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Projet de loi sur l’assurance médicaments

Deuxième lecture

18 juin 2024


L’honorable Judith G. Seidman [ - ]

Honorables sénateurs, je vais continuer de parler de certains aspects problématiques de ce plan et des possibles conséquences imprévues.

Le quatrième point sur lequel j’attire votre attention porte sur la politique d’un régime national et universel d’assurance‑médicaments qui est prévue dans le projet de loi C-64. Elle n’inclut aucun mécanisme d’exception permettant à un patient d’avoir accès à un médicament qui ne figure pas dans la liste de médicaments.

M. John Adams, président du conseil d’administration de la Coalition pour de meilleurs médicaments, a soulevé cette préoccupation lors de sa comparution devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. La Coalition pour de meilleurs médicaments représente 30 organisations de patients, qui représentent des gens atteints de la maladie de Parkinson, d’arthrite, d’hémophilie, la cécité, de cancer et d’autres maladies complexes et rares.

Voici ce qu’il a dit au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes :

[...] les patients ne réagissent pas tous de la même façon à un même médicament. Nous avons besoin d’une certaine variété et d’un certain choix. Le Québec dispose d’un mécanisme qui permet à un médecin de présenter une demande à un comité d’examen scientifique véritablement indépendant de la bureaucratie de la santé pour un médicament dont il sait que le patient a besoin [...]

Le régime national d’assurance-médicaments serait grandement amélioré, sur le plan conceptuel, par l’existence de cette soupape de sécurité pour les patients exceptionnels.

Les audiences du comité devraient permettre d’étudier s’il est justifié d’établir des exceptions par rapport à la liste de médicaments et de se pencher sur les mécanismes potentiels en ce sens.

Je passe au cinquième élément. Les coûts d’un programme national et universel d’assurance-médicaments, tel qu’il est décrit dans les principes du projet de loi C-64, pourraient grimper en flèche.

Dans son rapport sur le projet de loi C-64, publié le 15 mai, le Bureau du directeur parlementaire du budget :

[...] suppose que les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que par les assureurs privés, resteront couverts aux mêmes conditions.

Il déclare ceci, et le choix des mots est très important : « Le programme vise à bonifier et élargir, et non pas remplacer [...] »

C’est sur la base de cette hypothèse que le directeur parlementaire du budget a estimé que l’assurance-médicaments universelle nationale augmenterait les dépenses du programme fédéral de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans.

À la séance d’information que m’ont offerte les fonctionnaires du ministère, on m’a assurée que le gouvernement, dans ses accords bilatéraux avec les provinces, négociera pour s’assurer que les provinces maintiennent la couverture de leur propre régime public pour le diabète et la contraception. Cependant, le gouvernement fédéral n’a aucun moyen de garantir que les régimes privés d’assurance-médicaments maintiendront leur couverture.

Selon le directeur parlementaire du budget, si les régimes privés d’assurance-médicaments cessaient de couvrir les médicaments et dispositifs de contraception et de traitement du diabète, les dépenses du régime public feraient plus que doubler. Au lieu de coûter 1,9 milliard de dollars sur cinq ans, le régime coûterait 4,4 milliards de dollars sur cinq ans.

Honorables sénateurs, mis à part les principes d’« universalité » énoncés, les propositions réelles du projet de loi C-64 obligent le ministre de la Santé à effectuer des paiements aux provinces et aux territoires avec lesquels le gouvernement fédéral a conclu des accords bilatéraux pour assurer la couverture de médicaments sur ordonnance spécifiques et de produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète.

Le paragraphe 6(1) du projet de loi précise que les paiements sont effectués « dans le but d’élargir toute couverture existante d’un régime d’assurance médicaments public ». Les hypothèses présentées dans le rapport du directeur parlementaire du budget sur le projet de loi C-64 s’appuient le libellé de cette disposition.

D’après le paragraphe 6(1), il semblerait que la couverture de certains médicaments sur ordonnance en particulier et de produits connexes pour la contraception ou le traitement du diabète viendrait compléter les couvertures existantes.

Cela semble contredire d’autres dispositions du projet de loi. Êtes-vous embrouillés? On peine à s’y retrouver! Comme l’a dit Stephen Frank, président et chef de la direction de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes :

[...] au Canada, 27 millions de personnes ont une assurance médicaments privée. Il s’agit d’une couverture très large, beaucoup plus large que celle offerte par le meilleur système public où que ce soit au Canada, et les gens y accordent une grande valeur — 90 % d’entre eux accordent une grande importance à leur couverture — et ils veulent donc la protéger et s’opposent fortement à ce qu’elle soit menacée. Si vous leur demandez quelle est l’approche qu’ils préfèrent et que vous leur donnez le choix, la très grande majorité préférerait que le gouvernement concentre ses efforts là où il y a un besoin.

Chers collègues, serait-il judicieux de remplacer une couverture à laquelle 90 % des Canadiens accordent une grande importance?

Personne ne sait encore trop comment les régimes privés et le nouveau régime public vont se coordonner une fois à la pharmacie. Si le coût d’un médicament est déjà couvert à 80 % par le régime privé d’un patient, le régime public couvrira-t-il les 20 % restants? Couvrira-t-il plutôt la totalité des coûts, ce qui signifie que ces coûts ne seraient plus assumés par les assureurs privés, mais par les contribuables?

Lorsqu’on leur a posé la question, les représentants du ministère ont répondu que ces « détails administratifs » restaient à définir. Dans le cadre de son étude, j’estime que le comité tâchera d’obtenir la réponse à ces questions fondamentales.

La couverture des médicaments sur ordonnance et des produits connexes servant à la contraception ou au traitement du diabète ne sera pas administrée uniquement par le fédéral, contrairement à ce qui se fait pour la nouvelle prestation dentaire. Elle sera plutôt administrée par les provinces et les territoires, à l’aune des ententes bilatérales qui seront conclues.

Or, qui dit ententes bilatérales dit myriade d’obstacles à surmonter. En mars 2023, par exemple, le gouvernement annonçait, comme je l’ai déjà dit, qu’il consacrerait jusqu’à 1,5 milliard de dollars sur trois ans à la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares, qui était censée faire partie de ce régime et qui a pour objectif de faciliter l’accès aux médicaments les plus efficaces contre les maladies rares ou les plus prometteurs et d’en faire baisser le prix.

Un an s’est écoulé depuis, et aucune entente bilatérale n’a encore été signée, ce qui veut dire que cet argent attend encore de pouvoir aider les Canadiens atteints de maladies rares.

Mme Durhane Wong-Rieger, présidente et directrice générale de la Canadian Organization for Rare Disorders, a dit ce qui suit au Comité de la santé de la Chambre des communes :

[...] nous avons constaté que la majeure partie de cet argent, soit 1,4 milliard du 1,5 milliard de dollars, doit être affectée dans le cadre d’accords bilatéraux. [...]

Ce que nous savons, c’est que, bien que plus d’un an se soit écoulé, aucun accord n’a été mis en place. Nous ne savons même pas s’il y a eu des discussions à ce sujet. Je ne sais pas s’il s’agit simplement d’une question de bureaucratie, de lourdeur du processus ou de difficulté à obtenir l’accord des provinces. Cependant, ce n’est pas ainsi que les choses doivent se passer.

Mme Wong-Rieger se demandait si les mêmes retards dans le déploiement seraient observés pour des médicaments autres que les médicaments pour les maladies rares. Les enseignements tirés par la Canadian Organization for Rare Disorders seraient utiles pour les audiences du Comité.

Au fil des ans, on nous a dit à quel point il est difficile pour le gouvernement fédéral d’obtenir des provinces des données complètes et comparables même si un accord bilatéral impose la communication de ces données.

Par exemple, à la fin de l’année dernière, quand le Comité des affaires sociales étudiait le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, nous avons entendu le témoignage de Gordon Cleveland, le président du Groupe d’experts fédéral sur les données et la recherche sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants du Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Voici ce qu’il nous a dit :

[...] le problème, c’est que bon nombre de provinces et de territoires n’ont pas la capacité [...]

 — d’améliorer la collecte des données —

[...] ou n’ont pas rangé cette activité dans leurs priorités. Les rapports qu’ils produisent ne sont pas conformes à ce que prévoyaient les accords. Ils ne fournissent pas d’informations en temps opportun comme nous nous y attendions, et lorsqu’ils le font, il y a des problèmes majeurs de comparabilité.

Si, comme le ministre l’a indiqué, on compte offrir une couverture pour certains médicaments sur ordonnance, des contraceptifs et des produits pour le traitement du diabète dans le cadre d’un projet pilote en vue d’une couverture plus universelle, alors il nous faudra d’excellentes données aux fins d’évaluation. Honorables collègues, au comité, on devrait déterminer si les accords bilatéraux peuvent faciliter la collecte de ces données en prévoyant des exigences à cette fin.

Le gouvernement du Canada lancera des discussions avec les provinces et les territoires au sujet de la liste des médicaments contre le diabète comprise dans un document d’information publié sur le site Web de Santé Canada le 29 février 2024. Dans ce document, le gouvernement a également annoncé son intention de créer un fonds pour travailler avec les partenaires des provinces et des territoires afin de soutenir l’accès de la population canadienne aux fournitures dont les personnes atteintes de diabète ont besoin pour gérer et surveiller leur maladie et administrer leurs médicaments, comme les seringues et les bandelettes de test de glycémie.

De nombreux intervenants ont donné leur avis sur la liste fournie dans le document. L’Association québécoise des pharmaciens propriétaires a fait les observations suivantes :

Si on compare la liste du Québec à celle qui est proposée, bien qu’elle ne soit pas définitive, on constate une perte de plusieurs millions d’ordonnances pour le diabète. [...] on gère des ruptures de stock quotidiennement, en pharmacie communautaire. [...] Il faudrait vraiment s’assurer que cette liste couvre minimalement la liste du Québec, bien que le Québec soit généreux.

En matière de diabète, une vaste couverture est nécessaire [...] Cette [...] grande gamme de médicaments couverts est essentielle pour maintenir la santé des Canadiens.

De plus, le fonds proposé pour des fournitures médicales pour les diabétiques n’est pour l’instant rien de plus qu’un engagement. Il ne figure pas dans le projet de loi C-64. Mike Bleskie, porte-parole pour le diabète de type 1, a déclaré au comité de la santé de la Chambre des communes qu’il devait débourser environ 450 $ par mois principalement pour son dispositif de surveillance du glucose en continu, qui n’est pas couvert en Ontario, et pour le matériel nécessaire à sa pompe à insuline. Le projet de loi C-64 n’aiderait pas les diabétiques à couvrir ce genre de dépenses.

Les audiences du comité devraient inclure les conséquences possibles d’une liste aussi limitée et se pencher sur les listes d’autres administrations, tant au Canada qu’à l’étranger.

Chers collègues, le comité devrait aussi se pencher sur trois autres problèmes de taille concernant le projet de loi C-64. Le premier est l’absence de surveillance de la nouvelle Agence canadienne des médicaments.

Le projet de loi C-64 prévoit un rôle important pour l’Agence canadienne des médicaments. La partie 7 du projet de loi C-64 précise que l’Agence canadienne des médicaments conseillera le ministre sur l’efficacité clinique et le rapport coût-efficacité de médicaments sur ordonnance ou de produits connexes comparativement à d’autres options de traitement; les médicaments sur ordonnance ou les produits connexes qui devraient faire partie d’un régime offrant une couverture pour médicaments sur ordonnance au Canada, ainsi que les conditions qui s’appliquent en lien avec celle-ci; la collecte et l’analyse de données relatives à des médicaments sur ordonnance ou à des produits connexes; les renseignements et les recommandations à fournir aux professionnels de la santé et aux patients sur l’utilisation appropriée des médicaments sur ordonnance ou des produits connexes et les améliorations à apporter au système pharmaceutique, y compris au moyen d’une meilleure collaboration entre les partenaires du système de santé, les patients et les autres intervenants. La liste est longue.

L’Agence canadienne des médicaments préparera le formulaire national qui servira de base aux discussions du ministre de la Santé avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et d’autres partenaires et intervenants concernant le régime national universel d’assurance-médicaments. L’Agence élaborera également une stratégie nationale d’achat en gros de médicaments sur ordonnance et de produits connexes.

Le problème, honorables sénateurs, c’est qu’on a créé l’Agence canadienne des médicaments à la demande du ministre de la Santé, et non pas par voie législative. Il convient de se demander sérieusement si l’Agence ne devrait pas plutôt être soumise à la surveillance parlementaire, à la Loi sur l’accès à l’information, à des examens de la vérificatrice générale et à des interventions d’un ombudsman des patients.

Lors de son témoignage devant le Comité permanent de la santé, John Adams, de la Coalition pour de meilleurs médicaments, a apporté des précisions, disant :

Le projet de loi confère au ministre de nouveaux pouvoirs importants. On pourrait l’améliorer en instaurant diverses formes de transparence et de reddition de comptes...

... je pense qu’il s’en remet trop à la boîte noire qu’on appelle l’Agence canadienne des médicaments et qu’il ne prévoit pas de mécanismes de transparence ou de reddition de comptes sur ce qui pourrait devenir un rôle très important dans la réforme du système.

Le deuxième grand problème, c’est que, bien que l’Agence conseille le ministre sur la création du formulaire national, les décisions concernant les médicaments qui y seront inclus seront en fin de compte prises par le ministre. Il s’agit là d’un pouvoir extraordinaire.

Pendant son témoignage devant le comité de la santé, Linda Silas, présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers, a déclaré :

[...] lorsque j’ai rencontré le ministre hier, je lui ai dit que ce n’était pas vraiment son rôle de décider ce qui figure sur le formulaire et quel médicament prescrire pour le diabète, et qu’un groupe d’experts devrait s’en occuper.

Le comité devrait examiner, pendant les audiences, s’il est approprié que le ministre détermine, sur les conseils d’un organisme qui n’est pas surveillé par le Parlement, quels médicaments et dispositifs figureront dans le formulaire national.

Le troisième problème fondamental que pose le projet de loi C-64 tient au manque de définitions. Cette préoccupation a été soulevée par beaucoup de députés et d’intervenants pendant l’étude du Comité de la santé.

Le paragraphe 6(1) du projet de loi charge le ministre d’effectuer des paiements aux provinces ou aux territoires :

[...] dans le but d’élargir toute couverture existante d’un régime d’assurance médicaments public — et d’offrir une couverture universelle au premier dollar à payeur unique — en ce qui concerne des médicaments sur ordonnance et des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète.

Le projet de loi ne définit toutefois pas les termes « universelle », « payeur unique » ou « premier dollar », ce qui entraîne une confusion inutile. Le comité devrait, dans le cadre des audiences, considérer la possibilité d’apporter des amendements pour ajouter des définitions.

Selon la Loi canadienne sur la santé :

La condition d’universalité suppose qu’au titre du régime provincial d’assurance-santé, cent pour cent des assurés de la province ait droit aux services de santé assurés prévus par celui-ci, selon des modalités uniformes.

C’est ainsi que les Canadiens comprennent le terme « universel » depuis 1985.

Même si les Canadiens ont peut-être une idée de ce que signifie « payeur unique », il faut définir le terme. Comme l’explique un article paru en 2017 dans le Journal of General Internal Medicine :

Les régimes à payeur unique sont hétérogènes. Il importe de définir ce qu’on entend par payeur unique et d’établir les caractéristiques variables pour avoir des discussions politiques nuancées sur des propositions de réforme précises.

Le gouvernement devrait être invité à fournir une définition précise de « payeur unique » afin que le terme puisse être défini dans le projet de loi C-64.

Le terme « premier dollar » sème aussi la confusion. Au Comité permanent de la santé, Mme Michelle Boudreau, sous-ministre adjointe déléguée de la Direction générale de la politique stratégique de Santé Canada, a expliqué ceci :

« Premier dollar » signifie que, dès qu’un événement assurable survient — dans ce cas, une ordonnance qui a été remplie —, l’assurance s’appliquerait; c’est-à-dire que la couverture s’appliquerait avant tout autre paiement.

De façon semblable, l’Association médicale canadienne définit la couverture au premier dollar ainsi : « Services de santé entièrement couverts par un régime public d’assurance maladie, sans frais pour les patients et patientes. » Cela semble indiquer qu’il n’y aura pas de coordination des prestations lorsqu’un patient a une assurance privée.

Si la couverture publique s’applique avant la couverture privée, le gouvernement n’a pas prévu de fonds suffisants pour son programme :

Dans le budget de 2024, le gouvernement propose de fournir 1,5 milliard de dollars sur cinq ans, à compter de 2024-2025, à Santé Canada afin de soutenir l’établissement du régime national d’assurance médicaments.

Le directeur parlementaire du budget, quant à lui :

[...] estime que la première phase du régime d’assurance médicaments national universel augmentera les dépenses du programme fédéral de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans.

Cependant, il faut se rappeler que l’estimation du directeur parlementaire du budget :

[...] suppose que les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que par les assureurs privés, resteront couverts aux mêmes conditions.

Si les contraceptifs et les médicaments contre le diabète qui sont actuellement couverts par les compagnies d’assurance privées sont plutôt couverts par le régime public, le directeur parlementaire du budget estime que cette phase de l’assurance-médicaments coûtera 4,4 milliards de dollars. Il y aurait donc un déficit budgétaire de 2,9 milliards de dollars.

Le gouvernement doit expliquer ce qu’il entend précisément par « premier dollar », et le comité devrait envisager d’amender le projet de loi pour y inclure la définition de ce terme.

Le rapport Hoskins indique ceci :

Le Canada est le seul pays au monde à offrir des soins de santé universels en omettant la couverture universelle pour les médicaments d’ordonnance.

Cependant, chers collègues, la couverture universelle n’est pas nécessairement synonyme de couverture à payeur unique. On peut appuyer la couverture universelle sans appuyer un régime financé exclusivement par le gouvernement fédéral.

En conclusion, honorables sénateurs, quand le projet de loi C-64 sera renvoyé au comité, il y aura beaucoup de questions à examiner, même en ce qui concerne le fond de ce qui est proposé dans la mesure législative. S’agit-il vraiment d’un régime universel, tel que nous comprenons le concept, ou d’un régime qui vise à combler des lacunes? Il semble qu’il y ait une certaine confusion, même sur ces principes.

Chers collègues, les Canadiens comptent sur nous.

Je vous remercie de votre attention et je me réjouis à la perspective d’examiner le projet de loi au comité.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)

Chers collègues, je n’avais pas prévu de prendre la parole sur ce projet de loi. J’étais certain que notre porte-parole, la sénatrice Seidman, ferait un excellent travail, et c’est ce qu’elle vient de faire. Cependant, la sénatrice Simons m’a entraîné dans le débat la semaine dernière lors de son discours sur ce sujet. J’aurais préféré ne pas m’abaisser à répondre aux commentaires de la sénatrice Simons, mais je me sens obligé de rectifier le compte rendu, car elle a déformé mes paroles et ma position à l’égard d’une question qui revêt une signification profonde pour moi.

Comme je suis déjà debout, je vais saisir l’occasion pour exprimer quelques-unes de mes réflexions sur ce plus récent mauvais projet de loi du gouvernement néo-démocrate—libéral.

Dans son discours du 12 juin, la sénatrice Simons a cité ma citation d’un article du Washington Post sur le fait que les talibans avaient interdit la prévention des naissances en Afghanistan. Pour que ce soit bien clair, je vais répéter la citation du Washington Post, car elle était puissante, et je maintiens l’intégralité de mes propos. Voici la citation :

En raison de la diminution de leurs perspectives éducatives et économiques, les femmes et les filles sont de plus en plus contraintes à des mariages précoces, les familles ayant recours à la vente de leurs filles en âge d’aller à l’école primaire pour se nourrir. Jusqu’à 9 de ces enfants mariées sur 10 seront victimes de violence contre les femmes, et nombre d’entre elles seront encore plus menacées en raison des obstacles à l’accès aux soins de santé imposés par les talibans. Aujourd’hui, en Afghanistan, une femme meurt toutes les deux heures pendant l’accouchement, et la prévention des naissances est interdite. Ces conditions exacerbent la grave crise humanitaire dans un pays rempli de veuves de guerre.

Chers collègues, tous ces comportements sont méprisables et répréhensibles. Ils sont cruels et déshumanisants. Ils ne devraient pas exister.

Pourtant, dans une incroyable manifestation de malhonnêteté intellectuelle, la sénatrice Simons a déformé mes propos en déclarant ce qui suit :

[...] je pense qu’il est bien plus révolutionnaire que ce régime englobe les contraceptifs, y compris la pilule, le timbre, l’implant et le stérilet, ainsi que les « pilules du lendemain » d’urgence telles que Plan B.

La semaine dernière, le sénateur Don Plett lui-même s’est exprimé avec beaucoup de conviction au Sénat sur la nécessité de l’accès à la contraception. Il a cité un article du Washington Post qui expliquait que l’un des moyens utilisés pas les talibans pour opprimer les femmes en Afghanistan, c’est d’interdire la contraception.

Je n’avais pas réalisé que le chef de l’opposition au Sénat était un défenseur aussi farouche qu’éloquent du choix des femmes en matière de procréation. Cependant, je lui suis reconnaissante d’avoir exprimé haut et fort son soutien pour le droit de la femme à être [maître] de son propre corps et de sa propre fertilité.

Chers collègues, tous ceux qui sont ici depuis plus d’une semaine connaissent mes convictions personnelles sur le caractère sacré de la vie, qui va de la conception à la mort naturelle. Cela dit, je respecte le droit des autres à leurs convictions et à leurs opinions, y compris celles de la sénatrice Simons.

Pourtant, avec un incroyable manque de respect, la sénatrice Simons a utilisé un extrait de mon discours, où je dénonçais les actes ignobles des talibans à l’égard des femmes et des jeunes filles afghanes, pour sous-entendre que j’étais favorable à l’interruption de grossesse avec ce que l’on appelle communément la pilule du lendemain.

Pour une ancienne journaliste, cela témoigne soit d’un degré scandaleux d’ignorance quant aux paramètres de l’un des débats publics les plus houleux du dernier siècle, soit d’un manque alarmant d’intérêt pour une présentation honnête des faits. Dans un cas comme dans l’autre, c’est troublant.

Il y a cependant un point intéressant dans le discours de la sénatrice Simons. Comme d’habitude, elle appuiera Justin Trudeau, contre la volonté du gouvernement de l’Alberta. Par contre, pour ce projet de loi, nous connaissons au moins sa position dès le début du débat. Nous n’aurons pas à l’écouter nous expliquer, dans un long discours, pourquoi elle hésite à se prononcer pour ou contre. Nous n’aurons pas à la regarder jouer une pièce de théâtre d’été où elle grincera des dents, feignant l’anxiété et l’incertitude quant à son soutien à la population de l’Alberta, avant de finir par voter comme le souhaite Justin Trudeau.

Vous vous souviendrez peut-être que, dans son discours, la sénatrice Simons a attaqué le gouvernement de l’Alberta pour avoir refusé de participer au régime d’assurance-médicaments néo‑démocrate—libéral. Elle a même imaginé une théorie du complot selon laquelle s’opposer au projet de loi C-64 est le signe d’une adhésion à une idéologie de droite concernant les femmes.

Je suis sûr que les députés de l’Assemblée nationale du Québec, qui ont voté à l’unanimité pour dénoncer le projet de loi C-64, seraient étonnés de l’apprendre. Il y a un certain nombre de sénateurs québécois. Je me demande comment ils voteront sur le projet de loi C-64.

Une fois de plus, on peut constater que l’approche « Ottawa a toujours raison » se porte bien parmi certains politiciens. Ils sont prêts à utiliser n’importe quel argument, même farfelu, pour attaquer les provinces qui sont prêtes à défendre leurs droits : « Vous n’êtes pas d’accord avec l’envahissement de votre champ de compétence par le gouvernement fédéral? C’est parce que vous détestez les femmes. »

La sénatrice Simons est un bon exemple de ces politiciens néo‑démocrates—libéraux qui n’hésitent pas à utiliser les parties de la Constitution qu’ils chérissent, comme la Charte des droits et libertés, mais qui rejettent volontiers d’autres parties, comme les articles 91 et 92 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique sur la séparation des pouvoirs.

N’importe quel étudiant en première année de droit vous dira que la santé est une question provinciale, qu’elle relève de la compétence exclusive des provinces.

Pourquoi le gouvernement Trudeau s’en mêle-t-il? Les provinces l’ont-elles demandé? Non, aucune ne l’a demandé. Elles ont toutes dit qu’elles préféreraient obtenir plus d’argent pour la santé. La majorité des Canadiens l’ont-ils demandé? Non. Ils veulent eux aussi plus d’argent pour la santé.

Nous connaissons tous la réponse : c’est le NPD qui voulait un régime d’assurance-médicaments. En perte de vitesse dans les sondages, ce parti avait besoin d’une étincelle pour rallumer la flamme, peu importe la manière.

Justin Trudeau était tout à fait disposé à lui accorder cela pour garder le pouvoir, même si le Parti libéral s’est opposé pendant des années à ce genre de mesures. Cette coalition néo-démocrate—libérale et ses partisans ont décidé de mettre à nouveau la Constitution de côté pour créer un nouveau programme dans un domaine qui relève exclusivement des provinces.

Bien entendu, les provinces ne veulent pas de cela. Elles savent très bien comment les choses vont se dérouler. Le gouvernement fédéral va imposer des conditions tout en promettant de financer le programme. Ensuite, lorsque les coûts vont grimper, il ne paiera plus sa part et laissera les provinces payer la note. C’est ce qu’il a déjà fait dans le domaine de la santé, et c’est aussi ce qu’il a commencé à faire dans les services de garde.

L’idée que le gouvernement fédéral doive intervenir dans les champs de compétence des provinces est la plus grande menace non seulement pour le trésor fédéral, mais aussi pour l’unité de notre fédération. Cependant, le sentiment de supériorité du gouvernement néo-démocrate—libéral par rapport aux provinces est sans limites. Le chef du NPD est allé jusqu’à écrire au ministre de la Santé du Québec pour demander à le rencontrer afin de pouvoir lui faire la leçon sur les avantages d’un régime d’assurance-médicaments, et ce, même si le Québec a déjà un système qui permet de couvrir tout le monde depuis 1996.

Le 16 avril 2024, Peter Julian a dit ceci devant la Chambre des communes : « On sait très bien que le système actuel au Québec n’a pas bien fonctionné. Ça a laissé des gens de côté. » Ce politicien a beau venir de la Colombie-Britannique, et le parti dont il est le leader parlementaire a beau ne compter qu’un seul député au Québec, il a décidé qu’il savait mieux que les Québécois ce qui est bon pour eux.

La sénatrice Simons est en bonne compagnie quand elle prétend qu’elle sait mieux que moi et que le gouvernement de l’Alberta ce qui est bon pour les Albertains. Il est étrange que les personnes qui affirment que les sénateurs ne doivent pas s’opposer aux mesures législatives adoptées par la Chambre des communes au motif qu’elles ont l’aval des élus n’ont aucun problème à s’opposer aux mesures législatives adoptées par les élus de leur propre province. Pour ces personnes, c’est comme si les gouvernements et les élus des provinces étaient inférieurs à leurs homologues ottaviens.

C’est faux. Ce n’est pas ainsi que fonctionne notre fédération. Les provinces sont maîtres dans les domaines qui relèvent de leurs compétences, et l’assurance médicaments en fait partie. S’il y a un endroit à Ottawa où la réalité constitutionnelle devrait être non seulement comprise, mais défendue, c’est bien au Sénat.

Le Québec et l’Alberta ont fait savoir qu’ils ne seront parties prenantes à aucun régime et que, dans l’éventualité où le régime prévu par les libéraux et les néo-démocrates verrait le jour, ils s’attendent à obtenir une pleine compensation.

Je m’inquiète de voir le gouvernement Trudeau refuser de nous confirmer que les provinces qui refusent d’embarquer dans leurs stratagèmes, peu importe lesquelles, seront entièrement compensées.

Je vous rappelle, chers collègues, qu’en tant que sénateurs, nous devons aussi protéger les droits des provinces. J’espère que tous les sénateurs s’en souviendront quand viendra le temps de se prononcer sur le projet de loi C-64. Il n’y a pas de place pour les arguments simplistes et les théories du complot dans l’analyse que nous faisons des positions des divers acteurs du domaine.

Le projet de loi est sur le point d’être renvoyé au comité. J’espère que le Comité des affaires sociales fera la lumière sur les positions de chacune des provinces sur le projet de loi et sur l’engagement du gouvernement Trudeau à accepter de donner une pleine compensation financière en cas de retrait, et que les membres du comité respecteront leur devoir de défenseur des droits des provinces.

J’espère aussi que nous obtiendrons une réponse à cette question : qu’est-ce que le gouvernement fédéral tente d’accomplir avec le projet de loi C-64? Parce que, comme je l’ai dit, personne, à l’exception du NPD, ne voulait de ce projet de loi. Alors pourquoi l’avoir présenté, si ce n’est pour faire plaisir à Jagmeet Singh et conserver son appui? Une hypothèse veut qu’il n’y ait pas d’autre raison. C’est ce que j’appellerais la « théorie de la coquille vide ».

Beaucoup de gens ont affirmé qu’il ne s’agit pas d’un régime d’assurance-médicaments, mais seulement d’un plan visant à discuter avec les provinces de la prise en charge par le gouvernement fédéral d’une partie du coût de certains médicaments contre le diabète et de certains contraceptifs. En d’autres termes, le projet de loi est un exercice de relations publiques. Ce serait l’équivalent législatif d’un ministre de la Santé qui inviterait ses homologues provinciaux et territoriaux à une conférence pour discuter d’une question en sachant que quelque chose pourrait se produire ou non.

Compte tenu des circonstances politiques entourant la conception de ce projet de loi, je pense que ces sceptiques ont peut-être raison. Il y a deux partis qui ont obtenu de mauvais résultats dans les sondages et qui essaient de trouver une idée, n’importe laquelle, pour récupérer des votes. Ils n’ont pas l’argent pour financer un grand programme, mais doivent montrer quelque chose d’assez sexy pour faire croire aux gens que quelque chose va changer. Toutefois, ils doivent être prudents; trop de changements feraient peur aux gens. Ils présentent donc un projet de loi tellement vague qu’il ne veut rien dire, mais qui signifie tout. Ils espèrent que les radicaux verront la révolution promise, alors que tous les autres restent endormis en pensant que rien ne leur arrivera.

Les cerveaux derrière cette opération de relations publiques ont pensé qu’ils pourraient ajouter une accroche : l’idée d’inclure les contraceptifs est clairement conçue pour les femmes, qui quittent le train Justin en grand nombre.

Tel était donc le plan : présenter un projet de loi qui n’engage à rien d’autre qu’à poursuivre les discussions avec les provinces, à ne rien prévoir encore dans le budget, à dresser une liste de ce qui serait couvert, mais en précisant que cela pourrait changer. Le gouvernement a mis cette liste sur Canada.ca, ce qui donne de l’espoir aux Canadiens, qui diront : « Eh bien, voici les médicaments qui seront couverts. » Cependant, il y a des gens qui se demandent : « Pourquoi pas celui-ci? Pourquoi pas celui-là? »

Par exemple, les sénateurs savent que le médicament Ozempic ne figure pas sur la liste. Comme réponse, le gouvernement se contente de dire que ce n’est pas la liste définitive. Selon la théorie de la coquille vide, les libéraux vont tourner autour du pot jusqu’aux prochaines élections, rejetant le blâme sur les gouvernements conservateurs provinciaux pour le retard. Ainsi, les libéraux ne touchent pas à la couverture de la grande majorité des Canadiens, et ils mettront à profit cet enjeu dans leur plateforme électorale en 2025.

Ce projet de loi serait un autre de ces projets de loi « Seinfeld » que le gouvernement Trudeau aime tellement — un projet de loi qui ne porte sur rien; une coquille vide. Par contre, ce projet de loi pourrait aussi cacher autre chose, et c’est là que cela devient dangereux. C’est la théorie du cheval de Troie.

Selon l’entente néo-démocrate—libérale, les deux parties doivent « [c]ontinuer de progresser vers la mise en œuvre d’un régime universel d’assurance-médicaments en adoptant une Loi sur l’assurance-médicaments du Canada ». Donc, le but ultime serait ce programme universel. Le député libéral Chandra Arya a dit dans son discours à la Chambre que le projet de loi C-64 est « un nouveau chapitre de notre contrat social », rien de moins. Donc, peut-être que c’est une grande chose, mais quoi exactement?

Plus de 97 % des Canadiens sont déjà admissibles à une forme quelconque de couverture des médicaments sur ordonnance, ce qui laisse environ 1,1 million de Canadiens sans couverture pour leurs médicaments. Pourquoi le gouvernement ne s’est-il pas plutôt concentré à offrir une couverture à ces 1,1 million de Canadiens?

Comparons cela au plus de 27 millions de Canadiens qui sont couverts par un régime privé offert par leur employeur. Devront-ils abandonner complètement leur régime? Qu’advient-il des 27 millions de Canadiens qui disposent déjà d’un régime?

Comme d’habitude, le gouvernement Trudeau affirme une chose et son contraire. Le secrétaire parlementaire Mark Gerretsen a déclaré :

Il s’agit d’accepter et de comprendre que nous méritons tous exactement la même couverture, peu importe qui nous sommes, où nous travaillons et le revenu que nous gagnons.

Donc selon lui, il n’y aurait donc plus de régimes privés — nous aurions tous la même couverture. Mais attention : le ministre Holland, du même gouvernement, a dit :

[...] pour à tout le moins confirmer aux 70 % à 80 % de Canadiens qui ont une assurance privée qu’ils ne perdront pas cette couverture.

Encore une fois, attention : la marraine du projet de loi au Sénat, qui a été désignée par le gouvernement, la sénatrice Kim Pate, a publié un communiqué indiquant que le projet de loi C-64 reflète un processus par étapes :

L’élargissement progressif de la couverture des contraceptifs et des médicaments contre le diabète vers un système d’assurance-médicaments public et universel nécessitera la puissance d’achat d’un système à payeur unique qui achètera les médicaments de 40 millions de Canadiens par l’intermédiaire de processus fondés sur des données probantes et rendant des comptes au public [...]

C’est donc clair pour la marraine : ultimement, l’objectif consiste à retirer leur couverture aux 27 millions de Canadiens qui jouissent d’un régime privé. Je cite encore une fois le communiqué :

« Nous commençons par insister sur le fait que l’accès à l’assurance-médicaments ne varie pas d’une personne à l’autre », a déclaré Kim Pate, marraine du projet de loi C-64 au Sénat. « L’assurance-médicaments doit remédier à la situation fragmentaire de l’assurance-médicaments au Canada, qui compte littéralement des milliers de régimes privés et publics indépendants. Il doit s’agir d’un système cohérent qui rassemble et garantit le pouvoir d’achat du Canada lors de la négociation des prix et des garanties d’approvisionnement avec les multinationales pharmaceutiques. Il doit aider les ménages et les employeurs en les soulageant des coûts de la prise en charge des médicaments. »

Au début du mois, le co-chef de la coalition néo-démocrate—libérale a déclaré :

Nous croyons en un programme universel à payeur unique. Nous avons inclus ce libellé dans le projet de loi. Ce projet de loi n’est pas parfait, mais il pose les bases.

Permettez-moi ensuite de citer le Hill Times du 8 juin :

« La formulation [du projet de loi] est fatalement défectueuse en raison de son ambiguïté », a déclaré le Dr Steve Morgan, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique et expert reconnu en matière d’assurance-médicaments, qui plaide depuis de nombreuses années en faveur d’un programme à payeur unique. « [Les produits pharmaceutiques sont] une composante essentielle et massive du système de santé; pourtant, ce projet de loi ne définit pas les termes. Par exemple, que signifie “payeur unique”? Que signifie “universel”? Que signifie “premier dollar”? Que signifie “public”? »

Aucun de ces termes n’est défini dans le projet de loi, qui est le résultat de l’entente de soutien et de confiance entre les libéraux et le Nouveau Parti démocratique. Au lieu de cela, les définitions se limitent à ce qui suit : « peuples autochtones », « ministre », « régime d’assurance médicaments » et « produit pharmaceutique ».

Pourquoi le gouvernement a-t-il élaboré un projet de loi aussi vague? Pourquoi certains défenseurs affirment-ils qu’il s’agit de la première étape d’une refonte complète du processus de distribution des médicaments au Canada, tandis que le ministre continue de nous dire de passer à autre chose et qu’il n’y a rien à voir?

On pourrait penser qu’une telle incertitude quant aux répercussions d’un projet de loi aussi important que le projet de loi C-64 aurait conduit le gouvernement à clarifier ses intentions au cours des travaux du comité de la Chambre, mais non, il a refusé les amendements visant à clarifier ce qu’il adviendrait des assurances privées. N’est-ce pas étrange — un gouvernement qui insiste pour que le programme soit universel, mais qui refuse de définir ce terme?

J’espère que lorsque le projet de loi nous reviendra pour la troisième lecture, nous obtiendrons des éclaircissements à ce sujet. Sinon, nous devrons conclure que le projet de loi C-64 est effectivement un cheval de Troie et que l’objectif ultime du gouvernement est ce que la sénatrice Pate et Jagmeet Singh ont déclaré : se débarrasser de toute couverture privée au profit d’un seul programme géré par le gouvernement.

Si c’est le cas, le gouvernement doit avoir le courage de le dire. Si Mark Holland veut annuler toutes les conventions collectives par lesquelles les syndicats et leurs membres ont obtenu une couverture supérieure pour les médicaments, qu’il ait le courage de le dire. J’espère vraiment que le sénateur Yussuff y veillera.

Les libéraux devraient également avoir le courage de nous informer du coût de leur régime d’assurance-médicaments. Comme d’habitude, le gouvernement Trudeau induit les Canadiens en erreur à propos du coût de ses mesures. Mark Holland a dit ceci :

Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en place un programme extrêmement coûteux. Nous ne sommes pas à une époque où le cadre financier peut absorber d’énormes coûts. C’est donc un facteur qu’il faut absolument prendre en considération […]

En octobre 2023, le directeur parlementaire du budget a affirmé qu’un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique coûterait aux gouvernements fédéral et provinciaux 11,2 milliards de dollars la première année et 13,4 milliards de dollars dans cinq ans. Alors, que faut-il comprendre? Est-ce qu’un montant de 11 milliards de dollars n’est plus considéré comme un énorme coût pour le gouvernement, ou est-ce que le ministre Holland dissimule la vérité? Une fois de plus, c’est une question qui devrait être adressée à notre comité.

Enfin, j’espère que le comité précisera la couverture dont les Canadiens bénéficieront une fois que nous aurons un régime national unique. Le 3 mars, Emmanuelle Faubert, une experte de la question, a écrit dans le National Post que, si une couverture semblable au régime public d’assurance-médicaments du Québec devait être appliquée à tout le pays, cela compromettrait la qualité de la couverture de 21,5 millions de Canadiens si un monopole du gouvernement était imposé et que la fin de la couverture risquait de se traduire par une perte d’accès aux médicaments.

Je vous rappelle que, même les partisans du projet de loi C-64 admettent que le modèle québécois est trop coûteux. Le comité et le Sénat devraient examiner attentivement ce qui s’est passé en Nouvelle-Zélande, où certains médicaments ne sont plus disponibles à cause des contraintes du régime public. Est-ce là ce que le projet de loi C-64 réserverait aux Canadiens : plus d’argent, moins de choix et une couverture de qualité inférieure? Est-ce là ce que ce cheval de Troie renferme?

En conclusion, chers collègues, nous avons devant nous un projet de loi mal rédigé dont les objectifs demeurent flous. Est-ce une coquille vide ou est-ce un cheval de Troie qui réduira la couverture dont 21 à 27 millions de Canadiens bénéficient actuellement? Nous ne le savons pas. Le gouvernement, fidèle à son habitude, a précipité l’étude de ce projet de loi à la Chambre. Le comité n’a pu consacrer que 10 heures aux témoignages, sans compter que le ministre passait son temps à changer son fusil d’épaule.

Les Canadiens en ont assez de leur système de santé. Pourquoi devrions-nous imposer un régime d’assurance-médicaments à payeur unique similaire, caractérisé par l’absence de choix, le rationnement des soins et des résultats plus médiocres? Pour citer les paroles célèbres de l’ancien président Ronald Reagan : « [...] les neuf mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont : je suis du gouvernement et je viens vous aider ». Je dirais que les mots « Je suis Justin Trudeau et je vais mettre en place un nouveau programme pour remplacer ce qui existe actuellement » sont tout aussi terrifiants.

Nous devons savoir où le gouvernement veut en venir, et le comité a beaucoup de travail à faire sur le projet de loi. J’imagine que la sénatrice Pate voudra tout autant que moi clarifier de quoi il retourne avec le projet de loi C-64 car, jusqu’à présent, nous ne savons pas ce qui sera couvert, nous ne savons pas qui sera couvert, nous ne savons pas comment la couverture sera assurée et nous ne savons pas combien cela coûtera. Le gouvernement veut quand même que nous nous contentions d’adopter le projet de loi en quatrième vitesse.

Nous ignorons quelles seront les conséquences pour les 97 % de Canadiens qui disposent déjà d’une assurance-médicaments. J’espère sincèrement que le comité sénatorial obtiendra des réponses de la part du gouvernement. Je pense que les Canadiens n’ont plus confiance en Justin Trudeau et en ses ministres incompétents. Quand le ministre Holland dit de lui faire confiance au sujet du projet de loi, c’est inacceptable.

Merci.

L’honorable Marilou McPhedran [ - ]

Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

Non. Le sénateur Plett est fatigué et il a un autre discours à prononcer sur le projet de loi C-59; il va donc économiser sa salive.

Merci.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

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