Projet de loi sur le cadre de référence national sur les compétences essentielles de la main-d’œuvre
Deuxième lecture—Ajournement du débat
27 novembre 2018
L’honorable Sénatrice Diane Bellemare :
Honorables sénateurs, comme vous le savez, le Canada est réputé sur la scène internationale pour ses taux élevés de scolarisation. En contrepartie, de nombreuses personnes occupent des emplois pour lesquels elles sont surqualifiées. En même temps, les travaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l’évaluation des compétences des adultes nous apprennent que de nombreux Canadiens et Canadiennes, jeunes et moins jeunes, ne possèdent pas les niveaux de compétence de base pour s’adapter aux nouvelles réalités du marché du travail. Le manque d’adéquation entre l’offre et la demande en matière de compétences fait dire à plusieurs qu’une crise silencieuse se prépare.
Cette crise silencieuse a été décrite ainsi dans l’étude Humains recherchés, qui a été menée et publiée récemment par la RBC :
Nous avons découvert une crise silencieuse : des nouveaux diplômés occupent des postes pour lesquels ils sont surqualifiés, les jeunes au chômage n’ont pas été formés pour les postes disponibles et les jeunes de partout au pays se disent mal préparés à l’avenir du monde du travail.
Un trop grand nombre de jeunes ont été formés pour des emplois qui sont voués à disparaître alors qu’ils auraient pu développer des aptitudes qui leur auraient été bien plus utiles.
Chers collègues, vous conviendrez avec moi que cette problématique est troublante. Qu’allons-nous faire?
Heureusement, il y a des solutions. C’est avec enthousiasme que je vous présente le projet de loi S-256, intitulé Loi concernant l’élaboration d’un cadre de référence national sur les compétences essentielles de la main-d’œuvre, qui propose une solution aux problèmes actuels et futurs d’adéquation des compétences de la main-d’œuvre aux besoins du marché du travail. Ce n’est pas une panacée, j’en conviens, mais c’est assurément un pas dans la bonne direction.
Ce projet de loi est lié au projet de loi S-254, Loi instituant la Semaine de promotion de l’apprentissage des compétences essentielles, que j’ai déposé en cette Chambre récemment. Le projet de loi S-256 vise à préciser ce qu’on entend par des compétences essentielles, en proposant une démarche constitutionnellement acceptable pour l’adoption d’un langage commun en la matière au Canada. Je vous rappelle brièvement que les compétences essentielles désignent l’ensemble des compétences de base que tout individu doit maîtriser pour faire face aux défis économiques et sociaux d’aujourd’hui et de demain. Elles incluent évidemment la littératie de base, la numératie, les compétences numériques, tout comme les compétences citoyennes et sociales et la capacité d’apprendre à apprendre.
Aujourd’hui, le marché du travail exige plus qu’un diplôme. Une personne qui veut occuper un emploi décent doit posséder des compétences de base diverses, qui ne s’enseignent pas toujours à l’école. Le contenu des compétences essentielles évolue dans le temps au rythme des changements technologiques. Celles d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que celles d’hier; elles varient également d’une occupation ou d’un emploi à un autre. Avec le temps, les personnes qui sont déjà sur le marché du travail peuvent accuser un déficit à ce chapitre si elles n’ont pas eu la chance ou les moyens d’investir dans le développement de leurs compétences.
Les résultats exposés dans le rapport de la RBC sur les compétences de demain confirment par ailleurs que les compétences essentielles sont de plus en plus liées à la mobilité. On y constate que les emplois offerts au cours des quatre prochaines années exigeront de nouvelles compétences fondamentales, comme l’esprit critique, la coordination, la perspicacité sociale et la faculté de résoudre des problèmes complexes.
On y apprend notamment que la maîtrise des outils numériques sera essentielle pour occuper les emplois de demain et que les compétences comme la sensibilité aux autres cultures et la langue seront recherchées.
L’OCDE ne dit pas autre chose. Voici ce qu’on peut lire dans le rapport intitulé Quelles compétences pour un monde numérique?, qu’elle a publié en 2016 :
Il faut donner aux gens les moyens d’acquérir les compétences numériques dont ils auront besoin pour participer pleinement à la vie économique, sociale et culturelle d’aujourd’hui et de demain. Le fait que l’économie numérique soit en constante mutation oblige les individus à s’ajuster rapidement à l’évolution de l’environnement technologique et des exigences en matière de compétences. Pour pallier l’incertitude qui peut seulement aller croissante, l’accent doit être mis sur l’acquisition de solides compétences fondamentales, d’un fort esprit critique et de bonnes aptitudes sociales et émotionnelles. Quant à la littératie numérique, elle est nécessaire pour évoluer dans l’économie et la société numériques.
Ce projet de loi permettra au pays de se doter d’un cadre national d’acquisition des compétences essentielles ou fondamentales.
Les honorables sénateurs se demandent peut-être de quoi il s’agit au juste et qui en bénéficiera. Un cadre de référence national sur les compétences essentielles permet de décrire et de mesurer les compétences comme la langue, la littératie, la numératie et la littératie numérique, entre autres, dans un contexte de travail, de formation et de communication. Il s’agit d’un élément clé de l’infrastructure d’appui à l’apprentissage permanent. Le cadre envisage les compétences essentielles qui permettent aux personnes de participer efficacement à la société.
Depuis le tournant du siècle, beaucoup de pays ont élaboré un cadre de référence sur les compétences essentielles pour favoriser une approche d’apprentissage des compétences de base dans différents contextes personnels, collectifs et professionnels. Cela permet de définir les notions et le vocabulaire liés aux compétences de base et d’adopter une approche systématique avec des points de repère pour évaluer la performance et en faire état.
Un cadre de référence sur les compétences essentielles permet aux individus, aux entreprises et aux institutions d’enseignement et de formation d’établir des profils de compétences, de prévoir des plans de formation, de former des formateurs, d’évaluer les résultats des formations et de les certifier. Il est nécessaire au succès des investissements en faveur de la formation continue, surtout quand la formation se donne en entreprise ou qu’elle est informelle ou d’initiative personnelle.
Le projet de loi S-256 vise essentiellement à édifier une norme ou une référence en matière de formation continue des compétences de base à travers le Canada. Ce cadre de référence est une infrastructure sociale qui permet aux personnes, ainsi qu’aux entreprises et aux gouvernements d’investir de façon cohérente et intelligente dans le développement des compétences. C’est un outil d’information du marché du travail qui nous permettra de mieux investir et, conséquemment, d’investir davantage en faveur de la formation continue.
Le projet de loi S-256 est adapté à la réalité constitutionnelle canadienne. Il ne propose aucune intervention fédérale dans la livraison des services d’éducation et de formation. Ce projet de loi propose principalement une démarche concertée pour l’adoption d’un langage commun en matière de compétences essentielles. Il appartient donc au domaine de l’information du marché du travail, je le répète. Un cadre de référence commun guidera les jeunes dans leur formation. Il inspirera les entreprises qui désirent former leurs employés. Il guidera aussi les communautés autochtones qui veulent participer au marché du travail, les personnes immigrantes qui arrivent au Canada, toutes les personnes qui veulent voir reconnaître leurs efforts en matière de formation, toutes les institutions de formation et les groupes communautaires.
Pourquoi est-il si important d’adopter un cadre de référence sur les compétences essentielles? Dit simplement, un cadre commun permet de rentabiliser les investissements personnels ainsi que les investissements des entreprises et ceux des gouvernements. En outre, un tel cadre favorise la transition des personnes entre des emplois et des occupations.
Comme vous le savez, au Canada, la formation continue des adultes est principalement une responsabilité individuelle. Ce n’est pas un droit, comme c’est le cas en Europe. Comme l’a soutenu le Conseil consultatif en matière de croissance économique auprès du ministre des Finances, le système d’éducation et de formation est composé de deux piliers : un système pour les jeunes et un système pour les chômeurs, qui est financé par l’assurance-emploi. Il n’existe pas grand-chose pour le reste de la main-d’œuvre, y compris les jeunes adultes qui ne trouvent pas de travail, les immigrants, les membres des Premières Nations et tous ceux et celles qui veulent décrocher un emploi décent.
Le système canadien de formation continue est très décentralisé. Selon la Constitution canadienne, les services d’éducation et de formation relèvent des compétences provinciales, et chaque province peut agir comme elle l’entend.
Dans ce contexte de décentralisation, l’éducation des adultes a évolué par la base et de manière plutôt désordonnée. Au Québec, par exemple, les adultes qui n’ont pas terminé leurs études primaires et secondaires peuvent retourner aux études gratuitement. Toutefois, tout comme les immigrants reçus, les adultes qui veulent parfaire leurs compétences doivent le faire par leurs propres moyens.
Les écoles privées et publiques ainsi que les collèges et les universités ont pris la relève de la formation continue et offrent un vaste choix de formations courtes pour répondre aux besoins des adultes. Cependant, en l’absence d’un cadre de référence, il devient de plus en plus difficile pour les personnes et les entreprises de s’y retrouver.
Plusieurs institutions de formation, reconnues pour leur excellence dans le domaine numérique, offrent des cours en ligne. À l’heure actuelle, ces cours, qu’il faut généralement payer, ne peuvent constituer une offre de services de formation de masse. La formation en ligne deviendra sans doute la norme dans un avenir rapproché, mais à condition que toutes les communautés aient accès à Internet haute vitesse. Il faudra surtout que cette formation soit reconnue par une certification officielle qui atteste des compétences acquises, en plus d’en assurer la qualité.
Quant à la majorité des entreprises canadiennes, elles investissent peu dans la formation de leur personnel. Elles ne se considèrent pas comme des lieux d’apprentissage. Certaines entreprises offriront des cours sur les compétences de base, comme des cours de langue après les heures de travail, mais ce sont des exceptions. Il y a aussi les groupes communautaires qui proposent des programmes d’alphabétisation pour les personnes les plus démunies, mais ces groupes se sont vu couper les vivres et subissent un manque réel de financement.
Somme toute, nous pouvons conclure que le système de formation continue au Canada est anémique et souffre d’un manque d’investissement. De plus, mis à part la formation offerte par les ordres professionnels et les institutions publiques d’enseignement, le système de formation continue est généralement peu reconnu. Il lui manque une épine dorsale.
Le projet de loi S-256 vise à mettre en place un cadre de référence sur les compétences de base afin de mettre de l’ordre dans le système, de rentabiliser les investissements privés et publics actuels en la matière et d’en attirer d’autres. Les avantages qu’apporte la formation continue sont énormes. On n’a qu’à penser à la réduction du temps de chômage ou de transition entre deux emplois. Elle permet aux adultes de s’adapter plus rapidement aux besoins économiques et sociaux de la société actuelle. De plus, elle augmente la productivité, car elle permet à la main-d’œuvre de mieux travailler, d’utiliser les équipements plus adéquatement, de réduire les erreurs et de prévenir les accidents du travail. Tout en augmentant la productivité, elle soutient la croissance non inflationniste des salaires et l’amélioration du niveau de vie de la classe moyenne.
Selon Statistique Canada, l’investissement dans le capital humain comme l’éducation et le perfectionnement des compétences essentielles a une incidence trois fois plus importante sur la croissance économique à long terme que l’investissement dans le capital physique. Bref, la formation continue est aujourd’hui ce qu’était l’éducation dans les années 1960, soit une nécessité, et la certification des compétences essentielles est à la société d’aujourd’hui et de demain ce qu’est le diplôme, soit une clé importante qui donne accès à la mobilité sur le marché du travail.
Quelle est l’expérience canadienne récente en matière de développement des compétences essentielles? Par le passé, le gouvernement fédéral et les provinces ont tenté d’agir dans le dossier des compétences de base. À partir du milieu des années 1990, le ministère fédéral du Développement des ressources humaines — maintenant appelé EDSC — a investi dans un vaste projet de recherche sur les compétences essentielles. Neuf compétences mesurées sur une échelle de 1 à 5 ont été retenues. Plusieurs sénateurs et sénatrices ont fait référence à ces compétences essentielles lors de discours au sujet de l’alphabétisme. Ces neuf compétences sont la lecture de textes, l’utilisation des documents, le calcul, la rédaction, la communication verbale, le travail d’équipe, la capacité de raisonnement, l’informatique ainsi que la formation continue.
Dans le cadre de ce projet de recherche, 350 profils de compétences essentielles ont été rédigés pour différentes professions libérales et techniques tirées de la Classification nationale des professions (CNP) de Statistique Canada. Ces profils ont été établis sur la base d’entrevues auprès de travailleurs, de gestionnaires, d’intervenants et de chercheurs.
Le public peut encore retrouver sur le site du gouvernement du Canada, sur la page du Guichet-Emplois, un moteur de recherche des profils liés aux compétences essentielles. Des guides d’interprétation des profils de compétences essentielles sont aussi offerts sur le site du gouvernement fédéral et sont destinés à un large éventail de parties prenantes, comme les concepteurs de cours de formation, les formateurs, les conseillers en orientation, les employeurs, ainsi que les parents, pour les aider à conseiller leurs jeunes. Le ministère a aussi mis en place des ressources en ligne pour l’évaluation et la planification des compétences essentielles et des outils de perfectionnement.
Il a également financé des recherches-actions, notamment avec Collèges et instituts Canada, dans le but d’établir des programmes de formation de courte durée en matière de compétences de base. Ces recherches ont démontré des résultats probants après une séance de perfectionnement de 24 à 60 heures, lorsque ce perfectionnement est intégré dans une formation spécifique ou technique. En d’autres mots, un cadre de référence sur les compétences essentielles améliorerait la qualité de l’apprentissage en milieu de travail en jumelant l’enseignement des compétences de base et les compétences spécifiques. Il deviendrait alors socialement rentable pour les gouvernements d’investir dans la formation offerte au sein d’entreprises.
Le Programme de recherche sur les compétences essentielles du gouvernement fédéral a inspiré le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, le Manitoba ainsi que l’Alberta. Ces provinces ont élaboré des programmes de formation fondés sur des principes similaires. Malheureusement, la plupart des initiatives provinciales se sont essoufflées, tout comme le Programme fédéral sur le développement des compétences essentielles, qui a cessé d’exister. Somme toute, l’expérience canadienne en matière de compétences de base s’est avérée décevante. Pourtant, les initiatives de la sorte se sont multipliées à l’échelle internationale avec succès.
Pourquoi l’expérience canadienne a-t-elle échoué? La réponse brève à cette question complexe est le manque de concertation entre les provinces et le gouvernement fédéral. Nous n’en serions pas là aujourd’hui si tous les gouvernements avaient travaillé de concert avec l’ensemble des parties prenantes à l’apprentissage tout au long de la vie.
Bien entendu, les questions financières y sont aussi pour quelque chose. La culture dominante qui perçoit le diplôme comme une porte d’entrée universelle à l’emploi décent explique peut-être aussi l’absence de concertation. En effet, qui parle de diplôme parle d’éducation, et donc de compétences provinciales. Peut-être que le manque de connaissances sur les meilleures pratiques empruntées ailleurs dans le monde explique notre faible performance en matière de formation continue des compétences de base.
Toutefois, je demeure persuadée que la raison principale de cet échec est le manque de volonté politique des gouvernements canadiens à construire le partenariat nécessaire. Le projet de loi S-256 vise à y remédier en suscitant la volonté politique d’agir en partenariat.
Le projet de loi propose que le gouvernement fédéral conçoive un cadre de référence sur les compétences essentielles en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Dans l’année suivant la date d’entrée en vigueur du projet de loi, le ministre de l’Emploi et du Développement social convoque une conférence avec les représentants provinciaux et territoriaux responsables du développement des compétences présentes et futures de la main-d’œuvre dans le but d’élaborer le cadre de référence national sur les compétences essentielles et de définir des cibles précises.
Dans le cadre de ce processus, le ministre doit tenir compte des facteurs suivants : a) le partage des compétences entre les autorités fédérales, provinciales et territoriales, notamment en matière d’éducation, de formation, d’assurance-emploi et de main-d’œuvre; b) l’importance de la participation des parties prenantes en matière de développement des compétences essentielles, dont celle des représentants des employeurs et de la main-d’œuvre; c) le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes de l’Organisation de coopération et de développement économiques; d) les besoins spécifiques des diverses régions et communautés, notamment des communautés autochtones, en matière de développement des compétences essentielles de la main-d’œuvre.
S’il est adopté, ce projet de loi remettra le Canada au même niveau que les autres pays dans l’édification d’une infrastructure solide pour le développement des compétences essentielles d’aujourd’hui et de demain. Ce projet de loi s’inspire notamment des modèles de l’Union européenne et de l’Australie, qui ont investi depuis longtemps dans le développement des compétences de base.
La première version du cadre australien sur les compétences essentielles a été élaborée de concert avec l’industrie en 2008, puis révisée en 2012. Les gouvernements australiens se sont mobilisés et ont créé une stratégie nationale pour rehausser les compétences de tous les Australiens afin de les préparer à relever les défis actuels et futurs. Signée par tous les gouvernements en 2012, la stratégie propose des objectifs concrets tels que l’atteinte d’un niveau 3 de littératie par les deux tiers des Australiens d’ici 2022.
En 2006, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté une recommandation sur les compétences clés et la formation tout au long de la vie. En mai dernier, l’Union européenne a révisé le cadre de référence afin de prendre en compte les nouvelles réalités du XXIe siècle. Les exigences en matière de compétences changent devant les réalités de la quatrième Révolution industrielle, alors que les technologies jouent un rôle plus important dans toutes les sphères de la vie.
Pour ces raisons, le nouveau cadre de référence européen sur les compétences clés comporte maintenant huit compétences. Je vais vous les lire pour trancher avec les anciennes compétences essentielles adoptées au Canada en 2008. Il y a les compétences en lecture et en écriture; les compétences multilingues; les compétences mathématiques et les compétences en science, en technologie et en ingénierie; la compétence numérique; les compétences personnelles et sociales et la capacité d’apprendre à apprendre; les compétences citoyennes; les compétences entrepreneuriales; et, enfin, les compétences relatives à la sensibilité et à l’expression culturelle.
Il est entendu, dans la recommandation de l’Union européenne, que le nouveau socle des compétences clés devra être soutenu tout au long de la vie par une diversité de méthodes d’apprentissage plus ou moins formelles. Ces apprentissages devront également faire l’objet d’une évaluation et d’une validation appropriées.
Bref, si les pays membres de l’Union européenne et le gouvernement australien arrivent à s’entendre, pourquoi pas nous? Il y a certainement une urgence de prévoir des mécanismes d’adaptation face aux ruptures sur le marché du travail qu’entraîneront l’arrivée de l’intelligence artificielle ainsi que le virage vers une économie plus verte et diversifiée, comme le démontre la fermeture d’usines de GM annoncée cette semaine dans le secteur de l’automobile.
Avant de terminer, j’aimerais dire quelques mots sur la manière dont peuvent s’acquérir les compétences essentielles.
Ces compétences peuvent être enseignées aux jeunes dans le contexte de leur formation initiale. D’ailleurs, plusieurs provinces travaillent à les incorporer dans les différents curriculums. Les provinces, dans le cadre du Conseil des ministres de l’Éducation, travaillent en collaboration pour partager leurs expériences en matière de compétences globales. Les adultes peuvent également tenter de les acquérir de manière plus ou moins formelle, mais, pour les adultes qui travaillent, le milieu de travail est l’endroit idéal pour parfaire leurs compétences essentielles. Malheureusement, l’apprentissage en milieu de travail n’est pas très développé, comme je l’ai mentionné.
Mis à part les métiers réglementés par le Sceau rouge, l’apprentissage en milieu de travail est anémique. Pour relever ce défi, il faut absolument un cadre de référence des compétences essentielles que l’on peut marier à la formation spécifique, et il faut faire de l’investissement en faveur de la formation en entreprise un meilleur investissement, car il sera qualifiant et transférable. Cela permettra d’intégrer au marché du travail de nombreux jeunes, des immigrants et des membres des Premières Nations. Dans de telles circonstances, les gouvernements auraient un intérêt économique et financier à investir. Tout le monde y gagnerait : le travailleur, l’entreprise et la société.
En conclusion, le projet de loi S-256, s’il est adopté, encouragera l’investissement privé et public en faveur des compétences essentielles et, conséquemment, en faveur du capital humain. Il s’inscrit dans la mouvance internationale en matière de formation continue pour les adultes et il répond à plusieurs préoccupations définies comme étant urgentes par divers groupes issus des milieux économiques et de la formation technique et appliquée. En effet, il présente un troisième pilier de formation pour les adultes, comme nous invite à le faire le Conseil consultatif en matière de croissance économique dans son rapport intitulé Un pays qui apprend : outiller la main-d’œuvre au Canada avec les compétences de l’avenir. Il fait également écho aux recommandations de l’association Collèges et instituts Canada qui, en 2013, lors de son sommet des leaders, recommandait de rehausser la qualité des pratiques en matière de développement de la littératie et des compétences essentielles en adoptant un cadre qui définit ce à quoi les employeurs et les individus sont en droit de s’attendre au chapitre de l’amélioration des compétences essentielles, et qui permet de mesurer les résultats.
Le projet de loi est également conforme aux recommandations du rapport de la RBC intitulé Humains recherchés — Facteurs de réussite pour les jeunes Canadiens à l’ère des grandes perturbations, lequel parle notamment de la nécessité de normaliser les renseignements sur le marché du travail pour toutes les provinces et les régions et de créer une initiative nationale pour aider les employeurs à mesurer les compétences fondamentales et à les incorporer aux pratiques de recrutement, d’embauche et de formation.
Enfin, ce projet de loi s’inscrit entièrement dans les recommandations de l’OCDE qui sont présentées dans son rapport intitulé Skills for a Digital World et dans de nombreux autres rapports.
Sur ce, chers collègues, je vous demande d’adopter rapidement ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture afin que nous puissions le transmettre à un comité pour étude approfondie. Un cadre de référence des compétences essentielles produit à l’aide d’un partenariat fédéral-provincial est l’infrastructure nécessaire qui manque au Canada pour valoriser les investissements privés et publics en matière de formation continue. C’est aussi une pièce du casse-tête pour encourager la diversification économique de toutes les régions du Canada et pour donner à tous les citoyens et citoyennes les moyens d’affronter les défis du XXIe siècle. Merci.