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Le Code criminel—La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Rejet de la motion d'amendement

13 juin 2019


L’honorable Dan Christmas [ + ]

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-75, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a)à l’article 104, à la page 35, par suppression des lignes 5 à 15;

b)à l’article 105, à la page 35, par suppression des lignes 16 à 28;

c)à l’article 109, à la page 36, par suppression des lignes 24 à 33;

d)à l’article 386, à la page 182 :

(i)par substitution, à la ligne 10, de ce qui suit :

« 5 La présente loi entre en vigueur à la »,

(ii)par suppression des lignes 17 et 18.

Wela’lioq. Merci.

Son Honneur le Président [ + ]

L’honorable sénateur Christmas, avec l’appui de l’honorable sénatrice Griffin, propose en amendement que le projet de loi C-75 ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu’il soit modifié... puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Boisvenu, voulez-vous poser une question ou prendre la parole?

Le sénateur Boisvenu [ + ]

Je veux poser une question.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Christmas, quelques sénateurs ont demandé la permission de poser des questions, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à des questions?

Le sénateur Christmas [ + ]

Oui, Votre Honneur.

Son Honneur le Président [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu [ + ]

Sénateur Christmas, d’abord, je tiens à vous féliciter de votre allocution et de votre amendement. La traite des personnes constitue effectivement un problème majeur, tant au Québec qu’au sein des communautés autochtones.

Ma question est la suivante. Le projet de loi C-75 prévoit des sentences consécutives, comme vous l’avez mentionné. Celles-ci sont très importantes pour mettre les jeunes filles à l’abri des proxénètes qui, souvent, reviennent les chercher. Malheureusement, le gouvernement devra prendre un décret afin de mettre en vigueur les peines consécutives.

En 2015, le projet de loi C-452 a été adopté selon les mêmes conditions et était assorti d’un décret visant l’entrée en vigueur de la loi. Or, on retrouve le même décret dans le projet de loi C-75. Êtes-vous d’accord pour dire que, s’il faut prendre un décret, jamais ce gouvernement ne mettra en vigueur les sentences consécutives?

Le sénateur Christmas [ + ]

Merci, sénateur, de la question. J’ai présenté au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles l’argument que vous mentionnez au sujet du projet de loi C-452 de même que les trois autres que j’ai présentés concernant les infractions au Code criminel. Sénateur, en pensant à mon exposé d’aujourd’hui, j’avais malheureusement le sentiment que je devais faire un choix. Je ne pensais pas que le gouvernement accepterait tous les amendements que nous avions proposés, alors j’ai malheureusement décidé d’abandonner toute mention du projet de loi C-452 ou tout amendement portant sur les peines consécutives pour ceux qui se livrent à la traite de personnes. Cela ne veut pas dire que je ne trouve pas la question importante. Je crois que si un trafiquant de personnes ne reçoit qu’une seule peine après avoir fait de multiples victimes, c’est une injustice grave.

J’appuie entièrement le projet de loi C-452. J’aimerais qu’il entre en vigueur. Toutefois, vu le dilemme qui se posait à moi aujourd’hui, j’ai pensé solliciter l’appui du Sénat uniquement à l’égard des trois amendements au Code criminel dont j’ai parlé. Je vous remercie de la question, sénateur.

L’honorable Jean-Guy Dagenais [ + ]

Sénateur Christmas, j’ai écouté votre allocution et, à titre d’ancien policier, il y a une chose sur laquelle j’ai accroché. Vous dites que les policiers qui mènent des enquêtes dans vos communautés ont souvent des stéréotypes raciaux. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par un « stéréotype racial » de la part des policiers?

Le sénateur Christmas [ + ]

Merci, sénateur. Je vous sais gré de votre question. Je pense à un cas qui ne cesse de me hanter, celui impliquant un membre, comme moi, de la Première nation de Membertou, Donald Marshall Junior. Il avait 16 ans à l’époque. Il se trouvait sur les lieux d’un crime. Lorsque les enquêteurs sont arrivés, ils ont immédiatement conclu que Donald Marshall était le coupable, alors que rien ne le désignait comme tel.

Par la suite, l’enquête a conclu que c’est le fait que Junior — c’est ainsi que nous l’appelions — soit Mi’kmaq qui avait amené les enquêteurs à le croire coupable d’un meurtre qu’il n’avait pas commis.

Honorables sénateurs, je sais que c’est un cas extrême, mais j’ai aussi vu de nombreux rapports et enquêtes dans lesquels le facteur racial était ainsi utilisé pour juger de la culpabilité d’une personne. De toute évidence, on ne devrait pas voir cela dans le cadre de notre système de justice pénale. Malheureusement, le fait est que, même si les êtres humains — les membres de l’appareil judiciaire, juges, procureurs de la Couronne et agents de police compris — essaient de ne pas se laisser influencer par leurs préjugés, car c’est manifestement ce qui s’est passé dans le cas de Junior, cela arrive. Cela arrive beaucoup trop souvent, malheureusement.

Son Honneur le Président [ + ]

Je suis désolé, mais le temps de parole du sénateur est écoulé. Les sénateurs sont-ils d’accord pour accorder cinq minutes de plus au sénateur Christmas afin qu’il puisse répondre à d’autres questions?

Le sénateur Plett [ + ]

Non.

Son Honneur le Président [ + ]

Le consentement n’est pas accordé.

L’honorable Murray Sinclair [ + ]

Je suis persuadé que de nombreuses personnes avaient beaucoup de questions à poser. Merci, votre Honneur. Je prends la parole pour m’opposer à l’amendement. J’aimerais expliquer les raisons qui motivent ma décision. J’en ai parlé avec le sénateur et je tiens à lui assurer que je comprends parfaitement son enthousiasme et son dévouement dans ce dossier.

Selon l’information fournie au comité, aucune des infractions mixtes ne fait l’objet d’une réduction des peines maximales. La peine maximale pour toutes les infractions, y compris la peine maximale liée à la traite des personnes, demeure toujours inchangée lorsque l’infraction fait l’objet d’une poursuite par mise en accusation.

Il arrive parfois — on l’a appris à la suite de discussions avec les provinces — que les procureurs de la Couronne veuillent pouvoir procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité, car, selon les statistiques, même dans les cas de traite des personnes et de toute autre infraction punissable par voie de mise en accusation qui est reclassifiée en infraction mixte, certaines personnes sont condamnées à des peines moins longues que celles prévues dans les prisons provinciales, et moins longues que les deux années qui sont actuellement prévues dans les amendements au Code criminel qui sont apportés au moyen du projet de loi C-75.

Souvent, dans de tels cas, les acteurs de second plan sont traduits en justice parce qu’ils sont généralement les premiers à se faire prendre. Nous avons vu cela dans des cas de traite de personnes à Winnipeg, au Manitoba, par exemple. Cela se passe dans l’ensemble des provinces des Prairies, mais probablement sur la côte Ouest aussi. Les données nous apprennent que les jeunes hommes autochtones sont souvent les premiers à être appelés à recruter les jeunes femmes autochtones pour l’industrie de la traite des personnes. Le rôle des recruteurs est de faire entrer les jeunes femmes dans le réseau. Ce sont parfois de jeunes membres de la famille, comme des frères ou des cousins, ou encore de jeunes membres des gangs. Souvent, le recrutement prend la forme de fêtes où d’autres intervenants, qui se situent plus haut dans la hiérarchie, choisissent celles qui deviendront des victimes.

Ces jeunes hommes qui amènent les filles aux fêtes, qui les conduisent à leurs rendez-vous ou qui ne sont que des acteurs nettement secondaires font actuellement l’objet de poursuites par mise en accusation pour le rôle qu’ils jouent. Non seulement ils font face à de graves conséquences, mais ils risquent également de se retrouver avec un casier judiciaire plus lourd.

Souvent, en tant que juge, j’ai entendu des affaires de ce genre où les procureurs de la Couronne ont exprimé leur regret d’avoir dû déposer des poursuites par mise en accusation. Ils soulignaient qu’ils regrettaient d’avoir eu à suivre cette voie parce qu’elle entraîne un lourd casier judiciaire, sauf que l’accusé — ce pouvait même être une jeune femme qui s’occupait du recrutement — avait manifestement commis une infraction en matière de traite des personnes, alors ils n’avaient pas d’autre choix que de se conformer au texte de loi, qui traite les cas de ce genre comme des infractions graves.

Les procureurs pourront maintenant opter pour une procédure sommaire à l’égard de ces acteurs de second plan. Les procureurs connaissent la différence entre une procédure sommaire et une mise en accusation. En général, lorsqu’un procureur décide, après réflexion, de demander une peine plus lourde que celle prévue lors d’une procédure sommaire, alors il opte pour la mise en accusation. En revanche, s’il juge que les circonstances dans lesquelles le délinquant a commis l’infraction peuvent justifier une peine moins sévère, alors les modifications prévues dans le projet de loi C-75 lui permettront de procéder quand même par mise en accusation, ce que le Code criminel ne leur permet pas de faire en ce moment.

J’aimerais également préciser que les acteurs les plus importants sont souvent des membres d’un gang. Ce sont eux, les exploiteurs. Ce sont eux qui dirigent les réseaux de traite des personnes. La réalité, c’est qu’il est difficile d’épingler les hauts responsables de ces réseaux, à moins qu’un acteur de second plan ne soit prêt à témoigner contre eux et à parler de leurs activités. Parfois, le procureur aimerait pouvoir offrir au plus petit joueur une peine moins lourde pour l’encourager à témoigner contre les plus haut placés du gang. C’est une procédure pénale légitime.

Encore une fois, à l’heure actuelle, ils n’ont d’autre choix que de dire, si tu plaides coupable à cette infraction de traite des personnes, même si on procède par voie de mise en accusation, nous ne demanderons pas une peine plus lourde que telle ou telle peine. Néanmoins, l’individu se retrouve avec une condamnation pour acte criminel à son casier. Avec cet amendement, ce serait plutôt une infraction punissable par procédure sommaire qui figurerait au casier, une catégorie d’infraction qui n’est pas traitée de manière aussi sévère lorsqu’on demande la suppression d’un casier judiciaire ou une révision des condamnations criminelles.

Qui plus est, selon les statistiques, très peu d’individus ayant joué un rôle secondaire relativement à cette infraction se voient imposer une peine de plus de deux ans. Cette disposition, cet amendement, comme c’est le cas pour toutes les infractions érigées en infractions mixtes, vise donc à reconnaître que les individus qui seraient condamnés à une peine de deux ans ou moins à l’heure actuelle vont continuer de se voir imposer la même peine, mais d’une manière qui permet aux tribunaux de traiter les causes plus rapidement.

Il ne faut pas oublier que le projet de loi C-75 a pour but de réduire les délais judiciaires. Il a toujours eu pour objet de permettre aux tribunaux, à la suite du rapport du Sénat sur les délais judiciaires, de procéder d’une manière qui permet de traiter les causes plus rapidement.

À l’heure actuelle, même les acteurs de second plan ont droit à une audience préliminaire, sauf dans les cas prévus dans l’amendement proposé au projet de loi C-75. Ils ont droit à un procès devant jury, et ces cas moins graves engorgent le système. Les amendements visent donc à accélérer le traitement des affaires et à permettre aux procureurs de la Couronne d’offrir des solutions de rechange aux acteurs de second plan.

Je suis conscient que les personnes qui dénoncent la décision du gouvernement d’ériger en infractions mixtes certains actes criminels affirment que, en procédant ainsi, le gouvernement considère qu’il s’agit d’affaires moins graves. En réalité, il sera toujours possible d’imposer les peines maximales. La procédure de mise en accusation reste en place. Cependant, la Couronne aura dorénavant la possibilité de traiter moins sévèrement les personnes impliquées moins gravement que d’autres dans la perpétration de l’infraction, ce qui permettra de désengorger les tribunaux.

Nous savons, par exemple, que les tribunaux provinciaux s’occupent actuellement d’enquêtes préliminaires. On craignait que les cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire n’engorgent l’appareil judiciaire provincial, mais, en réalité, on élimine maintenant les enquêtes préliminaires. Par conséquent, les tribunaux provinciaux disposeront toujours du temps nécessaire pour traiter ces affaires.

Je comprends votre préoccupation et je la partage. Je vous l’assure. Je suis moi-même extrêmement préoccupé par les conclusions du rapport de la commission d’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées. Les commissaires y soulignent que bon nombre de victimes étaient prises dans cet engrenage. Les coupables qui sont repérés continueront de se voir imposer la peine maximale prévue par le système de poursuites. Les procureurs de la Couronne seront en mesure de traiter plus efficacement le cas des individus qui jouent un rôle secondaire dans le réseau, de façon à accaparer moins de temps des tribunaux et à faire en sorte que ces acteurs de second plan puissent continuer leur vie sans porter le fardeau d’un casier judiciaire aux conséquences plus sévères, ce qui aurait été le cas autrement.

Honorables sénateurs, je vous invite à tenir compte de ces facteurs avant de voter sur cet amendement. J’estime que, en gros, la disposition visant à ériger une infraction en infraction mixte est judicieuse. Nous devrions la conserver. Nous devrions laisser une telle discrétion aux procureurs. Nous devrions leur faire confiance.

En enlevant cette discrétion aux procureurs, nous leur disons ni plus ni moins que nous ne leur faisons pas confiance pour ce qui est de cette décision, ce qui est inacceptable. En fait, nous devons permettre aux procureurs de jouer un rôle dans le système où se prennent les décisions afin de permettre aux tribunaux de traiter plus efficacement les affaires dont ils sont saisis. Le fait de ne pas désigner cette infraction comme une infraction mixte contribuera à aggraver les retards judiciaires. Merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Le sénateur Boisvenu souhaite poser une question. Sénateur Sinclair, acceptez-vous d’y répondre?

Le sénateur Sinclair [ + ]

Certainement.

Le sénateur Boisvenu [ + ]

Sénateur Sinclair, j’ai entendu l’amendement qu’a proposé plus tôt le sénateur Christmas selon lequel le problème que suscite le projet de loi C-75 est lié au fait qu’il est fondé sur une perspective judiciaire plutôt que sur la perspective des victimes. C’est le cœur du problème que pose ce projet de loi.

Dans le cas du projet de loi C-452 sur la traite des personnes, qui touche un grand nombre de personnes de votre communauté, le gouvernement fédéral avait quatre ans pour mettre en vigueur ce projet de loi, mais il n’a jamais adopté le décret. Or, on retrouve dans le projet de loi C-75 le même décret, qui énonce les mêmes conditions qu’il y a quatre ans. Peut-on faire confiance au gouvernement et envisager qu’il mettra bientôt en place tous les éléments de la lutte contre la traite des personnes?

Le sénateur Sinclair [ + ]

Je remercie le sénateur de sa question. Je pense que cette disposition sera bien plus avantageuse pour les victimes que les anciennes dispositions.

Sénateur, vous devriez vous-même être conscient qu’un des problèmes avec l’ancienne loi, c’est que les tribunaux sont tenus d’abandonner les poursuites contre certains contrevenants en raison de la longueur des délais judiciaires. Les modifications contenues dans le projet de loi C-75 visent à réduire les délais judiciaires. Il n’est pas juste envers les victimes que des contrevenants soient libérés simplement parce que le délai accordé pour les amener en cour est dépassé.

Si la défense des droits des victimes vous importe, vous devez appuyer ces dispositions, qui visent à régler les problèmes soulevés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Jordan, et dans d’autres cas. La Cour suprême a fixé un délai maximal entre le dépôt d’une accusation et la tenue d’un procès. Lorsque le délai est dépassé, l’accusé peut exiger le rejet de la cause. Ces dispositions vont permettre d’accélérer la procédure judiciaire.

Le sénateur Boisvenu [ + ]

Mon problème n’est pas de croire aux droits des victimes, puisque j’ai moi-même fait adopter la Charte des droits des victimes. Mon problème, c’est plutôt de croire votre gouvernement qui, en 2015, tenait entre ses mains le projet de loi C-452, qui allait devenir la Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes), auquel le premier ministre Trudeau avait accordé son appui à la Chambre des communes. Le gouvernement a mis quatre ans à mettre en œuvre le projet de loi C-452 qui aurait pu protéger les jeunes filles de votre communauté, sénateur.

Or, aujourd’hui, vous nous demandez de croire un gouvernement qui présente un projet de loi semblable au projet de loi C-452, soit le projet de loi C-75. Comment peut-on faire confiance à un gouvernement qui a mis quatre ans à agir, en laissant des jeunes filles de votre communauté se faire exploiter?

Le sénateur Sinclair [ + ]

Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur. Le fait est que le problème des délais dans le processus judiciaire existe et est une source de préoccupations depuis plus de 25 ans. Le problème n’est pas apparu en octobre 2015.

Depuis de nombreuses années — y compris sous des gouvernements précédents —, les tribunaux s’inquiètent des procédures trop longues. Il y a des années, dans l’affaire Askov — et c’est également survenu dans le cadre d’arrêts subséquents —, la Cour suprême du Canada a statué que, lorsqu’une affaire prenait trop de temps à être jugée, l’accusé avait le droit de demander que les accusations soient rejetées.

Depuis, malgré ce que d’autres gouvernements ont fait, notamment le gouvernement Harper, ces dossiers ne sont pas traités rapidement. C’est le rapport du comité sénatorial qui a proposé des moyens de mettre en place ces dispositions précises pour assurer la rapidité des procédures.

Le gouvernement ne fait que répondre à ce que le comité et le Sénat lui ont demandé de faire. Nous devrions nous réjouir qu’il nous écoute.

Son Honneur le Président [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ + ]

Madame la sénatrice Anderson, avez-vous une question? Je suis désolé, mais le temps de parole du sénateur Sinclair est écoulé.

Monsieur le sénateur Sinclair, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Sinclair [ + ]

Oui, je demande le consentement du Sénat.

Son Honneur le Président [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L’honorable Margaret Dawn Anderson

Je viens des Territoires du Nord-Ouest et j’ai travaillé au ministère de la Justice pendant 17 ans. Au sein du système judiciaire des Territoires du Nord-Ouest, le personnel doit se déplacer en avion entre Yellowknife et toutes les collectivités du territoire. La cour n’est disponible, dans une collectivité donnée, que toutes les six à huit semaines. D’après mon expérience de travail au sein du système de justice pénale, je crois que certains des délais ne sont pas attribuables au type d’infraction. Ils sont plutôt causés par le calendrier des tribunaux, dont les employés, qui doivent se rendre dans les collectivités, sont entravés par les conditions météorologiques, les retards et les annulations de vols et d’autres problèmes.

Connaissez-vous certains des délais qui entrent en jeu et qui ne sont pas attribuables au type d’infraction, que soit une infraction mixte, une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou une infraction punissable par mise en accusation?

Le sénateur Sinclair [ + ]

Merci, sénatrice, de poser la question. Le sujet des cours itinérantes et des retards attribuables aux cours itinérantes m’est assez familier. J’ai rédigé un rapport complet à ce sujet en 1991 et j’ai parlé de la nécessité de modifier la façon dont les gouvernements provinciaux et le gouvernement territorial, dans le cas des Territoires du Nord-Ouest, doivent songer à modifier la façon dont les cours utilisent leurs ressources au niveau local.

Nous avions recommandé, entre autres, qu’elles recourent davantage aux ressources locales pour régler les affaires plutôt que d’attendre que des juges et des procureurs de l’extérieur viennent le faire.

Au Manitoba, par exemple, dans la foulée de notre rapport, des agents d’audition ont été nommés dans de nombreuses localités situées dans le Nord. Ils avaient le pouvoir de se charger des cas de déclaration sommaire de culpabilité pour régler les affaires de sorte, que lors de son passage suivant, la cour n’ait qu’à s’occuper des affaires plus graves. Ces affaires plus graves donnaient souvent lieu à un procès dans une ville, souvent à des kilomètres de la localité.

Le fait est que les cours itinérantes contribuent aux longs délais judiciaires — cela ne fait aucun doute — et que les gouvernements provinciaux et territoriaux, qui ont la responsabilité d’organiser les systèmes de cours itinérantes, doivent trouver les moyens d’améliorer la façon dont elles administrent la justice dans le Nord du pays.

L’honorable Ratna Omidvar [ + ]

Sénateur Sinclair, je vous remercie d’avoir clarifié partiellement le contexte de la question. Je pense que vous avez décrit la chaîne alimentaire de la traite des personnes, de l’introducteur au client. Je crois que tous les sénateurs sont d’accord pour dire que ce sont tous des criminels et qu’ils doivent être punis comme il se doit.

Vous avez fait valoir que, si on impose des peines moins sévères aux acteurs de second plan — les cibles les plus faciles, pour ainsi dire —, on finira par être capable de couper la tête du serpent. C’est ce qu’on souhaite.

Je vous demande si l’inverse ne s’appliquerait pas aussi. L’industrie pourrait bien disparaître si on arrête les cibles faciles et on les punit de manière appropriée.

Le sénateur Sinclair [ + ]

Je vous remercie. C’est une conclusion qu’il est tentant de tirer, mais, en réalité, elle n’est pas vraie. Je sais, par exemple, qu’à l’établissement de Stony Mountain, au Manitoba, l’un des problèmes les plus graves est l’introduction de drogues dans l’établissement au moyen de passeurs, habituellement des femmes qui, souvent, cachent les drogues dans leurs cavités corporelles. C’est un problème qui touche tous les établissements. On fouille ces femmes, puis on les accuse de trafic de drogues, même si ces personnes étaient contraintes de le faire. Il se peut que ces personnes, et leurs enfants, aient fait l’objet de menaces et qu’une tierce partie leur fasse subir des mauvais traitements et leur donne des ordres.

Au Manitoba, les juges ont vite déterminé que l’une des façons d’empêcher cela était d’imposer des peines plus sévères aux jeunes femmes qui faisaient entrer de la drogue dans l’établissement. Le fait de les envoyer en prison pour une période plus longue contribuerait à mettre un terme à l’importation de drogues.

La réalité est différente. En fait, le trafic de drogues dans l’institution est devenu beaucoup plus sophistiqué. Les responsables de l’établissement ont constaté, pendant un certain temps, que les drogues continuaient d’affluer dans l’établissement. Ils ne savaient pas comment c’était possible, parce que les femmes ne pouvaient plus les faire entrer. Ils ignoraient qu’il existait d’autres moyens d’importation.

En fait, pour faire entrer de la drogue dans l’établissement, on utilise maintenant des drones, ces petits objets volants qui peuvent survoler les murs d’un établissement carcéral pour y laisser tomber des petits objets.

La décision des juges n’a pas réduit l’entrée de drogues dans l’établissement en question. Les peines d’emprisonnement plus longues qui sont infligées aux femmes visées par cette décision sont conformes à la façon dont elles sont perçues dans le système. Cela explique pourquoi les juges n’ont pas tenu compte, dans leur décision, de la possibilité que ces femmes pouvaient être des victimes.

Son Honneur le Président [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ + ]

L’honorable sénateur Christmas, avec l’appui de l’honorable sénatrice Griffin, propose que le projet de loi C-75 ne soit pas lu pour la troisième fois, mais qu’il soit modifié... puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Son Honneur le Président [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur le Président [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d’amendement veuillent bien dire oui.

Son Honneur le Président [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion d’amendement veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président [ + ]

À mon avis, les non l’emportent.

Son Honneur le Président [ + ]

Je vois deux sénateurs se lever.

Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett [ + ]

Une heure.

Son Honneur le Président [ + ]

Le vote aura lieu à 16 heures. Convoquez les sénateurs.

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