PÉRIODE DES QUESTIONS — La sécurité publique
La Loi sur les mesures d’urgence
5 mai 2022
Sénateur Gold, je m’adresse encore à vous aujourd’hui pour vous poser une question.
Sénateur Gold, même avant que le gouvernement néo-démocrate—libéral ne commence à se féliciter d’avoir lancé une enquête publique sur le recours à la Loi sur les mesures d’urgence, une enquête publique que la loi l’obligeait à créer, il y avait des signes que le gouvernement n’avait aucune intention de faire preuve de transparence concernant sa décision d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence.
Le mois dernier, le gouvernement néo-démocrate—libéral a refusé de fournir tous les renseignements pertinents concernant le recours à la Loi sur les mesures d’urgence dans une cause intentée devant la Cour fédérale par plusieurs groupes, notamment l’Association canadienne des libertés civiles.
Monsieur le leader, en quoi le fait de cacher des documents du Cabinet à la Cour et à l’enquête publique démontre-t-il l’ouverture et la transparence du gouvernement néo-démocrate—libéral?
Merci pour vos questions. Comme le sait toute personne au Sénat ayant des antécédents en droit, de même les parlementaires d’expérience qui ont travaillé dans les comités, la loi canadienne, et en particulier la Loi sur la preuve au Canada, reconnaît explicitement, comme c’est le cas dans tous les pays démocratiques, qu’un équilibre est nécessaire entre la divulgation de documents pertinents à un litige et la protection de l’information dont la divulgation pourrait causer des torts, dans le cas présent, à la sécurité nationale, ou à d’autres intérêts tels que la vie privée, la confidentialité des renseignements et ainsi de suite.
Honorables sénateurs, il revient aux tribunaux de déterminer si ces règles sont bien appliquées. Le gouvernement du Canada fait entièrement confiance aux tribunaux pour qu’ils accomplissent leur devoir de façon appropriée dans le but de veiller à ce que tous les renseignements pertinents soient divulgués, mais que les renseignements protégés par des questions de privilège restent dûment protégés.
Merci pour cette leçon de droit. Je sais aussi que, quand le Président de la Chambre rend une décision contre le gouvernement, le gouvernement le poursuit en justice.
En août 2019, quand le commissaire à l’éthique, Mario Dion, a signalé que le premier ministre avait enfreint la loi — étonnant, n’est-ce pas? — dans le cadre du scandale SNC Lavalin, le premier ministre a dit aux Canadiens : « nous avons coopéré pleinement avec le commissaire dans cette affaire. » En réalité, dans son rapport, le commissaire à l’éthique Mario Dion a dit que neuf témoins avaient indiqué à son commissariat qu’ils croyaient posséder des renseignements pertinents, mais qu’ils ne pouvaient pas les divulguer sans enfreindre la confidentialité du Cabinet. Le commissaire à l’éthique a soulevé ce problème auprès du premier ministre directement, et ce dernier a tout de même refusé de lui donner accès aux documents confidentiels du Cabinet.
Monsieur le leader, l’histoire ne se répète-t-elle pas? L’an prochain, quand la commission du juge Rouleau publiera son rapport sur le recours à la Loi sur les mesures d’urgence, n’entendrons-nous pas la même chose, c’est-à-dire que la commission n’a pas eu accès aux témoins et aux documents confidentiels du Cabinet nécessaires, et le premier ministre ne nous dira-t-il pas encore une fois qu’il coopère pleinement alors qu’il n’en est rien?
Je vous remercie de votre question. Vous savez, parfois, on vit dans le passé, parfois, dans le futur. Parfois, il faut traiter du présent.
Honorables sénateurs, je ne peux pas prédire l’avenir. Mon professeur de droit constitutionnel Laurence Tribe a plaisanté un jour en disant que quand on se fie à une boule de cristal, il faut être prêt à manger du verre. Je n’ai pas l’estomac assez solide pour cela.
Le gouvernement du Canada a confiance dans le juge qui administre l’enquête publique et il a confiance dans le comité parlementaire mixte qui étudie la question. Surtout, il a confiance dans les lois du Canada qui reconnaissent la nécessité d’assurer la confidentialité de certaines actions du Cabinet. Le gouvernement actuel du Canada, les gouvernements précédents du Canada et — et je vais tenter une prédiction ici — les gouvernements futurs du Canada insisteront pour maintenir l’intégrité de ce principe et le défendront, même si, comme dans le cas actuel, on veut ressasser le passé.