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Le Code criminel—La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Débat

21 juin 2022


Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Hier, j’ai félicité le premier ministre et le ministre de la Justice d’avoir présenté le projet de loi sur les peines minimales obligatoires.

Je veux vous raconter un peu l’histoire des peines minimales obligatoires, d’après mon expérience.

En 1992, quand les premiers projets de loi instaurant des peines minimales obligatoires ont été présentés, nous croyions, dans la profession juridique, que c’était des mesures temporaires. Malheureusement pour bon nombre d’entre nous, des gouvernements successifs ont continué d’imposer ces peines.

À ce jour, il existe 73 peines minimales obligatoires. C’est pourquoi, honorables sénateurs, je crois que le ministre de la Justice et le sénateur Gold, le parrain du projet de loi, sont très courageux d’avoir fait un premier pas vers l’abrogation de ces peines.

Je crois sincèrement que c’est une étape très importante. Au fil des ans, même avant mon arrivée au Sénat, je m’adressais à d’anciens ministres de la Justice libéraux pour leur demander d’arrêter d’imposer des peines minimales obligatoires et de les abroger. Ils considéraient qu’il était politiquement difficile de les abroger.

Sénateurs, depuis mon arrivée au Sénat, j’ai présenté les projets de loi suivants pour abroger les peines minimales obligatoires. En juin 2013, j’ai présenté le projet de loi S-221, Loi modifiant le Code criminel, exception à la peine minimale obligatoire en cas d’homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort. En novembre 2013, j’ai présenté le projet de loi S-209, du même nom. En février 2014, j’ai présenté le projet de loi S-214, toujours du même nom.

J’ai présenté trois projets de loi sur cette question, le dernier en 2014. Je les ai déposés parce que je crois vraiment que les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas.

En tant qu’avocate, je peux témoigner des dégâts qu’ont provoqués ces peines sur mes clients, ma famille et — je le crois — la société en fin de compte.

En général, avant 1992, lorsqu’une personne plaidait coupable, le juge devait observer les principes de détermination de la peine. Il se posait alors les questions suivantes : de quelle loi relève l’infraction? Quel type d’infraction a été commise? Quelle est la gravité de l’infraction? Quelle est la situation personnelle de l’accusé?

Au Canada, les articles 718.1 et 718.2 du Code criminel sont très clairs. L’article 718.1 stipule que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. L’article 718.2 souligne d’autres aspects à prendre en compte pour déterminer la peine, notamment les circonstances aggravantes ou atténuantes.

Parmi les plus importants facteurs à prendre en compte, le juge doit déterminer qui a commis l’infraction et quels facteurs ont pu contribuer à la perpétration du crime, puis il doit étudier la situation personnelle de l’individu qui comparaît devant lui.

Pour ce qui est de la proportionnalité des peines, l’article 718.1 du Code criminel indique qu’il s’agit du principe fondamental de la détermination de la peine, et que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

Autrement dit, la peine doit tenir compte avec exactitude des circonstances particulières de l’infraction.

Les peines minimales obligatoires lient les mains des juges et limitent leur pouvoir discrétionnaire et leur capacité de déterminer la peine proportionnelle appropriée.

À l’heure actuelle, au Canada, 73 infractions sont assorties d’une peine minimale obligatoire, soit 67 dans le Code criminel et 6 dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

À ce jour, au moins 53 dispositions prévoyant une peine minimale obligatoire ont été invalidées par les tribunaux parce qu’il a été déterminé qu’elles allaient à l’encontre de la Charte des droits et libertés ou ont été remises en question par une cour provinciale ou territoriale, voire par la plus haute instance judiciaire au pays, la Cour suprême du Canada.

De ces 53 dispositions prévoyant une peine minimale obligatoire, 10 font partie des 20 visées par le projet de loi C-5. Hier, le sénateur Gold a parlé éloquemment du pouvoir discrétionnaire des juges et de la détermination d’une peine proportionnelle. D’ailleurs, au fil des ans, nous sommes nombreux à avoir parlé de l’importance du pouvoir discrétionnaire des juges. Je ne m’y attarderai donc pas.

Si nous faisons confiance aux juges pour ce qui est de faire leur travail — et soit dit en passant, nous avons les meilleurs juges au monde —, alors nous devrions leur faire confiance lorsqu’il s’agit de déterminer la peine de la personne qui comparaît devant eux et leur confier le pouvoir discrétionnaire qui leur permettra de faire leur travail au meilleur de leur capacité en tenant compte des faits et des circonstances propres à la cause dont ils ont été saisis.

Dans le même ordre d’idées, la majorité des témoins entendus par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l’autre endroit ont affirmé que toutes les peines minimales obligatoires devraient être abrogées. Il y avait consensus parmi les experts aux expériences, aux points de vue et aux spécialités divers.

Les peines minimales obligatoires sont établies par les parlementaires et ne tiennent pas compte des circonstances précises des différentes affaires. Les députés et les sénateurs déterminent le sort d’un nombre incalculable de personnes au Canada sans avoir à jeter un regard à ces personnes, sans connaître leur passé, sans avoir à les regarder en face ni à prendre en compte leur humanité.

Les parlementaires prédéterminent le sort de ces gens et mettent de côté les principes éprouvés de la détermination de la peine. Ce faisant, nous ne faisons pas qu’écarter les précieux principes de détermination de la peine sur lesquels repose le Code criminel, nous les ignorons complètement.

Aujourd’hui, je veux expliquer la situation de la meilleure façon possible. Les nombres exacts devront peut-être être retravaillés, mais nous pourrons le faire au comité. Je veux simplement donner une vue d’ensemble.

Comme je l’ai dit plusieurs fois, le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances contiennent 73 peines minimales obligatoires. Les tribunaux de diverses instances, des cours d’appel et la Cour suprême du Canada ont invalidé 53 peines minimales obligatoires.

Lorsque les juges voient la personne en face d’eux, ils imposent la peine qui correspond au crime et non la peine que nous, les parlementaires, avons choisie il y a de nombreuses années sans voir les yeux de la personne qui se tient devant le juge.

Le gouvernement a présenté le projet de loi C-5 afin d’abroger 20 peines minimales obligatoires. Ce projet de loi comprend 10 des peines minimales obligatoires qui ont été invalidées par la magistrature.

Cela dit, honorables sénateurs, je tiens à répéter que je suis convaincue que le ministère de la Justice pourrait être en mesure de nous donner de meilleurs chiffres, mais mes propos ont pour but de vous faire comprendre que nous, les parlementaires, avons créé une série de peines disparates et incohérentes dans l’ensemble du Canada. Par exemple, si la Cour d’appel de la Colombie-Britannique invalide une peine minimale obligatoire, la décision sera appliquée en Colombie-Britannique, mais la peine restera en vigueur dans le reste du pays, contrairement à une peine minimale obligatoire qui est invalidée par la Cour suprême ou le gouvernement du Canada. Honorables sénateurs, je tiens à le répéter : nous nous retrouvons maintenant avec une série de peines disparate et, aux étapes de l’étude en comité et de la troisième lecture, il faudra trouver un moyen de remédier à ce problème.

Je suis d’accord avec le leader, le sénateur Gold, pour dire que nous ne pouvons pas viser la lune. Toute ma vie, j’ai été une personne politique, et je comprends les réalités de l’abrogation des peines minimales obligatoires. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, quand le leader dit que nous ne pouvons pas viser la lune, je le comprends.

C’est pourquoi nous devrons nous occuper de cet ensemble disparate de façon créative à l’étape de l’étude en comité ou lors de la troisième lecture.

Honorables sénateurs, je tiens à répéter qu’en ce moment, il y a 73 peines minimales obligatoires en vigueur dans le droit canadien. Les tribunaux en ont rejeté 53 et le projet de loi C-5 en abroge 20. Sur les 20 peines minimales obligatoires qui sont visées par le projet de loi C-5, 10 ont été invalidées par les tribunaux.

J’espère que nous pourrons traiter de cette situation disparate en comité. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénatrice Lankin, avant que vous ne commenciez, je dois dire qu’il est presque 17 heures. À 17 heures, je suis obligé de quitter le fauteuil pour que le Sénat se réunisse en comité plénier. Vous pourriez peut-être attendre après la tenue de la séance en comité plénier. Il reste environ 30 secondes.

La sénatrice Lankin [ + ]

Si vous continuez de parler, Votre Honneur, nous n’aurons pas ce problème. Je n’ai absolument rien contre cela.

Son Honneur le Président [ + ]

Merci, sénatrice Lankin.

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