge Cardozo invoque la compétence en equity et en common law du lord chancelier dans l'affaire Gyngall :

Lorsque le chancelier exerce sur requête sa compétence, il ne tient pas pour acquis que le requérant, fût-ce le père ou la mère, a une cause d'action contre l'autre partie ni même contre quiconque. Il agit dans l'intérêt de l'enfant, conformément à la doctrine parens patriae. Il assume le rôle de « parent sage, affectueux et attentionné » (Regina c. Gyngall, supra) et prend les dispositions qui s'imposent conséquemment à l'égard de l'enfant. [...] Il ne se prononce pas sur un conflit opposant des parties adverses. Il n'est pas l'arbitre de leurs différends. Il ne définit pas les droits qui lient un parent et son enfant ni ceux qui lient deux parents.

Le juge Cardozo cite l'equity à la page 940 :

Il « s'ingère de manière à protéger les jeunes enfants, en tant qu'enfants, en vertu de la prérogative de la Couronne au titre de la doctrine parens patriae. » [...] Le requérant ne prétend aucunement invoquer sa compétence de père. [...] Il fait appel à la compétence d'un tribunal pour régler un différend. L'equity ne se soucie pas des différends qui opposent les parties impliquées. Seul l'enfant compte.

Selon l'equity, seul l'enfant compte. Les deux jugements en question, qui ont été rendus dans la cause Gyngall et dans la cause Findlay, ont permis de clarifier les règles et d'établir que les juges de la Cour supérieure et de la Haute Cour de justice n'ont pas le devoir de régler les conflits et les différends entre les parents. Ils ont plutôt le devoir de protéger l'enfant et de prendre une décision qui va dans l'intérêt de ce dernier, compte tenu des circonstances.

Honorables sénateurs, la garde partagée permet à l'enfant d'entretenir des liens affectifs avec ses deux parents. Dans l'intérêt de l'enfant, la garde partagée doit faire partie du processus de divorce. Le projet de loi S-202, que j'ai présenté, permettra d'atteindre cet objectif. Il modifiera l'article 11 de la Loi sur le divorce afin de corriger une lacune connue. En effet, l'État peut exercer ses pleins pouvoirs de coercition pour faire respecter les dispositions de la Loi sur le divorce qui portent sur le devoir financier envers les enfants, mais il n'a pas de pouvoirs similaires lui permettant d'obliger les parents à respecter leur devoir affectif envers leur enfant.

Les parents ont deux devoirs envers leur enfant. Leur devoir affectif n'est pas moins important que leur devoir financier. Aucune loi ne peut accorder la préséance à l'un ou l'autre de ces devoirs, d'autant plus qu'on sait qu'en droit, ces deux devoirs sont indissociables, dans l'intérêt de l'enfant. L'iniquité créée par la Loi sur le divorce contrevient au principe même de la justice.

Honorables sénateurs, nous devons renforcer les pouvoirs des juges. Au cours des dernières années, il y a eu mésentente en ce qui concerne l'interprétation du terme « intérêt de l'enfant ». Prenons par exemple l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada en 1993, dans l'affaire Young c. Young; la juge L'Heureux-Dubé était dissidente. En ce qui concerne les parents ayant un droit d'accès, qui sont surtout des pères, elle a déclaré ce qui suit à la page 7 :

Le rôle du parent ayant un droit d'accès est celui d'un observateur très intéressé, donnant amour et appui à l'enfant dans l'ombre.

Pour ce qui est des parents gardiens, qui sont surtout des mères, elle a fait l'observation suivante à la page 41 :

Le besoin de continuité exige généralement que le parent gardien puisse élever l'enfant de façon autonome, sans ingérence [...] du parent qui n'a pas la garde.

Voici ce qu'elle a dit sur les parents n'ayant pas la garde, surtout les pères, à la page 47 :

[...] l'époux qui n'a pas la garde mais un droit d'accès n'est qu'un observateur passif qui est exclu du processus décisionnel relatif aux questions concernant le bien-être, la croissance et le développement de l'enfant.

Puis, elle a tenu les propos suivants sur les hommes, à la page 49 :

[...] les hommes, en tant que groupe, n'ont pas encore assumé la responsabilité du soin des enfants.

Honorables sénateurs, ces remarques nous secouent et nous choquent.

Dans un article paru en 1995 dans la Supreme Court Law Review et intitulé « In the Best Interests of the Child », Nicholas Bala, professeur de droit à l'Université Queen's, écrit sur l'affaire Young c. Young.

Voici ce qu'il dit sur la juge dans cette affaire, à la page 455 :

La juge L'Heureux-Dubé [...] a écrit un long jugement dissident dans lequel elle souligne que l'intérêt de l'enfant est servi quand on protège la position du parent qui en a la garde [...]

À la page 461, il ajoute ceci :

Comme dans le jugement qu'elle a rendu en 1992 dans l'arrêt Moge c. Moge, elle présente une analyse explicitement féministe, discutant d'ouvrages de sciences sociales sur les rôles du père et de la mère dans l'éducation de leurs enfants pendant le mariage et après la séparation.

L'equity ne tient compte que de la loi, de la conscience et des intérêts de l'enfant. Elle ne repose ni sur une analyse féministe, ni sur l'idée que les parents n'ayant pas la garde — surtout les pères — sont simplement des observateurs dans la vie de leurs enfants. En vertu de l'equity, les intérêts des enfants ne sont pas déterminés en fonction des réflexions personnelles des juges. La jurisprudence établit clairement que les juges doivent se soucier principalement du sort de l'enfant, et non des disputes de ses parents ou des rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes.

Le juge Sopinka a dit le contraire de la juge L'Heureux-Dubé, à la page 15. Je le cite :

L'intérêt de l'enfant est mieux servi par une règle qui reconnaît son droit d'avoir, après le divorce, une relation valable avec ses deux parents. Le partage des « droits » entre le parent qui a la garde et celui qui a le droit d'accès doit être tel qu'il encourage cette relation.

Honorables sénateurs, j'en viens maintenant à une autre décision qui a été rendue par la Division générale de la Cour de l'Ontario, le 27 juin 1991. Il s'agit de l'affaire Oldfield c. Oldfield. Au cinquième paragraphe de la page 237, le juge Robert Blair a écrit ce qui suit au sujet de la bonne relation du père avec ses enfants :

Il est clair que la relation en est une d'affection et de bienveillance. De toute évidence, il est « dans l'intérêt des enfants » que la relation se poursuive. Si on leur permet de partir, il est également évident que l'accès aux enfants ne sera plus le même.

Dans ce cas, la mère voulait emmener les enfants en France pour épouser son ancien petit ami. Au sujet du désir de l'épouse de déménager là-bas pour s'y remarier, le juge Blair dit ce qui suit, au paragraphe 6 de la page 238 :

Est-ce « dans l'intérêt des enfants » de statuer pour faire obstacle à cette perspective de nouveau mariage, tout en confiant les enfants aux soins d'une mère qui les aime, mais qui est prisonnière de son malheur?

(1620)

Comme le juge le lui avait permis, elle s'est installée en France avec ses enfants, mais elle ne s'est jamais remariée. Par conséquent, la pension versée par le mari pour les enfants a été augmentée afin de financer les voyages au Canada leur permettant de voir leur père. Le 10 février 1995, le juge Blair a déclaré, au paragraphe 18 :

Il faut payer leurs billets d'avion, et l'argent ne peut pas venir de Mme Maréchal seulement, compte tenu de son revenu limité et de l'écart entre son revenu et celui de M. Oldfield. J'arrive à la conclusion que, dans les circonstances, le coût de leurs voyages aller-retour au Canada doit être compris dans le calcul des dépenses à faire pour leur entretien.

Mon projet de loi aidera les juges, qui ont besoin de lois claires. Malheureusement, pendant des années, le droit familial et le droit sur le divorce ont été aux prises avec une guerre des sexes idéologique. Je dirais qu'à cette époque, la guerre des sexes idéologique avait atteint le stade de la pathologie. Nous savons tous que les relations familiales sont très délicates en cas de divorce. De toute évidence, le divorce n'est pas une bonne tribune pour les guerres ou les chicanes idéologiques.

Honorables sénateurs, l'article 4 du projet de loi S-202 modifiera l'article 16 de la Loi sur le divorce par l'ajout de l'article 16.1, qui porte sur les plans parentaux, présentés aux paragraphes 16.1(1) à 16.1(7) — sept paragraphes. Les paragraphes énoncent les principes qui doivent faire partie du plan parental des époux qui divorcent. Je vais les lire en partie.

Le paragraphe 16.1(1) proposé énonce que :

(1) [...] « plan parental » s'entend d'un plan qui énonce, en tout ou en partie, les responsabilités et l'autorité de chacun des époux à l'égard des soins, [...]

Les nouveaux alinéas 16.1(4)a), c), d), e) et g) disent ceci :

a) le plan a pour objet de servir l'intérêt de l'enfant, défini en fonction de ses ressources, de ses besoins et, d'une façon générale, de sa situation;

c) la dissolution du mariage des parents ne modifie pas la nature fondamentale de leur responsabilité parentale, qui demeure une responsabilité partagée, et ne rompt pas la pérennité du lien filial;

d) l'enfant a le droit de connaître ses deux parents et de recevoir des soins de leur part, ce qui comprend le droit d'avoir une relation personnelle, véritable et suivie avec chacun d'eux et le droit de maintenir un contact direct avec chacun d'eux de façon régulière;

e) l'enfant a le droit de passer du temps et de communiquer avec d'autres personnes avec qui il entretient une relation importante, comme ses grands-parents et d'autres membres de sa famille;

g) chacun des deux parents conserve son autorité et ses responsabilités à l'égard des soins, du développement et de l'éducation de l'enfant, y compris le droit de participer aux grandes décisions portant sur sa santé, son éducation et son éducation morale ou religieuse.

Chers collègues, les plans parentaux prévus dans mon projet de loi doivent contenir tout ce que des parents « sages, affectueux et prudents » feraient pour leurs enfants.

Je remercie les honorables sénateurs de leur attention et je les prie d'appuyer le projet de loi. Je m'intéresse de près à ce sujet depuis de nombreuses années. Tout le monde sait que chaque enfant a le droit de maintenir un contact direct avec ses deux parents, et la plupart d'entre nous en conviendront. Il s'agit d'un droit fondamental.

Merci de m'avoir écoutée aussi attentivement. Le Sénat avait pris une part active à ce dossier en 1998 et c'est en bonne partie grâce à lui si le comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes avait vu le jour. Comme je le disais plus tôt, ce comité a sillonné le pays pendant un an et entendu plus de 500 témoins. Je peux d'ailleurs vous assurer que, où qu'elles se tiennent au Canada, les réunions attiraient toujours beaucoup de monde. Bien souvent, les gens étaient même obligés de rester debout, à l'arrière.

C'est une question importante à laquelle j'ai consacré une bonne partie de ma vie. Rien n'est plus triste qu'un enfant isolé ou détaché d'un parent par son autre parent. Nous devons nous opposer à ce phénomène et je nous invite tous fortement à l'éliminer complètement, de sorte que chaque enfant puisse connaître sa mère et son père.

Je vous remercie beaucoup.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Troisième rapport du comité—Motion d'amendement—Recours au Règlement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Housakos, appuyée par l'honorable sénateur Maltais, tendant à l'adoption du troisième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Prévisions budgétaires du Sénat 2016-2017), présenté au Sénat le 25 février 2016.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice McCoy,

Que le Sénat reporte le débat sur le troisième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Prévisions budgétaires du Sénat 2016-17) jusqu'à ce que le budget ventilé complet ait été déposé et communiqué aux sénateurs, de même que les dépenses détaillées du Sénat pour 2015-2016, et que, cinq jours de séance après que le budget aura été communiqué, le Sénat se réunisse en comité plénier pour poser des questions, et que le comité plénier siège jusqu'à ce qu'on ait répondu à toutes les questions des sénateurs.

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement.

Le 5 mai 2016, le sénateur Wells, dans un débat sur mon amendement à l'égard du troisième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, a parlé de deux rapports du Sous-comité sur le budget du Sénat. Malgré l'affirmation du sénateur Wells selon laquelle ces rapports ont été déposés publiquement et peuvent être consultés, cela n'est pas le cas. Il y a deux rapports que je ne peux consulter, pas plus que le reste d'entre nous qui ne siégeons pas au sous-comité. Les rapports ne sont pas publics. Ils ont été présentés à huis clos au cours d'une séance.

Il est même impossible de vérifier en ligne le jour où le sous-comité a tenu leur réunion. Il semble que les délibérations qui ont eu lieu avant mai 2016 n'ont pas été publiées. Il n'existe pas de site web pour le comité — ou pour le sous-comité — bien que le sous-comité ait été créé au début de 2015, au cours de la dernière législature.

Je n'ai pas pu obtenir de rapports auprès du greffier non plus — car nous lui avons demandé — parce que les réunions ont eu lieu à huis clos. Je dois en faire la demande officielle et le sous-comité décide s'il les publiera ou non. Cette décision pourrait être prise en secret, c'est-à-dire à huis clos.

Voilà qui n'est pas transparent ni responsable. Le Sénat continue de cultiver le secret, non seulement à l'égard des Canadiens, mais aussi à l'égard des sénateurs eux-mêmes, à qui l'on demande de voter sur un budget au sujet duquel ils n'ont aucune information.

Le sénateur Wells nous assure que le sous-comité a formulé d'excellentes recommandations. Je respecte les membres du sous- comité et leur travail, qu'ils ont probablement accompli avec diligence. Nous devrions toutefois avoir l'occasion d'en prendre connaissance et de juger par nous-mêmes si l'approche budgétaire adoptée est bel et bien dans l'intérêt du Sénat et des Canadiens. Loin de moi l'idée d'offenser les six sénateurs qui siègent au sous-comité, mais, selon moi, il ne leur revient pas de prendre cette décision au nom de l'ensemble des sénateurs et de choisir de ne pas déposer le rapport tout en nous demandant de voter pour celui-ci.

Mon vote compte. Lorsque je vote en faveur de quelque chose, je veux savoir ce que j'appuie et pour quelles raisons. Je crois que nous avons tous suffisamment de dignité pour exiger que nos votes aient de la substance et qu'ils ne se réduisent pas à une simple formalité.

(1630)

[Français]

Le sénateur Wells a dit avoir présenté ces rapports en décembre 2015, et que les rapports avaient été rendus publics. Cependant, il n'y a aucune trace du dépôt de ces rapports au Sénat. Ils ne sont pas accessibles depuis le site web du sous-comité, et les réunions du sous-comité ne sont pas consignées sur le site web. Avant le mois de mai de cette année, toutes les réunions du sous-comité étaient tenues à huis clos. Selon le personnel du comité, avec qui nous avons communiqué, les rapports ont été présentés à huis clos et ne sont pas accessibles au public. Il faudrait présenter une demande officielle pour que le président du sous-comité les rende publics.

[Traduction]

Je demande au sénateur Wells de corriger ce qu'il a dit en cette enceinte le 5 mai dernier et au Sous-comité sur le budget du Sénat de déposer au Sénat ses deuxième et troisième rapports. Merci, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : D'autres sénateurs désirent-ils prendre la parole sur le rappel au Règlement?

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Votre Honneur, une bonne partie du rappel au Règlement de la sénatrice Ringuette repose sur des données factuelles qui ne correspondent pas tout à fait avec ce que j'ai compris des propos tenus par le sénateur Wells l'autre jour. Le sénateur n'est arrivé ici que vers la fin de l'intervention de la sénatrice Ringuette. Je constate également que le président et le vice-président du Comité de la régie interne sont occupés ailleurs. Ils n'étaient pas ici pour entendre ce qui s'est dit.

C'est pourquoi, avec la permission de mes collègues, je suggère l'ajournement du débat sur cette question jusqu'à demain, quand les personnes qui connaissent le fonctionnement de ce comité pourront nous éclairer et vous aider dans votre réflexion.

Son Honneur le Président : Je vous remercie, sénatrice Fraser.

La sénatrice Fraser soulève un point intéressant. L'article 2-5(1) du Règlement permet au Président de décider combien de personnes il veut entendre et quand il en a entendu assez sur un recours au Règlement. En outre, il y a peut-être des sénateurs qui aimeraient s'exprimer sur la question, mais qui sont absents.

Si, parmi les sénateurs présents, il y en a qui veulent prendre la parole, je vais les entendre maintenant. Dans le cas contraire, quand la question sera soulevée de nouveau à la prochaine séance du Sénat, nous reprendrons le débat et j'inviterai les sénateurs qui désirent s'exprimer à le faire.

Y a-t-il d'autres sénateurs qui souhaitent prendre la parole aujourd'hui? Sinon, nous allons y revenir demain, lorsque cette question sera mise à l'étude. Merci, sénatrice Ringuette.

La sénatrice Ringuette : Merci.

La République populaire de Chine

Interpellation—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Ngo, attirant l'attention du Sénat sur le comportement hostile de la République populaire de Chine dans l'escalade du conflit entourant la revendication territoriale dans la mer de Chine méridionale.

Son Honneur le Président : Je tiens à vous signaler, honorables sénateurs, que si le sénateur Ngo prend la parole sur cette question maintenant, cela mettra fin au débat.

L'honorable Thanh Hai Ngo : Merci. Honorables sénateurs, compte tenu de la nature urgente de l'escalade du conflit entourant la revendication territoriale dans la mer de Chine méridionale, je vais conclure cette interpellation en vue de présenter une motion sur le même sujet et de la même façon.

[Français]

Je souhaite profiter de cette occasion pour remercier tous ceux et celles qui ont contribué à cette interpellation, ainsi que les sénateurs et sénatrices qui planifient toujours exprimer leurs inquiétudes par rapport aux disputes territoriales qui se déroulent en mer de Chine méridionale.

Comme vous le savez, la mer de Chine méridionale constitue un enjeu stratégique de premier plan pour les États d'Asie du Sud-Est qui la bordent, mais surtout pour la Chine, qui exhibe depuis longtemps un comportement hostile pour affirmer sa vision particulière de la propriété territoriale.

Alors que les périodes de tension accrue succèdent parfois à des moments de relative accalmie, la recherche d'une solution négociée et la résolution d'une dispute récurrente risquent à tout moment de provoquer une escalade régionale, voire mondiale.

[Traduction]

Comme je l'ai souligné dans le discours que j'ai présenté au début de mars, le comportement hostile de la République populaire de Chine dans l'escalade du conflit entourant la revendication territoriale dans la mer de Chine méridionale revêt une importance cruciale pour le Canada ainsi que pour nos alliés et nos partenaires commerciaux.

Lorsque j'ai lancé mon interpellation sur la situation dans la région de la mer de Chine méridionale, les forces armées de la Chine venaient de déployer des missiles sol-air sur l'une des îles qu'elles occupaient à cet endroit.

Depuis ce temps, les tensions ont augmenté dans la région, car les opérations militaires que la Chine continue de mener dans la mer de Chine méridionale ont provoqué chez les pays voisins une réaction qui a mené à des discours enflammés de la part de toutes les parties concernées.

Depuis le 8 mars, les États-Unis et le Japon ont tous deux déployé des ressources militaires additionnelles dans cette région, et la Chine a installé des missiles de croisière anti-navires sur une île occupée par son armée.

On rapporte que des actes d'agression perpétrés dans cette région se sont soldés par des affrontements, et que ces derniers ont causé des désastres environnementaux et des dommages irréparables à cet écosystème déjà fragilisé.

La situation en mer de Chine méridionale est tendue et elle s'envenime de jour en jour. Le Canada doit réagir dans les plus brefs délais.

J'espère être en mesure d'amorcer un dialogue national qui incitera le gouvernement à passer à l'action. Je suis d'avis que le Sénat peut promouvoir cette discussion stratégique et qu'il se doit de faire quelque chose en ce sens.

Honorables sénateurs, bien que le conflit en mer de Chine méridionale puisse sembler lointain et bien séparé des affaires du Canada, la situation là-bas aura quand même une incidence directe sur la souveraineté de notre pays. En ce moment même, un différend similaire est en train de prendre forme au sujet des frontières de l'Arctique. Cinq États côtiers de l'Arctique ont soumis— ou prévoient de le faire — des revendications territoriales à la Commission des limites du plateau continental par l'intermédiaire d'un processus créé aux termes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Le caucus libéral du Sénat sur la souveraineté dans l'Arctique a d'ailleurs discuté de cette question mercredi dernier. Les experts invités ont même fait mention de l'intérêt que la Chine porte à l'Arctique.

Honorables sénateurs, la Chine se considère comme un « pays voisin de l'Arctique ». Le mois dernier, son gouvernement à parti unique a d'ailleurs fait connaître son intention de faire passer ses cargos par le passage du Nord-Ouest du Canada.

Si l'envoi des navires se fait sans notre consentement, ce soutien du gouvernement chinois à la navigation dans le passage du Nord- Ouest constituera une remise en question directe de la souveraineté du Canada dans cette région. Si la Chine parvient à consolider sa position dans la mer de Chine méridionale à force d'intimidation et en faisant fi des lois internationales, pourquoi ne le ferait-elle pas dans l'Arctique? Il est dans l'intérêt du Canada de s'assurer que tous les États se plient aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. À mon avis, nous devons adopter une motion pour demander à notre gouvernement de prendre des mesures plus fermes là-bas, dans la mer de Chine méridionale, et de défendre notre revendication ici dans l'Arctique.

(1640

[Français]

Honorables sénateurs, il est primordial pour le gouvernement du Canada d'agir avec urgence dans les disputes territoriales en mer de Chine méridionale pour assurer le respect de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et, ultimement, pour protéger notre souveraineté dans l'Arctique.

[Traduction]

J'espère que nous aurons un débat animé et, bien entendu, j'invite tous les sénateurs à exprimer leurs craintes relativement aux tensions grandissantes dans la mer de Chine méridionale.

[Français]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, le débat sur cette question est considéré comme terminé.

(Le débat est terminé.)

[Traduction]

Droits de la personne

Autorisation au comité de se réunir à huis clos aux fins de son étude sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent

L'honorable Jim Munson, conformément au préavis donné plus tôt aujourd'hui, propose :

Que, nonobstant l'article 12-15(2) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit habilité à tenir des séances à huis clos, de façon occasionnelle, pour entendre des témoignages et recueillir des informations particulières ou délicates dans le cadre de son étude, autorisée par le Sénat le 14 avril 2016, sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent.

— Honorables sénateurs, je vais vous donner quelques précisions sur cette étude. Nous tiendrons probablement quatre audiences. Nous en tiendrons une avec des témoins ici à Ottawa, puis nous entendrons des témoins de Calgary et d'autres villes de l'Ouest par téléconférence. Nous irons aussi à Toronto et à Montréal pour avoir une idée exacte du déroulement de l'installation des réfugiés syriens.

Comme nous le savons, certains réfugiés parrainés par le gouvernement ne semblent pas s'en tirer aussi bien que ceux parrainés à titre privé. Des questions liées aux droits de la personne se posent dans le cas de ces réfugiés, dont certains doivent fréquenter des banques alimentaires pour se nourrir, et ce, dans des villes plutôt riches.

En ce qui concerne les quelques réfugiés qui souhaitent témoigner devant notre comité, ils nous ont demandé de tenir des séances à huis clos, sachant que de nombreux autres membres de leur famille sont toujours en Syrie. Nous voulons respecter leur volonté et protéger leur identité pour l'instant. Nous espérons obtenir demain un témoignage important de la part d'une famille qui habite ici à Ottawa, et c'est pourquoi nous estimons que la séance à huis clos sera propice à une conversation très sincère. Toutefois, la plupart des audiences seront des séances publiques.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Les violations des droits de la personne en Iran

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Linda Frum, ayant donné préavis le 21 avril 2016 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les violations flagrantes des droits de la personne en Iran, en particulier le recours à la torture et le traitement cruel et inhumain réservé aux prisonniers politiques détenus illégalement.

— Je suis heureuse que nous arrivions enfin à la fin du Feuilleton, mais nous sommes sur le point de parler d'un sujet qui est d'une profonde importance.

Honorables sénateurs, au cours des trois années qui se sont écoulées depuis que le Sénat a lancé une enquête sur les violations des droits de la personne des prisonniers politiques en Iran, le sort des dissidents politiques, des gais et lesbiennes, des journalistes, des blogueurs et des membres de minorités religieuses n'a fait qu'empirer.

Entre 2013 et 2016, au moins 2 141 exécutions ont été ordonnées par le pouvoir judiciaire en Iran, soit le pire bilan par habitant dans le monde. En date de janvier 2016, 161 jeunes contrevenants attendaient leur exécution.

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Christof Heyns, dit ceci :

[...] ces exécutions illégales commises par l'État équivalent à des meurtres perpétrés par des individus [...]

Ce sont de véritables tragédies [...]

Aujourd'hui, au Sénat, je voudrais remercier les sénateurs qui se joindront à moi dans cette interpellation sur les violations grotesques des droits de la personne qui ont lieu tous les jours en Iran, en particulier dans les prisons iraniennes, où les prisonniers doivent constamment endurer l'isolement, la torture, le viol et les simulations d'exécution.

Chacun d'entre nous soulignera un ou plusieurs cas de prisonnier politique détenu illégalement. Nous ferons savoir à ces prisonniers et au régime que le Sénat du Canada est témoin de ce qui se passe.

Le prisonnier dont je voudrais prendre la défense aujourd'hui est un Iranien ayant des liens forts avec le Canada, Saeed Malekpour. Malheureusement, ce n'est pas la première fois que je décris dans cette enceinte la situation pénible de Saeed Malekpour, ni la première fois que je réclame sa libération. Il y a huit ans maintenant que Saeed est incarcéré.

Saeed Malekpour, un ingénieur en informatique, a immigré au Canada en 2004 et il attendait d'obtenir sa citoyenneté lorsqu'il est retourné en Iran pour se rendre au chevet de son père atteint d'une maladie terminale. Après être arrivé à Téhéran, Saeed a été kidnappé par les Gardiens de la révolution islamique iranienne et jeté en prison. En 2012, la peine de mort imposée à Saeed pour avoir prétendument fomenté de l'agitation contre le régime et profané l'islam a été commuée en une peine d'emprisonnement à perpétuité. Alors qu'auparavant Saeed et sa famille vivaient dans la peur de son exécution imminente, leur sentiment a fait place au désespoir lorsqu'ils ont su qu'il allait devoir passer le reste de sa vie derrière les barreaux. Il est accusé d'avoir commis un crime contre l'État, alors qu'il n'en existe aucune preuve à part des aveux obtenus par la torture.

En ce qui concerne ce que le Canada peut faire pour aider Saeed Malekpour, Payam Akhavan, professeur irano-canadien de droit international à l'Université McGill, a dit ce qui suit au Toronto Star :

Le Canada a une excellente occasion d'au moins demander la remise en liberté de Saeed Malekpour et d'autres prisonniers politiques qui ont des liens avec le Canada comme condition préalable au rétablissement des relations diplomatiques [...]

Le gouvernement Rohani a l'occasion de prouver qu'il est réformiste, comme il le prétend, et le gouvernement Trudeau a l'occasion de faire ce qui est juste, plutôt qu'opportun, concernant les relations étrangères du Canada.

Honorables sénateurs, le Sénat du Canada est aujourd'hui solidaire des prisonniers politiques iraniens incarcérés illégalement, notamment le résidant canadien Saeed Malekpour. Nous exhortons le régime iranien à libérer immédiatement Saeed Malekpour et à lui permettre de retourner au Canada.

L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, je prends également la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur le traitement illégal et inhumain d'Ali Amir Amirgholi, un défenseur des droits de la personne de 33 ans et un ancien étudiant universitaire qui est actuellement détenu dans la section 8 de la tristement célèbre prison d'Evin à Téhéran.

Chers collègues, la prison d'Evin est l'une des pires prisons au monde. Voici comment une ancienne prisonnière, qui a été forcée de goûter à la torture brutale de la prison d'Evin, décrit son expérience :

Il n'y a qu'une seule chose pire que d'être torturée, et c'est de devoir entendre les autres crier et supplier, pas pour qu'on leur laisse la vie sauve, mais bien pour qu'on y mette fin [...] La nuit, je comptais de 60 à 70 coups de fusil, ce qui signifiait que de 60 à 70 âmes avaient été exécutées. Ce que j'entendais, c'étaient les victimes qui étaient exécutées d'une balle dans la tête.

Même si Amir est un prisonnier d'opinion, il semble qu'il soit détenu dans une cellule avec de dangereux prisonniers qui souffrent de maladies mortelles, au lieu d'être détenu avec des prisonniers politiques. Chers collègues, si nous laissons les autorités iraniennes agir comme elles l'entendent, Amir demeurera détenu pour les 20 prochaines années, s'il y survit.

Le Tribunal révolutionnaire à Téhéran, présidé par le juge Salavati, a condamné cet activiste non violent à 21 ans de prison pour des motifs saugrenus, notamment pour avoir porté atteinte à des personnages religieux, insulté le chef suprême et fait de la propagande contre le régime. En 2014, le journal The Guardian, au Royaume-Uni, a affirmé que le juge Salavati était l'un des juges les plus corrompus d'Iran en raison du rôle de premier plan qu'il avait joué pour punir les activités prodémocratie et la liberté d'expression.

(1650)

Dans le cadre de son activisme pacifique en 2014, Amir a défendu les droits de la personne en Iran et participé à une manifestation pacifique à l'extérieur du bureau des Nations Unies à Téhéran par solidarité à l'égard des gens de Kobane, en Syrie, dont la ville était assiégée. Deux mois plus tard, il a été arrêté par les autorités iraniennes et placé en isolement à la prison d'Evin, où il a subi deux mois d'interrogatoires et de tortures.

À la lumière de ces exactions et de la sentence politique déraisonnable de 21 ans de prison qui lui a été imposée pour avoir défendu la démocratie et les droits de la personne, et compte tenu aussi d'innombrables violations semblables des droits de la personne en Iran, j'appelle le Sénat à accorder une attention particulière à ces cas, surtout à la situation critique d'activistes prodémocratie emprisonnés comme Amir Amirgholi.

M. Amirgholi n'est pas un criminel : c'est un homme courageux qui est prêt à sacrifier sa vie pour défendre une juste cause.

Honorables collègues, je vous prie de vous joindre à moi pour demander la libération immédiate de M. Amirgholi de la prison d'Evin, en Iran.

J'attire aussi votre attention sur les conditions de détention atroces qu'il a dû endurer. Le présent examen semble le moment propice pour souligner aussi, au Sénat, les contributions de quatre Canadiennes remarquables d'origine iranienne, qui ont chacune promu les droits de la personne en Iran, averti les Canadiens de menaces connexes chez nous et fait du Canada leur pays. Je fais allusion à Mme Nazaneen Afshinjam, Mme Homa Arjomand, Mme Sayeh Hassan et Mme Shabnam Assadollahi, qui ont toutes eu la chance de fuir de l'Iran sous le régime de l'Ayatollah pour trouver refuge au Canada.

Mme Nazanin Afshin-Jam est militante des droits de la personne sur la scène internationale, auteure et cofondatrice de l'organisme Stop Child Executions. Mme Afshin-Jam s'est servie de sa notoriété comme gagnante d'un concours de beauté pour se faire porte-parole de ceux qui ont besoin d'être entendus. Elle continue de défendre diverses causes, ce qui fait la fierté de tous les Canadiens.

Mme Homa Arjomand continue quant à elle de lutter pour la liberté et à défendre les droits des femmes et des enfants iraniens. Au Canada, elle travaille également auprès des femmes, des jeunes filles et des enfants battus, dans le cadre du programme Let's Talk. Elle coordonne également la Campagne internationale contre la Cour de la Charia au Canada.

Chers collègues, Mme Arjomand a témoigné l'an dernier devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité et de la défense, dans le cadre de l'étude sur la radicalisation et les menaces visant le Canada. Elle a fait un exposé fort éloquent dans lequel elle a décrit sa fuite d'Iran, son séjour dans un camp de réfugiés des Nations Unies, puis son arrivée au Canada.

Mme Sayeh Hassan, éminente avocate de la défense en justice pénale, fait partie d'un groupe de défenseurs de la démocratie qui collaborent avec des Iraniens et d'autres militants transnationaux pour faire avancer la cause des droits de la personne et de la démocratie dans sa patrie ancestrale opprimée. Dans son blogue, qui fait la promotion du mouvement prodémocratie et d'un changement de régime en Iran, Mme Hassan entretient des liens étroits avec des militants en Iran et avec diverses organisations de défense des droits de la personne et de la démocratie à l'étranger. Elle prend régulièrement la parole dans le cadre de conférences. Elle est également apparue à la télévision et elle s'est exprimée à la radio et dans de nombreuses publications au Canada.

Chers collègues, au début de mon intervention, j'ai parlé de la vie à la prison d'Evin où M. Amirgholi est détenu. Ces propos m'ont été rapportés par une courageuse survivante de cet établissement carcéral, Mme Shabnam Assadollahi, qui est présente à la tribune aujourd'hui. Militante remarquable pour la démocratie, Mme Assadollahi s'occupe de publication et de télédiffusion au Canada. Par l'entremise de son réseau international, elle dénonce les activités d'influence clandestines iraniennes au Canada.

Honorables sénateurs, l'interpellation qui nous occupe permet d'attirer l'attention de la population sur les problèmes en Iran et nous permet de clamer haut et fort notre soutien à Ali Amir Amirgholi. Saluons aussi les courageuses Canadiennes d'origine perse qui défendent les droits de la personne au Canada et à l'étranger et qui sensibilisent la population à l'infâme et cruel régime iranien ainsi qu'au sort réservé aux gens comme M. Amir Amirgholi.

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, récemment, j'ai appris avec inquiétude que 2015 a été l'une des années les plus sombres de l'histoire de la République islamique d'Iran. Selon de nombreuses sources, dont les Nations Unies et Amnistie internationale, plus de 900 exécutions ont eu lieu en Iran en 2015. Il s'agirait du nombre le plus élevé depuis 1989. Aussi horrible que cela puisse être, le bilan du gouvernement iranien au chapitre des peines de mort n'a pas eu d'effet sur les relations du pays avec la communauté internationale. Il est extrêmement triste que la fin des nombreuses années d'isolement de l'Iran coïncide avec l'augmentation du nombre de mises à mort par les autorités iraniennes.

Je vais parler aujourd'hui de quatre prisonniers politiques qui sont condamnés à mort en Iran. Je signale qu'il y en a des dizaines d'autres qui attendent actuellement d'être exécutés.

En 2007, un jeune Iranien kurde du nom de Habib Latifi s'est fait arrêter par les autorités iraniennes dans sa ville d'origine, Sanandaj. Cet étudiant en génie industriel à l'Université d'Ilam participait aux activités civiques, culturelles, environnementales et politiques d'un certain nombre d'ONG et de groupes communautaires. Pendant ses quatre premiers mois de détention, Habib était en isolement cellulaire et n'avait pas accès au monde extérieur. Il a seulement pu sortir de sa cellule lorsqu'on l'a conduit à l'hôpital pour soigner une hémorragie du rein causée par une violente séance d'interrogation. Habib a atrocement souffert pendant ces quatre mois de réclusion complète. Il aurait aussi subi de la torture physique et psychologique.

Selon ce qu'on en sait, Habib aurait même subi des fractures multiples à la tête et reçu de nombreux coups de pied au visage.

À l'été 2008, à l'issue d'un procès qui n'a duré que quelques minutes, Habib a été condamné à mort pour inimitié à l'égard de Dieu, un chef d'accusation vague et sans fondement s'il en est un. Il en est à sa neuvième année dans le couloir de la mort de la prison de Sanandaj. Toujours selon ce qu'on en sait, il n'aurait droit à aucune sortie, même temporaire, et les membres de sa famille ne peuvent pas venir le voir.

Imaginez un peu à quoi ressemble la vie de Habib. Il avait 26 ans lorsqu'il est entré en prison. Il en a maintenant 35. Tous les jours depuis neuf ans, il se demande s'il survivra jusqu'au lendemain.

Mohsen Daneshpour et son fils Ahmad sont dans le couloir de la mort de la prison Rajai Shahr, à Karaj. Les autres membres de leur famille, dont l'épouse d'Ahmad, Motahareh Bahrami, sont eux aussi incarcérés. La famille Daneshpour aurait été arrêtée en 2009 après avoir participé à une grande manifestation prodémocratie à Téhéran. À l'issue d'un procès injuste qui n'a duré que quelques minutes, Mohsen et Ahmad ont tous deux été condamnés à mort et accusés d'avoir appuyé le groupe de l'opposition iranienne en exil, la Mujahedin-e-Khalq. Ils n'ont encore jamais pu voir la décision rendue contre eux, ni consulter un avocat ou avoir accès à leur dossier.

J'ai peur que les autorités iraniennes n'aient une dent contre la famille Daneshpour et que ce soit pour cette raison qu'elles la harcèlent et la malmènent systématiquement comme elles le font. À la fin des années 1980, à une époque où les exécutions de masse étaient courantes en Iran, deux des frères de Mohsen auraient été exécutés. Mohsen est maintenant âgé de 70 ans, il souffre de problèmes cardiaques et d'arthrose au genou. Ahmad, lui, a 46 ans et souffre de colite ulcéreuse et de problèmes mentaux. Tous les jours depuis sept ans, le père et le fils savent qu'ils peuvent être exécutés d'un instant à l'autre.

Quant au délinquant juvénile Saman Naseem, il avait seulement 17 ans, en 2011, lorsqu'il a été arrêté par les autorités iraniennes et accusé d'avoir ouvert le feu sur un agent du Corps des Gardiens de la révolution islamique. Saman a commencé par avouer sa culpabilité, mais il s'est par la suite rétracté, affirmant qu'on l'avait torturé pour qu'il avoue. Il raconte qu'on l'a pendu la tête en bas, les yeux bandés et qu'on lui a arraché les ongles des orteils et des doigts. Il semble que les aveux forcés de Saman ont été les seuls éléments de preuve retenus contre lui devant les tribunaux. Il a été condamné à mort à cause d'aveux qui avaient été extorqués par la torture. Le jeune homme a maintenant 22 ans, et il croupit toujours en prison. Il a vécu l'enfer au cours de ces cinq années dans l'ombre de la mort, mais il n'est pas l'unique délinquant juvénile condamné à mort.

(1700)

Honorables sénateurs, d'après Amnistie internationale, l'Iran a non seulement le plus grand nombre d'exécutions par habitant dans le monde, mais aussi le plus grand nombre d'exécutions de délinquants juvéniles. L'Iran a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Il ne devrait donc pas condamner à mort des délinquants juvéniles. Rien ne porte à croire que les autorités iraniennes ont l'intention de ralentir le nombre d'exécutions ou de commencer à respecter leurs obligations internationales.

J'interviens aujourd'hui pour dénoncer l'horrible bilan du régime iranien en matière d'exécution et pour réclamer la libération immédiate de Habib Latifi, de Mohsen et Ahmad Daneshpour, ainsi que de Saman Naseem, prisonniers du couloir de la mort.

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole pour exprimer ma solidarité aux étudiants qui ont été emprisonnés en Iran, et je vous parlerai de deux de ces cas aujourd'hui.

Sakhi Reigi, un Iranien membre de la minorité ethnique baloutche, était un blogueur et un étudiant qui faisait une majeure en développement de logiciels quand il fut arrêté par les autorités iraniennes à l'été 2009. Il avait 31 ans à l'époque, et il ne lui restait que deux sessions pour obtenir son diplôme.

Sakhi était aussi un étudiant bénévole pour la campagne présidentielle de Mir Hossein Moussavi, et son arrestation est survenue seulement quelques jours après l'annonce des résultats des élections présidentielles de 2009 en Iran. Un tribunal iranien a, par la suite, condamné Sakhi à 20 ans de prison pour avoir soi-disant porté atteinte à la sécurité nationale et diffusé de la propagande contre le régime.

Outre le prisonnier politique kurde Habib Latifi, qui a été condamné à mort, Sakhi a sans doute reçu la peine d'emprisonnement la plus sévère jamais imposée par un tribunal iranien à un étudiant universitaire. Il est incarcéré actuellement dans la prison Karoun d'Ahvaz, une ville du sud-ouest de l'Iran. On a appris que, pendant son incarcération, Sakhi avait dû passer de longues périodes en isolement solitaire et qu'il avait été torturé physiquement et psychologiquement à maintes reprises. Il est en prison depuis sept ans.

Misagh Yazdan Nejad, qui a étudié l'anglais et la traduction à l'Université Payame Noor de Téhéran, est un autre étudiant emprisonné en Iran. Il a été arrêté en septembre 2007 pour avoir participé à un événement organisé à l'occasion du 19e anniversaire de l'exécution massive de prisonniers politiques en Iran, en 1988, et il a été accusé d'entretenir des relations avec MEC, un groupe d'opposants iraniens en exil. Pour cette présumée infraction, il a été condamné à 13 ans d'emprisonnement.

On a appris que, comme Sakhi, Misagh avait été confiné à l'isolement solitaire pendant de longues périodes et qu'il avait été torturé physiquement et psychologiquement. Il est en prison depuis neuf ans.

Honorables sénateurs, la situation des étudiants universitaires en Iran est grave. Ces étudiants sont expulsés ou bannis régulièrement des établissements d'enseignement postsecondaire et, de surcroît, ils doivent faire face à des menaces et à du harcèlement pour avoir osé s'instruire et défendre les principes de justice et les droits de la personne.

Je condamne la détention des étudiants iraniens et les mauvais traitements qui leur sont infligés, et je réclame la libération immédiate des étudiants Sakhi Reigi et Misagh Yazdan Nejad, qui sont des prisonniers politiques.

Honorables sénateurs, il y a quelques minutes à peine, j'ai appris que Misagh avait été libéré. C'est comme si les autorités iraniennes étaient au courant de la présentation de ce discours au Sénat aujourd'hui. C'est une excellente nouvelle, et j'espère que Sakhi sera aussi bientôt libéré. Merci.

Des voix : Bravo!

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'interviens également aujourd'hui pour attirer votre attention sur le sort de trois journalistes kurdes emprisonnés en Iran : Mohammad Sadiq Kaboudvand, Kamal Sharifi et Adnan Hassanpour.

Mohammad Sadiq Kaboudvand fut arrêté en 2007 et condamné à une peine d'emprisonnement de neuf ans et dix mois dans la tristement célèbre prison d'Evin. Fondateur de la Kurdistan Human Rights Organization et éditeur d'un hebdomadaire intitulé Payam-e Mardom — le message du peuple — il fut accusé d'« atteinte à la sécurité nationale », de « propagande », d'« opposition aux lois pénales islamiques » et de « défense des intérêts de prisonniers politiques ». Adnan Hassanpour fut lui aussi arrêté en 2007 et accusé d'infractions similaires. La peine de mort qu'il se vit imposer à l'origine fut réduite à une peine de prison de 15 ans à purger dans la prison centrale de Zahedan.

Enfin, Kamal Sharifi a été arrêté par les autorités iraniennes en 1989, accusé d'appartenance aux groupes d'opposition kurdes. Il purge une peine de prison de 30 ans dans la prison de Minab.

Ces journalistes signalent des traitements cruels et dégradants, la torture et de longues périodes d'isolement cellulaire. On rapporte qu'ils sont privés de soins médicaux adéquats et qu'on leur refuse la permission de sortir.

L'Iran se classe au 169e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse de 2016, ce qui explique les actes perpétrés encore aujourd'hui contre les journalistes et défenseurs des droits de la personne dans ce pays.

Également sous les verrous, les personnes appartenant aux minorités religieuses et ethniques sont les plus persécutées, et pas seulement en prison. Je tiens à souligner une fois de plus la communauté baha'ie, l'une des communautés religieuses les plus opprimées d'Iran, dont la foi n'est toujours pas reconnue par la Constitution iranienne.

De nombreux dirigeants de la communauté baha'ie ont été arrêtés, accusés d'« atteinte à la sécurité nationale ».

Honorables sénateurs, il est du devoir du Canada d'insister pour que l'Iran tienne ses engagements à l'égard de la liberté de pensée et d'expression issue du droit international en matière de droits de la personne. J'exhorte tous les sénateurs à se joindre à la condamnation de la persécution systématique des minorités religieuses et ethniques et à demander la libération immédiate des journalistes et militants injustement emprisonnés en Iran.

Je tiens à remercier la sénatrice Frum d'avoir traduit en des termes concrets les statistiques qui nous proviennent souvent de l'Iran. Cette interpellation qui est lancée tous les ans au Sénat est une façon importante de montrer au peuple iranien que nous l'accompagnons dans sa lutte et que nous continuons à exiger de l'Iran qu'il adhère aux normes internationales en matière de droits de la personne et qu'il respecte les droits de ses citoyens, faute de quoi il ne fera pas partie de la communauté internationale.

L'honorable Lynn Beyak : Honorables sénateurs, je prends la parole pour parler de Nahid Gorji, une Iranienne ordinaire, citoyenne et mère comme beaucoup d'entre nous, que des agents du renseignement iranien ont arrêtée en octobre 2014, après avoir attaqué en pleine nuit sa maison située à Mashhad, dans le Nord de l'Iran.

Plusieurs sources ont confirmé que Nahid est punie pour une chose à laquelle nous nous adonnons tous les jours, c'est-à-dire clavarder simplement sur Facebook ou effectuer d'autres activités dans les médias sociaux.

Nahid a été détenue pendant une année complète, sans qu'aucune accusation n'ait été portée, avant d'être libérée en octobre 2015, le jour de l'anniversaire de son arrestation.

Honorables collègues, des sources proches de Nahid affirment que sa libération est liée à sa santé psychologique, qui s'est détériorée en prison. Néanmoins, en mars 2016, un tribunal iranien l'a condamnée à trois autres années d'emprisonnement pour avoir exercé son droit de parole.

Les autorités ont arrêté et réincarcéré Nahid le 8 avril. Elle est actuellement détenue à la prison Vakilabad de Mashhad. Comme c'est le cas pour d'innombrables prisonniers d'opinion en Iran, on bafoue ses droits fondamentaux, comme l'accès à un avocat ou des visites de sa famille.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'une question partisane, mais d'un problème qui touche l'essentiel de nos valeurs et de nos convictions. Unissons nos efforts pour envoyer un message clair aux autorités iraniennes : les Canadiens n'accepteront pas que ces dernières violent les droits fondamentaux du peuple iranien.

(1710)

Nahid Gorji est l'une des nombreuses victimes des mesures de répression exercées par le régime iranien contre la société civile, et je prends la parole aujourd'hui pour vous demander de vous joindre à moi. Ensemble, demandons aux autorités iraniennes de la libérer immédiatement pour qu'elle puisse rejoindre sa famille et ses amis. Je pense que nous convenons tous que c'est la bonne chose à faire.

L'honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, Zeynab Jalalian avait 25 ans lorsqu'elle a été arrêtée par les autorités iraniennes, en mars 2008, puis emprisonnée. Elle a maintenant 34 ans et elle croupit encore en prison.

Zeynab, une Kurde qui défend les droits des femmes, a été détenue pendant deux ans sans qu'aucune accusation ne soit portée contre elle. Pendant ce temps, sa vie a constamment été mise en danger et elle a passé de longues périodes en isolement. Elle a été interrogée brutalement et torturée, psychologiquement et physiquement, pour la pousser à faire des aveux liés aux accusations portées contre elle, comme celle d'avoir appuyé les groupes d'opposition kurdes en participant à des opérations armées.

Des sources proches de Zeynab ont affirmé qu'elle a rejeté les accusations qui ont été portées contre elle et qu'elle a refusé de collaborer avec les autorités en leur faisant des aveux. Par conséquent, en 2009, un tribunal iranien a condamné illégalement à mort Zeynab en se fondant sur une accusation vague et sans fondement, celle d'avoir « déclaré la guerre à Dieu ».

Les groupes de défense des droits de la personne ont signalé beaucoup d'autres cas semblables à celui de Zeynab en Iran. Ainsi, d'autres défenseurs des droits civiques ont aussi été accusés d'avoir déclaré la guerre à Dieu, simplement parce qu'ils ont milité de façon pacifique. Même si Zeynab a déclaré qu'elle a appuyé certains groupes d'opposition kurdes, elle a aussi souligné qu'elle n'a jamais participé à des opérations armées et a insisté sur le fait que son travail consiste à sensibiliser les gens, de façon pacifique, à la situation des femmes kurdes en Iran. En d'autres mots, le seul véritable crime de Zeynab est de souhaiter que les membres de la communauté kurde et elle-même puissent vivre une vie décente et digne.

En 2009, un tollé mondial a entraîné la commutation de la condamnation à mort de Zeynab en peine d'emprisonnement à perpétuité. Néanmoins, rien ne peut réparer les préjudices causés à cette jeune femme enfermée dans une prison pendant des années en sachant qu'elle pourrait être pendue n'importe quand. Selon le groupe britannique de défense des droits de la personne Justice for Iran, Zeynab Jalalian est actuellement la seule prisonnière politique de l'Iran à purger une peine d'emprisonnement à perpétuité. Il ne fait aucun doute que passer sa vie en prison équivaut à mourir à petit feu.

Honorables sénateurs, nous devons tous être profondément attristés du sort de Zeynab Jalalian. Derrière les barreaux, elle n'a eu accès ni à son avocat, ni à des soins médicaux appropriés, ni à l'application régulière de la loi. Ces dernières années, elle a souffert de multiples maladies, notamment de graves problèmes oculaires dus à sa détention et au manque de soins médicaux. Les membres de sa famille et son avocat ont fait savoir que si elle ne se faisait pas opérer sans tarder, elle pourrait carrément perdre la vue. On apprend également que Zeynab souffre d'une infection intestinale et de saignements gastrointestinaux. Les autorités iraniennes refusent malgré tout obstinément de la relâcher tant qu'elle n'acceptera pas de faire une confession devant la caméra.

En tant que membre du Sénat du Canada, je demande aux autorités iraniennes de remettre immédiatement Zeynab Jalalian en liberté et de lui fournir les soins médicaux dont elle a désespérément besoin.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Chers collègues, je veux d'abord féliciter la sénatrice Frum de lancer cette interpellation. Il s'agit d'un dossier extrêmement grave, et nous sommes reconnaissants à la sénatrice de commencer à s'en occuper.

Certains ont laissé entendre que le gouvernement avait tort de reprendre le dialogue avec l'Iran à cause desexactions commises par ce régime. À mon avis, il est opportun de renouer avec ce pays, dans une large mesure justement à cause de l'oppression qui y sévit, car on ne peut espérer influencer des gens à qui on ne parle pas.

Je n'oublierai jamais le jour où, dans le cadre d'une délégation parlementaire qui s'était rendue à Cuba il y a plusieurs années, j'ai rencontré à l'ambassade, et sur invitation de l'ambassadeur, des Cubains qui avaient purgé une peine sévère pour avoir osé exercer leur liberté d'expression. Cette rencontre était très importante à leurs yeux. Nous n'aurions pas pu les encourager en personne si le Canada avait, à l'instar des États-Unis, boycotté tout ce qui provient de Cuba. Je crois que nous avons contribué à changer les choses à Cuba parce que nous avons maintenu le contact, et j'espère que, au fil du temps, nous pourrons au moins apporter une modeste contribution de ce genre en Iran.

C'est précisément pour cela qu'il est essentiel que, en tant que Canadiens et parlementaires du Canada, nous affirmions publiquement et à maintes reprises que nous rejetons et condamnons vivement les terribles atteintes aux droits de la personne qui ont lieu quotidiennement dans ce pays.

Je vais vous parler du traitement illégitime que les autorités iraniennes font subir à la prisonnière politique Maryam Akbari Monfared et à sa famille.

En Iran, la famille de Mme Monfared doit constamment faire face à des menaces et à du harcèlement depuis l'arrivée au pouvoir du régime de la République islamique d'Iran. Durant les années 1980, une décennie marquée par des exécutions de masse en Iran, quatre des frères et sœurs de Mme Monfared — soit trois frères et une sœur — ont été pendus par les autorités iraniennes parce qu'ils étaient soupçonnés d'appartenir à l'organisation Mujahedin-e-Khalq, ou MEK, un groupe d'opposition iranien en exil.

En décembre 2009, Mme Monfared a participé à une vaste manifestation pour la démocratie dans les rues de Téhéran. Cela lui a valu d'être arrêtée peu de temps après. Comme d'autres prisonniers politiques dont on a parlé aujourd'hui, elle s'est fait imposer une peine scandaleuse de 15 ans de prison par un tribunal iranien qui l'a accusée d'être membre de l'organisation MEK, ce qu'elle a nié à plusieurs reprises. Dans une lettre ouverte rédigée en prison, Mme Monfared révèle que, pendant l'audience du tribunal, le juge Salavati lui a dit qu'elle était punie au nom de ses frères et de sa sœur, les quatre qui avaient été pendus.

Mme Monfared est détenue à la prison d'Evin, dans la section réservée aux femmes. Le piètre état de la prison, la torture physique et psychologique et l'emprisonnement des six dernières années ont fait en sorte qu'elle a contracté de nombreuses maladies. Aujourd'hui, elle souffre de maladies de la thyroïde et de l'œil. En janvier dernier, elle a été transférée à une clinique médicale à l'extérieur de la prison pour une évaluation de son état de santé, mais seulement pour une brève période.

La famille de Mme Monfared a déclaré à des groupes de défense des droits de la personne que son cas a récemment été renvoyé à la Cour suprême de l'Iran à des fins d'examen. Sa famille espère qu'on laissera tomber les accusations portées contre elle et qu'on la libérera de prison.

J'exhorte les autorités iraniennes à libérer Mme Monfared immédiatement.

L'honorable Stephen Greene : Mesdames et messieurs, je prends la parole à l'appui de l'interpellation de la sénatrice Frum concernant les violations des droits de la personne en Iran. Je la remercie beaucoup de son intervention.

Plus particulièrement, j'aimerais souligner le cas du prisonnier politique Mohammad Saber Malek Raisi, membre de la minorité ethnique baloutche de l'Iran, qui a été arrêté en 2009 à l'âge de 15 ans.

Même s'il est vrai que le prisonnier politique de l'un peut parfois être le terroriste de l'autre, il est évident que Mohammad n'est pas un terroriste. Selon Amnistie internationale, la seule raison pour laquelle Mohammad a été arrêté, c'était pour forcer son grand frère, Abdol Rahman, à retourner en Iran, qu'il a fui en 2009.

Les autorités iraniennes auraient, semble-t-il, tenté d'utiliser la torture, en vain dois-je ajouter, pour amener Mohammad à confesser avoir des liens avec le groupe d'opposition armé Joundallah. Mohammad insiste inébranlablement pour dire qu'il n'est rien de plus qu'un élève du secondaire et qu'il n'a aucune affiliation politique.

En dépit de cela, le régime a condamné Mohammad à 15 ans de prison pour coopération présumée avec des groupes d'opposition et a été jusqu'à le menacer d'exécution si son frère ne rentre pas en Iran.

Ce jeune homme est loin d'être un terroriste, mais nous savons tous que l'Iran encourage le terrorisme. De nombreux groupes de défense des droits de la personne et ONG ont évoqué que l'Iran parrainait des groupes terroristes qui croient en l'éradication de l'État démocratique d'Israël. En 1984, le département d'État américain a désigné l'Iran à titre d'État qui soutient le terrorisme, une désignation toujours valide aujourd'hui, malgré le récent traité.

Bien que l'Iran ait traditionnellement parrainé le terrorisme au Moyen-Orient dans le but de déstabiliser ses rivaux, le pays étend ses efforts à l'Afrique et même à l'Amérique latine en fournissant des armes et en formant divers groupes à l'occasion.

Mesdames et messieurs, ce ne sont là que quelques exemples qui montrent pourquoi il est tristement ironique qu'un régime comme l'Iran décrive un jeune comme un terroriste. Or, Mohammad n'est plus un adolescent. Il a maintenant 22 ans et a passé les sept dernières années en prison, sans pouvoir voir sa famille ni un avocat.

Nous demandons à l'Iran de libérer Mohammad immédiatement.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

 
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