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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 134

Le lundi 19 juin 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le lundi 19 juin 2017

La séance est ouverte à 16 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Préavis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 19 juin 2017

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, gouverneur général du Canada, se rendra à la salle du Sénat, aujourd'hui, le 19 juin 2017, à 19 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable
        Le Président du Sénat
                Ottawa


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le leadership autochtone

L'honorable Daniel Christmas : Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, Son Excellence le très honorable David Johnston, gouverneur général du Canada, a remis, à Rideau Hall, en présence du premier ministre Justin Trudeau, des distinctions honorifiques en reconnaissance d'un leadership autochtone exceptionnel à 30 lauréats.

Le gouverneur général Johnston a fait l'éloge des lauréats. Il a dit ce qui suit :

Ces personnes travaillent d'une multitude de façons en vue de renforcer les collectivités autochtones urbaines et rurales, de mieux faire connaître les histoires, les cultures, les réalisations et les préoccupations des Autochtones, et de créer les conditions propices à la réconciliation.

Son Excellence a également fait remarquer que la cérémonie d'aujourd'hui représentait un pas de plus en faveur d'un pays toujours plus équitable, juste et dynamique.

La Médaille du souverain pour les bénévoles est l'une des distinctions qui ont été remises.

Les médailles décernées sont des distinctions honorifiques canadiennes conférées par le gouverneur général pour rendre hommage aux bénévoles qui font preuve d'un dévouement et d'un engagement exemplaire.

L'une des lauréates d'aujourd'hui était Mme Pamela Glode-Desrochers d'Halifax en Nouvelle-Écosse. Elle est directrice générale du Centre d'amitié autochtone micmac. Elle a travaillé pendant 24 ans à réduire la pauvreté et la criminalité et à promouvoir le bien-être personnel et communautaire de la population autochtone urbaine d'Halifax.

Mme Glode-Desrochers fait également partie du conseil d'administration de l'Association nationale des centres d'amitié, du Mi'kmaw Legal Support Network et du Mi'kmaq Employment and Training Secretariat.

Pamela possède d'excellentes compétences en matière de gouvernance et d'administration. Femme micmaque, elle a une compréhension aiguë des perspectives autochtones. Elle a à cœur d'aider les Autochtones vivant en milieu urbain à avoir un meilleur accès aux services, un soutien accru et des conseils plus judicieux en matière de justice sociale, de santé et d'éducation.

Elle souhaite ardemment contribuer à l'amélioration de la santé et de la sécurité de la population autochtone urbaine et favoriser le dynamisme de celle-ci. Elle se soucie profondément du bien-être global des personnes qu'elle sert.

La communauté autochtone d'Halifax a la chance d'avoir une défenseure infatigable parmi eux. Personne, à ma connaissance, ne mérite autant de recevoir une la distinction qui lui a été décernée aujourd'hui par Son Excellence le gouverneur général.

Honorables sénateurs, c'est dans un esprit de reconnaissance et de gratitude que je vous recommande Mme Pamela Glode-Desrochers, un modèle d'altruisme pour la communauté autochtone d'Halifax. Wela'lioq.

Le Centre national des Arts

La pièce Café Daughter

L'honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, vendredi dernier, j'ai eu le plaisir de prendre le sénateur Woo au mot et d'aller voir la pièce pour une actrice Café Daughter, du renommé dramaturge cri Kenneth T. Williams. Café Daughter raconte l'histoire de la jeune Yvette Wong, qui vit dans la Saskatchewan des années 1950 et 1960 et dont les rêves de médecine sont mis à mal par tous ceux pour qui sa race, sa classe sociale et son sexe l'empêchent de caresser de telles ambitions.

Tiffany Ayalik, l'actrice qui donne vie de manière à la fois émouvante et convaincante à Yvette et à une dizaine d'autres personnages, a rempli haut la main la promesse que nous faisait l'affiche du spectacle, selon laquelle nous aurions l'impression de les connaître tous à la fin de la représentation. Or, nous avons ici la chance de connaître encore mieux l'un des personnages, et pas n'importe lequel, le personnage principal, Yvette, qui est fondé sur la vie de nulle autre que notre honorable collègue, la sénatrice Lillian Dyck.

Sur scène, la vivacité d'esprit ce cette jeune femme, sa détermination, de même que son sens de la compassion et de la justice, sonnent tout de suite une cloche dans l'esprit de quiconque a déjà eu le privilège de côtoyer la sénatrice Dyck. Je tiens d'ailleurs à la remercier d'avoir eu le courage de raconter son histoire avec le même panache que celui dont elle a fait montre toute sa vie, pas seulement lorsqu'elle a décidé de vivre son rêve d'enfance et de devenir médecin — sa renommée en Saskatchewan n'est d'ailleurs plus à faire —, mais aussi lorsqu'elle a pris sur elle d'assumer pleinement ses origines cries et de se faire l'ardente défenseure des Autochtones, et plus particulièrement des femmes autochtones.

Pour reprendre les mots de Mme Ayalik sur la pertinence de monter aujourd'hui une pièce comme Café Daughter, qui se déroule durant les années 1950 : « J'aime les pièces qui se situent dans le passé, parce qu'elles nous font prendre conscience que nous n'avons pas toujours parcouru autant de chemin que nous aimons le croire. » À quelques jours du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, une seule conclusion s'impose : non, nous n'avons pas encore réussi à remédier au terrible passé colonialiste, raciste et systématiquement discriminatoire du Canada, notamment à l'encontre des femmes autochtones.

Mme Ayalik éprouve un grand sentiment de satisfaction à jouer « des personnages au racisme à peine voilé » et à incarner le personnage principal, dont le message est « d'une grande efficacité ».

(1610)

À l'heure où le pays renouvelle sa relation avec les peuples autochtones sous le signe du respect et de la réconciliation, nous devons suivre l'exemple de la sénatrice Dyck et ne pas rater l'occasion d'aider ces peuples et d'en favoriser l'essor, particulièrement dans le cas des femmes. Ils doivent être capables de faire entendre leurs voix et se voir accorder le pouvoir et le droit à l'autodétermination que notre pays leur refuse depuis trop longtemps. Thank you. Merci. Meegwetch.

Melva Jones

L'honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet d'une citoyenne très spéciale d'Orilla, en Ontario, qui s'appelle Melva Jones.

Melva en est à la 80e année de son existence et elle a quatre enfants, dix petits-enfants et trois arrière-petits-enfants. Elle a été sélectionnée par l'association canadienne de jeu de galet pour représenter le Canada aux championnats du monde de ce jeu, à Rio de Janeiro, au Brésil, le 23 juillet 2017.

Elle a été choisie en raison de ses performances sur le circuit de jeu de galets de la Floride, dans les tournois récréatifs et dans ceux de la série Pro-Am. Autrefois adepte du boulingrin, elle a déjà représenté l'Ontario au championnat canadien de ce sport. Elle a adopté le jeu de galets au fil de ses séjours hivernaux en Floride avec son mari. Ces dernières années, elle s'est mise à prendre part à des compétitions de jeu de galets de plus en plus relevées. Elle prend au sérieux sa nomination au sein de l'équipe canadienne et, pendant l'été, elle s'entraîne dans un club local, en Ontario, où elle fourbit ses armes pour pouvoir représenter le Canada le mieux possible.

Elle est ravie d'avoir l'occasion de représenter son pays, et la population locale est absolument enchantée pour elle. En compétition, elle affrontera des concurrents de tous les âges, pas seulement des personnes âgées.

Veuillez vous joindre à moi pour féliciter cette athlète des plus impressionnantes et pour lui souhaiter bonne chance aux championnats.

La conseillère sénatoriale en éthique

Lyse Ricard

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai été informé que, en raison des obligations familiales subites et imprévues qui nécessitent toute son attention, Mme Lyse Ricard, la conseillère sénatoriale en éthique, a décidé de démissionner de son poste. Sa démission entrera en vigueur le 30 juin 2017.

Honorables sénateurs, nous remercions tous Mme Ricard de son dévouement et de son travail acharné depuis plus de cinq ans. Nous lui en savons gré. Avec votre indulgence, je demanderai à la sénatrice Andreychuk, qui a travaillé avec elle durant toute cette période, de dire quelques mots.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Au nom du Comité sénatorial sur l'éthique et les conflits d'intérêts, en mon nom, au nom du vice-président, le sénateur Joyal, des trois autres membres actuels du comité, les sénateurs Wetston, Sinclair et Patterson, de tous ses anciens membres et — je crois — de tous les sénateurs, je veux saluer le dévouement, le professionnalisme et l'intégrité dont a fait preuve Lyse Ricard dans le cadre de ses fonctions de conseillère sénatoriale en éthique, ainsi que son travail assidu.

Durant son mandat, le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs est devenu le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts, ce qui a réellement donné de la crédibilité à son titre de conseillère sénatoriale en éthique.

Mme Ricard a démissionné à cause de la maladie inattendue de son mari. Elle souhaitait être à ses côtés. Nous voulons offrir nos meilleurs souhaits de rétablissement à M. Jean-Pierre Dubeau. Je suis certaine que je parle au nom de tous les sénateurs.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le commissaire à l'intégrité du secteur public

La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels—Dépôt des rapports annuels de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports annuels de 2016-2017 du Commissariat à l'intégrité du secteur public pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017, conformément à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le Centre de la sécurité des télécommunications

Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada—Dépôt de document

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada.

[Traduction]

Peuples autochtones

Budget et autorisation d'embaucher du personnel—L'étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis—Présentation du septième rapport du comité

L'honorable Lillian Eva Dyck, présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le lundi 19 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 15 décembre 2016 à étudier les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2018 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LILLIAN EVA DYCK

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 2285.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Dyck, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

Projet de loi modificatif—Présentation du treizième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L'honorable Jean-Guy Dagenais, au nom du sénateur Lang, président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, présente le rapport suivant :

Le lundi 19 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-22, Loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et modifiant certaines lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 30 mai 2017, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
DANIEL LANG

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 2270.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur le cadre fédéral relatif à l'état de stress post-traumatique

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-211, Loi concernant un cadre fédéral relatif à l'état de stress post-traumatique, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Housakos, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1620)

Sécurité nationale et défense

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les questions relatives à la création d'un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu'ils quittent les Forces armées canadiennes et à déposer son rapport auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mardi 7 mars 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense concernant son étude sur les questions relatives à la création d'un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu'ils quittent les Forces armées canadiennes soit reportée du 30 juin 2017 au 31 octobre 2017;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

[Traduction]

Les crises qui sévissent à Churchill, au Manitoba

Préavis d'interpellation

L'honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les crises qui sévissent à Churchill, au Manitoba.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L'accès à l'information

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La Presse Canadienne rapportait récemment que le premier ministre aurait dit ceci : « Nous tiendrons compte de leurs recommandations, mais en ce qui concerne le budget, c'est un fait bien établi que le Sénat s'en remet, en ce qui concerne les projets de loi de crédits et les projets de loi budgétaires en particulier, à la légitimité de la Chambre des communes. Le travail de la Chambre haute consiste notamment à corriger les projets de loi qui ont des lacunes, ce qui se fait assez souvent sous l'actuel gouvernement. »

[Traduction]

Le premier ministre a la mémoire courte. Le cadre de protection des consommateurs a été retiré du budget en décembre dernier parce que le gouvernement n'avait pas fait ses devoirs. Projet de loi budgétaire ou non, comme parlementaires, nous devons défendre les droits des contribuables et exiger de la transparence et des comptes.

Comme nous avons le droit de corriger les mesures législatives, je signale que la section 20 du projet de loi C-44, qui édicte la Loi sur Investir au Canada, autorise des dépenses de millions de dollars de l'argent des contribuables à l'abri de tout contrôle du vérificateur général, du Conseil du Trésor ou même des journalistes qui feraient une demande d'accès à l'information.

Sénateur Harder, pourquoi le gouvernement crée-t-il un service qui fonctionnerait dans le secret?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de poser cette question. Manifestement, c'est un sujet dont cette assemblée a déjà discuté et discutera encore. Le gouvernement est d'avis que la Banque de l'infrastructure proposée est dotée de la structure de gouvernance qu'il lui faut. Nous en débattrons encore et nous voterons sur cette mesure, comme il se doit, j'en suis certain.

Le sénateur Smith : Pourquoi le gouvernement crée-t-il une nouvelle structure bureaucratique assortie d'une disposition qui lui permet d'échapper à tout contrôle public en la soustrayant à l'accès à l'information? Pourquoi cette même structure ne serait-elle pas tenue de respecter la Loi sur l'administration financière et les normes d'emploi dans la fonction publique?

Le sénateur Harder : Comme le ministre l'a dit clairement devant le comité sénatorial, ainsi qu'à l'autre endroit, le gouvernement du Canada est d'avis qu'il s'agit d'une entité gouvernementale tout à fait appropriée pour mener à bien cette initiative.

Le Bureau du Conseil privé

Les déplacements du premier ministre

L'honorable David Tkachuk : Sénateur Harder, je vous ai interrogé plusieurs fois au sujet du séjour du premier ministre sur l'île privée de l'Aga Khan, en 2016, pendant le temps des Fêtes, mais vous n'avez pas encore répondu à mes questions. Est-ce parce que l'Aga Khan est non seulement un ami de la famille du premier ministre, mais aussi un de vos amis, une personne que vous connaissez depuis 25 ans?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je dois admettre que je connais l'Aga Khan et que j'éprouve une grande admiration pour lui depuis de nombreuses années, mais je ne crois pas que cela ait quoi que ce soit à voir avec la prémisse de votre question.

Le sénateur Tkachuk : Sénateur Harder, avez-vous passé vos vacances sur l'île privée de l'Aga Khan en 2016? Si non, êtes-vous déjà allé sur l'île privée de l'Aga Khan?

Le sénateur Harder : Cette question n'est pas particulièrement pertinente, mais ma réponse est non.

Les affaires autochtones et du Nord

Le registre des Indiens

L'honorable Lillian Eva Dyck : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Comme vous le savez, le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens concernant l'élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription, est maintenant à l'étude à la Chambre des communes. Lors des tentatives faites par le passé pour éliminer la discrimination fondée sur le sexe dans les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l'inscription, chacune des modifications apportées à cette loi a eu pour effet d'inscrire plus de personnes au registre des Indiens.

En 1985, aux termes du projet de loi C-31, environ 130 000 personnes ont été ajoutées au registre. En 2010, en vertu du projet de loi C-3, on a ajouté les noms de 45 000 autres personnes au registre. Maintenant, une fois que l'amendement au projet de loi S-3 proposé par la sénatrice McPhedran et visant l'application universelle de l'alinéa 6(1)a) aura été adopté, le gouvernement a fait état d'un nombre approximatif de nouvelles inscriptions au registre. Comme la ministre elle-même l'a avoué, cette estimation ne repose sur aucune donnée fiable et concrète. Il s'agira peut-être de 80 000 nouvelles inscriptions, mais certainement pas de 2 millions, comme la ministre l'a laissé entendre.

Comme notre collègue, le sénateur Sinclair, l'a affirmé au comité, le fait d'avancer un tel chiffre est une façon de semer la peur.

Pourquoi le gouvernement estime-t-il qu'il y a lieu de s'inquiéter de l'ajout de davantage d'Indiens inscrits au registre?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question et je lui assure que le gouvernement du Canada ne cherche absolument pas à être alarmiste.

La ministre et le gouvernement espèrent que le projet de loi S-3 permettra vraiment de tenir des consultations de nation à nation adéquates.

Comme la sénatrice l'a indiqué, le projet de loi S-3 a été renvoyé à l'autre endroit, mais il n'en est pas encore à l'étape de la troisième lecture. Il serait prématuré de ma part de décider ou de suggérer comment l'autre endroit devrait traiter cette mesure législative. Si l'autre endroit nous la renvoie, nous aurons amplement l'occasion d'en débattre dans cette enceinte.

La sénatrice Dyck : On sait que 130 000 Indiens inscrits ont été ajoutés au registre en 1985. Ainsi, les 80 000 nouvelles inscriptions prévues en vertu du projet de loi S-3 sont nettement moins nombreuses. L'ajout de ces 130 000 Indiens inscrits a-t-il entraîné des conséquences dramatiques? Le ciel nous est-il tombé sur la tête comme le craignaient les alarmistes? Que s'est-il passé une fois que ces 130 000 Indiens ont été inscrits?

Le sénateur Harder : À titre de représentant du gouvernement au Sénat, je transmettrai ces questions à la ministre, mais la sénatrice sait, de toute évidence, que le ciel n'est tombé sur la tête de personne.

La date limite concernant le projet de loi S-3

L'honorable Kim Pate : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le Sénat a appris que la juge Masse, qui préside l'audition de l'affaire Descheneaux, a décidé que la cour se prononcerait aujourd'hui ou demain sur la motion visant à repousser la date limite concernant le projet de loi S-3.

Si une prorogation est accordée, il ne sera plus nécessaire de précipiter les choses pour respecter l'échéance du 3 juillet 2017. Aujourd'hui, M. Descheneaux et la famille Yantha, codemandeurs dans cette affaire, se présentent devant la cour pour obtenir une prorogation. À l'instar de Mme Palmater, de Sharon McIvor et d'autres, ils craignent que le projet de loi S-3, tel qu'amendé par le comité de l'autre endroit, perpétuera les iniquités fondées sur le sexe que, dans l'arrêt Descheneaux, la juge Masse a demandé au gouvernement d'éliminer.

Ils ont demandé la prorogation parce que, jusqu'à présent, le gouvernement a refusé de le faire. Le 14 juin, le Globe and Mail a rapporté que Nancy Bonsaint, une avocate du gouvernement, a indiqué par écrit que la ministre Bennett souhaite voir le processus législatif suivre son cours et se réserve le droit de demander une prorogation plus tard, à l'approche de l'échéance.

Voici ma question pour le représentant du gouvernement au Sénat. Que veut dire Mme Bonsaint lorsqu'elle affirme que le gouvernement se réserve le droit de demander une prorogation à une date plus rapprochée de l'échéance? Celle-ci arrive à grands pas — en fait, la date limite est dans deux semaines. N'est-elle pas suffisamment rapprochée?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. Je vais demander une réponse auprès de la ministre. Je tiens à ce que tous les sénateurs sachent que la ministre considère ce dossier comme très sérieux.

(1630)

La sénatrice Pate : Merci, sénateur.

Demanderez-vous aussi au gouvernement de réclamer une prolongation, si le Sénat est du même avis que la Chambre des communes et refuse d'accepter les changements proposés au projet de loi S-3?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. Comme elle est fondée sur une hypothèse, je crois qu'il serait prématuré pour moi de dire quoi que ce soit à ce sujet.

Les transports

L'aide à apporter à Churchill, au Manitoba

L'honorable Patricia Bovey : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Elle concerne la situation catastrophique que l'on vit à Churchill, au Manitoba. À deux reprises cette année, la ligne ferroviaire à destination de Churchill a été fermée : une fois pendant 17 jours à cause d'un blizzard survenu à la fin de l'hiver et maintenant à cause des inondations. Comme nous le savons tous, il n'y a pas de route reliant la ville à d'autres régions de la province. En conséquence, les liaisons ferroviaires et aériennes sont les seules façons de se ravitailler en produits alimentaires, en essence, en matériaux de construction et en fournitures médicales.

Malheureusement, les liaisons aériennes sont trois fois plus chères. La compagnie Calm Air a ajouté deux liaisons quotidiennes à partir de Thompson et les tarifs du transport des marchandises ont été quelque peu réduits, mais il est clair que la situation est intenable. Nous savons que même transporté par voie ferroviaire, le lait coûte plus cher que l'alcool.

Il semble d'ores et déjà que le trafic ferroviaire ne sera rétabli qu'en 2018. Le maire de Churchill a demandé des subventions au gouvernement fédéral.

Le gouvernement fédéral collabore-t-il avec la province du Manitoba et la municipalité de Churchill, non seulement pour que la ville puisse faire face aux pressions immédiates, mais pour que l'on puisse aussi élaborer un plan qui permettra à la localité de traverser les prochains mois d'hiver?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question et du préavis d'interpellation qu'elle a présenté tout à l'heure pour sensibiliser le Sénat à cette grave question.

Je puis lui assurer, ainsi qu'à tous les sénateurs, que le ministre de la Sécurité publique et l'ensemble du gouvernement collaborent étroitement avec leurs homologues provinciaux, et que les deux gouvernements continuent de surveiller la situation de très près, notamment en ce qui a trait à la suspension du service ferroviaire.

Pour le gouvernement du Canada, la plus grande priorité est de ravitailler la ville en passant par le port et par l'aéroport pendant la suspension du service ferroviaire. Le gouvernement partage les préoccupations des résidants de Churchill et de l'ensemble du Nord du Manitoba au sujet de l'interruption des services du chemin de fer de la baie d'Hudson.

Les fonctionnaires de Transports Canada sont en train d'évaluer l'incidence de la hausse du transport de marchandises et de passagers à l'aéroport et au port de Churchill afin de s'assurer que les infrastructures de ces points d'accès de rechange pourront répondre convenablement à la situation. Le gouvernement continue d'exploiter l'aéroport de Churchill de manière à s'adapter à l'intensification du trafic aérien et il surveille la situation en vue de prendre, au besoin, des mesures réglementaires qui faciliteraient un ravitaillement maritime accru par le port de Churchill.

Je serais ravi de m'informer régulièrement auprès des ministres Garneau et Goodale, de rendre compte de ces consultations devant cette assemblée et peut-être même de trouver d'autres moyens pour que tous les sénateurs qui s'intéressent de près au dossier puissent se tenir au courant de la situation.

La sénatrice Bovey : Merci.

Je crois que nous devrions également être conscients que la crise a une grave incidence sur les sources de revenus de la ville, car environ 50 p. 100 de ses revenus proviennent du tourisme, et nombre de touristes s'y rendent par train. Évidemment, ces touristes devront payer plus cher pour tous les services.

Sénateur Harder, peut-être pourriez-vous mentionner également ce point pour donner une idée juste de la complexité de la situation et voir à ce que tous les ministres concernés s'emploient à régler ce problème complexe.

Le sénateur Harder : Je le ferai.

[Français]

La justice

La nomination des juges

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Depuis octobre 2016, plusieurs sénateurs vous ont posé des questions sur les délais des procédures judiciaires au Canada ainsi que sur la nomination des magistrats. En date du 1er juin dernier, 46 postes de juges étaient vacants au niveau des cours supérieures, dont certains se trouvent au Québec, où la situation est très critique, comme vous le savez. À ce jour, au Québec, des centaines de procès ont avorté, y compris deux qui traitent de cas d'assassinat.

Vous avez sans doute aussi suivi les travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Celui-ci a déposé, la semaine dernière, un rapport qui a été très bien reçu par les médias. Afin de préserver la confiance du public à l'égard du système de justice canadien, peut-on s'attendre à ce que vous vous engagiez à tenir des communications très serrées avec la ministre de la Justice pour que les recommandations du comité soient mises en place le plus rapidement possible par le gouvernement, et ce, afin que nous puissions éviter que des centaines de procès avortent au cours des années à venir?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question.

Comme la ministre de la Justice l'a clairement indiqué lorsqu'elle a parlé publiquement du rapport, le gouvernement du Canada est heureux que le Sénat se penche sur cet enjeu important. La ministre a entrepris l'examen du rapport; elle travaille sur ce dossier avec ses homologues de partout au pays, en fonction des besoins.

Je profite également de l'occasion pour informer le Sénat que, la semaine dernière, la ministre a nommé cinq juges aux Cours supérieures de la Colombie-Britannique et de l'Ontario. Elle a donc, à ce jour, nommé 77 juges aux cours supérieures du pays.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur le leader, dans le même ordre d'idées, vendredi dernier, la Cour suprême du Canada a maintenu, dans l'arrêt Cody, une position très stricte quant aux délais tout en proposant certaines petites ouvertures en ce qui a trait au temps accordé à la défense. On sait aussi que la Semaine des victimes et survivants d'actes criminels, qui a eu lieu au début de juin cette année, est passée inaperçue. Nous pouvons ainsi constater l'importance que le gouvernement du Canada accorde aux victimes d'actes criminels.

Pour les victimes d'actes criminels, l'arrêt des procès se traduit par un drame. Le criminel ne subit pas de procès et il retourne dans son milieu, près des victimes, et ce, sans être assujetti à aucune condition. C'est une catastrophe.

Puis-je m'attendre à ce que le leader du gouvernement au Sénat s'adresse directement à la ministre de la Justice pour la sensibiliser aux torts irréparables qui sont faits aux victimes et à leur famille quand un assassin est libéré sans aucune condition?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je peux garantir à l'honorable sénateur que je transmettrai ces sentiments à la ministre personnellement.

Les affaires autochtones et du Nord

La discrimination fondée sur le sexe

L'honorable Sandra Lovelace Nicholas : Ma question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Honorables sénateurs, vous avez devant vous une femme autochtone terriblement découragée d'apprendre que le gouvernement n'appuiera pas l'amendement que le Sénat proposait d'apporter au projet de loi S-3 afin d'éliminer de la Loi sur les Indiens toute discrimination fondée sur le sexe.

Je suis particulièrement offensée que la ministre des Affaires autochtones et du Nord fasse valoir le maintien de la discrimination contre d'autres femmes en conseillant fortement aux députés de ne pas appuyer l'amendement du Sénat, mais d'appuyer plutôt son plan de procéder à une deuxième phase de consultation pour examiner les façons de rendre la loi moins discriminatoire. Honorables sénateurs, de la discrimination, c'est de la discrimination.

Cela va également à l'encontre de la promesse électorale du gouvernement d'améliorer la relation avec les Autochtones et d'adopter un mode de gouvernance moins sexiste. Une autre promesse rompue.

Comment le gouvernement peut-il justifier l'exclusion des descendantes de ces femmes autochtones privées de leurs droits à qui le gouvernement a retiré le statut alors que nous savons tous que cela va augmenter les probabilités qu'elles soient victimes de mauvais traitements, qu'elles disparaissent, qu'elles soient agressées sexuellement ou qu'elles soient victimes de meurtre?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question et tiens à répéter la promesse formulée par la ministre Bennett devant le comité sénatorial, le comité de la Chambre des communes et la Chambre des communes, selon laquelle sa priorité est non seulement l'adoption du projet de loi S-3 tel que présenté par le gouvernement, mais également la réalisation d'une deuxième phase de consultation pour traiter des personnes plus largement touchées que celles qui sont définies dans la loi à l'étude.

Il s'agit d'une promesse personnelle qui représente l'engagement du gouvernement à l'égard de la priorité que la ministre accorde à ce processus de consultation, un processus qui doit être porteur, comme l'a promis le gouvernement.

(1640)

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénateur, un délai a encore une fois été fixé. Que se produira-t-il dans deux ans si votre gouvernement ne remporte pas les prochaines élections?

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Harder : Malgré les observations provenant de l'autre côté, il s'agit d'une situation tout à fait hypothétique.

Les déclarations de la ministre

L'honorable Marilou McPhedran : Votre Honneur, cette question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Le 8 juin, la ministre Carolyn Bennett a témoigné devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. J'y étais et j'ai entendu ce qu'elle a dit. J'ai ensuite vérifié le compte rendu des délibérations. La ministre a déclaré que le sénateur Murray Sinclair s'était prononcé contre l'amendement au projet de loi S-3, c'est-à-dire l'amendement portant sur l'application universelle de l'alinéa 6(1)a). J'aimerais savoir si la ministre Bennett a fait une déclaration afin de rétablir les faits et aussi si l'information qu'elle a fournie au comité a également été fournie à la Chambre.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. Je vais me renseigner.

La discrimination fondée sur le sexe

L'honorable Daniel Christmas : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, comme vous le savez, l'étude par le Sénat du projet de loi S-3 s'est avérée un véritable marathon, et l'examen par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones des dispositions prévues dans la mesure législative, quant à lui, s'est avéré un processus difficile, qui a nécessité de nombreux compromis pour faire accepter les améliorations proposées. C'est le rôle du Sénat de modifier et d'améliorer les mesures législatives, de sorte que celles-ci correspondent à l'objectif déclaré. Dans ce cas-ci, l'objectif déclaré est de mettre un terme à la discrimination fondée sur le sexe présente dans les dispositions de la Loi sur les Indiens.

Le titre intégral du projet de loi renvoie à l'« élimination » des iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription. Il n'est pas question de réduire, de minimiser ou d'atténuer. Le terme choisi, c'est-à-dire « élimination », convient tout à fait, parce que la discrimination de quelque nature que ce soit contre les femmes, notamment contre les femmes autochtones — qui sont opprimées depuis plus d'un demi-siècle — est un crime. Elle abroge les droits des femmes et des filles autochtones. Ces droits sont protégés par la Charte. Je rappelle à tous que la Charte protège tous les droits et toutes les libertés, pas seulement certains droits et certaines libertés.

Dans l'esprit de la réconciliation, le gouvernement acceptera-t-il de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer entièrement la discrimination fondée sur le sexe dans les dispositions sur le statut d'Indien de la Loi sur les Indiens?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Permettez-moi de lui assurer, ainsi qu'à tous les sénateurs, que l'objectif de la ministre et du gouvernement à l'égard de la discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens est le même. C'est le processus à suivre pour l'atteindre qui est contesté, c'est-à-dire la tenue de consultations législatives sérieuses menant à d'autres mesures législatives. Tout dépend de votre perception du mécanisme du projet de loi. Croyez-vous qu'il doit être exclusif ou qu'il doit suivre une approche en deux étapes. Le gouvernement estime qu'une approche en deux étapes avec un engagement à l'égard de la deuxième étape représente la meilleure façon de procéder. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il s'agit d'une question qui est à l'étude à l'autre endroit. Le débat à l'étape de la troisième lecture n'a même pas encore commencé.

Le sénateur Christmas : Il me semble parfaitement clair, de même qu'à mes frères et sœurs autochtones au Sénat et dans toutes les communautés des Premières Nations du Canada, que le gouvernement souhaite aller de l'avant dans une relation axée sur la prise de mesures justes et morales qui visent à combler le fossé qui existe entre nous. Pourquoi alors, en 2017, semble-t-il si déterminé à faire l'inverse et à agir seulement selon les paramètres décrits par les tribunaux?

Si le Sénat et l'autre endroit devaient aboutir à une impasse, le gouvernement accepterait-il de tenir une conférence parlementaire, comme moyen de médiation, afin de résoudre l'impasse et de veiller à ce que le gouvernement maintienne ses propres lois et mette fin à la discrimination sexuelle envers les femmes des Premières Nations?

Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie l'honorable sénateur de sa question. Elle est aussi hypothétique et prospective, et il serait prématuré que je fasse des commentaires à ce sujet.

L'honorable Terry M. Mercer : Dans le cadre de l'étude du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, de nombreux experts ont insisté sur l'importance des articles de la déclaration des Nations Unies qui garantissent le droit des peuples autochtones de vivre libre de toute discrimination, plus particulièrement de toute discrimination fondée sur le sexe, comme il est indiqué aux articles 1, 2, 22 et 44. Le projet de loi S-3 dans sa forme modifiée par la Chambre des communes ne cible pas toutes les formes de discrimination, dont tous les types de discrimination fondée sur le sexe qui sont présents dans les dispositions relatives à l'inscription de la Loi sur les Indiens.

Comment le gouvernement, qui a signé la déclaration, peut-il ignorer le fait que le projet de loi S-3 contrevient aux articles que j'ai nommés par rapport aux droits de non-discrimination et d'égalité pour les femmes autochtones et leurs descendants? Comment y arrive-t-il?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Le gouvernement du Canada est d'avis que le projet de loi S-3, dans la forme qu'étudie actuellement la Chambre des communes, ainsi que l'engagement du gouvernement et celui de la ministre d'entreprendre des consultations valables et urgentes sur l'approche appropriée pour éliminer la discrimination résiduelle fondée sur le sexe présente dans la Loi sur les Indiens, représentent la meilleure voie à suivre.

Le sénateur Mercer : L'Assemblée des Premières Nations, qui a appuyé sans équivoque la déclaration des Nations Unies, a inclus des dispositions dans son protocole d'entente avec le gouvernement du Canada, signé le lundi 12 juin 2017, afin :

[...] d'appuyer la mise en œuvre intégrale et efficace de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones [...]

De plus, selon un communiqué de presse du 14 juin dernier qui portait sur le projet de loi S-3, l'Assemblée des Premières Nations défend la position suivante :

Nous comprenons qu'au cours de la prochaine étape de son engagement auprès des Premières Nations, le gouvernement planifie mener des consultations sur des questions de discrimination de longue date qui ne sont pas prises en compte par les modifications législatives qu'il propose actuellement [...] Cependant, le Canada et les Premières Nations ne peuvent plus attendre. Nous devons mettre fin au débat maintenant!

Nous devons passer à l'action. Pourquoi le gouvernement fait-il fi des recommandations de l'Assemblée des Premières Nations?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de ses observations. Pour répondre à sa question, le gouvernement du Canada procède à ce qu'il croit être un nombre suffisant de consultations sérieuses, répond avec diligence à l'arrêt de la cour et prend part à un programme d'engagement élargi avec les communautés et les dirigeants autochtones, comme en témoigne la déclaration du 12 juin de l'Assemblée des Premières Nations. L'objectif du gouvernement du Canada actuel, depuis son arrivée au pouvoir, est de restaurer et d'améliorer les relations en se fondant sur le respect et le dialogue de nation à nation.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes : premièrement, la réponse à la question posée le 9 mai 2017 par le sénateur McIntyre au sujet du directeur parlementaire du budget; deuxièmement, la réponse à la question posée le 11 mai 2017, par le sénateur Plett, au sujet des dispositions de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain; troisièmement, deux réponses à la question posée le 11 mai 2017, par la sénatrice Marshall au sujet de la Société canadienne d'hypothèques et de logement; quatrièmement, la réponse à la question posée le 29 mars 2017 par le sénateur Enverga au sujet des effigies en carton du premier ministre; et cinquièmement, la réponse à la question posée le 4 mai 2017 par le sénateur McIntyre au sujet des postes vacants et de l'arriéré à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

Le ministère de l'Infrastructure et des Collectivités

Le directeur parlementaire du budget

(Réponse à la question posée le 9 mai 2017 par l'honorable Paul E. McIntyre)

La Banque de l'infrastructure du Canada devra rendre des comptes au Parlement de nombreuses manières non négligeables. Elle sera tenue de présenter, par l'intermédiaire de son ministre responsable, un rapport annuel au Parlement de même qu'un résumé de son plan d'affaire annuel.

La Banque sera également assujettie à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur l'accès à l'information, bien que similaire à la loi adoptante pour d'autres sociétés d'État financières, il existe des dispositions dans la Loi sur la Banque d'infrastructure du Canada proposée afin de garantir que les informations de contrepartie commercialement confidentielles demeurent confidentielles.

Elle sera tenue au respect de norme les plus rigoureuse, car elle fera l'objet d'une vérification par le vérificateur général du Canada et par un vérificateur du secteur privé. Enfin, un examen de la législation de la Banque serait mené et déposé au Parlement tous les cinq ans.

Le Bureau du directeur parlementaire du budget aura accès aux mêmes renseignements pour la Banque de l'infrastructure du Canada que pour les autres sociétés d'État, sous réserve des dispositions de confidentialité d'informations de contrepartie décrites ci-dessus. Les modifications à la partie 4, section 7 du projet de loi d'exécution du budget prévoient que le Bureau du directeur parlementaire du budget a le droit d'accéder librement et rapidement aux renseignements requis étant sous le contrôle des sociétés d'État, dont fait partie la Banque.

Les transports

Les dispositions de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain

(Réponse à la question posée le 11 mai 2017 par l'honorable Donald Neil Plett)

La Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain visait à répondre aux besoins à court terme du secteur du grain de l'Ouest. Son échéance est fixée au 1er août 2017.

La nouvelle loi du gouvernement permettrait de satisfaire les besoins à long terme de ceux qui sont visés par elle, car elle appuiera un réseau de transport ferroviaire de marchandises plus transparent, équilibré, efficace et sécuritaire. Elle règlerait également la question des dispositions temporaires prévues dans la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain.

Le gouvernement s'est engagé à introduire une législation ce printemps et cet engagement sera respecté. Le gouvernement a tenu de nombreuses consultations au cours de la dernière année et demie et a entendu des agriculteurs de l'Ouest canadien dans le cadre de ce processus.

La famille, les enfants et le développement social

La Société canadienne d'hypothèques et de logement

(Réponse à la question posée le 11 mai 2017 par l'honorable Elizabeth Marshall)

La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) procède chaque année à une simulation de crise dans le but d'évaluer les incidences éventuelles de divers scénarios économiques et opérationnels sur le rendement financier, la résilience opérationnelle, les niveaux de capital et les seuils de tolérance aux risques de ses trois secteurs d'activité : l'assurance prêt hypothécaire, la titrisation ainsi que l'aide au logement et le prêt direct. La SCHL observe les indications fournies par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).

La SCHL reconnaît que la conjoncture économique reflète le niveau d'endettement élevé des consommateurs et les prix élevés des logements, ce qui exerce une pression défavorable pouvant entraîner une augmentation des défauts de paiement de prêts hypothécaires. Une forte augmentation des défauts de paiement de prêts hypothécaires assurés par la SCHL pourrait générer une perte financière à la corporation. Cependant, aux termes de sa récente simulation de crise, la SCHL a conclu que ses niveaux de capital étaient suffisants pour résister à une crise économique grave incluant une baisse importante des prix des logements ou une augmentation des taux de chômage.

De plus, la SCHL appuie entièrement les changements récents apportés par le gouvernement aux critères d'admissibilité, pour contracter un prêt hypothécaire, en ce qui concerne la mise de fonds et la simulation de crise relative au taux hypothécaire. Ces changements devraient entraîner une diminution des volumes de nouveaux prêts hypothécaires assurés et, par conséquent, une diminution des risques de la SCHL et du gouvernement liés au marché hypothécaire canadien.

Les finances

La Société canadienne d'hypothèques et de logement

(Réponse à la question posée le 11 mai 2017 par l'honorable Elizabeth Marshall)

Le système canadien de financement du logement est robuste, s'appuyant sur des assises solides qui favorisent la stabilité financière, y compris une réglementation rigoureuse, la supervision prudentielle des institutions financières réglementées et de hautes normes de souscription. Qui plus est, le secteur financier canadien est lui aussi robuste, et il est bien capitalisé alors que les six grandes banques du Canada continuent d'être bien cotées par les agences de cotation. Néanmoins, le niveau d'endettement élevé des ménages justifie une gestion proactive et prudente des vulnérabilités et des risques en évolution qui sont liés au logement.

Tel que le décrit la Banque du Canada dans la Revue du système financier qu'elle fait paraître régulièrement, le niveau d'endettement élevé des ménages et les déséquilibres du marché du logement représentent des vulnérabilités qui pourraient aggraver les répercussions d'un choc défavorable sur l'économie. Bien que la probabilité d'un choc grave soit considérée comme faible, si elle se concrétisait, les répercussions d'un tel choc pourraient être importantes, compte tenu des vulnérabilités préexistantes sur le bilan des ménages et sur le marché du logement. Voilà pourquoi le gouvernement participe activement à la surveillance de ces vulnérabilités et pourquoi il a pris des mesures afin de limiter ces vulnérabilités.

Parmi les mesures annoncées par le gouvernement, on trouve le resserrement des critères d'admissibilité à l'assurance hypothécaire garantie par le gouvernement pour favoriser la sécurité financière des particuliers canadiens et la stabilité du marché du logement en général, du système financier et de l'économie. Les ajustements apportés aux règles relatives à l'assurance hypothécaire devraient aussi améliorer la qualité des crédits de prêt pour les assureurs hypothécaires, y compris la Société canadienne d'hypothèques et de logement, et, donc, protéger les contribuables, qui, ultimement, soutiennent l'assurance hypothécaire garantie par le gouvernement.

Les affaires étrangères

Les effigies en carton du premier ministre

(Réponse à la question posée le 29 mars 2017 par l'honorable sénateur Tobias C. Enverga, Jr.)

Comme l'indique la réponse d'Affaires mondiales Canada à la Q-938 déposée à la Chambre le 8 mai 2017 (document parlementaire no 8555-421-938), l'achat de ces articles promotionnels a été effectué à la discrétion de nos missions aux États-Unis. Les missions ont reçu la consigne de ne plus utiliser ces articles pour leurs événements.

Cependant, sous la direction de notre gouvernement, le Canada recommence à jouer un rôle actif dans le monde afin de promouvoir les valeurs chères aux Canadiens et de faire avancer nos intérêts.

Cela comprend de saisir toutes les occasions de collaborer avec nos partenaires internationaux, y compris les États-Unis, l'ami, le partenaire et l'allié du Canada.

Les dépenses associées à l'achat des doublures en carton se sont élevées à 1 877,24 $.

L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les postes vacants et l'arriéré à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

(Réponse à la question posée le 4 mai 2017 par l'honorable sénateur Paul E. McIntyre)

À la date du 24 mai 2017, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada comptait 23 postes vacants de commissaires nommés par décret à la Section d'appel des réfugiés et quatre postes vacants à la Section d'appel de l'immigration. À la section de la protection des réfugiés et à la Section de l'immigration, où les commissaires sont des fonctionnaires et non des personnes nommées par décret, il n'y avait aucun poste vacant.

Les candidats postulant des fonctions de postes vacants de commissaires nommés par décret font l'objet d'un processus de sélection rigoureux qui comprend des tests et des interviews. Les candidatures sont ensuite examinées par le comité du Bureau du Conseil privé.

La nomination de commissaires de haute qualité permet à la CISR de rendre des décisions éclairées sur des questions touchant l'immigration et le statut de réfugié de manière efficace, équitable et conforme à la loi.

Depuis que le premier ministre a annoncé la tenue d'un nouveau processus de sélection de PND en février 2016, il y a eu au total 35 nominations et renouvellements de mandat à la CISR. À titre de membre du comité de sélection, la CISR continue de participer aux processus de sélection des PND et elle recommande des candidats au ministre pour considération.


(1650)

ORDRE DU JOUR

Projet de loi reconnaissant Charlottetown comme le berceau de la Confédération

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Diane Griffin propose que le projet de loi S-236, Loi visant à reconnaître Charlottetown comme le berceau de la Confédération, soit lu pour la troisième fois sous sa forme modifiée.

— Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de prendre la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-236, Loi visant à reconnaître Charlottetown comme le berceau de la Confédération.

Le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a apporté quatre amendements au projet de loi. J'en ai proposé deux et les deux autres ont été proposés par le sénateur McIntyre. Un des amendements visait à corriger la traduction, mais les trois autres améliorent le contexte et apportent des précisions dans le contenu du projet de loi. Je souhaite remercier le sénateur McIntyre de son travail d'amélioration du projet de loi.

Les écouter, lui et le sénateur Joyal — deux véritables experts de l'histoire du Canada —, discourir de l'histoire de la Confédération fut un réel plaisir. Nous sommes de fiers Canadiens qui nous apprêtons à célébrer le 150e anniversaire de l'entrée en vigueur de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique le 1er juillet 1867.

La Confédération est un élément important de l'histoire canadienne. Elle a bien servi les Canadiens au cours des 150 dernières années. Le sénateur Joyal a souligné ici même et au comité que l'Île-du-Prince-Édouard ne s'est pas jointe à la Confédération dès 1867, en même temps que l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. L'île n'a rejoint la Confédération qu'en 1873; cependant, le projet de loi à l'étude honore la ville de Charlottetown, pas la province où elle se trouve.

Les Prince-Édouardiens admettent que la Confédération a été créée au moyen d'un processus et que la Conférence de Charlottetown de 1864 n'en constitue qu'un élément. Il est cependant digne de mention qu'il s'agissait de la première rencontre entre les quatre colonies de l'Atlantique et la province du Canada pour discuter d'une union. La rencontre a produit des travaux préparatoires et une entente de principe sur les caractéristiques requises à l'établissement d'une confédération.

Ed MacDonald, qui a comparu comme témoin expert devant le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, a souligné que le Canada n'est pas comme les autres pays, qui ont été créés par des coups d'épée; il a été créé par des traits de plume. Comme je l'ai dit pendant le débat à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, aux États-Unis, il y a l'Independence Hall à Philadelphie, et au Mexique, il y a le Palais national à Mexico; les deux édifices sont le lieu d'un moment définitif de la création de leur pays respectif.

Province House, à Charlottetown, a également eu une fonction importante dans la création du Canada, et il s'agit du seul édifice ayant accueilli l'une des trois conférences sur la Confédération qui soit encore existant. C'est à Charlottetown que les délégués sont arrivés au compromis du Sénat — un Parlement avec une Chambre haute constituée de 20 sénateurs des Maritimes, de 20 sénateurs ontariens et de 20 sénateurs québécois — c'était, en fait, la condition la plus essentielle pour que la Confédération protège les intérêts des provinces maritimes contre la forte hausse démographique à l'ouest.

Les délégués sont arrivés à Charlottetown avec des idées, dont certaines étaient axées uniquement sur une union maritime plutôt que sur une union plus grande, mais ils en sont partis avec une vision. La création d'un pays était en branle. Le Canada était la seule voie d'avenir.

Il convient de noter que les Pères de la Confédération étaient vraiment des pères; aucune femme ni aucune personne autochtone n'a participé aux discussions. Il s'agissait alors d'un groupe plutôt homogène de participants, contrairement au Canada d'aujourd'hui, où une plus grande diversité de voix participe au Parlement national et aux assemblées législatives provinciales et territoriales.

Sur ce point, je remercie les sénatrices Omidvar et Pate d'avoir demandé si les Mi'kmaq de l'Île-du-Prince-Édouard ont été consultés lors de l'élaboration de ce projet de loi. Comme je l'ai dit en comité, je ne sers que de facilitatrice pour un projet de loi qu'on a vu sous bien des formes à la Chambre au cours des 20 dernières années et qui a fait partie d'un projet plus vaste initié par le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, mais je n'ai pas pu offrir de réponse définitive à ce moment-là sur la consultation des Mi'kmaq.

Par conséquent, j'ai depuis ce temps communiqué avec la Confédération Mi'kmaq de l'Île-du-Prince-Édouard et je lui ai demandé si elle était d'accord pour établir Charlottetown comme étant le berceau de la Confédération, et pour lui demander si elle voulait formuler des commentaires dans le cadre du bilan législatif de ce projet de loi. Au nom de la Confédération Mi'kmaq, je lis les commentaires suivants :

Bien que les chefs appuient en général l'idée que Charlottetown soit reconnue comme le berceau de la Confédération, ils soutiennent que l'Île-du-Prince-Édouard est le lieu de résidence des Mi'kmaq depuis plus de 1 200 ans, mais que ces dernières n'ont pas été invitées à participer à la Conférence de Charlottetown. Les chefs croient qu'à l'avenir, grâce à la création de cette reconnaissance législative, le gouvernement sera tenu d'inclure d'égal à égal les peuples autochtones de ce pays dans tous les dossiers pertinents, ainsi que d'honorer les traités de paix et d'amitié historiques avec les Mi'kmaq.

Honorables sénateurs, selon moi, ce projet de loi constitue une occasion d'apprentissage. Je crois que les commentaires formulés par la Confédération Mi'kmaq soulignent la différence entre l'obligation légale de consulter et la simple consultation. Le projet de loi S-236 n'entraîne pas une obligation de consulter. Cela ne veut pas dire cependant que la consultation auprès des peuples autochtones ne devrait pas avoir lieu. Voilà la différence entre le fait de mener des consultations par obligation, et mener des consultations par choix.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-236 en fait apprendre aux Canadiens au sujet de leur histoire, et dans ce cas au sujet de l'histoire de la Confédération. C'est une bonne chose que les discussions entourant ce projet de loi, tant au Sénat que dans les médias grand public, aient attiré l'attention à l'échelle du pays sur le processus de la Confédération.

Je vous demande ainsi d'appuyer le projet de loi S-236, Loi visant à reconnaître Charlottetown comme le berceau de la Confédération.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je remercie notre collègue de ses observations.

Croyez-vous vraiment qu'il y a des gens, au Canada, qui ne savent pas où se trouve Charlottetown et qui ne connaissent pas l'importance qu'a eue cette ville? Croyez-vous qu'il y a des gens qui ne savent pas cela?

La sénatrice Griffin : Eh bien, j'espère que vous avez raison. Une émission de télévision d'une chaîne d'Halifax a demandé à des quidams où est née la Confédération. Une passante a répondu : « À l'Île-du-Prince-Édouard. » Elle a nommé la province plutôt que la ville. Le projet de loi permet de rappeler l'importance de la ville même.

La sénatrice Cools : Je pense sincèrement que c'était un événement absolument extraordinaire. De toute façon, comme vous le savez, je suis une fervente admiratrice de sir John A. Macdonald.

J'ai tant de choses à dire au sujet du projet de loi que je vais proposer l'ajournement du débat à mon nom pour pouvoir en parler plus tard et confirmer ce que vous dites, à savoir que Charlottetown est une ville très importante.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

(1700)

Projet de loi relative au cadre sur les soins palliatifs au Canada

Deuxième lecture—Suspension du débat

L'honorable Nicole Eaton propose que le projet de loi C-277, Loi visant l'élaboration d'un cadre sur les soins palliatifs au Canada, soit lu pour la deuxième fois.

—Votre Honneur, chers collègues, c'est un plaisir pour moi de présenter le projet de loi C-277, Loi visant l'élaboration d'un cadre sur les soins palliatifs au Canada. C'est en effet un grand plaisir pour moi d'appuyer ce projet de loi d'initiative parlementaire, qui a été adopté à l'unanimité par la Chambre des communes.

Ce projet de loi vise l'élaboration d'un cadre destiné à faciliter l'accès aux soins palliatifs au Canada. Je tiens d'ailleurs à en féliciter la marraine, la députée de Sarnia—Lambton. Elle n'a ménagé aucun effort pour consulter les parties intéressées, discuter avec elles et forger un consensus sur des questions aussi importantes que la formation médicale, la recherche, l'accès accru à des soins palliatifs axés sur le patient, les soins à domicile et en milieu communautaires ainsi que les hôpitaux et les établissements offrant des soins de longue durée.

Grâce à ce cadre, les principaux obstacles aux soins palliatifs recevront l'attention voulue, tandis que les compétences du fédéral et des provinces concernant la prestation des soins de santé seront respectées. La ministre de la Santé a fait un très bon accueil au projet de loi C-277.

[Français]

Nous savons que, pour les quatre prochaines années, la ministre a alloué 3 milliards de dollars aux soins à domicile et aux soins palliatifs. Nous reconnaissons que les ressources sont toujours mises à rude épreuve et largement insuffisantes. Cependant, il faut établir des priorités et s'appuyer sur les connaissances et les pratiques exemplaires existantes, tout en travaillant de concert avec les fournisseurs de soins de santé afin d'obtenir les meilleurs résultats quant à l'amélioration des soins palliatifs pour les Canadiennes et les Canadiens.

[Traduction]

La ministre a aussi ajouté : « Améliorer l'accès aux soins à domicile, aux soins palliatifs et aux soins en milieu communautaire, c'est fournir un meilleur soutien aux patients à un coût plus abordable. » Je suis du même avis et j'invite mes collègues à garder ces mots à l'esprit lorsqu'ils se pencheront sur la question des soins palliatifs et de fin de vie.

J'étais également heureuse d'entendre la secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé dire ceci, lors des débats : « Le gouvernement croit que le projet de loi C-277 sera l'occasion de jouer un rôle structurant, à un moment crucial, dans ce dossier. Nous appuyons la création d'un cadre pour les soins palliatifs. »

Pendant une période de nombreuses années, le Parlement a réalisé plusieurs études sur les soins palliatifs de fin de vie. En 1995, le Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a publié son rapport, dans lequel il demandait au gouvernement de faire des programmes de soins palliatifs une priorité dans la restructuration du système de santé.

En 2000, le sous-comité du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a notamment recommandé que la prestation de soins de fin de vie de qualité fasse partie intégrante des valeurs fondamentales du système de santé du Canada.

En 2005, l'honorable Sharon Carstairs a publié un rapport intitulé Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Des soins de fin de vie de qualité : Rapport d'étape. Puis, en 2009, le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement a été formé. Il était présidé par la sénatrice Carstairs, et le sénateur Keon agissait comme vice-président. Ce comité a inclus les soins palliatifs dans ses travaux sur les besoins de la population vieillissante. En 2011, le Comité parlementaire multipartite sur les soins palliatifs et les soins de compassion publiait son rapport, qui s'intitulait Avec dignité et compassion : Soins destinés aux Canadiens vulnérables. Les recommandations contenues dans ce rapport ont guidé l'élaboration du projet de loi C-277.

Le projet de loi C-277 demande au ministre de la Santé d'élaborer, en consultation avec les représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec des fournisseurs de soins palliatifs, un cadre qui vise à améliorer l'accès aux soins palliatifs fournis par l'entremise des hôpitaux, des services à domicile, des établissements de soins de longue durée ou des maisons de soins palliatifs. Le cadre ainsi établi aurait les fonctions suivantes : établir en quoi consistent les soins palliatifs; déterminer les besoins en matière de formation des fournisseurs de soins de santé et de tout autre aidant; envisager des mesures à l'appui des fournisseurs de soins palliatifs; promouvoir la recherche ainsi que la collecte de données sur les soins palliatifs; établir des moyens de faciliter un accès égal aux soins palliatifs pour tous les Canadiens; prendre en considération les cadres, les stratégies et les pratiques exemplaires existants en matière de soins palliatifs; et, enfin, examiner l'opportunité de rétablir, au sein du ministère de la Santé, le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie.

En conclusion, le ministre de la Santé doit entamer les consultations dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la loi et il doit préparer un rapport énonçant le cadre sur les soins palliatifs et le déposer au Parlement dans un délai d'un an après l'entrée en vigueur de la loi et, cinq ans après le dépôt du rapport au Parlement, le ministre de la Santé doit préparer un rapport sur l'état des soins palliatifs au Canada et le déposer au Parlement.

[Français]

Un cadre sur les soins palliatifs comme celui qui est énoncé dans le projet de loi C-277 cible des secteurs importants où les ressources, le renforcement des capacités et la cohésion font défaut, ce qui entraîne la prestation de services fragmentés, voire l'absence de services partout au pays.

C'est un cadre qui guide et qui réunit les deux ordres de gouvernement et les associe à des fournisseurs de soins de santé palliatifs de première ligne. Ce cadre n'amplifie pas la bureaucratie, mais il cible ce qui doit être fait maintenant, en fonction de ce que nous savons déjà et des pratiques exemplaires existantes.

[Traduction]

C'est la bonne approche. Elle suppose le respect des champs de compétence provincial et fédéral et une collaboration pour régler efficacement tous les problèmes et mettre en œuvre les changements pour que les Canadiens puissent tous bénéficier de soins de qualité.

Beaucoup de travail a déjà été fait pour élaborer un cadre avec l'aide de la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada, qui regroupe 37 organismes membres à l'échelle du pays. Ce cadre est une feuille de route pour la mise en place de soins palliatifs intégrés, qui se trouve dans le document « Aller de l'avant ». Cette feuille de route vise à guider les professionnels de la santé à mesure qu'ils adopteront une approche plus intégrée des soins palliatifs.

À l'heure actuelle au Canada, il y a plus de gens âgés de 65 ans et plus que d'enfants âgés 14 ans et moins. Compte tenu du nombre de personnes âgées maintenant, un nombre qui ne pourra qu'augmenter, nous devons être mieux préparés que nous le sommes.

J'aimerais aborder quelques points cruciaux qui sont particulièrement préoccupants. L'un d'eux est l'accès insuffisant à des soins palliatifs au pays. Le 30 mai, lors d'audiences tenues dans le cadre de notre étude sur les répercussions économiques du vieillissement de la population au Comité sénatorial des finances nationales, nous avons entendu l'honorable Sharon Carstairs et l'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord.

L'ancienne sénatrice Carstairs, qui a fait beaucoup de choses dans le dossier du vieillissement et des soins palliatifs, a dit au comité que, lorsqu'elle a commencé à s'intéresser à la mort et à la fin de vie, en 1994, environ 5 p. 100 des Canadiens qui avaient besoin de soins palliatifs y avaient accès. Nous en sommes maintenant à près de 35 p. 100, ce qui veut dire que 65 p. 100 des Canadiens en fin de vie ne peuvent toujours pas recevoir de soins palliatifs de qualité.

Honorables sénateurs, ces chiffres donnent à réfléchir dans un pays comme le nôtre. Selon les données démographiques que l'ancienne sénatrice Carstairs et M. Lord ont fournies, la région de l'Atlantique est durement touchée parce que les personnes âgées y sont plus nombreuses qu'ailleurs. M. Lord a souligné que, en 15 ans, c'est-à-dire de 2001 à 2016, la population du Canada a augmenté de 17 p. 100, tandis que celle de l'Atlantique n'a augmenté que d'un peu plus de 2 p. 100. Le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus a augmenté de 52 p. 100 dans l'ensemble du Canada et de 50 p. 100 dans les provinces de l'Atlantique.

(1710)

L'ancienne sénatrice Carstairs, quant à elle, a dit au comité qu'il n'y avait pas de centre de soins palliatifs à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse. Il y a seulement deux centres de soins palliatifs au Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le plus récent rapport du comité parlementaire multipartite, paru en 2011 et qui, comme je l'ai mentionné, sert de base au projet de loi C-277, est arrivé à des conclusions similaires. Par exemple, l'un des témoins entendus par le comité, le Dr Fred McGinn, de la Hospice Society of Greater Halifax, a affirmé que, à l'échelle nationale, il n'y a que 30 centres de soins palliatifs indépendants au Canada, comparativement à 200 centres au Royaume-Uni et à plus de 1 300 aux États-Unis.

[Traduction]

Le même comité a également entendu des témoignages sur les coûts comparatifs de la prestation de soins palliatifs. Un lit pour soins palliatifs à domicile coûte approximativement 200 $ par jour, alors qu'un lit dans un centre de soins palliatifs coûte environ 300 $ par jour. Un lit en milieu hospitalier, quant à lui, coûte de 600 $ à 800 $ par jour. Finalement, dans de nombreuses provinces, des personnes vivent leurs derniers jours dans un lit de soins actifs dont le coût s'élève à 1 200 $ par jour ou plus.

On observe également une iniquité dans l'accès aux services de soins palliatifs entre les régions urbaines et les régions rurales ou éloignées du pays. En effet, en plus de la disponibilité réduite des ressources et de l'absence occasionnelle de services dans les localités rurales et éloignées, il y a aussi les problèmes de transport. Il n'est pas facile, par exemple, pour un patient de 85 ans ou pour le parent qui l'accompagne de faire un trajet de 30 à 40 minutes pour se rendre à un rendez-vous médical dans une autre localité. Ce trajet est plus facile pour une personne plus jeune. En outre, un patient qui doit aller vivre dans un centre de soins loin de chez lui sera encore plus isolé des gens qu'il a besoin d'avoir près de lui, à savoir sa famille et ses amis.

L'une des principales raisons pour lesquelles l'accès aux soins palliatifs est si problématique est la pénurie importante de professionnels de la santé qui ont reçu la formation nécessaire pour offrir des soins palliatifs de fin de vie.

Voilà une autre raison pour laquelle j'appuie fermement le projet de loi C-277 : il souligne la nécessité de formation et d'éducation afin de remédier aux pénuries et d'imposer des exigences de formation uniformes aux divers niveaux de fournisseurs de soins.

Le Dr José Pereira, qui a plus de 20 ans d'expérience en qualité de médecin spécialiste des soins palliatifs, est cofondateur et directeur scientifique de Pallium Canada, un organisme sans but lucratif qui offre une formation en soins palliatifs aux professionnels de la santé. Selon lui, il faut fournir une formation sur les soins palliatifs aux généralistes. Voici ce qu'il a dit au Comité de la santé de la Chambre des communes, en mars :

Si nous fournissons [...] les compétences [liées aux soins palliatifs] — c'est-à-dire comment évaluer les symptômes; comment les gérer; comment se renseigner au sujet d'une maladie; quels sont les besoins psychologiques, sociaux ou spirituels; et dans quelle mesure on peut venir en aide à la personne —, à ce moment-là, nous commençons à appliquer une approche palliative.

Selon le Dr Henderson, de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, la majorité des 17 facultés de médecine du Canada offrent moins de 20 heures de formation en soins palliatifs. Les étudiants en soins infirmiers reçoivent également aussi peu que 20 heures de formation sur les soins palliatifs et les soins de fin de vie.

En plus des lacunes dans la formation, ce qui est très préoccupant, c'est qu'il y avait moins de 200 gériatres au Canada en 2011, et que, selon les estimations, le Canada a besoin aujourd'hui d'environ 600 gériatres.

[Français]

La Dre Laura Diachun, de l'École de médecine et de dentisterie Schulich de l'Université Western, à London, en Ontario, a dit au comité, en 2011, qu'il est essentiel de comprendre comment mieux enseigner aux étudiants les principes des soins offerts aux personnes âgées. Elle croit que, avec le vieillissement des baby-boomers, les médecins devront consacrer la moitié de leur temps aux patients âgés de plus de 65 ans.

[Traduction]

Honorables sénateurs, si les lacunes en matière de formation ont déjà de graves répercussions sur l'accès aux soins en 2017, qu'arrivera-t-il avec le vieillissement croissant de la population?

Ces données plutôt consternantes nous amènent certainement à prendre conscience de l'ampleur des besoins et de la nécessité d'apporter des améliorations structurelles. Nous manquons de résultats de recherche et de données fiables sur les soins palliatifs au Canada, et le cadre proposé dans le projet de loi C-277 vise également à remédier à cette situation.

Il faut recueillir plus de données sur les patients qui ont besoin de soins palliatifs, notamment pour savoir où ils obtiennent ces services, comment ceux-ci sont offerts, s'ils sont efficaces et où sont les lacunes. Tous les partenaires ont besoin de ce genre d'informations tandis que des ressources et des structures sont créées et mises en œuvre pour améliorer l'accessibilité et la qualité des soins.

[Français]

Chacun d'entre nous, voire l'ensemble de la population, est de plus en plus sensibilisé aux questions liées aux soins palliatifs à la lumière de l'adoption et de la mise en œuvre récente du projet de loi sur l'aide médicale à mourir.

Son Honneur le Président : Sénatrice Eaton, pardonnez-moi de vous interrompre, mais il est maintenant 17 h 15.

[Traduction]

Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux, conformément à l'article 9-6 du Règlement. La sonnerie se fera entendre maintenant afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur la motion d'amendement au projet de loi C-210. Convoquez les sénateurs.

(Le débat est suspendu.)

(1730)

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Enverga, appuyée par l'honorable sénateur Ngo :

Que le projet de loi C-210 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'annexe, à la page 2, dans la version anglaise, par substitution des mots « all of us com-mand » par « all of our com-mand ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante :

L'honorable sénateur Enverga propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Ngo :

Que le projet de loi C-210 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'annexe, à la page 2, dans la version anglaise, par substitution des mots « all of us com-mand » par « all of our com-mand ».

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Ataullahjan Mockler
Batters Ngo
Doyle Oh
Eaton Smith
Enverga Tannas
Housakos Tkachuk
MacDonald Unger
Manning Wells—16

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Joyal
Bellemare Kenny
Black Lang
Boniface Lankin
Bovey Lovelace Nicholas
Brazeau Massicotte
Campbell McCoy
Christmas McPhedran
Cools Mégie
Cormier Mercer
Dawson Mitchell
Day Moncion
Dean Munson
Dupuis Omidvar
Dyck Pate
Eggleton Patterson
Forest Petitclerc
Fraser Pratte
Gagné Ringuette
Galvez Saint-Germain
Gold Seidman
Greene Tardif
Griffin Watt
Harder Wetston
Hartling White
Hubley Woo—52

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McIntyre
Beyak McInnis
Boisvenu Plett
Dagenais Poirier
Marshall Runciman—10

L'honorable Lynn Beyak : J'aimerais, Votre Honneur, prendre part au débat sur le projet de loi C-210.

Son Honneur le Président : Je vais prendre un instant pour dire quelques mots avant que vous ne commenciez, sénatrice Beyak.

(1740)

Honorables sénateurs, je résume brièvement où nous en sommes. De toute évidence, nous n'avons pas terminé le débat sur le projet de loi C-210 avant 17 h 15. Nous reprendrons donc ce débat dans un instant. Quand nous aurons terminé notre examen du projet de loi C-210, nous reprendrons l'étude du projet de loi C-277. La sénatrice Eaton pourra utiliser le temps de parole qu'il lui reste.

Nous reprenons le débat sur le projet de loi C-210.

La sénatrice Beyak : Je vous remercie, Votre Honneur.

Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national. Je me réjouis particulièrement d'intervenir après avoir entendu plusieurs sénateurs prononcer des discours remarquables à ce sujet.

Le 1er juillet, des voix résonneront jusqu'aux Prairies et jusqu'aux contrées du soleil de minuit. Elles résonneront au-delà des montagnes Rocheuses et jusqu'à la côte du Pacifique pour célébrer le passé glorieux du Canada et nos espoirs pour l'avenir, en français et en anglais, peut-être même en gaélique ou dans d'autres langues. Ici, sur la Colline du Parlement, de l'autre côté de ces fenêtres, des centaines de milliers de personnes vêtues de rouge et de blanc agiteront fièrement le drapeau unifolié et entonneront vigoureusement l'hymne national, en l'honneur du 150e anniversaire du pays.

Je suis fière de prendre part au débat que le Sénat consacre à ce projet de loi. Je suis aussi fière du niveau des débats et des discussions qu'on a pu entendre tout au long du parcours législatif de cette mesure, particulièrement au Sénat. Je tiens à remercier et à féliciter ceux qui sont déjà intervenus, qu'ils aient vanté les mérites du changement proposé ou défendu des traditions de longue date. Je vous lève à tous mon chapeau.

Nous oublions parfois à quel point le Canada est un pays formidable, qui sert de modèle au reste du monde. C'est particulièrement vrai aujourd'hui, si l'on examine le paysage mondial. Parfois, nous nous en rendons compte seulement lorsque d'autres nous le disent. Même nos voisins du Sud jettent souvent un regard envieux sur notre paisible patrie.

Honorables sénateurs, je vous rappelle les mots de l'autre Père de la Confédération et premier premier ministre, sir John A. Macdonald, qui a dit : « Soyons anglais ou soyons français, mais par-dessus tout soyons Canadiens. » Tentons donc d'incarner cet espoir et réunissons-nous, fidèles aux traditions de notre grand pays pour célébrer le cent cinquantième anniversaire du pays cette année.

Je m'oppose au projet de loi et souhaite l'amender aujourd'hui, car les Canadiens n'ont nullement été consultés au sujet de la modification de leur hymne national. Le projet de loi n'émane pas du gouvernement; il s'agit d'une initiative parlementaire. Si le gouvernement veut modifier l'hymne national, il doit consulter la population.

Le projet de loi d'initiative parlementaire a été adopté par la Chambre par compassion et tristesse pour un collègue mourant. Bien que cela soit touchant, ce n'est pas la façon de faire des politiques publiques en ce pays et ce n'est pas ainsi que nous faisons nos lois. Le Sénat a effectué un second examen objectif, mais n'a pas non plus fait de vastes consultations. Il n'y a donc pas de raison de mettre le projet de loi aux voix. Qu'il soit adopté ou non, je souhaite que, à l'occasion du 150e anniversaire du Canada, les Canadiens chantent notre hymne national traditionnel comme ils le chantent depuis des décennies.

Motion d'amendement

L'honorable Lynn Beyak : Honorables sénateurs, pour ces raisons, je propose :

Que le projet de loi C-210, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 1, par adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit :

« 2 La présente loi entre en vigueur le 1er juillet 2017 ou, si elle est postérieure, à la date de sa sanction. ».

Je vous remercie de votre temps et de votre attention, chers collègues.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l'opposition) : Je voudrais que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Il n'y a pas de whip. Je propose une sonnerie d'une heure.

La sénatrice Bellemare : Quinze minutes.

Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant une heure.

Honorables sénateurs, nous avons un léger problème. La sanction royale doit avoir lieu à peu près au même moment. Il est 17 h 45 en ce moment. Si la sonnerie doit retentir pendant une heure, il sera alors 18 h 45. Donnez-moi un instant, je vous prie.

Le sénateur Housakos : Votre Honneur, j'invoque le Règlement.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous avons assez de temps pour faire retentir la sonnerie pendant une heure, mais, tout de suite après la tenue du vote, nous devrons suspendre la séance jusqu'à l'arrivée du gouverneur général.

Le sénateur Housakos : Votre Honneur, avec tout le respect que je vous dois, je crois comprendre que, pour déterminer pendant combien de temps retentira la sonnerie, il faut l'accord des deux whips. En l'occurrence, le whip du gouvernement n'est pas présent. J'invoque donc le Règlement.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Normalement, en l'absence du sénateur Mitchell, j'agis à titre de substitut au whip. Je vois que le sénateur Mitchell arrive, et je crois qu'il demandera que le vote soit différé à demain.

[Traduction]

Son Honneur le Président : La sénatrice Bellemare, en tant qu'adjointe du représentant du gouvernement, serait bien capable d'agir à la place du sénateur Mitchell s'il n'était pas là. Toutefois, on ne peut pas retarder la tenue du vote sur l'ajournement d'un débat. Le vote d'ajournement doit avoir lieu quand tous les partis sont d'accord. Il ne peut pas être reporté. Ainsi, la sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 18 h 45.

Convoquez les sénateurs.

(1840)

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Ataullahjan Mockler
Batters Ngo
Beyak Oh
Carignan Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Enverga Runciman
Frum Seidman
Housakos Smith
Lang Stewart Olsen
MacDonald Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Unger
McInnis Wells
McIntyre White—30

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Joyal
Bellemare Kenny
Black Lankin
Boniface Lovelace Nicholas
Bovey Massicotte
Campbell McPhedran
Christmas Mégie
Cormier Mercer
Dawson Mitchell
Dean Moncion
Dupuis Munson
Dyck Omidvar
Eggleton Pate
Forest Petitclerc
Fraser Pratte
Gagné Ringuette
Galvez Saint-Germain
Gold Tardif
Greene Verner
Griffin Watt
Harder Wetston
Hartling Woo—45
Hubley

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Cools
Boisvenu Dagenais—4

(1850)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale que nous avons l'insigne honneur et privilège d'avoir parmi nous ce soir, à la tribune du gouverneur général, les 10 lieutenants-gouverneurs provinciaux et l'un des commissaires territoriaux du Canada : Son Honneur l'honorable Elizabeth Dowdeswell, lieutenante-gouverneure de l'Ontario; Son Honneur l'honorable J. Michel Doyon, lieutenant-gouverneur du Québec; Son Honneur l'honorable juge Arthur J. LeBlanc, lieutenant-gouverneur désigné de la Nouvelle-Écosse; Son Honneur l'honorable Jocelyne Roy-Vienneau, lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick; Son Honneur l'honorable Janice Filmon, lieutenante-gouverneure du Manitoba; Son Honneur l'honorable Judith Guichon, lieutenante-gouverneure de la Colombie-Britannique; Son Honneur l'honorable H. Frank Lewis, lieutenant-gouverneur de l'Île-du-Prince-Édouard; Son Honneur l'honorable Vaughn Solomon Schofield, lieutenante-gouverneure de la Saskatchewan; Son Honneur l'honorable Lois Mitchell, lieutenante-gouverneure de l'Alberta; Son Honneur l'honorable Frank F. Fagan, lieutenant-gouverneur de Terre-Neuve-et-Labrador; et, enfin, Son Honneur l'honorable Douglas George Philips, commissaire du Yukon.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, de suspendre la séance en attendant l'arrivée de Son Excellence le gouverneur général?

Des voix : Oui.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


(1900)

La sanction royale

Son Excellence le gouverneur général du Canada arrive et prend place au pied du Trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son Président. Il plaît à Son Excellence le gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants :

Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures (projet de loi C-7, chapitre 9, 2017)

Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada (projet de loi C-18, chapitre 10, 2017)

Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligation de présentation et de déclaration) (projet de loi S-233, chapitre 11, 2017)

Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l'impôt sur le revenu (projet de loi C-4, chapitre 12, 2017)

Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (projet de loi C-16, chapitre 13, 2017)

Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence (projet de loi C-6, chapitre 14, 2017)

Les Communes se retirent.

Il plaît à Son Excellence le gouverneur général de se retirer.


(Le Sénat reprend sa séance.)

(1910)

[Traduction]

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d'amendement—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Beyak, appuyée par l'honorable sénateur Dagenais :

Que le projet de loi C-210, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 1, par adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit :

« 2 La présente loi entre en vigueur le 1er juillet 2017 ou, si elle est postérieure, à la date de sa sanction. ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous reprenons le débat sur l'amendement de la sénatrice Beyak au projet de loi C-210.

L'honorable David M. Wells : Merci, Votre Honneur.

Je prends la parole pour parler de l'amendement de la sénatrice Beyak. Comme vous pourrez le constater, je n'aime pas ce projet de loi. Je ne crois pas qu'il représente la volonté des Canadiens. Il représente peut-être la volonté de la Chambre, qui l'a débattu et adopté avec beaucoup de sympathie, mais, à mon avis, il n'a pas été adopté en tenant compte de la volonté des Canadiens.

Je sais que, à Terre-Neuve-et-Labrador, la province que je représente, la majorité des personnes interrogées dans le cadre d'un sondage, des milliers de personnes, ont indiqué qu'elles ne voulaient pas que les paroles de l'hymne national soient changées.

L'autre jour, la sénatrice Lankin m'a déclaré qu'elle estimait qu'une poignée de sénateurs n'avaient pas le droit de bloquer ce projet de loi. Eh bien, je ne crois pas qu'une poignée de sénateurs aient le droit d'imposer l'adoption de ce projet de loi sans consulter la population canadienne et tenir compte de son opinion. Le sénateur Lang a parlé de cela jeudi dernier.

Cet après-midi, j'ai discuté avec un autre sénateur qui, en fin de semaine dernière, a participé à une activité au Canada atlantique. Deux cent cinquante personnes ont participé à l'activité, et à la fin de celle-ci, on leur a demandé : « Savez-vous que le Parlement étudie actuellement un projet de loi qui vise à changer l'hymne national? » Les participants se sont fait expliquer que dans la version anglaise de l'hymne, l'on souhaitait changer « all our sons' command » pour « all of us command. » On a ensuite demandé l'avis des quelque 250 personnes, et pas une seule d'entre elles ne souhaitait que l'hymne national soit modifié. Quand nous parlons de l'hymne national du Canada, nous parlons de nos traditions en tant que Canadiens, et je crois que, à titre de sénateurs et de Canadiens, nous nous devons de maintenir ces traditions.

Il y a quelques mois, j'ai longuement parlé, dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, de la tendance à changer les choses pour suivre la mode actuelle. Je crois que la rectitude politique est très en vogue aujourd'hui. J'ai parlé de cette œuvre d'art dans le coin et des autres tout autour, où il est possible qu'aucune femme ne soit représentée. Devrions-nous y ajouter des femmes juste pour être certains que ces œuvres d'art respectent l'égalité des sexes?

(1920)

Finalement, mesdames et messieurs les sénateurs, je crois que, au Sénat, quatre possibilités s'offrent à nous pour décider du sort d'un projet de loi. Nous pouvons l'adopter ou lui donner notre assentiment. Nous pouvons le rejeter. Nous pouvons l'amender. Nous avons aussi, chers collègues, les outils pour retarder son adoption. Je crois qu'il serait malhonnête de ma part de proposer un amendement ou un sous-amendement et de dire que, selon moi, il s'agit d'une excellente idée de l'adopter en raison de son bien-fondé.

Je serai très clair, chers collègues; je ne crois pas que ce projet de loi soit bon et je reconnais — comme ceux d'entre nous qui ne connaissent pas très bien la procédure parlementaire de la Chambre des communes viennent de le comprendre — que s'il est renvoyé amendé à la Chambre des communes, il mourra au Feuilleton, à moins d'accepter à l'unanimité un motionnaire pour le projet de loi. Chers collègues, je crois que tout le monde est conscient qu'une telle chose ne se produira pas.

Bien entendu, s'il s'agit d'un bon projet de loi, il sera éventuellement adopté. Il sera adopté à l'automne. Peut-être qu'il sera adopté ce soir, demain soir ou la semaine prochaine. Bien entendu, nous savons tous qu'il a été étudié par les deux Chambres du Parlement à plusieurs reprises sans être adopté. Il a été rejeté chaque fois, et ce, pour une bonne raison : il n'y a pas eu d'appui massif pour son adoption. On a souligné qu'il n'avait pas été mis aux voix. En fait, il y a bel et bien eu un vote. Un vote a eu lieu en 2015 à la Chambre des communes, et je crois que le résultat a été de 147 contre 122. On a voté pour refuser le libellé proposé.

Il va sans dire que, dans une chanson, toute personne peut chanter les paroles qu'elle veut. Si une personne ne se sent pas incluse dans l'hymne national en raison de son genre ou pour toute autre raison — sa région n'est pas nommée ou un autre motif quelconque — elle peut changer les mots comme elle le veut, comme elle le pourrait pour toute autre chanson, tout autre discours ou toute autre œuvre, pour favoriser son sentiment d'appartenance. Voilà pourquoi le Canada est un pays remarquable. Nous avons cette possibilité, nous pouvons dire ce que nous pensons et exprimer nos convictions.

Chers collègues, je vais proposer un sous-amendement à l'amendement de la sénatrice Beyak, mais je voulais expliquer clairement mes raisons — ce que j'ai fait, essentiellement, dans mon discours. À mon avis, ce projet de loi ne devrait pas être adopté. Une chose que nous pouvons faire, comme je l'ai dit, c'est de le retarder. Je sais que je ne peux pas le retarder indéfiniment, et je ne peux d'ailleurs rien faire sans aide, ici.

Motion de sous-amendement

L'honorable David M. Wells : Par conséquent, je propose, avec l'appui de l'honorable sénateur MacDonald :

Que la motion d'amendement proposée par l'honorable sénatrice Beyak soit modifiée, par substitution, aux mots « juillet 2017 ou, si elle est postérieure, à la date de sa sanction » des mots « septembre 2017 ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : Souhaitez-vous en débattre?

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion de sous-amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Les whips s'entendent-ils?

Le sénateur Plett : Nous voulons reporter le vote à demain.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Conformément à l'article 9-10 du Règlement, le vote est reporté à la prochaine séance, à 17 h 30, et la sonnerie retentira à compter de 17 h 15.

(Le vote est reporté.)

Projet de loi relative au cadre sur les soins palliatifs au Canada

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Eaton, appuyée par l'honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-277, Loi visant l'élaboration d'un cadre sur les soins palliatifs au Canada.

L'honorable Nicole Eaton : Le rapport final du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada souligne l'importance des soins palliatifs dans le contexte de l'aide médicale à mourir. Il précise « [...] qu'une demande d'aide médicale à mourir ne peut être véritablement volontaire si le demandeur n'a pas accès à des soins palliatifs appropriés pour alléger ses souffrances ».

Je crois fermement qu'il faut offrir l'ensemble des meilleures options disponibles à ceux qui sont en fin de vie, afin de leur donner, ainsi qu'à leur famille, un vrai choix. Le débat sur l'aide médicale à mourir nous a tous forcés à étudier plus en profondeur les questions auxquelles sont confrontés les gens qui ont besoin de soins palliatifs. Nous avons également pu en apprendre davantage sur ce que sont réellement les soins palliatifs et sur l'influence positive que peuvent avoir de bons soins palliatifs sur la qualité de vie des personnes en fin de vie et celle de leur famille.

Pendant le débat sur le projet de loi C-14, j'ai été très heureuse que les sénateurs adoptent un amendement que j'avais présenté. Cet amendement proposait que les patients prennent part à une consultation sur les soins palliatifs afin d'être informés, avant de prendre une décision définitive, au sujet des options en matière de traitement, de technologies et de soutien pouvant les soulager des douleurs.

Selon l'Association médicale canadienne, entre 1 et 3 p. 100 des Canadiens auront recours à l'aide médicale à mourir, alors que 90 p. 100 d'entre eux profiteraient de meilleurs soins palliatifs. Je sais que tous ici sont d'avis qu'il ne faut pas que les patients soient amenés à choisir la mort parce qu'ils n'ont pas accès aux soins palliatifs qui pourraient alléger leurs souffrances.

La Dre Elisabeth Kübler-Ross est la psychiatre suisse qui a inventé le modèle des « cinq étapes du deuil » et qu'elle décrit comme étant la suite des expériences vécues par les malades en phase terminale. Son modèle sert à comprendre et à aider les malades, et toute personne qui vit un deuil.

Les cinq étapes sont les suivantes : le déni, lorsque la personne vient d'apprendre le diagnostic et refuse de regarder la réalité en face; la colère, lorsque la personne devient frustrée de la situation qu'elle vit, qu'elle se demande comment et pourquoi cela lui arrive et qu'elle cherche quelqu'un sur qui jeter le blâme; le marchandage est l'étape où la personne croit que, en changeant certaines habitudes, elle pourra obtenir plus de temps; la dépression, étape où la personne perd l'espoir et peut s'isoler de sa famille et de ses amis; et, enfin, l'acceptation, la dernière étape où la personne peut devenir plus calme et sereine et réfléchir sur sa perception de la situation et de sa condition de mortel.

Si je mentionne le modèle Kübler-Ross, c'est que les expériences qu'il décrit peuvent s'appliquer, en tout ou en partie, aux malades et à leur famille, et que l'approche des soins palliatifs concerne bien plus que la dernière semaine de vie d'une personne; elle peut soutenir le malade et sa famille lorsqu'ils vivent ces expériences. Les soins palliatifs peuvent débuter environ un an avant le décès d'un malade et apporter une aide physique, émotionnelle et spirituelle.

[Français]

La compréhension des soins palliatifs est un volet important de la discussion, à la fois pour les parents et les familles qui sont confrontés à la situation, afin qu'ils vivent et en voient les avantages, et pour nous, dans cette Chambre, qui sommes appelés à débattre de ces grands enjeux.

[Traduction]

Au cours du débat sur le projet de loi C-14, j'ai donné la définition des soins palliatifs établie par l'Organisation mondiale de la Santé. Je crois qu'il est important d'y revenir, parce qu'elle nous rappelle que ces soins ne concernent pas seulement les étapes de la fin de vie d'une personne.

(1930)

Selon de l'Organisation mondiale de la Santé, les soins palliatifs se définissent comme suit :

Les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d'une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que par le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés. Les soins palliatifs :

  • procurent le soulagement de la douleur et des autres symptômes pénibles;
  • soutiennent la vie et considèrent la mort comme un processus normal;
  • n'entendent ni accélérer ni repousser la mort;
  • intègrent les aspects psychologiques et spirituels des soins au patient;
  • proposent un système de soutien pour aider les patients à vivre aussi activement que possible jusqu'à la mort;
  • offrent un système de soutien qui aide la famille à tenir pendant la maladie du patient et son propre deuil;
  • utilisent une approche d'équipe pour répondre aux besoins des patients et de leur famille, en y incluant si nécessaire une assistance au deuil;
  • peuvent améliorer la qualité de vie et influencer peut-être aussi de manière positive l'évolution de la maladie.

Ce projet de loi jouit d'un appui généralisé. Les différents ordres de gouvernement ont l'occasion de profiter de l'expérience et de la connaissance des nombreux organismes nationaux et provinciaux, ainsi que des intervenants concernés qui font déjà des travaux approfondis, ce qui permettra d'économiser des ressources et un temps précieux.

Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, mais, parmi les organismes chevronnés qui ont fait part de leur soutien, mentionnons l'Association médicale canadienne, l'Association des infirmières et des infirmiers du Canada, la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, Pallium Canada, les soins continus Bruyère, la maison St. Joseph's, la Résidence de soins palliatifs de l'Ouest-de-l'Île, la Société canadienne du cancer, et j'en passe.

Je voudrais pour conclure aujourd'hui citer les propos du Dr David Henderson, de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs. Il a dit ce qui sui :

Un travail remarquable a été fait à cet égard, mais nous avons toujours désespérément besoin d'un accès accru à des soins palliatifs de qualité. Il est grand temps que nous mettions tous les bouchées doubles pour que cela se concrétise. Grâce à la volonté de tous les ordres de gouvernement d'unir leurs forces à celles des experts en soins palliatifs à l'échelle du pays, et à un solide système de soins primaires, nous pouvons y arriver. Nos familles méritent ces soins.

Je vous remercie, honorables collègues. Je vous prie d'appuyer cet important et valable projet de loi. Faisons notre part en manifestant notre appui.

L'honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-277 et les propos éloquents de la sénatrice Eaton, qui souligne la nécessité d'élaborer un cadre sur les soins palliatifs au Canada, d'améliorer les soins palliatifs à l'échelle du pays et de faire en sorte que les personnes d'un océan à l'autre puissent jouir d'un accès équitable à ces soins. Croyez-moi, c'est nécessaire.

Je tiens également à saluer le discours de la sénatrice Cordy et sa recherche très approfondie pour son interpellation.

Les services de soins palliatifs dans les hôpitaux et les centres de soins palliatifs du Canada font de l'excellent travail. Je suis ravie de constater qu'il y a une augmentation des soins palliatifs prodigués à domicile, et j'ose espérer que les gens sont de plus en plus au fait de leur existence. Ces services essentiels sont relativement nouveaux.

Selon un article paru le 27 mai dernier dans le Winnipeg Free Press, la famille de Karalee Grant a découvert, près d'un an après le décès de cette jeune femme estimée et courageuse en 2010, ce que Palliative Care Manitoba aurait pu lui offrir. La mère de Karalee est maintenant la présidente du conseil d'administration de Palliative Care Manitoba, dont la vision est « que tous les Manitobains aux prises avec une maladie mortelle aient une qualité de vie jusqu'à la fin de leur vie, et que tous ceux qui les accompagnent soient pris en charge pendant le processus. » Cet organisme offre du soutien à toute personne qui a reçu un pronostic d'environ six mois à vivre.

En effet, les réseaux de soins palliatifs ont vu le jour pendant les années 1960 au Royaume-Uni, et ont depuis été mis en œuvre au Canada. Le premier bureau de soins palliatifs de Winnipeg a vu le jour en 1986, et je dois féliciter les équipes de chercheurs, de médecins, de professionnels de la santé et d'universitaires qui continuent de faire du travail d'avant-garde dans ce domaine. Nous avons besoin que ces travaux se poursuivent et que les soins palliatifs soient accessibles partout au pays, tant dans les organisations de soins de santé qu'à la maison.

Si vous le permettez, j'aimerais vous faire part de mon expérience personnelle à l'égard de cette question. J'ai vécu cette situation pendant quelques mois.

Tout d'abord, je tiens à contester un important malentendu généralisé. Les soins palliatifs ne visent pas — et ne devraient pas viser — les derniers jours ou les dernières semaines de vie d'une personne et ils ne devraient pas être offerts que lorsque toutes les autres options ont été épuisées. Les soins palliatifs devraient être offerts à un patient alors qu'il peut encore se prévaloir d'autres possibilités de traitement. Les soins palliatifs devraient servir à offrir la meilleure qualité de vie possible aux personnes en phase terminale. Pour obtenir des soins palliatifs, un patient ne devrait pas être obligé de renoncer à des traitements futurs, ce qui le priverait de nouvelles possibilités de soins pouvant s'offrir à lui.

Je sais que la situation que j'ai vécue est semblable à celle à laquelle bien des personnes doivent faire face tous les ans. Par conséquent, je vais raconter mon expérience pour leur rendre hommage et aussi pour réclamer l'élargissement des programmes, en particulier ceux qui touchent les soins palliatifs à domicile, qui s'avèrent être davantage empreints de compassion, moins stressants et moins coûteux que l'hospitalisation à long terme.

Mon mari a reçu son diagnostic quelques mois à peine après notre mariage. Au cours trois dernières années et demie de sa vie, nous avons vécu des moments merveilleux ensemble, mais aussi des périodes très difficiles. Il a fait face aux trois dernières années de sa vie — surtout les neuf derniers mois — avec courage, optimisme et réalisme. Lorsque nous avons appris qu'il était atteint d'une maladie mortelle, il a dit très clairement qu'il souhaitait mourir à la maison. J'ai été présente pour le soutenir aussi bien que j'ai pu.

À quelles difficultés psychologiques avons-nous dû faire face? Pour que mon mari puisse obtenir des soins palliatifs à domicile, il a dû renoncer à tout traitement nouveau ou expérimental. Il n'a pas voulu faire cela, car il était tout à fait disposé à agir comme cobaye pour l'essai de nouveaux médicaments. Tout en acceptant la réalité, il ne voulait pas signer un document qui indiquerait qu'il n'y avait plus d'espoir — il vivait d'espoir. Par conséquent, il a refusé de signer le document pendant environ six mois après le moment où cela aurait été le plus utile. Je tiens toutefois à souligner que les médecins traitants ont été formidables, honnêtes au sujet de sa situation et compatissants, tout comme d'ailleurs tous les membres du personnel responsables des soins destinés aux victimes du cancer. Je tiens à remercier et à féliciter les membres de ces professions indispensables, appréciées et difficiles.

Nous avons fini par signer le redoutable morceau de papier nous permettant d'avoir un lit d'hôpital à la maison. La vie est devenue beaucoup plus facile — autant pour lui que pour moi — après que nous ayons eu le lit. En tant que conservatrice d'art, j'avais déjà eu à porter des œuvres d'art. En tant que mère et grand-mère, j'avais également déjà eu à porter des enfants dans mes bras. Or, personne ne m'avait jamais montré comment porter un patient, surtout un patient plus grand que moi, atteint d'un cancer des os métastatique. J'ai appris à le faire, mais je n'aurais pas pu si je n'avais pas été en bonne condition physique.

Une fois le papier signé, nous avons eu droit à des soins palliatifs à domicile d'une durée de 20 à 30 minutes par jour le matin. Je savais déjà comment faire moi-même les injections puisque l'on ne pouvait pas me garantir qu'une infirmière puisse venir tous les jours à l'heure requise. Je devais faire le suivi des nombreux médicaments. À un moment, nous en avions pour 13 500 $ d'opioïdes par mois. Certains étaient couverts, d'autres non.

Enfin, nous avons eu droit à deux séances de soins de plus par semaine pour que je puisse m'acquitter de mes charges d'enseignement. Elles devaient couvrir la durée de mes cours et les 15 minutes avant et après. C'était une situation presque impossible. Je devais me rendre à l'université, me stationner, préparer l'ordinateur, les projets et tout le reste et être prête en 15 minutes. Heureusement que nous n'habitions pas loin.

[Français]

Mes étudiants se sont montrés très généreux à mon endroit lorsque j'ai dû leur demander de venir me rencontrer chez moi, ce qu'ils ont fait volontiers. Ils m'ont aussi téléphoné pour me poser leurs questions ou m'exposer leurs préoccupations au lieu de demander des rencontres individuelles après les cours.

Les tempêtes de neige, bien sûr, ont posé d'autres problèmes, tout comme les congés de maladie ou les vacances du personnel soignant. Ces professionnels ont été merveilleux, chacun d'entre eux. Ils étaient très contrariés lorsque, pour une raison ou une autre, ils ne pouvaient pas venir. Des amis nous ont aussi aidés, en prenant la relève pour me permettre d'aller à l'épicerie, à la pharmacie ou de m'acquitter de certaines obligations professionnelles.

[Traduction]

Les services de soins d'urgence contre le cancer ont été une bénédiction pour nous. Nous avons été chanceux que son omnipraticien accepte de faire des visites à domicile. Honnêtement, je ne sais pas ce que j'aurais fait si cela n'avait pas été le cas. C'était déjà assez difficile de se rendre à l'hôpital plusieurs fois par semaine et même souvent quotidiennement. J'étais obligée de laisser mon mari dans son fauteuil roulant à l'entrée pendant que je me stationnais plus loin. Il n'a finalement eu droit au transport adapté qu'au lendemain de sa mort. Bref, comme pour quiconque dans de telles circonstances, ce fut très difficile, sur les plans psychologique, physique et pratique. Nous nous sommes efforcés de maintenir une vie normale autant que possible. J'étais habituée à planifier et à concilier les responsabilités. J'étais en bonne santé et, si je puis me permettre de le dire, encore suffisamment jeune. Comme j'avais déjà été veuve auparavant, je savais à quoi m'attendre. Ma priorité était son confort et sa dignité. Je voulais qu'il soit en mesure de faire ce qu'il voulait aussi longtemps qu'il le pouvait. Mais qu'en est-il des autres personnes qui vivent la même situation?

(1940)

Que font les gens qui travaillent dans un bureau ou ailleurs et dont l'horaire n'a aucune flexibilité? Comment s'y prennent les personnes qui sont plus âgées que je l'étais de 10 ans, 20 ans ou plus? Et que faire lorsque le conjoint n'a pas la force physique nécessaire pour soulever de lourdes charges, cuisiner, ou aider le malade avec le fauteuil roulant, l'accès à la voiture, les rendez-vous et les innombrables soins nécessaires? Comment s'y prennent ceux qui n'ont pas d'amis ou de parents pour donner un coup de main, ou qui n'ont pas les moyens d'embaucher un soignant ou de se payer une autre forme d'aide? La période de 20 minutes d'aide qu'on m'accordait chaque jour était bienvenue, mais elle était franchement insuffisante pour répondre aux besoins quotidiens.

Je suis contente que nous soyons arrivés à nous débrouiller assez bien, du moins jusqu'aux 36 heures qui ont précédé le décès. L'état de mon mari s'est soudainement détérioré, à un point tel qu'il m'était impossible de m'occuper de lui à la maison. Il lui fallait des analgésiques que je ne pouvais pas lui administrer.

Honorables sénateurs, j'ai hâte au jour où, pour obtenir des soins palliatifs à domicile et rester à la maison aussi longtemps qu'on le souhaite, il ne sera plus nécessaire d'avoir un conjoint possédant un emploi, la capacité physique et mentale ainsi que les moyens financiers qui le permettent. Il me tarde de voir le jour où on pourra accéder à des soins palliatifs à domicile sans avoir à renoncer à des traitements supplémentaires ou expérimentaux.

Étant donné tout le temps que j'ai passé au petit musée que j'ai fondé à l'hôpital St-Boniface, il y a 10 ans, je sais combien il est constructif de se vouer à des activités correspondant à nos champs d'intérêt. Je sais aussi combien il est motivant de pouvoir de s'adonner aux choses qui nous intéressent dans le confort de la maison.

Assurons-nous de faire en sorte que le système national de soins palliatifs donne à chacun, où qu'il réside, la même chance de vivre sa vie selon ses désirs. J'espère donc que vous vous joindrez à moi pour appuyer le projet de loi C-277.

(Sur la motion de la sénatrice Hubley, au nom de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Andreychuk, appuyée par l'honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle).

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je m'étais engagé jeudi dernier à prendre part au débat. Je suis heureux de pouvoir le faire ce soir.

J'aimerais aussi vous dire que j'ai eu l'occasion de m'entretenir aujourd'hui avec l'honorable Rona Ambrose, qui parraine le projet de loi à l'autre endroit. Je n'ai absolument aucun doute sur les objectifs que vise Mme Ambrose avec ce projet de loi. Je tiens en outre à féliciter la sénatrice Andreychuk pour la façon dont elle a présenté le projet de loi, en résumant parfaitement bien son objectif.

J'aimerais toutefois vous faire part de certaines inquiétudes que j'ai par rapport au projet de loi, auquel ont d'ailleurs accordé énormément d'attention le Conseil canadien de la magistrature, le Barreau canadien et le Barreau du Québec. Les trois mémoires déposés le 19 et le 20 avril à l'autre endroit ont suscité d'importantes questions. J'aimerais donc vous faire part de ce que je pense de ces mémoires.

Le projet de loi vise deux objectifs. Comme on l'indique dans le sommaire du projet de loi, le premier vise à garantir que tous les candidats à la magistrature dans les postes qui relèvent des compétences du gouvernement fédéral aient :

[...] suivi un cours de perfectionnement complet [sur les] agressions sexuelles.

Le premier objectif consiste donc à obliger les candidats à suivre un cours de perfectionnement complet sur les agressions sexuelles.

Le deuxième objectif du projet de loi consiste à exiger du Conseil canadien de la magistrature qu'il produise un rapport sur les colloques de perfectionnement juridique à l'intention du ministre de la Justice, qui présentera le rapport au Parlement.

J'ai quelques observationsà faire au sujet du premier objectif du projet de loi, qui vise à rendre obligatoires les cours de perfectionnement complets. D'abord, avant que sa candidature soit prise en considération aux fins de nomination, tout avocat qui pratique le droit ou est un membre du Barreau depuis 10 ans sera tenu d'assister au colloque énoncé dans l'article 3 du projet de loi. Il s'agit d'un colloque qui sera mené à la satisfaction du commissaire désigné dans la Loi sur les juges.

Qui est ce commissaire? Il s'agit de celui qui est prévu à l'article 74 de la Loi sur les juges. En gros, le commissaire a le statut d'administrateur général de ministère et il est responsable de l'application de la partie 1 du projet de loi et des mesures d'ordre administratif prévues par la loi ainsi que, dans le cadre de sa compétence, de la bonne administration de la justice au Canada.

Essentiellement, nous investissons un fonctionnaire de la responsabilité de s'assurer que les colloques sont menés exactement de la façon prévue dans l'article 3 du projet de loi et que seuls les candidats qui ont suivi ces colloques à la satisfaction du commissaire soient jugés admissibles.

Je réfléchissais à cela, car, selon les lois provinciales régissant l'ordre professionnel, la prestation de la formation des avocats est habituellement de compétence provinciale. J'ai lu les responsabilités des ordres professionnels des juristes, selon la loi du Québec, que voici. Les ordres doivent s'assurer :

[Français]

[…] qu'ils peuvent contrôler la compétence et l'intégrité de leurs membres. Ainsi, avant d'admettre un candidat à l'exercice de la profession ou de délivrer un permis d'exercice, l'ordre s'assure que ce dernier possède la formation et les compétences requises.

En outre, le comité d'inspection procède principalement à la vérification de la qualité des services du professionnel. Il peut aussi recommander au conseil d'administration l'ordre d'imposer à un membre, premièrement, un stage; deuxièmement, un cours de perfectionnement; troisièmement, la limitation et la suspension de son droit d'exercice.

[Traduction]

Il est clair, d'après moi, que le fait de forcer un avocat à suivre un séminaire à la satisfaction d'un commissaire fédéral constitue une intrusion dans une compétence provinciale relative à l'ordre professionnel, car tous les candidats ne sont pas forcément candidats à un poste à la Cour supérieure ou à une nomination où ils se pencheront sur des affaires d'agressions sexuelles. Ils peuvent aussi être nommés à la Cour fédérale, à la Cour d'appel fédérale, à la Cour d'amirauté, à la Cour de l'impôt. Il se peut aussi qu'ils accèdent à la Cour supérieure mais que, en raison de leur formation dans le domaine, par exemple, du droit du travail, du droit commercial ou du droit civil, ils n'entendent jamais d'affaires d'agression sexuelle.

(1950)

Autrement dit, c'est un fonctionnaire fédéral qui surveillera cette obligation généralisée et sera appelé à trancher. Selon moi, honorables sénateurs, c'est aux provinces d'encadrer le travail des avocats, et le projet de loi empiète sur cette compétence. Je ne remets pas en cause l'objectif qu'on cherche ici à atteindre. J'y souscris au contraire, puisqu'on veut que les juges qui instruisent les causes d'agression sexuelle aient suivi un cours de perfectionnement sur, comme le dit le texte, le contexte social des agressions sexuelles et tout ce qui a trait au :

[...] droit relatif aux agressions sexuelles, cours [...] où sont abordés notamment les interdits concernant la preuve, les principes sous-tendant le consentement, la procédure à suivre lors des procès pour agression sexuelle, de même que [les] mythes et les stéréotypes associés aux plaignants dans les affaires d'agression sexuelle.

C'est ce qui résume la première réserve que suscite chez moi l'article 3 du projet de loi.

Le deuxième groupe de réserves a trait au fait que les juges qui sont déjà nommés seront tenus d'assister à un colloque sur les questions liées aux agressions sexuelles, lequel devra être offert en consultation avec des survivants d'agression sexuelle ainsi que des groupes et des organismes qui les aident.

Le problème que j'ai concerne l'alinéa 11d) de la Charte. Voici ce que dit l'alinéa 11d) :

Tout inculpé a le droit : [...] d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable [...]

Alors, qu'est-ce qui définit un tribunal indépendant et impartial? Depuis 30 ans, les tribunaux canadiens, et plus particulièrement la Cour suprême du Canada, ont souvent eu l'occasion d'interpréter l'alinéa 11d) de la Charte afin de déterminer ce que cette expression signifie en droit canadien. Il y a eu trois causes importantes à cet égard : l'affaire Valente, en 1985, l'affaire Beauregard, en 1986, et une autre affaire plus récente portant sur la rémunération des juges à l'Île-du-Prince-Édouard, en 1997.

Ces trois affaires ont donné à la Cour suprême l'occasion de faire valoir que le principe de l'indépendance des tribunaux est essentiel à la solidité structurelle du Canada. Rappelons que notre système de gouvernement est composé de trois pouvoirs : le pouvoir judiciaire, axé sur la gouvernance, le pouvoir exécutif, c'est-à-dire le gouvernement, et le pouvoir législatif. Pour maintenir l'équilibre nécessaire, le pouvoir judiciaire doit demeurer pleinement indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Les tribunaux l'ont souligné très clairement. Dans le contexte de ces trois causes, ils ont réitéré que non seulement l'indépendance réelle, mais aussi l'apparence d'indépendance du pouvoir judiciaire sont essentielles.

Par conséquent, en plus des dispositions législatives qui sous-tendent l'indépendance du pouvoir judiciaire — comme le font l'article 99 de la Constitution, qui porte sur la sécurité d'emploi des juges, et l'article 100, qui voit à leur autonomie financière —, l'ensemble du système doit faire en sorte que les juges soient à l'abri des pressions que pourraient exercer le pouvoir législatif, les parties d'une affaire ou la population.

Selon moi, le projet de loi aura la conséquence suivante. On aura des données sur les juges qui ont participé à des séminaires et sur ceux qui ont entendu des affaires d'agression sexuelle. Les gens utiliseront ces données pour pousser le système judiciaire à aborder les affaires d'agression sexuelle autrement.

Les juges doivent être impartiaux. Comme je l'ai mentionné, l'alinéa 11d) de la Charte indique qu'une personne doit pouvoir être entendue par un tribunal indépendant et impartial; c'est essentiel. Qu'est-ce qu'un tribunal indépendant et impartial? Dans la première affaire que j'ai mentionnée, l'affaire Valente de 1985, le juge Le Dain a indiqué que l'impartialité d'un tribunal fait référence à un état d'esprit objectif, entretenu par le fait de s'appuyer sur la loi pour résoudre les différends.

Autrement dit, le juge doit être dans un état d'esprit qui le place dans une position complètement objective devant les parties qui se présentent à lui : la victime et le prévenu. Il ne doit avoir de prédisposition favorable envers aucun des deux. Le droit pénal du Canada se fonde sur la présomption d'innocence. Le prévenu jouit de cette présomption, et la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable qu'il est coupable.

M. Green, qui est professeur à l'Université York, a écrit un article, dont je vous ai parlé, sur la doctrine de l'indépendance judiciaire que la Cour suprême du Canada a élaborée. Il a écrit ce qui suit à la page 191 :

Il est essentiel que les juges tranchent autant que possible les différends sans préjugés favorables ou hostiles à l'égard de l'une ou l'autre des parties en cause, c'est-à-dire avec impartialité. L'une des façons de favoriser l'impartialité consiste à veiller à ce que le juge soit à l'abri de toute ingérence extérieure des parties en cause ou des autres parties intéressées qui pourrait l'influencer.

Le projet de loi — à mon humble avis — insiste davantage sur les « survivants d'agression sexuelle ainsi que [sur les] groupes et [les] organismes qui les aident ».

Bref, on attire l'attention sur une seule partie du procès, c'est-à-dire les survivants d'agression sexuelle ainsi que les groupes et les organismes qui les aident. Il est donc évident qu'on se situe à l'extérieur du cadre de la victime et du prévenu. En fait, on se situe plutôt dans le cadre des réseaux sociaux qui défendent les droits des victimes d'agression sexuelle et qui cherchent à aider celles-ci. Il faut qu'il y ait équilibre, sans quoi on aura l'impression que le juge cherche davantage à défendre les intérêts de la victime au détriment de l'impartialité générale du procès. C'est l'impression que donne le projet de loi. Je ne dis pas que c'est ce qui produira, mais quand on lit le projet de loi, on a l'impression que c'est le but visé.

Ainsi, même si je suis favorable à l'idée que l'on forme les juges...

Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : Accordez-vous cinq minutes de plus, honorables collègues?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Joyal : Même si je suis favorable à ce qu'on forme les juges chargés des affaires d'agression sexuelles, la proposition d'inscrire une telle formation dans la loi me pousse à exercer un second examen objectif. Si on fait cela pour les victimes d'agression sexuelle, pourquoi ne pas le faire également pour les Autochtones? Leur relation avec le système de justice est désastreuse. En ce qui concerne la relation des Autochtones avec le système de justice, j'aimerais citer les recommandations 27 et 28 du rapport de la commission, à laquelle le sénateur Sinclair a participé.

Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation dit ceci :

27. Nous demandons aux écoles de droit du Canada d'exiger que tous leurs étudiants suivent un cours sur les peuples autochtones et le droit, y compris en ce qui a trait à l'histoire et aux séquelles des pensionnats, à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, aux traités et aux droits des Autochtones, au droit autochtone de même qu'aux relations entre l'État et les Autochtones. À cet égard, il faudra, plus particulièrement, offrir une formation axée sur les compétences pour ce qui est de l'aptitude interculturelle, du règlement de différends, des droits de la personne et de la lutte contre le racisme.

(2000)

On peut lire ce qui suit au paragraphe 28 :

Nous demandons aux écoles de droit du Canada d'exiger que tous leurs étudiants suivent un cours sur les peuples autochtones et le droit [...] À cet égard, il faudra, plus particulièrement, offrir une formation axée sur les compétences pour ce qui est de l'aptitude interculturelle, du règlement de différends, des droits de la personne et de la lutte contre le racisme.

Je crois que notre collègue, le sénateur Sinclair, l'a bien dit. C'est à la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et aux écoles de droit qu'il incombe de former les avocats. Une fois que ces avocats seront nommés juges ou qu'ils interviendront dans des affaires liées à des Autochtones, notamment dans des affaires d'agression sexuelle, ils auront déjà suivi la formation voulue. Toutefois, si nous modifions la Loi sur les juges pour y arriver, nous devons le faire pour les peuples autochtones, parce que nous savons que 23 p. 100 des prisonniers au Canada sont d'origine autochtone. En Saskatchewan, la province de notre estimée collègue, la sénatrice Andreychuk, 48 p. 100 des prisonniers sont des Autochtones. On peut en conclure que le système de justice comporte des lacunes en ce qui concerne les Autochtones, tout comme il comporte des lacunes en ce qui concerne les victimes d'agression sexuelle. Mon humble conclusion, c'est que, si nous procédons de la façon prévue dans le projet de loi, nous devons le faire pour les deux groupes de personnes qui font l'objet de discrimination dans le cadre de notre système de justice.

Honorables sénateurs, je fais humblement valoir que, avant d'accepter les principes énoncés dans le projet de loi C-337, nous devons soumettre le projet de loi à un second examen objectif — pas parce que je m'y oppose. Je souscris complètement à l'objectif du projet de loi. Le gouvernement à l'autre endroit a présenté le projet de loi C-51 la semaine dernière, qui porte sur le niveau de preuve requis au titre du Code criminel et les mesures prévues dans le Code criminel pour la protection des victimes. J'ai lu le projet de loi. À première vue, j'ai l'impression que le projet de loi est entièrement conforme à la Constitution. Cependant, il soulève quelques questions sur le plan constitutionnel qui ont été très bien définies par le Conseil canadien de la magistrature.

Qui forme le Conseil canadien de la magistrature, honorables sénateurs? La réponse se trouve à l'article 59 de la Loi sur les juges. Le Conseil canadien de la magistrature est composé — écoutez bien ceci — du juge en chef du Canada, qui en est le président, et :

b) des juges en chef, juges en chef associés et juges en chef adjoints des juridictions supérieures ou de leurs sections ou Chambres;

c) des juges principaux [...] des cours suprêmes du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest et de la Cour de justice du Nunavut;

d) du juge en chef de la Cour d'appel de la cour martiale du Canada.

Il y a deux mois, 39 des plus haut, juges du Canada ont présenté un mémoire à l'autre endroit. On peut y lire ce qui suit en conclusion, au paragraphe 28 :

[...] Nous sommes d'avis qu'une telle obligation porterait atteinte à l'indépendance de la magistrature et au maintien du contrôle qu'elle exerce sur les questions de formation et de discipline des juges.

L'Association du Barreau canadien, comme je l'ai dit, a présenté un mémoire semblable qui indiquait ceci :

Bien que nous reconnaissions que [...] le dessein [du projet de loi n'est pas de miner l'indépendance ou l'intégrité des juges], un tel effet pourrait s'avérer inacceptable sur le plan constitutionnel.

Le Barreau du Québec en est venu à une conclusion semblable.

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, j'ai terminé.

Je suggère, honorables sénateurs, que nous réfléchissions sérieusement aux répercussions constitutionnelles du projet de loi et je vous remercie de m'avoir écouté à ce sujet.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

Modernisation du Sénat

Premier rapport du comité spécial—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du premier rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant, déposé auprès du greffier du Sénat le 4 octobre 2016.

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je n'ai pas encore terminé la structure des idées que j'aimerais partager avec vous concernant le premier rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. Avec votre consentement, honorables sénateurs, j'aimerais pouvoir y revenir à une date ultérieure.

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Neuvième rapport du comité spécial—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Frum, appuyée par l'honorable sénatrice Beyak tendant à l'adoption du neuvième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant (période des questions), présenté au Sénat le 25 octobre 2016.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables collègues, j'aimerais pouvoir retourner quelques années en arrière dans mes recherches. Je demande donc qu'on reprenne le compte des jours à zéro.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Sixième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Rapport sur le cas de privilège concernant les fuites du rapport du vérificateur général sur les dépenses des sénateurs, présenté au Sénat le 13 avril 2017.

L'honorable Joan Fraser : Honorables collègues, je sais que vous n'êtes pas tous fascinés comme moi par les moindres détails du Règlement du Sénat et des rapports du Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je n'ai pas encore trouvé le moyen de rendre mes observations sur ce rapport suffisamment captivantes pour que vous soyez tous rivés à votre siège. Je demande donc votre consentement afin d'ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

Langues officielles

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles—Adoption du cinquième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles (Budget—étude sur la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 15 juin 2017.

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des langues officielles propose de se rendre à l'Île-du-Prince-Édouard afin d'y tenir des audiences publiques et de mener une mission d'étude portant sur la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Le comité attache beaucoup d'importance à cette étude, car, en 2019, nous célébrerons les 50 ans de la Loi sur les langues officielles. Depuis son adoption, le cadre législatif en matière de langues officielles a subi deux modifications majeures. Nous estimons toutefois que la Loi sur les langues officielles n'a pas été suffisamment modernisée pour refléter les changements sociolinguistiques, démographiques, sociologiques ou jurisprudentiels qui se sont effectués dans notre pays.

La Société Nationale de l'Acadie, qui regroupe des organisations de jeunes du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador, tiendra son assemblée générale du 22 au 24 septembre 2017. Nous pensons donc qu'il s'agirait d'une excellente occasion pour les membres du comité d'aller rencontrer des jeunes de la communauté acadienne et de profiter de ce grand rassemblement pour tenir des audiences publiques. Le budget proposé de 67 400 $ servirait à couvrir les frais de déplacement et d'hébergement des sénateurs et de l'équipe de soutien, composée d'un analyste, de sténographes et d'interprètes.

(2010)

Honorables sénateurs, au nom du comité, je vous remercie d'accorder toute l'attention voulue à cette demande de budget dans le cadre de cette étude que nous jugeons comme étant des plus importantes.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Agriculture et forêts

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier—Adoption du huitième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts (Budget—les effets potentiels du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 15 juin 2017.

L'honorable Terry M. Mercer, au nom du sénateur Maltais, propose que le rapport soit adopté.

— Chers collègues, je prends la parole au sujet du huitième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Ce rapport concerne notre étude des effets potentiels du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Il s'agit d'une demande de fonds pour permettre aux membres du comité de se rendre à Halifax et à Montréal du 1er au 6 octobre de cette année, et couvrir notamment les frais liés au personnel, aux agents de communication et aux interprètes. Le comité demande 115 770 $. Je crois que vous trouverez cette demande raisonnable. Il s'agit d'une étude importante, avec laquelle nous avons hâte d'aller de l'avant. J'espère pouvoir compter sur votre appui.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2017

Motion tendant à donner instruction au Comité des finances nationales de diviser le projet de loi en deux—Rejet de la motion

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pratte, appuyée par l'honorable sénatrice Gagné,

Que ce soit une instruction au Comité sénatorial permanent des finances nationales de diviser le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures, en deux projets de loi, afin qu'il puisse traiter séparément des dispositions concernant la Banque de l'infrastructure du Canada contenues à la section 18 de la partie 4 dans un projet de loi et des autres dispositions du projet de loi C-44 dans l'autre projet de loi.

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais faire valoir brièvement un certain nombre d'arguments qui militent en faveur de la motion visant à séparer les dispositions sur la Banque de l'infrastructure du reste du projet de loi C-44.

Lorsque le ministre Morneau a comparu devant le Comité sénatorial des finances, il a dit que le gouvernement s'était fixé comme prochaine étape, dans son plan, de renforcer et de faire croître la classe moyenne, une rengaine qu'il a répétée à de multiples reprises.

Avec le même degré d'enthousiasme, il a déclaré que la Banque de l'infrastructure constituait la pierre angulaire de cet effort. Je cite le ministre :

[...] il est fondamental, pour la réalisation de notre plan, que nous injections des sommes sans précédent dans les infrastructures publiques afin de bâtir des collectivités plus fortes et plus saines et de préparer l'économie canadienne pour l'avenir.

Pourtant, lorsque les fonctionnaires du ministère ont témoigné devant le même comité, ils ont indiqué que la Banque de l'infrastructure ne constituait qu'une partie relativement petite du programme, dans son ensemble. Je crois qu'ils ont employé le mot « créneau ».

En quelques jours, la proposition de créer la banque est passée de l'état de créneau à celui de pièce maîtresse du cadre financier du gouvernement.

Si nous devons séparer cette partie du reste du projet de loi C-44, c'est principalement parce que le gouvernement ne nous a pas fourni suffisamment de détails sur son plan.

Permettez-moi de citer des faits. Les articles 403 à 406 de la section 18 du projet de loi C-44 édictent la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada. Or, ces quatre articles équivalent tout simplement à donner carte blanche au gouvernement.

Le sénateur Pratte a tout à fait raison de proposer que nous séparions les quatre articles en question du reste du projet de loi C-44. Les parlementaires méritent d'obtenir davantage d'information pour déterminer comment les 35 milliards de dollars issus des poches des contribuables seront gérés et utilisés, quels avantages la nouvelle banque leur procurera et quels seront les risques. Les journalistes, les experts et les gouvernements provinciaux veulent, eux aussi, en savoir davantage.

Permettez-moi de vous lire quelques titres d'articles parus dans les journaux depuis un mois. « Les échecs du passé viendront hanter la Banque de l'infrastructure », peut-on lire dans le National Post du 19 mai; « De nombreux facteurs devront concourir pour que la Banque de l'infrastructure fonctionne bien », dans le Globe and Mail du 10 juin; « Trop de questions sans réponse au sujet de la Banque de l'infrastructure du Canada », dans le Globe and Mail du 12 juin; « La Banque de l'infrastructure n'est pas dans l'intérêt du public », dans le Toronto Star du 11 mai; « Les libéraux accouchent d'une banque de l'infrastructure qui n'offre aux Canadiens que des inconvénients et des risques », dans le National Post du 2 juin; « Le programme d'incubateur à fiascos de la Banque de l'infrastructure » — ce n'est pas moi qui le dis, mais bien le Globe and Mail du 19 mai.

Honorables sénateurs, tout ce que nous demandons, c'est plus d'information pour répondre à des questions fondamentales. Je rappelle à tous que le gouvernement du Québec a demandé que la compétence de chacune des provinces et de chacun des territoires soit respectée par rapport à la Banque de l'infrastructure. Le Québec a exprimé ses préoccupations.

Cela dit, des questions demeurent. Quels sont la vision et le plan du Canada en matière d'infrastructure? Quel est le but de la Banque de l'infrastructure du Canada? Comment gérera-t-on les risques et l'établissement des coûts? Quel rôle les provinces et les territoires que nous représentons joueront-ils dans le processus décisionnel? Quel cadre garantit la consultation des provinces et des territoires sur les approbations et les résultats? Pourquoi le modèle de gouvernance et d'exploitation de la Banque de l'infrastructure du Canada proposée est-il passé du concept d'une banque indépendante à celui d'un organisme subventionnaire plus ou moins contrôlé par le gouvernement fédéral?

Honorables sénateurs, la seule chose qui soit claire par rapport à la Banque de l'infrastructure du Canada, c'est qu'on ne l'a pas encore justifiée. Trop de questions fondamentales demeurent sans réponse, en particulier lorsque 35 milliards de dollars des contribuables sont en jeu.

Je suis du même avis que le sénateur Pratte. La création d'une Banque de l'infrastructure nécessite une étude plus approfondie. La séparation de ces quatre articles permettra de procéder sans délai à l'adoption du projet de loi d'exécution du budget, sans compromettre notre rôle de parlementaires, qui consiste à exercer une diligence raisonnable. Merci.

Des voix : Bravo!

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Est-ce que le leader accepterait de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Smith : Je ferai de mon mieux pour y répondre.

Le sénateur Harder : Les rôles sont inversés.

Le sénateur Plett : Voyons s'il répond aux questions mieux que vous ne le faites.

Le sénateur Harder : Je n'en doute pas, sénateur Plett.

Le sénateur Mitchell : Il va simplement citer le Globe and Mail.

Le sénateur Harder : Sénateur Smith, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que vos commentaires concernant le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces constituent une tactique de diversion? Le ministre Morneau a rassuré les membres du comité en déclarant ce qui suit :

Soyons clairs : la banque n'empiétera pas sur les compétences provinciales. Nous sommes convaincus que la banque sera assujettie aux lois municipales, provinciales et fédérales. Le partage des compétences entre les gouvernements provinciaux et fédéral sera respecté.

Toutes les lois provinciales et territoriales pertinentes s'appliqueront à tous les projets dans lesquels la banque investira. Ni la banque ni les projets ne feront l'objet d'exceptions particulières. Nous avons obtenu un avis juridique à ce sujet et c'est très clair.

Par la suite, les sous-ministres responsables ont affirmé ce qui suit dans une lettre :

Le statut de mandataire accordé à la banque dans ces circonstances bien précises cadre avec le statut de nombreuses sociétés d'État fédérales existantes. Même lorsque la banque agit comme un mandataire de l'État, toutes les lois provinciales, territoriales et municipales pertinentes aux projets d'infrastructure locaux financés par la banque continuent de s'appliquer.

Il s'agit d'une tactique de diversion. Je vous saurais gré de me le confirmer.

Le sénateur Smith : Sénateur Harder, je vous remercie d'avoir présenté ce point de vue. Au cours de la saga entourant la nomination de Madeleine Meilleur, nous nous avons constaté à quel point c'est formidable que vous exposiez la position du gouvernement. La question est la suivante : les gens dans les provinces comprennent-ils bien? Y a-t-il eu des discussions?

(2020)

Lorsqu'on examine les mesures comme la taxe d'accise et qu'on demande si une évaluation pour ce type d'activité a été menée avec l'industrie et que 100 p. 100 de l'industrie affirme que non, on s'interroge alors sur la tenue de discussions de ce type entre le gouvernement fédéral et les provinces. Si la réponse est non, les gouvernements provinciaux ont alors le droit d'être inquiets. Il se peut que vous ayez tout à fait raison à propos de ce qu'on croit au sein du gouvernement, à Ottawa, mais le message s'est-il rendu adéquatement dans les provinces, qui communiquent à leur tour avec les municipalités, avec les villes, et cetera?

C'est la seule réponse que je peux vous donner, selon ce que j'entends et ce que j'essaie de comprendre de la dynamique — en écoutant le sénateur Pratte et certaines personnes qui ont parlé de cette question avec passion — parce qu'il s'agit d'un enjeu extrêmement important. On parle de 180 milliards de dollars pour les infrastructures, dont 35 milliards de dollars iront dans la Banque de l'infrastructure, si je comprends bien.

Il y a donc beaucoup d'activité, et notre petit groupe chargé des finances vérifie, à l'aide de logiciels, combien de projets ont démarré et quels sont le taux d'achèvement et le taux de réussite?

Ce que nous découvrons, c'est qu'on parle beaucoup, mais qu'on met peu de projets en œuvre. La mise en œuvre s'améliore peut-être, mais je crois qu'il y a un problème de communication et que c'est un bon moment pour le gouvernement fédéral d'approcher les provinces.

Une voix : Bonne réponse.

[Français]

L'honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, en guise de remarques préliminaires, je tiens à dire que j'appuie le droit du Sénat de diviser un projet de loi budgétaire. Je trouve tout à fait légitime la tentative du sénateur Pratte d'exercer ce droit en ce qui a trait au projet de loi C-44.

Cela étant dit, dans le cas présent, le sénateur Pratte souhaite séparer la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada du reste du projet de loi budgétaire dans le but de nous donner plus de temps pour l'étudier.

[Traduction]

La question est maintenant de savoir s'il est nécessaire de scinder le projet de loi C-44 afin d'obtenir plus de temps pour achever notre second examen objectif du projet de loi sur la Banque de l'infrastructure. C'est la question critique, selon moi.

Avec tout le respect que je dois au sénateur Pratte et en ce qui concerne le point qu'il a fait valoir jeudi dernier, je ne vois tout simplement pas le besoin d'avoir plus de temps pour étudier le projet de loi sur la Banque de l'infrastructure. En tant que membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, je peux vous assurer que nous avons eu suffisamment de temps pour étudier rigoureusement du projet de loi.

La semaine dernière, le président du comité, le sénateur Tkachuk, a indiqué au Sénat que le comité avait consacré six réunions au projet de loi portant sur la Banque de l'infrastructure. Lors de ces réunions, 29 experts ont comparu pendant un total de plus de 10 heures. Le sénateur Tkachuk et moi sommes d'avis que les membres du comité ont entendu suffisamment de témoins et ont eu assez de temps pour étudier le projet de loi et se faire une opinion éclairée.

[Français]

Je ne vois donc pas de raison de diviser le projet de loi C-44 en deux.

[Traduction]

Désormais, la question que nous devrions nous poser est la suivante : avec tout ce que nous avons appris au sujet du projet de loi C-44 et compte tenu des opinions des divers intervenants, y a-t-il lieu d'amender la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada proposée dans le projet de loi d'exécution du budget? C'est la vraie question qu'il faut poser..

Même si je dois admettre que, pour moi, la réponse n'est pas aussi simple, ce n'est certainement pas par manque d'information. Voilà pourquoi je pense qu'il ne servirait à rien d'avoir plus de temps.

L'honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord remercier le Président de sa décision de la semaine dernière sur le recours au Règlement. Je suis de son avis à cet égard et je respecte sa décision, qui est conforme à la conception que je me suis faite du mandat que nous confère la Loi constitutionnelle lorsque je suis arrivé au Sénat en novembre dernier. Ma façon de penser n'a pas changé depuis.

Je tiens à féliciter mon collègue, le sénateur Pratte, d'avoir accepté la décision du Président même s'il ne souscrivait pas à ses conclusions.

Honorables sénateurs, ce débat est important. Les divergences d'opinions sont considérables et les intérêts divers; certains d'entre eux se rejoignent ou divergent de manière assez intéressante. Ces intérêts sont d'une évidence frappante.

Les questions à régler sont importantes. Elles sont toutefois conciliables et il est évident qu'il pourrait y avoir une solution de compromis.

Commençons par le point sur lequel nous nous entendons. Nous sommes tous d'avis que le projet de loi C-44 devrait peut-être — probablement, en fait — être étudié plus à fond. Là où les avis divergent surtout, c'est sur la façon de procéder. C'est notre pomme de discorde. De quelle façon cette étude devrait-elle se faire et dans quel délai?

Pour ce qui est du délai nécessaire à cette étude plus approfondie, certaines personnes ont parlé de semaines — trois semaines est un laps de temps qui a été mentionné récemment. Dans cette optique, je suis d'accord avec la sénatrice Fraser et le sénateur Massicotte pour dire qu'il serait logique de le faire le plus rapidement possible et, assurément, sans attendre à l'automne. Nous sommes tous conscients de l'importance des projets de loi d'exécution du budget.

Franchement, je ne vois pas pourquoi on pourrait vouloir procéder autrement, à moins, naturellement, que certains sénateurs souhaitent retarder la progression de ce projet de loi pour de simples raisons politiques.

Je ne dis pas cela à la légère. J'ai eu six mois pour observer l'approche de certains sénateurs pour retarder le processus. Donc, je n'invente pas une chose extraordinaire en le disant, mais c'est pour vous donner le contexte, pour que nous puissions comprendre. Je ne mets nullement en doute les intentions du sénateur Pratte. Mes propos ne le visent aucunement.

Voici le nœud du problème : il y a deux sujets de préoccupation, et ils ont été confondus. Le premier concerne la nature des projets de loi omnibus; le deuxième, le fond du projet de loi C-44 et le projet de Banque de l'infrastructure, en particulier. Ces deux éléments se sont amalgamés, et je crois qu'il est temps de les démêler.

Examinons d'abord la question des projets de loi omnibus. Ce type de projet de loi inquiète de plus en plus le Sénat, et le Comité spécial sur la modernisation s'est même penché là-dessus. La nature omnibus du projet de loi C-44 a donc pris une importance considérable dans ce contexte.

Le sénateur Pratte a entrepris de braquer les projecteurs sur les projets de loi omnibus en se servant, je crois, de l'exemple du projet de loi C-44, et il a très bien réussi à le faire. Il a très bien réussi à attirer l'attention sur les projets de loi omnibus, à travers le prisme du projet de loi C-44.

À cet égard, je crois que nous pouvons tous féliciter le sénateur Pratte. Mission accomplie. Bien que le gouvernement puisse défendre le projet de loi actuel en disant qu'il est tout à fait raisonnable, au moins il aura entendu des préoccupations énoncées haut et fort au sujet des projets de loi omnibus. Donc, le message a passé, honorables sénateurs. Il a été bien transmis.

Cependant, soyons clairs. À elles seules, nos préoccupations au sujet des projets de loi omnibus ne devraient pas nous pousser à scinder le projet de loi C-44. C'est incontestablement un projet de loi budgétaire, mais, je le répète, certains sénateurs ont peut-être intérêt à se montrer punitifs, partisans, ou bien les deux. Ce n'est certainement pas mon cas.

Il n'y a qu'une raison valable pour prolonger le débat sur ce projet de loi, indépendamment de la façon dont on procède, et c'est d'aborder des préoccupations légitimes et, peut-être dans une moindre mesure, de se questionner sur l'architecte ou le gouvernement.

[Français]

Chers collègues, il ne s'agit pas d'un projet de loi complexe. Les questions ont déjà été examinées à fond lors de plusieurs réunions de comités dans le cadre de l'étude préalable.

[Traduction]

Chers collègues, il ne s'agit pas d'un projet de loi complexe. Nous parlons de six pages dans chaque langue officielle. Ce n'est pas non plus le premier organisme de financement d'infrastructures à être créé au Canada ou ailleurs.

Il y a des préoccupations au sujet de la structure de gouvernance de la banque proposée. Nous avons entendu des arguments solides de tous les côtés de même que des discussions utiles dans les médias et beaucoup de commentateurs experts.

(2030)

Il y a eu des frictions, mais peu importantes, qui ne justifient certainement pas qu'on attende, et je vais vous expliquer pourquoi. Comme vous le savez, chers collègues, les gouvernements créent différents organismes à diverses fins. Cela remonte à ce qu'on a appelé la nouvelle tendance de gestion publique, qui a été popularisée, étrangement, à la fois par Margaret Thatcher et Al Gore. Pourquoi? Ils se sont rendu compte que les gouvernements n'étaient pas bons dans tout et que, de toute façon, ils n'étaient pas obligés de se charger de tout et pouvaient mettre sur pied des organismes spécialisés à qui déléguer.

Ces organismes prolifèrent depuis les années 1980. Chaque fois que l'un d'eux voit le jour, d'importantes décisions sont prises concernant sa conception, y compris l'importante question de sa gouvernance et de son déploiement. Les gouvernements ne prennent pas ces choses à la légère et y réfléchissent beaucoup.

Les options de gouvernance sont relativement simples à choisir. D'un côté, on peut placer l'organisme sous l'étroit contrôle d'un ministre. À l'autre extrême, on laisse à celui-ci une complète autonomie, avec, entre les deux, toutes sortes d'options possibles.

Les gouvernements prennent ces décisions avec soin et selon le contexte. Ils cherchent un bon équilibre entre l'efficacité, la diligence raisonnable, le contrôle et l'obligation de rendre compte. Il n'y a ni contour bien défini ni bonne réponse. Une chose est sûre, c'est que le public et les groupes d'intérêts n'hésiteront pas à demander des comptes au gouvernement, quel que soit le choix qui a été fait, même dans le cas d'une structure de gouvernement complètement indépendante.

Les gouvernements s'imaginent pouvoir sous-traiter la responsabilité en mettant sur pied ces organismes, mais ils se trompent. Depuis 40 ans, ils s'aperçoivent que la responsabilité colle au ministre, quelle que soit la structure de gouvernance choisie.

Ne nous cachons pas la vérité. Si le projet de loi prévoyait une structure de gouvernance complètement indépendante, il y aurait toujours en cette enceinte quelqu'un pour demander : « Où est le contrôle ministériel? » Les questions viendraient de l'autre bout de la lorgnette. Je n'invente rien, sénateurs. Lorsque nous avons débattu cet automne du projet de loi sur la réforme du Régime de pensions d'aucuns se sont penchés sur l'Office d'investissement du régime, qui aurait été chargé des contributions supplémentaires, et ont demandé : « Où est le contrôle du gouvernement? » S'agit-il d'un organisme totalement autonome qui va se charger de toutes les contributions supplémentaires? Quel est le rôle du ministre en la matière? Voilà ce que l'on voit de l'autre bout de la lorgnette.

C'est pourquoi les décisions de gouvernance appartiennent au gouvernement et il sera tenu responsable des résultats, qu'ils soient positifs ou négatifs.

En fait, l'expertise du président, du conseil d'administration et des investisseurs est probablement fondamentalement un facteur bien plus important.

Étant donné l'attention qui a été accordée à la Banque de l'infrastructure, le gouvernement va subir d'importantes pressions pour nommer un président et un conseil d'administration de qualité, solides et indépendants. Le conseil qui attirera sûrement le talent et prendra de bonnes décisions. Il s'agit de problèmes de mise en œuvre dont on devrait laisser le soin au conseil d'administration.

N'oubliez pas, honorables sénateurs, que le rôle du Sénat ne s'arrêtera pas quand le projet de loi aura été adopté. Nous verrons comment vont les choses et surveillerons la mise en œuvre de la banque. Je peux vous garantir qu'il y aura des études, des rapports périodiques et des débats au fur et à mesure que les décisions sur la mise en œuvre sont prises. Le devoir d'examen minutieux et de diligence raisonnable du Sénat restera le même après l'adoption du projet de loi. Vous le savez bien.

Une autre préoccupation qui a été soulevée au sujet de la banque est celle de savoir si le gouvernement fédéral, au titre du projet de loi, aura le droit de passer outre les décisions d'infrastructure des villes et des provinces. Je comprends — en fait, je sais, et je ne répéterai pas la réponse du sénateur Harder — que le gouvernement s'est engagé à ce que cela ne soit pas le cas. J'ai examiné le projet de loi, évidemment, et il est clair, selon moi, que la Banque de l'infrastructure n'a pas le statut de mandataire dans le projet de loi. Je suis convaincu que l'engagement du gouvernement est solide.

La troisième préoccupation qui a été soulevée est celle de l'indexation des taxes sur les produits alcoolisés. Cela ne fait bien sûr pas partie des dispositions sur la Banque de l'infrastructure. S'il y a des gens qui ont cette préoccupation, parlons-en.

Bref, je crois que nous devrions régler nos différends de façon moins dramatique et avec les deux pieds sur terre. Soyons très clairs : la politicaillerie représente autant un obstacle dans ce débat que la politique publique, sinon plus.

Honorables sénateurs, je crois qu'il y a moyen de respecter l'échéance raisonnable établie par le gouvernement pour un projet de loi d'exécution du budget, et d'examiner cette section du projet de loi avec toute la diligence qui s'impose.

[Français]

C'est la bonne chose à faire. Il n'y a rien de plus canadien, car cela tient compte des besoins de chacun.

[Traduction]

C'est comme cela que nous faisons les choses au Canada.

Bien sûr, il existe un paradoxe dans ce long discours portant sur la scission du projet de loi : notre longue discussion entourant notre désir ou non de scinder le projet de loi a fait détourner notre attention de la chose même que veulent les défenseurs de cette mesure législative, soit de faire preuve d'autant de diligence raisonnable que possible à l'égard de ce projet de loi. Je préférerais que l'on débatte du contenu du projet de loi plutôt que sur notre intérêt à le scinder. Nous n'avons pas eu l'occasion de le faire, mais il est maintenant temps de s'y mettre. Je ne pense pas que c'est approprié de remettre ce débat à l'automne. Je suis d'accord avec ce que la sénatrice Fraser a dit la semaine dernière : s'il faut trois ou quatre semaines supplémentaires pour y arriver, comme l'a suggéré le sénateur Pratte, alors prenons le temps de le faire tout de suite. C'est tout à fait possible. Je crois que chaque personne dans cette enceinte le sait. Faisons ce que nous avons à faire.

L'honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l'opposition) : Le sénateur Dean accepterait-il de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Dean?

Le sénateur Dean : Avec plaisir.

Le sénateur Housakos : Merci de vos commentaires ce soir, sénateur Dean. Je suis d'accord avec vous. Je ne crois pas que le débat doit être axé sur notre droit de scinder le projet de loi ou non. Cependant, je crois que le Sénat a déjà pris cette décision, manifestement. En reversant la décision de la présidence, nous avons décidé qu'il relève de notre compétence d'examiner ce projet de loi et de le scinder.

Depuis des jours et des semaines, plusieurs de nos collègues, même parmi ceux que le gouvernement actuel a nommés, ont soulevé des préoccupations importantes au sujet de la structure de la Banque de l'infrastructure. Je crois qu'on ne peut mettre en cause la légitimité des préoccupations graves soulevées par les sénateurs qui ont été nommés par le premier ministre actuel au sujet d'une initiative du gouvernement actuel.

En outre, quel manque la Banque de l'infrastructure vise-t-elle à combler? À l'évidence, le Canada s'est doté d'un ministère de l'Infrastructure depuis déjà longtemps. En 2008, au milieu de la terrible récession mondiale, probablement la pire depuis la Grande Dépression, le gouvernement de l'époque a injecté des dizaines de milliards de dollars dans les infrastructures sur une très courte période, en collaboration avec l'ensemble des provinces et des territoires. Évidemment, très rapidement, les programmes en infrastructure créés ont connu du succès. Nous avons constaté qu'ils servaient de pilier à notre économie.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps alloué au sénateur Dean est presque écoulé. Si vous avez une question...

Le sénateur Housakos : Essentiellement, ma question au sénateur Dean est la suivante : quel manque la Banque de l'infrastructure vise-t-elle à combler? Si on y pense bien, il y a déjà un ministère de l'Infrastructure à Ottawa. Environ 31 organismes gouvernementaux gèrent les sommes consacrées à l'infrastructure. D'après ma compréhension, la Banque de l'infrastructure deviendra le 32e organisme agissant pour le gouvernement.

Le sénateur Dean : Laissez-moi d'abord affirmer que les questions soulevées au Sénat au sujet des projets de loi, peu importe qui a nommé la personne qui les soulève, seront toujours légitimes. Personne ne peut dire le contraire — personne.

Pourquoi une Banque de l'infrastructure? Je pense que nous avons tous lu la partie du projet de loi s'y rapportant, ainsi que les documents de communication du gouvernement. Il y a de l'intérêt pour l'établissement d'un partenariat...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Voulez-vous demander plus de temps pour répondre à votre question, sénateur Dean?

Le sénateur Dean : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour accorder cinq minutes de plus au sénateur Dean?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dean : On cherche à attirer l'investissement de capitaux du secteur privé dans des projets d'infrastructure du Canada. Il faut réunir le talent, l'expertise et le savoir-faire pour y parvenir. L'expérience d'autres gouvernements au Canada et à l'étranger nous a appris que, pour réussir et conclure de bonnes ententes favorables aux Canadiens avec le secteur privé et d'autres investisseurs, il est important d'attirer des personnes qualifiées.

(2040)

Voici un excellent exemple, que plusieurs, comme vous et moi, aimeraient voir se réaliser. Le Canada compte des agences d'investissements de calibre mondial chargés de faire fructifier des fonds de pension, comme l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Certains aimeraient que ces organismes placent des fonds dans l'infrastructure canadienne plutôt que dans celles de pays étrangers. Selon moi, il est fort probable que la Banque de l'infrastructure permette de réaliser cela. En effet, des régimes de pension canadiens, qui sont des chefs de file mondiaux, ont manifesté leur appui et sont impatients d'investir par l'intermédiaire de cet organisme. C'est quelque chose qui mérite notre approbation. Nous devrions appuyer la Banque de l'infrastructure et la mettre sur pied aussitôt que possible. Je vous remercie de votre question.

L'honorable David Tkachuk : J'aimerais poser une brève question. Pourquoi le Régime de pension du Canada a-t-il besoin d'une Banque de l'infrastructure pour faire un investissement dont le rendement profitera aux futurs retraités?

Le sénateur Dean : C'est une question de masse critique. Il apparaît clairement que les grandes agences d'investissements qui veillent sur des régimes de fonds de pension se tournent vers Hong Kong, Londres et d'autres pays en raison des partenariats possibles avec d'autres fonds de pension et des investisseurs des secteurs privé et public, en vue de créer une masse critique. Les petits projets ne les attirent pas nécessairement. Ils sont surtout intéressés par le genre de partenariats envisagés par la Banque de l'infrastructure. Je crois qu'ils sont très impatients de passer à l'action et que nous devrions leur en donner l'occasion.

L'honorable Sarabjit S. Marwah : Honorables collègues, la semaine dernière, j'ai parlé de l'importance de la Banque de l'infrastructure, et je prends la parole aujourd'hui pour m'opposer à la motion tendant à séparer les dispositions sur la Banque de l'infrastructure du projet de loi C-44.

D'entrée de jeu, j'aimerais souligner que, au cours des dernières semaines, j'ai entendu de nombreux arguments en faveur de la division du projet de loi, mais, fait intéressant, très peu de gens se sont opposés à la création de la banque comme telle. C'est donc davantage un problème de forme que de substance.

Je vais vous expliquer pourquoi je suis contre la motion. Je crois que le premier argument que nombre de sénateurs ont invoqué — le sénateur Dean l'a fait il y a un instant —, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi omnibus. Comme je l'ai dit la semaine dernière, tout projet de loi d'exécution du budget est, par sa nature même, un projet de loi omnibus, parce qu'il touche à une foule d'aspects législatifs. Comme le sénateur Woo l'a indiqué de façon très éloquente, la semaine dernière, la principale question est de savoir si le projet de loi contient des dispositions abusives.

Il est vrai que le projet de loi C-44 est un projet de loi omnibus. C'est un fait : c'est un projet de loi budgétaire omnibus. Cependant, il ne contient aucune disposition abusive. Il y a un fil conducteur, et les différents éléments sont tous liés au programme financier et économique du gouvernement.

Je serais le premier à appuyer la motion du sénateur Pratte s'il y avait une disposition abusive dans le projet de loi, mais ce n'est pas le cas. Sur une note positive, soulignons que nous avons à tout le moins aidé le gouvernement à prendre davantage conscience d'un point de vue général sur les projets de loi omnibus. Pourquoi la Banque de l'infrastructure est-elle liée au programme économique et au budget? Voici quatre raisons.

Premièrement, les infrastructures jouent un rôle fondamental dans la vitalité économique d'un pays. Leur modernisation est souvent le facteur déterminant dans l'amélioration de la productivité et de l'efficacité, qui sont à leur tour les principaux facteurs de vitalité économique. Par conséquent, les investissements dans les infrastructures — et l'un des mécanismes qui y contribuent, c'est-à-dire la Banque de l'infrastructure — sont étroitement liés au programme économique du gouvernement. Cette banque joue peut-être un rôle limité, comme l'a indiqué le sénateur Smith, mais elle fait quand même partie du programme économique.

Deuxièmement, rappelons que la majeure partie de la campagne des élections fédérales de 2015 a tourné sur une question essentielle, à savoir si le Canada devait ou non entreprendre des investissements dans des projets d'infrastructure qui accroissent la productivité. Les Canadiens ont décidé qu'il était temps de réinvestir dans les infrastructures.

Le plan d'infrastructure à long terme du gouvernement représente plus de 180 milliards de dollars sur 12 ans, sous diverses formes, pour des projets dont nous avons grandement besoin. De cette somme, 15 milliards de dollars, ou 35 milliards de dollars, selon notre façon de voir, seront consacrés à l'établissement de la banque et au financement des projets. Cela donne suite à une promesse électorale du gouvernement, telle que décrite aux pages 12 à 17 de sa plateforme électorale. Comment pouvons-nous alors dire qu'il n'y a pas de lien?

Troisièmement, le Conseil consultatif en matière de croissance économique du ministre Morneau a recommandé, en octobre de l'an dernier, d'établir la banque afin de maximiser la portée des fonds fédéraux en ajoutant la contribution des répondants du secteur privé. De plus, la courbe financière générale du gouvernement en matière d'infrastructure a été établie dans l'Énoncé économique de l'automne 2016, et les allocations à la banque ont été effectuées en 2017 à partir de cette courbe financière.

Enfin, nous ne pouvons pas examiner la Banque de l'infrastructure isolément. Tout comme c'était le cas avec la section 20, la création d'un nouveau portail Investir au Canada, la banque représente une partie essentielle du programme fiscal et économique du gouvernement et a comme priorité l'attraction d'investissements créateurs d'emploi et de croissance économique.

Étant donné toutes les interrelations précédentes, comment peut-on dire que la Banque de l'infrastructure n'a aucun lien avec le budget? Au contraire, il en forme une partie intégrante..

Le deuxième argument présenté pour scinder le projet de loi est que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour l'étudier. Cependant, grâce à l'étude préalable approfondie du Sénat, il y a eu un examen plus poussé de cette partie du projet de loi, à la fois au Comité sénatorial des banques et au Comité sénatorial des finances. Honorables sénateurs, le Comité sénatorial des banques a tenu six réunions en tout et les sénateurs ont entendu le témoignage de presque 30 témoins. Il me semble donc que l'on peut qualifier cette étude de solide.

De plus, pour donner du contexte, pour ceux qui le savent pas, la création de la banque est fondée sur une rétroaction considérable des parties intéressées, à commencer par les besoins exprimés par les provinces, les territoires et les municipalités pour remédier au grave déficit en matière d'infrastructure dans les collectivités. Pour élaborer cette approche, le gouvernement a consulté des universitaires, des investisseurs, des spécialistes des infrastructures, ainsi que des organismes mondiaux comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Le troisième argument présenté est que les projets de la banque empiéteraient sur les champs de compétence provinciale. Chers collègues, on mentionnait très clairement dans une lettre datée du 5 juin qui a été envoyée à chacun de nous de la part des sous-ministres d'Infrastructure Canada et de Finances Canada que :

[...] les projets d'infrastructure financés par la banque respecteront toutes les lois applicables des compétences pertinentes, y compris celles qui ont trait à l'environnement et au travail. De plus, d'un point de vue pratique, la banque compte participer à ces projets dans un esprit de collaboration avec tout organisme public pertinent.

Je ne vois pas comment on pourrait être plus clair.

Le quatrième argument est que les détails opérationnels sur quels projets exactement seraient admissibles au financement ne sont pas disponibles. Ma réponse à cet égard, c'est que dans l'établissement d'initiatives majeures telles que cette banque, j'ai rarement vu les détails exacts des projets d'un organisme être énoncés avant que la loi constituant ledit organisme ne soit promulguée. Les propositions seront, comme il se doit, évaluées au cas par cas après un examen minutieux par les experts de la banque pour déterminer quels projets ont du sens et lesquels n'en ont pas. Il vaut mieux laisser les détails opérationnels aux experts et à la direction et non aux bureaucrates ou, d'ailleurs, aux sénateurs.

Enfin, on a soulevé des préoccupations concernant le modèle de gouvernance proposé dans le projet de loi. Le directeur général et le conseil d'administration de la banque exercent leurs fonctions selon le bon plaisir du gouverneur en conseil. Néanmoins, le ministre responsable doit d'abord consulter le conseil d'administration au sujet de tout congédiement ou retrait du directeur général ou du président. Il s'agit d'une norme plus élevée que pour la gouvernance d'Exportation et développement Canada ou de la SCHL, des organismes dont la gouvernance nous satisfait depuis de nombreuses années.

Honorables sénateurs, la banque assurera l'intendance de fonds publics et, par conséquent, il incombe entièrement au gouvernement de veiller à ce que ces fonds soient gérés convenablement, dans l'intérêt public. La structure de gouvernance prévue établit un juste équilibre entre la surveillance fédérale, dans l'intérêt des contribuables, et l'autonomie institutionnelle, dans l'intérêt d'un rendement optimal.

En terminant, je répéterai donc ce que j'ai dit au début, à savoir qu'il n'y a pas de raison valable de scinder le projet de loi. Pour la plupart, ces objections procèdent de la partisanerie et du sensationnalisme. Elles ne sont pas substantielles et ne s'appuient pas sur de bonnes politiques. Scinder le projet de loi ne servirait qu'à retarder les efforts du gouvernement en vue de la construction d'infrastructures, ce qui nuirait à la croissance économique, à la création d'emplois et à la qualité de vie des Canadiens.

(2050)

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, quand j'ai entendu parler de la Banque de l'infrastructure pour la première fois, de nombreuses questions me sont venues à l'esprit, mais j'avoue qu'elles ont toutes trouvé réponse depuis. Je n'ai rien de conséquent à dire contre elle ni contre le fait que sa création soit prévue dans le projet de loi budgétaire C-44. Ce qui constituait une préoccupation avant même qu'on ait entendu les témoins a finalement donné lieu à une série d'événements au Sénat que je n'avais encore jamais vus.

Comme je le disais lorsque j'ai abordé la motion du sénateur, visant à étudier isolément la partie du projet de loi C-44 qui créerait la Banque de l'infrastructure, j'espère que vous verrez comme moi qu'il existe d'autres moyens tout aussi constructifs d'arriver au même résultat sans pour autant scinder le projet de loi.

La motion en question retirerait du projet de loi d'exécution du budget la section 18 de la partie 4, qui édicte la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada. Pourquoi? La plupart des sénateurs qui ont pris la parole ce soir ont répondu à cette question : parce que nous avons besoin de plus de temps.

À ce propos, le Comité des banques a organisé six réunions, et environ 80 p. 100 d'entre elles ont porté sur la Banque de l'infrastructure. Il a bien entendu signalé une série d'éléments auxquels faire plus particulièrement attention, mais pas même au point de joindre des observations à son rapport. Rien de ce qui se trouve dans le rapport ne justifie qu'on retire cette section du projet de loi budgétaire.

Maintenant que le projet de loi C-44 a été renvoyé au Comité des finances nationales, ce dernier a tout le temps nécessaire pour étudier le projet de loi C-44 dans son entier. Le gouvernement n'a pas fixé de date à laquelle le comité doit faire rapport au Sénat. Autrement dit, le Comité des finances nationales peut poursuivre son étude du projet de loi C-44 jusqu'à la fin juillet s'il le faut. Il y aura évidemment un coût à cette décision : le Sénat et la Chambre des communes devront continuer à siéger jusqu'à ce que le comité ait produit son rapport. Cependant, comme en toute chose, il faut ce qu'il faut quand on veut bien faire les choses.

Le sénateur Pratte a affirmé qu'il lui faudrait deux semaines de plus pour réfléchir à sa question sur la Banque de l'infrastructure. Donc, en ce qui concerne le temps dont nous disposons, nous avons l'option A, qui consiste à siéger de deux à trois semaines de plus, soit jusqu'en juillet.

Honorables sénateurs, le Sénat a siégé jusqu'en juillet en 2010 et en 2005 afin d'examiner des projets de loi d'exécution du budget, alors rien ne nous empêche de le faire de nouveau cette année.

Nous disposons également d'une option B, qui consiste à adopter le projet de loi C-44 maintenant, dans sa forme actuelle, puis de présenter une motion, à notre retour en septembre, afin que le Comité des finances nationales se penche sur le dossier de la Banque de l'infrastructure. Honorables sénateurs, le comité disposerait de suffisamment de temps pour transmettre ses recommandations au Sénat et au ministre des Finances, qui sera en train de rédiger les dispositions réglementaires à ce moment-là.

Pour ce qui est du délai prévu pour étudier le dossier de la Banque de l'infrastructure, cette option est la même que celle présentée par le sénateur Pratte, dont la motion prévoit l'étude du dossier pendant deux semaines en septembre. Encore une fois, pour ce qui est du délai prévu pour étudier le dossier de la Banque de l'infrastructure, il existe d'autres options plus pratiques que celle consistant à scinder le projet de loi d'exécution du budget. Le fait que certains veuillent retourner chez eux plus tôt pour le congé d'été ne constitue pas une bonne raison de scinder un projet de loi d'exécution du budget et d'attendre jusqu'en septembre pour étudier le dossier de la Banque de l'infrastructure, un dossier jugé urgent et de grande importance. Je me demande comment les médias — sénateur Smith — interpréteront une attitude aussi insouciante à l'égard de nos responsabilités en tant que sénateurs.

Une autre question a été soulevée jeudi dernier, et elle portait sur les 35 milliards de dollars, dont 15 milliards de dollars seront considérés comme des dépenses en immobilisations et 20 milliards de dollars en garantie et en capitaux propres seront considérés comme des actifs. En conséquence, les dépenses faites par le gouvernement fédéral en matière d'infrastructure, par le truchement de la Banque de l'infrastructure, s'élèveront à 15 milliards de dollars, sur un budget total de 180 milliards de dollars sur 12 ans pour les dépenses en infrastructure. Il faut comparer des pommes avec des pommes. Cette somme de 15 milliards de dollars représente 8 p. 100 des dépenses totales en matière d'infrastructure. Lorsqu'on examine attentivement les prévisions budgétaires pour les cinq prochaines années, qui figurent à l'annexe 1, page 308, tableau A1.13, on constate que le total des dépenses liées à la Banque de l'infrastructure s'élève à 2,8 milliards de dollars sur cinq ans. C'est 2,8 milliards de dollars sur cinq ans.

Honorables sénateurs, il est important de comprendre d'où vient le montant de 2,5 milliards de dollars sur cinq ans, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, chaque année, le ministre déposera un rapport sur la Banque de l'infrastructure. Chaque année, le Comité sénatorial permanent des finances nationales ou le Comité sénatorial permanent des banques peut remettre en question et étudier le rapport s'il le veut.

Deuxièmement, et surtout, conformément à l'article 27 de la Loi sur la Banque de l'infrastructure, tous les cinq ans, le ministre désigné « veille » — en anglais, on n'utilise pas « shall », mais bien « must » — à effectuer un examen des dispositions et de l'application de la loi sur la Banque de l'infrastructure. Il s'agit d'un examen approfondi d'une durée maximale d'un an. Le rapport d'examen sera déposé et examiné par la Chambre des communes et le Sénat.

De toute évidence, tout ce que je viens de dire fait abstraction du fait qu'une motion au Sénat visant à étudier le travail de la Banque de l'infrastructure peut être adoptée en tout temps. Je crois que tous les examens et les études mentionnés qui seront menés au cours des cinq prochaines années pour les 2,8 milliards de dollars devraient grandement réduire les préoccupations en matière de surveillance.

Une autre question qui a été soulevée porte sur le risque. Je ne connais aucun organisme ou produit financier qui est sans risque. Il peut être commercialisé comme étant sans risque, mais il existe toujours un risque. Je comprends certainement que l'investissement total de 180 milliards de dollars dans les infrastructures, dont 165 milliards de dollars dans les trois grands projets d'infrastructure habituels, n'est pas dénué de risques.

Au cours de la dernière décennie, des milliards de dollars ont été investis dans ce secteur, comme cela a été indiqué plutôt au Sénat. Avons-nous entendu parler de mauvais investissement en souffrance? Pas à ma connaissance.

Je crois que la Banque de l'infrastructure sera dotée d'excellents employés et membres du conseil d'administration. Elle deviendra un centre d'excellence en ce qui concerne la conception, la construction et l'exploitation. En temps et lieu, elle offrira son expertise aux gouvernements provinciaux et aux administrations municipales, une expertise dont ils seront certainement reconnaissants.

(2100)

Nous attendons-nous à ce que la banque fasse des miracles? Non. Il y aura une période de rodage qui nécessitera des modifications législatives mais, tant qu'elle ne sera pas opérationnelle depuis quelques années, toute préoccupation, à mon sens, est purement hypothétique.

Certains ont prêté attention au fait que la banque n'est pas une agente de la Couronne, sauf dans certaines circonstances.

Honorables sénateurs, durant notre étude au Comité des banques, nous avons reçu un témoin qui a déclaré que l'article 5(4) soustrairait les infrastructures financées par la banque aux lois provinciales et municipales. Honorables sénateurs, lorsque j'ai demandé au témoin s'il pouvait nous donner un exemple, il n'en a pas trouvé.

Après la réunion du Comité des banques, je me suis demandé quel gouvernement provincial, actuel ou futur, qui serait partenaire ou non dans un projet d'infrastructure, accepterait un projet qui ne respecte pas ses propres lois.

À mon humble avis, aucune province ne dérogerait à ses propres lois. En supposant qu'une province le ferait, des citoyens contesteraient sûrement ses décisions devant un tribunal.

[Français]

Qu'un sénateur lève la main s'il croit qu'un gouvernement provincial actuel ou futur — selon moi, certainement pas le Québec, qui a toujours eu des gouvernements très forts — ne pourrait pas tenir tête au gouvernement fédéral. Si vous croyez réellement qu'il y a un gouvernement provincial qui pourrait être lésé dans ses droits, dans sa législation, levez la main.

[Traduction]

Levez-vous pour qu'on puisse vous compter. Trêve d'hypothèses.

[Français]

Honorables sénateurs, la raison soulevée dans cette motion pour scinder le projet de loi budgétaire, le projet de loi C-44, est un peu extrémiste, car il y a d'autres options actuellement à notre disposition pour étudier la Banque de l'infrastructure du Canada. En effet, le projet de loi C-44 prévoit une révision complète de la législation après cinq ans, sans compter que nous avons la capacité d'étudier le sujet à n'importe quel moment. Les dépenses de 2,8 milliards de dollars sur cinq ans ne représentent que 18 p. 100 des 15 milliards de dollars avant la tenue de la révision complète. C'est une approche équilibrée qui permet d'investir le montant restant, soit 165 milliards de dollars, dans une gamme de projets à prédominance municipale dont nos petites municipalités ont tellement besoin.

La spéculation n'a pas de place dans notre Sénat, qui doit porter un second regard attentif aux projets de loi. Je vous encourage donc à voter contre cette motion, même si j'apprécie beaucoup le sénateur Pratte. Merci.

Des voix : Bravo!

L'honorable André Pratte : La sénatrice répondrait-elle à une question?

La sénatrice Ringuette : Oui, certainement.

Le sénateur Pratte : Puisque vous m'appréciez beaucoup.

C'est le gouvernement du Québec qui a demandé à la sénatrice d'amender le projet de loi, et ce, justement parce qu'il ne s'agit pas seulement de spéculation, mais de craintes réelles selon lesquelles le projet de loi pourrait créer une situation où la Banque de l'infrastructure du Canada serait décrétée agente de la Couronne dans le cas d'un projet précis.

Puisque le gouvernement du Canada a affirmé, oralement et par écrit, dans des lettres, qu'il n'a pas l'intention, avec ce projet de loi, de s'immiscer dans les compétences provinciales, nous lui avons demandé à plusieurs reprises de l'inscrire dans le projet de loi, ce qu'il a systématiquement refusé.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénatrice Ringuette. Votre temps de parole est écoulé. Vous devez demander du temps pour répondre à la question, si vous le souhaitez.

La sénatrice Ringuette : Puis-je avoir plus de temps pour répondre à la question du sénateur Pratte?

Des voix : D'accord.

[Français]

La sénatrice Ringuette : J'ai bien vu cela, et il y a près de six semaines que le gouvernement du Québec a introduit et proclamé cette motion à l'Assemblée nationale. Je crois qu'il a certainement bénéficié des témoignages que nous avons entendus au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Comme je le disais dans mon discours, sénateur Pratte, il faut reconnaître tout d'abord que les projets qui seront accordés par la Banque de l'infrastructure du Canada seront des projets à caractère public. Donc, il faudrait que ce soit uniquement un projet fédéral ou qu'il soit réalisé en partenariat avec le gouvernement provincial.

Il faut aussi reconnaître que les municipalités sont des créatures des provinces. Ainsi, il ne pourra y avoir de projets municipaux sans l'assentiment de la province dont relèvent les municipalités. Prenons, par exemple, la Ville de Montréal. Si elle veut obtenir des fonds de la Banque de l'infrastructure du Canada — ou de n'importe lequel des trois autres programmes d'infrastructure —, elle devra passer par le gouvernement provincial. Il faut reconnaître les trois ordres de gouvernement.

Dans ce sens, la Banque de développement du Canada n'agirait pas autrement. On ne peut pas spéculer sur le fait que la banque pourrait réaliser un projet à Rimouski sans que l'assentiment ou le partenariat du gouvernement provincial ne soit requis. En 20 ans, cela ne s'est jamais fait depuis l'existence des programmes d'infrastructure.

Les témoignages d'experts qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ainsi que les témoignages du ministre et des sous-ministres du ministère des Finances et d'Infrastructure Canada, ont clairement indiqué qu'il n'y avait aucune intention, à l'intérieur de la loi et à l'intérieur des programmes ou du plan d'action, de passer outre le gouvernement provincial.

Ma première crainte, lorsque j'ai entendu parler de la Banque de l'infrastructure du Canada pour la première fois, a été que, encore une fois, nos petites communautés soient délaissées au profit des grands projets d'infrastructure dans les grands centres de ce pays, ce qui est faux.

On estime que la demande en infrastructure jusqu'à maintenant à l'échelle municipale, provinciale et nationale est de l'ordre de plus de 590 milliards de dollars. J'espère que les grands centres, ainsi que leurs grands mégaprojets d'infrastructure, pourront avoir recours à cette banque afin de réaliser leurs rêves d'avoir de meilleures infrastructures, et ce, autant que les petites municipalités.

Je n'ai absolument aucune crainte, compte tenu du solide gouvernement que les Québécois se sont toujours donné, qu'il y ait des chevauchements, de l'empiétement ou de la négligence au chapitre de la législation provinciale.

L'honorable Éric Forest : Puis-je poser une question à la sénatrice Ringuette?

(2110)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette, pour répondre à une autre question — vous venez d'utiliser cinq minutes pour la précédente —, vous allez devoir demander plus de temps.

Acceptez-vous d'accorder plus de temps?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Forest.

Le sénateur Gold a la parole.

L'honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, la plupart des gens qui ont pris la parole ici ont une position plutôt claire sur la question, et leurs observations ont été élégantes et convaincantes. Il est possible que je sois seul dans cette situation, mais je peine vraiment à trancher. La question est loin d'être simple. Je me réserve le droit d'attendre après le discours du sénateur Woo pour enfin prendre ma décision. Je penche toutefois pour la division du projet de loi et je vous expliquerai pourquoi.

Ce n'est pas principalement — à tort ou à raison — parce que la question de la gouvernance m'inquiète. Les arguments qui ont été présentés à ce sujet sont convaincants. Ce n'est pas non plus à propos du projet de loi en général. Vous ne serez pas surpris de l'apprendre, mais mon choix repose sur les répercussions possibles sur les domaines de compétence provinciale. Si je puis me permettre, je ne crois pas que c'est seulement de l'ordre de la spéculation, et j'y reviendrai dans un instant. Lorsque nous sommes saisis d'un projet de loi, il nous incombe d'examiner de près le texte de loi et, si j'ose dire, d'y jeter un regard dur, afin de veiller à ce que, peu importe les intentions du gouvernement actuel ou futur, la loi soit claire et solide et qu'elle respecte les principes du fédéralisme canadien et toutes les autres valeurs que nous avons le devoir de prendre en compte.

Laissez-moi spéculer quelques secondes. J'ai peut-être complètement tort, mais je peux m'imaginer une municipalité, une province, un gouvernement ou un investisseur privé qui trouverait gênants, à tort ou à raison, certains aspects d'une loi environnementale, d'une loi sur la santé et la sécurité ou de toute autre loi. Il faut le reconnaître, ces considérations ralentissent les projets, et nous en payons souvent le prix.

Je peux donc imaginer la possibilité que, pour les meilleures intentions possible, une entente soit conclue — entente qui ne pourrait jamais être divulguée en raison des règles de confidentialité prévues dans le projet de loi — afin de faire en sorte que certaines lois soient modifiées ou ignorées. Il s'agit bien sûr de pure spéculation, et je ne donne cet exemple que pour illustrer mon scepticisme en ce qui concerne le fait de toujours croire les gouvernements sur parole.

Examinons cela d'un point de vue plus juridique. Selon ce que je comprends du projet de loi, si le gouvernement choisit de faire de la banque une mandataire de Sa Majesté, comme le prévoit le paragraphe proposé 5(4)d), et qu'un projet touche un domaine de la compétence exclusive des provinces — comme l'expansion d'une université ou la construction d'une autoroute —, je crois qu'il serait juste d'affirmer que, en vertu de l'article 17 de la Loi d'interprétation, la banque ne serait pas légalement tenue de se conformer aux lois de la province pour ce projet, qu'il s'agisse de lois sur l'environnement, le travail, la santé et la sécurité ou tout autre domaine qu'elle devrait autrement respecter.

Il serait assurément stupide et coûteux sur le plan politique de le faire, et c'est pourquoi, bien franchement, je ne comprends pas pourquoi, malgré le passage des semaines, le gouvernement n'a pas voulu amender cela ou s'engager à modifier la loi pour indiquer clairement que, dans les domaines qui sont de la compétence exclusive des provinces, les lois provinciales s'appliqueraient, conformément à la Loi d'interprétation.

Je tends donc à appuyer la division pour — et veuillez m'excuser de le dire — exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il réponde à cette préoccupation légitime et réelle relativement à l'incidence possible sur la loi provinciale.

Cela dit, honorables collègues, je vous fais part de mes tiraillements dans le contexte de ma façon de concevoir notre rôle par rapport à celui de l'autre endroit et à la question qui nous occupe, car je crois que tous ces éléments sont inextricablement liés.

Notre travail consiste à relever les problèmes dans les projets de loi, qu'il s'agisse du budget ou d'autres domaines, et de proposer des façons de les améliorer en tenant compte des conventions et des pratiques liées aux différents types de projets de loi. Dans le cas qui nous occupe, que nous divisions le projet de loi ou insistions au comité — je serai heureux de remplacer quelqu'un d'autre au besoin pendant les semaines qui viennent si c'est ce que souhaite le Sénat — pour proposer des amendements en vue d'améliorer le projet de loi. Toutefois, si, en fin de compte, le gouvernement décide de refuser la division ou de rejeter les amendements sur lesquels le comité ou le Sénat pourrait insister, je vais m'incliner devant sa décision lorsque nous recevrons le message.

À mon avis, nous aurons fait notre travail en soulevant le problème. J'estime que nous avions le droit de scinder le projet de loi. J'ai appuyé la décision du Président malgré ma conviction et je pense que nous avons le droit d'insister vigoureusement auprès du gouvernement pour qu'il clarifie ses intentions. Je pense qu'il est de bonne foi, mais les gouvernements, eux, changent. Si, finalement, l'autre endroit en décide autrement, je pense qu'il sera alors de notre devoir de nous incliner devant sa décision. Retenir un projet de loi d'une telle importance pour les Canadiens, ce n'est pas notre devoir, notre responsabilité ou notre travail. Pour l'instant, je vais conclure comme j'ai commencé : je peine vraiment à trancher. Je vous remercie de votre indulgence.

L'honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, à la fin d'une longue soirée, j'ai la tâche peu enviable de tenter de réunir tous les éléments. J'avais préparé un discours, mais je ne le prononcerai pas, car bon nombre des points que j'y aurais soulevés ont déjà été mentionnés par des collègues qui sont contre la division du projet de loi. Ils ont avancé de très bons arguments. Je peux les résumer brièvement, mais je vais tenter d'utiliser mon temps de parole pour aborder les préoccupations du sénateur Gold, probablement maladroitement.

Permettez-moi d'abord de résumer les points que j'ai entendus et les raisons pour lesquelles je pense que ces points montrent bien qu'il ne faut pas scinder le projet de loi.

Vous vous souviendrez que, la semaine dernière, dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, j'ai établi deux critères pour la scission d'un projet de loi. Le premier était qu'il y ait un abus d'un projet de loi omnibus. Cela pouvait découler d'un manque d'unité thématique, ou de l'utilisation d'un projet de loi omnibus et de la recommandation royale afin d'adopter à toute vitesse une disposition connexe étant néanmoins très litigieuse et peut-être abhorrée par une grande partie de la population.

Le projet de loi ne correspond à aucune de ces deux conditions. Le sénateur Pratte et d'autres en faveur de la scission du projet de loi ont indiqué clairement qu'ils appuient la banque, en principe. L'idée de la Banque de l'infrastructure du Canada ne présente aucun problème fondamental.

Le deuxième critère que j'ai établi — qui a été repris par nombre de mes collègues sénateurs — est le manque de temps pour d'examiner la mesure législative, d'où la nécessité de séparer cette section afin d'y consacrer plus de temps.

Il a été soutenu que nous avons disposé de suffisamment de temps. Le meilleur argument a été présenté par le président du Comité des banques, le sénateur David Tkachuk. Ce dernier a dit, sans équivoque, que les membres ont fait une étude approfondie du projet de loi portant sur la Banque de l'infrastructure du Canada et qu'ils n'ont pas du tout parlé de l'idée de scinder le projet de loi C-44.

Nous avons couvert ces points clés et les critères n'ont pas été respectés pour ces seules raisons. Je pense que nous devrions rejeter la motion du sénateur Pratte visant à scinder le projet de loi.

Sénateur Gold, même si je ne suis pas en mesure d'apaiser vos inquiétudes en ce qui a trait aux questions de compétences, je soulignerais que, malgré tout, il n'y a pas lieu de scinder le projet de loi. En effet, vous avez l'option de proposer un amendement pour les problèmes que vous avez soulignés ce soir, plutôt que de prendre la voie plus draconienne, comme l'a dit la sénatrice Ringuette, de scinder de projet de loi. Ce serait sortir l'artillerie lourde pour régler un faux problème.

(2120)

Avant d'aborder la question des domaines de compétence, je vais d'abord répéter ce que les sous-ministres nous ont dit dans une lettre. Leur message est on ne peut plus clair :

Même lorsque la banque agit comme un mandataire de l'État, toutes les lois provinciales, territoriales et municipales pertinentes aux projets d'infrastructure locaux financés par la banque continuent de s'appliquer.

Alors, vous avez lu cette lettre et on peut présumer que vous n'êtes pas satisfaits. Imaginons donc une situation où la banque agit comme un mandataire de l'État pour un projet d'infrastructure dans une province canadienne.

Établissons d'abord l'origine première du projet. Ce serait la localité ou la municipalité; ce serait la province. Il est inconcevable que les personnes qui ont eu l'idée du projet ne souhaitent pas que leurs lois soient respectées et appliquées dans l'exécution de ce projet.

N'oublions pas que le but de la Banque de l'infrastructure du Canada n'est pas de faire en sorte que le gouvernement fédéral arrive pour sauver la province et se charge de bâtir un projet clés en main d'un seul coup. Le but est que le gouvernement fédéral fournisse un montant relativement peu élevé pour compléter le financement afin d'inciter le secteur privé à y contribuer. Imaginez un projet où il y aurait controverse entre les gouvernements fédéral et provincial et une municipalité quant aux lois applicables et à la personne qui sera responsable du projet. Croyez-vous qu'un investisseur privé voudra que son nom soit associé à un tel projet?

Je dirais, en tout respect, que, si on parle de la réussite de la Banque de l'infrastructure du Canada — réussite qui serait mesurée en partie par la capacité à attirer des investissements du secteur privé —, votre scénario est tiré par les cheveux. Il l'est du point de vue des créateurs de projets, mais il l'est aussi en ce qui a trait à la possibilité de trouver du financement du secteur privé.

Je terminerai, chers collègues, par un bref résumé qui reflétera exactement, je l'espère, le point de vue de ceux qui s'opposent à la division du projet de loi, pour laquelle nous n'avons d'ailleurs pas fixé de critères. Si nous persistons dans notre idée et le divisons, cela créera un fâcheux précédent, et l'on pensera qu'il s'agit d'un caprice du Sénat. Nous n'avons pas formulé de réels motifs et, si nous persistons dans ce caprice, j'ai peur que cela n'entraîne des mesures et des propositions capricieuses visant à faire des changements intéressés qui n'amélioreront pas le fonctionnement ou le mandat de la Banque de l'infrastructure. J'espère que vous vous joindrez à moi pour rejeter la motion. Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Forest : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Woo : Oui.

Le sénateur Forest : Le principal objectif de la Banque de l'infrastructure est d'attirer des investisseurs privés dans le cadre de grands projets d'infrastructure. D'ailleurs, le ministre Morneau indiquait que les grands projets d'infrastructure qui sont rentables, donc qui ont la capacité d'attirer des investisseurs privés, sont plutôt rares au Canada. Il y a, à l'heure actuelle, 3 projets sur 258 en partenariat public-privé. Le ministre disait que, sans ces investissements de la banque, les projets ne se réaliseraient pas. La rentabilité est donc mise en doute. De plus, selon les propos du ministre, les grands projets d'infrastructure seront probablement présentés par les gouvernements provinciaux, entre autres.

Soit dit en passant, la Banque de l'infrastructure est un outil, et non une fin en soi, pour réaliser le grand chantier des infrastructures qui accuse un déficit d'environ 570 milliards de dollars. En se penchant sur l'objectif d'attirer les investissements privés, il faut tenir compte du fait que le coût de l'argent des investisseurs privés est plus important que le coût de l'argent public sur le marché des obligations. De plus, les investisseurs privés voudront obtenir un rendement sur leur investissement. En fin de compte, je me demande si la rentabilité de la banque n'est pas plus politique qu'économique. À la fin de la journée, le coût du projet ne sera pas plus dispendieux, mais, politiquement, cette banque permettrait au gouvernement de ne pas porter l'odieux d'une tarification pour l'utilisation des grands projets d'infrastructure. On peut penser au projet de péage du pont Champlain qui, à l'époque, avait été refusé.

La question que je vous pose est donc la suivante : en considérant l'ensemble de ces données, la rentabilité de la banque n'est-elle pas davantage politique qu'économique pour les Canadiens et les Canadiennes?

[Traduction]

Le sénateur Woo : J'espère avoir bien compris votre question. Autrement dit, vous demandez si la rentabilité de la banque devrait se mesurer en fonction de la rentabilité sur le plan plan politique plutôt que financier, ou selon des mesures économiques traditionnelles de rentabilité. Je n'ai pas utilisé tout à fait les mêmes mots, mais je crois que l'idée est là.

L'objectif de la banque est de construire, dans l'intérêt du public, les infrastructures de transformation qui n'auraient pas été construites sans elle.

On ne peut comprendre le concept de Banque de l'infrastructure si on ne convient pas que le gouvernement estime — à tort ou à raison — qu'il y a un énorme déficit d'infrastructures qu'il faut combler. Il a prévu 186 milliards de dollars sur 12 ans. Le gouvernement se dit : « Ne serait-il pas fantastique de ne pas avoir à utiliser nos seules ressources pour financer tous ces projets qui doivent voir le jour? Ne serait-il pas fantastique de pouvoir mettre de côté 35 milliards de dollars — ce serait en fait 15 milliards de dollars — et de profiter d'un financement du secteur privé pour construire ces projets, réduire ainsi les risques et, avec les sommes économisées, construire ceux qui doivent l'être selon des méthodes de financement traditionnelles? »

Vous avez tout à fait raison. Pour déterminer si la Banque de l'infrastructure est une réussite, on ne s'arrêtera pas sur des éléments comme l'absence d'un prix de l'action ou les dividendes versés au gouvernement. On regardera plutôt si la banque permet de bâtir des projets qui n'auraient pas été bâtis autrement, et si elle peut le faire de manière à réduire le coût qu'assument les contribuables et à accroître l'efficience des projets.

Merci.

Le sénateur Gold : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Woo : Volontiers.

Le sénateur Gold : Sénateur Woo, à titre de parrain du projet de loi, appuieriez-vous un amendement présenté par le comité qui viserait à préciser l'application des lois provinciales en vigueur dans le cas de projets de compétence provinciale?

Le sénateur Woo : Je vous remercie, sénateur Gold. L'explication fournie par les deux sous-ministres et le ministre des Finances m'apparaît satisfaisante. Je ne crois pas, personnellement, en la nécessité d'un amendement. Cela dit, les sénateurs ont le droit de proposer des amendements qui seraient, selon eux, dans l'intérêt du pays; je respecte ce droit.

Je tiens à rappeler aux sénateurs — je résume simplement ce que le ministre des Finances a dit lorsqu'il a comparu devant le comité des Finances il y a quelques jours — que le gouvernement a l'intention de garder le projet de loi tel quel. C'est son intention. J'ai donc l'impression que, si on y apporte des amendements, le gouvernement les refusera et nous renverra le projet de loi dans sa forme initiale. C'est une simple impression, car je n'ai aucun renseignement privilégié et aucun pouvoir à ce sujet.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Pratte, avec l'appui de l'honorable sénatrice Gagné, propose que ce soit une instruction au Comité sénatorial permanent des finances nationales de diviser le projet de loi C-44... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 22 heures.

Convoquez les sénateurs

(2200)

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McCoy
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Beyak Mercer
Boisvenu Mockler
Dagenais Ngo
Doyle Oh
Duffy Plett
Eaton Poirier
Enverga Pratte
Forest Runciman
Frum Seidman
Griffin Smith
Housakos Stewart Olsen
Joyal Tannas
Lang Tkachuk
MacDonald Unger
Manning Wells
Marshall White—38

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Bellemare Hartling
Black Hubley
Boniface Lankin
Bovey Marwah
Campbell Massicotte
Christmas McPhedran
Cools Mégie
Cordy Mitchell
Cormier Moncion
Day Munson
Dean Omidvar
Dupuis Pate
Dyck Petitclerc
Eggleton Ringuette
Fraser Saint-Germain
Gagné Tardif
Galvez Watt
Greene Wetston
Harder Woo—38

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Gold—1  

(2210)

Modernisation du Sénat

Autorisation au comité spécial de reporter la date du dépôt de son rapport final

L'honorable Thomas J. McInnis, conformément au préavis donné le 8 juin 2017, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le lundi 12 décembre 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat relativement à son étude sur les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel soit reportée du 30 juin 2017 au 15 décembre 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)

 
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