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Le Code criminel

Projet de loi modificatif--Troisième lecture

18 juin 2019


L’honorable Nicole Eaton [ + ]

Honorables sénateurs, je suis ravie d’intervenir aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-84.

J’aimerais remercier la marraine du projet de loi, la sénatrice Boyer; le porte-parole pour le projet de loi, le sénateur White; et les membres du Comité des affaires sociales de leur travail sur cette mesure législative.

Le projet de loi C-84 permettra de combler une lacune dans le Code criminel en y incluant une définition de la bestialité qui élargira l’infraction de telle sorte qu’elle comprenne tout contact sexuel avec un animal. C’était devenu nécessaire en raison d’une décision rendue par la Cour suprême en juin 2016, qui a limité l’application de l’infraction de bestialité à un point tel qu’elle ne comprenait plus la vaste majorité des perversités impliquant des animaux. Aux termes du projet de loi, il sera aussi plus facile d’intenter des poursuites contre les individus impliqués dans des combats d’animaux.

Selon les témoignages présentés devant le comité, ce projet de loi comblera une lacune dans la loi, mais il ne permettra pas d’élever les normes canadiennes au niveau de celles d’autres pays développés. Comme l’a dit au comité Camille Labchuk, directrice générale de l’organisme Animal Justice, les lois canadiennes sur la protection des animaux sont désuètes et ne reflètent pas nos valeurs ou ce que nous avons appris au sujet de la capacité cognitive, sociale et émotionnelle des animaux.

Les témoignages les plus choquants que nous avons entendus portent sur le lien entre la violence faite aux enfants et la bestialité. Les données recueillies par le Centre canadien de protection de l’enfance ont révélé que plus de 80 p. 100 des cas de bestialité examinés comportaient aussi l’exploitation sexuelle d’un ou plusieurs enfants.

Le Comité de la justice de l’autre endroit, qui a consacré plus de temps que nous à l’étude du projet de loi, a entendu des témoignages éloquents selon lesquels les mauvais traitements infligés aux animaux sont un bon indicateur d’agressions sexuelles futures. C’est pourquoi le comité a modifié le projet de loi de sorte que les personnes reconnues coupables de bestialité soient inscrites au registre des délinquants sexuels. C’est en raison de ce lien que notre comité a fait l’observation qu’il devrait y avoir des échanges d’informations entre les organismes de protection des animaux et des enfants. De tels échanges de renseignements faciliteraient la prévention et la détection de la cruauté envers les animaux et de la violence faite aux enfants.

Il y a clairement des questions de compétence fédérale et provinciale à régler, mais j’exhorte le prochain gouvernement à donner suite sans tarder à cette observation et à resserrer les lois canadiennes sur la protection des animaux. Pour l’instant, il est toutefois impératif que nous adoptions ce projet de loi sans tarder. Merci.

L’honorable Vernon White [ + ]

Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre brièvement la parole aujourd’hui à cette dernière étape de l’étude du projet de loi C-84, Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne la bestialité et les combats d’animaux.

J’aimerais remercier la présidente du Comité des affaires sociales, la vice-présidente ainsi que le comité lui-même. Bien entendu, je remercie également la marraine, la sénatrice Boyer, d’avoir présenté ce projet de loi.

Comme nous l’avons entendu, le projet de loi modifie le Code criminel pour élargir la portée de trois infractions criminelles afin d’interdire certaines activités liées à la bestialité et aux combats d’animaux. D’abord, le projet de loi définit le terme « bestialité ». Ensuite, il élargit la portée des activités interdites en ce qui a trait à la violence et à la cruauté envers les animaux ainsi qu’aux combats d’animaux.

Le Code criminel comprend un certain nombre d’infractions traitant de la cruauté envers les animaux, en particulier dans le contexte des combats d’animaux. Les modifications proposées élargiront la portée des dispositions existantes afin de protéger tous les animaux et d’englober toutes les activités liées aux combats d’animaux. Elles interdiront les comportements consistant à promouvoir des activités de combat ou de harcèlement d’animaux, à en organiser, à y prêter son concours, à y participer ou à recevoir de l’argent relativement à ces activités. Seront interdits l’élevage, le dressage ou le transport d’un animal à des fins de combats d’animaux, ainsi que la construction ou l’entretien d’une arène pour les combats d’animaux, puisque, à l’heure actuelle, les interdictions en vigueur se limitent à la construction ou à l’entretien d’une arène pour les combats de coqs.

Le projet de loi C-84 vise à protéger les enfants et les animaux de la cruauté et des mauvais traitements, tout en veillant à ce que la loi ne nuise pas aux activités d’élevage légitimes et traditionnelles ni aux pratiques de chasse et de piégeage, y compris les droits de récolte des Autochtones.

L’incapacité de corriger cette loi n’est pas sans conséquence. L’an dernier, au moins une accusation de bestialité a dû être abandonnée parce qu’elle ne répondait pas à la définition actuelle, dont la portée est restreinte. Dans cette affaire, un homme avait été accusé d’avoir créé de la pornographie impliquant de la bestialité et d’avoir distribué de la pornographie juvénile. Dans le cas de la deuxième accusation, l’individu en question s’est vu imposer une peine d’emprisonnement d’un an, tandis que la première accusation a été suspendue. Il est légitime de craindre que d’autres affaires puissent être touchées par la définition incomplète qui figure actuellement dans la loi.

Au Canada, les dispositions criminelles en matière de cruauté envers les animaux sont désuètes depuis un siècle, ce qui fait que les personnes qui maltraitent les animaux sont rarement accusées au criminel de cruauté sadique. Le projet de loi C-84 est un pas dans la bonne direction, certes, mais il a une portée assez limitée. Il ne représente qu’un tout petit avancement dans l’amélioration des lois canadiennes désuètes en matière de la cruauté envers les animaux.

Le ministre Lametti a déclaré publiquement devant le comité que ce projet de loi n’est qu’un début :

[...] le projet de loi ne va pas assez loin. Il cible deux problèmes précis qui devaient être réglés. C’était une solution à laquelle nous pouvions arriver avec l’appui de tous les partis au cours de la présente législature, alors nous avons décidé de faire ce premier pas.

La majorité des témoins aux deux endroits ont dit la même chose : c’est une mesure législative modeste, mais c’est un pas dans la bonne direction. Nous espérons qu’il y aura éventuellement une réforme plus en profondeur.

Pendant le débat précédant le vote à la Chambre des communes, des représentants de tous les partis ont souligné à plusieurs reprises l’importance de protéger les animaux, d’améliorer la protection des animaux dans la législation canadienne et de défendre les droits des animaux en général. Même si je pense que ce projet de loi ne va pas assez loin, il représente un pas dans la bonne direction et je l’appuie.

Je m’en voudrais de ne pas remercier des organismes comme Humane Canada, qui ont travaillé depuis des années à sensibiliser les législateurs afin qu’ils conçoivent une loi qui permettra de répondre aux défis auxquels nous devons faire face. Je tiens à les féliciter, ainsi que la sénatrice qui a parrainé le projet de loi, et je vous demande d’appuyer ce dernier.

Je me demande si le sénateur White accepterait de répondre à une question.

Le sénateur White [ + ]

Oui, j’accepte.

Monsieur le sénateur White, vous avez l’expérience de toute une vie dans les forces policières. Vous avez déjà raconté des expériences personnelles alors que vous étiez dans les forces policières. Selon votre expérience, pourriez-vous nous donner un ou deux exemples très brefs pour illustrer la nécessité de la mesure législative?

Le sénateur White [ + ]

Je serais heureux de le faire, brièvement. Je vous remercie beaucoup.

Le lien et l’analyse des liens qui ont été établis entre la cruauté envers les animaux et la violence faite aux enfants sont bien connus non seulement au Canada, mais partout dans le monde.

La formation qui est actuellement offerte aux policiers, au Canada, vise précisément à leur donner l’occasion de déterminer à quel moment la cruauté envers les animaux donne lieu à de la violence familiale ou à de la violence faite aux enfants.

En Norvège, par exemple, un individu a fait l’objet de plusieurs enquêtes pour cruauté envers les animaux alors qu’il était adolescent, puis il s’est rendu sur une île et il a tué plus de 70 adolescents. L’enquête a permis d’établir un lien direct entre la cruauté envers les animaux dont il avait fait preuve alors qu’il était adolescent et son comportement sur cette île, où il a assassiné des jeunes.

C’est un des cas. Il y a eu de nombreux autres cas aux États-Unis, l’affaire Dahmer et bien d’autres, où des individus ont fait preuve de cruauté envers des animaux alors qu’ils étaient jeunes, puis ont commis des actes criminels cruels et graves à l’âge adulte.

L’honorable Renée Dupuis [ + ]

Est-ce que le sénateur White accepterait de répondre à une question?

Le sénateur White [ + ]

Oui, avec plaisir.

La sénatrice Dupuis [ + ]

Selon votre expérience, pourriez-vous nous dire le lien que l’on fait entre la pornographie juvénile et la pornographie de bestialité? Vous avez parlé de ce projet de loi en disant qu’il était un pas dans la bonne direction, même si c’est un pas modeste. Est-ce que, à une prochaine étape, vous croyez que l’utilisation de pornographie infantile ou de pornographie de bestialité devrait être mieux encadrée sur les réseaux sociaux ou sur les autres plateformes informatiques?

Le sénateur White [ + ]

J’aurais besoin de plus de temps pour bien répondre à cette question. Je me contenterai de dire qu’il y a un lien direct. On a observé de tels liens entre la bestialité et, en particulier, la pornographie juvénile.

En fait, le cas dont j’ai parlé ce soir et qui a soulevé cette question, où l’affaire a été rejetée à la suite d’une décision de la Cour suprême du Canada, portait précisément sur la bestialité et la pornographie juvénile. Je crois qu’il y a un lien direct entre les deux, et les analyses et la formation des services de police en viennent aux mêmes conclusions.

Au sujet des plateformes de médias sociaux, je crois que les Canadiens doivent se sensibiliser davantage à ce qui s’y trouve. Il faut déterminer si on doit mieux encadrer ces contenus. À vrai dire, au cours de la dernière décennie, un certain nombre de mesures législatives, qui ont été rejetées à la Chambre des communes ou ici, auraient mieux encadré les fournisseurs Internet en ce qui concerne ce qui se passe sur les sites web.

Nous en avons eu un exemple parfait en mars, lorsque des gens ont été tués en Nouvelle-Zélande : les médias sociaux ont permis que la vidéo circule pendant des jours. Seuls quelques pays ont pris des mesures pour rendre cette pratique illégale, c’est-à-dire la Nouvelle-Zélande et, maintenant, l’Australie. Voilà le genre de choses qui devraient entraîner des réponses plus rapides.

Son Honneur le Président [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

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