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Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Troisième lecture--Débat

10 juin 2021


L’honorable Patti LaBoucane-Benson [ - ]

Propose que le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis une Ukrainienne métisse. Je suis née, j’ai grandi et je vis sur le territoire du Traité no 6. C’est pour moi un insigne honneur de prendre encore une fois la parole au Sénat en tant que marraine du projet de loi C‑15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui donne suite aux appels à l’action nos 43 et 44 de la Commission de vérité et réconciliation. Honorables sénateurs, il est enfin temps d’agir.

Chers collègues, vous vous souviendrez que le projet de loi comprend sept articles et un objet à deux volets. D’abord, il confirme que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones trouve application en droit canadien. Ensuite, il encadre la mise en œuvre de la déclaration par le gouvernement du Canada.

Vous vous souviendrez également que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a mené une étude exhaustive du projet de loi C‑15. Notre étude a inclus 20 groupes, des dizaines de témoins et une vaste gamme d’opinions et d’expertise qui ont souligné les avantages et les défis du projet de loi.

Nous avons également entendu des points de vue similaires de multiples témoins. Pour ce qui est de la collecte de données, la répétition indique que nous avons atteint un point de saturation et que nous avons probablement entendu tous les points de vue. Le processus a été systématique et bien planifié. Je remercie tous les membres du comité de leurs questions réfléchies et de leur étude respectueuse du projet de loi.

Chers collègues, il est important de discuter des craintes qui ont été exprimées concernant ce que le projet de loi C‑15 fera et ne fera pas et de les dissiper. D’une part, des témoins ont dit craindre que le projet de loi C‑15 intègre immédiatement les 46 articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien, créant ainsi un chaos juridique. Un témoin craignait également que cela entraîne des répercussions pour les lois provinciales.

Chers collègues, c’est inexact. La déclaration est et demeurera un instrument d’interprétation. En fait, depuis que le gouvernement Harper y a donné son appui en 2010, les cours canadiennes peuvent avoir recours à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour interpréter les lois canadiennes. Si le projet de loi reçoit la sanction royale, cela ne changera pas.

D’autre part, certains Autochtones estiment par conséquent que le projet de loi C‑15 ne sert à rien, voire diminue les droits ancestraux et issus de traités existants.

Chers collègues, je comprends le cynisme des Autochtones et de leurs dirigeants, qui doutent qu’un gouvernement s’investisse pour instaurer un véritable changement. Cependant, au comité, le ministre Lametti a déclaré :

En intégrant la déclaration dans une loi de mise en œuvre particulière, nous avons renforcé son rôle interprétatif et lui avons donné plus de poids en tant que document. La déclaration elle-même et les droits contenus dans le préambule ont une fonction d’interprétation dans le droit canadien.

Le ministre a poursuivi en disant :

Il y a aussi une force contraignante à cela. Dans cette optique, il s’agit de mesures législatives d’application.

C’est vraiment important, chers collègues, parce que nous ne débattons pas ici d’une politique ou d’un programme qui est annoncé. Le projet de loi C‑15 obligera le gouvernement actuel et ceux qui le suivront à mener un examen des lois pour s’assurer qu’elles respectent les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à concevoir et mettre en place un plan d’action. Le projet de loi obligera le gouvernement canadien à tenir des consultations et à collaborer avec les peuples autochtones, au sens large, pour accomplir ces tâches.

Autre point important, le projet de loi C‑15 comprend l’exigence de produire des rapports annuels, rapports qui seront systématiquement renvoyés aux comités concernés de chacune des Chambres pour qu’ils les étudient et qu’ils fassent des rapports de progression. Le projet de loi exige du gouvernement fédéral qu’il rende des comptes au public et ce genre de transparence aura assurément un effet sur la réussite des consultations.

Pour être précise, cela signifie que le Sénat continuera d’avoir un rôle à jouer en matière de surveillance parlementaire et le rapport annuel favorisera la reddition de comptes quant à la progression de la mise en œuvre de la déclaration.

D’ailleurs, Mme Sheryl Lightfoot a affirmé au comité que le projet de loi C‑15 établissait une nouvelle norme quant à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il y a une combinaison d’éléments pour l’expliquer : premièrement, il s’agit d’une mesure législative pour l’établissement d’un cadre systématique et méthodique; deuxièmement, il y a des dispositions précises pour l’établissement d’un plan d’action national; troisièmement, le cadre de responsabilisation et de reddition de comptes que présente le projet de loi C‑15 n’existe nulle part ailleurs dans le monde et constitue un précédent.

De plus, de nombreux avocats et universitaires autochtones ont parlé de la capacité du projet de loi C‑15 à contribuer à la résolution de certains des problèmes les plus difficiles et les plus complexes qui affligent les Premières Nations depuis des décennies. Mary Ellen Turpel‑Lafond a dit ceci :

Le projet de loi C‑15 est notamment important parce que nous traversons une période cruciale où un travail se fait avec les Premières Nations, et ce travail doit être appuyé par la mise en œuvre de la Déclaration des Nations [u]nies sur les droits des peuples autochtones. Je ne vois pas ce projet de loi comme une mesure législative qui prive les Autochtones de leurs droits; je le vois comme une mesure législative qui confirme les droits […]

Elle a ajouté ceci :

[…] les Premières Nations tiennent des débats, notamment à propos du rôle qui revient aux personnes qui les représentent, du rôle continu de la Loi sur les Indiens et de l’importance du renforcement de la position des Premières Nations signataires d’un traité. Je pense que le projet de loi C‑15 nous aidera à mettre de l’ordre là-dedans.

Autrement dit, en sa qualité d’experte, Mme Turpel‑Lafond est d’avis que le projet de loi C‑15 est un outil important qui nous aidera à régler ces problèmes de longue date. Cet avis est également partagé par de nombreux juristes et experts autochtones.

De plus, chers collègues, on a beaucoup parlé des consultations que le gouvernement a menées pour élaborer le projet de loi C‑15. Il est vrai que l’ancien député Romeo Saganash a consulté des Autochtones des quatre coins du Canada pour élaborer son projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C‑262, et il est aussi vrai que le gouvernement a utilisé ce dernier comme point de départ pour élaborer le projet de loi C‑15. Subséquemment, le gouvernement a tenu 70 réunions de consultation à l’échelle nationale et il a discuté avec des centaines d’Autochtones. Or, il n’en demeure pas moins que certains dirigeants autochtones ne sont pas satisfaits de la façon avec laquelle ils ont été consultés et, par conséquent, ils n’appuient pas le projet de loi C‑15.

Il est aussi vrai que les Autochtones ont différentes attentes concernant la portée et la profondeur des consultations menées par un député autochtone seul et celles menées par le gouvernement quand il s’agit d’un projet de loi gouvernemental qui porte sur les droits fondamentaux des Autochtones. Toutefois, il y a aussi beaucoup de points de vue sur le déroulement des consultations et l’appui accordé au projet de loi.

Par exemple, prenons les dirigeants du magnifique territoire visé par le Traité no 6, où j’habite. D’une part, le grand chef Okimaw Watchmaker et d’autres chefs ont indiqué qu’ils n’appuyaient pas le projet de loi. Notons que le chef Arcand de la Première Nation d’Alexander a donné une présentation éloquente et réfléchie pour indiquer qu’il préférerait relancer les négociations de 1995 entourant le traité plutôt que de se laisser distraire par des consultations sur un plan d’action.

D’autre part, nous avons reçu un mémoire écrit de quatre chefs titulaires de droits issus d’un traité, dont les deux derniers grands chefs du Traité no 6, ainsi que de chefs actuels de nations cries et de chefs régionaux de l’Alberta, qui appuient le projet de loi C‑15 :

Les processus envisagés dans le projet de loi C‑15 sont suffisamment souples pour permettre la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies à la table de négociations des traités et dans le cadre d’une relation continue fondée sur des traités. À notre avis, il sera essentiel que les Premières Nations prennent les devants dans les processus prévus par le projet de loi C‑15 [...]

Honorables sénateurs, il ne faut pas s’alarmer du fait que les quelque 600 Premières Nations aient différentes opinions au sujet du projet de loi. De la même manière que nous ne nous attendons pas à ce que tous les acteurs d’un autre ordre de gouvernement soient d’accord sur une question, nous ne devrions pas non plus nous attendre à un consensus parmi les dirigeants autochtones. Les communautés des Premières Nations, des Métis et des Autochtones sont diverses sur le plan culturel, politique et géographique et elles ont des opinions variées et valables.

Cependant, chers collègues, cela reviendrait à faire fi de tous les éléments probants que nous avons accumulés que d’omettre le fait que la majorité des dirigeants autochtones appuient le projet de loi C-15. Cela comprend les dirigeants nationaux de l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami.

Nous avons aussi reçu des lettres, des mémoires et des témoignages de nombreux représentants d’organismes communautaires détenteurs de droits qui appuient le projet de loi C-15, notamment : la conseillère en chef de la nation Haisla, le chef national de la nation dénée, le grand chef du Grand conseil des Cris, le grand chef du Conseil tribal des Gwich’in, le chef de la Première Nation de Pasqua, la chef de la nation crie de Chisasibi, la nation crie de Nemaska, le chef de la nation crie de Samson, la nation crie d’Eastmain, la nation crie de Wemindji, la Première Nation de Tzeachten, la nation crie d’Oujé-Bougoumou, la chef de la Première Nation de Lennox Island, la chef de la nation crie de Washaw Sibi, le chef de la Première Nation de Whapmagoostui, le chef de la nation crie d’Enoch et le chef de la tribu de Louis Bull.

Des chefs d’entreprise autochtones nous ont également expliqué comment le projet de loi C-15 pouvait faciliter la réconciliation économique, ainsi que le rôle que le développement économique durable peut et doit jouer dans la correction du désavantage socioéconomique. Parmi ces témoins, on retrouve : le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, le Conseil national de développement économique des Autochtones, l’Association nationale des sociétés autochtones de financement et la First Nations Major Projects Coalition.

De plus, un grand nombre d’avocats et d’universitaires issus des Premières Nations et des nations métisses et inuites sont en faveur de l’adoption du projet de loi, bien qu’ils aient suggéré des façons de l’améliorer. Parmi ceux-ci figurent Mary Ellen Turpel-Lafond et Ellen Gabriel, de même que les professeures Noami Metallic, Sheryl Lightfoot, Val Napoleon, Brenda Gunn et Pam Palmater.

Prenons un instant, chers collègues, pour remercier ce groupe remarquable de femmes autochtones de premier plan, des femmes brillantes, avisées, vouées à la pleine réalisation des droits fondamentaux des Autochtones. Leur voix est d’une importance cruciale et le demeurera pendant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Bref, divers éléments permettent d’affirmer que le projet de loi C-15 bénéficie d’un vaste appui.

Finalement, je tiens à être très claire, honorables sénateurs. Bien que je sois très reconnaissante au gouvernement d’avoir tenu la promesse qu’il avait faite au Sénat en 2019, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne se concentre pas sur le gouvernement et sur ses réalisations. Bien que je sois reconnaissante à nos collègues du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, ainsi qu’aux greffiers, aux traducteurs et autres employés pour tout le travail qui a été fait pendant l’étude du projet de loi, l’adoption du projet de loi C-15 doit mener à autre chose qu’à féliciter le Sénat et la marraine du projet de loi.

En adoptant le projet de loi C-15, nous honorons les dirigeants des années 1970 qui ont entrepris les démarches pour faire respecter les droits fondamentaux des peuples autochtones. Il s’agit de la prochaine étape à franchir après plus de deux décennies de travail qu’ont fait les peuples autochtones à l’ONU pour rédiger, négocier et adopter la déclaration.

Il s’agit de respecter tous les militants, les juristes et les universitaires autochtones qui ont travaillé pour que la déclaration s’applique au pays depuis 2007. Il s’agit de reconnaître chacun des plus de 7 000 survivants des pensionnats autochtones, qui ont raconté leurs expériences après avoir été privés de leurs droits et les traumatismes portés par eux et leurs familles. Il s’agit des milliers d’enfants qui sont morts dans l’anonymat alors qu’ils fréquentaient les pensionnats et des familles qui sont toujours en deuil.

Il s’agit de toutes les femmes et les filles autochtones assassinées ou portées disparues. Il s’agit des enfants qui grandissent en ce moment dans des communautés autochtones en étant privés d’un logement adéquat, d’eau potable et de soins de santé appropriés, et sans avoir accès au même soutien éducatif que les autres enfants canadiens.

Il s’agit de l’accès aux terres et aux eaux, aux aliments et aux remèdes traditionnels, et à la capacité d’exprimer sa culture traditionnelle et d’organiser des cérémonies spirituelles en toute liberté et avec fierté. Il s’agit de toutes les pipes qui ont été soulevées et de toutes les prières qui ont été offertes pour la guérison des peuples, des familles et des communautés autochtones.

Alors que nous avançons dans le processus et concluons nos discussions sur le projet de loi C-15, nous devons nous souvenir que la déclaration affirme les droits fondamentaux et le droit à l’autodétermination des peuples autochtones. La déclaration vise le respect d’une gamme complète de droits économiques, sociaux, culturels, politiques et civils qui sont essentiels à la dignité et au bien-être des peuples autochtones.

Il s’agit de s’attaquer aux nombreuses preuves du racisme et de la discrimination systémiques que vivent les peuples autochtones et de l’héritage du colonialisme. À ce jour, les preuves continuent de s’accumuler sous la forme d’innombrables rapports et enquêtes révélant des pratiques discriminatoires, que l’on pense à la santé, aux services de police, au système de justice ou à la prestation des services publics.

Honorables sénateurs, il s’agit d’une autre étape — une étape importante — dans la mise en œuvre des droits fondamentaux des peuples autochtones au Canada.

N’échappons pas le ballon avant de franchir la ligne d’arrivée. Adoptons ce projet de loi. Nos ancêtres et nos arrière-petits-enfants comptent sur nous. Kinanaskomitin. Hiy hiy.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénatrice LaBoucane-Benson, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Oui.

L’honorable Raymonde Saint-Germain [ - ]

Je vous remercie, sénatrice LaBoucane-Benson, de votre intervention. Vous avez beaucoup parlé des consultations effectuées auprès des différents peuples autochtones du Canada et de leurs réactions, tant positives que négatives.

Ma question porte sur les consultations qui ont été menées avec les premiers ministres des provinces et des territoires. J’ai devant moi une lettre datée du 29 mars dernier. Elle a été rédigée par les premiers ministres du Nouveau-Brunswick, du Québec, de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, qui sont d’avis qu’ils n’ont pas été suffisamment consultés ni entendus.

Je les cite :

Le Canada dispose déjà d’un cadre juridique et politique unique, comme en témoignent notre Constitution, les traités et la common law, qui affirment et protègent les droits des peuples autochtones. Ce cadre a été minutieusement éclairci par des décennies de décisions politiques et de litiges et porte l’empreinte du contexte unique de notre pays.

Le projet de loi C-15 remplacera ce cadre juridique déjà connu par des décennies d’incertitudes à venir, ce qui posera une menace pour les investissements et la progression future de la réconciliation.

Évidemment, j’ajouterai à leurs préoccupations la nécessité de reconnaître le contexte tout à fait particulier des peuples autochtones du Canada, qui est très différent de celui d’autres pays également signataires de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Ma question est donc la suivante. Dans ce contexte, croyez-vous que toutes les adaptations nécessaires ont été effectuées dans le projet de loi C-15 afin de bien tenir compte de la spécificité canadienne dans son ensemble? Si oui, comment?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je vous remercie de cette question.

Je rappelle à nos collègues que la consultation se poursuit et que rien ne changerait au cas où le projet de loi serait adopté et recevrait la sanction royale. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un instrument d’interprétation qui est employé au Canada depuis 2010, et ce sera encore le cas après la sanction royale. On établira un plan d’action qui contribuera à mieux promouvoir les droits de la personne des Autochtones. Merci.

La sénatrice Saint-Germain [ - ]

Dois-je comprendre de votre réponse que ma province, le Québec, qui emploie déjà son propre processus de consultation efficace, fondé sur les pourparlers de nation à nation, ne se verra pas imposer un nouveau processus d’évaluation fédéral qui pourrait compliquer la mise en œuvre de projets au Québec ou dans toute autre province?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je vous remercie de cette question. Je dirais que les peuples autochtones du Québec ont déjà des droits garantis par l’article 35. Ces droits ont été étudiés à maintes reprises. Des décisions ont été rendues par la Cour suprême du Canada, et toute cette jurisprudence continuerait de s’appliquer.

On se sert déjà de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme instrument d’interprétation. De ce point de vue, rien ne changerait dans l’immédiat. Pour ce qui est de la mise en œuvre du plan d’action, de l’établissement de principes et de la définition du concept de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, tout cela sera élaboré au fil du temps.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ - ]

Je suis heureux de pouvoir poser une question.

Sénatrice LaBoucane-Benson, en juin dernier, le gouvernement a entamé des consultations auprès d’organismes autochtones nationaux, et des organismes communautaires n’ont été inclus dans ce processus qu’à l’automne, et ce, après la production d’une ébauche.

La liste des intervenants consultés que le gouvernement a soumise comprend des personnes qui ont clairement dit n’avoir jamais été consultées.

Le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause implique, dit-on, une consultation ab initio — « dès le début » —, avant que des projets ne soient élaborés par le gouvernement ou les organisations inuites nationales. J’aimerais savoir si vous êtes d’accord pour dire que cette approche descendante dont nous avons entendu parler dans notre étude est un mauvais modèle et contraire au principe du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause tel qu’il est envisagé dans la Déclaration des Nations unies.

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Merci à mon collègue pour sa question. Ce que je dirais, c’est que nous avons beaucoup parlé de consultation au sein de notre comité. Le ministre nous a dit qu’il promettait de faire un meilleur travail de consultation à l’avenir. Je vous remercie.

Le sénateur Patterson [ - ]

Vous avez parlé du plan d’action, sénatrice, et nous nous sommes occupés récemment d’un plan d’action, qui n’était certainement pas aussi important que celui correspondant aux 46 articles de la Déclaration des Nations unies. Il s’agit du plan d’action découlant des recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Après deux ans, et un an après la date butoir, ce qu’on a obtenu de mieux du plan d’action dans le cadre de cette enquête, c’est un rapport en vue de faire un plan — un plan pour faire un plan — sans aucune action ni aucun engagement financier clair.

Dans la foulée de cette expérience toute récente, j’aimerais vous demander — et peut-être que dans deux ans, nous pourrons comparer nos notes — dans quelle mesure il est réaliste, selon vous — surtout que notre comité recommande que le plan d’action aborde des questions complexes comme le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, pour n’en nommer qu’une —, d’avoir approuvé à l’autre endroit un amendement au projet de loi qui réduit le délai d’exécution du plan d’action de trois à deux ans? Vous croyez vraiment cela faisable?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je vous remercie de votre question. Je dirais que ce plan d’action me donne beaucoup d’espoir parce qu’il est assorti d’un cadre de reddition de comptes enchâssé dans la loi. J’espère sincèrement qu’il sera terminé d’ici deux ans et que le cadre de reddition de comptes nous permettra de demander des comptes au gouvernement, que ce soit le gouvernement actuel ou tout futur gouvernement, et de voir à ce que le plan d’action soit mis en œuvre.

Le sénateur Patterson [ - ]

J’espérais vous entendre, sénatrice LaBoucane-Benson. Vous dites que vous espérez sincèrement. N’est-ce pas le souhait de chacun de nous?

J’aimerais vous demander, est-ce réaliste? Prédisez-vous que le plan d’action aura été complètement mis en œuvre d’ici deux ans, comme il est prévu? Comme vous l’avez souligné, il ne s’agit pas d’une politique. C’est une mesure législative sans conséquence si elle n’est pas respectée.

Croyez-vous que l’engagement ferme indiqué uniquement dans la mesure législative sera respecté? Est-ce votre prédiction?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je remercie mon honorable collègue pour cette question. Comme il le sait, je n’ai pas de boule de cristal devant moi. Je n’ai aucun moyen de prédire comment les consultations vont se dérouler. Il y a de nombreux facteurs qui entrent en jeu.

Je crois réellement que ce plan d’action peut être réalisé. Je me rappelle qu’à notre première réunion de comité, j’avais demandé au gouvernement — c’était peut-être dans une autre réunion — s’il serait prêt à régler les questions les plus faciles en premier et de s’occuper des plus complexes plus tard. Je n’avais aucune prise sur cette décision et je n’ai pas de boule de cristal.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Avec plaisir.

Le sénateur Gold [ - ]

C’est une question facile à laquelle elle pourra répondre simplement par oui ou par non.

Concernant la crainte que le projet de loi ait une incidence sur les autorités provinciales responsables, notamment celles de ma province, le Québec, ne croyez-vous pas que le projet de loi précise très clairement qu’il ne s’applique qu’aux lois du Parlement du Canada, c’est-à-dire aux lois fédérales, et ne s’applique donc pas aux lois provinciales et aux autorités de réglementation dont le pouvoir découle de ces lois provinciales?

Ne convenez-vous pas que certaines provinces, telles que la Colombie-Britannique, où j’ai eu le privilège d’étudier, ont amorcé leurs propres démarches en vue d’utiliser la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de l’adopter pour l’appliquer aux domaines relevant de leur compétence?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je vous remercie de la question. Je suis désolée si je n’ai pas été claire la première fois. Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous.

L’honorable Pat Duncan [ - ]

La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Volontiers.

La sénatrice Duncan [ - ]

Merci, sénatrice LaBoucane-Benson. Le sénateur Gold ayant posé une question sur l’applicabilité du projet de loi C-15 dans les champs de compétence des provinces, pourrais-je poser une question comparable au sujet des territoires? Notre situation est différente de celle des provinces en ce sens que, par exemple, la Loi sur le Yukon et la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon sont toutes deux des lois fédérales.

Comment se propose-t-on d’appliquer les dispositions prévues dans le projet de loi C-15 aux lois fédérales régissant le gouvernement territorial du Yukon?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je vous remercie de cette excellente question, sénatrice Duncan.

D’après ce que je comprends, le projet de loi ne vise que les lois fédérales, c’est-à-dire les lois du Canada, et je crois qu’il ne touche pas les lois du Yukon ou la Loi sur le Yukon.

La sénatrice Duncan [ - ]

Dans le même ordre d’idées, la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon est une loi fédérale et le projet de loi C-15 est censé s’y appliquer. Je comprends votre réponse au sujet de la Loi sur le Yukon. Il s’agit aussi d’une loi fédérale. La sénatrice voudrait-elle revoir sa réponse à la question?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Merci, sénatrice Duncan. J’admets que je m’y connais moins que vous au sujet de l’application de cette loi au Yukon. Donc, pour l’instant, je n’ai pas de réponse à votre question. Je m’en excuse.

La sénatrice Duncan [ - ]

Merci, sénatrice. Je veux que l’on comprenne que, d’après moi, la plupart des Yukonnais appuient pleinement le projet de loi C-15 et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En effet, celle-ci a fait l’objet d’une motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée législative du Yukon il y a déjà quelque temps.

Le plan d’action sera crucial, en particulier dans son harmonisation avec le projet de loi. Ce sera très important pour les Yukonnais. Je pense pouvoir me fier à l’engagement de la sénatrice envers le plan d’action et la confiance qu’elle y met pour dire qu’il sera élaboré de concert avec les Premières Nations du Yukon, dans le respect des traités qui sont déjà reconnus par la Constitution. Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je remercie la sénatrice Duncan de ses questions et de sa déclaration. J’attends avec impatience que le plan d’action soit prêt et je sais qu’on est en train de l’élaborer de façon très inclusive et de manière à comprendre le Yukon.

L’honorable David Richards [ - ]

J’ai une brève question, sénatrice. Êtes-vous bien en train de nous dire qu’aucun goulot d’étranglement ne sera créé dans l’adoption des projets de loi et qu’aucun droit de veto n’est accordé? Je vous le demande parce que beaucoup de gens craignent qu’il y ait encore plus de stagnation dans les relations entre les Premières Nations et le reste du Canada qu’il n’y en a actuellement.

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je vous remercie de votre question. Quelques-uns des plus brillants juristes du Canada qui s’intéressent à la manière dont la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sera mise en œuvre dans le contexte canadien se sont exprimés à ce sujet et ils ont très clairement indiqué qu’aucun droit de veto n’est accordé. Nous avons entendu des témoins nous expliquer de façon très détaillée comment les négociations axées sur le consentement, notamment les négociations d’un cadre, sont peut-être le seul moyen d’obtenir l’assentiment permettant de réaliser de bons projets au Canada.

Dans le cadre de négociations axées sur le consentement, on consulte les peuples autochtones dès qu’un projet est proposé. Ils participent au processus décisionnel, ce qui permet à d’excellents projets d’aller de l’avant.

Alors non, il ne s’agit pas d’un veto. C’est plutôt une chance pour les Autochtones de s’intégrer pleinement au paysage économique du Canada.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénateur Patterson, je vois que votre main est encore levée. Voulez-vous poser une autre question?

Le sénateur Patterson [ - ]

Si vous le permettez, Votre Honneur.

Sénatrice, avec tout le respect que je dois au sénateur Gold, l’absence de risque d’intrusion fédérale dans les champs de compétence des provinces n’est pas aussi évidente qu’il le prétend. Au Canada, il existe de nombreuses compétences partagées — par exemple, la santé, l’environnement et la protection de l’enfance — et le gouvernement fédéral se sert du prétexte que, selon la Constitution, les peuples autochtones relèvent de sa compétence pour s’ingérer dans des champs qui relèvent des provinces et des territoires, en particulier dans ces domaines.

La protection de l’enfance en est le meilleur exemple. Vous savez peut-être que le Québec poursuit le Canada parce qu’il empiète sur ses compétences en matière de services de protection de l’enfance destinés aux communautés autochtones. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles le gouvernement fédéral serait en train de préparer une loi sur la santé qui, sous le couvert d’une mesure législative à l’intention des Autochtones, empiète sur ce qui, de toute évidence, constitue un champ de compétence provinciale dans ce domaine.

J’aimerais donc poser la question suivante à la sénatrice LaBoucane-Benson : comment pouvons-nous prévenir une intrusion fédérale dans les champs de compétence des provinces et les domaines à compétences partagées? Comment pouvons-nous avoir l’assurance que cette sorte d’ingérence dans les compétences provinciales ne se poursuivra pas, sous prétexte de protéger les droits des Autochtones, ce que redoutent vraiment les premiers ministres de six provinces représentant la majorité de la population canadienne?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Merci de votre question. Avant tout, comme je l’ai dit plus tôt, ce projet de loi ne concerne que les lois fédérales.

Je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites qu’on invoquerait les droits des Autochtones comme prétexte, mais qu’en fait, la responsabilité des enfants autochtones — à la garde et au contrôle de ces enfants — reviendrait aux provinces. Je crois que c’est une question dont nous avons débattu dans le cadre du projet de loi C-92, lors de la législature précédente, et que la majorité des sénateurs étaient d’accord pour dire que la responsabilité relative aux enfants autochtones devrait revenir aux familles, aux nations et aux organisations autochtones.

Alors je ne crois pas que les droits des Autochtones puissent servir de prétexte pour quoi que ce soit. La réconciliation implique notamment qu’on établisse à qui reviennent les responsabilités relatives aux peuples autochtones en vue de leur accès à l’autodétermination. Ce n’est pas un prétexte. C’est la réconciliation. Le Canada fait ce qu’il faut pour que les peuples autochtones soient aux commandes de leur destinée et qu’ils accèdent à l’autodétermination. Merci.

Le sénateur Patterson [ - ]

Avec la réponse que vous venez de donner, sénatrice LaBoucane-Benson, ne croyez-vous pas que le gouvernement fédéral devrait ouvrir le dialogue avec les provinces et les territoires et en faire plus pour leur assurer que, dans les domaines de compétence partagée, leurs compétences seront respectées?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Merci, sénateur. Je crois savoir que le gouvernement fédéral a tendu la main aux provinces et qu’il a eu de nombreuses conversations avec elles. Je ne peux donc pas me prononcer sur ce qui serait une meilleure façon de faire. Je vous remercie.

L’honorable Scott Tannas [ - ]

Sénatrice LaBoucane-Benson, je veux juste revenir à la question du sénateur Gold parce que vous vous souviendrez que, lors de l’analyse article par article, nous avons découvert un petit problème dans le libellé concernant les lois du Canada — le droit canadien et la traduction française — qui était « lois fédérales », si je ne me trompe pas. C’est la vaillante sénatrice Forest-Niesing qui a souligné que les versions francaise et anglaise ne disaient pas la même chose. Une partie de nos observations, qui ont été annexées au rapport, aborde la question.

À part les préoccupations de la sénatrice Duncan, s’il était possible de présenter un document au Sénat qui précise que cela ne concerne que les lois fédérales, cela contribuerait grandement à répondre aux préoccupations du sénateur Patterson et des autres premiers ministres provinciaux, et à éclaircir la question de savoir s’il y a une différence entre la version française, pour ceux qui lisent le français et qui considèrent qu’elle s’applique à eux, et la version anglaise, qui serait naturellement sujette à l’interprétation d’autres personnes. Je vous remercie.

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Merci, sénateur, de la question. Les témoignages de fonctionnaires ont montré très clairement qu’il n’y avait aucune ambiguïté. Les versions française et anglaise veulent dire la même chose. Il arrive souvent dans le droit canadien que ces termes soient utilisés de manière interchangeable. Bien que les anglophones puissent avoir l’impression que le sens n’est pas le même, les fonctionnaires m’ont assuré que c’est le cas.

L’honorable Patrick Brazeau [ - ]

La sénatrice LaBoucane-Benson accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

J’en serais ravie. Merci.

Le sénateur Brazeau [ - ]

Je vous remercie. En ce qui concerne la division des champs de compétence entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, l’article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 est plutôt clair : il indique que les pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral comprennent ce qui touche « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ».

De toute évidence, quand ce point a été rédigé à l’origine, beaucoup de termes et d’étiquettes n’étaient pas encore utilisés, par exemple « Indiens inscrits », « Indiens non inscrits », « Métis », « Indiens visés par un traité » ou « Indiens non soumis aux traités ». L’un de mes prédécesseurs, Harry Daniels, était président du Conseil des autochtones du Canada, qui est devenu ensuite le Congrès des peuples autochtones. Il a intenté une action en justice qui s’est rendue jusqu’à la Cour suprême. La question à régler : comme le gouvernement fédéral avait inventé toutes sortes de catégories d’« Indiens » au fil des ans, les demandeurs voulaient vérifier si le pouvoir du gouvernement s’étendait à toutes ces catégories. La Cour suprême a dit que oui.

Bref, pour revenir aux questions que vous aviez plus tôt et au partage des compétences, ne croyez-vous pas que, si le gouvernement fédéral mettait vraiment en œuvre la décision, très claire, de la Cour suprême et la respectait, les Premières Nations pourraient peut-être un jour ne plus être mêlées aux querelles sur le partage des compétences fédérales et provinciales, comme elles le sont actuellement?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je remercie mon collègue de ses commentaires. Je pense que la question que vous avez soulevée fait partie de la révision des lois prévue à l’article 5 du projet de loi C-15 qui est si importante. Nous devons examiner sérieusement les lois du Canada, nous pencher sur les décisions de la Cour suprême et les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et apporter des modifications à nos lois qui sont importantes pour les peuples autochtones et qui mettent au premier plan la capacité des peuples autochtones à s’autodéterminer et à jouir de leurs droits fondamentaux. Merci.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénateur Brazeau, avez-vous une autre question?

Le sénateur Brazeau [ - ]

Je tiens à faire une brève observation. Je remercie la sénatrice de sa réponse. C’est incroyable; lorsque j’étais chef national, un ancien ministre des Affaires indiennes m’a demandé d’abandonner l’affaire Daniels. Je suis donc très heureux d’avoir tenu bon, d’avoir défendu mes principes et d’avoir dit « non ».

L’honorable Renée Dupuis [ - ]

J’ai une question à poser à la marraine du projet de loi C-15, la sénatrice LaBoucane-Benson.

J’ai devant moi le projet de loi qui a été adopté par la Chambre des communes le 25 mai 2021.

À l’article 4, on mentionne que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un instrument international universel qui trouve application en droit canadien.

Je vais lire l’article.

Il dit ceci : « […] qui trouve application en droit canadien […] ».

Il n’y a aucune référence aux lois fédérales dans ce texte — à tout le moins dans la version que j’ai, vous en avez peut-être une version plus récente.

Pouvons-nous obtenir une réponse claire de la part du gouvernement, à travers vous, sénatrice LaBoucane-Benson, pour savoir quelle est la référence précise? Quand on parle du droit canadien, on parle du droit qui régit l’État canadien dans ses deux composantes, fédérale et provinciale. Si on parle des lois fédérales, en principe, on parle du Parlement canadien, et si on parle des juridictions provinciales, on parle des lois provinciales.

Est-ce que vous, ou quelqu’un d’autre, par votre intermédiaire, pourriez apporter des précisions sur cette question?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je serais heureuse de le faire. Je vous remercie de votre question.

Comme vous, bien des gens ont fait remarquer que l’article 4a) inclut l’expression « qui trouve application en droit canadien ». Cela signifie qu’elle s’applique expressément et uniquement au droit fédéral. Merci.

La sénatrice Dupuis [ - ]

À la suite d’une question qui a été posée précédemment, le représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold, a lui-même posé une question dans laquelle il a fait référence aux lois fédérales.

Est-ce possible — et ce n’est pas ce qui a été dit jusqu’ici — d’avoir des précisions sur cette question en particulier?

Que veut dire « droit canadien »? Normalement, si on veut être très, très précis quand on parle de droit canadien, on ajoute une définition. Je veux juste savoir s’il est possible d’obtenir ces précisions.

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Honorable sénatrice, je vous remercie pour votre question. Je ne peux pas donner plus de précisions que celles que j’ai déjà données. Merci.

L’honorable Howard Wetston [ - ]

Sénatrice LaBoucane-Benson, accepteriez-vous de répondre à une autre question, s’il vous plaît?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

J’en serais heureuse.

Le sénateur Wetston [ - ]

Je vous remercie de votre travail et d’être la marraine du projet de loi.

Je me pose une question. Où sont les promoteurs de projets? Quelle place ont-ils dans ce cadre, en tant qu’instrument interprétatif? Vous vous souvenez sans doute de l’excellent travail réalisé pour le projet de loi C-69, par vous-mêmes et d’autres membres du comité. À cette occasion, il a fallu évaluer de nombreux critères à prendre en compte dans le cadre des évaluations d’impact. C’est une question importante, car, vous en conviendrez, la réalisation de projets est indispensable à la croissance économique, et il faut trouver un juste équilibre entre toutes les parties prenantes dans un tel contexte.

Si nous revenons au projet de loi C-15, ma question est la suivante : que faire si on n’obtient pas le consentement? Existe-t-il des circonstances dans lesquelles, en l’absence de consentement lors du déroulement des consultations, un projet peut tout de même aller de l’avant? Quelles seraient ces circonstances?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ - ]

Je rappelle à mon collègue que, lorsque le projet de loi obtiendra la sanction royale, le consentement libre, préalable et éclairé ne sera pas inscrit dans le droit canadien. Les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones serviront à interpréter les lois canadiennes. La jurisprudence relative à l’article 35, qui figure en fait dans la Loi sur l’évaluation d’impact, serait appliquée.

Si vous voulez parler de la façon dont fonctionnent les articles, il y a une question d’équilibre, même dans les articles eux-mêmes. Il y a un article qui parle du consentement libre, préalable et éclairé, et un autre dans lequel on parle de l’équilibre. Le consentement ne signifie pas le consensus. Il faut trouver un juste équilibre entre tous les points de vue.

Lorsque je parle de tables de négociation axées sur le consentement, ce que les personnes qui ont réussi à le faire dans le cadre de projets importants disent, c’est que si les peuples autochtones sont conviés à la table dès le début, s’ils font partie du processus décisionnel du début à la fin, il est bien plus aisé de trouver une solution avantageuse pour tout le monde. Il est bien plus facile d’obtenir le consentement de toutes les parties. Si on s’assoit autour d’une table axée sur le consentement et qu’on parvient à un accord, le Canada est gagnant, l’industrie est gagnante et les Premières Nations sont gagnantes. C’est là que réside l’essence du consentement libre, préalable et éclairé. Il ne s’agit pas d’avoir un droit de veto, il s’agit de se retrouver gagnant.

Le sénateur Wetston [ - ]

Selon moi, la question est que l’on constate, lorsqu’on examine cet équilibre, qu’il ne s’agit pas d’un veto, et je crois que vous êtes d’accord avec moi. Bien sûr, je n’y vois aucun problème. Il s’agit d’un instrument d’interprétation. La loi, c’est bien connu, dispose de documents d’interprétation. Il ne s’agit pas du seul instrument d’interprétation. Les instruments d’interprétation peuvent parfois prendre la forme de documents de fond d’un point de vue juridique.

Comment passe-t-on d’un document d’interprétation à quelque chose qui a une incidence plus importante? Je n’essaie pas d’obtenir de conseils juridiques sur le fonctionnement de ces documents. Je pense que ce qui importe le plus, quand on n’arrive pas à obtenir le consentement, c’est de constater que le projet pourrait ou ne pourrait pas aller de l’avant. Personnellement, quand je pense à un instrument d’interprétation, j’estime qu’il faut prendre du recul et se demander si, dans une société démocratique, un projet peut tout de même aller de l’avant pourvu que l’on protège les droits et que l’on inclue des mesures d’atténuation. Selon moi, il s’agit de concepts importants. Croyez-vous que cet instrument pourrait fonctionner ainsi?

Son Honneur le Président [ - ]

Je suis désolé, sénatrice LaBoucane-Benson, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)

Non.

Son Honneur le Président [ - ]

J’ai entendu un « non ». Je suis désolé, sénatrice LaBoucane-Benson.

L’honorable Dan Christmas [ - ]

Honorables sénateurs, c’est avec humilité que j’interviens pour parler brièvement du projet de loi C-15. Je veux vous expliquer la voie que nous avons suivie pour nous rendre jusqu’ici, c’est-à-dire à l’étape de la troisième lecture, à la suite de l’étude préalable et de l’étude qui s’en est suivie au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je peux affirmer, honorables sénateurs, que cela a été un parcours du combattant, parcours parsemé d’une myriade de défis que nous avons pourtant relevés pour obtenir de bons résultats grâce à la sagesse des experts juristes et autochtones qui ont témoigné, et aux récits passionnés des détenteurs de droits et de ceux qui sont touchés directement par les dispositions du projet de loi.

Quand on nous a appris ce printemps que le projet de loi allait être renvoyé à notre comité, j’ai ressenti un mélange d’exaltation et d’appréhension. Après tout, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fait partie de la société civile et des politiques publiques en tant qu’instrument international, du moins depuis son adoption par les Nations unies le 13 septembre 2007, et durant de nombreuses années auparavant. Honorables sénateurs, nous avons été motivés par le sentiment de devoir réussir. Nous avions lutté avec son précurseur, le projet de loi C-262, dans ce qui est devenu une expérience très difficile et éprouvante pour diverses raisons. Nous savons tous que cette version du projet de loi n’a pas abouti il y a deux ans. Tout de même, nous en avons tiré de bonnes leçons et le comité a fait de son mieux pour les appliquer.

Nous étions déterminés à mener une étude juste, équilibrée, transparente et pragmatique. Nous avions décidé d’entendre un nombre égal de partisans et d’opposants au projet de loi. Nous étions fermement résolus à faire en sorte que nous disposerions du temps et des moyens nécessaires pour mener une étude aussi complète que possible, et ce, en pleine pandémie et malgré les contraintes liées aux séances à distance et hybrides. Toutefois, honorables sénateurs, je peux affirmer humblement que nous avons atteint notre objectif, d’une manière qui a certainement dépassé mes propres attentes.

Du 7 mai au 7 juin, nous avons tenu 24 heures de séances sur six jours de réunions. Nous avons reçu 52 mémoires et 23 lettres de gens désireux de faire connaître leur opinion. Pendant cette période, nous avons également réussi à organiser deux groupes d’étude dans le cadre de l’examen du projet de loi C-30 mené par le Sénat.

En ce qui a trait au projet de loi C-15, nous avons reçu 52 témoins, des organisations et des particuliers. Ce nombre passe à 81 si on inclut les conseillers techniques qui étaient présents. Les audiences du comité ont impliqué de longues journées de réunion et de nombreux groupes de témoins qui avaient des opinions diverses et parfois opposées et à qui nous avons posé des questions.

Je veux remercier de tout cœur les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et leur exprimer ma gratitude. Vous avez merveilleusement bien travaillé ensemble dans un esprit de collaboration et de collégialité. Votre dévouement et votre patience face à cette tâche colossale ont été incroyables. Je veux saluer plus particulièrement les trois sénateurs qui sont membres du comité directeur avec moi, l’honorable Dennis Patterson, l’honorable Brian Francis et l’honorable Scott Tannas. Vous avez tout fait en votre pouvoir pour abattre cette tâche et vous aviez tous des motivations uniques. Vous avez été l’exemple parfait de ce qu’il faut faire pour mener à bien les travaux du Sénat. Je vous remercie beaucoup pour votre travail de collaboration.

J’espère que nous aurons défini la nouvelle pratique exemplaire qui servira de modèle aux comités quand viendra le temps de s’élever au-dessus des considérations partisanes pour informer le Sénat sur les projets de loi complexes qui sont à l’étude, comme le projet de loi actuel.

Nous n’aurions pas pu y arriver sans l’incroyable contribution de l’équipe de la Direction des comités : notre greffière, Andrea Mugny, son assistante, Nathalie Boutros, et, bien sûr, la greffière principale des comités, Shaila Anwar.

L’excellent travail et le dévouement des analystes de la Bibliothèque du Parlement Sarah Fryer et Brittany Collier ont été tout aussi essentiels à la réussite de cette entreprise. Nous apprécions la contribution des gens qui sont nombreux à travailler dans l’ombre : les traducteurs, les sténographes, les techniciens de diffusion et le personnel administratif. Nous tenons souvent pour acquis leurs efforts, mais sans eux, nous n’aurions pas pu y arriver.

Nous remercions en particulier ceux qui se sont retrouvés en première ligne parce qu’ils ne pouvaient pas travailler à partir de la maison. Ils ont donc dû se rendre au Sénat en risquant leur santé afin que nous puissions mener cette étude. Ce travail remarquable n’aurait pu avoir lieu sans votre dévouement et votre professionnalisme. Nous vous sommes redevables et nous vous remercions de ne jamais manquer à votre devoir.

Enfin, voici mon dernier remerciement, qui n’est en aucun cas le moindre. Nous devons tous exprimer notre gratitude à l’ancien député Romeo Saganash, dont le projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-262, a ouvert la voie à l’adoption éventuelle du projet de loi C-15.

Honorables sénateurs, au cours des prochains jours, nos collègues vous parleront beaucoup de la profondeur et de la portée de notre étude de ce projet de loi et des principaux thèmes que notre analyse a permis de dégager. Alors que vous réfléchissez aux différents points de vue et que vous vous informez pour décider comment vous allez voter, je voudrais vous demander une seule chose. Que vous soyez pour ou contre, je vous encourage humblement et respectueusement à voter et à éviter de vous abstenir.

Je ne tente aucunement d’influencer votre choix. S’il y a un vote par appel nominal au lieu d’un vote oral, les Autochtones ont besoin de savoir clairement ce qu’en pensent les parlementaires. C’est pour cette raison que je vous encourage, honorables sénateurs, à bien vouloir voter pour ou contre.

Cette question, chers collègues, a une grande importance pour les Premières Nations, les Métis, les Inuits, les détenteurs de droits, les nations visées par des traités et, plus encore, pour l’établissement de véritables relations de nation à nation. C’est d’une importance cruciale pour le Canada alors qu’il cherche à trouver les façons d’avancer sur la voie de la paix et de l’amitié avec les peuples autochtones.

Wela’lioq. Merci.

L’honorable Carolyn Stewart Olsen [ - ]

Merci, sénateur Christmas, de cette reconnaissance très gracieuse d’un comité qui a accompli une tâche difficile. J’ai été vraiment impressionnée par la gentillesse et la collaboration de personnes ayant des opinions opposées. C’était vraiment un plaisir, en fait, de participer et de travailler au sein du comité. Je vous remercie.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L’objectif du projet de loi, comme vous pouvez le deviner d’après le titre, est de garantir l’intégration de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien.

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est appuyée par le Canada depuis que le gouvernement Harper l’a avalisée en 2010. Dans une déclaration de l’Assemblée des Premières Nations, on peut lire ce qui suit :

Le moment est venu de travailler ensemble à l’avènement d’une nouvelle ère d’équité et de justice pour les Premières Nations et d’un Canada plus fort pour tous les Canadiens, inspirés par les principes fondamentaux de la déclaration que sont le respect, le partenariat et la réconciliation.

Promouvoir la réconciliation est louable. Je ne pense pas que quiconque au Canada puisse raisonnablement s’y opposer. Cependant, pour y arriver, la réconciliation doit avoir une base sincère. Une loi qui vise à atteindre cet objectif — qui est louable, comme je l’ai dit — doit être crédible.

Nous devons donc nous demander si le projet de loi C-15 est effectivement crédible. Reflète-t-il les aspirations des peuples autochtones du Canada?

En tant que membre du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, j’ai entendu de nombreuses personnes et communautés, notamment des détenteurs de droits, qui sont venues témoigner devant nous pour nous dire ce que signifie le projet de loi C-15 pour elles. Beaucoup de personnes appuient sans réserve le projet de loi, mais bien des gens nous ont dit ne pas être prêts à lui donner le même sceau d’approbation.

On nous a expressément indiqué que le libellé est nébuleux et insuffisant et que le processus de consultation était incomplet et qu’il ne reflétait pas le point de vue de beaucoup de grandes communautés.

Dans une lettre adressée au premier ministre Trudeau, Stephen Buffalo, président et chef de la direction du Conseil des ressources indiennes, a déclaré ceci :

Quel paradoxe de présenter un projet de loi qui vise à accorder à des groupes non définis d’Autochtones un droit non défini au « plein consentement donné en connaissance de cause » sans mener de consultations ni tenter d’obtenir le « plein consentement donné en connaissance de cause » des Autochtones.

Dans la même lettre, il a déclaré ceci :

À part nous, la Coalition nationale des chefs, les dirigeants des Premières Nations visées par les Traités nos 6, 7 et 8 de l’Alberta et une dizaine d’autres Premières Nations au Canada ont exprimé des inquiétudes quant au fonctionnement du projet de loi en pratique et ils ont demandé des amendements importants.

L’Association des Iroquois et des Indiens alliés, qui représente sept Premières Nations en Ontario seulement, a d’autres choses à dire à ce sujet.

La grande chef adjointe Stacia Loft a souligné publiquement que :

Pour de nombreuses nations, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne pose aucun problème, mais beaucoup critiquent la version canadienne de la déclaration, car le processus de mise en œuvre comporte des lacunes depuis le début.

En décrivant le processus de consultation, la grande cheffe adjointe a indiqué ceci :

Des limites ont été imposées quant aux réunions, leur durée était déterminée et les périodes d’échanges ne permettaient pas de faire bon usage du temps alloué et des informations communiquées.

Peut-on parler du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause exigé dans la déclaration?

Nos collègues de l’autre endroit ont demandé à la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, de définir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans le contexte du projet de loi. Elle a dit que, pour que ce soit possible, il faudrait qu’il y ait consensus entre les différents partenaires autochtones. Ce consensus n’a assurément pas été obtenu et on ne peut présumer qu’il le sera.

Lors d’une réunion d’information au sujet du projet de loi d’initiative parlementaire qui a précédé le projet de loi C-15, Ross Pattee, sous-ministre adjoint, Secteur de la mise en œuvre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, a affirmé qu’« il n’existe aucun accord international ou national sur la signification du principe du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause ».

Pour trouver une définition plus utile, nous pouvons nous en remettre à notre ancien collègue le sénateur Murray Sinclair, qui avait défini le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de façon simple. Il a dit :

Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause [se résume à] avant de toucher à mes terres, vous devez me parler et vous devez avoir ma permission.

Pour qu’on puisse parler de consultation, il faut plus que l’opinion des lobbyistes et des organismes politiquement proches du parti au pouvoir.

Comme l’a souligné l’Association des Iroquois et des Indiens alliés :

Le Canada n’a pas adéquatement consulté les peuples autochtones et, dans les six semaines prévues pour le faire, seules quelques organisations et provinces ont été consultées.

Je crois également que quelques réunions menées à la va-vite en pleine pandémie ne constituent pas des consultations.

Comme l’a souligné Russ Diabo, représentant de Defenders of the Land, de Idle No More et du Truth Before Reconciliation Network :

Comment justifiez-vous la tenue d’une consultation à l’égard d’une loi fédérale qui aura des répercussions intergénérationnelles durables pendant une pandémie, alors que de nombreuses communautés et nations autochtones n’ont même pas la capacité d’intervenir ou d’analyser comme il se doit les répercussions sur leurs droits? Beaucoup n’ont même pas accès au WiFi.

Le grand chef okimaw de la Confédération des Premières nations du Traité no 6 est même allé plus loin. Il a ainsi affirmé :

Honnêtement, il n’y a rien eu de louable en ce qui concerne la consultation sur ce projet de loi. Il n’y a eu ni discussion, ni processus de participation, ni aucune ébauche soumise. La première fois que nous avons entendu parler d’un projet de loi, c’était en décembre 2020, pendant la pandémie.

Une consultation approfondie suppose de prendre contact avec toutes les communautés et tous les détenteurs de droits. Il ne s’agit pas d’un processus pro forma avec des résultats prédéfinis.

Consulter, cela signifie en particulier qu’il faut parler aux femmes autochtones, aux jeunes autochtones et à d’autres groupes comme les Autochtones trans et bispirituels.

Dans le budget fédéral de 2019, le gouvernement fédéral a indiqué que Canada Roots Exchange était une organisation de jeunes autochtones de premier plan. Le point de vue de ses membres sur le projet de loi C-15 est développé dans un mémoire qu’ils ont présenté à notre comité. Ils affirment ce qui suit :

Les jeunes à qui nous avons parlé ont été clairs : la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en tant que cadre canadien pour la réconciliation actuelle et future ne reflétera pas les besoins et les valeurs de leur communauté, à moins qu’on ne s’y prenne de la bonne façon. Cela signifie qu’il y ait un engagement substantiel, accessible, significatif et continu sur la mise en œuvre; que les communautés soient habilitées à mettre en œuvre la Déclaration à leur manière; et que la responsabilisation et la surveillance soient dirigées par les Autochtones [...]

Cet appel au leadership autochtone reflète les sentiments de M. Buffalo, dont j’ai présenté les commentaires au début de mon intervention. Plus loin dans sa lettre, il note que :

Les peuples autochtones en ont assez : nous ne voulons pas qu’Ottawa nous dise, du bout des lèvres et avec une tape paternaliste sur l’épaule, ce qui est bon pour nous. L’attitude et l’approche d’Ottawa, qui laissent entendre que cette nouvelle loi va nous être utile et nous ôter tous nos soucis, sont un exemple parfait de paternalisme et de colonialisme [...]

Plus loin, M. Buffalo poursuit sur le sujet des consultations :

Le fait qu’Ottawa n’ait pas mené de consultations dignes de ce nom et n’ait pas obtenu le consentement des Premières Nations sur un sujet aussi fondamental défie presque l’imagination [...]

Puis, il va droit au but : « Il est temps que le gouvernement cesse de nous ignorer. »

Compte tenu de ces graves lacunes dans le processus de consultation, il n’est peut-être pas surprenant que certains disent de ce projet de loi, ou du moins de son prédécesseur C-262, qu’il aurait pu s’intituler « Le moins qu’on puisse faire pour encore pouvoir prétendre appuyer la Déclaration de l’ONU ».

Le Parti libéral fédéral a fait campagne en promettant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en 2015 et en 2019. De plus, il n’a pas su garder le soutien de la femme autochtone occupant le poste le plus important de son caucus, non seulement de façon générale, mais également pour ce projet de loi en particulier.

Jody Wilson Raybould, ancienne ministre fédérale de la Justice et procureure générale, a dit ce qui suit dans le Globe and Mail :

[...] cela fait six ans que le gouvernement nous sert de grandes promesses relativement aux droits ancestraux et cela a donné bien peu de résultats concrets à long terme. À la lumière de cela, qui peut reprocher aux voix autochtones de s’opposer aussi fermement au projet de loi? Qui peut reprocher à d’autres voix autochtones de l’appuyer avec circonspection, voire, au mieux, tièdement?

En effet, les voix autochtones qui, initialement, ont applaudi le gouvernement libéral du Canada pour son appui de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ont depuis changé de position. Dans un communiqué concernant le projet de loi C-218, le Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke demande, en parlant du Canada : « [...] comment peut-on lui faire confiance pour promulguer une loi qui met véritablement en œuvre les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones? »

Chers collègues, les Autochtones disent ces choses parce qu’ils ne font pas confiance aux promesses du gouvernement.

Si c’est ça le résultat des consultations, il n’est pas étonnant que les gouvernements provinciaux aient également des réserves. Eux aussi ont été peu consultés.

Arlene Dunn, ministre des Affaires autochtones du Nouveau-Brunswick, a parlé au comité de divers facteurs qui préoccupent les provinces :

L’un d’eux est le peu de consultation effectuée [...] nous avons tenu trois réunions et avons peu discuté de ce problème.

Le problème dont parlait la ministre est l’ambiguïté du projet de loi concernant sa signification pour tout ce qui relève des provinces, un problème si préoccupant que six premiers ministres provinciaux ont signé une lettre priant le premier ministre de reporter la mise en œuvre du projet de loi.

Dans la lettre, les premiers ministres soulignent : « Ce projet de loi a fait l’objet de consultations insuffisantes et ne tient pas compte des préoccupations exprimées par les provinces. »

J’ai soulevé les mêmes préoccupations en comité auprès du ministre de la Justice et lui ai demandé simplement de s’engager à intensifier le dialogue avec les gouvernements provinciaux. Il a écarté ces préoccupations, se plaignant que l’un des ministres ne lui avait pas prêté attention. C’est sa description de la rencontre.

J’ai écouté, chers collègues, et ce que j’ai entendu m’indique que le projet de loi comporte des lacunes fondamentales qu’il faut régler. En tant que représentante régionale et défenseure des intérêts constitutionnels de ma province, je me joins au Nouveau-Brunswick pour m’opposer à ce qu’il considère comme une usurpation des compétences provinciales par le gouvernement fédéral.

Je suis également solidaire des communautés autochtones qui ont affirmé haut et fort, et à maintes reprises, aux Canadiens qu’ils n’accordent pas leur consentement — préalable, libre et éclairé, ou non — à ce projet de loi inadéquat et conçu à la hâte.

Comme je l’ai dit en début d’intervention, la réconciliation est un objectif louable que tous les gouvernements du Canada devraient viser.

Lorsqu’en 2010, le gouvernement Harper a entériné la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le communiqué indiquait :

[...] le Canada croit que la Déclaration est susceptible de contribuer positivement à la promotion et au respect des droits des peuples autochtones partout dans le monde.

L’opposition au projet de loi ne revient pas à rejeter ses objectifs, mais à faire valoir qu’il est possible de faire mieux.

Nous aurions intérêt à nous rappeler que la réconciliation n’aura jamais lieu avec une approche descendante. Une véritable réconciliation sera définie par les peuples autochtones et leurs communautés. Il nous incombe, en particulier au Sénat, d’écouter.

Comme l’a dit Mme Wilson-Raybould dans son article que j’ai cité, si le gouvernement Trudeau souhaite une véritable réconciliation, il doit « laisser le champ libre aux nations autochtones tandis qu’elles déterminent et façonnent leur avenir ».

Tant que nous n’aurons pas de véritable consensus sur ce que cela signifie, nous ne pouvons pas prétendre avoir mené les consultations substantielles qui sont nécessaires pour un projet de loi de cette nature. Par conséquent, le projet de loi ne devrait pas aller de l’avant dans sa forme actuelle.

Merci, chers collègues.

L’honorable Marty Klyne [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole depuis Regina, en Saskatchewan, sur le territoire visé par le Traité no 4, au cœur de la nation métisse.

Chers collègues, récemment, j’ai regardé l’émission Your Morning à CTV pendant laquelle on interviewait Randell Adjei, le premier poète officiel de l’Ontario, qui a été nommé ce printemps. Cet artiste et poète de renom a publié son premier recueil de poésie, intitulé I Am Not My Struggles, en 2018.

Pendant l’entrevue, M. Adjei a parlé d’un des vers de son poème intitulé Brokenness :

Un des vers se lit comme suit : « Si vous ne savez pas ce que c’est que d’être brisé, comment saurez-vous reconnaître la plénitude? Si vous n’avez jamais été brisé, comment saurez-vous mesurer votre croissance? »

J’ai trouvé le poème et je l’ai lu au complet et il m’a touché. Il m’a fait penser au projet de loi C-15 et à la défense des droits des peuples autochtones. Pendant l’entrevue en question, M. Adjei a affirmé que ce poème était :

[...] réellement un rappel pour tous que, peu importe ce que nous vivons [...] les difficultés nous définissent. [Il a dit croire] que les difficultés ont pour objectif de nous préparer à ce que nous vivrons plus tard et qu’elles bâtissent notre résilience.

Honorables sénateurs, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones améliore le sort de nombreux peuples opprimés dans le monde. Les injustices du colonialisme et du racisme et les conséquences intergénérationnelles qu’ils entraînent ont été vécues par de nombreux peuples. À mon sens, les mots de M. Adjei s’appliquent aux difficultés vécues par trop de peuples autochtones au Canada et nous montrent que les choses doivent changer.

Le poème me rappelle également que le projet de loi C-15 n’est pas l’œuvre de la bienveillance du gouvernement. La mesure législative est plutôt le fruit de décennies de luttes populaires et d’efforts de la part des Autochtones, d’une organisation politique, de poursuites judiciaires, de manifestations, de commissions, d’enquêtes, de témoignages de survivants et de gains progressifs.

De cet héritage, le projet de loi C-15 incarne une longue et difficile campagne pacifique de pression morale menée par les Autochtones et leurs alliés pour faire respecter nos droits de la personne au Canada, comme ils auraient toujours dû l’être.

Plus récemment, le projet de loi C-15 découle de la détermination d’un député et législateur cri, M. Romeo Saganash, qui a présenté le projet de loi C-262. Ses efforts ont permis de former une coalition de dirigeants, de groupes confessionnels, d’universitaires, de citoyens et de parlementaires anciens et actuels, notamment l’honorable Murray Sinclair et l’honorable Lillian Dyck.

Maintenant, grâce au leadership de la sénatrice LaBoucane-Benson, le temps est venu de terminer cette partie du parcours historique que représentent les dispositions du projet de loi. Le temps est venu d’entreprendre la tâche ardue de bâtir un Canada où la réconciliation n’est pas un rêve, mais une réalité.

La question dont nous sommes saisis, honorables sénateurs, est de savoir si le Sénat dit oui à la réconciliation en adoptant le projet de loi C-15.

Pour certains sénateurs, dire oui à la réconciliation peut signifier reconnaître le droit des Autochtones à l’autodétermination, à la participation et aux terres et aux ressources ancestrales.

Pour d’autres, dire oui à la réconciliation peut signifier admettre le bilan historique et actuel du Canada en matière de violation des droits, y compris le non-respect de traités fondamentaux pour le Canada, la répression de la spiritualité autochtone et les atrocités commises partout au Canada, comme celles à Kamloops.

Pour certains sénateurs ayant des points de vue différents, dire oui à la réconciliation pourrait signifier prendre la décision difficile d’accorder une certaine confiance au gouvernement concernant le plan d’action élaboré conjointement prévu dans le projet de loi C-15, compte tenu de l’historique de violations des droits et de la méfiance permanente.

Bien entendu, j’entends et je respecte les divers points de vue, mais, honorables sénateurs, je vous recommande vivement de dire oui à la réconciliation en appuyant le projet de loi C-15.

Le moment est venu pour l’ensemble des Canadiens d’avancer ensemble en tant que fédération restaurée par les relations de nation à nation, une fédération renouvelée par l’espoir en l’avenir. Le moment est venu, grâce au projet de loi, de donner aux jeunes générations le pouvoir de bâtir un Canada meilleur. Qui plus est, le moment est venu pour nous, sénateurs, de nous montrer à la hauteur de la situation et d’utiliser notre position de parlementaires indépendants pour contribuer à la réussite du plan d’action.

Le Canada ne peut se permettre de laisser passer cette occasion. La nécessité et l’urgence de la réconciliation nous obligent à agir. C’est le moment de le faire.

Compte tenu de l’importance du projet de loi C-15 et du peu de temps qu’il nous reste avant la sanction royale, je vais vous faire part, chers collègues, de trois réflexions sur la voie à suivre.

À mon avis, le Sénat devrait adopter le projet de loi rapidement et sans amendement afin d’éviter tout risque pour le projet de loi. Tout problème peut être résolu au moyen du plan d’action élaboré conjointement et fondé sur les distinctions, avec un examen et un soutien continus du Sénat, surtout au sein du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Pour répondre aux allégations du sénateur Patterson et aux autres personnes qui s’opposent à ce projet de loi, je précise que le projet de loi C-15 n’empêchera pas les nations titulaires de droits d’interagir directement avec le gouvernement si elles le souhaitent, par exemple aux tables de négociation de traités, plutôt que de s’en remettre au plan d’action. Le projet de loi C-15 n’impose aucune obligation aux nations de participer au plan d’action. La participation à ce dernier est volontaire.

Même si des nations pourraient être réticentes par rapport à l’approche du projet de loi C-15, ce n’est pas une raison pour freiner les autres nations qui voudraient y recourir pour faire valoir leurs droits. À mon avis, ce projet de loi est prometteur et utile.

Deuxièmement, au chapitre de la réputation du Sénat, cette institution doit penser aux conséquences de ne pas adopter le projet de loi C-15 ou de nuire indûment à son adoption. Après l’expérience du projet de loi C-262, et maintenant que les Canadiens ont voté en faveur de ce projet de loi dans le cadre des élections fédérales de 2019, le Sénat ne doit pas faire obstacle à la réconciliation. En effet, en appuyant les efforts pour mener à bien le plan d’action, le Sénat devrait travailler encore plus fort pour apporter une contribution positive et de grande valeur.

Troisièmement, le Sénat devrait tenir compte du fait que le projet de loi C-15 aidera à inclure davantage les Autochtones dans l’économie, contrairement à ce que les opposants au projet de loi allèguent. Comme je l’ai mentionné il y a plus de deux ans concernant le projet de loi C-262, j’appuie pleinement l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je ne pourrais penser autrement à la lumière des décennies que j’ai passé à collaborer avec les peuples autochtones du Canada, qui cherchent à améliorer leur avenir en misant sur l’autodétermination tout en conservant, protégeant et, parfois, rétablissant leur héritage culturel et leurs valeurs communautaires.

De nombreuses communautés connaissent un succès considérable qui peut être reproduit ailleurs, notamment au moyen de l’excellent travail des associations nationales d’entreprises autochtones et des organismes nationaux de développement économique des Autochtones.

Sur ce point, je me reporte aux témoignages présentés à la Chambre des communes et au Sénat — plus récemment au Comité des peuples autochtones. Le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, le Conseil national de développement économique des Autochtones et l’Association nationale des sociétés autochtones de financement ont indiqué qu’ils étaient fortement en faveur de l’adoption sans délai du projet de loi C-15.

Fait important, les dirigeants de ces organisations, soit Tabatha Bull, Dawn Madahbee Leach et Shannin Metatawabin, ont souligné la nécessité d’inclure la réconciliation économique dans le plan d’action. Selon eux, la prospérité et la reconnaissance des droits des Autochtones sont inextricablement liées. Ils estiment que l’adoption du projet de loi C-15 enverra un puissant message aux entreprises canadiennes, ce qui contribuera à établir des normes culturelles qui défendent les droits des Autochtones et l’inclusion économique et encouragera le secteur privé à répondre à l’appel à l’action numéro 92 de la Commission de vérité et réconciliation, qui porte sur les entreprises et la réconciliation.

Les mesures concrètes que peuvent prendre le secteur privé incluent l’accès équitable des Autochtones aux emplois, des possibilités de formation et d’éducation supplémentaires en vue d’obtenir une main-d’œuvre représentative qui reflète la démographie du Canada et des formations pour la direction et le personnel des entreprises sur les compétences interculturelles, la résolution des conflits, les droits de la personne et la lutte contre le racisme.

Alors que la responsabilité des entreprises comprend, de plus en plus souvent, des volets consacrés à l’environnement, aux responsabilités sociales et à la gouvernance, et que ces aspects ont de l’importance dans de nombreux marchés boursiers, les connaissances autochtones devraient aussi être reconnues à leur juste valeur et combinées à la science et à la gouvernance d’entreprise de manière à produire des résultats inclusifs et holistiques. Les entreprises devraient acquérir une sensibilité aux attentes de la société et du marché du travail, participer à la réconciliation et faire du Canada un meilleur pays.

Les organismes de développement économique et les entreprises autochtones ont aussi souligné l’importance de la reconnaissance des droits pour la création de réels partenariats d’affaires avec les nations autochtones dans le contexte du développement des ressources, ce qui passe notamment par un rôle de propriétaire, un rôle de gestionnaire, de la formation professionnelle et des engagements en matière d’emploi. Les approches de ce genre peuvent procurer plus de certitude aux investisseurs et réduire les risques de poursuites.

Les organisations en question ont aussi mentionné que le Canada a l’habitude de faire délibérément subir aux peuples autochtones une discrimination économique, ce qu’il a fait notamment en détruisant les économies traditionnelles dans un esprit de colonisation; en empêchant les nations autochtones d’avoir accès aux terres et aux ressources qui leur revient; en imposant des restrictions économiques racistes aux personnes et aux communautés au moyen de la Loi sur les Indiens; en excluant politiquement les Autochtones de l’élaboration des politiques économiques publiques; en adoptant des politiques qui laissent des séquelles, comme celles qui concernent les pensionnats autochtones et les autres programmes d’assimilation, que le Sénat avait l’habitude d’approuver; en sous-finançant les éléments essentiels à un niveau de vie de base, les services communautaires et l’infrastructure; et en laissant aux Autochtones peu d’occasions d’avoir accès à une éducation de qualité, au développement des compétences et au capital.

Beaucoup de gens sont d’avis que, si les traités étaient respectés et concrétisés, les peuples autochtones contribueraient grandement à l’économie canadienne. L’autonomie et l’indépendance de ces peuples leur permettraient de tenir leurs cérémonies, de pratiquer leurs cultures, de s’exprimer dans leurs langues et d’afficher fièrement leur identité comme nations pouvant apporter leur contribution au sein de la fédération. Au lieu de cela, ils doivent mener des campagnes et entamer des poursuites pour faire respecter les traités. Il n’y a pas un traité numéroté qui ne fait pas mention de l’éducation, mais ce n’est que récemment que l’on s’emploie à combler l’écart par rapport au reste du pays en ce qui a trait au financement par élève et à l’accès à l’éducation.

Les politiques précédentes ont créé des obstacles permanents qui empêchent les autochtones de participer pleinement à l’économie canadienne. Je peux très bien comprendre que cela ait empêché ce pays de réaliser son plein potentiel, et je ne parle même pas des injustices que cette situation a créées.

Le gouvernement devrait prendre des mesures concrètes, y compris fournir des ressources et renforcer les capacités, permettre à toutes les nations d’exercer leur droit à l’autodétermination, et leur donner les moyens d’être concurrentielles et de saisir les possibilités qui s’offriront à elles. Sinon, on maintiendra le statu quo; il n’y aura pas d’accès à des services de formation et de perfectionnement de qualité, et les difficultés d’accès au capital continueront de faire obstacle à l’autonomie et à l’indépendance des nations.

Le plan d’action sera essentiel à la réconciliation économique. J’encourage le gouvernement et tous les sénateurs à ne jamais oublier d’inclure les organisations d’affaires autochtones dans la conception des politiques et à étudier les questions économiques en tenant compte du point de vue des Autochtones. On pourra ainsi promouvoir la prospérité des communautés autochtones et de l’ensemble du pays.

En terminant, chers sénateurs, pour garder l’œil sur l’objectif, je vais citer la déclaration de l’honorable Murray Sinclair, qu’il a faite lors de la présentation du projet de loi C-15 en décembre dernier. En tant qu’érudit de l’histoire canadienne et source d’inspiration pour de nombreux sénateurs, moi le premier, le sénateur Sinclair a dit :

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est au cœur même des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. [...] À divers égards, l’adoption de ce projet de loi marquera seulement le début du difficile travail de réconciliation, car il faudra rendre de nombreuses lois fédérales conformes aux droits inhérents des peuples autochtones. Tout dépendra de la mise en œuvre. Ce projet de loi représente toutefois un engagement au plus haut niveau de bâtir le Canada qui aurait toujours dû exister et que nous bâtirons maintenant ensemble. [...]

Le dépôt par le gouvernement du projet de loi C-15 représente un pas profondément émouvant et encourageant vers la réconciliation. Je suis convaincu que notre pays est désormais engagé dans la bonne voie, et je me réjouis à la perspective de l’adoption de ces mesures législatives. Ce jour qui se dessine aujourd’hui à l’horizon sera une occasion de célébrer.

Honorables sénateurs, le mot « célébrer » est bien choisi. Après la pandémie, nous le mériterons bien. Cette année, après l’adoption du projet de loi C-15, la 154e fête du Canada sera la plus belle à ce jour, quoique sombre et propice à la réflexion à plusieurs égards, à la lumière du poids de la véritable histoire de notre pays. Quoi qu’il en soit, avec cette loi, le Parlement et les Canadiens que nous représentons auront accepté la vérité et accueilli la réconciliation. Chers collègues, cela n’est pas une mince affaire.

J’exhorte les sénateurs d’adopter le projet de loi C-15 dès que possible. Merci. Hiy kitatamîhin.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénatrice McCallum, souhaitez-vous poser une question?

La sénatrice McCallum [ - ]

Oui.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénateur Klyne, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à des questions?

Le sénateur Klyne [ - ]

Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président [ - ]

J’ai entendu un « non ». Je suis désolé, sénateur Klyne, mais votre temps de parole est écoulé.

L’honorable Mary Jane McCallum [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

J’aimerais d’abord citer Wendy Lynn Lerat, qui a dit ceci :

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fait espérer un avenir plus juste, durable et décolonisé, à un moment de l’histoire où les écosystèmes s’effondrent à cause de la surexploitation mondiale de la Création. Certains parlent de « développement », mais, en réalité, nous vivons à une période où les changements climatiques d’origine humaine sont d’une ampleur et d’une portée sans précédent.

Chers collègues, je veux être bien claire : le conflit sous-jacent a toujours été lié aux terres et aux ressources, y compris l’interprétation de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par l’État. Mme Lerat a ajouté ceci :

Le Canada a entamé le processus de mise en œuvre unilatérale et paternaliste de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, s’assurant que sa version, contenant sa propre définition de l’autodétermination, est consacrée par la loi, par l’intermédiaire du projet de loi C-15 […]

Par ailleurs, le néo-colonialisme est omniprésent parmi les personnes en position de pouvoir, d’autorité et de contrôle au sein du système colonial de gouvernance autochtone du Canada […]. Nous nous faisons maintenant coloniser, cette fois-ci par certains de nos propres frères et sœurs autochtones. Je crains que, à cause de leurs bêtises, nous ne soyons plus considérés comme des peuples distincts.

La vérité avant tout. C’est tout ce que les Premières Nations ont demandé au gouvernement. Or, la vérité n’a pas été dite dans les processus de négociation des traités et de consultation.

Silence — décourager les Canadiens de promouvoir des amendements qui renforceraient ce projet de loi, puis vilipender ceux qui les proposent, ce sont des comportements de colonisateurs et pas d’alliés.

Ces actions n’ont rien à voir avec un second examen objectif ni avec nos devoirs parlementaires. Ce qui devrait être un moment fort de collaboration avec le gouvernement pour mettre en œuvre les droits de la personne pour les signataires des traités n’est qu’un autre visage de l’oppression.

Je crois qu’il y a beaucoup de travail à faire sur ce projet de loi et je suis prête à siéger jusqu’en juillet pour l’étudier de façon responsable.

Honorables sénateurs, l’amendement que je présente aujourd’hui — que je lirai à la fin de mon temps de parole — propose cinq angles différents en matière d’amélioration. Je voudrais expliquer cet amendement maintenant.

Le premier angle, ce serait...

Son Honneur le Président [ - ]

Excusez-moi, sénatrice McCallum.

Sénateur Plett?

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