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PÉRIODE DES QUESTIONS — Les affaires étrangères

L'intégrité des élections

8 mars 2023


L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)

Monsieur le leader du gouvernement, le Globe and Mail a beaucoup parlé de documents du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, qui révèlent l’ampleur de l’ingérence menée par le régime communiste de Pékin dans les élections fédérales canadiennes de 2019 et 2021 — au moyen de financement, de menaces, d’intimidation, de refus de visas, de campagnes de désinformation, et j’en passe —, afin d’atteindre l’objectif souhaité, soit l’élection d’un gouvernement libéral minoritaire et la défaite des conservateurs.

Rien de tout cela n’a de quoi étonner le premier ministre. Le premier ministre et son Cabinet étaient au courant de la situation, n’ont rien fait pour y mettre fin et l’ont cachée aux Canadiens. Nous savons tous pourquoi. C’est parce qu’elle lui était profitable, monsieur le leader.

Il y a deux semaines, le premier ministre a prétendu que les nouvelles sur l’ingérence étrangère dans les élections contenaient « beaucoup d’inexactitudes. » Monsieur le leader, quelles sont ces inexactitudes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Je vous remercie de votre question, cher collègue. Nous sommes tous d’accord, malgré les divergences d’opinions, pour dire que cette affaire est grave. Le gouvernement actuel prend la situation très au sérieux. Protéger nos institutions démocratiques, préserver l’intégrité du système électoral et veiller à ce que celui-ci résiste aux tentatives d’ingérence de la part d’acteurs étrangers sont toutes de grandes priorités. Ce sont des priorités pour chaque sénateur, j’en suis sûr, pour chaque parlementaire, et en fait pour chaque Canadien.

Le gouvernement prend cette affaire au sérieux. Il n’y a aucune preuve, comme l’ont indiqué plusieurs rapports, que les élections ont été compromises. C’est ce qui ressort clairement du rapport de Morris Rosenberg.

En effet, l’ancien directeur de la campagne électorale nationale des conservateurs Fred DeLorey a déclaré que « [...] le résultat des élections n’a pas été influencé par une quelconque ingérence extérieure » et qu’il n’y a pas l’ombre d’un doute là-dessus.

Ce n’est pas la fin de l’histoire. La question importante est de savoir quelles mesures sont prises à la fois pour protéger nos institutions et pour comprendre toute l’étendue des gestes qui ont été posés, et quelles mesures sont prises pour les combattre.

À cet égard, les démarches que le premier ministre a annoncées, soit de faire appel au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement ainsi que de nommer un rapporteur spécial, sont autant de mesures destinées à faire toute la lumière sur cette affaire, de manière responsable et prudente.

J’espérais que votre réponse allait au moins se rapporter à la teneur de ma question.

Vous dites que le gouvernement prend la situation au sérieux. Le premier ministre la prend tellement au sérieux qu’il refuse de répondre à une question bien simple : quand?

Global News a révélé récemment que des membres importants du Cabinet du premier ministre ont été informés par le Service canadien du renseignement de sécurité avant les élections fédérales de 2019 d’un cas précis d’ingérence étrangère de la part du régime communiste de Pékin. Les réponses que nous avons entendues de la part du premier ministre sont loin de répondre aux questions sérieuses qui lui ont été posées à ce sujet, tout comme la réponse que vous avez donnée il y a une minute.

Il est honteux que son premier réflexe ait été de s’en prendre aux sonneurs d’alarme du Service canadien du renseignement de sécurité plutôt qu’à l’ingérence dans les affaires de notre pays. L’annonce que le premier ministre a faite lundi était tout à fait insuffisante, mais il n’aurait pas dit un mot là-dessus si des journalistes n’avaient pas vu les documents du Service canadien du renseignement de sécurité.

Monsieur le leader, quand? Quand le premier ministre et son personnel ont-ils été informés par nos services de sécurité nationale au sujet de ces allégations d’ingérence de la part du Parti communiste à Pékin, et quelle information ont-ils reçue?

Le sénateur Gold [ - ]

Ce sont des questions importantes. En tant que parlementaires, nous devons les aborder de manière responsable.

Le premier ministre ne va pas divulguer les recommandations ou les renseignements que les services de sécurités lui ont fournis, et il ne serait certainement pas judicieux de le faire.

Le fait est que le premier ministre a annoncé que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui se compose de parlementaires ayant une habilitation de sécurité, examinera cette question, comme il a examiné dans le cadre de ses importants rapports sur l’ingérence étrangère les mesures prises par nos institutions pour nous protéger. Je recommande à chaque sénateur de lire le rapport de ce comité sur l’ingérence étrangère, qui vous permettra de constater que le gouvernement prend cette question au sérieux depuis longtemps.

En outre, chers collègues, le rapporteur spécial, dont la nomination est imminente, pourra conseiller le premier ministre sur les autres mesures à prendre. J’ajouterai que l’ancien président de campagne du Parti conservateur a suggéré que la manière appropriée d’aller au fond des choses serait de donner au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement les moyens de faire le travail.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Monsieur le leader du gouvernement, avec tout le respect que j’ai à votre égard, la question n’est pas de savoir si Justin Trudeau et ses amis à Pékin ont réussi à influencer les résultats d’élections. En ce qui concerne les déclarations de Fred DeLorey et le fait que le gouvernement essaie de justifier un vol de banque, je dirai que ne pas s’emparer du butin ne veut pas dire qu’on n’a pas tenté d’enfreindre la loi.

Lorsqu’il a été révélé l’automne dernier que le premier ministre avait reçu des avertissements des services de renseignement au sujet de l’ingérence de Pékin dans les élections du Canada, il a nié encore et encore. Toutefois, au fil des dernières semaines, alors que plus de détails ont été révélés sur de nombreux rapports à propos du premier ministre et de son personnel, le démenti est devenu beaucoup moins plausible.

Un de ces rapports venait du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, un comité qui, comme vous le savez, ne relève malheureusement pas du Parlement. Il rend des comptes directement au premier ministre. Le premier ministre a tout récemment admis qu’il avait ignoré les recommandations du comité à propos de l’ingérence étrangère. Ce sont les faits.

Pourtant, lundi dernier, dans une liste de tactiques dilatoires annoncée par le premier ministre, on a vu ce même comité, qui doit faire rapport sur la même question à un premier ministre l’ayant ignoré. Sénateur Gold, après avoir menti à propos de ce qu’il savait, il l’a maintenant admis — le premier ministre a bel et bien menti. Au début, il a prétendu que c’étaient des mensonges, que les rapports n’étaient pas fondés. Eh bien, les faits ont prouvé le contraire.

Ma question est simple : comment le public canadien peut-il faire confiance à ce premier ministre après qu’il ait menti de manière éhontée sur cette question?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Je suppose que mes explications préliminaires n’ont pas suscité l’intérêt des membres de l’opposition. Il s’agit de questions sérieuses qui doivent être abordées de manière responsable. La partisanerie est une chose. Le fait d’accuser notre premier ministre et de le traiter de menteur est un exemple de la façon dont la partisanerie irrationnelle sur des questions sérieuses qui préoccupent les Canadiens contribue à saper la confiance dans notre institution. J’ajouterai qu’il est temps pour nous de montrer véritablement l’exemple dans ce débat.

Il est temps que tous les parlementaires, y compris ceux du Sénat, montrent véritablement la voie à suivre sur cette question très importante et délicate qui fait intervenir plusieurs ministères et plusieurs agences qui se sont engagés à assurer la sécurité des Canadiens. Je les félicite d’ailleurs pour leur travail.

Il suffit de regarder vers le sud, chers collègues, pour voir à quel point ce genre d’invectives, qu’ils soient adressés au premier ministre, à d’autres dirigeants ou à nos institutions, peuvent être corrosifs et saper les fondements essentiels de notre démocratie.

Je m’arrête là, car je pourrais en dire plus, mais, bien sûr, l’opposition conservatrice au Sénat est indépendante de son chef, nous dit-on, et je ne profiterai donc pas de l’occasion pour vous rappeler ce que le chef de l’opposition a dit au sujet du premier ministre, mais je suis sûr que vous l’avez tous lu avec intérêt. Ce n’est pas une façon responsable, chers collègues, de traiter une question importante.

Le sénateur Housakos [ - ]

Sénateur Gold, ce qui n’est pas responsable, c’est qu’en huit ans, un gouvernement ne fasse absolument rien pour lutter contre l’influence étrangère. Un projet de loi du Sénat vise à établir un registre des agents d’influence étrangers, mais son étude n’a aucunement progressé parce que les sénateurs indépendants ne semblent pas préoccupés par l’influence étrangère.

Le gouvernement ne fait rien et ne tient pas compte des recommandations du SCRS. L’ancien directeur du SCRS, l’ancien directeur général des élections et un comité parlementaire de la Chambre des communes démocratique demandent maintenant tous la tenue d’une enquête publique indépendante, mais le premier ministre continue d’atermoyer, et vous osez nous faire la leçon en matière de partisanerie? Je vous en prie.

Sénateur Gold, encore pire que d’en venir à la conclusion que nous américanisons la politique canadienne est de nous accuser d’être tous racistes parce que nous nous soucions de la sécurité des Canadiens. C’est ce que le premier ministre a trouvé de mieux à dire pour sa défense. C’est ridicule.

À l’heure actuelle, les personnes les plus victimisées et les plus menacées par cette ingérence étrangère et qui voient leurs droits démocratiques bafoués sont les Canadiens d’origine chinoise et de diverses diasporas. Ces personnes se font influencer, enjôler et intimider en sol canadien. Elles méritent mieux que cela.

La défense « ce n’est que de la partisanerie » est inacceptable. Puisque vous refusez de reconnaître que le premier ministre a menti lorsqu’il a nié être au courant et a menti quant à la date à laquelle il a été informé, reconnaîtrez-vous à tout le moins que le premier ministre doit des excuses aux Canadiens de diverses diasporas pour avoir traité de racistes ceux qui osent dénoncer la situation et qu’il cause du tort en utilisant un outil aussi important à des fins partisanes? Quand présentera-t-il ses excuses à ces Canadiens?

Le sénateur Gold [ - ]

Le premier ministre travaille de façon adéquate et responsable à protéger les Canadiens contre l’ingérence étrangère.

Je le répète, c’est une question sérieuse. Il faut s’en occuper de façon responsable et traiter le premier ministre de menteur n’est pas responsable. Il est irresponsable pour un chef de parti — quelqu’un qui aspire à devenir premier ministre — d’affirmer essentiellement que le premier ministre travaille contre les Canadiens pour servir les intérêts d’un pays étranger. Cela équivaut à traiter notre premier ministre de traître et ce n’est pas acceptable.

Je comprends qu’il y ait de la partisanerie au Parlement, mais je m’attends à mieux lorsqu’il est question d’enjeux aussi sérieux.

Tant qu’à parler de cette situation, sénateur Housakos, il convient de rappeler aux Canadiens et aux sénateurs que les accusations et les allégations d’ingérence étrangère ne datent pas d’hier. La personne qui accuse aujourd’hui le premier ministre d’être à la solde d’un pays étranger et de travailler à l’encontre des intérêts de son propre pays, le chef du Parti conservateur, a déjà été ministre de la Réforme démocratique. Il a occupé ce poste de 2013 à 2015. Il avait été averti par le SCRS et par le conseiller à la sécurité nationale du premier ministre de l’existence du problème de l’ingérence chinoise. Il n’a absolument rien fait. Le premier ministre, lui, agit et les Canadiens peuvent être fiers que le gouvernement défende leurs intérêts.

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