Aller au contenu

La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie—La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

17 juin 2019


L’honorable Margaret Dawn Anderson

Propose que le projet de loi C-88, Loi modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et la Loi fédérale sur les hydrocarbures et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à titre de marraine du projet de loi C-88, Loi modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui se répercutera directement sur les Territoires du Nord-Ouest, et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, qui touchera quant à elle l’Arctique extracôtier.

Je tiens tout d’abord à souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire non cédé des Algonquins anishinabes.

Le projet de loi C-88 est le fruit d’un vaste effort de consultation et de collaboration. Il facilitera le rétablissement du lien de confiance avec les partenaires autochtones de la vallée du Mackenzie. Les modifications qu’il propose respectent les accords de revendications territoriales protégés par la Constitution et garantissent légalement que les ressources naturelles seront exploitées de manière responsable, tout en favorisant la réconciliation avec les peuples autochtones.

Le texte lui-même se divise en deux parties. La première partie du projet de loi C-88 réglera le litige entourant la restructuration des offices des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette restructuration, et les changements qui ont suivi, découlent du projet de loi C-15, Loi sur transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, qui a reçu la sanction royale en 2014.

En plus d’abroger les dispositions sur la restructuration de l’office des terres et des eaux, le projet de loi C-88 préserve des éléments de politique essentiels qui ont été introduits dans la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. Ces éléments de politique incluent les suivants : les études régionales, la prolongation du mandat des membres de l’office, les pouvoirs de réglementation sur le recouvrement des coûts, les pouvoirs de réglementation sur la consultation, un délai de 10 jours à la suite d’une décision d’un examen préalable qui détermine qu’une évaluation environnementale n’est pas requise, un régime de sanctions administratives pécuniaires, la délivrance de certificats à l’égard des projets de développement et un régime d’application, et les modifications aux exigences en matière d’avis d’inspection du gouvernement sur les terres des Gwich’in et du Sahtu.

La deuxième partie du projet de loi C-88 porte sur les intérêts des titulaires de droits pétroliers et gaziers dans la zone extracôtière de l’Arctique, des gouvernements territoriaux et des organisations autochtones. Les modifications proposées visent à empêcher l’expiration des permis existants pendant l’imposition d’une ordonnance d’interdiction par le gouverneur en conseil.

Voici les principaux aspects du projet de loi : gel des conditions des permis existants dans la zone extracôtière de l’Arctique pendant la durée de l’interdiction, suspension des obligations commerciales et des travaux, et prolongation des droits pétroliers et gaziers pour la période d’interdiction.

Ensemble, les modifications proposées à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et à la Loi fédérale sur les hydrocarbures sont essentielles pour assurer un régime d’exploitation responsable, durable et équitable dans les Territoires du Nord-Ouest et la mer de Beaufort. Il est important pour l’ensemble des intervenants — les organisations autochtones, les gouvernements autochtones et territoriaux ainsi que l’industrie — que le projet de loi soit adopté avant que nous ajournions pour l’été.

Pour commencer, j’aimerais souligner l’ampleur et la diversité de la région d’où je viens. Les Territoires du Nord-Ouest comptent plus de 44 000 résidants qui vivent dans 33 collectivités dispersées sur un territoire de plus de 1,3 million de kilomètres carrés. Plus de la moitié de notre population est autochtone. Six accords établissent les droits autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest : l’Accord définitif sur l’autonomie gouvernementale de Déline; l’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in; la Convention définitive des Inuvialuit; l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu; l’Accord de règlement avec la Première Nation de Salt River; et l’Accord sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple tlicho.

De plus, 12 négociations sont en cours sur le territoire : des négociations pour quatre accords sur les terres, les ressources et l’autonomie gouvernementale, des négociations pour six accords sur l’autonomie gouvernementale et deux négociations transfrontalières.

Pour s’assurer que tous les points de vue pertinents par rapport aux questions soulevées par le projet de loi C-88 puissent être entendus ouvertement et de manière équitable, le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit a invité plusieurs témoins à participer à son étude. Un total de 16 témoins ont livré un témoignage en mai cette année. Le comité a également reçu huit mémoires. Ces témoignages et ces mémoires sont maintenant du domaine public.

Honorables sénateurs, la première partie du projet de loi apporte des modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Cette partie du projet de loi a été élaborée en consultation étroite avec les collectivités, les gouvernements et les organismes autochtones et du Nord.

Par conséquent, le projet de loi C-88 reflète l’opinion du gouvernement tlicho et du Secrétariat du Sahtu, du conseil tribal des Gwich’in et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ainsi que celui de l’industrie. Autrement dit, l’opinion de tous ceux qui sont directement touchés par le développement dans la vallée du Mackenzie.

Ce qui a entraîné la présentation du projet de loi C-88, c’est une contestation judiciaire intentée par le gouvernement tlicho et le Secrétariat du Sahtu. C’était en réponse au projet de loi C-15, la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, adopté par le Parlement le 25 mars 2014. À l’époque, le projet de loi avait pour objet de mettre en œuvre les dispositions de l’Entente sur le transfert de responsabilité liées aux Territoires du Nord-Ouest. Cependant, cachées dans ce projet de loi se trouvaient des modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui sont aujourd’hui au cœur de cette contestation judiciaire.

Le projet de loi C-15 aurait restructuré les offices qui régissent le développement dans la vallée du Mackenzie en éliminant l’Office gwich’in des terres et des eaux, l’Office des terres et des eaux du Sahtu et l’Office des terres et des eaux du Wek’èezhìi. En plus de créer un superoffice, cette mesure aurait fait en sorte que les Gwich’in, les Dénés du Sahtu et les Tlichos auraient perdu la garantie d’être représentés lors de la prise de décisions sur les projets de développement qui touchent leur région.

En mai 2014, le gouvernement tlicho et le Secrétariat du Sahtu ont intenté une poursuite contre le gouvernement du Canada sur le fondement que cette restructuration ne respectait pas les modalités de leur entente sur les revendications territoriales globales. Ils affirmaient aussi ne pas avoir été adéquatement consultés au sujet de la restructuration.

Au début de 2015, la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest a prononcé une injonction qui a suspendu les dispositions sur la restructuration et empêché d’autres modifications réglementaires positives contenues dans le projet de loi C-15 d’entrer en vigueur. Dans ses motifs de jugement, la juge Karan Shaner a conclu que la poursuite intentée par le gouvernement tlicho « soulève des enjeux constitutionnels sérieux qu’il faut juger » et qu’il « n’est pas clair si le Canada a respecté ses obligations de consultation ».

En septembre 2016, on a entamé des efforts pour régler l’affaire à l’amiable. Des fonctionnaires de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, qui s’appelait autrefois Affaires autochtones et du Nord Canada, ont organisé une téléconférence en février 2017 avec des représentants des organisations et des gouvernements autochtones, ainsi qu’avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Les premières étapes mettaient l’accent tant sur l’objectif du processus — comment résoudre l’affaire — que sur la structure du processus, par exemple comment il devrait se dérouler et sur combien de temps.

Dès le départ, toutes les parties ont convenu que des solutions législatives s’imposaient et que la meilleure façon de répondre à la décision de la Cour suprême serait de présenter une mesure législative au Parlement. Elles ont également convenu qu’une telle mesure législative peut seulement être élaborée dans un contexte de collaboration et après consultations approfondies.

Tout au long du processus, le gouvernement du Canada a versé des fonds aux détenteurs de droits autochtones afin qu’ils puissent participer activement aux consultations.

En mars 2017, une proposition législative accompagnée de la documentation pertinente a été remise à tous les gouvernements et à tous les organismes autochtones touchés, au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ainsi qu’à d’autres parties prenantes, comme les conseils de cogestion des ressources et des représentants des industries minière, pétrolière et gazière. Les participants ont eu huit semaines pour étudier la proposition et y répondre.

Lorsque les consultations auprès de l’industrie ont été entamées, les fonctionnaires du ministère ont expliqué le contenu de la proposition législative et le processus de consultation aux diverses entités. Quelques-unes ont présenté un mémoire, mais personne n’a demandé de rencontre de suivi.

À mi-chemin du délai de huit semaines, les fonctionnaires fédéraux ont de nouveau rencontré des représentants des détenteurs de droits autochtones et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Dans le cadre de deux rencontres qui se sont tenues à Yellowknife, les fonctionnaires ont expliqué le contenu de la proposition et décrit les mesures qui pourraient être adoptées pour tenir compte des observations soulevées jusque là. À la fin du délai de huit semaines, les fonctionnaires fédéraux ont de nouveau rencontré les participants et ont apporté d’autres changements à la proposition initiale.

Voici comment le grand chef des Tlichos, George Mackenzie, a décrit le processus de consultation :

[...] la consultation sur le projet de loi C-88 a été positive, respectueuse et concertée, et elle a reçu l’appui total du gouvernement tlicho. Il y a eu de nombreuses réunions en personne à Yellowknife avec des représentants du gouvernement fédéral. Des représentants et des conseillers du gouvernement tlicho ont participé à ces réunions. On a eu la possibilité d’examiner l’avant-projet de loi et de formuler des observations à ce sujet. On a écouté les préoccupations et les questions, on y a répondu et on les a résolues. Le processus d’élaboration du projet de loi C-88 a démontré à quel point les relations de travail entre les gouvernements autochtones et le gouvernement fédéral peuvent être fructueuses et positives lorsqu’on essaie vraiment de travailler ensemble, en tant que partenaires, en vue d’obtenir des résultats acceptables et avantageux pour tous. Une véritable réconciliation commence par l’écoute et la recherche de solutions communes à des problèmes communs. L’approche concertée et consensuelle adoptée pour l’élaboration du projet de loi C-88 et la protection des offices régionaux des terres et des eaux dans la vallée du Mackenzie a constitué une étape en vue de la réconciliation.

David Wright, avocat-conseil auprès du conseil tribal des Gwich’in, a déclaré ce qui suit devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit :

[...] le processus de consultation sur le projet de loi C-88 a contribué à rétablir en partie la confiance entre le Canada et le CTG. Ce regain de confiance serait compromis par tout nouveau retard ou, au pire, par un échec de l’adoption avec célérité de ce projet de loi.

Dans son témoignage devant le comité permanent au nom du gouvernement tlicho, le grand chef George Mackenzie a réaffirmé son appui au projet de loi C-88 :

Nous voulons que le projet de loi C-88 soit appuyé dès aujourd’hui au sein de notre communauté Tlicho, de même qu’au sein d’autres communautés autochtones des Territoires du Nord-Ouest de même que partout ailleurs. Nous devons appuyer le développement. Nous devons appuyer le développement pour permettre à notre jeune génération de sortir de la pauvreté et d’être en mesure d’offrir des perspectives d’avenir à leurs jeunes familles. Nous en avons tellement besoin.

Les opinions du grand chef concordent avec celles d’un autre témoin clé. Le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest a décrit comment le régime de réglementation pour la vallée du Mackenzie a incité les gouvernements autochtones et non autochtones à collaborer. Il appuie le projet de loi C-88 parce qu’il favoriserait une plus grande collaboration. Je cite un extrait de son témoignage :

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et les gouvernements autochtones travaillent ensemble pour bâtir notre économie territoriale. L’adoption du projet de loi C-88 et la préservation des conseils régionaux des terres et des eaux, conformément aux engagements pris dans les ententes sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale, constituent une grande partie de ceci.

Les offices des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie s’efforcent déjà de trouver et de mettre en œuvre des moyens d’améliorer leurs activités. Ces efforts ont renforcé le régime de réglementation pour la vallée du Mackenzie, et nous savons qu’une collaboration active produit des résultats mutuellement avantageux et éclairés.

En mars 2018, la ministre des Relations Couronne-Autochtones a également rencontré des groupes de l’industrie pour connaître leur point de vue sur l’exploitation et la cogestion des ressources dans le Nord. Depuis lors, les fonctionnaires du Ministère poursuivent ces discussions. Je souligne que les dispositions de recouvrement des coûts proposées dans le projet de loi C-88 préoccupent particulièrement l’industrie. Ces dispositions n’autorisent l’élaboration de règlements que s’il est jugé opportun de le faire. De tels règlements seraient élaborés en consultation avec l’industrie.

Le deuxième élément du projet de loi C-88 concerne des modifications à la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Ces modifications protègent l’environnement extracôtier de l’Arctique, qui est crucial pour les habitants de cette région. Elles reconnaissent les intérêts du Canada et protègent les droits existants des titulaires de permis de prospection dans la mer de Beaufort.

En 2016, le gouvernement du Canada a annoncé un moratoire interdisant indéfiniment la délivrance de nouveaux permis d’exploitation pétrolière et gazière extracôtière, sous réserve d’une évaluation scientifique quinquennale. De mars à juillet 2017, le gouvernement a consulté les gouvernements du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, des organismes inuvialuits et inuits ainsi que les titulaires actuels de droits d’exploitation pétrolière et gazière au sujet de leurs intérêts et de leur vision pour la région extracôtière de l’Arctique. Les consultations ont permis au Canada de faire le point sur les intérêts, les plans et la vision des intervenants pour l’avenir de l’exploration et de l’exploitation pétrolières et gazières dans la région extracôtière de l’Arctique. Le projet de loi C-88 répond aux préoccupations soulevées lors de ces consultations.

Les participants aux consultations ont souligné l’importance de protéger l’environnement arctique tout en menant des activités pétrolières et gazières extracôtières sécuritaires et responsables qui favorisent la création d’emplois et d’autres possibilités économiques pour les habitants du Nord. Toutes les parties ont affirmé la valeur économique stratégique de l’exploitation pétrolière et gazière extracôtière de l’Arctique pour les collectivités du Nord. Elles ont appuyé la mesure contenue dans le projet de loi C-88 qui autorise le gouverneur en conseil à prendre un décret d’interdiction afin de suspendre les droits issus de permis existants dans la mer de Beaufort pour la durée du moratoire.

La décision du Canada d’interdire aux futures concessions pétrolières et gazières extracôtières d’accéder aux eaux fédérales est fondée sur les risques, compte tenu des effets potentiellement dévastateurs d’un déversement et des données scientifiques limitées sur le forage dans cette région. Toutefois, comme vous le savez, l’annonce a soulevé des préoccupations parmi les dirigeants territoriaux et autochtones quant à la façon dont les décisions sont prises dans le Nord. Le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Bob McLeod, a critiqué le gouvernement pour son manque de consultation et il a déclaré l’alerte rouge en réponse aux politiques qu’Ottawa a imposées aux Territoires du Nord-Ouest. Le président et chef de la direction de la Société régionale inuvialuite, Duane Ningaqsiq Smith, a déclaré ceci :

[L]’imposition du moratoire par le premier ministre a été faite sans consultation avec les Inuvialuit, ce qui violait la CDI, et sans que soient pris en compte le cadre établi et les promesses faites aux termes de l’Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest.

Il est important de rappeler qu’à l’époque de l’annonce, il n’y avait pas de forage actif dans la mer de Beaufort ni de projets réalistes pour entamer un forage à court ou à moyen terme. Le moratoire a été annoncé en même temps qu’une évaluation scientifique après cinq ans, prévu pour 2021.

En octobre 2018, le gouvernement du Canada a annoncé une approche collaborative dans les zones extracôtières de l’Arctique. Le gouvernement fédéral, les gouvernements territoriaux, les gouvernements et organismes autochtones ainsi que les collectivités du Nord sont partenaires dans le processus d’évaluation scientifique. D’autres, dont l’industrie, continuent d’être consultés.

Deux évaluations environnementales stratégiques régionales sont en cours dans l’Arctique de l’Est et l’Arctique de l’Ouest. Elles tiennent compte des connaissances scientifiques sur les milieux marins et les changements climatiques, ainsi que du savoir autochtone. Dans l’est, l’évaluation est faite par la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions. Dans l’ouest, l’évaluation est menée conjointement par la Société régionale inuvialuite, ainsi que Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada.

En 2021, l’évaluation scientifique quinquennale consolidera les conclusions des évaluations environnementales stratégiques régionales en cours. Le résultat de l’évaluation orientera les prochaines mesures dans les zones extracôtières de l’Arctique.

Honorables collègues, le projet de loi C-88 est le fruit de consultations et d’une collaboration. Le projet de loi permettra de régler le litige sur la restructuration des offices des terres et des eaux dans la vallée du Mackenzie. Il réintroduira des éléments de la politique qui n’avaient pu entrer en vigueur en raison d’une injonction de la cour.

Ce projet de loi répond également aux préoccupations exprimées par les titulaires de permis au cours du processus de consultation sur les ressources extracôtières de l’Arctique, en 2017. Il gèle les modalités qui régissent les permis existants jusqu’à ce que l’examen scientifique soit terminé. Ce faisant, le projet de loi maintient une approche de précaution qui permet de prendre des décisions sûres et responsables en matière de gestion des ressources naturelles, des décisions relatives à l’environnement naturel, qui est d’une importance vitale pour nous tous et, en particulier, pour les habitants du Nord.

Les deux éléments de ce projet de loi contribuent au maintien d’une approche efficace et solide concernant la gestion des ressources non renouvelables dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le secteur extracôtier.

Honorables collègues, il est essentiel de tenir des consultations continues pour assurer un régime de développement responsable, durable et équitable dans les Territoires du Nord-Ouest et dans l’Arctique. Le juge Berger a d’ailleurs déclaré la même chose dans son rapport intitulé Le Nord : Terre lointaine, terre ancestrale, publié en 1977 à la suite d’une enquête de trois ans sur les répercussions d’un projet de gazoduc au Yukon et dans la vallée du Mackenzie :

Peu importe les politiques gouvernementales du passé, du présent ou de l’avenir, il faut à tout prix comprendre que la vitalité constante des Autochtones dans la vallée du Mackenzie, tant d’un point de vue individuel que collectif, a d’abord dépendu du sens profond d’appartenance à un groupe distinct sur le plan social, économique et culturel. L’avenir des Autochtones dans la vallée du Mackenzie et dans l’Arctique de l’Ouest dépendra de leur détermination collective à survivre en tant que peuple. Aucune décision fédérale ne règlera le problème une fois pour toutes; aucun plan bureaucratique, si minutieux soit-il, au sujet de la réorganisation de l’Administration du Nord ne sera utile si l’on ne prend pas en considération cette volonté de permanence des Dénés, des Inuit et des Métis.

Les amendements que le projet de loi C-88 propose à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et à la Loi fédérale sur les hydrocarbures sont un pas dans la bonne direction. Le projet de loi est pleinement appuyé par la ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et par le député de Territoires-du-Nord-Ouest. Il est aussi pleinement appuyé par le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, par le gouvernement tlicho, par le Secrétariat du Sahtu et par le conseil tribal des Gwich’in. De son côté, la Société régionale inuvialuite, qui surveille la mise en œuvre de la Convention définitive des Inuvialuits dans le delta du Mackenzie, la mer de Beaufort et le golfe Amundsen, a reconnu la nécessité de ce projet de loi. Ainsi, le projet de loi C-88 mérite un appui sans réserve de la Chambre.

Quyanainni, mahsi’cho, merci.

L’honorable Patricia Bovey (Son Honneur la Présidente suppléante) [ + ]

Accepteriez-vous de répondre à une question, sénatrice Anderson?

Certainement.

L’honorable Rosa Galvez [ + ]

Merci beaucoup de votre discours, sénatrice Anderson. Comme les fonctionnaires nous l’ont confirmé ce matin, la première partie du projet de loi C-88 est très claire. À l’étape de la deuxième lecture, nous avons parlé des principes qui sous-tendent le projet de loi. Le principe qui sous-tend la partie 1 est clair et nécessaire. Cependant, la partie 2 est plutôt énigmatique.

Lorsque les sociétés pétrolières et gazières étrangères ont demandé un permis, c’était pour une certaine période de temps. En l’occurrence, je crois comprendre qu’il s’agissait de neuf ans. Pendant ces neuf ans, les sociétés avaient un travail à accomplir et des résultats à produire, ce qu’elles n’ont pas fait. Maintenant, elles demandent une prolongation, que la partie 2 du projet de loi semble arranger. Cependant, j’ai l’impression qu’elles pourraient simplement faire un remboursement pour le travail qu’elles n’ont pas réalisé et demander un nouveau permis.

Est-ce qu’il serait juste de dire qu’accorder une prolongation sans récupérer l’argent qui était censé être investi pendant les neuf ans reviendrait en quelque sorte à subventionner cette industrie?

Je ne suis pas certaine de savoir exactement quelles conditions s’appliquent. Je sais que les permis sont valides pendant neuf ans et que 11 permis d’exploration et 69 permis d’étude scientifique ont été délivrés.

La seule réponse que je peux vous donner provient de mon expérience personnelle. J’avais entre 13 et 17 ans lorsque des sociétés pétrolières et gazières et d’autres entreprises étaient actives à Tuktoyaktuk. Elles disposaient des ressources et de l’infrastructure leur permettant de fournir leurs services. À ce que je sache, on ne trouve pas aujourd’hui, dans l’Arctique, l’infrastructure qui serait nécessaire pour reprendre de telles activités.

Je comprends le sens de votre question lorsque vous dites que nous n’exigeons aucun remboursement de la part de ces entreprises même si elles n’ont pas investi les sommes promises. J’imagine qu’on peut voir la question sous cet angle, mais je pense qu’on peut aussi songer au problème des prix actuels du pétrole et du gaz au Canada, qui ne sont pas assez élevés pour que l’exploitation de ces matières premières dans l’Arctique soit rentable présentement. J’imagine qu’on peut voir la question sous cet angle, mais je pense qu’on peut aussi songer au problème des prix du pétrole et du gaz au Canada, qui ne sont pas assez élevés pour que l’exploitation de ces matières premières dans l’Arctique soit rentable présentement.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole de l’opposition officielle au Sénat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-88, Loi modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et la Loi fédérale sur les hydrocarbures et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

Le projet de loi fait fond sur des changements que le gouvernement précédent a apportés à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Le projet de loi C-15 a été une étape importante vers la délégation des pouvoirs sur la gestion des terres et des ressources au territoire, et je suis fier d’avoir été le parrain de cette mesure législative.

Je dois admettre que, à l’époque, nous avons entendu des témoins qui s’opposaient à la création de ce qu’on a appelé un superoffice, comme l’avait suggéré le négociateur en chef du Canada, John Pollard. M. Pollard avait recommandé de fusionner les quatre petits offices régionaux pour former un office central. Cette approche était conforme au plan d’action de 2010 visant à améliorer les régimes de réglementation dans le Nord, plus précisément dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce plan du gouvernement fédéral était destiné à simplifier le régime réglementaire des Territoires du Nord-Ouest en plus d’accroître la confiance et la transparence.

Comme compromis, le gouvernement de l’époque a choisi de permettre au président du nouvel office de créer des sous-comités composés d’au moins trois membres des communautés touchées. On estimait que les plus petites formations régionales seraient mieux placées pour prendre des décisions sur la gestion des terres et des eaux qui seraient plus fidèles aux connaissances et aux avis des communautés. Les choses ne se sont pas très bien passées.

Cette mesure, qui était prévue dans le projet de loi C-15, n’a pas été mise en œuvre en raison d’une injonction déposée par le gouvernement tlicho. Celui-ci prétendait que les mesures de restructuration de l’office n’avaient pas fait partie des négociations sur le transfert des responsabilités, qu’elles n’étaient pas nécessaires à cette fin et qu’il n’y avait pas eu suffisamment de consultations sur l’éventail des autres options possibles pour améliorer la réglementation.

Le projet de loi C-88 vise à répondre à ces préoccupations. Comme l’a expliqué l’honorable Bob McLeod, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, lors de sa comparution devant le Comité des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit :

Nous considérons que le projet de loi C-88 est un projet de loi non partisan. Il veille à ce que les ententes de revendications territoriales soient pleinement mises en œuvre en maintenant les conseils régionaux, et il prévoit également des modifications modernes appuyées par plusieurs parties.

Comme la marraine du projet de loi vient de l’affirmer — et je souscris à ce qu’elle a dit —, les représentants des trois régions autochtones touchées ont tous parlé en faveur des mesures contenues dans le projet de loi C-88. Le grand chef George Mackenzie, qui a témoigné au nom des Tlichos à l’autre endroit, a déclaré ce qui suit :

La cogestion des ressources naturelles dans la région de Wek’èezhii est un élément essentiel de l’Accord tlicho. La cogestion est essentielle pour régler la question des intérêts qui se chevauchent et déterminer les compétences du gouvernement tlicho, des autres gouvernements autochtones et des gouvernements publics.

La protection de l’environnement tout en faisant la promotion du développement et de l’utilisation responsables des ressources est une préoccupation de tous les gouvernements responsables dans le Nord. Les deux côtés de cette équation sont très importants pour nous. En vertu de l’Accord tlicho, le gouvernement tlicho est cogestionnaire et décideur conjoint en ce qui concerne les terres, les eaux et les ressources renouvelables et non renouvelables au sein de la région de Wek’èezhii.

Les représentants du Secrétariat du Sahtu et du conseil tribal Gwich’n ont exprimé les mêmes sentiments.

Je suis tout à fait en faveur de ces mesures, parce qu’elles jouissent du plein appui des gouvernements territoriaux et autochtones. Toutefois, d’autres dispositions du projet de loi me préoccupent, notamment certains articles qui autorisent le gouvernement à percevoir de l’argent auprès des promoteurs par le truchement de mécanismes de recouvrement de coûts qui se trouvent un peu partout dans le projet de loi.

L’article 30, par exemple, modifie la Loi sur la gestion de la vallée du Mackenzie en créant une « obligation de paiement », selon laquelle un promoteur dont le projet est évalué aux termes de la loi :

[...] est tenu de payer au ministre fédéral les sommes et les frais liés à l’évaluation environnementale, à l’étude d’impact ou à l’examen — par une formation conjointe ou une commission conjointe établie par l’Office et une autre autorité — qui tient lieu d’étude d’impact [...]

Je viens de citer le texte du projet de loi.

Comme Joe Campbell, membre de l’exécutif et vice-président pour les Territoires du Nord-Ouest de la Northwest Territories and Nunavut Chamber of Mines, l’a expliqué durant son témoignage devant le comité de l’autre endroit :

On s’attend à ce que l’industrie assume ces coûts, mais nous ne les contrôlons pas. Le gouvernement fédéral habilite les conseils d’administration, qui contrôlent les activités et les délais. Puis, après avoir tiré tous les leviers, ils se retournent et réclament la récupération des coûts du processus dont ils sont entièrement responsables.

Les règles du jeu ne sont pas égales dans le Nord. Nous sommes confrontés à des coûts plus élevés et à des règlements plus contraignants de tous les ordres de gouvernement — local, autochtone, territorial et fédéral. Malgré ces difficultés, l’industrie minérale persiste et assure des milliers d’emplois, alimentant l’économie du Nord de milliards de dollars en dépenses d’entreprise et en taxes et impôts, tout en contribuant à bâtir l’infrastructure régionale. Le domaine minier demeure le seul secteur privé viable qui empêche les Territoires de Nord-Ouest de devenir un État totalement dépendant de l’aide sociale.

Les services visés par le recouvrement des coûts sont désignés comme des « services prescrits », ce qui indique que ces services seront définis davantage dans la réglementation à venir. Cependant, cela ne rassure guère ceux qui sont prêts à investir dès maintenant.

M. Campbell ajoute ceci :

L’industrie ne peut supporter le fardeau du recouvrement des coûts, en particulier lorsque nous ne sommes pas en mesure de contrôler le processus ou le budget correspondant. Jusqu’à ce qu’une mine soit construite, nous n’avons aucune source de revenus. Plus précisément, nos investisseurs n’en assumeront pas les coûts. Pas d’investissement, pas de développement, pas de recouvrement des coûts.

Compte tenu de cette préoccupation très légitime alors que le prix des produits de base est instable et peu élevé et du fait que, comme nous le savons, il peut en coûter jusqu’à trois fois plus cher de partir une mine dans le Nord que dans le Sud du pays, je tiens à souligner, à cette étape de la deuxième lecture du projet de loi, qu’il est à mon avis essentiel que l’élaboration d’un règlement sur le recouvrement des coûts se fasse en consultation avec les Chambres des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut.

L’autre point qui me préoccupe à propos de ce projet de loi est la partie 2 du texte, qui modifie la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Certains sénateurs se souviendront que le gouvernement Trudeau a interdit unilatéralement les activités d’exploration pétrolière et gazière dans les eaux de l’Arctique en décembre 2016. Les dirigeants territoriaux en avaient été avisés par téléphone une demi-heure avant l’annonce alors qu’aucun d’eux ne s’attendait à cette mesure. C’est une des nombreuses mesures qui ont amené le premier ministre McLeod à sonner l’alarme le 1er novembre 2017. Voici ce qu’il avait écrit :

La recrudescence du colonialisme [...] fait que les promesses du Nord s’estompent et que les rêves des Ténois se meurent.

Le projet de loi C-88 vise à conférer au gouvernement le pouvoir législatif de faire ce qu’il fait déjà par la voie de modifications unilatérales de politiques. Je suis préoccupé par le précédent que crée ce changement et par l’approche globale en matière de politiques que le gouvernement semble adopter en ce qui concerne l’Arctique et ses ressources naturelles. J’espère que les témoins et le ministre pourront m’éclairer et me rassurer lorsqu’ils feront leur présentation.

Cela dit, il est incontestable pour moi et pour d’autres qui ont rencontré le premier ministre McLeod et les représentants de gouvernements autochtones — qui étaient ici pour faire du lobbying auprès de beaucoup d’entre nous ces derniers mois — que le projet de loi est une priorité majeure pour tous les représentants élus des gouvernements des Territoires du Nord-Ouest. Bref, chers collègues, le message clair qu’ils envoient tous est qu’ils aimeraient voir ce dossier de longue date réglé à la présente législature. J’estime qu’il est impératif d’adopter le projet de loi C-88 avant la fin de la session en cours et la dissolution du Parlement à l’approche des prochaines élections.

Je demande à mes collègues de renvoyer le projet de loi au comité pour que nous puissions rapidement amorcer notre important travail et en faire une étude approfondie. Merci.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Haut de page