Le Sénat
Motion d'amendement
28 avril 2022
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :
1. par substitution, aux mots « 30 juin 2022 », des mots « 9 mai 2022 »;
2.par adjonction, après le mot « objectif » à la fin de la motion, de ce qui suit :
« ;
Que, avant de présenter toute motion pour prolonger ou reprendre des séances hybrides du Sénat, le leader du gouvernement au Sénat doit :
1.déposer au Sénat :
a)tous les avis et directives des responsables de la santé publique du gouvernement fédéral concernant les rencontres en personne au sein de la fonction publique fédérale;
b)tous les avis et directives des responsables de la santé publique des gouvernements de l’Ontario et du Québec concernant les rencontres en personne;
c)une lettre du greffier du Sénat décrivant comment le Sénat siégeant uniquement en personne contreviendrait à tout avis ou directive mentionné aux points a) et b);
d)un plan de transition pour revenir aux séances du Sénat en personne dès que possible, conformément à l’engagement pris par le Sénat le 31 mars 2022;
2.consulter, de manière ouverte et constructive, les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus ».
Merci, chers collègues.
L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénateur Carignan, propose :
Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :
1. par substitution, aux mots « 30 juin 2022 », des mots « 9 mai 2022 »;
2.par adjonction, après le mot « objectif » à la fin de la motion, de ce qui suit :
« ;
Que, avant de présenter toute motion pour prolonger ou reprendre des séances hybrides du Sénat, le leader du gouvernement au Sénat doit :
1.déposer au Sénat :
a)tous les avis et directives des responsables de la santé publique du gouvernement fédéral concernant les rencontres en personne au sein de la fonction publique fédérale;
b)tous les avis et directives des responsables de la santé publique des gouvernements de l’Ontario et du Québec concernant les rencontres en personne;
c)une lettre du greffier du Sénat décrivant comment le Sénat siégeant uniquement en personne contreviendrait à tout avis ou directive mentionné aux points a) et b);
d)un plan de transition pour revenir aux séances du Sénat en personne dès que possible, conformément à l’engagement pris par le Sénat le 31 mars 2022;
2.consulter, de manière ouverte et constructive, les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus ».
Nous passons au débat. La sénatrice Batters a la parole.
Honorables sénateurs, j’interviens au sujet de l’amendement que le sénateur Plett propose d’apporter à la motion du gouvernement Trudeau qui vise à prolonger encore les séances hybrides du Sénat, cette fois-ci jusqu’au 30 juin.
Le sénateur Plett propose qu’avant de demander la prolongation des séances hybrides du Sénat, le gouvernement dépose les avis et directives sur les réunions en personne provenant de plusieurs intervenants, dont les responsables de la santé publique. Dans un contexte où plusieurs provinces mettent fin, notamment, aux obligations concernant le port du masque et les vaccins, il ne semble pas cohérent que le Sénat envisage de tenir seulement des rencontres hybrides. L’amendement du sénateur Plett permettrait de déterminer si la demande du gouvernement, qui souhaite prolonger les séances hybrides, est fondée sur les meilleures données scientifiques disponibles.
L’amendement du sénateur Plett demande aussi ceci :
[…] un plan de transition pour revenir aux séances du Sénat en personne dès que possible, conformément à l’engagement pris par le Sénat le 31 mars 2022;
Les sénateurs ne seront pas surpris d’apprendre que je suis tout à fait favorable au retour des séances en personne, puisque j’ai déjà prononcé deux discours à ce sujet. Je soutiens que nous avons absolument besoin des séances en personne pour accomplir notre travail parlementaire du mieux possible, comme le méritent les Canadiens.
Bien entendu, je suis consternée que nous discutions une fois de plus de la prolongation des dispositions pour la tenue des séances hybrides. Nous aurions déjà dû travailler au retour aux séances en personne, comme le prévoyaient les dispositions de la motion du 31 mars. Je suppose que je suis ici depuis assez longtemps pour savoir qu’il ne faut pas s’attendre à ce que le gouvernement Trudeau remplisse ses obligations.
Quoi qu’il en soit, il suffit de regarder toutes les choses qui ont repris depuis la dernière fois que nous avons discuté du Parlement hybride, à la fin du mois de mars, il y a seulement quelques semaines. Encore plus de provinces ont levé les exigences relatives à la vaccination et au port du masque. Les stades de hockey sont régulièrement remplis de 20 000 personnes. Les concerts ont repris. Sting sera en spectacle au Centre Canadian Tire d’Ottawa la semaine prochaine. Même le Ribfest sera de retour sur la rue Sparks au début du mois de juin, et le Jurassic Park de Toronto est de nouveau rempli d’une foule immense de gens qui célèbrent la course aux séries éliminatoires de l’équipe de basketball des Raptors. Tous ces endroits reviennent à la normale.
Même certains aspects du Parlement ont commencé à changer. La Chambre des communes a ouvert ses galeries publiques au début de cette semaine et ses comités ont recommencé à recevoir des visiteurs. Hier, notre propre président a de nouveau présenté des invités dans la tribune du Sénat. Nous pouvons maintenant recommencer à recevoir des visiteurs dans nos bureaux du Sénat pour des réunions, et les groupes intéressés et lobbys ont recommencé à organiser de grandes réceptions sur la Colline et ailleurs.
Je trouve cela curieux. Nous avons établi qu’il est sécuritaire pour les sénateurs de se mêler à des intervenants dans des réunions et des réceptions, d’accueillir le public dans leurs bureaux ou dans cette enceinte, et de se mêler aux autres sénateurs lors de réceptions et dans les salles de caucus, mais, si nous nous trouvons ici, en personne, dans cette Chambre — portant un masque et ayant reçu au moins deux doses de vaccins — que se passera-t-il? Prendrons-nous en feu? La seule différence que je vois, c’est que dans les Chambres du Parlement, le gouvernement doit être tenu responsable, et c’est pour cette raison que le gouvernement Trudeau veut éviter comme la peste — pardonnez-moi le jeu de mots — de se présenter en personne.
Je l’ai déjà dit et je le redis : un Parlement hybride est un Parlement ennuyeux. C’est un Parlement sans intérêt qui n’attire pas autant l’embêtante attention des médias, et échappe ainsi à l’examen public. C’est parfait pour le gouvernement Trudeau, qui semble en avoir beaucoup à cacher.
Les responsables de la santé publique nous disent depuis le début de la pandémie de COVID-19 qu’à un certain moment, nous atteindrons un point où il nous faudra simplement apprendre à vivre avec la réalité de la COVID et cesser de tenter de l’éviter. La société est en train d’atteindre ce stade. Nous vivons avec la COVID depuis maintenant plus de deux ans. Nous avons écouté les conseils sur les façons de nous protéger le mieux possible : en nous faisant vacciner, en portant le masque, en pratiquant la distanciation sociale et en améliorant la ventilation. Je suis fière d’avoir reçu trois doses de vaccin et j’en fais beaucoup la promotion sur les médias sociaux.
En réalité, le Sénat demeure l’un des très rares endroits au pays qui exigent encore la vaccination et le port du masque. Il faut aussi porter un masque dans les avions, la principale méthode de transport de beaucoup d’entre nous dans le cadre de notre travail sénatorial. Il est par conséquent curieux que l’enceinte du Sénat ne soit pas considérée comme l’un des lieux les plus sûrs où revenir travailler en personne.
Au lieu de cela, on dirait qu’on essaie de préserver la précieuse « bulle » du Sénat. Honorables sénateurs, en quoi sommes-nous si exceptionnels? Des gens de tous les milieux, qu’ils soient dentistes, chauffeurs de taxi ou mécaniciens, sont de retour au travail en personne, et la plupart sont de retour depuis très longtemps. Tous ces gens sont retournés au travail grâce à l’ensemble de mesures de protection que j’ai mentionnées, soit les vaccins, les masques, la distanciation sociale et la ventilation, car ce sont des mesures appropriées et adaptées aux besoins. Il n’y a pas de raison pour que le Sénat n’en fasse pas tout autant.
La dernière fois que j’ai parlé des séances hybrides, j’ai mentionné que le Sénat avait publié un plan de « retour au travail » pour 25 % des employés de l’Administration du Sénat. Il se trouve que le Sénat a retardé de nouveau la mise en œuvre de ce plan de « retour au travail ». Ce n’est que cette semaine que 25 % des employés de l’Administration du Sénat sont retournés à leurs bureaux. Il n’y a toujours pas de plan de « retour au travail » pour les 75 % restants, dont certains n’ont pas un travail qui se prête particulièrement bien au travail à distance. Dans le secteur privé, la réponse à cela serait de permettre aux gens de recommencer à travailler sur place. Ce n’est cependant pas le cas du Sénat du Canada.
Le centre-ville d’Ottawa ressemble encore à une ville fantôme. Deux ans après le début de la pandémie de COVID, peu de fonctionnaires fédéraux ont déjà repris le travail en présentiel. Les exigences gouvernementales liées à la COVID et les mesures de confinement se sont avérées dévastatrices pour le centre-ville d’Ottawa. Même à quelques pas de la Colline du Parlement, des entreprises familiales de longue date ont maintenant fermé définitivement leurs portes, ayant souffert des mesures de confinement imposées durant les deux années de pandémie, puis de la fermeture des rues qui a été imposée durant des semaines par la Ville dans le cadre de la manifestation des camionneurs.
Il est exaspérant de constater que la rue Wellington demeure fermée devant le Parlement, sans raison apparente. Quand on y pense, c’est représentatif de l’approche du gouvernement fédéral en matière d’exigences liées à la COVID. Tout ce qui entoure ce petit bout de rue a pu rouvrir. Personne ne semble trop savoir pourquoi ces barrières sont toujours en place ni par quelle autorité elles le sont. Cela nuit à la liberté de mouvement au centre-ville. Pourquoi? Nous n’en sommes par sûrs. Nous nous contentons de contourner cette section de la rue, qui ne semble plus servir à rien pour l’instant. Cette histoire vous semble familière, n’est-ce pas?
C’est comme les exigences du gouvernement relatives à la vaccination et son entêtement à maintenir les séances hybrides à ce stade de la pandémie. Lorsque je lis votre motion, sénateur Gold, je me demande en quelle année nous sommes. Sommes-nous revenus en arrière, en mars 2020, au tout début de la pandémie? Démarrons la DeLorean. Cette motion est un véritable Retour vers le futur, honorables sénateurs. Les séances hybrides ne sont tout simplement plus en phase avec ce que fait le reste du monde à l’égard de la COVID.
Le gouvernement Trudeau jouera-t-il un jour franc jeu et admettra-t-il que ce qu’il veut vraiment, c’est de maintenir les séances hybrides ad vitam aeternam? Dans ce format, il est beaucoup plus facile de contrôler, de contenir et de dissimuler les choses. La motion sur les séances hybrides est un petit coup de gouvernail dans cette direction. De cette manière, le gouvernement peut museler le Sénat et le contrôler pour ne pas qu’il devienne trop gênant.
Les honorables sénateurs peuvent modeler leur conduite en regardant ce qui se passe en ce moment à la Chambre des communes. Le gouvernement Trudeau ne trouvait pas suffisant de mettre en place une coalition pour former un gouvernement majoritaire avec un partenaire néo-démocrate presque servile. Le voilà qui présente la motion parlementaire la plus draconienne qui soit. Lorsque la soupe sera chaude à la Chambre des communes, ils pourront tout simplement ajourner sans préavis jusqu’à l’automne. Ils échapperont alors totalement à la reddition de comptes. C’est choquant et honteux, mais il n’est pas du tout surprenant que cette motion déplorable soit présentée au moment où les vacances de Justin Trudeau sur l’île du milliardaire refont surface.
Ce scénario du gouvernement Trudeau est du déjà vu. Comme on le dit dans l’Ouest, ce n’est pas mon premier rodéo.
Le gouvernement Trudeau s’y prend peut-être plus subtilement pour éviter de rendre des comptes au Sénat, mais l’effet est le même.
La stratégie de communication du gouvernement par rapport aux exigences liées à la COVID vise précisément, elle aussi, à éviter de rendre des comptes. D’autres pays partout dans le monde abandonnent les restrictions liées à la COVID. Pendant ce temps, le gouvernement fédéral du Canada persiste à jouer le parent surprotecteur. Lorsque le premier ministre Trudeau se fait poser des questions à ce sujet, non seulement il refuse de parler d’une quelconque intention de lever les mesures obligatoires au Canada, mais il ne peut même pas présenter un plan ou un échéancier pour y arriver. On peut compter sur le premier ministre Trudeau pour une seule chose : une déclaration qui sème la discorde en ciblant les Canadiens qui ont décidé, pour une raison ou une autre, de ne pas se faire vacciner. Après tout, s’il continue de diviser les Canadiens, ils ont moins de temps et d’énergie pour demander au premier ministre et au gouvernement de rendre des comptes. Arrivez-vous à voir le thème qui se dégage?
Le gouvernement suit l’exemple du premier ministre Trudeau. Son ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a témoigné cette semaine au comité parlementaire chargé d’étudier l’application de la Loi sur les mesures d’urgence. Il a déclaré qu’un feu avait été déclenché dans un immeuble résidentiel du centre-ville et que les auteurs du crime seraient des membres du convoi, selon les rumeurs. Cette affirmation a bien sûr été dénoncée comme une fausseté à plusieurs reprises, notamment par la police d’Ottawa. Cela n’a pas dissuadé le ministre Mendicino, qui est pourtant avocat et ancien procureur. Je suppose que la désinformation est utile quand elle masque la vérité, et le gouvernement Trudeau est connu pour utiliser cette tactique. Cela permet de détourner l’attention du vrai problème — soit que le gouvernement ne dispose pas forcément des preuves concrètes et crédibles dont il a besoin pour justifier le recours à la Loi sur les mesures d’urgence — tout en suscitant de l’animosité à l’endroit des participants au convoi des camionneurs.
Nous devrions tous être préoccupés par cette tendance du gouvernement Trudeau à miner la démocratie, en se cachant ensuite derrière l’excuse du secret du Cabinet. Il semble que cette tendance soit bien établie. Ce manque de transparence est une raison de plus pour motiver les sénateurs à revenir en personne, afin de remettre en question les décisions prises par le gouvernement. On le fait bien mieux en personne que derrière un écran — et le gouvernement Trudeau ne le sait que trop bien.
Pas plus tard qu’hier, le ministre de la Justice, David Lametti, a comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques. Nous avons pu avoir un robuste échange en personne où les sénateurs et lui intervenaient tour à tour et nous avons ainsi pu poser des questions pour clarifier son témoignage. C’est plus intéressant à regarder et cela permet au Parlement de mieux faire son travail que lorsqu’on doit constamment dire « vous devez activer votre micro » ou « nous éprouvons des problèmes techniques ».
Mes premières années au Sénat ont coïncidé avec une période de profonde introspection pour cette institution. Nous avons consacré beaucoup de temps à parler du Sénat, de sa raison d’être et de son mandat. L’un des principaux objectifs était de rendre le Sénat plus pertinent dans la vie des Canadiens.
Honorables sénateurs, j’estime que les séances hybrides au Parlement minent ces efforts. Nous nous sommes battus pour que le Parlement soit télédiffusé en direct afin que les Canadiens puissent voir le bon travail que nous y effectuons. Or, à l’heure actuelle, je suis peu enthousiaste à l’idée que le public regarde une séance du Sénat et ne voit que des sénateurs qui lisent par vidéoconférence un discours préparé sans vraiment échanger entre eux. Le Sénat devrait être un lieu de débat et de discussion dynamiques, une assemblée où nous représentons notre région et protégeons les droits de minorités, une tribune où les Canadiens se reconnaissent dans le débat. Je crains que cet élément soit absent lorsque le Sénat fonctionne en mode hybride.
Honorables sénateurs, je vous demande de bien réfléchir avant de décider de prolonger les séances hybrides. Si cela peut sembler sans grande importance, si on peut penser qu’il s’agit seulement d’une question de commodité, je vous demande de penser aux conséquences futures potentielles pour le Sénat. Je crains, comme certains d’entre vous je pense, que la prolongation à répétition du modèle hybride finisse par mener à quelque chose de plus permanent. Quelles seront les conséquences pour la gouvernance future du Sénat? Risquons-nous peut-être de compromettre les caractéristiques mêmes qui contribuent à l’unicité du Sénat? Les séances hybrides du Parlement favoriseront-elles la responsabilité gouvernementale ou lui nuiront-elles? Est-ce que siéger par Zoom nuit à l’indépendance des sénateurs? Quelle image du Sénat les séances hybrides du Parlement présentent-elles au public? Est-ce que cela nuit à la réputation du Sénat à long terme? Je crois que la grande question qu’il faut ultimement se poser est la suivante : est-ce que le Parlement hybride sert la démocratie? Je dirais que non et je crois qu’il est dangereux pour nous de nous engager sur ce terrain.
En outre — ce qui me ramène à l’amendement proposé par le sénateur Plett —, la situation actuelle justifie-t-elle la tenue de séances hybrides, alors que les autorités sanitaires sont en train de lever les mesures obligatoires? Nous sommes arrivés à un point de la pandémie où il est possible d’organiser des activités de groupe tout en limitant les risques liés à la COVID. Il n’est pas possible de continuer à simplement tout annuler. Les parlementaires, le personnel et les visiteurs doivent avoir reçu au moins deux doses du vaccin seulement pour accéder aux installations de la Cité parlementaire; nous devons tous porter un masque lorsque nous nous déplaçons à l’intérieur des édifices. À l’heure où la plupart des mesures obligatoires sont en voie d’être levées, il semble que le Sénat est en fait l’un des endroits les plus sûrs où se réunir.
C’est pour cette raison que j’appuie l’amendement du sénateur Plett et que je voterai contre la motion principale. Je vous invite à vous joindre à moi pour empêcher un recul supplémentaire de nos plus importantes institutions démocratiques. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer sans réserve l’amendement du sénateur Plett.
Honorables collègues, lorsque les temps sont difficiles, les gens tenaces doivent passer à l’action. Lorsque notre pays connaît une crise existentielle comme celle qu’il traverse actuellement, ses institutions doivent être prêtes à traverser la tempête. Toutes nos institutions doivent être prêtes à se montrer à la hauteur de la situation, et aucune institution n’est plus importante en période de crise que le Parlement, la Chambre des communes, le Sénat, nos instances judiciaires, nos lois et nos gouvernements. En ces temps difficiles, ces derniers doivent répondre présent et faire preuve de leadership.
Je l’ai dit maintes fois, avec regret : je crois que les Canadiens ont le sentiment que ces institutions — qui ont été mises en place pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie et nous permettre de relever les défis qui se posent à nous — les ont abandonnés. Nous le constatons par la frustration toujours croissante envers le gouvernement et ces institutions. Nous le constatons par les manifestations dans les rues partout au pays et par les Canadiens frustrés d’avoir plus de mal que jamais à joindre les deux bouts, à nourrir leurs enfants et à rêver d’un avenir meilleur que celui qu’ont vécu leurs parents.
Étant donné les privilèges dont nous jouissons dans ces institutions, il nous incombe à nous tous de faire figure de chefs de file en cette période. On ne peut pas assurer de leadership quand certaines mesures visent à nous protéger davantage qu’un chauffeur de camion, un employé de pharmacie ou d’épicerie, ou un travailleur d’usine.
Il y a un mois, j’ai mentionné que lors d’un séjour à Montréal, je suis allé visiter l’entreprise Jack Victor qui est établie dans le cœur du centre-ville. Il s’agit d’un fabricant de vêtements qui compte 800 employés qui se présentent tous les matins au travail et font des semaines de 40 heures. Ces gens évoluent les uns près des autres, comme la majorité des travailleurs au Canada.
Mon épouse se lève tous les matins depuis deux ans pour aller à l’Hôpital général juif, où elle fournit des services à de nombreux Canadiens qui ont malheureusement besoin de soins à cause du virus de la COVID. Pourtant, dans cette auguste institution qu’est le Sénat — je l’ai dit précédemment et je le redis —, la productivité a baissé au cours de la crise existentielle la plus aiguë qu’ait jamais connue le Canada. Les comités se réunissent deux fois moins souvent qu’auparavant. Le présent gouvernement affiche un bien piètre bilan législatif pour les sept dernières années, abstraction faite de la COVID. En effet, c’est au cours de ces sept années que le Sénat a présenté le moins grand nombre de mesures législatives du gouvernement depuis sa création il y a 153 ans. Allez faire des recherches à la bibliothèque, vous serez surpris. Cependant, le gouvernement a déboursé des centaines de milliards de dollars pendant une période de travaux plus courte que jamais dans l’histoire de notre pays.
Je l’ai déjà dit et je le répète, chers collègues : chacun d’entre nous, lorsque nous faisons des investissements pour rénover notre maison ou que nous achetons une voiture ou une paire de chaussures, nous y réfléchissons parfois davantage qu’au moment d’attribuer les dizaines de milliards de dollars que nous avons dépensés dans cette enceinte en mesures contre la COVID, sous la menace d’un gouvernement qui nous dit que nous devons défendre les Canadiens. Premièrement, nous n’avons pas été cohérents en tant qu’institution. Voilà pourquoi les Canadiens sont si frustrés. Deuxièmement, une grande partie des mesures que nous avons prises au cours des deux dernières années est sur le point de mener à un taux d’inflation historique, qui mènera à une crise économique historique, de laquelle, encore une fois, cette institution devra en partie rendre compte.
Le leader du gouvernement a pris la parole aujourd’hui et a déclaré que cette motion n’est qu’une mesure à court terme et que le gouvernement ne souhaite pas prolonger les séances hybrides à perpétuité. Cela ressemble à ce que nous avons entendu il y a un mois, lorsque nous avons eu le même débat. Le gouvernement a dit qu’il allait prolonger les séances hybrides pendant un mois. Chers collègues, comme le sénateur Plett l’a si bien souligné dans son discours, dans tout le pays, les professionnels de la santé — les scientifiques qui donnent des conseils aux provinces et qui sont les responsables de donner des conseils sur les soins de santé publique — lèvent maintenant les exigences. Toutes les provinces, les unes après les autres, ont levé les exigences relatives au passeport vaccinal et au port du masque. Elles permettent aux Canadiens de se réunir. Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice, le Parc jurassique est à nouveau ouvert, pleinement opérationnel et rempli de milliers de personnes. Cet après-midi, mon fils assiste à une partie des Blue Jays avec des milliers d’autres personnes au Centre Rogers, à Toronto. Les Canadiens se rendent dans les arénas de toutes les régions du pays — à raison de 20 000 spectateurs par soirée — afin d’assister à des parties de hockey de la LNH et de la Ligue de hockey junior. Les travailleurs sont de retour sur leurs lieux de travail. L’industrie de l’hôtellerie a repris ses activités. Des milliers de Canadiens ont recommencé à se réunir dans un contexte social, que ce soit pour célébrer Pâques, le ramadan et toutes les autres occasions. Pourtant, le Sénat du Canada veut maintenir le statu quo. Nous allons maintenir les exigences. Nous allons continuer de travailler en mode virtuel. Comme je l’ai dit, pour moi, le vrai problème, ce n’est pas que je déteste travailler à distance — j’aime beaucoup le confort de mon foyer, comme tout le monde —, mais, au final, notre rendement n’y est tout simplement pas, chers collègues.
Nos comités, qui sont responsables des travaux les plus importants de cette institution, ne produisent simplement pas le travail que l’on nous paie pour accomplir. Cela fait maintenant deux ans que nous tergiversons là-dessus. Je pense que nous devrions donner l’exemple, car les politiciens de ce pays répètent aux Canadiens de se faire vacciner. Plus nous nous ferons vacciner rapidement, plus nous pourrons revenir à la normale rapidement. Eh bien, chers collègues, 83 % ou 84 % des Canadiens ont reçu deux doses de vaccin. J’en connais qui en ont reçu quatre doses. Certains Canadiens ont déjà reçu une quatrième dose. Si les gouvernements disent aux Canadiens de recevoir leurs deux doses pour que nous puissions retrouver une vie normale, mais que nous en sommes encore là avec trois ou quatre doses, alors ce que disent les dirigeants du pays, c’est : « vous, les contribuables, retrouverez la vie normale, mais pas nous. Nous ne bougerons pas et nous continuerons de travailler à capacité réduite. » Cela n’a aucun sens. Je pense que nous devons, en tant que parlementaires, emboîter le pas au reste du pays. Nous devons diriger, mais aussi, au minimum, nous mettre sur le même pied d’égalité que les Canadiens dans leur quotidien.
Nous avons des tests de dépistage rapide. Nous sommes tous des gens matures et intelligents. Ceux d’entre nous qui sont vulnérables devraient prendre ces mesures supplémentaires. C’est ce qui se passe en ce moment alors que notre société apprend à vivre avec la COVID-19. Si la population s’adapte à ces réalités, je ne vois pas pourquoi environ 95 sénateurs n’en feraient pas autant ici, à Ottawa. Si nous attendons cela des Canadiens, je crois que nous devrions en faire autant. Ce ne sont pas les tests de dépistage rapide qui manquent. Ceux d’entre nous qui viennent à Ottawa peuvent faire leur travail sur place — et heureusement, un plus grand nombre l’ont fait dans les derniers mois — tout en prenant des mesures de précaution quand ils se rencontrent, mais nous devons nous remettre au travail. Plus que jamais, le pays a besoin que nous reprenions le travail.
Un autre élément du débat qui me préoccupe — et je l’ai entendu dans le discours que le sénateur Plett a prononcé aujourd’hui, ainsi que de la bouche de plusieurs collègues au cours des derniers jours —, c’est que le Comité de la régie interne n’a pas débattu de cette question. On n’en a pas discuté au Comité de la régie interne. Au bout du compte, je crois comprendre — et il y a longtemps que je siège au Sénat — que ce sont les sénateurs qui dirigent le Sénat. Si des décisions importantes de cette nature — c’est-à-dire si nous devons travailler en mode hybride, à distance et ainsi de suite — ne sont pas prises de façon ouverte et transparente au Comité de la régie interne puis transmises aux divers caucus et groupes à des fins de discussion, c’est qu’il y a un problème. J’ai présidé le Comité de la régie interne pendant un certain nombre d’années. Le Président actuel est en place depuis un certain nombre d’années. Nous avons depuis longtemps une entente au Sénat voulant que le Comité de la régie interne soit un organe de consensus, que le mandataire de cette enceinte travaille en consultation avec les leaders et les divers groupes, et qu’ils prennent des décisions fondées sur le consensus. Non seulement nous nous sommes éloignés de ce principe — ce qui est troublant —, mais le leader de mon caucus et moi n’arrivons pas à comprendre l’élément moteur de cette décision.
Nous parlons de la science, mais laissons cette question de côté. D’un point de vue administratif, je veux savoir qui a pris la décision. Était-ce le leader du gouvernement de façon isolée? Était-ce plutôt le président du Comité de la régie interne qui l’a fait de façon isolée? En ont-ils discuté dans un obscur corridor ou ailleurs? Le sénateur Gold me regarde avec un air perplexe. Je ne connais pas la réponse. Si nous n’avons pas eu de discussion ouverte et transparente au comité au sujet de cette motion en particulier, où en a-t-il été question? Vous pouvez participer au débat, monsieur le leader du gouvernement, et nous éclairer sur ce point. Il demeure que la question est importante. Nous avons été témoins à maintes reprises de l’érosion de ces institutions parlementaires et d’un recul de notre capacité à demander des comptes au gouvernement. Je comprends. Ce n’est pas quelque chose qui plaît à l’organe exécutif du gouvernement.
Nous savons tous que lorsque les chefs de parti occupent les banquettes de l’opposition à la Chambre des communes, ils ont tout le temps voulu pour parler de la démocratie et de l’utilité du Parlement et de toutes les institutions parlementaires. Cependant, dès qu’ils deviennent premiers ministres, ils estiment qu’ils ont un mandat de la population et qu’ils ne devraient pas devoir rendre des comptes à quiconque. Je ne suis pas de cet avis. Pardonnez-moi, mais je crois que nous avons un rôle important à jouer ici. Notre rôle principal ne se limite pas à examiner les projets de loi du gouvernement : nous devons aussi exiger que le gouvernement rende des comptes et lui poser des questions difficiles au sujet des mesures obligatoires, des vaccins, des programmes d’aide en réponse à la COVID et des dépenses pour les mesures de soutien. Notre rôle ne revient pas à tout approuver les yeux fermés.
Je comprends tout à fait que le gouvernement veuille que le Parlement fonctionne de faction de façon hybride ad vitam æternam. Ils peuvent certainement l’imposer à la Chambre des communes, car même si le gouvernement est minoritaire, il y a un gouvernement de coalition entre le NPD et les libéraux, ce qui leur donne carte blanche. J’aime à penser que la plupart des sénateurs sont véritablement indépendants, et qu’ils pensent qu’il est important de demander des comptes au gouvernement, en particulier alors que nous traversons une crise existentielle. Cette mission n’est pas seulement celle d’un petit groupe de sénateurs de l’opposition. Elle nous incombe à tous, en vertu de notre indépendance dans cette enceinte, en vertu de notre mandat, et en vertu du fait que nous ne relevons pas d’un premier ministre, y compris du premier ministre qui a nommé une bonne partie de mes collègues. En vérité, lorsque vous êtes appelés à faire partie de cette institution, vous n’avez de comptes à rendre à personne, à part au peuple canadien. Je prends ce serment très au sérieux et je pense que c’est le cas de la plupart d’entre vous.
Lorsque nous regardons les faits par rapport à la situation actuelle dans notre pays, nous pouvons constater que les exigences ont été levées. Les Canadiens sont retournés au travail. Notre défi est de redevenir une nation aussi productive qu’avant la pandémie. C’est le plus grand défi que nous avons à relever pour notre économie et pour notre peuple, et la productivité du Sénat ne fait pas exception.
Plus que jamais, il est important, du point de vue moral, que nous fassions notre travail avec diligence, de manière concrète, en toute sécurité, en nous respectant mutuellement et en étant conscients des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Toutefois, chers collègues, il est on ne peut plus évident que nous amorçons une nouvelle phase dans cette pandémie. Nous devons en tenir compte et montrer l’exemple en nous y préparant. Cependant, nous devons d’abord rattraper notre retard et nous rallier aux lignes directrices des gouvernements provinciaux, aux conseils des experts en santé publique et à ce que fait le reste du pays.
Pour ces raisons que je tenais à exposer — je n’avais pas prévu d’intervenir dans le débat, mais je tenais à faire part à tous de ces observations importantes —, j’appuierai l’amendement du sénateur Plett. J’estime qu’il est tout simplement logique. Je ne crois pas qu’il soit exagéré. En réalité, le sénateur Plett demande un délai d’une semaine et demie pour faire le travail de diligence qui, à ce qu’il me semble, n’a pas été fait par l’entité administrative du Sénat, le Comité de la régie interne, afin de déterminer si cette mesure extrême, c’est-à-dire le prolongement jusqu’à la fin juin, est réellement nécessaire. En fin de compte, je n’en vois pas la nécessité. Il faudra que quelqu’un réussisse à me convaincre de la nécessité de poursuivre ainsi pour que je change d’idée. Dire que c’est ainsi que la Chambre des communes procède ne suffit pas. Comme je l’ai dit, ce n’est pas parce que la Chambre des communes a décidé de prendre son travail à la légère à des fins d’opportunisme politique que nous devons faire de même.
Étant donné que le Sénat n’a pas fait preuve de la diligence qui s’impose, j’estime que l’amendement du sénateur Plett est très raisonnable et qu’il devrait nous permettre d’avoir en main, à compter du 9 mai, tous les renseignements voulus pour prendre une décision ferme concernant le maintien ou l’abandon du mode de fonctionnement hybride. Merci, chers collègues.
J’aimerais soulever deux ou trois points en ce qui concerne cette motion. Premièrement, la prémisse de cette motion, qui suggère que le seul travail qui peut être fait au Sénat se fait lorsque nous sommes en présentiel à Ottawa, est erronée. Beaucoup de travaux sont effectués lorsque nous sommes en séances hybrides et en présentiel à Ottawa. La prémisse suggérée lors des discours présentés en ce qui concerne les travaux du Sénat est, à mon avis, erronée.
Le second commentaire que je voudrais faire porte sur la modernisation, autrement dit sur les technologies modernes. On sait désormais qu’on peut faire nos transactions bancaires en ligne, qu’on peut faire des achats ou se commander un repas en ligne; la pandémie nous a donné la chance de travailler autrement, de nous brancher et de rester tous connectés les uns aux autres.
On sait que la pandémie nous a donné l’occasion de rester productifs tout au long de la pandémie et de faire notre travail, tant notre travail au Sénat et au sein des comités que les travaux personnels que nous faisons tous chacun de notre côté. Je crois que dire que notre productivité a baissé est une affirmation qui n’est pas justifiée.
Peut-être que la productivité de certains sénateurs a baissé, mais ce n’est pas le cas pour la majorité d’entre nous. Notre productivité a augmenté, car nous avons organisé des rencontres et nous avons continué de voir des représentants de tous nos groupes d’intérêt. Nous avons aussi continué à travailler sur des projets de loi, tout comme nous avons développé des projets de loi qui étaient d’intérêt public.
Donc, à mon avis, notre productivité n’a pas baissé, et le fait que nous ne soyons pas à Ottawa ne nous rend pas moins productifs. Nous sommes en mesure d’utiliser les technologies modernes, d’avoir accès à tous nos collègues en même temps et d’être productifs et autonomes, que nous soyons sur place à Ottawa ou dans le confort de nos maisons, comme le disent certains. On semble dire que le seul travail que l’on fait est celui qui se fait en personne, ce qui me ramène aux arguments que je viens d’évoquer.
L’autre élément en ce qui concerne la motion est que l’on donne une semaine, environ 10 jours, pour respecter la série d’exigences qui sont associées à cette motion. Je crois que 10 jours ne sont pas suffisants pour obtenir toutes les informations demandées. Demander une prolongation qui nous permettrait de siéger en mode hybride jusqu’à la fin du mois de juin est une requête qui me semble acceptable.
Le fait que l’on donne jusqu’au 9 mai est une façon de limiter, si vous voulez, ou d’utiliser le temps important et limité que nous avons pour débattre de projets de loi pour recommencer à discuter de cette motion, qui nous demande encore une fois de tenir des séances et des réunions en mode hybride. De mon côté, je voterai donc contre cet amendement et je voterai en faveur de la proposition originale. Je vous remercie.
Sénatrice Moncion, acceptez-vous de répondre à une question?
Bien sûr.
Sénatrice Moncion, vos propos me désarçonnent. Puisque vous venez du secteur bancaire, je croyais que vos connaissances mathématiques étaient plus avancées. Vous avez parlé de productivité. Avant la pandémie, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunissait entre quatre heures et six heures par semaine.
Sénateur Boisvenu, avez-vous une question?
Oui, j’ai une question. Puis-je avoir un préambule de 30 secondes, s’il vous plaît? Ma question est la suivante. La sénatrice a dit que nous pouvions être aussi productifs maintenant qu’auparavant. Voici deux exemples. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunissait auparavant de quatre à six heures par semaine; il se réunit maintenant deux heures par semaine. Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunissait quatre heures par semaine; maintenant, on parle de deux heures par semaine. Nous passons donc entre 30 et 60 % moins de temps dans les comités, où se fait le vrai travail. Vous dites que nous pouvons être aussi productifs, mais n’ai-je pas démontré le contraire de ce que vous avez affirmé?
Je vous remercie de votre question, sénateur Boisvenu. Si vous parlez de productivité et que vous ne faites l’analyse de la productivité qu’en vous basant sur le temps passé en comité, je crois que votre prémisse — ou votre schème de pensée — est associée au fait que vous croyez que le seul travail que nous faisons se fait en comité. C’est dommage. Vous et moi savons très bien que nous avons travaillé sur le projet de loi au sujet des membres du jury et que plus de 90 % de notre travail ne s’est pas fait en comité. Vous travaillez actuellement sur une série de projets de loi que vous voulez présenter, et je fais la même chose du côté des universités et dans d’autres domaines; ce travail-là ne se fait pas en comité.
Lorsque nous travaillons en comité, nous travaillons sur des projets de loi qui se sont rendus à l’étape de l’étude en comité. Au cours des deux dernières années, nous avons fait moins de travail au sein des comités, mais beaucoup de travaux se sont effectués dans d’autres domaines. Vous, sénateur Boisvenu, êtes un excellent exemple de la grande quantité de travail que vous avez fait, même si vous n’étiez pas en comité ou que vous n’étiez pas au Sénat. Vous avez travaillé dans votre bureau, à Ottawa ou chez vous, pour faire avancer vos dossiers. Donc, il faut prendre en considération que la productivité ne se calcule pas nécessairement seulement avec nos interventions ou nos réunions de comité, ou même en personne au Sénat.
Ma prochaine question est tout aussi simple. Selon votre démonstration, ai-je bien compris que vous avez dit que notre devoir de législateurs est secondaire, ici au Sénat, par comparaison avec d’autres activités de nature plus sociale ou plus professionnelle?
Ce n’est pas le cas et ce n’est pas ce que j’ai dit, sénateur Boisvenu.
De plus, j’éliminerais le « côté social » de ma réponse, parce que pour moi, le travail que nous faisons au Sénat n’est pas un travail social. Il est bien davantage un travail professionnel et législatif. Non, je ne suis pas d’accord avec votre affirmation; ce que je vous dis, c’est qu’il y a d’excellents travaux, d’importants travaux, des travaux nécessaires qui se font au sein des comités, mais qu’il y a des travaux qui se font ailleurs également.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’amendement du sénateur Plett à la motion concernant les séances hybrides du Sénat.
J’appuie l’amendement parce que j’apprécie la prise de décisions fondées sur des données probantes. Nous avons peut-être tous nos opinions et nos préférences concernant les séances hybrides ou en personne, mais c’est la science qui devrait orienter nos décisions.
C’est ce que demande l’amendement du sénateur Plett : les données qui nous fourniront les renseignements nécessaires à l’élaboration des lignes directrices qui s’imposent. Ce n’est qu’une fois que nous disposerons de ces données que nous pourrons être certains de prendre la décision la plus sage.
En tant qu’épidémiologue, je prends au sérieux la recherche — en constante évolution — qui oriente les décisions des responsables de la santé publique lors de l’élaboration des protocoles et des précautions sanitaires relatifs à la COVID-19. Il s’agit d’outils essentiels, toujours fondés sur la science, qui alimentent notre prise de décision et qui sont souvent mis à jour. Ces protocoles sont destinés à protéger les Canadiens des pires conséquences de la pandémie : la maladie grave et la mort.
Nous entendons souvent des gens critiquer les lignes directrices relatives à la COVID parce qu’elles ont changé au fil du temps. C’est pourtant l’essence même de la science. Dans le cas de la COVID-19, il y a plus de deux ans, nous avons commencé à étudier un nouveau coronavirus, qui était essentiellement inconnu.
Notre expérience des pandémies aurait pu mieux éclairer notre prise de décision. En 2010, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a effectué un examen complet de la réponse du Canada à la pandémie de grippe H1N1 de 2009. À titre de membre de ce comité, j’ai eu l’occasion de participer à cette étude.
Le rapport final, intitulé La réponse du Canada à la pandémie de grippe H1N1 de 2009, publié en décembre 2010, comprenait 17 recommandations clés visant à renforcer le futur plan de préparation du Canada en cas de nouvelle pandémie. Bien que la pandémie de H1N1 n’ait pas eu la même incidence mondiale que la pandémie de COVID-19, les leçons apprises sont inestimables.
Je tiens à réitérer qu’il est vrai que la recherche scientifique sur une question donnée évolue au fil du temps et que les données probantes ne cessent de s’accumuler. Il est également vrai que certaines études se contredisent. Il y a toujours des études aberrantes. Cependant, les responsables de la santé publique ne peuvent pas se permettre d’attendre que la science évolue pour proposer des approches efficaces visant à détecter et à gérer une pandémie. Ils doivent mettre en œuvre continuellement des plans fondés sur une quantité croissante de données probantes cumulées qui fournissent les meilleures informations dont nous disposons à ce moment-là.
Cela ne signifie pas que les conseils de demain ou de la semaine prochaine seront les mêmes, car les responsables de la santé publique doivent faire preuve de suffisamment de souplesse pour mettre à jour continuellement leurs conseils.
Au cours de la pandémie, nous avons vu les responsables de la santé publique changer leurs conseils à plusieurs reprises. Au début, ils nous ont dit qu’il n’était pas nécessaire de porter un masque. Cependant, après que les données probantes se sont accumulées, ils nous ont dit que les masques fournissaient une couche de protection importante. Ils nous ont même donné des renseignements à jour sur les types de masques que nous devrions utiliser selon les circonstances.
Il y a deux ans, ils nous disaient de désinfecter les surfaces puisque le virus pouvait survivre longtemps sur certaines d’entre elles. Pour se protéger, les gens allaient même jusqu’à désinfecter leurs aliments. Au fur et à mesure que les données probantes se sont accumulées, il est devenu évident que nous devions nous inquiéter de la transmission par aérosol plutôt que de la transmission par matière contaminée.
C’est un exemple de la façon dont fonctionne la santé publique. On doit prendre des décisions en fonction des meilleures données probantes du moment. C’est un processus incessant de collecte de données et de probabilités. En toute honnêteté, la certitude est rare. Il faut néanmoins l’accepter et prendre des décisions importantes.
Même en ce moment, après plus de deux ans de ce nouveau coronavirus qui circule sur la planète, nous savons que les incertitudes au sujet de la COVID-19 ne cessent de s’accumuler : efficacité des vaccins de rappel, durée des périodes d’immunité et niveau d’infectiosité et de mortalité du variant Omicron et des autres variants. Selon les données accumulées jusqu’à présent, toutefois, on constate que le variant Omicron a des conséquences moins graves pour la santé et qu’il entraîne moins d’hospitalisations, de visites aux soins intensifs et de décès. La santé publique continuera donc de publier des conseils à jour.
Vous avez peut-être entendu dire que la courbe du taux d’incidence des cas de cette sixième vague est en train de s’aplatir un peu partout au Canada. Par exemple, certains disent que jusqu’à 30 % de la population de l’Ontario aurait contracté le variant Omicron. Nous savons toutefois qu’il ne s’agit que d’estimations, car les tests de dépistage n’ont pas été menés de façon uniforme. En fait, la plupart des gens utilisent maintenant des tests de dépistage rapide, dont les résultats ne sont pas du tout déclarés à la santé publique.
Donc, la pandémie d’aujourd’hui n’est pas la même que celle de l’an dernier. Les responsables de la santé publique d’un bout à l’autre du pays, dans chaque province et territoire, ont modifié leurs conseils pour tenir compte de l’évolution des données probantes et de la recherche. Toutefois, chers collègues, nous ne disposons pas encore de preuves pour affirmer avec une profonde certitude que la pandémie tire à sa fin. Alors nos décisions demeurent fondées sur les données cumulées.
Chers collègues, puisque nous nous trouvons à la croisée des chemins, je pense que nous pourrions apporter un ajout à cet amendement. Ainsi, j’aimerais proposer un sous-amendement.
Comme nous le savons tous, le Canada a une administratrice en chef de la santé publique, la Dre Theresa Tam. Dans le cadre de ses fonctions, elle est la principale experte en matière de santé publique du gouvernement fédéral et elle nous a aidés à traverser la pandémie. Le rôle de la Dre Tam est de conseiller le ministre de la Santé et le président de l’Agence de la santé publique du Canada sur les questions relatives à la santé. Elle travaille également en collaboration avec les autres ordres de gouvernement, les administrations, les organismes, les agences et les autres pays en ce qui concerne les enjeux de santé, en plus de préparer un rapport annuel sur l’état de la santé publique au Canada.
En raison de son rôle et de ses responsabilités, elle est tenue de demeurer bien au fait des dernières données sur la santé et de prodiguer des conseils pour les intégrer de manière pratique dans la lutte contre la pandémie.
À mon avis, ses conseils seraient très précieux pour nous.
Dans le cadre de notre collecte de données sur lesquelles prennent appui nos décisions, mon sous-amendement propose seulement d’inviter la Dre Tam à nous conseiller sur les risques entourant le retour exclusif aux séances en personne au Sénat et le moment opportun pour le faire. Cet ajout a simplement pour but d’obtenir les conseils de la plus haute autorité en matière de santé publique au pays avant de prendre notre décision.