Le Sénat
Motion de sous-amendement
26 février 2020
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que la motion d’amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :
1. par remplacement des mots « de l’opposition au Sénat à faire une courte déclaration au cours de toute période des questions » par les mots « du gouvernement au Sénat, après consultation avec les leaders et facilitateurs des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus, à faire une courte déclaration au début de l’ordre du jour de toute séance »;
2. par remplacement des mots « par le leader de l’opposition sera présent en faisant une courte déclaration au cours de la période des questions » par les mots « conformément au présent ordre sera présent en faisant une courte déclaration au début de l’ordre du jour ».
En terminant, honorables sénateurs, je vous laisse en citant les paroles de l’ancien leader de l’opposition, le sénateur Carignan, prononcées le 9 décembre 2015...
J’aimerais soulever un rappel au Règlement.
Lorsqu’on propose une motion d’amendement ou de sous-amendement, on perd notre droit de parole pour la suite, lorsque le sous-amendement est proposé. J’ai entendu le leader du gouvernement au Sénat proposer un sous-amendement, ce qui met fin, à ce moment-là, à son temps de parole. Il ne peut plus continuer d’argumenter après avoir proposé son sous-amendement.
En sous-amendement, l’honorable sénateur Gold, avec l’appui de l’honorable sénatrice Gagné, propose que la motion d’amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée : 1. par remplacement des mots « de l’opposition au Sénat » — puis-je me dispenser de lire la motion?
Nous reprenons le débat.
Je remercie le leader du gouvernement d’avoir proposé aussi rapidement un sous-amendement à l’amendement que j’ai présenté hier. Cela me donne l’occasion de prendre la parole pour faire de nouveau part de nos préoccupations quant aux processus que le gouvernement a imposés au Sénat.
Cela en dit long que le sous-amendement dise simplement que « le gouvernement va proposer, après consultation ». Cela met en évidence les problèmes de votre processus, sénateur Gold. Y a-t-il un seul modèle de Parlement dans le monde, notamment sous un régime parlementaire britannique comme le nôtre, où le gouvernement consulte l’opposition — pas l’ensemble des élus, pas les parlementaires qui ont été nommés, mais bien l’opposition.
Ne levez pas les yeux au ciel, sénateur Gold, car, ultimement, il s’agit d’un principe important. Je peux assurer à tous ceux qui rejettent ce principe du revers de la main — parce que vous faites partie d’un groupe majoritaire et que vous avez été nommés par le gouvernement actuel — que le jour viendra, je vous l’assure, où chacun de vous voudra défendre ces principes avec autant d’ardeur que nous le faisons présentement. Ce n’est qu’une question de temps. Quand on siège au Sénat assez longtemps — ce qui est maintenant mon cas —, on finit par percevoir les mouvements de balancier dans la démocratie canadienne.
Ainsi, sénateur Gold, nous estimons totalement scandaleux que le gouvernement se serve de sa position majoritaire dans cette enceinte pour dicter quels ministres sont invités à venir au Sénat et à quel moment.
J’irai même plus loin en rappelant au public qui suit ce débat que l’idée de demander des comptes au gouvernement en convoquant des ministres dans cette enceinte ne correspond pas au processus de réforme du Sénat que M. Trudeau ou le sénateur Harder avaient imaginé. Cela avait en fait été demandé par les dirigeants du gouvernement de l’époque, après les élections de 2015, avec la participation des sénateurs Carignan et Cowan. Certes, nous avons mené des consultations et fourni une liste au gouvernement qui était le plus souvent d’accord. Depuis ce temps, nous constatons qu’au fil du temps, nos demandes sont de moins en moins entendues.
En fin de compte, nous voulons simplement pouvoir continuer à demander des comptes au gouvernement. Cependant, je ne trouve pas excessif de dire tout simplement que ce sont le chef de l’opposition et l’opposition officielle dans cette enceinte qui s’opposent au gouvernement plus souvent que les sénateurs nommés par celui-ci. C’est un fait. Si vous examinez les votes et les débats dans cette enceinte, vous constaterez — et c’est normal — que les sénateurs nommés par le gouvernement expriment plus souvent l’opinion de celui-ci.
Cela dit, ils ont effectivement la possibilité d’exprimer leur opinion. Le fait qu’ils soient nommés pour un mandat qui dure jusqu’à ce qu’ils aient 75 ans leur donne leur indépendance. Le premier ministre qui les a nommés ne peut leur retirer leur charge. Le premier ministre, à la Chambre des communes, là où il y a des députés libéraux élus, doit signer leurs documents de nomination.
Comme ce serait sans précédent que le gouvernement à la Chambre des communes dise à l’opposition « nous allons décider pour vous quels ministres vous pourrez entendre et même quelles questions vous pourrez leur poser », nous pensons que c’est tout à fait inacceptable. Nous pensons que cela empêche le Sénat de s’acquitter de son rôle.
Je pense que votre sous-amendement est une autre façon d’essayer de renforcer le fait que le gouvernement peut imposer des choses au Sénat parce qu’il dispose d’une majorité. Nous avons pu le voir au cours des derniers jours et nous allons continuer de le voir.
Si vous retirez à l’opposition le dernier outil qu’il lui reste, soit la capacité de demander des comptes au gouvernement et de faire comparaître les ministres à qui elle veut poser des questions sur des sujets importants aux yeux des voix minoritaires de notre pays, le Sénat devient alors une simple Chambre d’écho. Il ne resterait plus au gouvernement qu’à établir l’ordre du jour et nous deviendrons une opposition marginalisée au Sénat, ce qui serait un jour bien sombre pour la démocratie.
Honorables sénateurs, je suis heureuse d’avoir l’occasion de participer à cette discussion. Je remercie le sénateur Housakos d’avoir présenté sa version des faits. Il s’agit d’une version que j’ai souvent entendue et qui traite fréquemment d’une multitude de questions tandis que se tient le débat sur la modernisation, la réforme et le changement du Sénat.
Je soutiens respectueusement que je suis consciente de la voie que nous suivons et du rôle que jouent tous les sénateurs, y compris ceux qui sont membres du caucus de l’opposition au Sénat, qui fait partie du caucus national de l’opposition officielle — beaucoup d’entre nous pensent que ce concept n’a pas sa place dans un Sénat moderne, mais il existe et nous le respectons. Je comprends ces commentaires et je les ai déjà entendus auparavant.
Je vais expliquer ce que fait sa motion. Elle retire à tous les autres sénateurs le droit de participer et de faire leur travail dans l’intérêt de leur région afin de demander des comptes au gouvernement sur une foule de questions qui les préoccupent peut-être ou qui concernent les habitants de leur province — dans mon cas, il s’agit d’une province, mais dans le cas d’autres sénateurs, il s’agit d’une région du Canada — et le droit de représenter ces voix.
J’ai eu l’impression que le sénateur Housakos soutenait qu’un élément de la motion proposée par le représentant du gouvernement visait à enlever quelque chose à l’opposition. Le processus en place prévoit des discussions et des négociations. D’après ce que j’ai pu lire dans le compte rendu, tout est mis en œuvre pour répondre aux demandes de tous les sénateurs, y compris ceux de l’opposition — qui, souvent, parlent d’une seule voix par l’entremise de leur leader —, quant aux ministres qu’ils souhaiteraient inviter au Sénat. Cependant, d’autres voix devraient aussi être entendues, et je pense que cela a été fait jusqu’à maintenant.
À ma connaissance, lorsqu’un ministre qu’un sénateur a proposé d’inviter à la période des questions du Sénat n’a pas pu se présenter au moment voulu, on a toujours tenté de trouver une nouvelle date afin qu’il puisse comparaître devant nous le plus rapidement possible.
Au sein du caucus conservateur, les députés ont la possibilité tous les jours de poser des questions aux ministres à l’autre endroit. Nous pouvons tous le constater aux nouvelles et dans le hansard.
Cette enceinte compte 105 sénateurs égaux qui devraient tous avoir cette possibilité. Je pense que le système collégial qui était en place et qui semblait efficace — je n’ai entendu aucune plainte précise à ce sujet ni pris connaissance de situations où il n’a pas bien fonctionné — répondait mieux aux intérêts de tous les sénateurs.
Honorables sénateurs, je tiens à ajouter quelques points à cette partie du débat et à rappeler une chose à mes chers collègues, dont bon nombre n’étaient pas encore ici quand ce processus a été mis en place par le sénateur Carignan alors qu’il était le leader de l’opposition au Sénat. À l’origine, si nous avons commencé à inviter des ministres lors de la période des questions au Sénat, c’est parce que, pendant les cinq premiers mois du gouvernement Trudeau, il n’y avait pas de leader du gouvernement au Sénat. Il n’y avait personne à interroger lors de la période des questions. Cet élément très important de la reddition de comptes — non seulement à la Chambre des communes, mais aussi au Sénat — n’est pas possible s’il n’y a personne à qui poser des questions. Voilà pourquoi on a mis en place ce nouveau processus.
À l’origine, pendant la première année et demie ou les deux premières années, le leader de l’opposition au Sénat remettait au gouvernement une liste contenant le nom des quelques ministres que l’opposition souhaitait interroger au cours de la période des questions, puis on prenait des dispositions pour que ces ministres se présentent au cours des semaines suivantes. Le processus fonctionnait assez bien.
Malheureusement, ce processus s’est transformé, au cours des deux dernières années de la dernière législature, en un processus où le représentant du gouvernement Trudeau disait à l’opposition quels ministres viendraient à la période des questions, mais il fallait souvent attendre six ou sept semaines. On nous annonçait tel ou tel ministre une semaine donnée, mais celui-ci se présentait seulement six ou sept semaines plus tard. Après tout ce temps, qui se souvenait encore des questions qui étaient d’actualité à ce moment-là? Résultat : la période des questions perdait tout son sens. Durant la période des questions, le gouvernement est censé rendre des comptes, sur demande et sans préavis.
Le fait d’être avisé à l’avance permet au gouvernement de s’assurer de la disponibilité des ministres. Toutefois, le préavis raisonnable — d’une ou deux semaines, pas six — ne vise pas à donner au gouvernement la possibilité de dire à l’opposition qui va se présenter à la période des questions. C’est inacceptable. Ce n’est qu’une autre façon pour le gouvernement Trudeau d’essayer de faire taire l’opposition et de veiller à ce que nous ne puissions pas demander des comptes et représenter dignement nos régions.
Plus tôt aujourd’hui, le sénateur Gold a indiqué que l’ancien leader du gouvernement au Sénat avait adopté une approche collaborative et consensuelle. Ce que je viens d’expliquer remet cela en question. J’estime que le processus qui ressort du sous-amendement proposé par le sénateur Gold et le gouvernement Trudeau nous éloigne du processus de reddition de comptes et j’estime aussi que le gouvernement doit répondre aux questions sans préavis. C’est ce dont nous avons besoin. C’est ce que la motion du sénateur Housakos nous permettrait de faire. Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, j’ai été heureux d’entendre le représentant du gouvernement au Sénat offrir une explication plus éloquente des préoccupations concernant la motion du sénateur Housakos, mais je me sens obligé de prendre la parole pour corriger certains faits du discours du sénateur.
Je ne prends pas la parole pour me défendre en tant qu’ancien représentant du gouvernement à l’égard de la participation aux réunions du Cabinet, du déroulement de la période des questions ou du rôle du sénateur Gold, mais pour défendre les dirigeants du Parti conservateur au Sénat.
Dans son évocation éloquente et nostalgique de la sénatrice Marjory LeBreton, qui a été la dernière leader du gouvernement membre du Cabinet, comme le savent de nombreux sénateurs, le sénateur Housakos a parlé par omission du sénateur Carignan. Lorsque le sénateur Carignan a été nommé leader du gouvernement au Sénat, il a bien sûr prêté serment comme membre du Conseil privé et, comme moi, il a participé aux réunions du Cabinet, au besoin, mais il n’était pas membre du Cabinet. Ce détail semble s’être perdu dans le souvenir nostalgique de cette lointaine époque.
Si les honorables sénateurs veulent repenser à cette époque avec nostalgie, je les invite à lire les 20 dernières pages du jugement rendu par le juge Vaillancourt, qui en dit long sur l’indépendance dont l’ancien exécutif a fait preuve envers le Sénat, mais je m’écarte du sujet.
J’aimerais parler plus particulièrement de la période des questions au Sénat. Il faut absolument rendre hommage au sénateur Carignan. Je vous invite à lire le discours du 24 février 2016, dans lequel il a expliqué avec éloquence pourquoi il est important pour le Sénat d’entendre les ministres en personne. C’est évidemment ce que nous avons mis en œuvre. Je crois que les mesures en ce sens ont été adoptées le 24 février. Je suis arrivé le 23 mars. Je pense que cela correspond à moins de cinq mois, mais on ne sait jamais.
Lors de ma première rencontre avec les leaders, nous avons discuté de la meilleure façon de s’entendre sur la procédure à suivre. Tout le monde sait que le sénateur Carignan, le sénateur Smith et, surtout, le sénateur Plett sont très timides lorsque vient le temps de donner leur avis, mais j’ai pu les convaincre de me faire part de leurs priorités, et je me suis efforcé de déterminer quels ministres devaient comparaître pendant la période des questions. D’autres leaders ont aussi été invités à suggérer des noms. Souvent, différentes circonstances ainsi que des problèmes d’actualité fournissaient des raisons évidentes de vouloir faire comparaître des ministres devant le Sénat.
Voilà comment s’est passée l’expérience. En quatre ans, je n’ai jamais participé à une discussion — soyons clairs : je ne parle pas des discussions sur le leadership — où il a été question d’un quelconque malaise parmi les leaders concernant cela. Mon bureau a reçu une lettre de la part du bureau du chef de l’opposition qui suggérait d’éliminer la période des questions. J’ai ignoré la lettre, comme il se doit, et aucun leader n’a abordé le sujet avec moi.
Il est toutefois important de mettre à profit l’expérience acquise au cours des quatre dernières années et de ne pas tarder à ramener cette innovation au Sénat, de sorte que nous puissions entendre les ministres et exiger des comptes de la part du gouvernement, ce qui est notre rôle.
Honorables sénateurs, il arrive que le débat suscite le débat, et j’aimerais intervenir à ce moment-ci.
À mon arrivée au Sénat il y a plus de 10 ans, nous formions le gouvernement et l’opposition libérale siégeait de l’autre côté de la Chambre. Je me souviens de la période des questions à l’époque.
C’était le bon temps.
Pendant la période des questions, le leader du gouvernement — la sénatrice Marjory LeBreton, puis le sénateur Claude Carignan pendant une certaine période, et j’ai alors été leader adjointe — s’attendait à être bombardé de questions par l’opposition. D’ailleurs, les questions à l’intention du leader du gouvernement occupaient la majorité de cette période. Le leader du gouvernement devait pouvoir répondre à toute sorte de questions. Il avait d’épais cahiers annotés sur toute une gamme de sujets. Il était fin prêt à jouer son rôle.
Je sais que cette époque est révolue, et que la situation actuelle est différente. Depuis quatre ans, la frustration monte. Si l’opposition ressent une telle frustration, c’est parce que la proportionnalité est l’un des principaux principes que nous utilisons pour déterminer le nombre de sièges dans les comités et prendre d’autres décisions. À la période des questions, où l’opposition devrait pouvoir exiger des comptes de la part du gouvernement, le nombre de questions de notre part a été réduit en fonction de la proportionnalité. Je ne suis pas en train de dire que les autres sénateurs n’ont pas le droit de poser des questions. J’explique cependant que ce qu’est devenue la période des questions exacerbe la frustration.
L’opposition a le devoir d’interroger le gouvernement, de le mettre sur la sellette et de poser ces questions difficiles. C’est parce que nous n’avons pas de leader du gouvernement à proprement dire que nous avons décidé, comme nous l’avons expliqué, d’inviter des ministres à la période des questions.
Je me souviens que, les premières fois, les ministres se trouvaient au milieu de l’enceinte plutôt que du côté du gouvernement, car cela montrait l’indépendance du Sénat. On pouvait voir que les sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau posaient également des questions aux ministres du gouvernement de l’époque. Cependant, je pense que nous avions des problèmes de son ou de technique, et c’est à ce moment-là que nous avons décidé de déplacer les ministres en visite du côté du gouvernement. Voilà quelques-uns des changements qui ont causé la frustration.
Avec tout le respect que je dois au représentant du gouvernement au Sénat, je lui dirais que le sous-amendement qu’il propose n’arrange pas les choses et que nous sommes davantage frustrés de ne pas obtenir ce que nous souhaitons. Cela dit, je comprends que nous allons y travailler. Nous avons constaté des changements lors de la période des questions, mais le droit de l’opposition de pouvoir demander des comptes au gouvernement est très important. J’espère que tous les sénateurs en tiendront compte dans leurs décisions sur le sous-amendement.
J’aimerais corriger les propos du sénateur Harder, qui a dit que je ne siégeais pas au Cabinet. Je siégeais à plusieurs comités du Cabinet, notamment le comité des communications et le comité chargé des opérations. J’étais membre à part entière du Cabinet, contrairement à lui qui n’y siégeait pas. Il y était invité. Pour ma part, je n’étais pas un invité. J’étais membre du Cabinet à part entière. Je tenais à apporter cette précision.
Deuxièmement, je ne peux pas accepter le sous-amendement du gouvernement, car le but de celui-ci — et plusieurs l’ont dit — est de recevoir un ministre sur des enjeux d’actualité. Il s’agit de garder le gouvernement responsable de ses actions. Il est important que le leader de l’opposition joue un rôle actif dans le choix des ministres qui comparaîtront au Sénat au cours des prochaines semaines.
Il faut donc s’assurer que le ministre qui comparaît devant le Sénat traite d’enjeux d’actualité sur lesquels nous voulons attirer l’attention ou poser des questions.
Par exemple, on évitera de répéter une situation comme celle de cette semaine, où l’actualité traite principalement d’affaires autochtones, de ressources naturelles et de transports, et où le gouvernement décide de faire comparaître le ministre des Sports. Dans un cas comme celui-là, il y avait moins d’enjeux d’actualité sur lesquels nous voulions questionner le ministre.
C’est pourquoi le leader de l’opposition doit jouer un rôle actif dans le choix du ministre.
Même si les dispositions actuelles ou anciennes de la motion ne contenaient pas de cadre plus spécifique, il y avait tout de même une bonne collaboration de la part du leader du gouvernement de l’autre endroit. Nous étions conscients du contexte de reddition des comptes et nous choisissions un ministre qui respectait à la fois les positions de l’opposition et le programme très chargé des ministres. Il y avait une certaine négociation qui s’effectuait, étant donné que le rôle du leader de l’opposition est fondamental quant au choix du ministre, ne serait-ce que par souci de transparence et afin de garder le gouvernement responsable de ses actions.
Honorables sénateurs, à certains égards, la question dont nous sommes saisis donne un avant-goût de la motion dont je voulais parler et qui est à l’étude en raison du recours au Règlement.
Elle se résume à déterminer, chers collègues, si l’opposition a des droits et des privilèges spéciaux que les autres sénateurs ne possèdent pas. Voilà l’essence de l’amendement proposé par le sénateur Housakos, un amendement qui accorderait à l’opposition le privilège tout particulier de désigner les ministres qui seraient invités à comparaître. Même si le reste d’entre nous représentons la grande majorité des sénateurs, nous ne jouissons pas de ce privilège.
En fait, le sous-amendement du sénateur Gold vise le même objectif que ma motion, à savoir assurer l’égalité des sénateurs et des groupes représentés au Sénat.
Je vous demande d’envisager l’amendement du sénateur Housakos sous cet angle. Croyez-vous ou non à l’égalité des sénateurs, et croyez-vous ou non à l’égalité des groupes représentés au Sénat?
Honorables collègues, je veux vous donner une autre raison pour laquelle il est très important de tenir compte du point de vue de tous les sénateurs et groupes de cette enceinte lorsque nous déterminons quel ministre inviter à la période des questions, au lieu de tenir uniquement compte du point de vue de l’opposition. Les sénateurs de l’opposition sont fiers de dire qu’ils font partie du caucus conservateur à la Chambre des communes.
Je suis heureux d’entendre la confirmation que nos collègues conservateurs croient qu’ils font partie intégrante du caucus conservateur à la Chambre des communes parce que cela signifie que la période des questions au Sénat sera la même en ce qui concerne l’opposition formée par le Parti conservateur...
... que la période des questions à la Chambre. Un simple coup d’œil au Hansard permet de déduire que les mêmes questions, ou des questions similaires, sont posées à la période de questions dans cette Chambre...
Barrages!
... ainsi qu’à la période des questions ici. C’est pour cette raison que des sénateurs représentant d’autres intérêts — à savoir des sénateurs non partisans, le Groupe des sénateurs canadiens, des sénateurs progressistes —, doivent poser des questions qui ne sont pas nécessairement liés aux intérêts des députés à la Chambre des communes.
C’est de cette manière que nous arrivons à créer une distinction entre le Sénat et la Chambre des communes. C’est ce qui nous définit comme étant une Chambre de second examen objectif et non une Chambre d’écho de l’autre endroit.
Sénateur Woo, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui.
J’ai écouté votre intervention, et je ne me suis pas sentie égale aux autres. Je ne jouis pas des mêmes occasions d’intervenir dans cette enceinte ou de poser des questions parce que je fais partie d’un groupe progressiste du Sénat qui n’a pas atteint ce chiffre magique de neuf sénateurs. Il y a un groupe de sénateurs non affiliés qui compte entre 10 et 12 sénateurs, mais où en sommes-nous en ce qui concerne la proportionnalité et l’égalité?
Votre intervention était axée sur les groupes reconnus. Par conséquent, nous n’avons pas toujours les mêmes possibilités parce que notre groupe progressiste n’a pas atteint le chiffre magique de neuf sénateurs.
Vous soulevez un point qui sort de la portée de la question dont nous discutons en ce moment, sans compter que nous ne pouvons parler des négociations en cours. Cela dit, votre leader saura que mon groupe et moi estimons que tous les sénateurs méritent d’être représentés au sein des comités de manière proportionnelle à leur représentation au Sénat. J’espère obtenir une confirmation de cette promesse que j’ai faite. Je ne peux en dire plus pour le moment.
J’invoque le Règlement.
Sénateur Plett, vous invoquez le Règlement?
Oui. Votre Honneur, le leader des 55 sénateurs indépendants est en train de communiquer des renseignements qui font l’objet d’une discussion à un comité. Or, il a dit exactement l’inverse à ce comité. Il ne peut dire quelque chose qui est faux au Sénat. C’est un manquement au Règlement.
Le sénateur n’a pas donné de siège aux progressistes à quelque comité que ce soit.
Sénateur Plett, vos observations relèvent manifestement du débat. Je ne vois pas de recours au Règlement.
D’accord. Je vais exprimer mon opinion dès que le sénateur terminera de répondre aux questions.
Ce n’est pas tous les jours que l’on se fait accuser de mentir.
Alors ne mentez pas.
De grâce!
Je ne prends pas la parole pour une question de privilège, mais je peux dire qu’il y a des gens ici qui sont au courant des conversations que j’ai eues et je les laisse décider s’ils veulent prendre la parole.
Je termine en soulignant qu’il s’agit d’une question fondamentale quant à l’égalité entre les sénateurs et les groupes représentés au Sénat. Dans le débat concernant le sous-amendement, j’espère que nous favoriserons l’égalité des groupes représentés au Sénat plutôt que le duopole gouvernement-opposition.
Souhaitiez-vous poser une question, sénateur Plett?
Non.
Le sénateur Housakos voulait poser une question. Il a la parole.
Le sénateur Woo accepterait-il de répondre à une question?
Oui, bien sûr.
Dans votre intervention, vous avez affirmé que le Sénat diffère de la Chambre des communes. Or, à d’innombrables reprises, j’ai rappelé à nos collègues qu’en vertu de l’article 18 de la Loi constitutionnelle, lorsque les Pères de la Confédération ont créé cette Chambre haute hybride, ils lui ont conféré les mêmes privilèges, immunités et droits que possède la Chambre des communes de type Westminster. Gardons cela en mémoire.
Deuxièmement, la sénatrice Dyck a parfaitement raison. L’égalité parfaite n’existe pas. Toutes les assemblées législatives inspirées du modèle de Westminster ont un gouvernement qui jouit d’immunités, de privilèges et de droits, une opposition officielle dotée de droits et de privilèges uniques et un troisième parti lui aussi doté de droits et de privilèges. Ensuite viennent les indépendants avec leurs droits et privilèges.
Si on jette un coup d’œil aux règlements des systèmes parlementaires inspirés du modèle de Westminster et aux précédents qui les concernent, on constate qu’il en est effectivement ainsi.
Sénateur Woo, lorsque vous prenez l’ensemble de ces éléments en considération et que vous regardez la Chambre des communes — dont le Sénat suit le modèle, soit dit en passant — pouvez-vous me dire que la majorité n’y est pas égale parce qu’elle ne dirige pas les délibérations et ne joue pas le rôle principal à la période des questions?
Il y avait une question dans tout cela, mais j’aimerais d’abord parler de la fausse affirmation concernant le Sénat et la Chambre des communes. Contrairement au sénateur Housakos, je ne donnerai pas aux honorables sénateurs mon interprétation personnelle de la différence entre les deux Chambres, mais plutôt celle de la Cour suprême, qui a déclaré ceci en 2014 :
« [e]n créant le Sénat de la manière prévue à l’Acte, il est évident qu’on voulait en faire un organisme tout à fait indépendant qui pourrait revoir avec impartialité les mesures adoptées par la Chambre des communes » [...] Les rédacteurs ont cherché à soustraire le Sénat au processus électoral auquel participaient les députés de la Chambre des communes, afin d’écarter les sénateurs d’une arène politique partisane toujours soumise aux impératifs des objectifs politiques à court terme.
Inutile d’en dire plus. Le renvoi de la Cour suprême que je viens de lire distingue clairement le travail du Sénat de celui de la Chambre des communes. Il explique pourquoi nous devrions continuellement essayer de nous distinguer, y compris lors de la période des questions. Nous avons trouvé un modèle qui fonctionne pour nous, à savoir le modèle que le sénateur Gold a décrit et celui que le sénateur Harder a mis en place. Soit dit en passant, je peux confirmer sans divulguer aucun secret des réunions des leaders, que cela s’est fait de façon cordiale, collégiale et avec la pleine participation, la plupart du temps, de toutes les personnes dans la salle. En l’occurrence donc, pourquoi ne continuerions pas de fonctionner selon ce modèle, surtout s’il nous aide montrer en quoi le Sénat se démarque, à voir comment il apporte une contribution supérieure à celle de la Chambre des communes? Voulons-nous vraiment être comme la Chambre des communes, avoir une période de questions qui ressemble à celle de la Chambre des communes? Nous voulons plus que cela. Oui, nous pouvons avoir cela aussi. Oui, nous pouvons — et devons —poser des questions difficiles au sénateur Gold, mais nous devrions avoir plus que cela aussi.
Chers collègues, je tiens à répéter mon argument. Cet enjeu ne touche pas simplement la période des questions; il s’agit également d’assurer l’égalité des groupes au sein du Sénat. Nous avons le pouvoir nécessaire pour faire cela. Nous en avons le pouvoir. Cela n’a rien à voir avec une loi ou la Constitution. Nous en avons le pouvoir. Nous sommes maîtres de notre destinée et nous devrions saisir l’occasion qui nous est offerte.
Sénateur Woo, ne confondez-vous pas les genres? Ne confondez-vous pas votre rôle de sénateur avec les différentes fonctions qui existent au Sénat, dont le Président du Sénat, le leader du gouvernement et le leader de l’opposition, qui jouent tous des rôles reconnus dans la Loi sur le Parlement du Canada et dans le Règlement du Sénat? Je comprends que tous les sénateurs sont égaux, mais ils n’occupent pas tous le même rôle au Sénat et n’ont donc pas tous les mêmes pouvoirs et fonctions. Je crois que vous mélangez les genres.
Non, je ne confonds pas les genres. L’entité que l’on pourrait qualifier de « Sénat multipolaire » ne date pas d’hier. C’est ainsi depuis 2015. Le Comité sur la modernisation du Sénat a étudié la question et il a formulé de nombreuses recommandations quant aux changements nécessaires. En fait, des recommandations contenues dans son rapport qui ont été mises en œuvre depuis reconnaissaient qu’il existe des groupes autres que ceux du gouvernement et de l’opposition.
La réalité, c’est que des sénateurs membres des comités font partie de groupes autres que ceux du gouvernement et de l’opposition. C’est une reconnaissance de la nouvelle réalité. Chers collègues, il faut que cette nouvelle réalité soit prise en compte dans notre Règlement. Il ne faut pas laisser un amendement comme celui proposé par le sénateur Housakos déformer cette réalité. S’il est adopté, cet amendement annulera tout le bon travail que nous avons entrepris il y a trois ou quatre ans en reconnaissant la nouvelle réalité que constitue l’existence d’autres groupes et en accordant à leurs membres les droits et les privilèges qu’ils méritent en tant que membres de la Chambre haute.
Sénateur Woo, pouvez-vous répondre à la question suivante : n’êtes-vous pas d’accord pour dire que, quand nous nous sommes rencontrés dans votre bureau pour discuter de la composition des comités et du nombre de sénateurs devant y siéger, vous, sénateur Woo, avez suggéré — et nous avons presque convenu de cette suggestion — que, pour les comités de quinze membres, le Groupe des sénateurs indépendants disposerait de neuf sièges, les conservateurs, de quatre sièges, et le Groupe des sénateurs canadiens, de deux sièges. Pour les comités de douze membres, le Groupe des sénateurs indépendants disposerait de huit sièges, les conservateurs, de trois sièges, et le Groupe des sénateurs canadiens, d’un siège. Pour les comités de neuf membres, le Groupe des sénateurs indépendants disposerait de cinq sièges, les conservateurs, de trois sièges, et le Groupe des sénateurs canadiens, d’un siège. Jamais le groupe progressiste ou les sénateurs non affiliés n’ont été inclus. En fait, nous avons convenu que si, après la formation des comités, il était impossible de pourvoir certains sièges et que la sénatrice Dyck ou le sénateur Dawson souhaitait obtenir l’un d’eux, il leur serait possible de demander à n’importe quel groupe — c’est à vous que je parle, sénateur Woo —, à n’importe quel sénateur, la permission de pourvoir le siège en question. N’est-ce pas exact, sénateur Woo? N’est-ce pas ce que nous avons décidé, ou avons-nous décidé d’inclure les progressistes dans la répartition proportionnelle?
Si je répondais à la question, j’enfreindrais le protocole et cela manquerait de savoir-vivre, car, comme nous le savons tous [...] en passant, le sénateur Plett a déjà invoqué le Règlement, alléguant que j’avais révélé des choses qui avaient été dites lors d’une réunion privée entre leaders. Je ne vais pas commettre de nouveau cette erreur. J’ai compris la leçon. Merci beaucoup. Je ne suis pas allé dans les détails et je ne vais certainement pas répondre à cette question précise concernant les détails de ce qui s’est dit ou non.
Sénateur Woo, accepteriez-vous de répondre à une dernière question? Je suis content que vous ayez mentionné la décision de la Cour suprême, car, cette décision, au sujet de l’indépendance, indique clairement que ce qui explique notre indépendance, par comparaison à la Chambre, c’est que nous ne sommes pas tributaires des élections, contrairement aux députés. C’est ce qui nous donne cette indépendance.
Cela étant dit, dans la même décision, la Cour suprême du Canada a bien expliqué qu’aucun changement fondamental ne peut être apporté au rôle de la Chambre haute par une simple motion ou loi; un tel changement nécessite une réforme de la Loi sur le Parlement ou de la Constitution. Pensez-vous aussi que c’est ce que dit cette décision de la Cour suprême?
Honorables sénateurs, comme il est 16 heures, le débat sur cette question est ajourné au nom du sénateur Woo pour le reste du temps dont il dispose, s’il souhaite l’utiliser.
Honorables sénateurs, je dois interrompre les délibérations. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 16 h 15 sur la motion du sénateur Black de l’Ontario.
Convoquez les sénateurs.