Projet de loi de 2017 sur la sécurité nationale
Message des Communes--Motion de renonciation aux amendements du Sénat--Motion d'amendement--Débat
18 juin 2019
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :
1.par substitution :
a)des mots « ses amendements 1 et 2 » par les mots « son amendement 1 »;
b)par substitution du mot « auxquels » par le mot « auquel »;
2.par suppression, dans la version anglaise, du mot « and » à la fin du premier paragraphe;
3.par substitution du deuxième paragraphe par ce qui suit :
« Que le Sénat insiste sur son amendement 2, auquel les Communes n’ont pas acquiescé;
Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur son amendement;
Que le comité présente son rapport avec les motifs conformément à cet ordre au plus tard le vendredi 28 juin 2019;
Qu’une fois les motifs de l’instance du Sénat agréés par le Sénat, un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer. ».
L’honorable sénateur Housakos propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Smith, que la motion ne soit pas maintenant adoptée... Puis-je me dispenser de lire la motion?
Débat?
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la réponse du gouvernement aux amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, et, bien sûr, pour proposer l’amendement.
Je tiens d’abord à souligner que ce dont nous sommes saisis actuellement est une réponse vraiment typique de la part du gouvernement aux amendements apportés par le Sénat.
Le Sénat a apporté quatre amendements au projet de loi C-59. Au moins trois d’entre eux reflétaient ce que des témoins très informés avaient dit au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense au sujet de cette mesure législative.
Toutefois, fidèle à ses habitudes, le gouvernement a décidé d’accepter seulement deux de ces amendements — en particulier ceux qui perturbent le moins le programme de base du gouvernement en ce qui concerne ce projet de loi.
L’un des amendements a été proposé par le sénateur Gold, le parrain du projet de loi. La semaine dernière, lorsque le sénateur Harder a parlé de la réponse du gouvernement, il a déclaré ceci au sujet de cet amendement :
[L’amendement ajoute] une annexe vierge [...] relativement à la partie 1.1 du projet de loi C-59, qui contribue à édicter la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères. L’ajout de cette annexe contribue à rectifier une importante erreur technique en permettant au gouverneur en conseil d’ajouter, plus tard, des ministères ou organismes qui pourraient devoir se conformer à la loi.
Autrement dit, il s’agit d’un amendement que le gouvernement a lui-même proposé afin de corriger sa propre erreur de rédaction.
Ce n’est pas tout à fait renversant.
L’autre amendement est plus substantiel et il a été proposé par le sénateur Dagenais. Il exige que la loi fasse l’objet d’un examen parlementaire trois ans après avoir reçu la sanction royale, plutôt que les cinq ans prévus à l’origine. Il s’agit d’un amendement plus important, car nous espérons qu’un autre gouvernement sera au pouvoir dans trois ans et qu’il sera en mesure de corriger certaines des lacunes de la mesure législative.
Le gouvernement actuel espère bien sûr qu’il sera encore au pouvoir dans trois ans et qu’il pourra simplement ignorer cette disposition.
Parlons maintenant des amendements que le gouvernement a décidé de rejeter. Ce sont ceux-là qui, pour ainsi dire, sont perçus comme interférant avec le projet de loi tel qu’il a été présenté au Sénat.
Le premier amendement a été proposé par la sénatrice McPhedran. Même si je n’appuie pas l’objectif de son amendement, il reflète les préoccupations de certains témoins au sujet de la portée du rôle du nouveau commissaire au renseignement.
Le gouvernement a rejeté cet amendement et je suis certain que les sénateurs d’en face pourront s’exprimer au sujet de ce rejet.
Cependant, ce qui me préoccupe davantage, c’est que le gouvernement a aussi rejeté l’amendement proposé par le sénateur McIntyre. À mon avis, le rejet de cet amendement est directement contraire à l’engagement très public du gouvernement de lutter contre le fait de préconiser le terrorisme et la violence en ligne.
Il y a quelques semaines à peine, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a fait la déclaration suivante aux Nations Unies :
Aujourd’hui, la haine se propage de plus en plus sur Internet, dans les forums en ligne et sur les médias sociaux. Nous devons en être conscients et travailler pour y mettre fin.
Je dirais que le gouvernement a eu sa chance en ce qui concerne l’amendement proposé à ce projet de loi, mais il l’a laissé passer et il a maintenant effectivement décidé de ne rien faire.
Je rappelle aux sénateurs que la raison d’être du projet de loi C-59 est de remplacer l’infraction visant à « préconiser ou fomenter la commission d’une infraction de terrorisme » par une infraction plus précise visant à « conseiller la commission » d’infractions de terrorisme.
Le gouvernement a soutenu que la disposition actuelle de la loi est inutilisable et que la remplacer par une infraction plus précise visant à conseiller la commission d’infractions de terrorisme donnerait lieu au dépôt d’un plus grand nombre d’accusations devant les tribunaux.
Cependant, pas plus tard qu’en septembre de l’année dernière, le Globe and Mail a rapporté que des procureurs de la Couronne à Montréal avaient recours à ces mêmes dispositions de la loi, considérées comme « inutilisables » par le gouvernement, pour retirer la propagande terroriste d’Internet.
L’ancien procureur de la Couronne Scott Newark a déclaré que le retrait de l’infraction visant à préconiser et fomenter des infractions de terrorisme :
[...] limitera probablement la capacité des forces de l’ordre à utiliser l’outil de « démantèlement » de la propagande terroriste autorisé par les tribunaux.
Lors des audiences du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense à propos du projet de loi C-59, certains des témoins ont exprimé les mêmes réserves.
M. Shimon Fogel, le président-directeur général du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, a déclaré au comité :
[...] nous sommes profondément préoccupés par un aspect clé du projet de loi, à savoir la modification proposée d’une disposition du Code criminel exposant ce qui est aujourd’hui connu comme l’infraction de préconiser et de fomenter la commission d’une infraction de terrorisme. Le projet de loi C-59 redéfinira cette infraction comme étant de « conseiller la commission d’infractions de terrorisme ».
M. Fogel a ajouté ceci :
Dans son libellé actuel, la nouvelle infraction s’appliquerait à « quiconque conseille à une autre personne de commettre une infraction de terrorisme ». Le libellé porte à croire que l’infraction concerne la personne qui conseille une autre personne précise.
M. Fogel a fait une mise en garde qui est cohérente avec ce que les témoins ont dit en comité, à savoir que cet écart pourrait créer une échappatoire dans la loi.
Il y a un risque qu’une personne conseille à ses abonnés sur les réseaux sociaux de commettre une infraction de terrorisme et qu’elle se défende par la suite en disant qu’elle n’a pas conseillé directement une autre personne précise. Pour remédier à cette lacune, M. Fogel a proposé une modification pour que l’infraction consistant à conseiller la commission d’une infraction de terrorisme s’applique expressément, et ce, peu importe que l’on conseille à une personne en particulier ou à un public plus vaste de commettre des infractions terroristes.
Mon collègue, le sénateur McIntyre, a tenu compte de cette suggestion fort pratique et a présenté un amendement à cet effet. L’amendement a été bien reçu par la majorité des sénateurs qui siègent au comité, puis a ultimement été adopté par l’ensemble du Sénat.
Nous avons maintenant la réponse du gouvernement.
La semaine dernière, le sénateur Harder a dit que le gouvernement est d’avis que la modification pourrait avoir des conséquences imprévues en créant des incohérences dans le droit pénal et que le texte est incompatible avec l’infraction proposée consistant à conseiller la commission d’une infraction de terrorisme.
C’est précisément l’argument qu’a aussi fait valoir le sénateur Gold, qui est le parrain du projet de loi.
Le sénateur Gold a soutenu que l’amendement était superflu parce que, même dans la loi actuelle, l’infraction consistant à conseiller la perpétration de tels actes n’exige pas que l’accusé connaisse l’identité de ceux qu’il conseille.
De toute évidence, cette interprétation ne va pas de soi puisque Scott Newark, ancien procureur de la Couronne, a affirmé que supprimer l’infraction consistant à préconiser ou fomenter le terrorisme :
[…] réduira probablement la capacité des organismes d’application de la loi de se servir d’autorisations judiciaires pour éliminer la propagande terroriste […]
Le sénateur Gold a aussi soutenu, comme le gouvernement l’a fait par l’intermédiaire du sénateur Harder, que l’amendement proposé porterait à confusion parce que le Code criminel pourrait avoir plus qu’une définition de l’infraction de conseiller la commission d’infractions de terrorisme.
Ma collègue la sénatrice Frum a mentionné ce possible problème lorsqu’elle a pris la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi. Elle a posé une question très importante, à savoir :
[s]i un tel risque existe, pourquoi le gouvernement ne modifierait-il pas les éventuels passages contradictoires du code pour veiller à ce que les définitions soient suffisamment larges ou, du moins, uniformes dans le contexte des infractions particulières auxquelles elles s’appliquent?
Elle a aussi demandé pourquoi le gouvernement et ses partisans cherchent constamment des raisons de ne pas resserrer la loi, au lieu de chercher des outils qui permettront de contrer les risques réels pour la sécurité, notamment la sécurité publique.
Si le gouvernement souhaite faire une priorité des risques constitutionnels réels ou perçus plutôt que de renforcer la loi, pourquoi les ministres proclament-ils aux Nations Unies qu’ils sont résolus à intervenir avec fermeté pour mettre fin à la promotion de la haine et de la violence en ligne, comme l’a fait récemment la ministre Freeland? Il est évident qu’ils n’ont aucunement l’intention de faire de cela une véritable priorité. Pourtant, ils ne manquent jamais une occasion de proclamer qu’ils le font, de pontifier, comme le fait si souvent le gouvernement.
À mon avis, le Sénat doit dire clairement au gouvernement que sa réponse à l’égard de cet amendement est inacceptable.
Dans le monde d’aujourd’hui, la propagande terroriste en ligne alimente les attaques terroristes. Elle alimente des attaques partout dans le monde, y compris au Canada. J’estime que nous devons faire de la lutte contre cette propagande une priorité législative. J’aurais seulement aimé que le gouvernement partage ce point de vue.
Pour corriger au moins une déficience du projet de loi, je crois que le Sénat doit insister sur les amendements du sénateur McIntyre. Chers collègues, j’espère que vous appuierez tous l’amendement que j’ai présenté aujourd’hui. Merci.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L’honorable sénateur Housakos, avec l’appui de l’honorable sénateur Smith, propose que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution... puis-je me dispenser de lire l’amendement?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
À mon avis, les non l’emportent.
Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Une heure.
Le vote aura lieu à 16 h 2.
Convoquez les sénateurs.