La Loi sur le tabac - La Loi sur la santé des non-fumeurs
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
9 mars 2017
L’honorable Sénateur Marc Gold :
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-5.
Permettez-moi de commencer par souligner le caractère très complet et équilibré de l'exposé de la porte-parole de l'opposition. C'est un véritable exemple de la valeur qu'on peut ajouter à un débat.
Alors, je vous lève mon chapeau.
En principe, je suis favorable au projet de loi S-5. En particulier, j'appuie les objectifs de protection de la santé des Canadiens contre les méfaits associés au tabagisme. Je soutiens également l'objectif consistant à réglementer l'accès des mineurs à des produits à base de nicotine.
Néanmoins, j'ai certaines réserves à formuler au sujet du projet de loi qui, à mon avis, doit être étudié en profondeur en comité. En conséquence, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue pour que le projet de loi soit renvoyé au comité dès que possible, afin que toutes les questions puissent être examinées à fond.
Permettez-moi d'évoquer brièvement quelques-unes de mes préoccupations. En bref, ma principale inquiétude est que ce projet de loi restreigne trop l'industrie du vapotage et impose des limites qui ne sont pas indispensables, ou du moins décourage le passage au vapotage des personnes qui essaient d'arrêter de fumer.
Comme on l'a déjà mentionné, nous ne disposons pas d'une quantité abondante d'études à long terme pour fournir des données sur les effets à long terme du vapotage sur la santé ni sur l'efficacité du vapotage comme moyen d'arrêter de fumer les produits du tabac. Cependant, cela ne veut pas dire que nous ne disposons d'aucune donnée. Je ne parle pas ici de données empiriques, bien que celles-ci soient très abondantes. Permettez-moi d'en citer quelques exemples.
Mon fils a commencé à fumer la cigarette alors qu'il était très jeune, comme moi d'ailleurs, bien avant l'âge de 18 ans. Il y a trois ans, il a commencé à vapoter, et il n'a pas pris une seule cigarette depuis. De plus, il a fait baisser progressivement le niveau de nicotine dans le liquide jusqu'à atteindre une quantité minimale. Aussi, ma femme a fumé pendant presque 35 ans, mais, depuis qu'elle a commencé à vapoter il y a deux ans, elle n'a pris aucune cigarette. Il y a un niveau de nicotine plutôt élevé, mais, tout de même, elle ne fume plus.
Il y a de l'espoir, mais à part les données empiriques — et nous en avons tous été bombardés —, il y a en fait l'étude provenant du Royaume-Uni, couramment citée, qui a conclu que le vapotage est beaucoup moins nocif pour la santé que le tabagisme. Cancer Research UK a fait paraître récemment un article dans les Annals of Internal Medicine, dans lequel on conclut également que les cigarettes électroniques sont beaucoup moins dommageables que les cigarettes ordinaires. Soit dit en passant, Cancer Research UK serait la plus grande œuvre de charité indépendante dans le domaine de la recherche sur le cancer.
Certes, il y a aussi le rapport du directeur du Service de santé publique des États-Unis, qui souligne les risques pour la santé que pose le vapotage. Il reste la très importante question de l'évaluation de la méthodologie qui sous-tend ces études et ces rapports, entre autres.
Néanmoins, un nombre croissant de données probantes démontrent que le vapotage est une option bien meilleure et bien plus sûre que le tabagisme. À la lumière de ces données, je crains que l'interdiction que prévoit le projet de loi, c'est-à-dire le paragraphe 30.43(1) proposé, même avec les exceptions qu'il contient, rende difficile pour les fumeurs de s'informer sur les bienfaits relatifs de la transition vers un produit de vapotage. Le terme à souligner ici est « relatif ». Le vapotage n'est peut-être pas entièrement sans risque pour la santé, mais je crois que les données permettent d'établir qu'il est moins nocif que le tabagisme. Ne laissons pas le mieux être l'ennemi du bien.
Par ailleurs, certains craignent que le vapotage puisse être une porte d'entrée vers le tabagisme. Cet enjeu a servi de raison de plus pour exiger que des précautions soient prises et pour justifier les composantes plutôt restrictives du projet de loi. Je comprends parfaitement. C'est tout à fait naturel d'avoir des réserves quant à la consommation d'un liquide contenant de la nicotine. Comme l'a dit ma collègue, il sera extrêmement important d'entendre l'opinion des experts à savoir si le vapotage mène généralement au tabagisme et s'il faut établir une distinction entre vapoter du liquide qui contient de la nicotine et vapoter du liquide qui n'en contient pas. Les vapoteurs appellent ce dernier du « jus ».
J'espère également que le comité se penchera sur la question des arômes. Je comprends les préoccupations quant à la commercialisation de produits contenant de la nicotine à l'intention des mineurs. Je partage ces mêmes préoccupations. Je crois cependant qu'il importe que les produits de vapotage soient non seulement accessibles, mais aussi attrayants, pour les personnes âgées de moins de 18 ans ou plus qui souhaitent abandonner la cigarette. D'ailleurs, je ne suis pas certain de comprendre ce que prévoit le projet de loi en matière d'arômes.
Le projet de loi prévoit l'interdiction de faire figurer sur le produit de vapotage ou sur son emballage une mention ou une illustration, notamment un élément de marque, qui pourrait faire croire que le produit est aromatisé s'il existe des motifs raisonnables que la mention ou l'illustration pourrait être attrayante pour les jeunes.
Je suis en faveur de l'imposition de restrictions sur la façon dont les produits de vapotage sont présentés et mis en marché, mais je pense qu'il est important de signaler au comité que les dispositions réglementaires et législatives ne devraient pas imposer de restrictions d'une portée telle qu'elles empêcheraient les consommateurs de choisir différents arômes. Soyons clairs : beaucoup d'adultes qui ont un cœur d'enfant aiment certains arômes sucrés, comme la gomme à bulles ou la barbe à papa.
Je ne laisse pas du tout entendre qu'il faudrait autoriser le marketing auprès des enfants, bien au contraire. Toutefois, certaines personnes qui utilisent des produits de vapotage aiment les arômes. En l'absence de produits aromatisés, elles ne seraient pas incitées à abandonner la cigarette pour le vapotage. C'est le seul élément qui me préoccupe vraiment.
Évidemment, il faut atteindre un juste équilibre. En effet, il faut éviter la publicité qui cible les jeunes, tout en veillant à ne pas trop restreindre les renseignements et les produits qui pourraient inciter des gens à se tourner vers le vapotage comme solution de rechange au tabagisme. J'imagine que le comité se penchera là-dessus.
Enfin, j'ai des inquiétudes quant à l'impact du projet de loi sur les petites et moyennes entreprises qui souhaitent pénétrer le marché des produits de vapotage, notamment en ce qui a trait à la distribution de liquide ou de jus de vapotage. Certes, il existe des questions sérieuses et légitimes de contrôle de la qualité qui appellent manifestement à la réglementation, mais la structure du projet de loi suggère, peut-être à tort, qu'on met l'accent sur les grandes corporations et que les entreprises plus petites et indépendantes peuvent être exclues du marché. J'encourage le comité à étudier et à explorer des façons de permettre aux entreprises autres que les grandes sociétés de participer à ce qui est et ce qui devrait demeurer un marché en croissance et rentable.
En conclusion, j'appuie plusieurs des objectifs du projet de loi et j'ai bien hâte que le comité l'étudie attentivement.