Le système de soins de longue durée
Interpellation--Suite du débat
1 décembre 2020
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation de la sénatrice Seidman, attirant l’attention du Sénat sur les faiblesses du système canadien de soins de longue durée, qui ont été révélées par la pandémie de COVID-19. Vous vous souviendrez que j’ai parlé brièvement de cette importante interpellation avant la semaine de relâche.
Je tiens à remercier la sénatrice Seidman d’avoir lancé cette interpellation et je veux aussi remercier du fond du cœur tous les sénateurs qui ont participé à cette discussion très importante.
Au cours de la première vague de la pandémie, les Canadiens ne savaient pas à quoi s’attendre. Ils se sont fait donner des prévisions alarmantes au sujet des différents scénarios possibles, qui comprenaient un nombre inquiétant de cas d’infections et de décès. La plupart de ces scénarios ne se sont jamais concrétisés, mais les Canadiens ont à peu près tous été troublés d’apprendre en juin dernier que les résidents des foyers de soins de longue durée représentaient 81 % de tous les décès attribuables à la COVID. Ce taux effroyable ne s’est que très peu amélioré depuis.
Le 24 novembre, le National Institute on Aging a révélé que les résidents des établissements de soins de longue durée et des maisons de retraite représentent maintenant 75 % des décès liés à la COVID. La triste réalité, c’est que ces personnes sont 226 fois plus susceptibles de mourir de la COVID-19 que toute autre personne. C’est un chiffre alarmant, car il démontre à quel point les aînés qui nous sont chers sont menacés.
Il est pénible d’entendre les nombreuses histoires de parents et de grands-parents qui nous ont quittés prématurément en raison du virus et qui, dans certains cas, ont été abandonnés par les responsables de leurs soins.
Ma famille a eu peur il y a quelques semaines lorsque ma mère, âgée de 92 ans et vivant dans un établissement de soins de longue durée au Manitoba, a reçu un résultat positif à la suite d’un test de dépistage de la COVID-19. Peu importe à quel point on se prépare à une telle éventualité, lorsqu’elle devient réalité, on est bouleversé.
Je prends quelques minutes pour raconter les faits qui ont précédé l’appel qui nous a appris la nouvelle. Je suis le pourvoyeur de soins légal de ma mère. En pratique, ce sont mon épouse et ma sœur qui sont ses pourvoyeuses de soins, mais au sens de la loi, c’est moi le responsable.
J’ai reçu un appel de la maison de soins infirmiers Rest Haven, à Steinbach, m’avisant que les résidents du deuxième étage, où ma mère est située, avaient subi un test de dépistage et que 11 d’entre eux, dont ma mère, avaient obtenu un résultat positif. Ma mère est une femme remarquablement forte, mais son état de santé se détériore. Elle se déplace en fauteuil roulant et son arthrite est paralysante. Elle peut difficilement marcher, mais insiste pour essayer lorsque les préposés ne viennent pas faire son lit assez tôt à son goût le matin. Alors, on la trouve tentant de s’extirper de son fauteuil roulant et de faire son lit elle-même, car elle n’est pas très patiente. Je me souviens que, quand j’étais jeune, si nous voulions une deuxième assiettée, il fallait bien tenir notre assiette parce que dès qu’elle était vide, ma mère la ramassait et commençait à laver la vaisselle. Elle n’a pas changé; elle est toujours impatiente.
Quoi qu’il en soit, elle souffre d’une arthrite paralysante. Déjà, je l’appelais la pharmacie ambulante, et maintenant, elle se déplace véritablement avec tous les médicaments qu’elle prend pour fonctionner.
Il est clair que lorsque nous avons reçu l’appel, nous avons naturellement supposé que cela concernait le nombre de décès, et que les chances étaient plutôt minces. Nous avons reçu un appel du foyer le vendredi, et notre médecin m’a appelé le samedi. Il se trouve que c’est mon médecin ainsi que celui de ma mère, et il a pris le temps, samedi à 20 h 30, de m’appeler pour m’expliquer les chances qu’avait ma mère de s’en sortir. Il m’a suggéré de parler des décisions concernant la fin de sa vie, et c’est ainsi, bien sûr, que nous avons abordé le sujet. Il m’a demandé quelles étaient mes questions et mes plus grandes préoccupations. J’ai dit que nous comprenions que la COVID-19 était un problème respiratoire, et que ma plus grande inquiétude était de savoir si ma mère allait mourir d’étouffement. Ma deuxième inquiétude était de savoir si elle allait mourir seule, comme ce fut le cas pour tant de personnes âgées.
Il m’a assuré que ma mère allait probablement sombrer dans le coma et que, grâce aux médicaments, ils pourraient empêcher qu’elle s’étouffe et possiblement lui assurer une mort paisible; néanmoins, elle décéderait probablement dans peu de temps. Puis, le lendemain, il m’a appelé pour me dire qu’il croyait qu’il serait possible de permettre à une personne de la famille d’être aux côtés de ma mère lorsque viendrait le moment de son départ. Néanmoins, la question était pratiquement réglée. Ma mère allait mourir. Bien entendu, j’ai ensuite eu une discussion avec mes frères et sœurs et nous avons parlé de la façon dont les choses allaient se dérouler.
Comme je l’ai dit, 11 patients de cet étage ont reçu un diagnostic positif, des personnes dont l’âge variait entre 80 et 98 ou 99 ans — je n’en suis pas certain. La directrice du foyer de soins personnels m’appelait tous les jours. Je raconte toute cette histoire parce qu’elle est très pertinente pour le reste de mon allocution. Elle m’appelait chaque matin pour me dire comment ma mère allait. Je dois également mentionner que nous nous demandions comment nous allions l’apprendre à maman. Je leur ai demandé de ne pas le faire tant que nous n’aurions pas décidé comment procéder. Nous nous sommes donc entendus pour qu’un des membres du personnel de la direction du foyer se rende dans l’appartement de ma mère et lui dise que son test était positif et pendant que cette personne était là, elle m’appellerait pour que je puisse parler à ma mère.
C’est ce qu’elle a fait et quand j’ai répondu au téléphone, je pouvais entendre ma mère derrière qui pleurait et qui grinçait des dents. C’était affreux. Ma mère voulait vivre. Ce n’est pas qu’elle n’était pas prête à mourir, mais elle voulait vivre. Elle se disait qu’elle allait passer l’éternité au paradis, mais que l’éternité c’est long, alors elle aimerait mieux passer encore quelques années de plus sur terre puisque ce n’est pas si pressant qu’elle aille au paradis comme elle y sera pour toujours.
Ils ajoutent 160 lits à son établissement de soins. C’est tout neuf. Ils lui ont montré un plan et la chambre qui sera la sienne dans le nouvel établissement. Elle pourra déménager. C’est ce qu’elle attend avec impatience : « Je pourrai rester dans une chambre toute neuve aussi longtemps que je vivrai. » Elle ne voulait pas mourir. Je lui ai alors parlé et je l’ai convaincue qu’elle ne présentait pas de symptômes, qu’elle avait reçu un diagnostic positif, mais qu’elle n’avait pas de symptômes et que je pensais, donc, qu’elle serait en mesure de lutter contre la maladie. Je n’y croyais pas du tout, mais j’ai néanmoins réussi à la convaincre. Je l’ai calmée et, au cours des jours suivants, Lorraine Friesen, la directrice de l’établissement, m’a appelé régulièrement pour me dire : « Ta mère est en pleine forme; elle ne présente toujours pas de symptômes. » Bien sûr, cela a duré sept ou huit jours d’affilée.
J’ai parlé au médecin. Je lui ai demandé : « Êtes-vous certain que le résultat de son test était positif? » Il m’a répondu qu’il n’y avait aucun doute.
Depuis, 8 autres résidants ont obtenu un résultat positif au test de dépistage, ce qui porte le total à 19 cas. La fourchette d’âge est demeurée la même : le patient le plus jeune avait 80 ans, et le plus vieux, environ 99 ans. De ces 19 résidants, 4 sont morts. Une personne de 97 ans, qui vivait à seulement deux portes de la chambre de ma mère, s’en est aussi sortie. Ils avaient tous des symptômes. Je crois que ma mère était la seule à ne pas en avoir.
La personne de 80 ans est morte; il y a eu quelques accidents vasculaires cérébraux. Une autre de 99 ans est décédée. Selon la directrice du centre, cette personne serait morte si elle avait contracté la grippe. Ces gens avaient donc des problèmes de santé très graves en plus de leur âge avancé.
Des 19 cas, 4 personnes sont mortes et 15 ont survécu. Je ne saurais dire si elles ont toutes obtenu le « feu vert » du médecin, mais ma mère l’a reçu. On lui a donné le feu vert. Nous en sommes extrêmement reconnaissants.
Bien évidemment, elle est maintenant craintive. L’autre jour, elle m’a appelé pour me dire : « Ils veulent me sortir encore de ma chambre pour me donner un bain. Penses-tu que c’est sécuritaire d’emprunter ce corridor contaminé pour aller prendre un bain? » Je lui ai répondu : « Maman, tu es passée au travers. Rien ne va t’arrêter. Vas-y. » C’est ce qu’ils ont fait.
Nous vivons des temps difficiles. Vous savez tous que je ne suis pas aussi prudent que beaucoup d’entre vous — et beaucoup d’entre vous le souhaiteraient.
Lorsque nous avons reçu l’appel m’informant que je devais retourner à Ottawa, j’ai dit à mon épouse, sans oser la regarder, que nous faisions maintenant partie des statistiques.
Puis, quand ma mère a eu le feu vert, j’ai dit à Betty : « Je vais devoir faire très attention de ne pas aller à Ottawa et dire, avec un ton un peu trop désinvolte et arrogant, que ce n’est pas vraiment un gros problème. Si ma mère peut vaincre cette maladie, alors nous pouvons certainement tous la vaincre. »
Mais ce n’est pas tout le monde qui s’en remette. Des milliers de familles se sont retrouvées dans la même situation depuis mars dernier. C’est incroyablement difficile à vivre.
Notre famille a été très chanceuse que ma mère se rétablisse sans présenter aucun symptôme, pas même une gorge irritée. Comme je l’ai dit, son médecin lui a récemment dit qu’elle était guérie, et elle va bien. Nous en sommes très reconnaissants. Cependant, je suis pleinement conscient que de très nombreuses familles n’ont pas eu la joie de recevoir la même nouvelle de leur médecin. Beaucoup de fils, de filles, de conjoints et de petits-enfants ont reçu la pire nouvelle de toutes, soit le décès d’un proche des suites du virus.
Dans de nombreux cas, les gens sont morts seuls, sans la présence d’un proche. Ces personnes étaient seules, très seules.
La période que nous vivons n’est facile pour personne, mais elle est probablement particulièrement difficile pour les personnes qui résident dans des établissements de soins de longue durée et leur famille. Nous avons tous été touchés par l’histoire déchirante de la sénatrice Pate au sujet de sa défunte mère. Un tel manque de respect pour la dignité de la vie est une chose tragique et il faut s’attaquer aux lacunes qui font que les personnes les plus vulnérables puissent être traitées de cette façon.
Nous avons tous entendu parler de résidants d’établissements de soins de longue durée qui ont attrapé la COVID parce qu’ils n’ont pas reçu des soins adéquats, que les précautions nécessaires n’étaient pas en place ou que quelqu’un avait été négligent.
Nous sommes tous au courant du rapport rédigé par les Forces armées canadiennes au sujet de la situation dans cinq établissements de soins de longue durée en Ontario. Les conditions y étaient épouvantables. Je pense absolument qu’il faut s’attaquer à ce genre de lacunes.
Chers collègues, j’aimerais toutefois attirer votre attention sur le fait qu’il y a une autre facette à cette triste histoire. S’il y a eu trop d’histoires d’horreur à propos d’établissements de soins où le personnel a fait preuve d’irresponsabilité dans sa manière de gérer les éclosions, d’autres récits doivent être racontés. Par ailleurs, plusieurs statistiques mettent en lumière nos victoires, nos succès, ainsi que le travail phénoménal que tant de prestataires de soins de santé et de travailleurs sociaux ont fourni à nos personnes âgées.
Les soins prodigués à ma mère en sont un bon exemple. En effet, la gestionnaire de l’établissement où réside ma mère m’appelle régulièrement, et mon médecin prend également le temps, un samedi soir à 20 h 30, de m’appeler pour discuter de toute la situation.
La triste vérité, c’est que les personnes âgées qui vivent dans des établissements de soins de longue durée forment une population à haut risque de contracter ce virus mortel.
En effet, les chances de survivre à ce virus diminuent à mesure qu’on prend de l’âge. Les chances de survie s’avèrent encore plus faibles pour une personne qui souffre d’une maladie sous-jacente compromettant déjà sa santé, et les chances sont vraiment contre vous si vous êtes également résident d’un établissement de soins de longue durée.
Le Dr Nathan Stall, gériatre à l’hôpital Mount Sinai de Toronto, l’a exprimé ainsi lors d’une entrevue accordée à CTV News :
Si vous prenez les adultes les plus frêles de la société — ils vivent dans des lieux d’hébergement collectif qui sont souvent désuets et surpeuplés et de nombreux établissements ont des chambres pour trois ou quatre personnes — et vous introduisez ensuite un virus hautement transmissible qui est extrêmement mortel […] une recette parfaite pour un désastre.
Mais cela ne s’arrête pas là. Statistique Canada a récemment rapporté ce qui suit :
Il est maintenant clair que les personnes qui ont des problèmes de santé chroniques préexistants ou un système immunitaire affaibli sont plus à risque de mourir de la COVID-19, surtout chez celles de plus de 80 ans.
Ces problèmes incluent la démence, la maladie d’Alzheimer, la pneumonie, les maladies hypertensives, les cardiopathies, l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance rénale, le diabète, les maladies chroniques des voies respiratoires inférieures, les troubles du système nerveux et le cancer.
Statistique Canada a noté ceci dans son rapport :
Bon nombre de ces conditions sont beaucoup plus courantes chez les Canadiens de 65 ans et plus, qui représentaient 94 % de tous les décès liés à la COVID-19 au cours de la première vague.
Chers collègues, il est impératif que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger nos aînés et les résidants des établissements de soins de longue durée, car la COVID-19 représente un danger très réel pour eux. Cependant, je vous exhorte à ne pas vous servir de ces statistiques pour généraliser la situation en jetant une ombre sur tous les établissements de soins de longue durée et les soignants qui ont travaillé jusqu’à l’épuisement pour essayer de protéger nos aînés.
Il ne fait aucun doute que le système présente de nombreuses lacunes. Nous devons les déceler et les corriger afin de protéger la santé et la dignité des aînés. Néanmoins, nous devons aussi comprendre que, s’il est vrai que le nombre alarmant de décès liés à la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée témoigne de la vulnérabilité de ce groupe, l’incidence de la maladie dans ces établissements a varié considérablement.
Le 23 novembre dernier, le Journal de l’Association médicale canadienne a publié un article, qui indique ceci :
Les résidants des établissements de soins de longue durée au Canada sont beaucoup plus susceptibles de mourir de la maladie à coronavirus 2019, ou COVID-19, que le reste de la population. Or, l’incidence de la COVID-19 sur les résidants de ces établissements varie entre les provinces et les territoires.
Chers collègues, si l’on s’en tient à la couverture médiatique, on a du mal à imaginer qu’il y ait beaucoup de bonnes nouvelles concernant la COVID-19 et les établissements de soins de longue durée au Canada. Permettez-moi d’illustrer mon point en parlant de ma province, le Manitoba.
Dernièrement, le Manitoba a fait les manchettes à cause de l’augmentation du nombre de cas de COVID-19 dans la province. On nous a donné l’impression que la situation dans les établissements de soins de longue durée est uniformément désastreuse.
Quand notre collègue la sénatrice Bovey a pris la parole au sujet de cette interpellation, elle a inclus le bilan du Manitoba avec les très mauvais bilans de l’Ontario et du Québec en disant ceci :
La situation s’aggrave au Manitoba, devenant chaque jour plus sombre. Nous ne parvenons pas à subvenir aux besoins de nos personnes âgées dans les établissements de soins de longue durée, et elles en meurent.
Elle a souligné ceci : « Le 17 novembre, 36 établissements de soins du Manitoba avaient connu des éclosions. »
Elle a déclaré que « Steinbach est un autre établissement de soins dont la situation est préoccupante » et a demandé si le Manitoba était « forcé de suivre les malheureux exemples de négligence survenus dans les établissements de l’Ontario et du Québec[.] »
Écoutez attentivement, chers collègues. Vous craignez peut-être pour votre vie si vous devez vous rendre dans ma province, surtout dans la région sanitaire du Sud du Manitoba, d’où je suis originaire.
Prenons un peu de recul pour prendre connaissance des faits. Tandis que 75 % de toutes les morts liées à la COVID-19 au Canada sont survenues parmi des résidants d’établissements de soins de longue durée, à 44 %, ce pourcentage est beaucoup plus faible au Manitoba. C’est tout de même inacceptable, mais il est important de noter qu’il est non seulement bien au-dessous de la moyenne canadienne, mais qu’il est également inférieur à la moyenne mondiale. Voici ce qu’en dit un rapport publié en octobre par l’International Long-Term Care Policy Network :
Malgré les difficultés occasionnées par des différences entre les définitions, dans presque tous les pays où il y a eu des morts liées à la COVID-19, une proportion importante de ces morts était parmi les résidants d’établissements de soins à longue durée. Selon les données recueillies pour le présent rapport, la moyenne actuelle des morts liées à la COVID-19 survenues dans ces établissements est de 46 %.
Ce sont les statistiques. À l’échelle mondiale, le nombre moyen de décès dans les foyers de soins de longue durée est 46 %. La moyenne canadienne est 75 %. Au Manitoba, la moyenne est inférieure à ces deux statistiques, soit 44 %.
Dans la région sanitaire du Sud du Manitoba, dont Steinbach fait partie, le taux de décès est encore moins élevé. Le taux de décès causés par la COVID-19 n’est pas 75 % ni 44 % du total, mais 17 %, soit moins du quart de la moyenne nationale.
Chers collègues, un seul décès est un décès de trop. Mais il faut reconnaître que les travailleurs des foyers de soins de longue durée sont sur la défensive. Ils combattent un ennemi redoutable alors que tout joue contre eux. Malgré tout, de nombreux établissements de soins de longue durée du Sud du Manitoba déploient des efforts incroyables et vainquent l’adversité.
Comme je l’ai dit plus tôt, pour les résidents des foyers de soins de longue durée, la probabilité de mourir de la COVID-19 est 226 fois plus élevée que les autres causes de décès. Toutefois, dans le Sud du Manitoba, la probabilité de mourir de la COVID-19 pour un résident d’un établissement de soins de longue durée est seulement 30 fois plus élevée. Certes, c’est beaucoup, mais c’est 88 % de moins que le pourcentage moyen à l’échelle nationale.
Qui plus est, après huit mois de pandémie mondiale, où 378 139 Canadiens ont été infectés par le virus et 12 130 ont péri, presque les trois quarts des établissements de soins de longue durée du Sud du Manitoba n’ont pas enregistré un seul cas de COVID-19 jusqu’à présent et 85 % n’ont enregistré aucun décès.
Étant donné que les bénéficiaires des soins de longue durée sont extrêmement vulnérables face à ce virus, ces chiffres sont stupéfiants. Ils révèlent que la plupart des centres de soins de longue durée du Sud du Manitoba sont en train de remporter la bataille contre la COVID-19.
Je pense que le Dr Roussin, médecin hygiéniste en chef du Manitoba, devrait demander aux gens du Sud du Manitoba comment ils combattent ce virus au lieu de leur dicter comment composer avec cette crise.
J’aimerais fournir quelques chiffres tirés d’un document donnant un aperçu de la situation des éclosions dans les centres de soins de longue durée. Dans les 64 centres de soins de longue durée du Manitoba, il y a eu 1 108 cas et 153 décès. Le tiers des 153 décès, soit 49, sont survenus dans un seul établissement de soins.
C’est donc dire que la situation du Manitoba n’est pas aussi mauvaise qu’on nous l’a dit. Honorables collègues, je ne veux aucunement minimiser les répercussions réelles de la COVID-19 au Manitoba et dans l’ensemble du pays. Je veux cependant mettre les choses en perspective afin de vous faire comprendre que le Manitoba, et plus particulièrement le Sud de la province, protège beaucoup mieux les résidants des centres de soins de longue durée qu’on ne le laisse entendre parfois.
En fait, aux dernières nouvelles, 20 établissements de soins de longue durée au Manitoba avaient signalé des infections au sein de leur personnel, sans qu’aucun aîné vivant dans ces établissements ne soit contaminé. Quand on pense que ce virus se propage si facilement et furtivement, ces données démontrent que des efforts vigoureux et diligents ont été déployés pour détecter le virus et l’empêcher de frapper nos concitoyens les plus vulnérables. Je crois que le moment est venu de remercier les fournisseurs de soins de santé et les préposés aux soins personnels, ainsi que de reconnaître que, dans de très nombreux cas, leur travail a été plus que louable : il a été héroïque.
Toutefois, chers collègues, notre gestion de la pandémie me pose quelques problèmes. Je songe notamment à l’incohérence de nos démarches et à notre tendance à laisser nos politiques être dictées par les émotions plutôt que par la science, dans le cadre de nos efforts pour prévenir la propagation de la COVID.
Je veux parler de quelques incohérences parce que, comme je l’ai dit, Steinbach a été le point de mire.
La fin de semaine dernière, une église, située juste au sud de Steinbach, voulait tenir un service. Elle avait fait les manchettes pour avoir organisé un service à l’intérieur de ses murs la semaine précédente. Ses responsables ont donc décidé de bien faire les choses cette fois-ci. Ils ont installé un grand écran dans la cour de l’église et ils ont décidé d’avoir un service au volant : les fidèles demeureraient dans leur véhicule.
La GRC est intervenue et a autorisé cinq véhicules à entrer dans la cour, puis elle a bloqué l’entrée. On parle d’une grande cour, et environ une centaine de véhicules voulaient y accéder. Les gens allaient tous demeurer dans leur véhicule et regarder la messe sur un grand écran. On les a empêchés d’entrer dans la cour et d’assister à la messe assis dans leur véhicule.
Je n’étais pas là, mais il se trouve que je me suis promené en voiture dans la ville de Winnipeg ce jour-là. Je suis passé devant le Costco, le Walmart, le Home Depot et quelques centres commerciaux. J’ai vu des centaines de véhicules dans les parcs de stationnement. On ne limite aucunement le nombre de véhicules qui y sont autorisés. On limite le nombre de personnes qui peuvent se trouver à l’intérieur d’un magasin, mais pas le nombre de véhicules dans les stationnements, ni même la distance entre ces véhicules.
Bref, les parcs de stationnement remplis de véhicules sont acceptables, mais pas pour assister à la messe.
Mes collègues sont nombreux à connaître mon opinion à l’égard des drogues, notamment la marijuana. Le magasin de marijuana devant lequel je passe quand je fais ma promenade du dimanche après-midi est ouvert. Les gens peuvent y entrer et se procurer de la marijuana à des fins récréatives ou médicales.
Le magasin d’alcool est ouvert, et j’y vais à l’occasion. Samedi, quand j’y suis entré, de 35 à 40 personnes s’y trouvaient. Cela, c’est permis, mais pas la messe.
Pendant que je participais à des appels Zoom, mon épouse est sortie pour m’acheter des bottes d’hiver. Elle m’a acheté des bottes au Sport Check pour que nous puissions faire des promenades ensemble. Elle avait le droit de sortir pour aller les chercher, et en plus, elle a obtenu le rabais du Vendredi fou.
Pendant qu’elle faisait ses courses, elle a décidé d’arrêter à la pharmacie pour acheter une carte d’anniversaire pour l’une de nos petites-filles, mais c’était interdit d’entrer chez Shoppers Drug Mart. Elle n’avait pas le droit d’acheter une carte.
Elle pouvait toutefois, si elle le désirait, acheter des jouets pour les animaux domestiques, pour les chats et les chiens, car il y en avait à vendre à l’extérieur du magasin, mais nous n’avons pas d’animaux. Pour une raison quelconque, on considère que les jouets pour animaux sont essentiels, mais pas les cartes de souhaits pour nos petits-enfants.
L’administrateur de la santé publique du Manitoba a encore une fois fermé la division scolaire de Hanover parce qu’elle se trouve dans le Sud du Manitoba. C’est une importante division scolaire qui dessert plusieurs villes, la plus grande étant Steinbach. La ville de Niverville, la ville de Blumenort et le village de Landmark sont tous situés dans un rayon de 15 à 20 milles de Steinbach, mais ils font partie de la division scolaire de Hanover, donc toutes les écoles dans ces régions ont dû être fermées. Le même administrateur de la santé publique a toutefois permis aux écoles de la division scolaire de la rivière Seine de demeurer ouverte. Les écoles des villes de La Broquerie et de Sainte-Anne sont juste à côté de la ville de Steinbach, à quatre milles seulement, mais elles peuvent demeurer ouvertes parce qu’elles font partie de la division scolaire de la rivière Seine. Or, les écoles du village de Landmark, qui se trouve à 20 milles de Steinbach, ne pouvaient pas demeurer ouvertes parce qu’il y a eu une éclosion à Hanover. Ce n’est pas cohérent.
Nous avons abordé la question des visites dans les foyers de soins de longue durée. Nous avons partagé nos observations à ce sujet. Nous avons tous entendu des histoires du genre; nous n’avons pas le droit d’aller rendre visite à nos parents. L’établissement où se trouve ma mère a imposé des règles et, assurément, nous les suivons. Le personnel fait tout pour nous accommoder, mais, encore une fois, ma femme et ma sœur sont les deux personnes désignées qui peuvent rendre visite à ma mère. Elles sont les seules à pouvoir y aller, mais pendant l’éclosion de COVID, pas même elles ont le droit d’entrer.
Je me demande pourquoi il n’est pas possible pour quelqu’un qui est prêt à subir un test de dépistage — comme ma femme — d’être admis. Il ne s’agit pas d’un discours où je vais m’en prendre au gouvernement, mais, si nous avions des tests rapides permettant le dépistage de la COVID, les gens pourraient mettre une blouse comme celles que portent les travailleurs de la santé, mettre un masque et faire tout ce qu’il faut, et ces gens pourraient rendre visite à leurs proches. La solitude est la pire des souffrances pour ces personnes. Pour elles, être seules est pire que la mort.
Chers collègues, lorsque la pandémie a commencé au début de 2020, les leaders provinciaux et fédéraux nous ont dit : « Nous sommes tous dans le même bateau. »
Au Manitoba, il existe une ligne de dénonciation. Si on voit son voisin faire quelque chose de mal, il existe un service rapide pour le signaler. On peut composer un numéro et dire : « Mon voisin ne porte pas de masque alors qu’il se promène dans un couloir », ou « Je sais que mes voisins ont reçu la visite d’un de leurs petits-enfants. Pouvez-vous envoyer une patrouille? » Une patrouille spéciale a également été embauchée expressément pour lutter contre la COVID-19, parcourir la province, faire du porte-à-porte et vérifier s’il y a plus de cinq personnes dans les foyers. Le cas échéant, les patrouilleurs remettent une contravention de 1 200 $.
La GRC ne veut pas faire ce travail, alors on a créé une patrouille quelconque, et il y a maintenant une ligne de dénonciation pour que les gens puissent dénoncer leurs voisins et que les agents de la paix pourchassent ensuite les délinquants. Chers collègues, comment peut-on dire que nous sommes tous dans le même bateau en agissant de la sorte? Je ne vois pas comment.
Une publication sur Facebook a très bien démontré la stupidité de la situation. Elle indiquait ceci :
Petit rappel amical! Eh bien, le gouvernement vous encourage maintenant à dénoncer vos voisins s’ils ne respectent pas les nouvelles consignes. Avant d’agir de la sorte, vous devriez garder à l’esprit que le gouvernement ne sera pas là pour vous aider à faire démarrer votre voiture ou vous prêter des outils ou une tasse de sucre si vous en avez besoin. Il ne sera pas là pour veiller sur votre propriété si vous vous absentez. Il n’aura pas vos enfants à l’œil s’ils jouent dans la rue et qu’un individu étrange traîne dans les environs. Nous avons besoin les uns des autres. C’est ce qui nous permet de nous en sortir et de vivre en paix.
Je suis absolument d’accord. Ce n’est pas en encourageant les dénonciations entre voisins qu’on réussira à traverser la crise de la COVID. Pour traverser la tempête, nous devons plutôt nous encourager les uns les autres, être solidaires et travailler ensemble.
Pour conclure, je tiens à adresser quelques mots à toutes les personnes qui ont perdu un être cher à cause de la COVID-19. Ce décès était peut-être dû directement au virus de la COVID et à ses effets sur le corps, ou il se peut que l’être cher soit décédé parce qu’il souffrait d’une autre maladie et qu’il n’a pas pu avoir accès aux soins de santé nécessaires parce que la pandémie a bousculé le système de soins de santé. Dans un cas comme dans l’autre, nos pensées et nos prières vous accompagnent.
Je souhaite également prendre un instant pour remercier une fois de plus tous les travailleurs de la santé et le personnel des établissements de soins de longue durée qui ont risqué leur propre santé en allant au travail. Votre service illustre l’esprit canadien qui a construit ce grand pays et ne laisse jamais les difficultés ou les épreuves nous empêcher de prendre soin de ceux qui nous entourent.
Il ne fait aucun doute que nous vivons une période difficile et que l’hiver pourrait être long. Cependant, quand les choses sont au plus mal, le moindre espoir apporte beaucoup de réconfort. C’est dans des moments comme celui-ci qu’un petit geste de gentillesse peut aider grandement ceux qui nous entourent. Un mot d’encouragement peut donner le sourire à quelqu’un.
Je prie pour que, dans cette épreuve que nous devons traverser ensemble, nous continuions à faire ressortir le meilleur de nous tous. Je prie pour que, alors que nous endurons l’hiver jusqu’à l’arrivée du printemps, nous trouvions tous un nouvel espoir et une nouvelle force pour continuer un jour de plus.
Le sénateur pourrait-il répondre à une question?
Absolument.
Je ne demanderai pas au sénateur quelles sortes de bottes sa conjointe lui a achetées.
J’aimerais mieux comprendre l’esprit de votre intervention. Croyez-vous que nous devrions uniformiser l’ensemble des règles? Selon ce que je comprends de votre intervention, ces règles peuvent varier, même à l’intérieur d’une province.
Je commencerai, monsieur le sénateur, par rappeler que je crois aux vertus de l’autonomie provinciale. Nous devons accepter que les provinces jouissent d’une certaine autonomie. Les choses varient d’une province à l’autre, c’est vrai, et je ne dis pas le contraire.
Je ne voudrais pas manquer de respect au Manitoba et à ses dirigeants, mais selon moi, toutes les décisions des autorités devraient avoir la science pour fondement. À voir à quel point les décisions annoncées sont souvent incohérentes, on peut seulement conclure que ce n’est pas toujours le cas.
Quand une école au grand complet doit fermer ses portes ou qu’on impose des règles à une région entière alors qu’elle se débrouillait plutôt bien jusque-là, on a beau invoquer la science, mais quand on voit que, dans le même district scolaire, d’autres écoles situées dans un secteur beaucoup plus à risque peuvent demeurer ouvertes, je regrette, mais ce n’est pas scientifique comme décision. Si ma femme est incapable d’aller acheter une carte de souhaits, mais peut sans problème se procurer une gâterie pour son chien, la science n’a rien à voir là-dedans.
Je me conformerai volontiers aux consignes qui sont véritablement fondées sur la science. En fait, je le fais déjà. Je mets religieusement mon masque dès que j’entre dans le hall d’entrée de mon immeuble, parce que ce sont les règles. C’est la loi.
Nous avons reçu préavis d’une motion qui traite du port du masque au Sénat. Nous en débattrons plus tard cette semaine ou la semaine prochaine. Je suis contre cette idée. Si c’était une règle officielle, je ne dis pas. Même quand je ne suis pas d’accord, je suis les règles établies. J’essaie, en tout cas. Je crois que nous devons suivre les règles, mais je crois aussi que j’ai le droit de le dire quand j’estime qu’elles ne tiennent pas debout et qu’elles n’ont rien de scientifique.
Donc, faut-il baser nos décisions sur la science?
C’est exact. C’est ce que je pense, oui.
Je vous remercie.
Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 27 octobre 2020, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.
Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».