La Loi sur les pêches
Projet de loi modificatif--Troisième lecture
6 juin 2019
Merci, Votre Honneur. Nous discutons d’un enjeu très important. Il n’y a aucun problème. Ce sera un discours captivant...
Ce serait une nouveauté.
Vous n’avez jamais écouté les discours que j’ai prononcés en Nouvelle-Écosse, sénateur Mercer.
Nous discutons du projet de loi C-68. Je disais que, en principe, j’appuie cette mesure, mais que j’ai certaines réserves.
Le projet de loi C-68 annule certaines modifications apportées en 2012 à la Loi sur les pêches aux termes du projet de loi C-38. Ces modifications concernent principalement la protection du poisson. Le projet de loi crée de nouveaux pouvoirs ministériels, de nouvelles exigences administratives pour l’approbation des projets et un nouveau régime sur les réserves d’habitat. De plus, il confère au ministre le principal pouvoir d’élaborer les politiques sur les propriétaires-exploitants et la séparation des flottilles au Québec et au Canada atlantique, ce qui est très important.
À la discrétion du ministre, n’importe quel projet peut être considéré comme « projet désigné ». La réalisation de tout projet désigné nécessite l’obtention d’un permis additionnel accordé par le ministre. Ce dernier est autorisé à conclure des accords avec d’autres provinces, des corps dirigeants autochtones et toute entité créée aux termes d’un accord sur des revendications territoriales.
La loi de 2012 avait accru la protection du poisson parce qu’elle prévoyait une concentration des efforts fédéraux sur la durabilité des pêches, non sur l’habitat du poisson, et sur la gestion des principales menaces, notamment les espèces envahissantes. Parallèlement, le gouvernement précédent avait créé le Programme de partenariats relatifs à la conservation des pêches récréatives. Cette initiative, qui assurait un financement de contrepartie à tout groupe local entreprenant du travail de conservation, a permis de mener à bien 800 projets de mise en valeur des pêcheries.
Malheureusement, l’actuel gouvernement a laissé ce programme expirer.
Le projet de loi exigerait que le ministre tienne compte des connaissances et du savoir-faire autochtones, lorsqu’ils sont communiqués, et que toutes les décisions prennent en considération les répercussions possibles sur les droits des autochtones. Il pourrait être interdit de divulguer ces connaissances publiquement, voire aux promoteurs d’un projet, sans l’autorisation expresse de la communauté autochtone touchée. Le projet de loi C-68 définit les lois qui doivent comprendre les règlements pris par un corps dirigeant autochtone, ce qui conférera un plus grand pouvoir aux groupes autochtones et pourrait accroître l’incertitude réglementaire pour l’industrie canadienne.
Il faut aussi souligner que ce projet de loi aura de graves conséquences pour les agriculteurs. Ce que les agriculteurs craignent le plus, c’est que des fossés de drainage et des sections de ferme qui débordent parfois soient considérés comme des habitats du poisson. Autrement dit, tous les plans d’eau pouvant accueillir des poissons pourraient être considérés comme des habitats du poisson et, ainsi, être assujettis aux exigences, aux règlements et aux restrictions correspondants. L’origine naturelle ou artificielle du plan d’eau importera peu.
Le projet de loi vise à rétablir le système qui était en place avant 2012, et à l’imposer aux agriculteurs sans vraiment les consulter. Selon les Producteurs de grains du Canada, il serait interdit à un céréaliculteur de déplacer un fossé de drainage ou de remplir un réservoir qui n’est plus requis, même s’il n’a jamais contenu un seul poisson. L’organisme reconnaît que le gouvernement pourrait théoriquement délivrer des permis, mais que le processus serait probablement pénible et coûteux.
Chers sénateurs, je tiens à soulever une dernière préoccupation au sujet de ce que le comité a entendu quant aux consultations. Ceux qui sont directement touchés par ce projet de loi doivent être consultés. Bon nombre des témoins qui se sont présentés devant le comité ont souligné qu’il fallait plus de temps pour être certain des répercussions du projet de loi et ils ont dit craindre pour l’avenir de leur exploitation. En tant que parlementaires, je sais que nous pouvons comprendre la nécessité de mener des consultations adéquates.
Joseph Maud, directeur du territoire du Traité 2, a déclaré ceci au comité :
Le ministère des Pêches soutient que la nouvelle Loi sur les pêches reflète ce que nous avons entendu au cours de centaines de rencontres avec les partenaires, les intervenants et les groupes autochtones. Toutefois, certaines nations du Territoire du Traité no 2 dépendent de la pêche et des habitats. Nous ne connaissons pas les amendements ni n’avons été invités à des consultations significatives à ce sujet; nous n’avons pas non plus été avisés de l’étape avancée des révisions, et ce, même si le projet de loi a une incidence sur nos droits inhérents.
Le ministère déclare dans ses communiqués de presse que la loi proposée renforcera le rôle des Autochtones dans les examens de projet, dans la surveillance et dans l’élaboration des politiques. Même si le projet de loi comporte certains éléments très positifs, nous en trouvons très peu dans son contenu qui renforceraient le rôle de notre peuple en ce qui a trait à nos pêches, à nos droits et à notre participation à l’examen des projets, à la surveillance et à l’élaboration de politiques.
Enfin, en ce qui concerne la question de la consultation, lors d’une carrière antérieure qui touchait à la présentation de projets de loi, je menais normalement des consultations à la demande de groupes d’intérêt ou de particuliers, ou parce que la fonction publique voulait mettre en œuvre une politique gouvernementale. Il était toujours sage, avant de présenter un projet de loi, de consulter, dans la mesure du possible, tous ceux qui seraient touchés par la loi. J’ai parfois l’impression que nous nous sommes éloignés de ce processus. En l’occurrence, les agriculteurs, les éleveurs, les compagnies d’hydroélectricité, l’Association canadienne de l’électricité et l’Association minière du Canada ont tous exprimé des préoccupations quant à l’incidence du projet de loi sur leurs activités. Bon nombre de nos témoins, sinon tous, n’avaient pas été consultés ou n’avaient pas eu leur mot à dire.
Honorables sénateurs, cela ne veut pas dire que ceux qui ont comparu devant le Comité des pêches étaient contre le principe du projet de loi. Cependant, si vous avez besoin d’un permis et de tout ce que cela suppose chaque fois que vous déplacez un fossé de drainage ou aménagez un étang dans un champ sans sortie ni entrée d’eau et qui n’est certainement pas un habitat du poisson — où il n’y a pas l’ombre d’un poisson —, on comprendra que la situation est un peu frustrante.
Tous ces problèmes auraient-ils pu être réglés à l’avance si nous avions consulté ces grandes associations et leurs membres? Je pense que oui.
Honorables sénateurs, j’espère que ces réflexions vous seront utiles. Avec tout le respect que je vous dois, j’appuie, en principe, ce projet de loi.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence.
Je tiens à remercier le sénateur Christmas de sa contribution significative en tant que parrain du projet de loi C-68. Je pense que ses trois amendements, qui ont été adoptés par le Comité des pêches, renforceront le projet de loi. Ils apporteront des précisions relatives à l’article 35, qui porte sur les droits ancestraux ou issus de traités. La Nunavut Tunngavik Incorporated s’inquiétait plus particulièrement du libellé du projet de loi visant à prévenir toute atteinte aux droits autochtones. Plus précisément, on considérait que l’article 2.3 du projet de loi initial n’avait pas été formulé correctement. En effet, le texte ne dit pas que la loi ne porte pas atteinte aux droits autochtones, mais plutôt qu’elle ne porte pas atteinte à la protection des droits autochtones découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle, ce qui ne serait peut-être pas possible.
L’amendement du sénateur Christmas renforce la disposition de non-dérogation du projet de loi et améliore la formulation concernant le respect des droits garantis, reconnus et confirmés à l’article 35 de la Constitution. C’est important, car les pêches du Nunavut génèrent actuellement plus de 127 millions de dollars par année. Depuis 1999, la Nunavut Tunngavik Incorporated s’efforce d’élaborer de nouvelles règles sur les pêches au Nunavut afin que celles-ci soient en harmonie avec l’accord du Nunavut. Sur une période de 20 ans, il y a eu 17 ébauches de règlements qui ont été étudiées par pas moins de 14 groupes de travail différents. J’aimerais bien que la collaboration se poursuive pour l’établissement des règlements sur les pêches.
De plus, j’aimerais remercier nos collègues du Comité permanent des pêches et des océans pour leur travail dans le cadre de l’étude du projet de loi C-68. Je me suis réjoui que le paragraphe 2(2), qui portait sur la définition du débit d’eau, soit retiré du projet de loi. À l’étape de la deuxième lecture, d’autres inquiétudes à propos du projet de loi C-68 ont aussi été soulevées. Plus précisément, on craignait qu’il ramène l’incertitude pour les éventuels promoteurs de grands projets sans apporter de changement d’importance aux mesures de protection prévues.
J’ai noté que les changements apportés à la Loi sur les pêches en 2012 ne se limitaient pas à soutenir la conservation du poisson. Ces modifications faisaient en sorte que les structures construites sur les plans d’eau où ne vit aucun poisson, ou celles à proximité de ceux-ci, ne soient pas assujetties au lourd processus bureaucratique d’approbation réglementaire.
Prenons un exemple concret, honorables collègues : la rampe en terre qui est construite chaque année pour permettre aux camions d’accéder plus facilement au lac Tibbitt, au commencement de la route de glace de plus de 200 miles dans les Territoires du Nord-Ouest, qui dessert trois mines de diamant. Cette installation qui assure une transition en douceur entre la rive et la glace pour les camions ne devrait pas faire l’objet d’une évaluation environnementale, d’autant plus qu’elle est reconstruite chaque année.
Selon la Canadian Cattlemen’s Association, les structures artificielles ne sont pas habituellement d’une ampleur suffisante pour avoir des répercussions sur l’habitat du poisson que l’on pêche ou sur des populations de poissons, mais pourraient être considérées comme un habitat. La Canadian Cattlemen’s Association, la B.C. Cattlemen’s Association et la Fédération canadienne de l’agriculture croient fermement que ces structures agricoles vitales ne devraient pas être visées par les interdictions.
En outre, la Canadian Cattlemen’s Association a pressé le gouvernement de respecter son engagement de définir clairement les dispositions relatives aux exceptions agricoles dans les règlements, ainsi que d’appliquer ces exceptions aux petits aménagements agricoles courants. Le gouvernement dispose déjà du pouvoir législatif nécessaire pour accomplir cette tâche, et la Canadian Cattlemen’s Association lui demande de consulter, de façon précise, les parties intéressées dans le cadre du processus de réglementation. On espère que de ces consultations permettrait de définir clairement les exceptions agricoles.
Quand mon collègue, le sénateur McInnis, a soulevé cette question au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, un représentant du ministère des Pêches et des Océans lui a dit ceci :
Vous avez tout à fait raison de dire que la loi actuelle comporte ce qu’on appelle des codes de pratique qui permettent au ministère d’élaborer des normes pour des choses comme les pratiques agricoles, qui n’obligeraient pas les promoteurs à demander des autorisations ou des permis en vertu de l’article 35. Vous avez également raison de dire qu’il existe des pouvoirs de réglementation qui peuvent exempter certains types d’activités de l’interdiction générale.
Pour ce qui est de l’intention du gouvernement d’élaborer de tels règlements, nous avons effectivement l’intention de le faire, mais je ne peux pas vous donner de détails sur le calendrier. Cela ne relève pas de mon pouvoir ni de mon contrôle. Le ministre nous a donné comme directive de faire avancer ces choses, de faire avancer les codes de pratique et de régler le problème que vous avez soulevé. [...] Notre intention est d’élaborer cela durant la première année suivant l’entrée en vigueur.
Je pense qu’il est important de le signaler. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que les politiques de protection des pêches devraient mettre l’accent sur l’habitat qui soutient les pêches au Canada et non sur les champs agricoles et les plaines inondables. Ce qui me préoccupe par rapport au fait de laisser l’exemption liée aux structures agricoles construites être définie dans la réglementation, c’est que les choses vont continuer de stagner et que trop peu de consultations seront faites.
Comme l’indique le mémoire présenté au Comité sénatorial des pêches par l’Association minière de la Saskatchewan :
Le MPO [ministère des Pêches et des Océans] a indiqué aux intervenants que le gouvernement ne prévoyait pas permettre une période de consultation — c’est-à-dire aucune période d’examen de la partie I de la Gazette du Canada — en ce qui concerne les modifications qu’il est proposé d’apporter aux demandes d’autorisation en vertu de l’alinéa 35(2)b) du Règlement sur les pêches.
Pour un gouvernement qui a fait campagne sur la transparence — une promesse qui était la bienvenue —, je me désole du manque de consultations sérieuses au sujet d’un règlement aussi important.
Je veux mentionner que j’ai bien aimé l’amendement proposé par la sénatrice Poirier au paragraphe 34.3(2), qui donnerait au ministre différentes solutions s’il jugeait qu’il est nécessaire d’assurer le libre passage des poissons ou de protéger le poisson ou son habitat. Les représentants du secteur de l’hydroélectricité, entre autres, se sont dits inquiets de la disposition qui propose de donner au ministre de vastes pouvoirs d’intervention dans le cas des ouvrages qui bloquent un cours d’eau et qui entravent le passage des poissons ou nuisent aux efforts de protection du poisson ou de son habitat. Aux termes de cette disposition, le ministre peut, au moyen d’un arrêté, exiger l’enlèvement de l’obstacle — un barrage — ou demander qu’un débit d’eau soit maintenu. Le ministre pourrait aussi demander au propriétaire d’un obstacle de veiller au maintien des propriétés de l’eau en amont de l’obstacle.
Plusieurs intervenants ont affirmé que, dans de nombreux cas, ce n’était pas réaliste, puisque le propriétaire d’un obstacle n’est pas en mesure d’intervenir sur les propriétés de l’eau en amont de l’obstacle. Le libellé concernant les propriétés en amont a été retiré par l’amendement de la sénatrice Poirier.
Si, dans l’ensemble, les amendements du genre ont amélioré le projet de loi, je m’inquiète toujours de l’incertitude que ce dernier créera. Les groupes miniers nous ont dit qu’ils étaient inquiets quant à la partie du projet de loi qui porte sur les projets désignés, car elle créera un processus d’octroi des permis encore plus lourd et complexe. L’Association minière de la Saskatchewan recommandait l’abrogation complète de la partie sur les projets désignés.
À un moment où d’autres changements réglementaires et législatifs menacent déjà la compétitivité du Canada, je m’inquiète du fait que le projet de loi C-68, de même que d’autres projets de loi dont nous sommes saisis, pourrait persuader davantage les promoteurs d’investir et de faire des affaires ailleurs qu’au Canada. Merci.
Honorables sénateurs, si personne d’autre ne souhaite intervenir, je vais le faire en tant que porte-parole pour le projet de loi.
J’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence.
Lorsque les dirigeants de mon parti m’ont approchée pour m’occuper de ce projet de loi, je me suis intéressée à ses implications pour le secteur de l’agriculture et des ressources dans ma province, la Saskatchewan, mais j’étais bien consciente qu’il s’agissait de la Loi sur les pêches et que je ne possédais pas un vaste savoir et une profonde compréhension des pêches. J’ai néanmoins accepté, en me disant que j’allais à tout le moins faire entendre officiellement la perspective de la Saskatchewan.
La portée du projet de loi C-68 va bien au-delà de ma propre province. Le projet de loi touche de nombreuses régions, industries et secteurs du Canada — des pêches à l’hydroélectricité, des collectivités côtières aux communautés autochtones. Selon moi, l’étude de ce projet de loi a beaucoup profité des vastes connaissances et de l’expertise des sénateurs.
J’aimerais encore, à l’instar d’autres sénateurs, saluer l’excellent travail du comité permanent des pêches et des océans. Les sénateurs à ce comité ont travaillé avec diligence pour que puissent être exprimés les points de vue uniques et diversifiés des régions au sujet du projet de loi C-68. Quant à moi, j’en ai beaucoup appris sur notre pays et comment, dans les faits, une région en influence une autre et comment les intérêts nationaux devraient jouer en faveur de nous tous.
Je veux aussi exprimer ma gratitude envers les sénateurs pour leurs compétences, la façon dont ils travaillent ensemble, les compromis qu’ils ont faits et la diligence avec laquelle ils ont représenté les gens de leur région.
Le travail du comité montre le Sénat à son meilleur. Des amendements ont été adoptés pour renforcer le projet de loi. J’approuve l’amendement adopté au comité visant à abroger le paragraphe 2(2), qui désignait le débit d’eau comme étant un habitat du poisson.
Mes honorables collègues se souviendront qu’il s’agissait d’un amendement adopté par le comité de l’autre endroit chargé d’étudier le projet de loi. On a signalé au comité sénatorial que, en vertu de cette nouvelle disposition, toute étendue d’eau, naturelle ou artificielle, pourrait être considérée comme un habitat du poisson.
Des préoccupations ont été soulevées. Les personnes directement concernées, autrement dit, les parties intéressées, issues de divers secteurs, ont dénoncé ce changement comme étant trop contraignant et inutile. Je tiens à remercier la sénatrice Poirier d’avoir présenté d’autres amendements afin de remédier aux préoccupations de l’industrie.
La définition de l’habitat du poisson a été précisée et l’obligation des promoteurs de projet de gérer les débits d’eau en amont d’une installation, qui soulevait de grandes préoccupations, a été éliminée.
Je tiens à remercier le sénateur Christmas, qui, en sa qualité de parrain du projet de loi C-68, a présenté des amendements afin de clarifier et de renforcer les dispositions liées aux droits des Autochtones.
D’autres amendements ont été adoptés pour permettre à une tierce partie de se charger d’une réserve d’habitat. Je remercie le sénateur Wells de son leadership dans ce dossier.
Comme d’autres l’ont fait remarquer au Sénat, des portions du projet de loi S-203, Loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins, et du projet de loi S-238, Loi interdisant l’importation et l’exportation de nageoires de requin, ont été incorporées au projet de loi C-68 par la voie d’amendements parrainés par le gouvernement.
Malgré tout cela, je demeure troublée par certains aspects du projet de loi C-68. Je remarque des préoccupations soulevées par le secteur agricole, qui dit qu’il faut mettre en place un processus réglementaire simplifié pour les projets peu risqués.
Fawn Jackson, cadre supérieure chargée des relations avec le gouvernement et des relations internationales, a dit, au nom de la Canadian Cattlemen’s Association :
[...] la CCA s’inquiète de l’absence de progrès afin de simplifier le processus réglementaire pour les petits projets et les projets à faible risque. Il est important que le fardeau réglementaire reflète l’ampleur du risque. Nous sommes tout à fait prêts à travailler avec [le] MPO pour déterminer si l’on pourrait mettre en place un code de pratique ou d’autres méthodes pour aider les producteurs à se conformer à la loi et contribuer à instaurer de bonnes pratiques de travail sur le terrain.
[...] le gouvernement a exprimé son appui aux dispositions de la loi destinées à protéger les agriculteurs et les éleveurs. Il a également appuyé le recours accru aux pratiques volontaires et à l’intendance.
Les fonctionnaires du ministère ont indiqué, lors de leur comparution devant le comité, que les règlements élaborés la première année suivant l’entrée en vigueur remédieraient à ces préoccupations. Ils ont affirmé que le ministre est d’accord là‑dessus.
Je trouve encore préoccupant qu’une grande partie du projet de loi C-68 dépende de règlements qui seront pris après l’adoption de la mesure législative et que nous ne soyons pas certains de la nature des consultations.
Honorables sénateurs, j’ai déjà parlé du fait que, depuis des dizaines d’années, on préfère les règlements aux lois, si bien que les pouvoirs passent du Parlement à l’exécutif et aux fonctionnaires. Voilà qui ne cadre pas avec une démocratie progressiste. On devrait prévoir plus de dispositions dans la loi et recommencer à déterminer la teneur de la réglementation avant de promulguer une loi.
Autrement dit, les bonnes idées ne suffisent pas. Il ne suffit pas de répondre à un problème. Il faut absolument que la mise en œuvre fasse partie du processus. De bonnes lois tombent dans l’oubli parce qu’elles ne sont pas mises en œuvre ou comprises. On se fait dire de plus en plus souvent qu’il y aura des consultations et que certains aspects seront couverts par la réglementation. Or, les dispositions réglementaires et les dispositions législatives sont d’égale importance. Dans le système de justice, on tient compte à la fois de l’application et de l’objet de la loi. Il faut le faire pour toutes les autres questions fondamentales qui touchent les Canadiens.
Je demeurerai très sceptique jusqu’à ce que je vois cette réglementation. Le gouvernement doit prendre le temps d’élaborer la réglementation, les politiques et les lignes directrices nécessaires pour assurer la mise en œuvre de la loi modifiée. Pour ce faire, il faut absolument — et j’insiste sur cette obligation — consulter suffisamment les intervenants concernés.
À mon tour, je vais citer Pam Schwann, la présidente de l’Association minière de la Saskatchewan. Je vois les sénateurs de la Saskatchewan hocher la tête. Elle est un excellent exemple, une femme dans le secteur minier qui sait concilier les besoins de la collectivité et ceux de son industrie. Voilà pourquoi nous l’admirons tant.
Elle est venue témoigner devant le comité. Je pense que le sénateur Patterson a cité une partie de son témoignage, mais je veux faire valoir une chose qu’elle a dite :
[...] le gouvernement ne prévoyait pas permettre une période de consultation — c’est-à-dire aucune période d’examen de la partie I de la Gazette du Canada — en ce qui concerne les modifications qu’il est proposé d’apporter aux demandes d’autorisation en vertu de l’alinéa 35(2)b) du Règlement sur les pêches. Ce manque de consultation est incompatible avec le programme du gouvernement fédéral visant à accroître la transparence. De plus, cela est fortement inquiétant, car le Sénat n’a pas encore terminé son étude du projet de loi [...].
Les intervenants comptent sur l’information publiée dans la Gazette du Canada et voilà qu’on va jusqu’à s’écarter de cette notification minimale. Je trouve cela très préoccupant.
Même si des consultations efficaces pourraient assurer une meilleure mise en œuvre de la loi modifiée et donner plus de certitude aux personnes concernées, il y a quelque chose d’autre que je trouve problématique. Quand j’ai rencontré les intervenants de ma province, ils m’ont dit que le personnel du ministère des Pêches et des Océans était leur plus gros problème. Il n’est pas toujours considéré comme étant bon pour la carrière de vouloir travailler dans l’industrie de la pêche, en Saskatchewan. Par contre, les gens qui grandissent dans ce milieu désirent vraiment faire carrière dans la pêche et développer l’industrie, mais ils se font affecter en Saskatchewan. Or, qu’est-ce que les gens qui viennent de l’Île-du-Prince-Édouard savent de l’agriculture en Saskatchewan? Cela a donné lieu à des interprétations incohérentes. C’est la principale plainte qui a été formulée. On m’a dit, par exemple, qu’un homme très gentil peut venir dire aux agriculteurs qu’ils ne peuvent pas faire certaines choses dans leurs exploitations agricoles — parce que c’est de cette manière qu’il interprète la réglementation. Cependant, quelques articles plus loin, cette responsabilité est confiée à quelqu’un d’autre, qui peut interpréter la réglementation tout à fait différemment.
Lors de la séance d’information, les fonctionnaires ont admis que cette situation posait problème, mais qu’ils allaient offrir une formation appropriée pour assurer une certaine uniformité entre les professionnels, de telle sorte que l’interprétation soit la même en Saskatchewan, au Manitoba ou ailleurs au pays. Le gouvernement du Canada a toujours de la difficulté à obtenir l’assurance que Pêches et Océans Canada dispose de la capacité professionnelle nécessaire à cet égard. Lorsque je suis allée à l’étranger dans le cadre des différends concernant la pêche à la morue, l’uniformité faisait défaut sur le plan de la formation professionnelle nécessaire pour être au courant des enjeux modernes.
J’espère que les fonctionnaires — et je n’ai aucune raison d’en douter — vont tenir promesse et fournir les lignes directrices professionnelles nécessaires au personnel, notamment pour que la réglementation soit uniforme, dans l’intérêt des intervenants.
La nouvelle exigence concernant la désignation des projets prévue dans le projet de loi C-68 continue aussi de me préoccuper vivement. Des représentants de l’industrie, notamment ceux de la société Cameco, de l’Association minière de la Saskatchewan, de l’Association canadienne de l’électricité et de l’Association canadienne des traversiers, ont soulevé auprès du comité et de moi leurs inquiétudes quant au manque de clarté de cette disposition.
Lors de sa comparution devant le comité, Justyna Laurie-Lean, vice-présidente de l’Environnement et des Affaires réglementaires à l’Association minière du Canada , a déclaré ce qui suit :
[...] nous ne savons pas si un projet minier pourrait aller de l’avant s’il s’agissait d’un projet désigné.
Plusieurs intervenants ont recommandé que des amendements soient apportés à cet élément du projet de loi, tandis que d’autres, comme l’Association minière de la Saskatchewan, ont recommandé qu’il soit entièrement supprimé.
Nous avons d’autres façons d’examiner les projets désignés afin d’assurer un juste équilibre entre l’environnement, l’industrie et les autres membres de la collectivité.
Bien que je remarque que le gouvernement a apporté des amendements dans le but de clarifier ces dispositions, je crains toujours que le régime de projets désignés proposé dans le projet de loi C-68 n’impose des contraintes supplémentaires inutiles aux secteurs minier et des ressources. Bien sûr, ce projet de loi présente un intérêt particulier pour ma province, la Saskatchewan, où la croissance économique repose en grande partie sur ces secteurs.
L’économie de ma province est fragile; aussi je demande que nous soyons extrêmement vigilants et que nous ne bâtissions pas un système de réglementation inutilement long et ardu.
Permettez-moi de citer encore une fois le témoignage de Mme Anne-Raphaëlle Audouin, la présidente d’Hydroélectricité Canada :
Si les règlements en place viennent compliquer le fonctionnement de ces installations et la construction de nouveaux sites, nous voyons là un risque réel. En l’occurrence, le projet de loi C-58 pourrait compromettre les nouveaux projets de développement et mettre en péril leur viabilité opérationnelle et fonctionnelle. Il y aurait ainsi des effets en cascade, car nous ne serions pas en mesure de contribuer à la décarbonisation de l’économie autant que nous le faisons maintenant.
La viabilité du secteur canadien des pêches est essentielle à la prospérité des Canadiens et à l’intérêt national. Nous devons donc continuer de tout faire pour que la protection du poisson et de son habitat demeure une priorité. Le comité s’est penché sérieusement sur ces questions. Cela dit, les objectifs environnementaux du pays n’ont pas besoin d’entrer en contradiction avec les besoins des agriculteurs, des producteurs d’électricité et des travailleurs du secteur des ressources naturelles. En fait, comme le signalait Mme Audouin, ces intérêts sont interdépendants. La recherche de l’équilibre entre protection et prospérité doit demeurer au cœur du débat.
En terminant, je remercie de nouveau le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans d’avoir étudié aussi soigneusement le projet de loi et les amendements destinés à l’améliorer. Personnellement, cette étude m’a permis de voir à quel point le Canada Atlantique et la côte Ouest ont des points en commun avec la Saskatchewan. Quand on pense à ce qui unit les différentes régions du pays, on pense rarement à l’eau. J’estime toutefois que nous avons l’obligation morale de songer à la région que nous représentons, aux minorités et à l’intérêt national. Selon moi, la manière dont le Sénat a étudié le projet de loi C-68 m’a rappelé que je dois voir à la fois aux intérêts de ma province et à ceux du pays.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L’honorable sénateur Christmas, avec l’appui de l’honorable sénatrice Busson, propose que le projet de loi, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
À mon avis, les oui l’emportent
Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t‑il entente au sujet de la sonnerie?
Une heure.
Le vote aura lieu à 16 h 33.
Convoquez les sénateurs.