La réconciliation nécessitera des mesures concrètes et non symboliques : sénateur Francis
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Il est difficile de croire que le Canada est vraiment sur la voie de la réconciliation lorsqu’il y a eu aussi peu de changements dans la vie des peuples autochtones. Le legs du colonialisme n’est pas quelque chose que nous pouvons abandonner, mais bien une réalité. Ce legs est présent dans les inégalités structurelles et systémiques qui accablent toujours les communautés. Un manque d’approvisionnement en eau sécuritaire, fiable et abordable dans les réserves n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas tenu sa promesse (en anglais seulement) de lever tous les avis d’ébullition de l’eau dans les réserves d’ici 2021. À l’heure actuelle, 30 communautés sont visées par des avis à long terme. Il est alarmant qu’en 2024 autant d’entre nous soient privés de droits aussi fondamentaux.
En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a publié son rapport final contenant 94 appels à l’action, qui établit une feuille de route pour faire progresser la réconciliation et redresser les torts causés par les pensionnats indiens. Il devait s’agir d’un tournant, et nous avons cru que le Canada était prêt à réparer les torts passés et présents.
Toutefois, près de dix ans plus tard, les progrès sont très décevants. En effet, seulement 14 des 94 appels à l’action ont été pleinement mis en œuvre, et ceux qui ont été retenus ont un caractère symbolique plutôt que concret. Par exemple, en juin 2021, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation a été instaurée afin de donner suite à l’appel à l’action 80. En tant que parrain de ce projet de loi du gouvernement au Sénat, j’ai été ému lorsqu’il a rapidement été adopté après avoir passé plus de six mois au point mort à la Chambre des communes. Cette victoire était cependant douce-amère puisqu’elle n’a été obtenue qu’en raison de l’indignation publique suscitée par l’annonce de la découverte de possibles sépultures anonymes sur les terrains de l’ancien pensionnat de Kamloops.
Cette situation m’a permis d’apprendre que même obtenir un geste de réconciliation symbolique est une tâche ardue à Ottawa. Je suis donc déçu, mais pas surpris de constater que certains des appels à l’action les plus importants qui visent à remédier aux inégalités structurelles dans les soins de santé l’éducation, la justice et la protection de l’enfance demeurent essentiellement sans suite. Il n’est pas rare d’accomplir les tâches les plus faciles avant de s’attaquer aux plus difficiles. Malheureusement, dans un contexte de réconciliation, l’inaction a des conséquences graves et immédiates sur les peuples autochtones, comme encore plus de souffrance, voire des morts.
Une réconciliation véritable et durable apparaît souvent comme un rêve lointain caché par des promesses vaines. Le 30 septembre, les politiciens arborent un chandail ou une épinglette orange pour montrer leur volonté de réconciliation. Toutefois, cette volonté se fait rare lorsqu’il s’agit de prendre des décisions difficiles en vue, par exemple, de s’attaquer à la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de l’enfance ou aux taux effarants d’actes de violence, dont des meurtres, dont sont victimes les femmes, les filles et les personnes 2SLGBTQQIA+ autochtones.
Des gestes et des discours de façade une fois par année ne suffisent pas. Les politiciens doivent apporter des changements systémiques pour améliorer les expériences vécues des peuples autochtones au Canada. Le gouvernement fédéral actuel a sans doute accompli davantage de progrès que ses prédécesseurs vers la réconciliation (même s’il est très loin de répondre aux attentes), mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous ne pouvons pas courir le risque d’un recul.
Les progrès demeurent d’une lenteur dangereuse et désespérante, mais je crois que la réconciliation est un impératif national. Cet espoir n’est pas un signe de naïveté, mais découle plutôt de la conviction que les peuples autochtones sont déterminés à continuer de bâtir l’avenir qu’ils envisagent pour eux‑mêmes, avenir dans lequel ils prospèrent au lieu de simplement survivre. Il est aussi encourageant de constater que le public est de plus en plus conscient de la véritable histoire du pays, en particulier les jeunes générations. Toutefois, pour parvenir à une véritable réconciliation, il faut des mesures constantes et concrètes pour modifier le statu quo. Il faut également que les gouvernements et la société en général honorent leurs promesses de réconciliation.
Le Canada est à un carrefour : soit il continue sur un chemin de promesses brisées où les peuples autochtones demeurent marginalisés, soit il choisit la voie difficile, mais porteuse d’espoir. Cette voie exige non seulement que le Canada affronte le passé avec honnêteté, mais également qu’il détruise les systèmes qui nuisent aux peuples autochtones.
À quel point sommes-nous prêts à déployer des efforts pour faire de la réconciliation une réalité? L’avenir du Canada dépend des choix individuels et collectifs que nous faisons maintenant.
Le sénateur Brian Francis est un Mi’kmaq d’Epekwitk (Île-du-Prince-Édouard) et est président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Il est un survivant et un survivant intergénérationnel du système fédéral des externats indiens.
Il est difficile de croire que le Canada est vraiment sur la voie de la réconciliation lorsqu’il y a eu aussi peu de changements dans la vie des peuples autochtones. Le legs du colonialisme n’est pas quelque chose que nous pouvons abandonner, mais bien une réalité. Ce legs est présent dans les inégalités structurelles et systémiques qui accablent toujours les communautés. Un manque d’approvisionnement en eau sécuritaire, fiable et abordable dans les réserves n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas tenu sa promesse (en anglais seulement) de lever tous les avis d’ébullition de l’eau dans les réserves d’ici 2021. À l’heure actuelle, 30 communautés sont visées par des avis à long terme. Il est alarmant qu’en 2024 autant d’entre nous soient privés de droits aussi fondamentaux.
En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a publié son rapport final contenant 94 appels à l’action, qui établit une feuille de route pour faire progresser la réconciliation et redresser les torts causés par les pensionnats indiens. Il devait s’agir d’un tournant, et nous avons cru que le Canada était prêt à réparer les torts passés et présents.
Toutefois, près de dix ans plus tard, les progrès sont très décevants. En effet, seulement 14 des 94 appels à l’action ont été pleinement mis en œuvre, et ceux qui ont été retenus ont un caractère symbolique plutôt que concret. Par exemple, en juin 2021, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation a été instaurée afin de donner suite à l’appel à l’action 80. En tant que parrain de ce projet de loi du gouvernement au Sénat, j’ai été ému lorsqu’il a rapidement été adopté après avoir passé plus de six mois au point mort à la Chambre des communes. Cette victoire était cependant douce-amère puisqu’elle n’a été obtenue qu’en raison de l’indignation publique suscitée par l’annonce de la découverte de possibles sépultures anonymes sur les terrains de l’ancien pensionnat de Kamloops.
Cette situation m’a permis d’apprendre que même obtenir un geste de réconciliation symbolique est une tâche ardue à Ottawa. Je suis donc déçu, mais pas surpris de constater que certains des appels à l’action les plus importants qui visent à remédier aux inégalités structurelles dans les soins de santé l’éducation, la justice et la protection de l’enfance demeurent essentiellement sans suite. Il n’est pas rare d’accomplir les tâches les plus faciles avant de s’attaquer aux plus difficiles. Malheureusement, dans un contexte de réconciliation, l’inaction a des conséquences graves et immédiates sur les peuples autochtones, comme encore plus de souffrance, voire des morts.
Une réconciliation véritable et durable apparaît souvent comme un rêve lointain caché par des promesses vaines. Le 30 septembre, les politiciens arborent un chandail ou une épinglette orange pour montrer leur volonté de réconciliation. Toutefois, cette volonté se fait rare lorsqu’il s’agit de prendre des décisions difficiles en vue, par exemple, de s’attaquer à la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de l’enfance ou aux taux effarants d’actes de violence, dont des meurtres, dont sont victimes les femmes, les filles et les personnes 2SLGBTQQIA+ autochtones.
Des gestes et des discours de façade une fois par année ne suffisent pas. Les politiciens doivent apporter des changements systémiques pour améliorer les expériences vécues des peuples autochtones au Canada. Le gouvernement fédéral actuel a sans doute accompli davantage de progrès que ses prédécesseurs vers la réconciliation (même s’il est très loin de répondre aux attentes), mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous ne pouvons pas courir le risque d’un recul.
Les progrès demeurent d’une lenteur dangereuse et désespérante, mais je crois que la réconciliation est un impératif national. Cet espoir n’est pas un signe de naïveté, mais découle plutôt de la conviction que les peuples autochtones sont déterminés à continuer de bâtir l’avenir qu’ils envisagent pour eux‑mêmes, avenir dans lequel ils prospèrent au lieu de simplement survivre. Il est aussi encourageant de constater que le public est de plus en plus conscient de la véritable histoire du pays, en particulier les jeunes générations. Toutefois, pour parvenir à une véritable réconciliation, il faut des mesures constantes et concrètes pour modifier le statu quo. Il faut également que les gouvernements et la société en général honorent leurs promesses de réconciliation.
Le Canada est à un carrefour : soit il continue sur un chemin de promesses brisées où les peuples autochtones demeurent marginalisés, soit il choisit la voie difficile, mais porteuse d’espoir. Cette voie exige non seulement que le Canada affronte le passé avec honnêteté, mais également qu’il détruise les systèmes qui nuisent aux peuples autochtones.
À quel point sommes-nous prêts à déployer des efforts pour faire de la réconciliation une réalité? L’avenir du Canada dépend des choix individuels et collectifs que nous faisons maintenant.
Le sénateur Brian Francis est un Mi’kmaq d’Epekwitk (Île-du-Prince-Édouard) et est président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Il est un survivant et un survivant intergénérationnel du système fédéral des externats indiens.