Aller au contenu

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

2 juin 2016


L’honorable Sénateur Victor Oh :

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d'autres lois.

Chers collègues, bien que j'accepte le principe de l'aide médicale à mourir, j'ai quelques réserves à l'égard du projet de loi. Certaines de mes préoccupations ne sont peut-être pas nouvelles, mais j'aimerais tout de même en parler.

Ma première réserve concerne les critères d'admissibilité proposés. On ne dit pas clairement dans quelles circonstances la mort devient raisonnablement prévisible. Je sais que la médecine n'est pas une science exacte, et que cette incertitude amène les fournisseurs de soins de santé à prendre ces décisions au cas par cas. Cependant, je crains que les différentes interprétations possibles ne mènent à des normes de soins inégales.

Je suis surpris que le caractère « raisonnablement prévisible » de la mort ait été ajouté aux critères d'admissibilité. À ce que je sache, ce critère n'est imposé à aucun autre endroit où l'aide médicale à mourir est légale.

Lorsqu'il a comparu devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le 10 mai, Dr Grant, de la Fédération des ordres des médecins du Canada, a dit que, « si le libellé n'est pas modifié, le caractère "raisonnablement prévisible" » sera interprété de diverses façons d'une province à l'autre.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à exiger que le gouvernement du Canada fournisse des paramètres plus précis aux provinces et aux territoires afin que les fournisseurs de soins de santé soient prêts à traiter les demandes d'aide médicale à mourir. Ainsi, on permettrait aux Canadiens qui ont besoin de recourir à une aide en fin de vie de bénéficier d'un accès équitable à ce traitement, et aux intervenants concernés d'obtenir les directives et les garanties nécessaires.

Ma deuxième réserve concerne l'exclusion des Canadiens qui souffrent d'une maladie progressive ou chronique, mais qui ne sont pas en phase terminale. Ceux qui se font diagnostiquer une maladie physique ou mentale débilitante peuvent voir leur qualité de vie se dégrader de façon considérable même si leur mort n'est pas raisonnablement prévisible.

Chers collègues, je pense que nous devrions nous demander qui nous sommes pour déterminer ce qui constitue une qualité de vie acceptable pour une autre personne. On ne peut pas décider de ce qui représente un bon choix pour quelqu'un d'autre.

C'est pourquoi je veux insister sur l'importance de respecter le droit du patient de choisir. La décision de mettre fin à ses jours est personnelle. Nous devons éviter toute approche paternaliste.

En limitant l'admissibilité à l'aide à mourir aux personnes qui sont au seuil de la mort, le projet de loi ne tient pas compte de l'arrêt Carter. Nous devons y apporter des amendements pour qu'il respecte les droits constitutionnels garantis par la décision de la Cour suprême. C'est une question de compassion et de justice.

Enfin, je suis déçu que le projet de loi C-14 n'offre pas la possibilité de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir.

Je souscris à la recommandation du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de permettre aux personnes chez qui on a diagnostiqué une maladie chronique ou progressive non mortelle, comme l'Alzheimer, de prendre eux-mêmes les décisions médicales importantes les concernant.

Je me permets de parler brièvement d'un cas qui me touche personnellement. Un de mes bons amis était atteint d'une maladie qui lui causait des souffrances intolérables que les soins palliatifs ne pouvaient soulager. Sa maladie a considérablement détérioré sa qualité de vie jusqu'à ce qu'il se rende à l'étranger, l'an dernier, pour avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Je ne suis pas certain que le projet de loi lui aurait donné accès à l'aide médicale à mourir, mais je me réjouis qu'il ait pu mourir paisiblement et en toute légalité, entouré des siens.

Je suis peiné que d'autre personnes aient eu à endurer des souffrances inimaginables jusqu'à leur mort naturelle ou à prendre des mesures draconiennes pour s'enlever la vie. C'est inacceptable.

Les Canadiens m'ont fait part de leur point de vue au sujet du projet de loi C-14. Je sais qu'il s'agit d'une question délicate, mais nous nous entendons tous pour dire que cette mesure législative est nécessaire et que nous devons faire de notre mieux pour l'améliorer.

Honorables sénateurs, nous avons une occasion unique d'aider ceux qui veulent mettre fin à leurs jours à le faire de façon sûre et digne. Le projet de loi C-14 n'est pas parfait, mais il représente un bon point de départ.

Merci.

Haut de page