La Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador—La Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers
Projet de loi modificatif--Rejet du dixième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
26 septembre 2024
propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-23(4) du Règlement, j’aimerais faire quelques brefs commentaires au sujet du dixième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles concernant le projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Le comité a adopté le projet de loi en y apportant des amendements. En tant que président du comité, j’ai le devoir d’expliquer ces amendements.
Le comité a voté en faveur de la suppression de l’article 28, qui concernait les activités pétrolières ou d’énergie renouvelable dans des parties de la zone extracôtière identifiées comme des zones de conservation ou de protection de l’environnement ou de la faune. Cet article permettait au gouverneur en conseil d’interdire le commencement ou la poursuite de ces activités dans les zones de conservation ou de protection de l’environnement ou de la faune. L’article 28 indiquait également qu’aucun permis ne serait délivré dans ces zones. Ensuite, le comité a adopté des amendements corrélatifs à l’article 7, qui sont directement liés à la suppression de l’article 28.
Le comité a convenu d’adopter les observations proposées par l’honorable sénateur Prosper au sujet de l’importance des consultations avec les groupes autochtones locaux aux points de décision clés tout au long du processus décisionnel des projets d’exploitation pétrolière en mer et des projets d’énergie renouvelable.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer à ce rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nous savons que les chaînes d’approvisionnement mondiales sont en train de changer, que les marchés financiers changent et que le climat change. Le Canada n’est pas à l’abri de ces changements; il n’est pas épargné. C’est pourquoi nous devons maintenant faire des choix mûrement pesés, réfléchis et rapides.
Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. L’an dernier, les feux de forêt ont plongé le Canada dans la fumée, brûlé plus de 18 milliards d’hectares et déplacé 200 communautés et 232 000 Canadiens.
Le coût des catastrophes naturelles a augmenté de plus de 1 200 % depuis les années 1970. Les dommages causés par les phénomènes météorologiques violents ont coûté à eux seuls 7 milliards de dollars l’été dernier, ce qui en a fait la saison la plus destructrice dans les annales. La menace des changements climatiques est incontestable, mais, pour le Canada, il ne suffit pas que les mesures contre les changements climatiques se contentent d’atténuer les inondations, les incendies et la sécheresse. Elles représentent aussi une occasion économique à saisir. Déjà, nous constatons que la finance mondiale et l’économie mondiale commencent à se transformer rapidement en créant des possibilités économiques dont peuvent tirer parti les personnes qui abordent de manière réfléchie et ciblée la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone.
Chers collègues, nous sommes dans une course mondiale vers la carboneutralité. Nous devons agir, établir les réglementations et soutenir les collectivités canadiennes. Les entreprises canadiennes doivent participer à cette course. À défaut, les investissements iront ailleurs et les Canadiens ne tireront pas parti de cette occasion exceptionnelle.
C’est ce que le projet de loi C-49 représente et réalise : une occasion économique générationnelle. Ce projet de loi met en place des cadres réglementaires pour permettre la réalisation de projets d’énergie éolienne en mer en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador. Il créera des milliers d’emplois dans le Canada atlantique, attirera d’énormes investissements du secteur privé, apportera des avantages économiques aux populations autochtones, permettra le développement du secteur canadien de l’hydrogène propre dans les années à venir et contribuera à alimenter l’économie du Canada atlantique en énergie propre.
Ce projet de loi est un exemple du fédéralisme coopératif à son meilleur. Il est le fruit d’une collaboration et d’une négociation étroites entre le Canada et les provinces de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. Chers collègues, alors que nous examinons le projet de loi C-49, il est essentiel que nous en comprenions tous la nature unique. Pour fonctionner, ce projet de loi nécessite l’adoption d’une loi miroir par les assemblées législatives provinciales, ce que la Nouvelle-Écosse a déjà fait. Les provinces appuient à l’unanimité l’adoption de ce projet de loi sans amendement. Elles sont conscientes à la fois des enjeux de la course mondiale vers la carboneutralité et des énormes avantages économiques que cette loi apporterait à leurs communautés.
Les amendements proposés au projet de loi C-49, soit la suppression de l’article 28 et d’une partie des mesures correspondantes décrites à l’article 7, mettent en péril les formidables possibilités économiques présentées dans ce projet de loi. Les amendements contenus dans ce rapport vont à l’encontre du principe de la gestion conjointe, qui est au cœur des accords atlantiques. Ils affaiblissent la certitude en matière de réglementation et limitent la capacité des deux gouvernements à protéger les milieux marins et les pêcheurs.
L’article 28 fournit des outils au ministre fédéral et au ministre de Terre-Neuve-et-Labrador pour qu’ils adoptent et approuvent des règlements portant sur la délivrance de permis ou d’anciens permis pour des projets d’exploitation des énergies renouvelables extracôtières ou du pétrole dans une zone qui est ou sera désignée comme une zone de conservation ou de protection de l’environnement ou de la faune. Si le ministre fédéral et le ministre provincial conviennent de désigner une aire marine de conservation au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador, ils peuvent élaborer ensemble un règlement interdisant l’exploitation des énergies renouvelables ou du pétrole, négocier une indemnisation avec les titulaires d’un titre relatif pour la cession de permis, comme les anciens permis, et annuler le titre si les négociations échouent ou si le titulaire du titre ne renonce pas aux titres après des négociations fructueuses.
L’article 28 et sa mention dans l’article 7 sont indispensables au Canada pour respecter la promesse négociée internationalement de protéger 30 % des océans canadiens d’ici 2030.
Les principes de la gestion conjointe sont au cœur des accords atlantiques depuis près de 40 ans. L’article 28 garantit que le ministre fédéral ne peut pas prendre de décisions unilatérales pour limiter l’exploitation du pétrole ou des énergies renouvelables au large de Terre-Neuve-et-Labrador et que les gouvernements fédéral et provincial doivent tous deux prendre une telle décision et y consentir. Si l’article est aboli, de futurs ministres fédéraux pourraient, en vertu d’autres lois fédérales, limiter l’exploitation des ressources extracôtières sans l’accord de la province, ce qui accroît le flou juridique et les incohérences entre les lois.
Cela signifie également que la norme de protection des aires marines protégées risque d’être incertaine sur le plan juridique dans la zone extracôtière Canada—Terre-Neuve-et-Labrador. Cela mine la certitude en matière de réglementation que les promoteurs recherchent lorsqu’ils présentent des projets. La suppression de la disposition, telle que proposée dans le rapport, prive la province et le gouvernement fédéral d’outils qui pourraient leur être utiles pour la gestion de futurs moratoires sur les énergies renouvelables ou le pétrole et qui protégeraient les moyens de subsistance des pêcheurs. Par exemple, l’article 137, qui s’applique à la Nouvelle-Écosse et qui est l’équivalent de l’article 28, fournit des outils pour gérer le moratoire sur le banc de Georges, un moratoire qui est important pour protéger les moyens de subsistance des pêcheurs et l’écosystème qui s’y trouve.
Par ailleurs, abolir l’article 28 comme le propose le rapport entraînerait une incohérence entre les cadres juridiques qui s’appliquent à Terre-Neuve-et-Labrador et à la Nouvelle-Écosse. Éliminer seulement les outils qui s’appliquent à Terre-Neuve-et-Labrador, comme le propose l’amendement présenté dans le rapport, donnerait à la Nouvelle-Écosse un avantage concurrentiel par rapport à son voisin, car cela conférerait à la Nouvelle-Écosse une certitude sur le plan juridique plus grande que celle dont jouirait Terre-Neuve-et-Labrador.
J’insiste sur le fait que le projet de loi est le fruit d’années de collaboration et de négociations approfondies entre le Canada, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse. Le projet de loi, qui a fait l’objet d’une entente entre les trois gouvernements dans la version initialement présentée au comité sénatorial, fait en sorte que les deux provinces sont à pied d’égalité.
L’inclusion de l’article 28 revêt une telle importance pour la province que, presque immédiatement après le vote du comité en faveur de sa suppression, le ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de la Technologie de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Parsons, a écrit une lettre au comité :
L’article 28 vise à atténuer l’incertitude réglementaire et juridique en précisant que le pouvoir d’interdire les activités pétrolières dans la zone extracôtière Canada-Terre-Neuve-et-Labrador relève de la loi de mise en œuvre de l’Accord. L’article 28 ne confère en aucun cas à un ministre fédéral le pouvoir d’annuler ou de révoquer unilatéralement un intérêt, ou de mettre en place une réglementation qui interdirait les activités ou la délivrance d’un intérêt dans une aire marine de conservation. En fait, il garantit que l’approbation des ministres fédéraux et provinciaux est requise au moyen d’un arrêté conjoint.
L’inclusion de l’article 28 garantira le respect des principes de gestion conjointe et réduira le risque pour les investisseurs en veillant à ce que les interdictions pétrolières dans la zone couverte par l’Accord ne soient pas établies en vertu d’une autre législation fédérale.
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador est en train de rédiger une « loi parallèle » pour modifier sa version de la Canada-Newfoundland and Labrador Atlantic Accord Implementation [...] Act afin de mettre en œuvre le nouveau régime législatif et réglementaire concernant l’exploitation extracôtière, et nous souhaitons mettre en œuvre la version que nous avons acceptée, sans modifications.
L’industrie extracôtière joue un rôle essentiel dans l’économie de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle offre des possibilités et des avantages considérables à la province et à ses citoyens, et le projet de loi C-49 renforce ces possibilités en y incluant les énergies renouvelables. Nous attendons avec impatience la progression du projet de loi pour concrétiser ces possibilités. Je tiens à réaffirmer le soutien sans équivoque de la province de Terre-Neuve-et-Labrador au projet de loi C-49 dans sa version actuelle et je vous demande de l’adopter tel quel sans retard injustifié.
Chers collègues, ce ne sont pas uniquement les gouvernements du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador qui appuient l’article 28. Il existe un large consensus au sein des gouvernements, du secteur pétrolier et gazier, du secteur des énergies renouvelables et des organismes environnementaux. En fait, certains organismes environnementaux étaient tellement préoccupés par le vote du comité visant à supprimer l’article 28 qu’ils ont communiqué avec mon bureau à maintes reprises pour me transmettre une déclaration, que je lirai dans le cadre de mon discours.
SeaBlue Canada, un projet conjoint entre huit ONG canadiennes qui œuvrent dans le domaine de la protection des milieux marins, dont la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, la Fondation David Suzuki, East Coast Environmental Law, le Ecology Action Centre, Nature Canada, Océans Nord, West Coast Environmental Law et le Fonds mondial pour la nature du Canada, a écrit ceci :
Les Canadiens se soucient des océans et soutiennent les efforts déployés pour les protéger. Dans un sondage réalisé en 2022 à la demande de la coalition SeaBlue Canada, 97 % des Canadiens interrogés se sont déclarés favorables à la création d’aires marines protégées solides, c’est-à-dire des zones de l’océan mises de côté pour permettre à la vie marine de se reconstituer et de prospérer. L’article 28 garantit que les aires marines protégées auxquelles les Canadiens sont attachés sont préservées de ces activités nuisibles, tout en tenant compte des intérêts économiques préexistants. Comme nous vous l’avons dit plus tôt en février, nous, et beaucoup d’autres Canadiens, soutenons l’adoption rapide de ce projet de loi, y compris le régime équilibré prévu à l’article 28.
SeaBlue Canada a également envoyé une lettre aux membres du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles hier après-midi, soulignant la nature essentielle de l’article 28 du projet de loi C-49.
Chers collègues, si nous tardons à agir pour établir le cadre réglementaire que constitue le projet de loi C-49, nous risquons de désavantager les Canadiens de l’Atlantique dans la course à l’économie carboneutre et la course aux nombreuses et importantes possibilités économiques que créera ce projet de loi.
Par conséquent, j’invite tous mes honorables collègues à voter contre ce rapport, et donc contre la suppression de l’article 28 du projet de loi C-49. Merci.
Sénatrice Petten, acceptez-vous de répondre à une question?
Bien sûr.
Je pose cette question en toute amitié. L’élimination de cet article m’a beaucoup étonnée. J’ai eu l’impression qu’un étrange marchandage avait lieu au sein du comité. Je ne suis pas moi-même membre de ce comité, mais quelqu’un l’observait pour moi. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi cet article a été supprimé.
Je suis originaire de Nouvelle-Écosse, comme vous le savez. Vous m’avez souvent entendue le répéter. L’électricité provenant de parcs éoliens terrestres pourra répondre aux besoins de la Nouvelle-Écosse, mais rappelons que la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve vont fournir de l’énergie éolienne au reste du Canada et l’aideront à atteindre ses objectifs de décarbonation. C’est un élément très important, sans oublier les retombées économiques dont bénéficiera notre région.
Pourriez-vous me dire pourquoi cet article a été supprimé? J’ai beau chercher, je n’arrive pas à trouver de raison qui me semble logique ou qui semble tenir la route, si ce n’est, peut-être, que ce serait le résultat d’un marchandage.
Sénatrice Petten, il reste environ 15 secondes. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
Oui.
Le consentement est-il accordé?
Pendant les travaux du comité, il a été indiqué que, dans le cas des accords atlantiques, il n’y avait pas de décision de gestion commune, et que le ministre pouvait annuler. C’était faux; on ne comprenait pas que la décision devait être commune. Cela inclut également les possibilités d’énergie renouvelable extracôtière.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer à l’adoption du dixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Avant d’entrer dans les subtilités du débat, j’aimerais remercier mon collègue et ami le sénateur Ravalia pour les honneurs qu’il m’a rendus. J’ai eu l’occasion de me visiter Twillingate avec lui. C’est le seul homme que je connaisse qui a mis au monde ou vu quitter ce monde toute la population d’une ville. En outre, sénateur Ravalia, je ne veux pas que votre province soit désavantagée par rapport à la mienne.
Comme nous l’avons entendu, le projet de loi C-49 élargit le mandat de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et celui de la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, et il établit le cadre législatif des activités liées à l’énergie renouvelable extracôtière.
Le projet de loi élargit également le mandat de l’Office Canada — Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et de l’Office Canada — Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers pour englober la réglementation des projets d’énergie renouvelable extracôtière, tels que les projets d’énergie éolienne extracôtière. À cette fin, les deux organismes de réglementation seront renommés respectivement la Régie Canada — Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière et la Régie Canada — Nouvelle-Écosse de l’énergie extracôtière.
Ce qui est unique dans ce projet de loi, c’est que les deux provinces ont participé à son élaboration. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador doivent être entièrement d’accord avec le libellé du projet de loi C-49. Nous avons devant nous un exemple unique de fédéralisme coopératif.
Ces deux provinces nous ont demandé d’adopter le projet de loi C-49 sans aucun amendement. Ainsi, une fois leur loi miroir adoptée, ces deux provinces pourraient lancer des appels d’offres en collaboration, en coopération ou individuellement et tirer parti de cette possibilité économique vitale.
La Nouvelle-Écosse, ma province d’origine, possède l’un des réseaux électriques les plus polluants du pays en raison de sa dépendance au charbon. Pour remédier à cette situation, la Nouvelle-Écosse prévoit d’offrir des permis pour 5 gigawatts — si vous ne connaissez pas les gigawatts, c’est beaucoup; nous utiliserons en fait environ 1 gigawatt dans la province — d’énergie éolienne extracôtière d’ici 2030, avec un premier appel d’offres d’ici 2025. L’adoption du projet de loi C-49 est requise pour que la Nouvelle-Écosse atteigne cet objectif.
Pourquoi devons-nous rejeter le rapport du comité?
En termes simples, l’article 28 du projet de loi C-49 a été supprimé par le comité — nous avons entendu des préoccupations sur les raisons — et des modifications corrélatives ont été apportés à l’article 7. Si le projet de loi devait être adopté avec ces changements, cela aurait de graves répercussions négatives sur l’environnement, sans parler de la divergence que cela causerait entre les parties du projet de loi concernant la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, qui désavantageraient cette dernière, et je ne veux pas qu’une telle chose arrive à mon ami.
L’objectif général de l’article 28 est d’aider le gouvernement du Canada à atteindre ses objectifs de conservation marine : préserver 25 % des océans du Canada d’ici 2025 et 30 % d’ici 2030.
Outre les objectifs de conservation marine du Canada, les zones de protection marine établies au pays après avril 2019 sont assujetties à la norme fédérale de protection de ces zones, laquelle interdit les activités d’exploration, d’exploitation et de production pétrolières. Elle ne soutient pas les forages tous azimuts.
Sans l’article 28, une incertitude juridique pourrait planer sur l’application de la norme fédérale de protection de ces zones dans la zone extracôtière gérée conjointement par le Canada et Terre-Neuve. L’article 28 cible cette éventuelle incertitude en prévoyant un outil pour interdire les activités pétrolières en vertu des lois de mise en œuvre des accords.
En ce moment, chers collègues, la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve-et-Labrador ou la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada—Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers ne prévoient aucun outil permettant aux ministres fédéraux et provinciaux d’interdire des activités pour protéger des milieux marins ou — ce qui est très important pour la Nouvelle-Écosse — pour gérer les chevauchements entre les intérêts pétroliers et gaziers et les aires marines de conservation, que l’on pense à la zone dans le banc de Georges qui est visée par un moratoire, à la zone de protection marine du Gully ou au projet de zone de protection marine du chenal de Fundy et du banc de Browns. Tous les exemples que j’ai donnés se trouvent dans la zone extracôtière du Canada et de la Nouvelle-Écosse.
Pour garantir la mise en place de mesures de protection solides et judicieuses sur le plan juridique dans les zones extracôtières visées par l’accord Canada—Terre-Neuve-et-Labrador et l’accord Canada—Nouvelle-Écosse, toute interdiction d’activités du secteur pétrolier ou du secteur des énergies renouvelables doit être précisée dans des règlements d’application de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et de la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Cela est nécessaire pour éviter de créer une zone grise juridique si des intérêts pétroliers ou des autorisations sont accordés aux termes d’une loi fédérale, mais interdits par une autre loi fédérale. Cela n’a pas de sens.
Le 9 septembre 2024, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse a écrit au comité pour dire ce qui suit :
Cette mesure législative est essentielle pour l’avenir de la Nouvelle-Écosse. Comme le ministre Rushton l’a indiqué au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles le 13 juin 2024, l’énergie éolienne en mer pourrait représenter notre plus grande possibilité économique depuis l’ère des bateaux à voiles. Ce secteur, qui est nouveau au Canada, peut également contribuer à la réalisation de nos objectifs collectifs en matière de climat, à l’établissement de notre secteur émergent de l’hydrogène propre et à notre avenir carboneutre.
Je souhaite réaffirmer l’appui de la Province de la Nouvelle-Écosse au projet de loi C-49 sous sa forme actuelle et vous prier de l’adopter rapidement.
C’est la première fois que le premier ministre de la province me prie de faire quelque chose. Le premier ministre ajoute ceci :
Cela est nécessaire pour que le projet de loi reflète la loi de la Nouvelle-Écosse et que nous puissions respecter notre engagement de lancer le premier appel d’offres pour l’énergie éolienne en mer en 2025.
Ce n’est pas si loin.
En outre, la Nouvelle-Écosse a déjà adopté la loi miroir en se fondant sur le libellé précédent du projet de loi. Dans une lettre adressée au Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, Tory Rushton, le ministre des Ressources naturelles et des Énergies renouvelables de la Nouvelle-Écosse, a écrit ce qui suit :
J’appelle donc fermement le Sénat à adopter le projet de loi C-49 dans sa forme actuelle, sans amendements. La Nouvelle-Écosse se prépare à devenir un chef de file mondial dans le secteur de l’énergie éolienne en mer; nous prévoyons lancer le premier appel d’offres à cet égard en 2025.
Chers collègues, je pense que cet amendement était irréfléchi et inconsidéré, et je crois qu’il aura sur l’environnement des effets très négatifs qui nuiront à notre capacité de prendre les mesures qui sont nécessaires tant pour la Nouvelle-Écosse que pour Terre-Neuve-et-Labrador. Par conséquent, je vous exhorte à voter contre le rapport du comité. Je vous remercie.
La sénatrice Coyle a une question. Sénateur Kutcher, acceptez-vous de répondre à une question?
Oui, mais à une seule.
J’en ai une seule.
Je vous remercie de vos observations. Comme je l’ai dit dans la question que j’ai posée tout à l’heure, ce projet de loi est très important pour notre province, Terre-Neuve, mais également pour l’ensemble du Canada, non seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions et de carboneutralité afin de régler une fois pour toutes la question urgente des changements climatiques.
Si je comprends bien ce que vous dites, nous avons des préoccupations à quatre égards : la protection de l’environnement marin; nos intérêts économiques; le risque de compromettre le fédéralisme coopératif; et, comme je viens de le mentionner, l’incidence sur le reste du pays et de la planète, car nous exporterons de l’énergie.
Sénateur Kutcher, si nous adoptons ce rapport, et le projet de loi ainsi modifié, alors que nous savons que la Nouvelle-Écosse a déjà adopté sa loi miroir, qu’est-ce que cela impliquerait, en pratique, pour la suite des choses pour le gouvernement fédéral, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse? Quel serait l’effet sur notre échéancier concernant cette très importante industrie?
Merci beaucoup, sénatrice, de cette question.
Je peux vous faire part de quelques-unes de mes réflexions au sujet de cet enjeu complexe. Je pense que nous serons réellement désavantagés et que le contexte réglementaire deviendra tellement incertain qu’il pourrait avoir un impact négatif majeur sur l’investissement et sur ce qui doit être fait.
Cela dit, personnellement, je suis inquiet. Vous et moi avons créé Sénateurs pour des solutions climatiques — eh bien, c’est vous qui l’avez fait, je n’ai fait que vous aider. Bon nombre de nos collègues sont membres de ce groupe et ils tiennent à ce que la gérance de l’environnement soit bonne et solide au Canada. Honnêtement, je trouve que cette mesure s’apparente à un cheval de Troie. Pour moi, il s’agit d’une attaque contre la gérance de l’environnement. C’est la version canadienne du « drill, baby, drill », le forage sans limites. Je ne peux réellement pas appuyer un projet de loi — je ne suis pas membre du comité — qui risque de détruire par inadvertance la gérance de l’environnement au Canada.
Maintenant, sénatrice Coyle, je sais que vous êtes au courant que les combustibles fossiles viennent des végétaux et des matières animales décomposées; ce sont des combustibles qui viennent des dinosaures. Je voudrais que le Canada passe à une énergie qui ne vient pas des dinosaures, mais du vent et du soleil.
Ma deuxième préoccupation, en tant qu’habitant des Maritimes par choix et parce que j’ai été spécialiste de l’histoire du Canada avant d’entrer en médecine, provient de ma stupéfaction de voir à quel point la côte Est est désavantagée depuis la Confédération. La côte Est a la possibilité de devenir la cheffe de file du Canada, ce qui créerait un changement géopolitique dans les forces de la production d’énergie au Canada. Je n’ai pas pu m’empêcher de suivre les votes sur ce projet de loi à l’autre endroit et de constater qui a voté contre.
La production d’énergie au Canada sera marquée par des différences géographiques, et les Maritimes ont le potentiel de devenir des cheffes de file dans la production d’électricité sur notre territoire. Une partie de moi craint que l’opposition soit issue d’une certaine volonté d’empêcher les Maritimes de redevenir des cheffes de file sur le plan économique pour la première fois depuis l’époque des bateaux à voile.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour demander que nous n’acceptions pas le rapport du comité dans sa forme actuelle et que nous envisagions une solution de rechange.
En 1985, le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador ont signé l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve. On considère, à juste titre, que cet accord marque un tournant dans le développement économique de ma province. Il a permis de lancer le projet Hibernia, le premier projet d’exploitation commerciale d’un gisement de pétrole extracôtier.
J’étais à l’hôtel, à St. John’s, lorsque cet accord a été signé, le soir du 11 février 1985, par l’ancien premier ministre du Canada Brian Mulroney, l’ancien premier ministre de ma province Brian Peckford, les anciens ministres fédéral et provincial de l’Énergie Pat Carney et William Marshall, ainsi que l’ancien ministre fédéral de la Justice John Crosbie, originaire de notre province. D’ailleurs, j’ai dans mon bureau une photo de moi avec l’ancien ministre Crosbie qui a été prise ce soir-là. J’avais les cheveux d’une autre couleur, mais peu importe.
Cet accord a donné à ma province d’importants pouvoirs décisionnels et avantages financiers. Il a fait du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial des partenaires égaux dans la gestion de l’exploitation des ressources extracôtières.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, cet accord a été signé le 11 février 1985. Dans quelques mois à peine, nous célébrerons le 40e anniversaire de la signature de cet accord important qui a changé des vies.
Il ne fait aucun doute que l’industrie pétrolière et gazière a apporté d’énormes bénéfices aux habitants de Terre-Neuve-et-Labrador. Il ne fait aucun doute qu’elle a changé la façon de vivre, de travailler et de fonctionner dans les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador.
Tout n’a pas été positif. Aucun grand projet de développement qui crée une grande activité économique et qui met des sommes énormes dans les poches des gens n’est entièrement positif. Ce type de projet apporte son lot de problèmes et de défis. Cependant, l’Accord atlantique, qui a été signé en 1985, a offert d’énormes possibilités aux habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, surtout pour les jeunes, la prochaine génération de Terre-Neuviens-et-Labradoriens.
C’est l’un de ces accords avec le gouvernement fédéral dont beaucoup de gens parlent aujourd’hui et dont ils parleront encore longtemps, car il ne fait aucun doute qu’il nous a transformés à bien des égards.
Pendant de nombreuses années, nous avons été une province démunie. L’Accord atlantique nous a donné l’occasion, pendant au moins un certain temps, d’être une province nantie. Je n’oublierai jamais le jour où le premier ministre de l’époque, Danny Williams, a annoncé que nous étions devenus une province nantie. Tous les Terre-Neuviens-et-Labradoriens étaient extrêmement fiers parce qu’ils sentaient qu’ils apportaient une contribution importante au pays — ce qu’ils sentent toujours aujourd’hui.
Chers collègues, étant donné l’importance vitale du projet de loi C-49 et des répercussions considérables qu’il aura sur ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, j’ai mené de vastes consultations sur cette mesure législative, surtout au cours de la dernière semaine. J’y reviendrai dans un instant. J’ai notamment consulté les représentants du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Comme la sénatrice Petten l’a mentionné tout à l’heure, il y a quelques jours, nous avons reçu une lettre du ministre de l’Énergie de cette province, mais aussi du premier ministre Andrew Furey. Ils appuient tous les deux l’adoption du projet de loi C-49 dans sa forme actuelle, sans amendement.
J’ai également consulté le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et des représentants de l’Association canadienne des producteurs pétroliers et d’Energy NL. J’ai eu l’impression que tous ceux à qui j’ai parlé étaient d’avis que le projet de loi C-49 devait être adopté dans son intégralité afin que nous puissions aller de l’avant avec les nouveaux développements qui sont à notre porte.
Pendant un certain temps, je croyais que, en adoptant le projet de loi C-49, y compris l’article 28, nous donnerions au ministre fédéral de l’Énergie et des Ressources naturelles le droit de décider unilatéralement de mettre fin à un projet extracôtier dans notre province. C’est pourquoi j’ai voté pour supprimer l’article 28 et apporter des amendements corrélatifs à l’article 7. Je suppose que la leçon à retenir est qu’on n’est jamais trop vieux pour apprendre.
Depuis ce vote, j’ai beaucoup plus consulté les nombreux acteurs que j’ai mentionné plus tôt et je suis arrivé à la décision qu’on ne peut pas revenir en arrière. Je fais de la politique depuis assez longtemps pour savoir qu’une décision prise hier est une décision qui appartient au passé. On ne peut rien faire pour hier, mais on peut faire beaucoup pour aujourd’hui.
Sur la base des informations dont je dispose maintenant, des consultations que j’ai menées et des discussions que j’ai eues, je demande à tous les sénateurs ici de rejeter ce rapport, de nous donner l’occasion de réintroduire l’article 28 dans le projet de loi et d’apporter les corrections aux modifications corrélatives de l’article 7 qui doivent être faites.
Le projet de loi C-49 créera des possibilités économiques pour Terre-Neuve-et-Labrador et pour la Nouvelle-Écosse. Nous devons adopter le projet de loi C-49.
Ce n’est pas facile pour moi de prendre la parole ici aujourd’hui pour dire que j’ai voté d’une manière la semaine dernière, mais que je vous demande de voter autrement aujourd’hui. C’est ainsi. Ce genre de chose arrive parfois, et j’ai le sentiment que je dois prendre la parole aujourd’hui pour vous demander de rejeter le rapport et d’adopter le projet de loi C-49 tel qu’il est afin que nous puissions poursuivre le développement de Terre-Neuve-et-Labrador.
Je suis fier d’être un sénateur et fier d’être un Canadien, mais je suis d’abord et avant tout un Terre-neuvien-et-Labradorien.
Honorables sénateurs, nous avons eu un débat sain en ces murs, en comité, dans les corridors et les bureaux, et au téléphone.
Il semble que le sénateur Manning et moi avons souvent consulté les mêmes personnes. J’ai peut-être l’avantage d’avoir siégé à un niveau élevé à l’office pendant les trois années précédant ma nomination au Sénat. J’aimerais corriger certaines déclarations. Je sais que la sénatrice Coyle a demandé à la sénatrice Petten d’expliquer la raison de l’amendement. Comme c’était mon amendement, je pourrais peut-être éclairer votre chandelle, sénatrice Coyle.
Je prends la parole pour appuyer l’adoption de ce rapport tel qu’amendé. Le projet de loi C-49 a été présenté aux Terre-neuviens-et-Labradoriens comme une nécessité législative afin d’ajouter l’énergie éolienne en mer et d’autres ressources renouvelables à la série de pouvoirs des offices des hydrocarbures extracôtiers.
Je soutiens l’effort visant à ce que les offices assument ce rôle et je reconnais que les lois sur les accords atlantiques doivent être modifiées pour tenir compte de ce changement. Si l’on revient en arrière, comme l’a si bien fait le sénateur Manning, la Cour suprême a statué en 1984 que les zones extracôtières relèvent de la compétence fédérale, un point c’est tout. Pour se conformer à cette décision, on a donné aux accords atlantiques la forme d’une entente entre les gouvernements fédéral et provinciaux qui stipule que les projets extracôtiers, tant ceux en Nouvelle-Écosse que ceux à Terre-Neuve-et-Labrador, sont considérés comme s’ils se trouvaient sur terre, comme tout autre projet d’exploitation de ressources terrestres, qu’il se trouve en Alberta, en Saskatchewan ou ailleurs. La gestion doit être conjointe, c’est-à-dire par l’intermédiaire des offices des hydrocarbures extracôtiers, et l’article 28 supprime cette promesse et cette entente.
Le projet de loi C-49 prévoit une disposition supplémentaire qui, comme nous le savons tous, n’a rien à voir avec l’énergie éolienne. Elle ne menace ni l’énergie éolienne ni les possibilités qui s’offrent aux Néo-Écossais. Elle ne menace pas les possibilités qui s’offrent à Terre-Neuve-et-Labrador en matière d’énergie éolienne ou de toute autre ressource renouvelable en zone extracôtière. La disposition a un impact direct sur la promesse et l’intention de l’Accord atlantique de 1985, selon lequel Terre-Neuve-et-Labrador est le principal bénéficiaire de la ressource qu’elle a fournie à la Confédération en 1949 et que cette ressource doit être traitée comme si elle était sur terre.
L’article 28, qui bonifie l’article 56 de la loi de mise en œuvre de l’accord — et je suis peut-être l’une des rares personnes dans la salle à avoir lu la loi de mise en œuvre de l’accord parce que j’ai dû la mettre en place lorsque je faisais partie de l’office —, est un ajout qui permet expressément de révoquer un permis de prospection ou une licence de production même après l’obtention d’une approbation réglementaire légale et contraignante. C’est vraiment important.
Malgré les efforts déployés par le gouvernement pour que l’on réexamine et, évidemment, annule la décision du comité de supprimer l’article 28, ce dernier a été retiré du projet de loi au comité. Le comité a également mis fin à cela. Les répercussions possibles de l’article 28 sur l’industrie pétrolière et gazière sont fondamentalement mal comprises. Il y a eu de nombreux cas où cela s’est produit. Je vais en passer deux en revue pour que ce soit bien clair. Je citerai directement le projet de loi C-49.
Le premier est la suppression de droits de l’office — quand je parle de l’office, c’est de cogestion qu’il est question — envers le gouvernement fédéral. Voici l’article en question :
Sa Majesté du chef du Canada peut accorder au titulaire du titre qui est annulé par l’arrêté pris en vertu du paragraphe 56.2(4) l’indemnité qui y est précisée [...]
— c’est écrit noir sur blanc —
[...] S’agissant de l’annulation d’un titre relatif à des hydrocarbures, l’arrêté est assujetti à l’article 124 à l’égard du montant de l’indemnité et, pour l’application du présent paragraphe, toute mention de la Régie [...]
— rappelons qu’il s’agit d’un contexte de cogestion —
[...] à cet article vaut mention du ministre fédéral.
C’est clair et limpide. Je n’ai sauté aucun passage; j’ai simplement lu l’article au complet. Tel qu’indiqué, toute mention de la régie doit être vue comme une mention du ministre fédéral. Voilà l’un des éléments, chers collègues. Le texte est clair et ne se prête pas à interprétation.
Je pourrais m’attarder encore sur plusieurs éléments, mais j’ai choisi de parler de ce que dit le projet de loi au sujet des réserves de l’État. Il dit que, dans le cas d’un abandon ou d’une annulation, la zone extracôtière en question devient carrément une réserve de l’État et non une propriété conjointe. Cela ne fait pas partie des accords. Cela ne correspond pas à ce qu’on appelle la zone extracôtière de Terre-Neuve. Voici la formulation exacte du projet de loi :
La partie de la zone extracôtière visée par le titre visé au paragraphe (1) qui a été abandonné ou par le titre visé au paragraphe (4) qui a été annulé [...]
— une autre référence à une annulation de permis —
[...] devient une réserve de l’État.
Chers collègues, selon l’Accord atlantique, la zone extracôtière de Terre-Neuve est gérée conjointement. Toutefois, selon le projet de loi C-49, plus précisément si l’article 28 est annulé, cette zone retourne sous le contrôle du gouvernement fédéral, comme elle l’était avant la décision rendue par la Cour suprême en 1984.
Chers collègues, le projet de loi C-49 ne contient pas d’article qui autorise de manière explicite le ministre fédéral à révoquer unilatéralement les permis et licences existants dans le contexte de la protection de l’environnement. Toutefois, compte tenu du cadre général du projet de loi, ce pouvoir est implicite, étant donné les vastes pouvoirs réglementaires en matière de protection environnementale qui sont conférés au ministre fédéral et au gouverneur en conseil, qui est une autorité fédérale.
Chers collègues, même après que des milliards de dollars ont été investis, que des milliers d’emplois ont été créés — et occupés en grande partie par des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador —, et qu’a été obtenue l’approbation réglementaire de l’office à titre d’autorité juridique en vertu de la loi sur l’accord, un projet approuvé peut être annulé. Bien entendu, cela n’a absolument rien à voir avec l’énergie éolienne ou toute autre énergie renouvelable, que j’appuie sans réserve, comme je l’ai mentionné.
De toute évidence, il s’agit d’un moyen détourné permettant aux militants anti-pétrole des gouvernements actuels d’anéantir les perspectives d’investissement dans l’exploitation extracôtière. Quelle entreprise investirait dans notre zone extracôtière lorsqu’une telle chose est possible? Le gouvernement a annoncé l’interdiction de l’exploitation pétrolière et gazière dans une zone de protection marine, mais le projet de loi C-49 prévoit étendre cette interdiction au-delà des zones de protection marine, ce qui crée de l’incertitude pour les investisseurs actuels et futurs.
Chers collègues, la réunion du comité au cours de laquelle cet amendement a été adopté s’est tenue jeudi dernier. Dès le lendemain, j’ai rencontré l’ancien premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador Brian Peckford. J’ai pris l’avion pour l’île de Vancouver, où il vit maintenant, et je l’y ai rencontré. D’ailleurs, lorsque je l’ai rencontré, il était impatient de savoir ce qui s’était passé. Nous avons parlé de l’article 28 et de l’Accord atlantique, ainsi que de sa genèse. Nous avons parlé de l’intention, de la lettre et de l’esprit de la loi. Il voulait savoir pourquoi l’article 28 existait et ce qui a conduit à sa suppression.
Comme vous le savez, M. Peckford est l’un des deux signataires — le sénateur Manning le sait très bien — de la version Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des accords atlantiques. Il a dit : « Ce n’est pas et ce n’a jamais été l’intention des accords atlantiques. »
Par ailleurs, chers collègues, il a écrit une lettre à tous les représentants de Terre-Neuve-et-Labrador à l’autre endroit concernant leur vote en faveur de l’inclusion de l’article 28 dans le projet de loi C-49. Il s’agit des députés suivants : Yvonne Jones, l’honorable Seamus O’Regan, Churence Rogers, Joanne Thompson, l’honorable Gudie Hutchings et Ken McDonald.
Je vais lire cette lettre parce qu’elle est importante et parce qu’elle émane directement de l’intéressé, l’ancien premier ministre Peckford, qui en est le signataire :
Estimés députés de la province de Terre-Neuve-et-Labrador,
Je souhaite vous faire part de mon dégoût total concernant votre vote à la Chambre des communes en faveur du projet de loi C-49 le 2 mai 2024. Ce faisant, vous avez trahi votre province.
En tant que l’un des premiers promoteurs, puis signataire de l’Accord atlantique [...]
— c’est M. Peckford qui parle de lui-même —
[...] votre vote positif signifie que vous vous opposez à l’esprit, à l’intention et aux termes fondamentaux de l’Accord, à savoir la gestion conjointe, l’égalité des gouvernements et le bénéficiaire principal.
La section 1 de l’accord stipule que :
Le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador sont parvenus à un accord sur la mise en place d’un système commun de gestion [...] des ressources pétrolières et gazières [extracôtières] au large de Terre-Neuve-et-Labrador et le partage des recettes provenant de l’exploitation de ces ressources.
Section 2(c) reconnaître le droit de Terre-Neuve-et-Labrador à être le principal bénéficiaire des ressources pétrolières et gazières [situées] au large de ses côtes, conformément à l’exigence d’un Canada fort et uni;
Section 2(d) reconnaître l’égalité des deux gouvernements...
Je m’arrête ici un instant car nous lisons maintenant qu’en vertu de l’article 28, il semble que nous ne sommes pas égaux puisque des éléments actuellement gérés conjointement relèveraient maintenant du ministre fédéral ou deviendraient des réserves de l’État.
... reconnaître l’égalité des deux gouvernements dans la gestion de la ressource et veiller à ce que le rythme et le mode d’exploitation optimisent les avantages sociaux et économiques pour le Canada dans son ensemble et pour Terre-Neuve-et-Labrador en particulier;
Le projet de loi C-49 dit ceci, et je cite toujours la lettre de l’ancien premier ministre Peckford à l’intention de six députés :
56.1 Sous réserve de l’article 7, le gouverneur en conseil peut, aux fins de la protection de l’environnement, prendre des règlements interdisant, à l’égard de toute partie de la zone extracôtière qui y est précisée et qui est située dans une zone qui est ou, de l’avis du gouverneur en conseil, peut être désignée...
— elle n’a donc pas à être désignée —
[…] sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale comme une zone de conservation ou de protection de l’environnement et de la faune […]
En marge de la lettre, n’oubliez pas, chers collègues, qu’il y a des activités de production pétrolière là-bas depuis plus de 40 ans.
a) le commencement ou la poursuite de :
(i) tout travail ou activité lié à l’exploration ou au forage, à la production, à la conservation, au traitement ou au transport de pétrole […]; ou
b) l’émission d’intérêts.
C’est l’octroi de permis.
Je reviens maintenant à la lettre de l’ancien premier ministre Peckford.
Cela viole les principes de gestion conjointe, d’égalité des gouvernements et menace directement le principe selon lequel la province est le « principal bénéficiaire ».
Il ne s’agit pas d’une gestion conjointe ou d’une égalité entre les deux parties à l’accord, mais de l’usurpation d’une partie pour décider unilatéralement.
Honorable A. Brian Peckford, ancien premier ministre de la province de Terre-Neuve-et-Labrador (1979-1989)
Honorables collègues, comme je l’ai dit au comité et lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, je soutiens pleinement les énergies renouvelables. Je pense qu’elles sont importantes et nécessaires. Cependant, la transition vers elles prendra des générations, et le Canada aura besoin du pétrole de Terre-Neuve-et-Labrador d’ici là.
Un pourcentage important des recettes de Terre-Neuve-et-Labrador provient du secteur pétrolier et gazier, sous la forme de redevances et d’impôts qui sont perçus auprès de sociétés et de particuliers. Les impôts proviennent des milliers de Terre-Neuviens et de Labradoriens et, en fait, de Canadiens qui travaillent dans le secteur extracôtier et de centaines d’entreprises.
La suppression de l’article 28 n’aura pas d’effet sur les énergies renouvelables, comme l’ont dit beaucoup de mes collègues aujourd’hui, ni sur l’objectif de cet aspect du projet de loi.
Je vous demande de ne pas oublier, alors que nous passons à l’étape de la troisième lecture du projet de loi — et possiblement à un vote à l’étape du rapport — que mon amendement a bénéficié d’un appui multipartite et qu’il a en fait été adopté par le comité à deux reprises : lorsqu’il a été proposé et lorsqu’une motion visant à revenir à son examen a échoué. Honorables sénateurs, ce point est important. Je suis toutefois conscient que le Sénat a le dernier mot.
J’exhorte mes collègues à protéger l’industrie dont dépendent les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador et à conserver la version amendée dont nous sommes saisis.
Je sais que d’importantes pressions sont exercées pour que nous passions à un vote par appel nominal ou à un vote oral. Je ne me fais aucune illusion à ce sujet : je ne crois pas que j’obtiendrai le maintien de l’amendement au projet de loi C-49. Je ne bloquerai pas les travaux. Je sais que je pourrais les retarder par certains moyens.
Chers collègues, ce qui s’est passé n’a absolument rien à voir avec les ressources renouvelables. En fait, dans son discours, le sénateur Kutcher a passé pas mal de temps à parler des écueils du secteur pétrolier et gazier. Cela n’a rien à voir avec les énergies renouvelables. Absolument rien. Je soutiens les énergies renouvelables. Je pense qu’elles sont une excellente chose. Je suis tout à fait en faveur des emplois, des retombées et des revenus qu’elles produiront. Je suis tout à fait en faveur de la transition qu’elles aideront à opérer — l’abandon du pétrole et du gaz — si les marchés mondiaux en décident ainsi.
Chers collègues, j’ai déjà parlé dans le passé des avantages des ressources pétrolières au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Elles sont extraites, sous la mer, dans un état qui nécessite peu ou, dans bien des cas, pas de transformation. Il n’est pas nécessaire de les séparer du sable comme ailleurs. Elles n’ont pas besoin d’oléoducs. Elles vont directement dans un navire, qui les achemine directement au marché. Elles donnent du travail à des milliers de personnes, non seulement en raison des dépenses en immobilisations pour construire les plateformes, mais aussi pour l’exploitation courante, et elles donnent du travail à des milliers de Terre-Neuviens.
Par ailleurs, à Terre-Neuve-et-Labrador, le coût de la production pétrolière est proche de 15 $ le baril. En Arabie saoudite, c’est 10 $ le baril. En ce qui concerne les sables bitumineux, c’est environ 65 $ le baril. Chers collègues, ce pétrole est le dernier que l’on devrait extraire.
Je suis d’accord pour que nous passions au vote par oui ou non. Je respecte mes collègues de mon caucus. Je ne veux pas embêter mes autres collègues de Terre-Neuve-et-Labrador qui ne sont pas d’accord avec mon point de vue. Chers collègues, en ce qui concerne le vote par oui ou non, je vous exhorte à accepter le projet de loi modifié. Je vous remercie.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Petten, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)