La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat
18 février 2020
Propose que le projet de loi S-206, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je souhaite intervenir aujourd’hui au sujet du projet de loi S-2016, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois).
La plupart d’entre vous connaissent probablement ce projet de loi parce que j’ai parrainé son ancienne version lorsque nous l’avons reçu de l’autre endroit, pendant la 42e législature. Le projet de loi est simple. Il vise à modifier la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux afin qu’elle dise ceci :
Dans l’élaboration des exigences visant la construction, l’entretien ou la réparation d’ouvrages publics, de biens réels fédéraux ou d’immeubles fédéraux, le ministre tient compte de toute réduction potentielle des émissions de gaz à effet de serre et de tout autre avantage pour l’environnement et peut autoriser l’utilisation du bois ou de toute autre chose, notamment de matériel, de produits ou de ressources durables, qui offre pareil avantage.
En résumé, selon le projet de loi, lorsqu’on voudra construire ou rénover un immeuble public, le gouvernement devra envisager l’utilisation du bois comme matériau de construction, et il faudra prendre en considération une analyse comparative de l’empreinte carbonique des matériaux de construction.
J’ai vu personnellement comment on peut utiliser le bois d’ingénierie dans la construction d’immeubles. En effet, il y a deux ans, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts s’est rendu en Colombie-Britannique. Nous avons eu l’occasion de visiter l’immeuble Brock Commons, une résidence pour étudiants de 18 étages qui se trouve sur le campus de l’Université de la Colombie-Britannique. C’est une structure magnifique qui témoigne de quelques-unes des meilleures caractéristiques des immeubles en bois d’ingénierie.
Les structures en bois d’ingénierie séquestrent le carbone. La production de poutres en bois est moins intensive que celle du béton ou de l’acier, et le carbone à l’intérieur du bois y demeure stocké pendant toute la durée de vie de l’immeuble. Étant donné que les immeubles génèrent approximativement la moitié des émissions de carbone, l’adoption d’une telle technologie à une plus grande échelle pourrait nous aider à atteindre nos cibles en matière d’émissions de gaz à effet de serre.
Les structures en bois d’ingénierie peuvent être érigées rapidement. La société d’État responsable des forêts en Colombie-Britannique souligne qu’une équipe de neuf personnes a achevé la construction en bois massif de la résidence Brock Commons moins de 70 jours après l’arrivée sur le site des pièces préfabriquées. De plus, l’utilisation du bois aide l’industrie forestière canadienne, qui a souffert de l’imposition par nos voisins de droits de douane élevés. Une industrie forestière saine permettra la création de plus d’emplois pour les travailleurs forestiers des régions rurales du Canada.
C’est un domaine dans lequel le gouvernement fédéral peut vraiment faire figure de chef de file. La mesure législative à l’étude exigerait que l’utilisation du bois soit envisagée dans la construction, l’entretien ou la réparation d’immeubles fédéraux. Le refus d’envisager l’utilisation du bois constitue le principal obstacle à l’adoption de cette technologie. Trop souvent, les projets de construction en bois d’ingénierie sont rejetés à cause des craintes liées aux incendies. Cependant, comme l’a expliqué Caroline Delbert dans la revue Popular Mechanics le mois dernier :
Si la structure d’un bâtiment est en bois massif, elle ne brûlera pas de la même façon que si elle était en contreplaqué, par exemple. Le contreplaqué contient une colle inflammable, ce qui le rend plus vulnérable que le bois massif. Les panneaux de fibres de densité moyenne et les panneaux de particules orientées sont aussi très inflammables. Toutefois, les bâtiments en bois massif ont tendance à se consumer de l’extérieur, tandis que l’intérieur demeure intact. C’est comme si on essayait d’allumer un feu de camp uniquement à l’aide de bûches entières.
Le gouvernement fédéral est le plus important acheteur au Canada, alors s’il avait recours au bois d’ingénierie pour seulement une poignée de projets, il pourrait commencer à renverser la tendance. Comme l’architecte Michael Green l’a affirmé en 2017 au Comité des ressources naturelles de l’autre endroit :
[...] il s’agit seulement d’un changement d’attitude qui doit se faire pour que l’on puisse adhérer aux connaissances scientifiques actuelles.
Une loi similaire existe dans d’autres pays, notamment en France, en Finlande et aux Pays-Bas. Au Canada, en 2009, la Colombie-Britannique et le Québec ont chacune adopté une loi pour favoriser la construction de bâtiments en bois d’ingénierie. D’autres provinces emboîtent maintenant le pas. Il y a moins d’un mois, Kaycee Madu, le ministre des Affaires municipales de l’Alberta, a annoncé que l’Alberta autoriserait désormais l’utilisation du bois pour la construction de bâtiments d’au plus 12 étages. Il a fait remarquer ceci :
En plus de soutenir l’industrie forestière et les promoteurs immobiliers, cette décision rendra les propriétés résidentielles plus abordables, stimulera l’emploi et donnera à l’Alberta un avantage concurrentiel.
En Ontario, les constructeurs voient le potentiel du bois d’ingénierie. Un bâtiment de 10 étages est en chantier au Collège George Brown, et d’autres promoteurs ont recours à la technologie de construction en bois massif pour accroître la durabilité et l’envergure de leurs projets.
Comme l’a dit John Lorinc plus tôt ce mois-ci dans le Globe and Mail, grâce au bois d’ingénierie, qui permet de fabriquer des planchers plus minces et plus solides, le promoteur d’un projet du centre-ville de Toronto a pu se servir d’une disposition du Code du bâtiment de l’Ontario appelé « solutions de rechange » pour prouver que, bien qu’il dépasse de deux étages la hauteur maximale prévue par le code, le bâtiment aura, grâce à cette technologie, un rendement conforme aux exigences du code. Par conséquent, le promoteur a pu faire approuver son projet.
Les honorables sénateurs sauront que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a publié un rapport sur le secteur alimentaire à valeur ajoutée et les façons dont nous pouvons soutenir la croissance de cette industrie. La construction avec du bois d’ingénierie présente une énorme occasion de croissance pour les produits forestiers à valeur ajoutée tant dans les marchés au pays que dans les marchés internationaux. Le potentiel inexploité est énorme dans ce secteur.
Je termine par une citation de Hans Joachim Schellnhuber, directeur émérite du Potsdam Institute for Climate Impact Research, tirée d’un communiqué de presse diffusé le mois dernier :
Les arbres nous offrent une technologie sans égale. Ils extraient le CO2 de l’atmosphère et le transforment doucement en oxygène que nous pouvons respirer et en carbone pour leur croissance. Il n’existe à ce que je sache aucun moyen plus sûr de stocker du carbone. Les civilisations se servent à bon escient du bois pour bâtir depuis des siècles, mais le défi de la stabilisation du climat appelle aujourd’hui une utilisation décuplée de ce matériau. En se servant de l’ingénierie pour faire du bois un matériau de construction moderne et en gérant de façon réfléchie la récolte du bois et la construction, l’être humain parviendra à faire de la Terre un endroit sûr où vivre.
Merci, chers collègues.
Puis-je poser une question à la sénatrice Griffin?
Sénatrice Griffin, acceptez-vous de répondre à une question?
Certainement.
Sénatrice Griffin, je voudrais d’abord vous féliciter du leadership dont vous faites preuve dans ce dossier, car je crois qu’il s’agit de la bonne chose au bon moment. J’ai en main deux anciens rapports du Sénat — l’un d’eux date de 2009 — et j’en appelle aux sénateurs qui étaient là à l’époque et qui y sont encore, comme les sénateurs Duffy, Mercer et Munson, mais aussi le leader de l’opposition, le sénateur Plett. Le premier rapport a pour titre Le secteur forestier canadien : passé, présent, futur, tandis que l’autre est intitulé Le secteur forestier du Canada : Un avenir fondé sur l’innovation. Voilà pourquoi j’ai dit à la sénatrice Griffin que c’est maintenant qu’il faut faire montre de leadership.
J’aimerais maintenant parler des suivis à venir et du fait qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Sénatrice, pourriez-vous expliquer au Sénat du Canada en quoi ce projet de loi sera bénéfique pour l’Atlantique en particulier et pour le Canada en général?
Je vous remercie, sénateur Mockler.
Les retombées de ce projet de loi pour le Canada atlantique seront énormes. Vous serez sans doute ravi d’apprendre qu’il y a de cela plusieurs mois déjà, je me suis entretenue avec un très haut dirigeant du secteur forestier du Nouveau-Brunswick, que vous connaissez d’ailleurs très bien, et il a tout de suite vu ce que cette mesure législative représentait pour le Canada atlantique, mais aussi, comme vous le disiez vous-même, pour l’ensemble du pays.
En Atlantique, bon nombre des terres à bois appartiennent à des intérêts privés ou à l’État. Que ce soit pour une question de propriété ou de production, il s’agit d’un élément important pour le secteur privé. L’économie de l’Atlantique est en bonne partie rurale. Or, ce qui est arrivé à l’usine Northern Pulp, en Nouvelle-Écosse, inquiète de nombreux Canadiens qui comptent sur la forêt pour gagner leur vie. C’est à nous, législateurs, de faire tout en notre pouvoir pour relancer ce secteur et stimuler l’économie des régions rurales du pays.
Je pourrais aussi ajouter qu’il y a eu des discussions dans votre province quant à la possibilité de faire adopter un projet de loi semblable à l’Assemblée législative provinciale. Je sais que les députés sont plutôt occupés par d’autres dossiers en ce moment, mais il y a eu des discussions à ce sujet. À l’échelle nationale, nous avons la possibilité d’être une source d’inspiration et d’encouragement non seulement pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick, mais aussi pour ceux des autres provinces de l’Atlantique. Je vous remercie de votre question.