47 milliards de dollars échappent à l’impôt : Sénateur Downe
Étiquettes
Le nouveau rapport du Conference Board du Canada, intitulé L’évitement fiscal au Canada : Examen de l’écart fiscal potentiel, a conclu que jusqu’à 47 milliards de dollars en impôts non payés échappent au gouvernement du Canada.
Imaginez ce que cette somme nous permettrait d’accomplir si le gouvernement la recueillait; tous les programmes qui pourraient être financés, les avantages que pourraient en tirer les citoyens, les améliorations aux soins de santé possibles. Le déficit gouvernemental pourrait être éliminé.
De plus, le fait de recueillir ces 47 milliards de dollars montrerait à tous les Canadiens que le gouvernement fédéral travaille d’arrache-pied pour veiller à ce que tous les contribuables paient leur juste part, ni plus, ni moins.
Le Conference Board du Canada a fait un travail remarquable pour mesurer l’écart fiscal, mais ces efforts ne doivent pas exempter l’Agence du revenu du Canada (ARC) de ses obligations de longue date dans ce dossier. En octobre 2012, j’ai communiqué avec le directeur parlementaire du budget (DPB) de l’époque, M. Kevin Page, pour lui demander d’enquêter sur les répercussions économiques de l’évasion fiscale à l’étranger. Cette enquête a évoluée et s’est transformée en un effort qui vise à déterminer l’écart fiscal. À la suite d’efforts soutenus, son bureau a déterminé qu’il était effectivement possible d’estimer cet écart (comme l’ont fait plusieurs pays, comme les États‑Unis et le Royaume-Uni), et a par la suite communiqué avec l’ARC afin d’obtenir sa coopération dans son étude.
Malheureusement, ni lui ni ses successeurs n’ont pu constater une grande « coopération » de la part de l’ARC; celle-ci a plutôt semé des embûches au DPB, refusant que l’enquête se poursuive. Le refus initial de l’ARC d’évaluer l’écart fiscal s’est transformé en refus de fournir au DPB les données lui permettant d’établir sa propre estimation. À un moment donné, l’ARC a dit envisager la possibilité de fournir les données exigées — des données que l’Agence est tenue de fournir conformément à la loi — mais uniquement à des coûts considérables pour le bureau du DPB. En outre, l’Agence a imposé des conditions qui rendent presque inutilisables les données. Malgré tout cela, les données n’ont toujours pas été fournies.
En avril dernier, une lueur d’espoir est née lorsque la ministre du Revenu national a annoncé une série de mesures de lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger, indiquant notamment que l’on comptait « commencer le travail d’estimation de l’écart fiscal, pour que les Canadiens et les parlementaires aient confiance dans l’équité du régime fiscal. »
Malheureusement, le rapport subséquent du comité consultatif sur l’évasion fiscale à l’étranger de l’ARC portait principalement sur le concept de l’estimation de l’écart fiscal, et les aspects précis de l’écart qui ont fait l’objet d’un examen étaient plutôt liés à la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée, soit la facette la plus facilement traitable de l’analyse de l’écart fiscal. Ces aspects avaient bien peu à faire avec l’évasion fiscale à l’étranger. De plus, l’ARC refuse encore de fournir au DPB les données demandées.
Lors de l’élection générale de 2015, le Parti libéral s’engageait, dans sa plateforme électorale, à « demander à l’ARC de procéder immédiatement à une analyse de la fraude fiscale, ou de ce que l’OCDE appelle "l’écart fiscal”. »
Le calcul de l’écart fiscal permettrait non seulement d’attirer l’attention des Canadiens sur la nature et l’envergure du problème que représente l’évasion fiscale à l’étranger, mais il représenterait également, comme l’indique le rapport du Conference Board, un outil considérable pour les décideurs puisqu’il pourrait orienter les priorités liées aux ressources et aux politiques publiques qui visent le renforcement du respect des règles fiscales. Malgré tout, l’ARC refuse encore d’entreprendre une telle analyse, et ce, même après un changement de gouvernement.
Dans la lettre de mandat qu’il a transmis à la ministre du Revenu national, le premier ministre Justin Trudeau a explicitement déclaré ce qui suit :
Nous nous sommes également engagés à relever la barre en matière d’ouverture et de transparence au sein du gouvernement. Il est temps de sortir le gouvernement de l’ombre pour que celui-ci soit réellement au service de la population. Le gouvernement et les renseignements du gouvernement devraient être ouverts par défaut. Si nous voulons que les Canadiens et les Canadiennes aient confiance en leur gouvernement, nous avons besoin d’un gouvernement qui fait confiance aux Canadiens.
L’heure est maintenant venue pour le premier ministre d’ordonner à l’Agence du revenu du Canada de suivre le pas et de fournir au directeur parlementaire du budget les données exigées de manière à ce que les Canadiens puissent connaître la somme exacte d’argent non payée en impôts ainsi que les ressources dont a besoin l’ARC pour recouvrir cet argent.
C’est seulement sous ces conditions que l’ARC respectera enfin les normes d’ouverture et de transparence fixées par le premier ministre.
Percy E. Downe est un sénateur qui représente l’Île-du-Prince-Édouard. Il est vice-président du Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international et siège au Comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Cet article a été publié le 7 mars, 2017 dans le journal the Guardian (en anglais seulement).
Le nouveau rapport du Conference Board du Canada, intitulé L’évitement fiscal au Canada : Examen de l’écart fiscal potentiel, a conclu que jusqu’à 47 milliards de dollars en impôts non payés échappent au gouvernement du Canada.
Imaginez ce que cette somme nous permettrait d’accomplir si le gouvernement la recueillait; tous les programmes qui pourraient être financés, les avantages que pourraient en tirer les citoyens, les améliorations aux soins de santé possibles. Le déficit gouvernemental pourrait être éliminé.
De plus, le fait de recueillir ces 47 milliards de dollars montrerait à tous les Canadiens que le gouvernement fédéral travaille d’arrache-pied pour veiller à ce que tous les contribuables paient leur juste part, ni plus, ni moins.
Le Conference Board du Canada a fait un travail remarquable pour mesurer l’écart fiscal, mais ces efforts ne doivent pas exempter l’Agence du revenu du Canada (ARC) de ses obligations de longue date dans ce dossier. En octobre 2012, j’ai communiqué avec le directeur parlementaire du budget (DPB) de l’époque, M. Kevin Page, pour lui demander d’enquêter sur les répercussions économiques de l’évasion fiscale à l’étranger. Cette enquête a évoluée et s’est transformée en un effort qui vise à déterminer l’écart fiscal. À la suite d’efforts soutenus, son bureau a déterminé qu’il était effectivement possible d’estimer cet écart (comme l’ont fait plusieurs pays, comme les États‑Unis et le Royaume-Uni), et a par la suite communiqué avec l’ARC afin d’obtenir sa coopération dans son étude.
Malheureusement, ni lui ni ses successeurs n’ont pu constater une grande « coopération » de la part de l’ARC; celle-ci a plutôt semé des embûches au DPB, refusant que l’enquête se poursuive. Le refus initial de l’ARC d’évaluer l’écart fiscal s’est transformé en refus de fournir au DPB les données lui permettant d’établir sa propre estimation. À un moment donné, l’ARC a dit envisager la possibilité de fournir les données exigées — des données que l’Agence est tenue de fournir conformément à la loi — mais uniquement à des coûts considérables pour le bureau du DPB. En outre, l’Agence a imposé des conditions qui rendent presque inutilisables les données. Malgré tout cela, les données n’ont toujours pas été fournies.
En avril dernier, une lueur d’espoir est née lorsque la ministre du Revenu national a annoncé une série de mesures de lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger, indiquant notamment que l’on comptait « commencer le travail d’estimation de l’écart fiscal, pour que les Canadiens et les parlementaires aient confiance dans l’équité du régime fiscal. »
Malheureusement, le rapport subséquent du comité consultatif sur l’évasion fiscale à l’étranger de l’ARC portait principalement sur le concept de l’estimation de l’écart fiscal, et les aspects précis de l’écart qui ont fait l’objet d’un examen étaient plutôt liés à la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée, soit la facette la plus facilement traitable de l’analyse de l’écart fiscal. Ces aspects avaient bien peu à faire avec l’évasion fiscale à l’étranger. De plus, l’ARC refuse encore de fournir au DPB les données demandées.
Lors de l’élection générale de 2015, le Parti libéral s’engageait, dans sa plateforme électorale, à « demander à l’ARC de procéder immédiatement à une analyse de la fraude fiscale, ou de ce que l’OCDE appelle "l’écart fiscal”. »
Le calcul de l’écart fiscal permettrait non seulement d’attirer l’attention des Canadiens sur la nature et l’envergure du problème que représente l’évasion fiscale à l’étranger, mais il représenterait également, comme l’indique le rapport du Conference Board, un outil considérable pour les décideurs puisqu’il pourrait orienter les priorités liées aux ressources et aux politiques publiques qui visent le renforcement du respect des règles fiscales. Malgré tout, l’ARC refuse encore d’entreprendre une telle analyse, et ce, même après un changement de gouvernement.
Dans la lettre de mandat qu’il a transmis à la ministre du Revenu national, le premier ministre Justin Trudeau a explicitement déclaré ce qui suit :
Nous nous sommes également engagés à relever la barre en matière d’ouverture et de transparence au sein du gouvernement. Il est temps de sortir le gouvernement de l’ombre pour que celui-ci soit réellement au service de la population. Le gouvernement et les renseignements du gouvernement devraient être ouverts par défaut. Si nous voulons que les Canadiens et les Canadiennes aient confiance en leur gouvernement, nous avons besoin d’un gouvernement qui fait confiance aux Canadiens.
L’heure est maintenant venue pour le premier ministre d’ordonner à l’Agence du revenu du Canada de suivre le pas et de fournir au directeur parlementaire du budget les données exigées de manière à ce que les Canadiens puissent connaître la somme exacte d’argent non payée en impôts ainsi que les ressources dont a besoin l’ARC pour recouvrir cet argent.
C’est seulement sous ces conditions que l’ARC respectera enfin les normes d’ouverture et de transparence fixées par le premier ministre.
Percy E. Downe est un sénateur qui représente l’Île-du-Prince-Édouard. Il est vice-président du Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international et siège au Comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Cet article a été publié le 7 mars, 2017 dans le journal the Guardian (en anglais seulement).