Question de privilège
Report de la décision de la présidence
28 octobre 2020
Votre Honneur, j’ai une question de privilège.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour soulever une question de privilège sans préavis, conformément à l’article 13-4 du Règlement. Je le fais parce que la motion dont nous sommes saisis, qui a été présentée de cette façon et à ce moment-ci, porterait atteinte au privilège des sénateurs qui ne sont pas présents en raison de la pandémie de COVID-19. Étant donné que l’amendement a été rejeté, nous reprenons le débat et nous empêchons des gens d’y participer. Plus précisément, la motion privera ces sénateurs de l’exercice de leurs droits au titre de l’article 12-2(3) du Règlement. Selon cette règle, les sénateurs nommés aux comités permanents et aux comités mixtes permanents restent en fonction pour la durée de la session. La motion dont nous sommes saisis suspendrait l’application de cette règle du Sénat, qui a été établie il y a de nombreuses années.
La modification proposée par la motion serait préoccupante en tout temps parce qu’elle limiterait l’indépendance structurelle des sénateurs, ce qui aurait pour effet de centraliser les pouvoirs entre les mains des dirigeants. Toutefois, en raison de la pandémie, cette modification, proposée de cette façon et à ce moment-ci, porte atteinte aux privilèges des sénateurs.
Comme les séances hybrides ne commenceront que la semaine prochaine, de nombreux sénateurs ne sont pas en mesure de participer aux séances actuelles en raison des risques élevés de contracter la COVID-19, risques qui seraient pratiquement inévitables pendant un voyage. Ces sénateurs n’ont donc pas la possibilité d’intervenir alors que la motion à l’étude pourrait leur retirer leurs droits. Il leur est impossible, pour le moment, de participer au débat sur la motion et de voter. Il leur est aussi impossible d’empêcher le Sénat de siéger, d’étudier cette motion et de tenir un vote qui pourrait leur retirer leurs droits individuels à titre de sénateurs.
Pour déterminer si une question de privilège est fondée à première vue, il faut vérifier si quatre critères sont respectés, comme le prévoit l’article 13-2(1) du Règlement. Premièrement, la question de privilège doit être soulevée à la première occasion. En l’occurrence, ce critère est satisfait conformément à l’article 4-11(2) :
Un sénateur peut soulever toute question de privilège relative :
a) à une affaire dont préavis a été donné au cours des affaires courantes seulement au moment où l’affaire est appelée pour la première fois; [...]
L’affaire a été appelée pour la première fois aujourd’hui.
Deuxièmement, il faut que la question de privilège « se rapporte directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur ». Comme on peut le lire à la page 223 de La procédure du Sénat en pratique :
La définition classique du privilège parlementaire, qui est toujours applicable aujourd’hui, a été donnée pour la première fois en 1946 dans la 14e édition d’Erskine May’s Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament :
Le privilège parlementaire est la somme de certains droits à chaque chambre, collectivement [...] et aux membres de chaque chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s’acquitter de leurs fonctions. Ces droits dépassent ceux dont sont investis d’autres organismes ou particuliers. Certains privilèges reposent uniquement sur la loi et la coutume du Parlement, tandis que d’autres sont définis par la loi.
J’ajouterais qu’ils sont aussi définis dans le Règlement du Sénat.
Je cite encore La procédure du Sénat en pratique:
Le but du privilège est de permettre au Parlement et, par extension, à ses membres de remplir leurs fonctions sans ingérence ou obstruction injustifiée. Il appartient essentiellement et collectivement à l’assemblée ou à la Chambre. Les parlementaires ne peuvent l’invoquer que dans la mesure où « une atteinte à leurs droits ou des menaces risqueraient d’entraver le fonctionnement de la Chambre ». En outre, les parlementaires ne peuvent invoquer un privilège, un droit ou une immunité pour des questions qui ne sont pas en lien avec leurs fonctions à la Chambre.
Dans ce cas-ci, pendant la deuxième vague de la COVID-19, beaucoup de sénateurs sont dans l’impossibilité de se rendre à Ottawa parce qu’ils doivent respecter les consignes de santé publique, les mesures d’urgence et les précautions qui s’imposent. Pourtant, le Sénat siégera et doit siéger de toute façon, notamment pour s’acquitter de son rôle dans la mise en œuvre des mesures d’urgence, comme l’adoption des programmes d’aide en réponse à la COVID-19. Beaucoup de sénateurs sont dans l’impossibilité de participer aux débats, de proposer des amendements ou de voter sur les amendements et les motions. Si le Sénat débat de cette motion aujourd’hui ou s’il procède au vote, des sénateurs risquent de se voir nier leurs droits individuels aux termes du Règlement, car ils n’auront pas la possibilité ou l’occasion d’intervenir.
En revanche, la semaine prochaine, lorsque les séances hybrides commenceront, la situation sera telle que l’étude de la motion ne constituera pas une atteinte au privilège, car les sénateurs pourront participer aux délibérations sans trop d’entraves. Il y a en jeu une question de privilège collective, plus vaste. On mentionne à la page 389 du Document d’accompagnement du Règlement du Sénat, où il est question de la deuxième condition, que la question concerne directement le privilège du Sénat si elle porte atteinte au « droit du Sénat à la présence de ses membres. »
Or, de nombreux sénateurs ne peuvent assister aux séances en personne. Si nous étudions la motion aujourd’hui, nous aggraverons la question de privilège en portant atteinte aux droits individuels alors que les parlementaires s’efforcent de faire fonctionner l’endroit pour les Canadiens, bien qu’imparfaitement. Je ne soulève pas cette question de privilège dans l’intention d’invalider les travaux du Sénat qui ont eu lieu dans des circonstances causées par la pandémie de COVID-19. Lorsque survient une urgence, le gouvernement doit considérer que le mieux est l’ennemi du bien. La COVID-19 impose ses propres règles. J’estime toutefois qu’en l’occurrence, on dépasse les bornes si on prive les sénateurs de leurs droits individuels.
Avec cette motion, dans les circonstances actuelles, des sénateurs perdront des droits que leur confère le Règlement pour le reste de la session, voire pendant des années — je n’en suis pas sûr —, ce qui nuira au déroulement des travaux de cette Chambre, puisque la motion minerait l’indépendance que l’article 12-2(3) confère aux sénateurs par rapport aux leaders. Cela s’applique aux travaux des comités. De plus, le retrait de cette règle pourrait poser problème en ce qui concerne la composition des comités. Le deuxième critère est donc respecté, car la question se rapporte directement aux privilèges du Sénat, de ses comités et des sénateurs.
Comme troisième critère pour établir si la question de privilège est fondée à première vue, la question doit viser à corriger une atteinte grave et sérieuse. Encore une fois, comme le précise le Document d’accompagnement du Règlement du Sénat, il doit s’agir d’une chose qui « [...] minerait sérieusement la compétence des comités de fonctionner et remettrait même en question les travaux du Sénat ».
Si, dans les circonstances actuelles, de nombreux sénateurs perdent le droit de conserver leur siège dans un comité pour la durée de la session à cause de cette motion, alors cela minera sérieusement la capacité de fonctionner des comités. Nous avons vu récemment le genre d’incertitude qui découle de la suspension de l’article 12-2(3) avec la motion que le sénateur Woo a présentée le 11 mars. Je souligne que la motion qui a été adoptée à ce moment-là a créé des problèmes.
En mai dernier, lorsque le Groupe progressiste du Sénat a été reconnu, le sénateur Munson a été retiré du Comité de la régie interne et du Comité des affaires sociales, malgré qu’il avait été nommé membre de ces deux comités dans un ordre adopté par le Sénat le 11 avril, à la suite de la motion du 11 mars.
De plus, le sénateur Harder a été retiré du Comité des finances. En conséquence, le statut de membres de ces sénateurs à ces comités a fait l’objet d’une interprétation et a été remis en doute. Pour cette raison, le 16 juin dernier, le représentant du gouvernement, le sénateur Gold, a présenté une motion adoptée par le Sénat, qui a précisé que le sénateur Munson et le sénateur Harder continuaient à être membres de ces comités.
La troisième condition est respectée étant donné que la contestation de la composition d’un comité est une atteinte grave et sérieuse au bon fonctionnement du Sénat.
Quatrièmement, la question de privilège doit « cherche[r] à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire ».
Dans la situation qui nous occupe, la réparation consistera à s’abstenir — par consentement ou par motion, y compris lorsqu’il y a une présomption d’atteinte au privilège — de voter sur les amendements ou la motion principale jusqu’au commencement des séances hybrides dans moins de six jours. Cela permettra non seulement de régler ce problème attribuable aux circonstances, mais seul le Sénat peut accorder une telle réparation, qui ne peut être obtenue par aucune autre procédure parlementaire. Comme on peut le lire dans la décision de la présidence du 22 mars 2018, ces procédures incluent « le débat, les amendements, le renvoi au comité et, éventuellement, le rejet ou l’adoption de la motion ».
Voilà les enjeux en cause maintenant. En l’occurrence, ces procédures ne sont pas accessibles aux sénateurs qui ne peuvent pas se présenter dans cette enceinte et participer au débat, notamment en proposant des amendements et en votant. Le quatrième critère est donc respecté.
Honorables sénateurs, étant donné que les quatre critères ont été respectés, j’estime qu’il y a matière à question de privilège, et aussi une solution adéquate à portée de la main.
Comme l’indique l’article 13-1 du Règlement :
Une atteinte aux privilèges d’un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.
Chers collègues, j’espère que nous trouverons ensemble le moyen de protéger les droits des sénateurs, ainsi que, peut-être, les droits collectifs du Sénat qui font que les sénateurs peuvent détenir des droits individuels jusqu’à ce que l’ensemble des sénateurs prennent collectivement une décision concernant la motion qui aura des conséquences pour chacun d’eux. Merci.
Je serai très bref et je laisserai mon collègue et éminent juriste, le sénateur Carignan, présenter quelques arguments. Je tiens cependant à dire quelque chose, Votre Honneur, dont vous êtes bien conscient. Aucun privilège parlementaire des sénateurs n’a été bafoué en raison de restrictions qui seraient imposées aux sénateurs qui décident de se déplacer de leur domicile jusqu’au Sénat. Aucune restriction n’est imposée aux sénateurs qui viennent au Sénat, comme l’a montré aujourd’hui le sénateur Mercer lorsqu’il a parlé du nombre de personnes de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador qui sont présentes, y compris vous, Votre Honneur, même si, nous le savons, vous devez vous placer en isolement lorsque vous rentrez à la maison, mais cela ne vous empêche pas d’être ici et de faire votre devoir de Président.
Ce sont des arguments farfelus. Depuis le début de l’année, nous avons adopté des mesures législatives représentant près de 500 milliards de dollars. Le sénateur Dalphond devait dormir pendant ce temps, car il n’a jamais soulevé la question de privilège quand nous devions nous limiter à 15 sénateurs sur place ou quelque autre chiffre. Je vais essayer de ne pas me tromper. C’était peut-être 25. Chose certaine, notre nombre était limité. Je pense que, du côté des conservateurs, il pouvait y avoir six sénateurs.
Qu’en était-il du privilège parlementaire des sénateurs qui ne pouvaient pas être présents pour appuyer les mesures législatives sur lesquelles nous votions? Le sénateur Dalphond n’a pas eu de difficulté à approuver des centaines de millions de dollars. Voilà tout à coup qu’il se réveille à cause d’une résolution concernant les comités.
Votre Honneur, ce n’est qu’une pure tactique dilatoire de la part d’un sénateur qui a écrit des lettres à notre leader à la Chambre des communes pour lui demander d’intervenir dans nos travaux parce que nous retardons les choses. C’était sa deuxième lettre. Il a écrit à notre ancien Président parce que, selon lui, nous retardons les choses.
Le voilà maintenant qui utilise une raison frivole pour retarder les choses. Il est de la plus haute importance, Votre Honneur, que vous ne preniez pas la question en délibéré trop longtemps, car il aurait ainsi atteint son but. Il serait très injuste qu’un sénateur puisse à lui seul empêcher le Sénat de travailler avec une motion futile qui n’est rien d’autre qu’une tactique dilatoire alors qu’il ne dit rien depuis mars, depuis que nous avons commencé à adopter des mesures législatives.
Votre Honneur, je suis tout à fait convaincu que vous vous prononcerez très rapidement sur cette question. Je ne vais pas vous dire comment vous devriez statuer. Je n’ai pas besoin de le faire. Je vous demande toutefois de rendre une décision. Vous aurez peut-être besoin d’une heure pour discuter de la question, mais si vous retardez davantage votre décision, le sénateur Dalphond obtiendra exactement ce qu’il essaie actuellement d’obtenir de manière très injuste.
Permettez-moi de prendre part à la discussion sur cette question de privilège et de faire écho aux commentaires du sénateur Plett selon lesquels la question est frivole, sans fondement et fallacieuse. Avec tout le respect que je vous dois, Votre Honneur, j’espère que vous pourrez rendre une décision rapidement. Il est tellement flagrant que la question est sans fondement qu’on peut, selon moi, vite en disposer.
Permettez-moi d’aborder quelques points que le sénateur Plett n’a pas encore soulevés.
En ce qui concerne le fait de donner un avis de question de privilège dès que possible, le sénateur Dalphond a techniquement raison de dire qu’il a donné avis de la question de privilège dès que l’amendement précédent a été rejeté. Cependant, il est de mauvaise foi parce qu’il savait que de nombreux votes auraient lieu cette semaine, qu’il a participé à de nombreux votes et qu’il a choisi de ne soulever de question de privilège pour aucun des autres votes qui ont eu lieu — pas seulement cette semaine, mais aussi, bien sûr, au cours des semaines et des mois précédents où un nombre réduit de sénateurs siégeaient.
On ne peut que conclure que le sénateur Dalphond soulève une question de privilège sur cette question parce qu’il n’aime pas le résultat. Ce n’est pas une raison pour soulever une question de privilège. Si un sénateur n’aime pas une motion, il doit voter contre. Participer à plusieurs votes sur une foule d’autres motions — y compris celle dont a parlé le sénateur Plett, qui concerne des centaines de millions de dollars —, laisser les travaux se dérouler normalement, puis soulever une question de privilège lorsqu’un vote ne se déroule pas comme on le souhaite, ce n’est pas la façon de faire. Je trouve que cette approche témoigne d’une absence de principes et devrait être en soi une raison pour rejeter cette demande.
Permettez-moi également de dire que le sénateur Dalphond essaie de faire une distinction entre les votes qui ont eu lieu sur des projets de loi du gouvernement et le vote que nous voulons avoir, celui qui a eu lieu tout récemment sur l’amendement et celui que nous espérons avoir sur la motion principale qui est actuellement débattue.
Son argument de base est qu’il existe une hiérarchie du privilège, soit que celui-ci est plus important pour les sénateurs s’il s’applique à un projet de loi du gouvernement que s’il s’applique à d’autres votes. Je ne suis pas juriste, mais je ne crois pas que cet argument soit valable. Le privilège, c’est le privilège : il est indivisible. Comment osez-vous me dire que le privilège qui me permet de me prononcer sur un projet de loi est moins important que dans le cas d’un autre projet de loi? C’est essentiellement ce que le sénateur soutient en ce moment parce qu’il nous dit que nous pouvons ignorer une atteinte que nous aurions portée au privilège relativement à des dépenses de plusieurs milliards de dollars. Nous pouvons mettre tout cela de côté, mais sur cette question, nous devrions demander à Son Honneur qu’elle déclare qu’il s’agit d’une atteinte au privilège.
Enfin, permettez-moi de dire un mot sur l’affirmation selon laquelle permettre au vote d’avoir lieu pourrait compromettre en quelque sorte le travail des sénateurs ainsi que la capacité des comités de fonctionner. Le sénateur a lui-même donné l’exemple haut en couleur de deux sénateurs du Groupe progressiste du Sénat qui ont été exclus de leurs comités en raison d’un ordre sessionnel, mais qui ont pu les réintégrer rapidement. Pourquoi? Parce que les dirigeants des groupes en ont discuté, de concert avec la sénatrice Cordy, et qu’ils ont convenu que c’est ce qu’il fallait faire. Nous avons demandé au sénateur Gold de faire exactement ce qu’il avait expliqué, et le tout s’est passé rondement et sans perturbation.
En fait, comme l’a dit tantôt la sénatrice Saint-Germain, nous travaillons dans un environnement ou l’article 12-2(3), qui porte sur la transférabilité, est suspendu de façon générale depuis quatre ans. Cela ne nous a pas empêchés de travailler. Quelqu’un peut-il vraiment prétendre que cela a nui à la capacité du Sénat de bien fonctionner? Certainement pas.
Votre Honneur, j’aimerais réitérer qu’il ne s’agit pas tout simplement d’une discussion intellectuelle ou d’un sujet qui exige beaucoup de réflexion. Sauf le respect que je dois à votre décision et à la façon d’y arriver, je suis d’avis que la question soulevée est frivole et spécieuse, et qu’il faudra en disposer le plus vite possible.
Comme le disait notre ancien collègue, le sénateur Baker, je serai bref. Toutefois, dans mon cas, ce sera vrai.
S’il est un cas dans mes 15 années de carrière comme sénateur où le privilège des sénateurs... Ceci n’est pas un projet de loi du gouvernement. Ce n’est pas un projet de loi institutionnel ni un projet de loi organisationnel. C’est une mesure qui remet en question les droits des sénateurs, c’est-à-dire des sénateurs qui ne sont pas présents et qui pourront l’être mardi. C’était mon premier point.
Deuxièmement, il n’y a pas d’urgence. Aucune échéance ne nous oblige à régler cette question d’ici demain ou après-demain. Il n’y a aucune urgence. Il n’y a pas de projet de loi à étudier. Nous avons toujours dit que nous coopérerions et créerions les comités nécessaires pour étudier les projets de loi. Nous l’avons fait cet été.
En ce qui concerne la comparaison de cette question avec ce qui a été fait ces derniers mois, cela a été fait dans un esprit de coopération. Tous les comités, les caucus, les leaders et les sénateurs étaient d’accord pour dire que c’était la meilleure chose à faire, y compris les absents, qui nous ont donné le pouvoir de voter en leur nom. Ils n’ont pas fait cela pour que nous les empêchions de voter à l’égard d’une mesure qui les concerne directement. Ceci n’est pas un projet de loi du gouvernement, ni un projet de loi institutionnel, ni un projet de loi de comité; c’est un enjeu qui concerne les sénateurs eux-mêmes.
Pour répondre à mon ami de Joliette, le sénateur Dalphond, j’ai de la difficulté à comprendre son argument quand il affirme qu’il soulève la question à la première occasion.
La première occasion, c’était, si l’on se base sur son argument selon lequel c’est à cause de la COVID-19 que les sénateurs n’ont pas pu tous se rendre ici, conformément à votre demande et à l’ordre du Sénat et conformément au Règlement, lorsque le discours du Trône a été prononcé. C’était la première occasion.
Donc, pour répondre à son argument selon lequel la question n’a pas été soulevée à la première occasion en raison de l’impossibilité pour les sénateurs de se rendre au Sénat à cause de la pandémie, je dirai que la question aurait dû être soulevée immédiatement après le discours du Trône, pendant la séance que nous avons tenue.
Son argument selon lequel les sénateurs absents sont brimés n’a rien à voir avec la résolution du problème, qui est de trouver une solution pour organiser les comités. C’est une décision que le Sénat doit prendre, comme d’autres sénateurs l’ont mentionné. Le Sénat a pris plusieurs décisions depuis que le discours du Trône a été prononcé, même si un certain nombre de sénateurs étaient absents, et ce, en respectant toujours le Règlement, le quorum et les avis de convocation que vous, monsieur le Président, nous avez envoyés pour nous inviter à nous présenter ici, dans cette Chambre.
Donc, même si certains ne se présentent pas ici parce qu’ils ont peur de la COVID-19 ou parce qu’ils ont une maladie quelconque qui les garde alités, on ne devrait pas remettre en cause la validité des séances du Sénat, parce que ces personnes ont différentes raisons de ne pas se présenter ici.
Je vous rappelle que, conformément à la motion sur les sessions hybrides, c’est vous qui déciderez du moment où devront se tenir ces séances. La motion mentionne que c’est à vous de décider de ce moment, puisque le Sénat vous a accordé ce pouvoir. Donc, d’ici là, toutes les séances qui ont été convoquées sont valides, conformes aux droits et aux privilèges des sénateurs, et elles sont tout aussi conformes à leur obligation d’être présents dans cette Chambre.
Je ne m’attendais pas à voir mon collègue de Joliette, un ancien juge de la Cour d’appel du Québec, utiliser des tactiques dilatoires pour essayer de retarder le bon fonctionnement du Sénat.
Votre Honneur, je dois dire que, comme d’habitude, j’admire votre bienveillance. En effet, je suis réellement surpris de la latitude dont vous faites preuve par rapport à cette question de privilège.
Au bout du compte, Votre Honneur, nous savons tous qu’une question de privilège peut être soulevée quand on empêche un sénateur de s’acquitter de ses obligations ainsi que d’exercer ses droits et ses privilèges dans cette enceinte. Rien ne s’est produit dans le cadre de la procédure précédant le débat qui a empêché les sénateurs d’être présents ici pour souligner les enjeux que, de toute évidence, ils jugent problématiques. Nous savons tous que, au cours des derniers jours et des dernières semaines, les leaders des divers groupes se sont livrés à des négociations. Je suppose que, comme notre caucus, les autres groupes parlementaires ont été tenus au courant des développements. Depuis un certain nombre de semaines, tous les caucus ont organisé des vidéoconférences sur Zoom et Microsoft Teams.
Si un sénateur pensait qu’il était d’une importance capitale qu’il soit là pour participer à ce débat, il aurait pu l’être. De toute évidence, cette question de privilège a été utilisée à mauvais escient à des fins dilatoires. Les questions de privilège ne sont pas censées servir à retarder les travaux du Sénat. Il est vraiment déplacé de les utiliser de cette manière. Cela crée un terrible précédent.
Finalement, comme mon collègue le sénateur Carignan l’a souligné à juste titre, si un sénateur tombe malade et ne peut pas participer à une séance, s’agit-il d’une question de privilège? Faut-il s’empêcher de tenir un vote? Cela ne s’est jamais vu.
Dans ce cas précis, Votre Honneur, comme je l’ai déjà dit, je m’étonne que vous ayez eu la grande bienveillance d’entendre cette question de privilège.
Honorables sénateurs, j’aimerais seulement ajouter quelques observations. J’ai écouté très attentivement les interventions de mes collègues, et le moment qu’a choisi le sénateur pour soulever la question de privilège me semble quelque peu étrange et suspect. Si cette question de privilège l’inquiétait vraiment, il aurait pu la soulever dès le début du débat; mais c’est seulement après avoir perdu plusieurs votes qu’il choisit de la soulever.
L’autre chose à laquelle je pensais, c’est à quel point le travail des comités est important pour le Sénat. Je me souviens quand je suis arrivée au Sénat, en 2009, je me suis fait dire que les travaux en comité constituent le pain et le beurre du Sénat, et que c’est à cet endroit que le plus gros du travail est effectué. Il y a longtemps que nous n’avons pas effectué de travail en comité. Nous n’avons eu que quelques réunions sur Zoom. Nous savons toutefois qu’énormément d’efforts ont été déployés, et continueront d’être déployés, et que beaucoup de temps et d’étapes ont été nécessaires pour parvenir à une motion de la sorte. Elle a été approuvée par les dirigeants, qui ont ensuite consulté leurs caucus et leurs groupes respectifs. Ce n’est pas un processus nouveau. Je pense au fait que la question de privilège pourrait retarder davantage les travaux de la majorité des sénateurs si nous ne nous prononçons pas sur la motion principale aussitôt que possible, comme il se doit. Je pense que mes collègues ont déjà exposé leur point de vue, mais je voulais ajouter ces deux points. Merci, Votre Honneur.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier chacun d’entre vous qui avez participé au débat. Je comprends l’importance qu’on accorde aux échéances. Je prendrai la question en délibéré, mais j’informe le Sénat que je rendrai une décision le plus rapidement possible.