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Debates of the Senate (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 126

Le mardi 13 avril 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 13 avril 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président, étant au fauteuil.

Prière.

(1410)

Le décès de l'honorable Paul David

Hommages

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je tiens à rendre un dernier témoignage à Paul David, qui siégea en cette Chambre de 1985 à 1994 et dont les funérailles ont eu lieu jeudi dernier en présence de centaines de parents et amis, collègues et connaissances, tous se sentant privilégiés de l'avoir connu.

Sa nomination au Sénat - le premier Québécois à être nommé par le premier ministre Mulroney - en a surpris plus d'un pour des raisons évidentes. Mais il a fallu peu de temps pour reconnaître ses nombreuses qualités, dont la vive intelligence que M. Mulroney avait observée à titre de membre du conseil d'administration de l'Institut de cardiologie de Montréal.

L'institut est la grande réalisation de Paul David qui, étudiant et jeune médecin, a vite reconnu que c'était dans l'évolution de la cardiologie que se trouvaient les promesses d'une vie améliorée...

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Lynch-Staunton, je m'excuse de vous interrompre. Est-ce que les interprètes peuvent nous entendre?

[Traduction]

Honorables sénateurs, les techniciens sont actuellement dans la cabine d'interprétation, mais je ne dispose d'aucun renseignement précis sur la nature du problème. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous pourrions attendre encore cinq minutes. Si nous n'obtenons pas de réponse d'ici là, je propose que nous suspendions la séance à l'appel de la présidence.

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais vous signaler la présence à notre tribune de quelques visiteurs de marque. Je suis désolé de ne pas pouvoir les présenter comme à l'accoutumée, mais nous avons une panne de son.

Honorables sénateurs, nous avons à notre tribune une délégation de présidents et de vice-présidents de neuf assemblées législatives du nord de la Russie. La délégation est conduite par M. Vladimir A. Torlopov.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

Des voix: Bravo!

(La séance est suspendue.)

(1510)

La séance reprend.

[Français]

Le décès de l'honorable Paul David

Hommages

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je tiens à rendre un dernier témoignage à Paul David, qui siégea en cette Chambre de 1985 à 1994 et dont les funérailles ont eu lieu jeudi dernier en présence de centaines de parents et amis, collègues et connaissances, tous se sentant privilégiés de l'avoir connu et côtoyé.

Sa nomination au Sénat - le premier Québécois à être nommé par le premier ministre Mulroney - en a surpris plus d'un pour des raisons évidentes. Mais il a fallu peu de temps pour reconnaître ses nombreuses qualités, dont la vive intelligence que M. Mulroney avait observée à titre de membre du conseil d'administration de l'Institut de cardiologie de Montréal.

L'institut est la grande réalisation de Paul David qui, étudiant et jeune médecin, a vite reconnu que c'était dans l'évolution de la cardiologie que se trouvaient les promesses d'une vie améliorée, voire prolongée.

L'histoire de l'institut, depuis ses modestes débuts en 1954 comme unité attachée à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont à Montréal jusqu'à ce jour, est l'histoire de la détermination et de la ténacité d'un homme. L'institut est aujourd'hui reconnu comme l'un des grands centres mondiaux en son genre, et attire des centaines de chercheurs et médecins de tous les milieux.

[Traduction]

En sa qualité de sénateur, il a servi à titre de président du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et à titre de membre actif de nombreux autres comités. Ses interventions à la Chambre étaient écoutées avec une attention spéciale, puisqu'il parlait toujours comme une personne profondément religieuse, un médecin dévoué et un ardent défenseur de la famille, principes qui ont influencé toute sa vie.

À sa bien-aimée épouse, Yvette, à sa famille et aux innombrables personnes à qui il a su apporter soins et réconfort, j'offre mes plus sincères condoléances.

[Français]

(1520)

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, au nom de mes collègues, je voudrais prendre quelques instants pour honorer la mémoire du docteur Paul David. La semaine dernière, le Sénat perdait un de ses illustres membres. Plusieurs d'entre vous apprenaient la mort d'un ami que vous aviez eu le privilège de côtoyer pendant de nombreuses années. Mais au-delà de la souffrance et de la tristesse éprouvées par sa famille et par les membres de notre institution, le décès du docteur David laissait dans le deuil l'ensemble du Québec et du Canada.

Le 5 avril 1999 s'éteignait le père de la cardiologie québécoise. Dans un implacable souffle, la maladie emportait un des pionniers de la médecine québécoise et canadienne. Avec la disparition du docteur David, le Québec et le Canada perdaient un grand homme. Le docteur David faisait partie des gens d'exception, malheureusement trop peu nombreux, qui, de par leur volonté et leurs gestes, laissent des marques que le temps ne pourra jamais effacer.

Après des études à Montréal, Boston et Paris, c'est à l'Hôpital Notre-Dame de Montréal, en 1948, que Paul David débute sa pratique. Il vient à peine d'entreprendre sa carrière qu'il crée, en 1954, l'Institut de cardiologie de Montréal, un pari risqué alors que la cardiologie n'en est qu'à ses premiers pas. Le docteur David possédait l'ambition, la ténacité, la volonté pour réussir là où la plupart auraient échoué. L'institut deviendra rapidement un des fleurons de la médecine canadienne et sera copié un peu partout dans le monde. C'est à l'Institut de cardiologie de Montréal qu'on effectuera, en 1968, la première greffe cardiaque au Canada.

Mais plus que le fondateur de l'Institut de cardiologie, le docteur David en était son âme. Voici ce que déclarait le docteur Raymond Carignan, le directeur général actuel de l'institut, le jour du décès du docteur David, et je le cite:

Il avait la capacité de pousser les gens à aller plus loin et à être les meilleurs sur le plan international, que ce soit en recherche ou dans tout autre domaine. Si nos cardiologues et nos chirurgiens sont exigeants et veulent être les meilleurs, c'est grâce au docteur David.

Le docteur David pouvait être fier de l'Institut de cardiologie, qui emploie plus de 1 300 personnes et reçoit annuellement 8 000 patients; son urgence accueille 11 550 personnes et l'on y mène plus de 30 000 consultations externes.

Poursuivant son combat, le docteur David allait également créer les Fondations canadienne et québécoise des maladies du coeur. Son travail acharné et sa renommée internationale lui vaudront une multitude de distinctions. En 1981, il devenait compagnon de l'Ordre du Canada et en 1998, grand officier de l'Ordre national du Québec.

Sa lutte contre la souffrance et la maladie, le docteur David l'a menée également à l'extérieur de nos frontières canadiennes. À titre de président du conseil de l'Institut du cardinal Léger contre la lèpre, le docteur David soutenait la recherche pour vaincre cette terrible maladie.

Chercheur de talent et administrateur de grande valeur, il n'hésitera pas non plus à intervenir sur la place publique pour protéger l'intégrité du système de santé. Il s'insurgera, avant tout le monde, contre les salaires, les conditions de travail du personnel infirmier dans les hôpitaux et dénoncera la bureaucratisation du réseau de la santé qui menaçait la qualité des soins offerts aux patients.

Même après son grave accident cérébro-vasculaire en 1992 qui le laissa partiellement paralysé et aphasique, le docteur David refusera de se laisser abattre par la maladie. J'aimerais vous citer les paroles émouvantes de sa fille, Thérèse, lors des funérailles:

Ta plus grande victoire, c'est d'avoir surmonté les difficultés des sept dernières années. Tu étais paralysé, incapable de communiquer par la parole. Tu as communiqué par les yeux et par les mains. J'ai découvert un nouvel homme.

Le docteur David, par sa passion et son travail, a de façon concrète amélioré nos vies. Le Canada, et en particulier le Québec, regrettent et regretteront longtemps la perte de ce grand humaniste.

À son épouse, le docteur Lemire, et à ses enfants, j'offre mes respectueuses condoléances. Qu'ils cherchent un adoucissement à leur grand chagrin dans la sympathie de tous ceux qui l'ont connu et de tous les amis qui l'ont apprécié.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je désire rendre hommage à un homme remarquable, l'honorable Paul David. J'ai eu l'insigne honneur de côtoyer le sénateur Paul David pendant quelques années, depuis mon arrivée au Sénat en 1988.

Descendant d'une famille illustre, Paul David fut un homme de vision, un bâtisseur et un humaniste. Son grand-père, le sénateur L.O. David, avait été un confident, un ami de sir Wilfrid Laurier. L.O. David avait écrit une biographie de Laurier et l'histoire des patriotes.

Son père, le sénateur Athanase David, joua un rôle de premier plan sur la scène politique du Québec et dans le domaine des arts et des humanités. Nous lui devons, entre autres, le célèbre prix David.

Notre collègue Paul David fut le fondateur et l'âme de l'Institut de cardiologie de Montréal, comme l'ont souligné ceux qui ont pris la parole. C'est sa plus grande réalisation.

Il commença une carrière politique à l'âge de 65 ans. Médecin de profession, il s'intéressa aussi à l'histoire, aux questions constitutionnelles et aux questions sociales. Je dois dire que j'ai toujours été fort impressionné par son jugement, ses connaissances et sa grande culture.

Il n'est pas exagéré de dire que Paul David fut un homme exceptionnel, extraordinaire, qui laisse une marque indélébile dans notre société.

Les funérailles, qui se sont tenues jeudi dernier à l'église Saint-Viateur d'Outremont, étaient très émouvantes. Les témoignages rendus par ses enfants allaient droit au c9ur. Tout était empreint de dignité et d'amour.

À son épouse, le docteur Lemire, et à ses enfants, j'offre mes plus vives sympathies.

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, c'est probablement la dernière fois que je me lève au Sénat pour rendre hommage au sénateur David et ce n'est pas sans une grande tristesse.

Je retiens du sénateur David qu'il était profondément humain, toujours à l'écoute des besoins des autres. Au cours des années que j'ai passées avec lui au Sénat, il m'a été donné d'admirer sa grande culture, son intelligence remarquable, son jugement sûr et sa sagesse peu commune. On ne le voyait jamais s'enferrer dans des discussions partisanes. Il était au service des autres, et non au service d'un parti politique.

Plusieurs avant moi ont fait référence à l'oeuvre de sa vie, l'Institut de cardiologie de Montréal. Il avait ancré chez les gens qui y travaillaient ce souci de servir tous les citoyens, d'être constamment à leur disposition, de s'impliquer dans la recherche et dans l'avancement des sciences de la cardiologie.

Assez étonnamment, hier, je participais à une réunion du conseil d'administration de l'Institut de cardiologie de Montréal. On faisait rapport de l'évaluation du Fonds de recherche de santé du Québec. Ce fonds de recherche analyse toutes les demandes pour les subventions de recherche. Il est fort connu et très important au Québec. Dans la conclusion du rapport, on mentionne que les membres du comité d'évaluation sont unanimement d'avis que le Centre de recherche de l'Institut de cardiologie de Montréal est un fleuron de la recherche au Québec et au Canada, que sa présence est cruciale à la recherche de pointe au pays et qu'il se situe à l'avant-plan de la recherche cardiologique au niveau international.

Si l'on peut faire ces observations plusieurs années après le départ du docteur David de l'institut, c'est qu'il y avait instauré ce souci de la recherche bien faite, ce souci de servir la population, ce souci de progresser constamment.

Je voudrais, en terminant, offrir de nouveau mes sympathies à son épouse, le docteur Lemire, qui l'a extrêmement bien entouré pendant les sept dernières années de sa vie, qui n'ont pas été des années faciles, comme certains de mes collègues l'ont mentionné plus tôt.

Je veux aussi offrir mes sympathies à ses enfants: Françoise, Pierre, Charles-Philippe, Anne-Marie, Hélène, Thérèse, qui, chacun dans sa sphère d'activités, semblent suivre l'exemple de leur père: ils cherchent constamment à se dépasser. Je veux les assurer de ma plus grande sympathie, que j'ai d'ailleurs eu l'occasion de leur exprimer ces jours derniers.

Docteur David, je veux vous remercier d'avoir été un humaniste au service des autres, pour tout ce que vous avez fait et pour tout ce que vous nous léguez, entre autres, l'Institut de cardiologie de Montréal. Au revoir, cher ami.

[Traduction]

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, je désire rendre hommage à un grand Canadien, notre cher ami et ancien collègue, le docteur Paul David.

Depuis sa nomination au Sénat, en septembre 1988, jusqu'à sa retraite obligatoire et regrettable, en décembre 1994, Paul David a honoré cette Chambre de ses discours clairs et concis, de son sens de l'humour, de son bon jugement, de sa grande culture et de sa remarquable intelligence. Il savait manifester une grande sensibilité et une grande humanité pour toutes les causes qui lui étaient chères, notamment l'avortement, les soins de santé, les changements démographiques au Canada, l'avenir des jeunes au Canada et le statut du Québec en tant que société distincte. Comme son grand-père et son père avant lui, qui ont également siégé au Sénat, le sénateur David était un politicien très engagé et une célébrité internationale qui a reçu de nombreuses distinctions et récompenses honoraires pour sa sagesse et ses réalisations.

J'ai eu la chance insigne de connaître le docteur David longtemps avant son accession au Sénat, alors qu'il était déjà un illustre cardiologue et administrateur. En 1954, âgé de 30 ans à peine, son projet audacieux et ambitieux de créer un centre de traitement cardiaque et de recherche progressive a finalement vu le jour lors de la fondation de l'Institut de cardiologie de Montréal. Imaginez le courage dont il a dû faire preuve. À l'époque, il existait un institut de cardiologie en Russie, mais il n'y en avait aucun aux États-Unis. L'institut de cardiologie de Grande-Bretagne et l'institut de cardiologie du Japon, à Tokyo, n'existaient pas encore. Le docteur David avait vraiment une bonne longueur d'avance sur son époque. Les efforts de ce visionnaire ont marqué l'histoire des services de santé au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde. De fait, le docteur David a créé un modèle dont les autres instituts de cardiologie se sont inspirés par la suite.

Lorsque je suis arrivé à Ottawa, en 1969, avec la mission de construire l'Institut de cardiologie d'Ottawa, qui allait devenir le second institut de cardiologie au Canada, j'avais déjà eu l'occasion de me rendre dans d'autres instituts de cardiologie, notamment celui de Londres, l'Institut de cardiologie national de Washington et, bien entendu, l'hôpital des soins cardiaques du Minnesota. Le docteur David était cependant une personnalité unique en son genre. Je me souviens que je m'étais rendu à l'Institut de cardiologie de Montréal avec une délégation d'architectes, d'ingénieurs, de planificateurs et de scientifiques. Nous y déambulions, un dictaphone portatif à la main, suivis de photographes, et le docteur David nous faisait part de toutes ses idées. Or, nous lui faisions concurrence, ici même au Canada, pour l'obtention de fonds de recherche en cardiologie. Mais il était tellement magnanime qu'il nous a apporté tout son soutien, car il savait que nos efforts répondaient à une nécessité.

Le docteur David a fait des découvertes capitales et extraordinaires dans les domaines de la science et de la médecine. En 1968, le Canada a fait oeuvre de pionnier en ouvrant le premier institut de cardiologie. Au cours de sa carrière, le docteur David a fait un certain nombre de découvertes capitales et a participé à la première angioplastie transluminale avec le docteur Bourassa à l'Institut de cardiologie de Montréal. Lorsqu'il a pris sa retraite, alors qu'il était directeur médical de l'Institut de cardiologie, il a continué de mettre ses riches connaissances et sa très grande humanité au service du public, ici au Sénat.

Notre pays vient de perdre un Canadien d'une très grande valeur et nous venons de perdre un ami très cher. Je souhaite présenter mes plus profondes condoléances à sa femme, le docteur Yvette Lemire, à ses six enfants et à ses petits-enfants.

Le docteur David a touché tant de gens et de tant de façons! Il m'a touché d'une manière tangible que je garderai en mémoire à jamais.

[Français]

L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, avec le décès du docteur Paul David, le 30 mars dernier, le Canada et le Québec ont perdu non seulement un pionnier de la médecine, mais aussi un homme politique consciencieux et intègre, un citoyen exemplaire et un grand humaniste.

M. Mulroney a nommé Paul David au Sénat en 1985. Le sénateur David avait néanmoins de profondes racines dans le Parti libéral, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Ainsi, son grand-père, Laurent Olivier David, conseiller et confident de Wilfrid Laurier, fut nommé au Sénat par ce dernier en 1903. Et son père, Athanase David, ministre distingué de Louis-Alexandre Taschereau entre 1919 et 1936, a été nommé au Sénat en 1940 par le premier ministre Mackenzie King.

En dépit de tous ces liens familiaux avec la politique, c'est dans la médecine que le sénateur David trouva sa vocation et qu'il se distingua véritablement. Diplômé en médecine de l'Université de Montréal, il se spécialisa en cardiologie à Boston et à Paris. Un des plus grands cardiologues au monde, il fonda en 1954 l'Institut de cardiologie de Montréal, réunissant sous un même toit les différents services en cardiologie. Il dirigea cet institut pendant 30 ans, période durant laquelle une équipe de médecins effectua la première transplantation cardiaque au Canada.

L'énorme contribution du sénateur David a d'ailleurs été soulignée par les prix et récompenses qui lui ont été décernés, dont des doctorats honorifiques et de nombreuses décorations. Il était, entre autres, compagnon de l'Ordre du Canada, grand officier de l'Ordre national du Québec et Grand Montréalais.

Honorables sénateurs, je suis parmi ceux qui ont pu apprécier le côté humanitaire du sénateur David au cours de nombreuses campagnes de collectes de sang de la Croix-Rouge. Lorsque le devoir envers son prochain l'appelait, Paul David savait toujours y répondre avec enthousiasme.

Il y a bien des années, avec une de mes filles infirmière, je m'occupais de collectes de sang. Les donneurs à cette époque étaient rares. Le docteur David donnait des explications simples que tout le monde comprenait. Il expliquait par exemple ce qu'était une opération du c9ur. Tout le monde en avait peur, personne ne voulait y aller. Sa présence, son image et son calme rassuraient les gens.

Ceux parmi mes collègues du Sénat qui l'ont connu se souviennent d'un homme chaleureux, franc et tout à fait dévoué aux causes qu'il avait à c9ur. Son départ nous chagrine tous profondément.

Honorables sénateurs, le Canada et le Québec viennent de perdre un de leurs fils les plus illustres. J'aimerais inviter tous les sénateurs à se joindre à moi pour exprimer nos plus sincères condoléances à son épouse, ainsi qu'à ses enfants: Anne-Marie, Hélène, Françoise, Pierre, Charles-Philippe et Thérèse, ainsi qu'à tous ses petits-enfants. Honneur à ce grand disparu.


[Traduction]

(1540)

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Yougoslavie

Le Kosovo-Les problèmes de la guerre

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, en guise d'introduction, je souhaite préciser que j'ai travaillé dans la péninsule des Balkans, de Vienne à Istanbul et de la mer Noire à la mer Égée et à la mer Adriatique, depuis 1960. Je ne prétends nullement être un expert sur la Yougoslavie, mais je veux tout de même signaler que tous ceux qui affirment être des experts en la matière ne connaissent pas la Yougoslavie. C'est probablement l'une des régions du monde dont les politiques sont les plus complexes et les plus incompréhensibles.

J'ai soulevé cette question le 25 mars. Je suis intervenu dans cette enceinte immédiatement après le sénateur Kinsella, qui avait proposé une excellente solution au problème. Malheureusement, ni l'OTAN ni le président américain ne nous ont écoutés. J'ai parlé du caractère insensé du projet de bombardement à l'époque.

Après avoir écouté le débat au cours des deux derniers jours, je voulais savoir combien de gens croient sur parole ce que les stations de télévision du réseau CNN de Ted Turner disent. En d'autres termes, si CNN vous dit qu'il y a eu un massacre d'un côté, c'est le seul qui s'est produit. Apparemment, personne ne pense un seul instant que la guerre est une chose monstrueuse et que des atrocités sont commises des deux côtés. M. Turner, le même homme qui a donné à l'ancien président Bush une popularité de 70 p. 100 et l'a ramené ensuite à 30 p. 100 en un an, fait exactement la même chose avec cette guerre.

L'autre question que j'ai jugée intéressante en écoutant le débat à la Chambre des communes, c'est que personne ne dit ce que nous allons faire lorsque nous aurons gagné. Supposons que Milosevic finisse par céder. Qu'allons-nous faire? Cela signifie probablement que le KLA va entrer dans le pays et commencer à tuer les Serbes. Peu importe la façon dont on voit les choses, on a recours à la violence et on devra assurer l'ordre pendant des années. Il doit y avoir une autre façon de procéder et je pense que c'est le cas.

Je crains que les membres de l'OTAN ne fassent fi de l'histoire - du moins des leçons qu'elle nous enseigne - dans leur désir de punir les Serbes pour avoir eu la faiblesse de laisser un dictateur s'emparer du gouvernement et rallumer les guerres racistes et religieuses qui ont balayé les Balkans depuis un siècle. L'actuelle campagne consistant à bombarder tout, y compris les maisons et les lieux de travail, qui n'ont rien à voir avec l'effort de guerre, et à appeler cela «des dommages collatéraux», est répréhensible sur les trois plans, politique, militaire et moral.

C'est une erreur sur le plan politique alors que rien ne prouve historiquement que le fait de bombarder ou d'attaquer un pays affaiblit la détermination des dirigeants au pouvoir et l'appui dont ils jouissent. Que ce soit l'appui dont jouissait M. Churchill lorsque Hitler a attaqué Londres ou l'appui dont jouissait Saddam Hussein lorsque nous avons bombardé l'Irak, le résultat a toujours été le même, à savoir le renforcement de la position même de ces dirigeants.

C'est aussi une erreur sur le plan militaire. En tant que géologue, j'ai beaucoup travaillé dans la région, et je peux vous dire que c'est un pays rude. Si vous voulez voir de quoi ce pays a l'air, prenez le volant et conduisez de Revelstoke à Golden. Il n'y a que des montagnes et rien d'autre. M. Tito m'avait engagé pour dresser un levé géologique. Je me souviens qu'il s'était vanté d'avoir pu, avec cent hommes - et plus tard, avec cinq cents hommes - bloquer pendant trois ans trois divisions allemandes de «panzers». Voilà le type de pays auquel nos soldats auront affaire. Il ne faut pas croire que nous allons pouvoir nous en tirer sans avoir besoin de déployer des forces terrestres.

Enfin, c'est moralement injustifié. On ne peut recourir à la violence pour enseigner aux autres à ne pas recourir à ce moyen pour régler leurs problèmes. La fin ne justifie pas les moyens.

Des voix: Bravo!

La commémoration de l'holocauste

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, cette journée est consacrée dans le monde entier à la commémoration de l'Holocauste, ou la «Shoah». Quelle est la meilleure façon de commémorer l'Holocauste? Honorables sénateurs, permettez-moi de retracer très brièvement la saga d'une famille, qui a une résonance actuelle.

Il y a environ 220 ans, la famille Grafstein, sur l'ordre des Habsbourg de Vienne et avec l'aide enthousiaste des autorités locales, a été déracinée de son village du sud-ouest de l'Autriche d'où elle tirait son moyen de subsistance depuis plusieurs siècles. Une branche de la famille a voyagé vers le nord-est, jusqu'à une ville de Russie appelée Vitebsk, rendue célèbre par la magie du peintre Chagall. Déjà à l'époque, Vitebsk était renommée en tant que centre névralgique de la culture, de l'éducation et de la religiosité juives. Malheureusement, quelque trois décennies plus tard, Vitebsk était aussi sur la route de Napoléon, lors de sa marche vers Moscou et de sa fameuse retraite. Déracinée de nouveau, la branche de la famille Grafstein dont je suis issu a alors déménagé dans le sud de la Pologne, région accueillante à l'époque, où mon arrière-arrière-grand-père s'est établi dans une petite ville située à 100 kilomètres du lieu de naissance du pape Jean-Paul II, à une croisée de chemins, Wasniow. Là-bas, la famille a prospéré durant près de 100 ans, malgré d'épisodiques vagues de violence antisémite.

Au tournant du siècle, ma tante, une femme douée d'un certain talent musical qu'elle a d'ailleurs transmis à ses enfants, est venue au Canada, pour ensuite s'établir à New York. Elle était suivie d'un oncle énergique qui, agacé par les règles orthodoxes que respectaient son père et son grand frère, a quitté la famille pour se rendre à Toronto, où il a d'abord été organisateur d'association ouvrière socialiste avant de devenir homme d'affaires. Peu de temps après, un de ses frères venait le rejoindre. Socialiste lui aussi, il avait été acteur et écrivain en Pologne. Il est plus tard devenu, au Canada, éditeur de livres et de journaux et entrepreneur. Dix ans plus tard, un autre de leurs frères se joignait à eux, un homme qui avait toujours été fidèle à la pratique religieuse, contrairement à ses deux frères séculiers.

En 1927, mon père, le cadet de sa famille, est venu à Toronto rendre visite à son frère après avoir servi avec une certaine distinction dans l'armée polonaise pendant cinq ans à la fin de ses études, à Varsovie. C'est mon oncle qui l'a présenté à ma mère. Originaire de la même région de la Pologne que lui, elle avait immigré au Canada avec sa famille une vingtaine d'années plus tôt. Mon père en est tombé éperdument amoureux et l'a épousée, et ils se sont établis à London, en Ontario, où je suis né, au beau milieu de la grande dépression.

Le plus âgé de mes oncles était resté à Wasniow, en Pologne. Il avait, avec sa famille tentaculaire, des intérêts dans des commerces de la petite ville, soit une boutique de textiles, une quincaillerie, une scierie et un magasin de vins et spiritueux. Selon les archives, lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, en 1939, la localité de Wasniow comptait 191 habitants. Plus de la moitié d'entre eux étaient juifs, et la famille Grafstein, en incluant les cousins aux premier et second degrés, représentait plus de la moitié de ces juifs. En 1940, dès leur arrivée, les Allemands ont rapidement réuni la famille et tous les autres juifs du village et des environs dans la jolie place centrale de Wasniow et les ont divisés en deux groupes. D'un côté, les hommes et les garçons aptes au travail, et de l'autre, les personnes âgées, les femmes et les enfants. Les membres de ce second groupe ont été expédiés vers les camps de la mort, et on ne les a jamais revus. Quant au groupe des hommes et des garçons, seuls deux de mes cousins ont survécu aux camps de travail et d'extermination. Mon père a mis cette brève histoire de la famille par écrit en 1944, lorsqu'il a appris que presque tous les membres de sa famille qui étaient restés en Pologne avaient été exterminés.

En 1947, mon père a ramené au Canada un cousin au second degré qui avait survécu aux camps. En 1966, j'ai aidé le dernier Grafstein encore derrière le rideau de fer à émigrer au Canada avec sa petite famille. Il s'est également établi à Toronto.

Honorables sénateurs, il y a deux ans, j'ai fait un voyage en Pologne, où j'ai eu le privilège de rencontrer le président du pays et des hauts fonctionnaires presque 70 ans après que mon père eut quitté le pays pour émigrer au Canada. Au cours de cette visite, un après-midi, je...

Son Honneur le Président: Sénateur, je suis au regret de vous dire que les trois minutes dont vous disposiez pour faire une déclaration sont écoulées. Honorables sénateurs, le sénateur a-t-il la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai décidé par un bel après-midi de faire une petite visite dans la ville natale de mon père, à quelque 140 kilomètres au sud. J'y ai revu la magnifique place bordée d'arbres et couverte d'une pelouse bien entretenue ainsi que la jolie église baroque peinte en jaune et la bibliothèque, maintenant transformée en école, où mon père a travaillé comme chef de la bibliothèque polonaise du comté. La bibliothèque occupait deux des quatre côtés de cette magnifique place. En face de l'église se trouvent des boutiques qui ont déjà appartenu à mon grand-père, à mon oncle et à d'autres membres de ma famille étendue.

Un peu plus loin, un grand terrain vague, maintenant couvert de pelouse, abritait autrefois une vaste synagogue en bois. Le cimetière juif a complètement disparu. Il ne reste aucune trace des juifs qui ont occupé cet endroit pendant près de 1000 ans.

Nous voyons, honorables sénateurs, que l'Holocauste est beaucoup plus qu'un mot. Nous croyions qu'il avait été le point culminant, la dernière scène scandaleuse, si l'on veut, du cycle infernal des morts violentes survenues dans le coeur de l'Europe. Nous avions tort. À l'approche du nouveau millénaire, y a-t-il des leçons que nous pourrions tirer de l'Holocauste - un mot qui sera à jamais impossible à définir, une situation impossible à imaginer? La cruauté sélective et épisodique de l'homme envers l'homme se poursuit toujours. Malheureusement, des tels actes de violence sont toujours consacrés par certaines forces organisées qui préconisent la violence d'un État contre ses citoyens.

Est-il possible de découvrir des vertus profitables de la condition humaine dans ce misérable tissu de noirceur? Malheureusement, ce n'est que par la diligence éternelle et le renouvellement du sacrifice humain que le misérable cycle de violence pourra être enrayé. De cette irrémédiable tragédie, l'esprit humain et la société civile peuvent encore triompher.

Ani maamin, ani maamin, ou «Je crois, je crois», chantaient les prisonniers des camps de la mort. Permettez-moi de répondre «Ainsi soit-il».

Des voix: Bravo!

La conférence internationale sur les enfants et le tabac

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je prends la parole conformément aux dispositions du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration concernant les voyages internationaux pour faire le compte rendu d'un voyage que j'ai effectué à Washington, D.C., pour assister à la conférence internationale sur les enfants et le tabac, qui a eu lieu du 17 au 19 mars. Durant cette période de deux jours et demi, nous avons eu 22 heures de réunions. Soixante délégués de quelque 31 pays ont participé à cette conférence.

La conférence était parrainée par les sénateurs Durbin, Wyden et Collins, l'American Cancer Society, l'American Public Health Association, la Campaign for Tobacco-Free Kids et la Robert Wood Johnson Foundation. Son objectif consistait à établir un réseau international sur la question des jeunes et du tabac. Mes objectifs étaient d'apporter une perspective canadienne, de me renseigner sur les programmes efficaces mis en oeuvre dans d'autres pays et de représenter de façon positive le Sénat du Canada à cette conférence.

En plus des 31 pays représentés, les organisations suivantes avaient également envoyé des délégués: l'Organisation mondiale de la santé, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Les discussions ont été dirigées par Gro Harlem Brundtland, directrice de l'Organisation mondiale de la santé, le docteur Donna Shalala, secrétaire américaine à la Santé, l'honorable Rob Knowles, ministre de la Santé de Victoria, en Australie, et l'honorable Bernard Kouchner, secrétaire d'État à la Santé de Paris, en France.

La conférence nous a permis de faire des comparaisons intéressantes des dépenses et des taux de tabagisme. À Victoria, en Australie, les dépenses sont de 11,50 $ par habitant, en dollars canadiens, et le taux de tabagisme chez les jeunes est de 19 p. 100. En Floride, les dépenses sont de 7,50 $ par habitant, et le taux de tabagisme chez les jeunes est de 20 p. 100. En Californie, les dépenses sont de 4 $ par habitant, et le taux de tabagisme chez les jeunes est de 12 p. 100. Au Canada, nous dépensons 33 cents par habitant, et le taux de tabagisme chez les jeunes est de 29 p. 100.

Santé Canada a annoncé que le nombre de décès attribuables au tabagisme est passé de 40 000 à 45 000. L'an dernier, on estimait que 85 p. 100 de tous les fumeurs commençaient à fumer avant l'âge de 18 ans. Cette année, on a révisé cette statistique pour refléter le fait que 85 p. 100 des fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 16 ans.

Les droits de la personne

Le rapport du Royaume-Uni-Le racisme d'agents de police

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur un rapport qui a été rendu public récemment au Royaume-Uni et dont tous les Canadiens devraient être mis au courant. J'ai eu l'occasion d'en faire la lecture pendant le congé de Pâques.

Le 25 février 1999, sir William MacPherson, juge retraité de la Haute Cour de Grande-Bretagne, a remis son rapport sur l'enquête qu'il a menée à la suite du décès de Stephen Lawrence. Vers 22 h 30, le 22 avril 1993, Stephen Lawrence, âgé de 18 ans et fils d'immigrants jamaïcains, a été agressé pendant qu'il attendait l'autobus dans un quartier du sud-est de Londres. Lorsqu'il a tenté de s'échapper, il a été poignardé à mort par cinq adolescents de race blanche..

Ni des poursuites publiques ni des poursuites privées n'ont entraîné la condamnation de ces jeunes. Cette enquête a été déclenchée parce que les parents de M. Lawrence ont estimé qu'un service de police corrompu, conspirateur et raciste était responsable de l'échec de ces poursuites.

Bien que, dans son rapport, sir William MacPherson ne jette aucun blâme sur le service de police dans cette affaire, il en arrive toutefois à la conclusion que le gouvernement britannique est en proie au racisme institutionnel, surtout en ce qui concerne l'application de la loi.

Ses recommandations, que j'estime pour la plupart bien motivées, nous présentent un modèle permettant de lutter contre le racisme dans tous les secteurs d'application de la loi au Canada. Le rapport recommandait que:

... les lois sur les relations raciales s'appliquent dans toute leur rigueur à tous les agents de la paix, et que les chefs de police soient tenus indirectement responsables des actes et des omissions de leurs agents, en conformité de ces lois.

Selon les conclusions de l'enquête, cette mesure assurerait l'existence d'une responsabilité pour les actes racistes commis par des agents de la paix. L'enquête a permis de découvrir entre autres que certains agents croyaient que le racisme ou des actes racistes seraient tolérés par la haute direction. Cette recommandation impute carrément la responsabilité de tels actes aux hauts gradés, pour faire en sorte qu'ils prêchent par l'exemple.

Selon la définition d'incident raciste retenue dans l'enquête, un incident est raciste lorsqu'il est considéré comme tel par la victime ou un tiers impartial. L'incident peut être criminel ou non. Cette définition doit être adoptée universellement par les forces policières, les pouvoirs locaux et les autres services semblables.

Selon moi, pareille définition est une étape importante dans la gestion des relations raciales. Le racisme doit être défini par ceux qui en sont victimes. Cela devrait amener ceux qui occupent des postes névralgiques à songer aux réactions des autres avant de faire ou de dire quoi que ce soit.

Pour conclure, je dirai que le Canada a beaucoup d'enseignements à tirer des recommandations de cette enquête. Les forces policières et les autres éléments du système canadien de justice pénale devraient passer ces recommandations en revue, notamment celles qui traitent de l'aide aux familles, afin de les adopter dans le contexte canadien.


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose, appuyée par l'honorable sénateur Austin:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 14 avril 1999, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Sécurité des transports

Avis de motion tendant à autoriser le comité spécial du Sénat à reporter la date de présentation de son rapport final

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 14 avril 1999, je proposerai:

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 25 mars 1999, la date de présentation du rapport final du Comité spécial sur la sécurité des transports soit reportée au 30 novembre 1999.

(1600)

Projet de loi d'intérêt privé

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada-Avis de motion tendant au rétablissement au Feuilleton

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi 14 avril 1999, je proposerai:

Que, par dérogation au paragraphe 27(3) du Règlement, l'article de l'ordre du jour concernant la motion en deuxième lecture du projet de loi S-18, Loi concernant l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, un projet de loi d'intérêt privé, soit maintenant rétabli au Feuilleton (jour un) aux fins de réinscrire le projet de loi.

Le système canadien de soins de santé

Avis d'interpellation

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 15 avril 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur l'état actuel du système canadien de soins de santé.

L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord

L'intervention en Yougoslavie-Le rapport avec le droit international-Avis d'interpellation

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 15 avril 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur la question de droit international suivante: le Canada et l'intervention de l'OTAN en République fédérale de Yougoslavie.

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Les répercussions des événements dans l'ex-Yougoslavie-Les critères régissant une intervention militaire du Canada en dehors de sa participation à l'OTAN-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre pourrait-il dire au Sénat si le gouvernement du Canada a donné des instructions à ses représentants aux Nations Unies pour donner suite aux propositions demandant l'appui de toute la communauté internationale représentée à cette organisation, afin de s'attaquer à la crise et à la tragédie au Kosovo?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Comme les honorables sénateurs le savent sans doute, nos représentants aux Nations Unies suivent la situation de jour en jour et ils interviennent auprès de tous les pays membres. De toute évidence, le Canada aurait préféré que le Conseil de sécurité des Nations Unies autorise explicitement l'action militaire de l'OTAN. Cela dit, nous ne pouvions pas attendre que le conseil arrive à un éventuel consensus, quand plusieurs milliers de gens sont ainsi exposés à des risques. Cependant, je sais que des discussions se poursuivent aux Nations Unies et ailleurs.

Le sénateur Kinsella: Le ministre pourrait-il donner quelques détails plus précis au Sénat? Est-ce que le Canada profitera de son siège au Conseil de sécurité pour mettre de l'avant une résolution originale à la crise ou est-ce qu'il se contentera de suivre le déroulement des événements sans rien faire?

Le sénateur Graham: Je ne crois pas que ce soit là une description juste du rôle du Canada dans cette situation très difficile. L'honorable sénateur Kinsella devrait savoir que le ministre des Affaires étrangères a assisté à la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de l'OTAN à Bruxelles hier. Il est rentré au Canada aujourd'hui.

Quelques suggestions ont été faites ces dernières semaines, après l'échec de l'accord-cadre de Rambouillet, qui reste le seul cadre de référence jouissant d'une certaine reconnaissance au sein de la communauté internationale. D'autres propositions ont été avancées, allant de la partition du Kosovo à la déclaration d'un protectorat international, en passant par l'indépendance pure et simple.

Cependant, je le répète, quoique le conflit ait rendu la mise en oeuvre de l'accord de Rambouillet très difficile, celui-ci reste le seul cadre de référence jouissant d'une certaine reconnaissance au sein de la communauté internationale.

Les Nations Unies

Les répercussions des événements dans l'ex-Yougoslavie-La possibilité d'un projet de résolution au Conseil de sécurité-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une autre question à poser au leader du gouvernement au Sénat.

Le ministre croit-il que le Conseil de sécurité des Nations Unies n'est plus un forum adéquat pour régler ce genre de crise?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je crois avoir déjà dit que je faisais confiance au Conseil de sécurité. Il est regrettable que le conseil n'ait pas pu faire consensus en raison du veto de la Chine et de la Russie. Cependant, étant donné que des centaines de milliers de vies sont menacées, les membres de l'OTAN ont jugé nécessaire de prendre des mesures, ce qu'ils ont fait.

Le sénateur Kinsella: Le ministre sait certainement que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ont un droit de veto depuis la conférence de San Francisco en 1945. Ce droit de veto n'est pas nouveau. Pourquoi le gouvernement du Canada a-t-il été incapable de présenter une résolution ayant pu recevoir l'appui de tous les membres du Conseil de sécurité pour éviter l'imposition d'un veto? Et ce n'est pas que l'Occident n'a jamais utilisé son droit de veto.

Le sénateur Graham: Je crois que le dossier du Canada aux Nations Unies a toujours été exemplaire dès le début avec Lester B. Pearson, ancien premier ministre du Canada, ancien ministre des Affaires extérieures, ancien président de l'Assemblée générale des Nations Unies. Nous avons été des chefs de file avec nos efforts de maintien de la paix et, tout récemment, avec les initiatives d'avant-garde qu'a prises le ministre Axworthy à l'égard du traité sur les mines antipersonnel.

Le sénateur Kinsella: Dernière question complémentaire, honorables sénateurs. Si le gouvernement fédéral craint que certains membres permanents du Conseil de sécurité n'exercent leur veto, pourquoi n'enjoint-il pas à son représentant aux Nations Unies de présenter des résolutions à l'Assemblée générale, où il n'y a pas de veto?

Le sénateur Graham: Je ne sais pas si de telles instructions ont été données. Toutefois, je devrais m'enquérir de la situation pour mon collègue et pour tous les sénateurs.

Les affaires étrangères

Les efforts diplomatiques entourant les événements dans l'ex-Yougoslavie-Demande de renseignements

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Si j'en juge par ces réponses, le Canada n'a pas renoncé à la voie diplomatique en plus de la voie militaire qu'emprunte l'OTAN. Si c'est bien le cas, le leader du gouvernement peut-il énumérer les mesures diplomatiques que nous prenons à l'heure actuelle, surtout pour ce qui est des ouvertures que nous avons faites aux gouvernements de la Russie et de l'Ukraine ou à leurs missions? Les avons-nous encouragés à rechercher un règlement de cette crise? Quelles autres voies diplomatiques prenons-nous en dehors de la participation aux mesures prises par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale de l'ONU?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Le Canada continue de consulter la Russie, l'Ukraine et d'autres pays. Les sénateurs n'ignorent pas que la Russie condamne toujours l'action militaire de l'OTAN et qu'elle a pris un certain nombre de mesures pour soutenir le gouvernement yougoslave. Le conflit n'a pas encore menacé les relations entre les pays de l'OTAN, y compris le Canada, et la Russie.

L'entretien qu'ont eu aujourd'hui la secrétaire d'État américaine Albright et le ministre russe des Affaires étrangères Ivanov a permis de préserver les relations entre les États-Unis et la Russie. Il reste aux deux pays à en arriver à un accord sur un certain nombre de questions clés, y compris le déploiement d'une présence militaire internationale au Kosovo.

La défense nationale

Les forces de l'OTAN en ex-Yougoslavie-Le déploiement de troupes au sol pour venir en aide aux réfugiés kosovars-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. En réponse à une question que je lui ai posée le 25 mars, le ministre a déclaré:

... notre objectif est d'aider à éviter une plus grande crise humanitaire en veillant à ce que la République fédérale de Yougoslavie s'acquitte de ses obligations.

Nous sommes maintenant confrontés au fait que près d'un million de personnes ont été chassées du Kosovo. Nous ne savons pas combien ont été assassinées ou violées au cours des pillages qui ont été commis.

Le sénateur Lawson et moi-même avons discuté de la question aux alentours du 25 mars et nous nous demandions pourquoi les troupes au sol n'avaient pas immédiatement été déployées. Nous n'avons toujours pas reçu de réponse à cette question. Il semble que l'OTAN se retient en attendant que les sondages révèlent un changement d'opinion chez les Américains.

(1610)

Allons-nous prendre une décision fondée sur l'aspect humanitaire au lieu de l'aspect stratégique dont j'ai parlé le 25 mars?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'aspect humanitaire est l'élément primordial à prendre en considération dans toutes les discussions et interventions.

Dès le début de la crise, les stratèges militaires de l'OTAN ont commencé à élaborer des plans pour le déploiement des forces terrestres en réaction à divers scénarios. Jusqu'à maintenant, le seul plan que les gouvernements des pays alliés ont officiellement envisagé est le déploiement de troupes au sol qui aideraient à mettre en application un règlement après la signature d'un accord de paix. L'opération ressemblerait à ce que fait l'OTAN en Bosnie.

Pour le moment, le déploiement de troupes au sol dans tout autre type de scénario n'est pas encore envisagé.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, est-ce parce qu'il est possible qu'il ne reste plus personne dans le pays au moment de leur arrivée? Le scénario qui se dessine ressemble à la situation du Viêtnam, où la guerre a commencé par des exercices de bombardement pour se terminer par l'engagement de forces terrestres. Fondamentalement, c'était trop tard.

Historiquement, n'y a-t-il pas toujours eu un vote à la Chambre avant tout déploiement de nos forces sur un théâtre d'opérations? Si c'est le cas, pourquoi n'y en a-t-il pas eu cette fois-ci?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le sénateur, qui est un ancien combattant et qui s'est distingué à l'autre endroit à titre de député et de ministre, connaît peut-être mieux que moi la réponse à sa question.

Je ne sais pas si, historiquement, ce serait établir un précédent que d'obtenir l'approbation parlementaire avant l'envoi de CF-18 canadiens sur le théâtre d'opérations actuel. Certes, le premier ministre a précisé que d'autres consultations se tiendront avant le déploiement de forces terrestres.

Les Nations Unies

Les frappes aériennes de l'OTAN dans l'ex-Yougoslavie-La possibilité d'un règlement du conflit-La déclaration du secrétaire général-La position du gouvernement

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat a dit que le Canada surveillait la situation. En ce qui concerne le règlement de ce terrible problème, il a parlé de l'accord de Rambouillet comme s'il tenait toujours. Or, cet accord est bel et bien mort.

Plus précisément, que fait le Canada pour donner suite à l'ouverture faite par le secrétaire général des Nations Unies il y a quelques jours, quand il a dit que si les autorités yougoslaves acceptent le déploiement d'une force militaire internationale pour susciter un climat propice au retour en toute sécurité des réfugiés et à l'aide humanitaire, il presserait l'OTAN de suspendre sur-le-champ les bombardements aériens dans la République fédérale de Yougoslavie? C'est une proposition que le Canada, fort de son statut de membre du Conseil de sécurité, pourrait mettre de l'avant. Le Canada en a-t-il pris note?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Oui, il l'a fait, honorables sénateurs. Toutefois, pour inscrire la déclaration du secrétaire général des Nations Unies dans le contexte qui convient, je voudrais lire les conditions qui, selon le secrétaire général des Nations Unies, devraient être remplies avant qu'il demande aux dirigeants de l'OTAN de suspendre immédiatement les bombardements. Il a dit:

Je suis profondément affligé par la tragédie qui a lieu en ce moment au Kosovo et dans la région, tragédie à laquelle il faut mettre un terme. Les souffrances endurées par des civils innocents ne doivent pas être prolongées. Dans cet esprit, je lance un appel urgent aux autorités yougoslaves pour qu'elles prennent les engagements suivants:

- premièrement, mettre fin immédiatement à la campagne d'intimidation et d'expulsion de la population civile;

- deuxièmement, faire cesser toutes les activités des forces militaires et paramilitaires au Kosovo, et retirer ces forces;
- troisièmement, accepter inconditionnellement le retour dans leurs foyers des réfugiés et de toutes les personnes déplacées;
- quatrièmement, accepter le déploiement d'une force militaire internationale pour garantir que le retour des réfugiés se fera dans des conditions de sécurité et que l'aide humanitaire sera acheminée librement;
- enfin, permettre à la communauté internationale de vérifier que ces engagements sont respectés.

Dès lors que les autorités yougoslaves auront accepté ces conditions, je prie instamment les dirigeants de l'Alliance de l'Atlantique Nord de suspendre immédiatement les bombardements aériens sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie.

Enfin, la cessation des hostilités que je propose ici est un prélude à une solution politique durable à la crise, qui ne peut être trouvée que par la diplomatie. Dans ce contexte, je recommande vivement la reprise des pourparlers sur le Kosovo entre toutes les parties concernées, le plus tôt possible.

Je suis certainement d'accord avec toutes les conditions énoncées, à l'instar du gouvernement du Canada.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je remercie le leader du gouvernement pour la réponse qu'il vient de fournir. Il n'a pas dit que le Canada prônait cette solution. Le secrétaire général a besoin de soutien dans cette grave crise internationale qui risque d'atteindre des proportions incontrôlables. Le Canada est bien placé pour jour un rôle de leader et inciter les Russes et les Nations Unies à reprendre les pourparlers. Le Canada pourrait réclamer la tenue d'une séance spéciale de l'Assemblée générale afin d'amener la communauté internationale à chercher une solution internationale et non une solution élaborée uniquement par l'Occident.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le secrétaire général continue d'avoir l'appui non équivoque du Canada.

Les affaires étrangères

Les frappes aériennes de l'OTAN en ex-Yougoslavie-Les objectifs immédiats et à long terme de la campagne de bombardement-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, bon nombre d'entre vous avez remarqué que l'ex-secrétaire américain à la Défense, M. Weinberger, a signalé ceci au sujet du Kosovo dans un article paru en regard de la page éditoriale:

... nous n'avons pas défini ce qui constituerait une victoire ni établi d'objectifs concrets.

Quels sont les objectifs immédiats et à long terme de la campagne aérienne de l'OTAN?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les objectifs immédiats et à long terme sont de rétablir la paix dans la région et de mettre fin aux hostilités, de permettre aux Kosovars de réintégrer leur patrie, d'envoyer une force de maintien de la paix dans la région.

Le sénateur Forrestall: Le 1er avril, celui qui dirige la campagne aérienne, le général américain Wesley Clark, commandant suprême de l'OTAN, a fait la déclaration suivante:

Nous ne pouvons faire cesser les actions paramilitaires au moyen de la campagne aérienne [...]. Nous n'avons jamais pensé que les frappes aériennes pourraient, à elles seules, mettre un terme à pareille tragédie paramilitaire.

Comme le général Clark, l'état-major interarmes des États-Unis aurait reconnu que les bombardements ne suffiraient pas.

Ce matin, nous avons appris que les forces armées yougoslaves ont franchi la frontière de l'Albanie et qu'elles ont attaqué un village.

(1620)

Quels sont les objectifs immédiats et à long terme de la campagne aérienne de l'OTAN? Comment le ministre définit-il une réussite, compte tenu des observations du général et de l'ex-secrétaire d'État, M. Weinberger?

Le sénateur Graham: Je définirais la réussite comme étant le rétablissement de la paix et le retour des Kosovars à l'endroit où ils vivent habituellement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Tout a été détruit!

Le sénateur St. Germain: Ils seront tous morts!

Le sénateur Graham: Songez à ce qui se serait produit si nous n'étions pas intervenus. Nous espérons que les bombardements prendront fin sous peu.

Le sénateur Lynch-Staunton: Une fois que vous aurez tout détruit.

Le sénateur Graham: À défaut d'une intervention de la part de l'OTAN, que proposent mes honorables collègues d'en face? La voie diplomatique a échoué à Rambouillet et une intervention s'imposait. Les Balkans se tournaient vers le reste de la planète et se demandaient où nous étions. L'OTAN, dont le Canada est membre, a réagi de manière responsable. Si nous voulons y siéger, nous devons adopter les mesures qui s'imposent et faire partie de l'équipe. C'est une équipe humanitaire qui travaille au nom des gens qui sont menacés et qui ont été attaqués férocement par le «boucher des Balkans».

Des voix: Bravo!

Le sénateur Kinsella: Qu'en est-il du Rwanda?

Le sénateur Forrestall: À mon avis, personne n'est contre cela. Nous vous demandons plutôt de préciser votre définition du succès et à quel moment on nous communiquera des paramètres qui nous permettront d'aboutir à un objectif définitif. Si jamais l'OTAN déploie des troupes terrestres, que possède actuellement le Canada sur les plans des soldats et des matériels prêts au combat? Quels pourraient être les retards des Forces armées canadiennes si l'OTAN décide de déployer maintenant des troupes terrestres? Sommes-nous prêts à envoyer une force expéditionnaire bien entraînée? Dans le cas d'une opération terrestre, quelle place occupera le Canada dans la filière de commandement de l'OTAN? Les Forces armées canadiennes seraient-elles sous le commandement des Britanniques, comme ce fut le cas en Bosnie? Quelles mesures le gouvernement a-t-il adoptées pour venir en renfort aux soldats canadiens affectés en Bosnie si jamais le conflit s'étend de nouveau au-delà de ces frontières?

Le sénateur Graham: C'est une longue série de questions. Je crois avoir déjà répondu plus tôt à certaines d'entre elles.

Je ne sais pas quelle serait là-bas la filière de commandement. Naguère, le major-général MacKenzie des Forces canadiennes a été à la tête des forces alliées dans une région très importante du globe. Il se peut qu'on se tourne vers le Canada, un pays modéré dont les membres des forces armées sont compétents, prêts à aider et disposés à s'acquitter de leurs tâches comme membres des Forces armées canadiennes où que ce soit dans le monde, où la population du Canada leur demande de se rendre.

Le sénateur Forrestall: La question n'était pourtant pas compliquée. J'ai demandé quelles troupes prêtes au combat pouvons-nous envoyer?

Le sénateur Graham: Il y a un certain nombre de régiments un peu partout au pays qui sont prêts au combat et j'estime que j'aurais tort, à l'heure actuelle, de préciser les mesures qui sont prises. Néanmoins, je vais tenter de trouver cette réponse pour le sénateur Forrestall. Je sais qu'il y a dans l'Ouest du pays des troupes qui se préparent. Rappelez-vous que la seule indication que nous ayons eue est que les troupes dont le déploiement dans cette partie du monde est discuté dans les circonstances actuelles seraient confinées dans un rôle de maintien de la paix.

Les forces de l'OTAN dans l'ex-Yougoslavie-La situation critique des Kosovars

L'honorable Gerry St. Germain: J'aimerais que tous les honorables sénateurs sachent que je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un de ce côté-ci qui n'appuie entièrement les actions du gouvernement visant à aider ces gens.

Le sénateur Taylor: Vous avez tort.

Le sénateur St. Germain: C'est la clé. Ce qui nous préoccupe, c'est que, selon les informations qui émanent des médias, ces gens sont expulsés de leur pays ou tués. Les seules informations que nous puissions lire dans les journaux ou voir à la télévision font état de viols de femmes, de meurtres et de charniers.

La question que nous posons et qui a été posée le 25 mars, c'est que si les frappes aériennes sont nécessaires, ce n'est qu'une méthode; cependant, si nous n'envoyons pas de troupes au sol, restera-t-il dans l'État du Kosovo de quoi justifier l'envoi d'une force de maintien de la paix?

Voilà ce que je voudrais savoir et ce qui me préoccupe. Je ne recherche pas l'affrontement. Je voudrais que le leader du gouvernement au Sénat comprenne que nous sommes disposés à appuyer le gouvernement et, au besoin, à faire tout ce qu'il faudra, n'importe quoi.

Comme beaucoup d'autres, j'ai été horrifié lorsque nous avons dû regarder, impuissants, les massacres commis au Rwanda. Personne au monde n'a levé le petit doigt pour mettre fin à cette boucherie. Je demande donc, en toute justice et dans un esprit non partisan, s'il ne serait pas possible d'intervenir sur le terrain pour hâter la fin du conflit du Kosovo sans attendre - comme j'en ai l'impression - que les Américains obtiennent des sondages favorables qui leur permettent d'y aller et de faire ce qu'il faut faire.

L'honorable Alasdair B. Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je sais que le Canada a un bataillon d'infanterie tactique et que, sauf erreur, ce groupe se prépare dans l'éventualité où il devrait participer à des opérations de maintien de la paix. Nous avons un escadron de reconnaissance et des hélicoptères. Le Canada est un des cinq pays qui participent aux frappes aériennes stratégiques. Comme tous le savent, en plus de douze appareils CF-18, nous avons dans la région deux avions Hercules qui servent surtout à transporter du personnel et du matériel d'aide humanitaire.

Soit dit en passant, lorsqu'on pense à l'OTAN, on pense simplement à une force militaire. Je tiens à dire à mes honorables collègues des deux côtés que l'OTAN est, à l'heure actuelle, probablement le groupe d'aide humanitaire le plus efficace du monde.

Des voix: Bravo!

L'industrie

Le règlement du différend interprovincial dans l'industrie de la construction-L'absence d'un mécanisme de règlement des différends dans l'Accord sur le commerce intérieur-La position du gouvernement

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le mois dernier, le gouvernement de l'Ontario a annoncé des mesures pour forcer le gouvernement du Québec à ouvrir son secteur de la construction aux travailleurs ontariens. Depuis, des ponts ont été bloqués dans la région de la capitale nationale et on parle beaucoup d'une escalade de la guerre commerciale interprovinciale.

Nous n'aurions pas cette guerre commerciale si l'Accord sur le commerce intérieur que le premier ministre a signé en 1994 renfermait un mécanisme efficace de règlement des différends. En décembre 1996, le ministre de l'Industrie a reconnu dans le Financial Post que ce mécanisme de règlement des différends, accepté par le premier ministre, était:

Trop lent, trop lourd, trop complexe et inefficace.

Plus de deux ans plus tard, rien n'a été fait pour régler ce problème.

Étant donné qu'une guerre commerciale interprovinciale nous montre qu'on ne peut plus faire fi de ce problème, le leader va-t-il consulter le premier ministre et faire part au Sénat des mesures précises que le gouvernement prend pour veiller à ce que les différends commerciaux interprovinciaux puissent être réglés de façon efficace?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je serai très heureux de le faire. Je sais que c'est un sujet sur lequel le sénateur Kelleher revient très souvent. En tant qu'ancien ministre du Commerce, il porte un intérêt spécial à cette question.

Je tiens à signaler que, en réalité, beaucoup des questions en litige entre l'Ontario et le Québec sortent du cadre de l'Accord sur le commerce intérieur. Si je me trompe, qu'on me le dise.

Si je ne m'abuse, l'Accord sur le commerce intérieur ne renferme pas d'engagements précis en ce qui concerne des questions comme l'application de mesures touchant les transports, la fiscalité et la sécurité au travail. En tant que gouvernement du Canada, nous encourageons l'Ontario et le Québec à continuer d'essayer de régler leurs différends en ce qui concerne les travaux de construction en particulier. Nous espérons que les deux provinces parviendront rapidement à un accord bilatéral.

Je vais certes transmettre les instances de l'honorable sénateur Kelleher au premier ministre et à d'autres collègues directement impliqués.

(1630)

Le sénateur Kelleher: Honorables sénateurs, dans son livre rouge de 1993, le Parti libéral du Canada reconnaissait que les entraves au commerce interprovincial coûtaient chaque année environ 6 milliards de dollars aux Canadiens. Le premier ministre avait fait la promesse suivante: «Nous nous efforcerons de supprimer ces entraves commerciales dans les plus brefs délais.»

Six ans plus tard, les ponts entre l'Ontario et le Québec ont été bloqués parce que le premier ministre n'a pas tenu sa promesse d'éliminer les entraves au commerce interprovincial. De fait, le Globe and Mail rapportait, plus tôt ce mois-ci, qu'un porte-parole du ministre responsable n'avait même pas pu confirmer si le commerce interprovincial relevait de la compétence du ministre de l'Industrie.

Puisque le ministre de l'Industrie représente une circonscription d'Ottawa située à proximité des ponts qui ont été bloqués, il est clair qu'un remaniement ministériel est devenu urgent.

Honorables sénateurs, dans son article sur le commerce interprovincial, le Globe and Mail rapportait également que la Chambre de commerce du Canada était arrivée à la conclusion que le gouvernement fédéral ne considère pas la question comme un problème grave. Je rappelle que j'avais soulevé la question au Sénat le 2 juin 1998, mais mes dossiers indiquent que je n'ai jamais reçu une réponse complète.

Honorables sénateurs, cette guerre commerciale prouve une fois de plus que le gouvernement n'a pas fait la promotion du commerce interprovincial, ce qui a eu des effets préjudiciables sur la création d'emplois, l'investissement et l'unité nationale. Le leader du gouvernement va-t-il consulter le premier ministre et informer le Sénat des mesures que prend le gouvernement pour résoudre le conflit de la construction et nous dire quand ce conflit sera résolu?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le sénateur n'est pas aussi bien informé que je ne le croyais.

Le sénateur Kelleher: Vous ne seriez pas le premier à le penser.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je signale que certaines dispositions de l'Accord sur le commerce intérieur s'appliquent aux marchés de travaux de construction accordés par les ministères et organismes gouvernementaux. Si une province estime qu'une autre province ne s'acquitte pas de ses obligations, elle peut toujours invoquer les dispositions de règlement des différends contenues dans l'accord.

Ne blâmez pas Ottawa, honorables sénateurs. Demandez plutôt aux provinces pourquoi elles n'ont pas invoqué ces dispositions.

Le sénateur Kelleher: Honorables sénateurs, si les provinces ne recourent pas aux dispositions figurant dans l'accord, ce n'est pas parce que je suis mal informé. C'est parce que le mécanisme de règlement des différends prévu dans l'accord existant, qui a été signé par le premier ministre, est impuissant, trop lourd, inefficace et non obligatoire. Il ne fonctionne pas. C'est pourquoi le gouvernement de l'Ontario est tellement frustré. C'est pourquoi il a agi de lui-même. L'accord ne fonctionne pas et les dispositions qui sont censées le faire fonctionner sont tout à fait inefficaces.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'attirerai encore une fois l'attention de mes collègues là-dessus. Cependant, le gouvernement du Canada travaille avec les provinces au renforcement des dispositions relatives aux achats et à la mobilité de la main-d'oeuvre et à la mise au point d'un chapitre sur l'énergie, une question qui, je crois, intéresse aussi le sénateur Kelleher. Notre objectif est d'éliminer toutes les barrières pour encourager le marché libre au Canada. Tant que cela ne sera pas fait, nous espérons que l'Ontario et le Québec arriveront à régler les problèmes qui se posent dans le secteur de la construction.

Dépôt des réponses à des questions inscrites au Feuilleton

La défense nationale-Le budget du Commandement des forces terrestres-Le déficit

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 57 inscrite au Feuilleton par le sénateur Forrestall.

La défense nationale-Le déficit du budget du Commandement des forces terrestres-Les plans de réduction supplémentaire des effectifs

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 129 inscrite au Feuilleton par le sénateur Forrestall.

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Chalifoux, appuyée par l'honorable sénateur Maloney, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'aimerais parler du projet de loi C-49 qui traite de la ratification de l'accord-cadre relatif à la gestion des terres de 14 Premières nations qui sont en mesure de participer à ce programme. Cinq de ces groupes se trouvent dans ma province, la Colombie-Britannique.

Madame le sénateur Chalifoux, qui parraine ce projet de loi, en a fait une excellente présentation. Le sénateur Ghitter et madame le sénateur Carney se sont également prononcés au nom de notre côté. Tous les trois ont très bien présenté les préoccupations que cette mesure législative a soulevées.

Je m'en voudrais de ne pas profiter de cette occasion pour parler de la question plus vaste des droits des autochtones et de la situation qui prévaut actuellement au Canada.

Honorables sénateurs, je siège au comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je considère ce travail de façon aussi peu partisane que possible au sein de cette institution. Je le dis parce que je suis d'avis qu'à venir jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a vraiment réussi à traiter les questions autochtones. Je crois fermement que nous devons mettre tout esprit partisan de côté pour traiter les questions autochtones qui préoccupent le pays à l'heure actuelle.

Honorables sénateurs, nos discussions avec les groupes autochtones du Canada se trouvent actuellement à une croisée de chemins. Les négociations ayant trait à bon nombre de revendications territoriales, particulièrement en ce qui a trait aux Nishgas en Colombie-Britannique, ont commencé à dresser des gens biens intentionnés les uns contre les autres en ce qui touche l'évolution des droits autochtones, tout particulièrement le droit à l'autonomie gouvernementale, sur lequel nous nous penchons en comité.

À titre de parlementaires, nous nous trouvons très souvent dans une situation impossible. Les ententes sont soumises à des négociations. Une fois signées, elles figurent en annexe à un projet de loi qui nous est soumis. Si nous remettons cette mesure législative en question ou si nous suggérons d'y apporter des modifications, on nous répond très souvent que nous nous opposons aux droits autochtones. Il arrive d'ailleurs malheureusement que les accusations soient plus acerbes encore.

On nous a dit par exemple que l'entente conclue avec les Nishgas devait servir de modèle pour toutes les revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale à venir, tout particulièrement en Colombie-Britannique. J'en parlerai plus en détail un peu plus tard.

Plus tard au cours de l'année, nous étudierons un projet de loi qui servira à l'application de cette entente conclue avec les Nishgas. Que devrons-nous en faire? Que devrons-nous faire du projet de loi C-49 qui met en oeuvre et donne force de loi à un bon nombre d'accords de gestion des terres déjà négociés?

Au fond, le Parlement n'a aucun rôle efficace à l'égard de certaines questions autochtones, parce qu'il reçoit toujours les accords une fois conclus. Je sais que c'est un problème, mais j'ignore comment m'y attaquer. Nous examinons la question en détail de ce temps-ci. Il faut espérer qu'ensemble, nous aurons la sagesse nécessaire pour proposer des solutions appropriées et équitables pour les deux parties.

S'il remet en question ces arguments ou s'il rejette le projet de loi de mise en oeuvre, le Parlement creusera vraiment un fossé entre la communauté autochtone et le reste du Canada, au lieu de jeter un pont entre eux, comme il devrait le faire, selon moi. Nous devrions traiter les questions autochtones d'une manière constructive et, comme je l'ai dit plus tôt, impartiale. À titre de représentants de tous les habitants du Canada, nous devrions agir de manière à protéger ou, le cas échéant, à favoriser les intérêts de tous les Canadiens.

Malheureusement, le rôle du Parlement dans les questions autochtones est devenu pratiquement inutile et ce, pour plusieurs raisons. La communauté autochtone a porté le débat devant les tribunaux, où elle a eu beaucoup de succès. Dans la majorité des cas, elle y a été forcée. Par conséquent, au lieu de débattre des principes qui sous-tendent les questions autochtones au Parlement, ce sont les tribunaux qui définissent ces questions et proposent les solutions que négocient ensuite les bureaucrates, de sorte que les parlementaires n'ont qu'à adopter les projets de loi de mise en oeuvre.

La cause Delgamuukw qu'a récemment tranchée la Cour suprême du Canada en est un bon exemple. Dans cette cause, la Cour suprême du Canada a décrit la nature et la portée du titre autochtone, énoncé les règles servant à prouver son existence et statué sur son existence. Selon les tribunaux, il s'agit d'un droit protégé par la Constitution. La cour a ajouté que, dans les causes à avenir, on pourra invoquer avec beaucoup de chances de succès la tradition orale autochtone pour revendiquer le droit de propriété de terres.

(1640)

Cette décision renversait le jugement de la cour de première instance de la Colombie-Britannique, ainsi que celui de la Cour d'appel de la province. La Cour suprême a ordonné la tenue d'un nouveau procès. Cependant, en ce faisant, le juge en chef ne s'attendait pas que les parties reviennent devant la cour. Il a dit:

En fin de compte, c'est par la négociation de l'autonomie gouvernementale, toutes les parties faisant preuve de bonne foi et acceptant les compromis, et avec l'aide des jugements de la cour, que nous parviendrons à concilier l'existence de longue date de sociétés autochtones avec la souveraineté de la Couronne. Soyons réalistes, nous sommes tous ici pour y rester.

Quelle est la position du Parlement à cet égard? Je suis préoccupé par le fait qu'on se fie à la tradition orale non corroborée pour établir les revendications territoriales et le droit à l'autonomie gouvernementale. Toutefois, en tant que parlementaire, je n'ai rien à dire. Ce sont les tribunaux qui décident.

Je ne cherche pas à dénigrer les tribunaux. Je crois que c'est grâce à la Charte des droits et libertés que nous sommes arrivés là où nous en sommes, mais je pense encore que les Canadiens veulent que le Parlement, soit l'autre endroit et notre Sénat, ait la suprématie.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas corriger les torts passés avec de l'argent et des lois. Il faut parvenir à des solutions justes et équitables relativement aux problèmes du passé, dans le contexte de l'époque où nous vivons. Comme l'a dit le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, «nous devrions chercher à rendre justice en fonction de notre époque». Je ne peux pas être moins partisan qu'en citant un ancien premier ministre libéral.

Nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de débattre de la question au Parlement, la principale assemblée législative du pays, pour qu'on ne s'arrête pas aux questions administratives. Nous devons fixer les lignes directrices concernant le type de relation entre le gouvernement fédéral, les provinces et la collectivité autochtone, afin que tous nos échanges se fondent sur des bases solides.

On peut amorcer ce mouvement en examinant attentivement le projet de loi C-49, dont nous sommes maintenant saisis, et en recommandant et en réalisant les modifications que nous croyons nécessaires.

Je veux traiter des problèmes que connaissent les habitants non autochtones de la réserve de Musqueam, l'une des 14 réserves visées par le projet de loi C-49. Les baux qu'ils ont signés en 1965 constituent des ententes entre les signataires et la Reine au nom du gouvernement fédéral. On n'y fait aucune mention de la bande indienne de Musqueam. Les impôts fonciers étaient versés à la ville de Vancouver. Depuis ce temps, ces impôts ont été transférés à la bande de Musqueam et, en 1980, l'administration des baux a aussi été transférée à la bande en vertu d'une lettre d'autorisation du ministre. Les acheteurs ultérieurs n'ont pas été mis au courant, et aucun avis de transfert n'a été envoyé, que ce soit par la bande ou par le gouvernement fédéral, à ceux qui avaient déjà acheté des propriétés.

Outre les impôts fonciers, la renégociation des baux de location des terrains où se trouvent les immeubles résidentiels construits par les locataires est aussi entre les mains de la bande de Musqueam. La bande a augmenté le prix de location à un nouveau sommet, celui-ci étant passé d'environ 28 000 $ par année à 38 000 $ par année.

Le résultat de tout cela, y compris deux comparutions devant le tribunal par les représentants de la bande, c'est que la qualité de ces propriétés à titre de biens vendables et négociables a été remise en question. Ajoutons à cela le nouveau pouvoir d'expropriation qui sera conféré aux bandes indiennes en vertu du projet de loi C-49 et nous obtiendrons - du moins dans cette partie de la province que je représente - le chaos et la panique. On scande le slogan «taxation sans représentation» partout dans la province.

La seule solution que je peux voir pour le moment exige que le gouvernement fédéral s'occupe de régler la situation qu'il a lui-même créée. Il doit se pencher sérieusement sur la possibilité de dédommager les non-autochtones vivant au sein de la bande de Musqueam pour leurs pertes économiques. Le gouvernement fédéral doit le faire. Je suis certain que la situation de Musqueam fera l'objet d'audiences du comité sénatorial des peuples autochtones. J'ai l'intention de rechercher des solutions avec ceux qui viendront témoigner devant le comité.

Comme je l'ai dit plus tôt, la bande de Musqueam est l'une des quatorze bandes qui favorisent l'adoption du projet de loi C-49. J'ai une pile de lettres à cet égard, dont je parlerai à la fin de ma brève intervention aujourd'hui.

Permettez-moi également de traiter de façon assez détaillée d'autres problèmes que présente le projet de loi C-49. Je reprends ici des préoccupations dont m'ont fait part d'autres personnes, surtout des habitants de la Colombie-Britannique.

Tout d'abord, le projet de loi C-49 permet aux Premières nations d'élaborer des codes fonciers pour régir l'utilisation et la gestion des terres dans les réserves. Cependant, le projet de loi ne donne que des lignes directrices générales au sujet du contenu des codes fonciers. Les Premières nations auront une grande latitude dans le choix des moyens de satisfaire aux lignes directrices dans leurs codes fonciers.

Madame la ministre dit que les codes fonciers doivent recevoir son approbation. Le libellé actuel du projet de loi C-49 n'exige pas que cette approbation soit obtenue avant l'entrée en vigueur des codes. Pourvu que le code foncier satisfasse aux exigences du projet de loi et soit approuvé par les membres, le vérificateur nommé en vertu du texte de loi est forcé de le certifier.

Le vérificateur est indépendant du gouvernement du Canada et de la Première nation. Une fois certifié, le code foncier entre en vigueur sans que le Canada ait à donner son approbation. En réalité, la décision prise par le vérificateur est définitive et lie les parties. Par conséquent, le ministre n'a aucun rôle de surveillance à jouer au sujet du contenu du code foncier.

Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. Nous nous éloignons peut-être du MAINC, du ministre et de toute la bureaucratie. C'est peut-être un pas dans la bonne direction. Toutefois, il y a encore des gens qui réclament à grands cris un système de freins et de contrepoids.

Deuxièmement, le pouvoir confié aux Premières nations en matière d'expropriation, tel qu'énoncé dans le projet de loi actuel, est loin d'être clair, surtout en ce qui concerne les fins pour lesquelles les Premières nations peuvent exproprier des intérêts sur leurs terres. Le paragraphe 28(1) du projet de loi C-49 précise que:

Une Première nation peut «procéder à l'expropriation des intérêts sur ses terres dont elle a besoin, de l'avis de son conseil, à des fins d'intérêt collectif, notamment la réalisation d'ouvrages devant servir à la collectivité».

On ne sait trop ce que les «fins d'intérêt collectif» peuvent englober.

Cette formulation diffère grandement des dispositions contenues dans les anciennes lois fédérales conférant à une Première nation le droit d'exproprier des intérêts, comme la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte. La Loi canadienne sur l'expropriation vise l'expropriation d'un ouvrage public ou à une autre fin d'intérêt public. Bien que, au terme du projet de loi C-49, le pouvoir d'expropriation est censé servir uniquement à des fins d'intérêt communautaire, cela n'est pas clairement énoncé.

Selon l'article 28, une première nation peut exproprier des terres à toutes sortes de fins qu'elle peut légalement envisager, notamment pour des activités commerciales. L'interprétation de l'article 28 est rendue encore plus trouble par l'ajout d'un critère subjectif, selon lequel il incombe à l'avocat de la première nation de déterminer la validité des fins visées par l'expropriation.

Contrairement à ce que prévoient la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et la Loi sur l'expropriation, ce n'est donc pas un organisme impartial qui déterminera, selon des critères objectifs, ce qui constitue des fins d'intérêt collectif valables pour une première nation, mais bien la première nation elle-même, en s'appuyant sur son opinion subjective de ce qui constitue des fins d'intérêt collectif.

Troisièmement, le projet de loi C-49 n'oblige pas une première nation à appliquer les règles prévues dans la Loi sur l'expropriation pour déterminer une indemnisation équitable. La première nation doit seulement tenir compte des règles prévues par la Loi sur l'expropriation. En comparaison, la bande indienne sechelte doit appliquer les règles énoncées dans la Loi sur l'expropriation. L'imprécision du paragraphe 28(5), tel qu'il est libellé actuellement, et le fait qu'on ne connaît pas la nature du mécanisme d'appel interne ou de règlement des différends qui sera élaboré par les Premières nations, conformément à leur code foncier, donnent à penser que, lorsqu'elles procéderont à une expropriation, les Premières nations ne seront pas tenues d'appliquer les règles prévues dans la Loi sur l'expropriation pour déterminer une indemnité équitable.

Le ministre n'exerce aucun rôle de surveillance à ce chapitre.

(1650)

Je crains aussi les répercussions que ce projet de loi aura sur les droits des femmes autochtones. Le sénateur Chalifoux a signalé, à juste titre, cette inquiétude à la fin de son discours. Les Premières nations qui décident de souscrire à la loi auront un an pour établir les règles concernant la disposition des biens en cas d'échec du mariage. Actuellement, cette situation est assujettie à la tradition de la bande, ou c'est le conseil de bande qui rend une décision à ce sujet. Les groupes de femmes indiennes craignent que le nouveau régime élaboré en vertu du projet de loi ne les protégera pas, elles ou leurs enfants. À titre de sénateurs, nous devons tenter de trouver une solution satisfaisante qui confère à ces personnes vivant dans les réserves la sécurité à laquelle elles ont légitimement droit.

Honorables sénateurs, en voulant donner aux autochtones de notre pays plus de pouvoirs sur les terres qu'ils occupent, ce projet de loi crée certains problèmes. J'espère que le gouvernement est disposé à écouter et à accepter des propositions de solutions.

Comme nous le savons, de nombreux ministériels à l'autre endroit ont voté en faveur de ce projet de loi, même s'ils ne l'aimaient pas, en espérant que nous le modifierions. Ne les décevons donc pas. Je sais ce que c'est que d'être dans cette situation à l'autre endroit. Je sais qu'on est souvent forcé de voter d'une certaine façon. À un certain moment, j'étais président d'un caucus de 211 députés. Je sais exactement ce qui se passe. Si nous voulons être impartiaux et justes à tous les égards, nous ne pouvons viser personne en particulier.

Le sénateur Kinsella: Nommez des noms!

Le sénateur St. Germain: Non, je ne nommerai pas de noms. J'ai dit que je serais impartial, alors je ne nommerai pas de noms. Je vais essayer de comprendre et, à cause de mon expérience à l'autre endroit, je ne critiquerai personne en particulier. Je vais me contenter de critiquer le projet de loi et je vais essayer de trouver de bonnes solutions. Faisons ce qui est bon pour tous les Canadiens.

Il y a encore beaucoup de choses à dire au sujet du projet de loi C-49, mais je vais terminer en faisant quelques remarques plus générales. Je parlerai probablement de nouveau du projet de loi C-49 après que nous aurons entendu des témoins, étudié le projet de loi et examiné les amendements proposés.

Honorables sénateurs, je n'essaie pas de semer la discorde au sujet des droits autochtones dans notre pays. Cependant, si nous ne réglons pas de façon adéquate les questions qui touchent les autochtones, nous créerons des problèmes encore plus graves que ceux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.

J'ai reçu des tonnes de lettres. J'en ai quelques-unes ici.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur St. Germain, je regrette de vous informer que vos quinze minutes sont écoulées.

Le sénateur St. Germain: Votre Honneur, mettez-vous en doute la valeur d'un discours aussi excellent? Puis-je continuer, monsieur?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, ce n'est pas à moi de décider si les discours sont excellents ou non. Toutefois, est-ce que le sénateur a la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur St. Germain: Merci, honorables sénateurs.

J'ai reçu plus de 100 lettres concernant les baux et les questions fiscales relatives à la bande de Musqueam et concernant le projet de loi C-49. J'ai parlé aux gens d'un bout à l'autre de ma province. Je suis allé à Castlegar, à Prince George et partout dans la vallée du bas Fraser. Un jour que j'étais dans un restaurant de Pemberton, j'ai demandé à un bûcheron du nom de Jeff McLeod, qui vit à proximité de Mt. Currie, une des plus grandes réserves de la Colombie-Britannique, ce qu'il pensait de ces questions autochtones que le gouvernement essaie de régler. Il m'a répondu qu'il savait que beaucoup de Canadiens de l'Ouest sont qualifiés de colons parce qu'ils travaillent dans le bois, qu'ils portent des bretelles, qu'ils chassent à l'occasion et qu'ils conduisent de gros grumiers. Il a ajouté qu'il croyait sincèrement que la plupart des Britanno-Colombiens veulent faire ce qu'il faut pour les autochtones du Canada. Ils voient que des autochtones ont souffert du traitement qu'ils ont subi dans les pensionnats. Ils les voient avancer en se traînant les pieds après avoir perdu leur dignité et leur fierté à cause de ce qu'on leur a fait dans ces établissements. Les gens ne veulent pas leur faire quelque chose, mais faire quelque chose pour eux, et il a dit qu'il m'appuierait.

Puis, il m'a demandé si sa réponse me scandalisait. Je lui ai répondu que non et il m'a exhorté à faire ce qu'il fallait. Il nous exhorte à ne pas tourner en rond, à l'instar des bureaucrates ou des avocats, et à faire ce qu'il faut. Il nous exhorte à jouer notre rôle de premier plan en tant que sénateurs et à regagner ainsi le respect de la population. Il nous demande de ne pas suivre aveuglément les prétendus théoriciens et sages qui n'ont encore rien réglé jusqu'à maintenant. Si nous faisons ce qu'il faut, dit-il, nous aurons l'appui de tous les Britanno-Colombiens.

Nous avons parlé des pétitions et des référendums dans ma province au sujet de l'accord avec les Nishgas. Il a dit que ces pétitions et ces référendums n'étaient pas nécessaires et qu'ils ne voteraient pas contre un peuple qui a été dépouillé depuis que nous, les Européens, nous sommes installés sur leurs terres.

Honorables sénateurs, la volonté est là, il nous suffit de procéder intelligemment. Le premier ministre de la Colombie-Britannique a dit que l'accord avec les Nishgas était son accord, l'accord Clark, en dépit du fait que les négociations ont débuté il y a 120 ans. Il arrive de nulle part dans les années 90 et tout à coup, c'est son accord. Le premier ministre Clark se donne les coudées franches avec cet accord. Il en a fait une affaire politique, déclarant qu'il mise son avenir politique sur cet accord. C'est déplorable. J'exhorte le gouvernement fédéral à se faire entendre davantage dans ce dossier. L'accord doit être respecté et mis en oeuvre en entier.

Les habitants de la Colombie-Britannique savent que nous devons régler la question une fois pour toutes, et il faut la régler en ne perdant pas de vue qu'il pourrait bien y avoir encore jusqu'à 15 négociations à mener.

Que ce soit à l'égard du projet de loi C-49 ou de l'accord avec les Nishgas, j'espère que le gouvernement nous dira, si possible, combien cela nous coûtera tant sur le plan social que sur le plan économique. C'est là une question légitime à laquelle les habitants de ma province sont en droit d'obtenir une réponse. Ils veulent bien appuyer la mesure. Ils ont le coeur au bon endroit.

Certains Britanno-Colombiens estiment que nous ne maîtrisons plus notre destinée en ce qui concerne certaines de ces questions. Il nous incombe, en qualité de sénateurs, de les convaincre que leur destinée est entre bonnes mains. Leur destinée est entre les mains de sénateurs qui possèdent la connaissance et l'expérience voulues et qui mettront de côté les façons partisanes de régler ces questions. Aucun des gouvernements n'a été jusqu'ici capable de trouver une solution efficace à cette question. Si l'un d'eux avait réussi, je ne me tiendrais pas ici aujourd'hui. Je serais en Colombie-Britannique, en train de jouer au golf ou de piloter mon avion...

Le sénateur Whelan: Ou de nourrir vos poules.

Le sénateur St. Germain: ... ou de nourrir mes poules.

Le juge en chef de la Cour suprême a le mieux résumé la situation lorsqu'il a dit: «Il faut se faire une raison; nous sommes tous ici pour y rester.»

Honorables sénateurs, nous devons participer au débat sur le projet de loi C-49. Nous devons tous contribuer à une résolution parce que nous sommes tous ici pour y rester.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, j'irai de l'avant avec la motion.

L'honorable sénateur Chalifoux, appuyée par l'honorable sénateur Maloney, propose: Que le projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Chalifoux, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

(1700)

Projet de loi sur le précontrôle

Étude du Rapport du comité-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du dixième rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères (projet de loi S-22, Loi autorisant les États-Unis à effectuer au Canada le précontrôle en matière de douane, d'immigration, de santé publique, d'inspection des aliments et de santé des plantes et des animaux à l'égard des voyageurs et des marchandises à destination des États-Unis, avec des propositions d'amendements), présenté au Sénat le 24 mars 1999.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Souhaitez-vous prendre la parole, sénateur Stewart?

Le sénateur Stewart: Je n'avais pas l'intention de le faire parce qu'il me semblait que le rapport se passe d'explications; cependant, s'il y a des questions, j'essaierai d'y répondre, même si je n'ai pas la prétention de saisir toutes les conséquences juridiques de certaines des dispositions du projet de loi. Nous ferons de notre mieux.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, à l'instar du sénateur Stewart, je suis portée à croire que le rapport se passe d'explications. Je voudrais néanmoins faire quelques observations sur le projet de loi S-22, Loi sur le précontrôle.

Le précontrôle est une pratique connue au Canada puisqu'on y a recours dans certains aéroports depuis un certain temps. Je crois que c'est un principe auquel tous les membres du comité - et la plupart des Canadiens sans doute - souscrivent. C'est une méthode certainement plus efficace pour le passage des marchandises et des voyageurs dans nos aéroports et nos points d'entrée aux États-Unis. Nous avions l'habitude de ce qui était initialement un projet pilote et un système non officiel où nous nous soumettions aux autorités américaines ici au Canada et passions un précontrôle avant d'entrer aux États-Unis.

Plus récemment, toutefois, la Colombie-Britannique a fait l'expérience d'un projet de précontrôle, qui sera maintenant élargi aux termes du projet de loi S-22, et il est prévu que les États-Unis adopteront un projet de loi semblable.

Les difficultés que je voudrais signaler tiennent à ceci: bien que nous soyons tous favorables au précontrôle, dans l'état actuel des choses, les Canadiens peuvent accepter de plein gré de se soumettre à un interrogatoire de la part des autorités américaines. Si à un moment donné on change d'idée, on n'a qu'à revenir sur sa décision et à rester au Canada. Ce projet de loi comporte une disposition qui confère aux autorités américaines le droit non seulement d'interroger des Canadiens qui entrent aux États-Unis, mais également de les obliger ensuite à se soumettre à une fouille effectuée par les autorités américaines et conformément au droit américain. Cette disposition s'appliquera également à des tiers qui viennent au Canada dans le but d'entrer aux États-Unis.

Cette mesure législative constitue une récompense du point de vue financier pour les transporteurs aériens canadiens, parce qu'il en résultera un itinéraire plus compétitif pour eux et un avantage de plus pour les voyageurs étrangers qui transitent par le Canada en route vers les États-Unis. Ces étrangers entreront donc dans une zone de transit, seront immédiatement pris en charge par les compagnies aériennes, emmenés dans la zone de transit et soumis aux formalités des autorités américaines, puis ils poursuivront leur route.

Le problème auquel s'est heurté le comité, c'est qu'en vertu de la souveraineté du Canada, nous permettrions aux autorités américaines, avec le concours des autorités canadiennes, de faire respecter le droit américain. À mon avis, nous ne devrions pas prendre cette mesure à la légère. Au cours des discussions sur le projet de loi C-55 et d'autres mesures législatives, nous avons parlé de la souveraineté du Canada et de la nécessité de la protéger. Nous devrions sans doute tous être d'accord sur l'idée d'un précontrôle; cependant, il faut bien comprendre qu'avec le projet de loi S-22, nous autorisons en fait les autorités américaines à exercer leur pouvoir en territoire canadien, ce qui est une entorse à la souveraineté canadienne.

Le comité a fait un excellent travail. Je félicite le président d'avoir laissé aux membres le temps nécessaire pour examiner ce projet de loi et la possibilité d'entendre des témoins. Nous avons proposé un certain nombre d'amendements. Dans l'ensemble, je les accepte. Ils contribuent à apaiser certaines préoccupations au sujet des dispositions relatives à la fouille et à la saisie qui avaient été prévues à l'intention des agents de l'immigration américaine.

Cependant, j'estime que certains ne vont pas aussi loin que je l'aurais voulu. Il reste une disposition qui permet au contrôleur, si un voyageur refuse de répondre aux questions qui lui sont posées à des fins de précontrôle, d'ordonner au voyageur en question de quitter la zone de précontrôle. Cette disposition m'ennuie car elle donne un certain droit au contrôleur et aucun au voyageur.

On nous a dit que cette loi ne sera appliquée et administrée que moyennant des consultations constantes entre les autorités américaines et canadiennes. C'est peut-être vrai, mais nous devrions tous savoir que la façon dont un agent d'immigration américain se conduira au Canada pourra avoir des répercussions sur la réputation du Canada et sur l'opinion que se font les touristes étrangers du Canada et de sa procédure d'immigration. Il n'est pas exagéré de croire que les touristes ou les tiers qui entreront au Canada ne sauront pas avec certitude si leur cas sera traité par les Américains ou par les Canadiens et les Américains.

J'ai des inquiétudes, et le gouvernement du Canada devrait faire preuve de prudence dans la façon dont il administrera cette loi et prévoir une période d'essai pour s'assurer qu'elle servira effectivement les intérêts du Canada et qu'elle préservera l'intégrité de notre système.

J'ai aussi des réserves à l'égard du fait que les tiers pourront immigrer aux États-Unis en transitant par le Canada. Les autorités américaines en matière d'immigration auront le droit de leur refuser l'accès aux États-Unis. Ces personnes seront alors immédiatement renvoyées aux services d'immigration canadiens pour être admises au Canada. Cela signifiera que tous les immigrants qui ne seront pas admis aux États-Unis seront immédiatement placés sous la responsabilité des autorités canadiennes et deviendront le problème du Canada. Ce fardeau supplémentaire sera à nos frais, alors que nous ne savons même pas quels résultats ils obtiendront au Canada.

En outre, le Canada servira-t-il de point de transit? Des représentants de l'immigration d'autres pays recourront-ils à une quelconque méthode pour amener des gens au Canada dans le but présumé de les faire entrer aux États-Unis, mais dans le but réel de tenter de les faire entrer au Canada? Autrement dit, des gens feront-ils du resquillage lorsqu'ils entreront au Canada comme immigrants ou pour revendiquer le statut de réfugié? On nous a dit que cela ne se produirait probablement pas, car le système de visas américains est rigoureux, mais des avocats de l'immigration nous ont également dit que le système est différent et que cela risque en fait de se produire. Par conséquent, je voudrais bien que nous maintenions l'intégrité de notre processus d'immigration et qu'il ne soit pas soumis aux caprices et aux désirs des autorités américaines lorsqu'elles admettent ou refusent des immigrants qui transitent par le Canada pour se rendre aux États-Unis.

On nous a également dit que des affiches seront posées dans des pays tiers pour indiquer aux gens que cela risque de leur arriver, car, lorsque des gens entreront aux États-Unis pour y immigrer, ils traiteront certainement avec les autorités américaines uniquement afin d'immigrer aux États-Unis. Cependant, s'ils devaient échouer à la dernière étape au Canada, comment sauront-ils qu'ils seront alors soumis aux formalités canadiennes d'immigration et d'admission? On nous a répondu que des affiches seront posées dans d'autres pays. En Thaïlande, par exemple, une affiche posée dans l'aéroport indiquera que, si on prend un avion comme celui des Lignes aériennes Canadien international, qui transite par Vancouver pour se rendre à Seattle, il est possible qu'on ne puisse pas entrer aux États-Unis et qu'on doive rester au Canada. Cependant, on peut se demander si tous les voyageurs liront les affiches et connaîtront la langue utilisée, car nous ne saurions présumer que seuls des Thaïlandais monteront à bord des avions en Thaïlande. La Thaïlande pourrait être la première, la deuxième, la troisième ou la quatrième escale avant l'arrivée au Canada. Je vois donc qu'il existe certaines difficultés techniques qu'il faudra régler.

(1710)

Une autre chose m'inquiète. On nous a dit que, même si ce secteur relèvera du droit américain, la Charte des droits et libertés s'appliquera. C'est peut-être vrai. Des représentants du ministère de la Justice nous ont dit que les protections prévues par notre Charte étaient bien supérieures à celles prévues aux États-Unis. Toutefois, l'Association du Barreau canadien a fait valoir que ce n'était pas nécessairement le cas. Aux États-Unis, la jurisprudence et la procédure peuvent être plus avantageuses pour le défendeur que la Charte des droits et libertés. Par conséquent, deux ensembles de règles s'appliqueraient, ce qui m'amène à me demander si c'est vraiment juste et équitable.

Au sein du système américain, sera-t-il possible de fournir des services complètement bilingues, ce qui constitue l'un des engagements du gouvernement du Canada? On nous a dit qu'il y avait des agents bilingues au sein des services américains, mais il faudra surveiller pour s'assurer que quiconque passe par le Canada se voie offrir la possibilité de communiquer dans les deux langues officielles. Je pense que c'est un élément qui exige un examen plus attentif.

De façon générale, je suis d'avis que le précontrôle est une bonne chose. Je crois que nous sommes tous d'accord à ce sujet. Toutefois, j'ai un peu de mal à accepter que les lois américaines soient enchâssées pour la première fois dans nos lois canadiennes.

Il y aura un projet de loi réciproque. Toutefois, même si on nous a dit qu'un projet de loi habilitant serait adopté aux États-Unis, il n'y aura pas de centre de précontrôle dans ce pays. En fait, la réciprocité, sur laquelle ce projet de loi est basé, n'existera pas puisqu'il n'y a pas suffisamment de passagers qui partent des États-Unis pour se rendre au Canada. Il se peut qu'on mette sur pied un projet pilote à Anchorage, en Alaska. On peut certainement se demander si, à long terme, nous faisons bien de donner autant de pouvoirs aux Américains.

Les amendements que nous proposons permettront d'alléger bon nombre de préoccupations à cet égard en ce qui a trait aux pouvoirs conférés aux États-Unis. Toutefois, il reste à les mettre en pratique. J'exhorte donc le gouvernement du Canada, ainsi que les honorables sénateurs, à surveiller de près cette mesure législative une fois qu'elle aura été adoptée pour s'assurer qu'elle est avantageuse pour le Canada et pour les voyageurs. Si les agents américains devaient offrir un service et une hospitalité moindre que ce que nous exigeons des agents canadiens, nous devrons alors en prendre bonne note et voir si de nouveaux changements devraient être apportés.

Ce qui nous troublait le plus, c'est que si une personne fournissait à un agent américain une réponse jugée fausse, elle pouvait être assujettie à une fouille. À mon avis, un amendement a amélioré le projet de loi. Cependant, il ne chasse pas totalement mes craintes concernant l'obligation de se soumettre aux autorités américaines sur le territoire canadien.

Même si j'appuie ce projet de loi en principe et que je suis totalement en faveur des amendements, je signale qu'il comporte des faiblesses. Ce n'est pas une mesure législative facile. À ce jour, nous avons reçu des plaintes de Canadiens qui ont été traités de manière vraiment incorrecte par des agents américains. Ces cas ont été réglés de façon officieuse. Avec l'adoption de ce projet de loi, j'espère que nous veillerons à ce que les agents américains sur le territoire canadien observent rigoureusement la loi, qu'ils utilisent des pratiques et manifestent des attitudes conformes aux valeurs canadiennes.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à madame le sénateur.

Elle a parlé d'une situation où un voyageur se présente au précontrôle. Elle ne voulait probablement pas laisser entendre que le voyageur était enfermé dans une zone de précontrôle. Le paragraphe 10(1) du projet de loi prescrit:

Tout voyageur a le droit, à toute étape du processus de précontrôle, de sortir de la zone de précontrôle sans se diriger vers les États-Unis, sauf si le contrôleur l'informe qu'il le soupçonne, pour des motifs raisonnables, d'avoir commis une infraction aux articles 33 ou 34.

Sauf erreur, le voyageur a le droit de dire qu'il a changé d'idée et de partir. L'article 10 dit «sauf si le contrôleur l'informe qu'il le soupçonne, pour des motifs raisonnables, d'avoir commis une infraction...» Cependant nous avons amendé l'article 33 du projet de loi pour tenir compte de la situation où un voyageur fait une déclaration orale ou écrite au sujet du précontrôle de la personne ou de biens et fait cette déclaration en croyant dire la vérité. Le simple fait que le contrôleur a des soupçons ne devient pas un motif raisonnable pour imposer au voyageur ce qu'étaient autrefois les conséquences de l'article 33, car le texte de cet article a été remplacé.

Je ne veux pas laisser l'impression que je propose que, lorsqu'un voyageur a franchi le seuil, il est prisonnier dans une sorte de tunnel jusqu'à ce que les Américains le relâchent à l'autre extrémité.

Le sénateur Andreychuk: Le sénateur Stewart a raison. Au départ, il est vrai que le voyageur était «prisonnier dans un tunnel», comme le sénateur l'explique. Les amendements donnent plus de souplesse. Cependant, à mon avis, le voyageur reste prisonnier si le contrôleur soupçonne une infraction. Il reste à voir quelles seront les modalités de mise en oeuvre.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, faire une déclaration inexacte sans que ce soit de propos délibéré ne constitue pas un motif raisonnable pour imposer les sanctions qui étaient autrefois prévues à l'article 33, qui a été révisé de fond en comble.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, c'est là une autre question qui, je crois, a été réglée correctement au moyen d'un amendement apporté à la première ébauche du projet de loi. Les sanctions ont été allégées. Cette partie a donc été rectifiée.

(1720)

Cependant, je crois que le contrôleur devrait conserver un certain pouvoir discrétionnaire pour les cas où il aurait des motifs raisonnables de soupçonner qu'une infraction a été commise; reste à voir comment tout cela sera mis en oeuvre.

Nous sommes à des années-lumière de ce qui existait auparavant. À mon avis, nous étions entièrement à la merci du système américain. Nous étions pris dans le tunnel et peu importe quelle était notre déclaration, c'est l'interprétation du contrôleur qui prévalait. Nous disons maintenant que ce doit être la réponse. Comme vous le dites, le refus du voyageur de répondre à une question du contrôleur ne constitue pas, en soi, un motif raisonnable pour croire qu'une fouille s'impose, alors que c'était le cas auparavant. Néanmoins, c'est un article qui autorise le contrôleur à effectuer une fouille, et cela m'inquiète.

Il peut exister des motifs fort valables car nous parlons de voyageurs qui peuvent transporter des drogues ou se prêter à d'autres activités, et il est peut-être dans notre intérêt de les détenir et de les fouiller. Cependant, le contraire pourrait aussi être vrai; je crois donc qu'il y a lieu de nous inquiéter au sujet de ce projet de loi.

Je recommande à tous les sénateurs de lire le rapport de l'Association du Barreau canadien, parce qu'il y est fait mention de ces préoccupations et que, comme je l'ai dit, on y précise que tout le monde est en faveur du principe de précontrôle. Nous devons nous assurer que nous faisons ce qu'il convient et prendre les dispositions nécessaires pour faire en sorte que les autorités américaines comprennent les aspects délicats du système canadien et les besoins de notre pays.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question pour ma collègue, madame le sénateur Andreychuk. Si le président du comité veut aussi répondre à cette question, il pourrait peut-être trouver une façon de le faire.

Votre comité a-t-il examiné la question de la souveraineté et déterminé dans quelle mesure le Canada renonce à celle-ci?

À la chaîne parlementaire, j'ai écouté une entrevue avec l'ambassadeur du Canada aux États-Unis, Raymond Chrétien, qui a dit que le projet de loi nous obligerait effectivement à renoncer à une partie de notre souveraineté, mais que c'était souhaitable, selon lui. Le sénateur Andreychuk ou le président du comité peuvent-ils nous dire si le comité a examiné la question de la souveraineté?

Le sénateur Andreychuk: Je pense que c'est la première prémisse en fonction de laquelle nous avons examiné de nombreuses dispositions du projet de loi sur le précontrôle. Nous avons tous abordé le projet de loi en disant que le précontrôle était souhaitable, mais lorsque nous avons commencé à le lire, nous avons compris qu'il nous faudrait renoncer à une partie de notre souveraineté. Ce qu'il faut déterminer, c'est quelle part est légitime. Ce n'est probablement pas la bonne façon d'exprimer cette idée sur le plan juridique. Nous avons soupesé la question en nous demandant ce à quoi nous devions renoncer et ce que nous obtenions en échange. Je pense que nous renonçons à un minimum de souveraineté, mais comme je l'ai dit, il y a une disposition permissive dont l'interprétation me préoccupe un peu.

Si cette disposition n'est pas interprétée et administrée convenablement, j'espère que le gouvernement examinera la situation et modifiera la loi ou la retirera complètement si elle ne répond pas à nos attentes.

En mettant en oeuvre ce projet de loi, on doit renoncer à une certaine partie de notre souveraineté, une partie qui est toutefois légitime, comme c'est souvent le cas dans bon nombre de nos activités, notamment lorsque nous nous soumettons à un examen international ou bilatéral.

Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur peut-il nous dire si le Congrès américain devra adopter une loi pour appliquer cette procédure ou si d'autres instruments, comme la loi américaine de naturalisation ou les lois douanières des États-Unis, confient déjà aux autorités le pouvoir nécessaire? Les Américains doivent-ils adopter une mesure législative similaire à celle-ci?

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, si j'ai bien compris ce que les témoins ont dit devant le comité, il a été établi, dans le cadre des négociations, qu'il y aurait un accord réciproque. On nous a dit que les Américains s'apprêtent à adopter une loi réciproque, mais qu'ils n'en sont pas encore au même stade du processus législatif que nous. Notre projet de loi sera adopté avant le leur. Toutefois, les Américains n'appliqueront pas leur loi, puisqu'il ne sera pas nécessaire de créer un centre de précontrôle aux États-Unis. Ce ne serait pas efficace. Il n'y a pas assez de voyageurs qui passent par les États-Unis.

Je crois savoir que ce sont les compagnies aériennes canadiennes qui ont réclamé cette mesure législative, car elles profiteront du trafic accru et de la circulation plus libre des biens du Canada aux États-Unis. J'ai un trou de mémoire, mais je ne crois pas que les Américains doivent adopter une loi d'autorisation pour que notre loi puisse entrer en vigueur. Leurs agents des douanes peuvent assumer leurs fonctions au Canada, ce qu'ils ont déjà fait, aux termes d'une entente un peu différente. Il n'est donc pas nécessaire pour les Américains d'adopter une loi d'autorisation, mais il leur faut adopter une loi réciproque.

Le sénateur Stewart: Je voudrais poser une question complémentaire pour obtenir davantage d'information.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avons dépassé de beaucoup le temps réservé à la période des questions. Acceptez-vous de prolonger davantage cette période?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Stewart: Le sénateur Andreychuk a abordé cet aspect et je crois qu'elle a déjà couvert 75 p. 100 du terrain. N'est-il pas vrai que, tout simplement en raison de la forme du globe, plus de voyageurs de pays tiers sont susceptibles de passer par des aéroports canadiens pour ensuite aller aux États-Unis que l'inverse? Si un voyageur vient, par exemple, du Japon, Vancouver est un point d'entrée très pratique pour lui. Vancouver est un meilleur point d'entrée sur le continent nord-américain que Los Angeles ou San Francisco, à moins, bien sûr, que la destination finale soit l'une ou l'autre de ces deux dernières villes. La même chose est vrai de la côte Est. Il est plus facile d'arriver en Amérique du Nord en passant par un aéroport canadien que par un aéroport américain, surtout si la destination finale est le Midwest des États-Unis. N'est-ce pas exact?

Le sénateur Andreychuk: Oui, bien sûr. Nous avons entendu dire que de nombreux couloirs aériens passent au-dessus du pôle Nord et qu'il est pratique de s'arrêter au Canada. Cela est aussi vrai pour l'Europe que pour l'Asie.

Cependant, je tiens à ajouter que nous avons deux excellentes sociétés aériennes qui fournissent ce genre de service ainsi que des tarifs concurrentiels qui sont attrayants pour les touristes et les gens d'affaires, sauf que, lorsqu'ils font escale au Canada, ils doivent passer aux douanes canadiennes, puis passer ensuite aux douanes américaines. Nous leur donnons maintenant une raison de plus de préférer les transporteurs canadiens plutôt que les autres. Je crois qu'il y a là un avantage évident.

[Français]

L'honorable Normand Grimard: Honorables sénateurs, à plusieurs reprises, le sénateur Andreychuk a dit dans ses remarques qu'elle voyait mal que les agents de l'immigration ou des douanes américaines fassent des recherches en territoire canadien. J'accepte cela, mais il y a 20 ans, lorsque nous allions en Floride à partir de Montréal, Toronto ou Vancouver, il fallait se faire dédouaner à Miami, à Tampa ou ailleurs aux États-Unis. À ce moment-là, les douaniers américains agissaient dans leur territoire.

C'est un grand avantage d'avoir ce service de douanes américain en territoire canadien, dans nos aéroports internationaux. À mon avis, les douaniers américains nous traitent selon leur loi dans notre territoire canadien, et cela ne constitue pas un inconvénient. C'est un avantage parce que j'aime mieux me faire traiter par les douaniers américains en territoire canadien que de me faire traiter par eux en territoire américain. Je ne peux donc pas accepter vos remarques à ce sujet.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, certains ont exprimé l'avis qu'il y aurait un certain avantage dans la façon dont les Américains pourraient traiter avec les Canadiens en terrain canadien. C'est certes pratique.

Jusqu'à maintenant, toutefois, cela s'est fait en vertu d'une entente et, si je puis dire, d'un projet. Ce sera désormais la loi. Il nous incombe de nous assurer que toute mesure prise par les Américains en sol canadien empiète le moins possible sur notre souveraineté et respecte l'esprit et la mentalité des valeurs canadiennes.

Lorsque je voyage, je trouve toujours commode de passer rapidement à la douane après un long voyage. Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à nous accorder cette possibilité.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition) propose: Que le projet de loi S-27, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (heures du scrutin aux élections partielles) soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que les élections de 1997 ont été les premières au cours desquelles les bureaux de scrutin ont fermé plus ou moins en même temps dans tout le Canada. Il s'ensuit que les résultats définitifs dans l'Est ne sont plus connus pendant que l'on vote encore dans l'Ouest.

Les Britanno-Colombiens, notamment, s'étaient plaints de ce que leur vote perdait de son importance ou pouvait même être influencé par les résultats du vote dans les provinces plus peuplées du centre du pays, surtout lorsqu'un parti avait vraiment la faveur populaire et que le vote de la côte Ouest n'allait rien changer au résultat final.

Le projet de loi S-27 prévoit une exception pour les élections partielles en permettant que les bureaux de scrutin soient ouverts de 8 heures à 20 heures, quel que soit le fuseau horaire dans lequel l'élection partielle a lieu. Il y a eu deux élections partielles depuis les élections générales de 1997, la première dans la circonscription de Sherbrooke, en septembre 1998, et la deuxième hier, dans la circonscription de Windsor-St. Clair. Les bureaux de scrutin ont été ouverts de 9 h 30 à 21 h 30, puisque la Loi électorale ne fait pas de distinction entre les élections générales et les élections partielles. Si j'étais aussi partisan que le sénateur St. Germain refuse de l'être, après avoir entendu les résultats dans les deux circonscriptions, j'aurais préféré que les bureaux de scrutin restent ouverts indéfiniment. Cependant, encore une fois, je dois mettre de côté le sectarisme politique en faveur de l'intérêt national.

Il y en a qui diront que plusieurs élections partielles peuvent avoir lieu dans des fuseaux horaires différents le même jour et que la loi régissant les élections générales doit s'appliquer dans un tel cas. Je doute fort que le fait de connaître les résultats d'une élection partielle dans l'Est avant de voter dans une autre élection partielle dans l'Ouest puisse avoir une influence sur le choix des électeurs, puisque le gouvernement ne changera vraisemblablement pas le lendemain.

J'ai délibérément évité de compliquer la question en proposant des exceptions au projet de loi. Je crois que le principal argument est valable, c'est-à-dire que la tenue des élections partielles à ce qu'on considère comme étant des heures raisonnables, soit de 8 heures à 20 heures, permettrait de réaliser des économies sur le plan des ressources humaines et financières, sans causer d'inconvénients aux électeurs. Cela ferait aussi en sorte qu'il serait plus facile pour les candidats et leurs partisans de célébrer les résultats ou d'essayer de les oublier le plus rapidement possible.

Le directeur général des élections et ses collaborateurs sont parmi les personnes les mieux placées pour évaluer le projet de loi C-27. Je suis impatient d'entendre leurs commentaires ainsi que tout autre commentaire que pourra susciter ce projet de loi lorsqu'il sera examiné par le comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ce qui, je l'espère, arrivera en temps et lieu.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la reconnaissance des services de guerre de la marine marchande

Deuxième lecture-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forrestall, appuyé par l'honorable sénateur Atkins, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-19, Loi visant à faire davantage reconnaître les services des anciens combattants de la marine marchande du Canada et prévoyant à leur endroit une compensation juste et équitable.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur Carstairs sur le projet de loi S-19. Demain, ce sera le quatorzième jour que cette question est reportée. Le sénateur Forrestall voulait savoir si le sénateur Carstairs prendra la parole à ce sujet demain ou après-demain.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, si je ne prends pas vraiment la parole, je dirai au moins quelques mots pour que la motion soit maintenue.

(Le débat est reporté.)

L'examen des politiques sur les armes nucléaires

Adoption de la motion

Permission ayant été accordée de revenir à l'article no 128:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Roche, appuyé par l'honorable sénateur Lavoie-Roux:

Que le Sénat recommande au gouvernement du Canada d'exhorter l'OTAN à entreprendre une revue de ses politiques sur les armes nucléaires lors de la conférence au sommet de l'OTAN qui aura lieu du 23 au 25 avril 1999.-(L'honorable sénateur Roche).

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Comme cette motion est inscrite à mon nom, la question m'intéresse. Peut-être qu'un détail m'échappe, mais comme j'ai vu le sénateur Kinsella demander la parole sur cette motion, je me suis demandé s'il pouvait le faire à cause des contraintes de temps dans le débat sur cette motion.

Son Honneur le Président: Je croyais avoir entendu le mot «reporté» quand cet ordre a été appelé. Je demande aux sénateurs qui veulent faire reporter le débat sur des questions de parler un peu plus fort afin qu'il n'y ait pas de confusion au Bureau.

La question a été reportée et ne peut être débattue.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, est-il possible de demander le consentement unanime pour que l'article no 128 soit maintenant débattu?

Son Honneur le Président: Je me trouve dans une drôle de position parce que le débat a été reporté. Toutefois, si le Sénat souhaite revenir à cette question, cela pourrait être envisagé. Toutefois, je tiens à souligner que la motion est inscrite au nom du sénateur Di Nino, bien que rien n'empêche un autre sénateur de prendre la parole, évidemment, si tel est le souhait du Sénat.

Honorables sénateurs, y a-t-il consentement unanime à ce que l'on revienne à l'ordre no 128?

Des voix: D'accord.

(1740)

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Di Nino, qui sera absent un certain temps en raison d'une blessure, avait proposé, en son nom, l'ajournement du débat sur la motion avant les vacances de Pâques. Si je désire entendre la lecture du texte intégral de la motion, c'est que des contraintes de temps se posent. La motion de l'honorable sénateur Roche proposait que le Sénat recommande au gouvernement canadien d'exhorter l'OTAN à entamer un examen de sa politique nucléaire durant la rencontre au sommet que tiendra cet organisme du 23 au 25 avril 1999. Étant donné que cette rencontre doit avoir lieu dans dix jours, j'ai tenu à dire quelques mots au nom du sénateur Di Nino, qui est indisposé. Le débat sur la question pourra ensuite être ajourné au nom d'un autre sénateur. Le sénateur Di Nino avait l'intention de faire valoir plusieurs points relativement à cette motion.

La motion recommande une certaine ligne de conduite au gouvernement canadien. Bien entendu, le gouvernement est représenté par le Cabinet. Je présume que, conformément à la tradition, le Cabinet se réunit au moins une fois par semaine. Il le fera donc probablement d'ici un jour ou deux, c'est-à-dire avant la rencontre au sommet de l'OTAN. Voilà pourquoi l'examen de cette question est assorti de contraintes de temps.

Honorables sénateurs, nous avons récemment adopté une autre motion concernant l'OTAN. Nous avons d'ailleurs renvoyé la question, avec des directives, au comité sénatorial permanent des affaires étrangères. La participation de l'OTAN au bombardement de la Yougoslavie est au coeur de nos préoccupations. Étant donné que l'OTAN célèbre cette année son 50e anniversaire et qu'elle mène pour la première fois de son histoire une campagne offensive, je crois que les Canadiens souhaitent réexaminer plusieurs des politiques de l'OTAN. L'alliance et ses politiques ont évolué depuis la création de cet organisme. C'est pourquoi le Canada doit effectuer un examen sérieux de l'évolution des politiques de l'OTAN et en avoir une idée précise à l'aube du nouveau millénaire. L'examen de la politique nucléaire de l'OTAN est l'une des nombreuses questions relatives aux politiques de l'OTAN dont de nombreux Canadiens souhaitent certainement l'examen.

J'ignore si cette question doit être examinée en priorité, mais je sais qu'elle est importante.

Honorables sénateurs, au nom de mon collègue, le sénateur Di Nino et de mes collègues qui ont discuté de cette question au sein de notre caucus, je vous signale que nous sommes disposés à appuyer la motion.

Le président: Si aucun autre honorable sénateur ne désire prendre la parole, vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Les travaux du sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'avais l'intention de parler du sixième budget de l'actuel ministre des Finances, qui a été présenté à l'autre endroit. Toutefois, compte tenu du vaste enthousiasme qui m'anime dans ce dossier, il se peut fort bien que je dépasse la limite de 18 heures. Peut-être seriez-vous disposés à consentir à l'avance à ne pas tenir compte de l'heure, si jamais c'est le cas?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous consentons de ce côté-ci de la Chambre à ne pas tenir compte de l'heure si jamais les travaux sont toujours en cours à 18 heures.

Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que je ne tienne pas compte de l'heure si les travaux sont toujours en cours à 18 heures?

Des voix: D'accord.

Le budget de 1999

L'exposé du ministre des Finances-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, attirant l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communes le 16 février 1999.-(L'honorable sénateur Graham, c.p.).

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en plus de parler du sixième budget du ministre des Finances, j'ai aussi l'intention de commenter certaines des affirmations les plus intéressantes faites par nos honorables collègues d'en face dans leur analyse de cet excellent budget et dans leur aperçu historique des budgets de l'époque pendant laquelle ils se trouvaient de ce côté-ci de la Chambre.

Le budget de 1999 expose la vision du gouvernement pour l'avenir, une vision fondée sur une économie forte et une société sûre au Canada. Le budget établit également le plan du gouvernement pour le présent, un plan qui fera de notre vision une réalité et qui donnera un niveau de vie plus élevé à tous les Canadiens. Il jette les bases permettant de faire du Canada un endroit où mieux vivre encore.

C'est le même objectif que nous avons poursuivi sans cesse dans nos cinq derniers budgets. Le gouvernement suit une stratégie conçue pour accroître le niveau de vie en favorisant la création d'emplois bien payés, une croissance de la productivité et des chances égales pour tous, ainsi qu'en offrant des programmes sociaux aux gens dans le besoin. Cette stratégie, appliquée dans tous les budgets du gouvernement, consiste à prendre des mesures sur trois fronts - le maintien d'une saine gestion financière et économique, des investissements dans des priorités socioéconomiques clés, ainsi que l'allégement du fardeau fiscal et l'amélioration de l'équité fiscale. Les trois éléments de ce plan se combinent pour améliorer le niveau de vie et la qualité de vie de tous les Canadiens.

Tout d'abord, une forte croissance économique, l'élimination du déficit et une réduction du fardeau de la dette donnent au gouvernement la souplesse voulue pour prendre des initiatives importantes dans des secteurs clés de l'économie. Comme nous le comprenons tous, l'élimination du déficit n'était pas une fin en soi.

(1750)

Ensuite, les investissements dans les soins de santé, dans les gens, dans la recherche et l'innovation et dans d'autres secteurs clés améliorent la possibilité pour les Canadiens de travailler et de jouir d'une meilleure qualité de vie.

Enfin, il y a l'allégement du fardeau fiscal qui est généralisé et permanent, en ce sens qu'il n'est pas financé par de nouveaux emprunts, et qui ne remettra pas en cause la stabilité financière du Canada. Dans l'ensemble, la stratégie équilibrée sur trois fronts s'est déjà révélée très efficace en donnant des résultats sans précédent: l'élimination du déficit, de faibles taux d'intérêt, la création de plus de 1,6 million d'emplois et un taux de chômage de 7,8 p. 100.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Graham: Je pourrais ajouter que ces excellents résultats ont été difficiles à obtenir et qu'ils ont été atteints même si le gouvernement devait faire face aux conditions les plus difficiles qu'on puisse imaginer, soit une grave récession, un taux de chômage élevé, des taux d'intérêt élevés, les frais de service de la dette publique, et enfin, la faible confiance des marchés financiers au sujet de la capacité des Canadiens d'atteindre des objectifs financiers.

Certes, ceux qui critiquent le gouvernement, y compris les gens d'en face, lui reprochent son approche tactique qui consiste à fixer des objectifs étalés sur deux ans pour atteindre ses objectifs stratégiques, mais je ferai observer que cela a donné des résultats. C'est grâce à la détermination manifestée par le gouvernement à fixer des objectifs raisonnables, graduels et à les atteindre si les Canadiens et les marchés financiers ont retrouvé la confiance qu'il fallait pour planifier à long terme et atteindre le niveau de croissance élevé que nous avons connu au cours des cinq dernières années. Voyons le chemin parcouru entre le déficit de 42 milliards de dollars enregistré au cours de l'exercice 1993-1994 et l'excédent de 3,5 milliards de dollars réalisé en 1997-1998.

Le sénateur Kinsella: Oui, grâce au libre-échange!

Le sénateur Graham: Nous sommes passés d'un ratio de la dette au PIB qui augmentait au rythme annuel de 5 points environ à un qui, en 1997-1998, a connu la plus forte baisse depuis 1956-1957, passant de 70,3 à 66,9 p. 100. On prévoit qu'il tombera à 65,3 p. 100 en 1998-1999 et à moins de 62 p. 100 en 2000-2001.

Voyons la dette du marché. La dette des investisseurs devrait tomber à environ 457 milliards de dollars en 1998-1999, environ 20 milliards de moins par rapport à la pointe.

Honorables sénateurs, normalement, je voudrais me concentrer sur les nombreuses initiatives positives qui figurent dans ce budget et ne pas perdre mon temps sur ce qu'a fait le gouvernement précédent. Toutefois, je ne puis, en bonne conscience, laisser passer certaines remarques qu'a faites l'honorable chef de l'opposition au cours de ce débat. Je voudrais, en particulier, attirer l'attention de cette Chambre sur le legs que nous a laissé le gouvernement précédent, qui a été incapable d'atteindre les objectifs qu'il s'était lui-même fixés en matière de responsabilité financière.

En novembre 1985, le ministre des Finances en poste, Michael Wilson, a établi ce qu'il appelait un plan réaliste à moyen terme dans un document de travail sur la réduction du déficit et le contrôle de la dette nationale. Dans ce document, il disait que le gouvernement avait pris des mesures afin de réduire au début des années 90 le déficit annuel de 19 milliards de dollars, de réduire le service de la dette de 4 milliards de dollars par an et, selon ses propres termes, de réduire la dette de 70 milliards de dollars. La façon dont M. Wilson se proposait de réduire la dette en ayant un déficit n'était pas évidente. L'important, c'est qu'il n'a atteint aucun des objectifs qu'il s'était fixés sur une période de cinq ans.

Voyons les faits depuis 1990-1991, soit depuis la fin du plan quinquennal prétendument réaliste. Au lieu de diminuer de 70 milliards de dollars, la dette publique nette avait augmenté de 183 milliards. Au lieu de reculer de 19 milliards de dollars, le déficit annuel n'avait baissé que de 6,4 milliards, pour se remettre à augmenter chaque année par la suite. Au lieu de diminuer de 4 milliards de dollars, les frais de la dette publique avaient augmenté d'une somme incroyable de 20,2 milliards. Le gouvernement ne s'est jamais approché des cibles qu'il s'était fixées.

Le chef de l'opposition a tenté de faire valoir que la dette nationale n'a que triplé pendant les neuf années des conservateurs au pouvoir. Voyons les chiffres absolus. La dette a bondi de 208 à 508 milliards de dollars. C'est une augmentation de 300 milliards en neuf ans seulement, une somme supérieure au déficit cumulatif ou à la dette accumulée par les gouvernements précédents depuis la Confédération. Si l'on considère le ratio de la dette au PIB, qui est l'unité de mesure la plus exacte de la capacité du Canada de financer sa dette nationale, on voit qu'il a presque doublé, passant de 40,1 à 66,7 p. 100. Le chef de l'opposition soutiendrait-il sérieusement que si le ratio de levier du Canada est devenu le deuxième en importance parmi les pays du G-7, c'est parce que le gouvernement conservateur a fait preuve de prudence en matière financière? Ce gouvernement bénéficie-t-il de circonstances atténuantes? Je soutiens que non. Il n'a réussi qu'à rater misérablement l'occasion d'assainir les finances du pays.

Au milieu et à la fin des années 80, le Canada, comme un certain nombre de pays de l'OCDE, a connu l'une de ses plus importantes périodes de croissance économique. La récession du début des années 80 était bien terminée, et les possibilités de remettre de l'ordre dans les finances du gouvernement fédéral étaient meilleures qu'elles ne l'avaient jamais été au cours de cette moitié de siècle. Cependant, honorables sénateurs, il est évident que cette réorganisation possible ne s'est pas faite et que le gouvernement libéral actuel a dû faire des choix difficiles, même à l'époque où l'économie devait se tirer d'une grave récession. C'est le gouvernement libéral actuel qui a redonné confiance aux Canadiens dans la capacité des gouvernements d'avoir une stratégie, de fixer des objectifs et de les maintenir et d'agir de façon responsable en prenant des mesures durables.

(1800)

Des voix: Bravo!

Le sénateur Graham: Qu'est-ce que cela signifie pour les Canadiens? Cela signifie qu'ils peuvent maintenant avoir confiance en la capacité du gouvernement de mener à bonne fin les initiatives qu'il entreprend. Cela signifie que les Canadiens ne bénéficieront pas de réductions d'impôts qui sont au-dessus des moyens du gouvernement, comme ce fut le cas en 1984 et 1985, pour ensuite subir des hausses d'impôts massives, comme en 1986 et 1987. Cela signifie qu'on ne fera pas de nouveaux emprunts pour financer des investissements et des réductions d'impôts. Cela signifie que les Canadiens peuvent compter sur nous pour continuer à fournir des investissements pour des éléments clés dans les domaines social et économique et pour offrir des réductions d'impôts sur une large assiette fiscale, année après année et budget après budget. C'est le résultat d'une approche équilibrée basée sur la prudence financière, des investissements dans la santé et le patrimoine de la nation et des programmes d'allégements fiscaux justes.

Honorables sénateurs, j'aimerais en revenir à certains détails de cet excellent budget déposé par l'actuel ministre des Finances. J'ai parlé de ces investissements effectués par le gouvernement au Canada et il n'y en a aucun qui me rend personnellement plus heureux et plus fier que cette somme supplémentaire de 11,5 milliards de dollars qui a été accordée pour les soins de santé au cours des cinq prochaines années. C'est le plus gros investissement que le gouvernement actuel ait effectué dans un même domaine. C'est un investissement qui permettra d'aider les provinces à alléger les préoccupations immédiates des Canadiens en ce qui touche les soins de santé. C'est un investissement qui touche l'un des programmes sociaux les plus chers aux Canadiens - l'assurance-maladie. Je dirais en fait que c'est le programme qui nous est le plus cher à tous, celui qui représente les valeurs fondamentales de justice et d'équité qui nous définissent à titre de Canadiens.

Toutefois, l'engagement de notre gouvernement envers la stabilisation des soins de santé ne s'arrête pas à cet investissement de 11,5 milliards de dollars. Le budget de 1999 annonçait également un investissement de l'ordre de 1,4 milliard de dollars sur quatre ans pour les systèmes d'information en matière de santé, la recherche, les services de santé à l'intention des Premières nations et des Inuits et la prévention des problèmes de santé.

Le budget de 1999 investit également dans l'avenir économique du Canada en proposant des mesures qui devraient favoriser le savoir, grâce à la recherche, la diffusion et la commercialisation des connaissances, et stimuler l'emploi.

En tout, cela représente plus de 1,8 milliard de dollars au cours des quatre prochaines années. On mise sur la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, présentée dans le budget de 1998, et sur les investissements dans le savoir et l'innovation, inclus dans nos budgets précédents.

Honorables sénateurs, il est aussi question d'un allégement fiscal équitable. Le budget de 1998 a été avantageux pour les Canadiens à faible revenu, car il a haussé de 500 $ le montant de revenus non imposables qu'ils pouvaient gagner annuellement. Le budget de 1999 augmente ce montant de 175 $, portant la hausse à 675 $. De plus, il étend cette hausse du revenu de base non imposable pour tous les contribuables canadiens.

Ces mesures font plus que compenser les effets qu'a eus l'inflation sur cette exemption depuis que le gouvernement est arrivé au pouvoir. Pour les familles à faible et à moyen revenus, le budget ajoute encore 300 millions de dollars au titre de la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Cela s'ajoute à la hausse de 1,7 milliard de dollars du montant affecté à la Prestation fiscale canadienne pour enfants, déjà annoncée dans les budgets de 1997 et de 1998.

De plus, étant venu à bout du déficit, le gouvernement est maintenant en mesure d'éliminer complètement la surtaxe de 3 p. 100 imposée par le gouvernement précédent.

Bref, honorables sénateurs, ce budget représente une autre étape importante qu'a franchie le Canada pour se sortir d'une situation où il a dû imposer des coupes difficiles et arriver à une situation qui lui permet de faire des investissements durables, autrement dit pour arrêter d'augmenter les impôts et commencer à les alléger.

Les mesures que propose ce budget se renforcent mutuellement. Elles misent sur les efforts que le gouvernement a déjà fournis et, ensemble, elles permettront de tracer une vision ambitieuse, quoique réalisable, de l'avenir du Canada. Ce budget montre clairement que le gouvernement peut faire une contribution positive à tous les Canadiens dans leur vie quotidienne au travail ou dans leur foyer.

Tous ceux qui s'intéressent à l'avenir et ceux qui se souviennent des échecs du passé et reconnaissent les réalisations des cinq dernières années devraient appuyer ce budget. Souvenez-vous que nous sommes passés d'un déficit de 42 milliards à un excédent de 3,5 milliards de dollars. Nous avons remplacé un ratio de la dette au PIB à la hausse par un qui diminue plus rapidement ici que dans tout autre pays du G-7. Nous avons ramené le taux de chômage de 11,3 p. 100 à 7,8 p. 100 en créant plus de 1,6 million d'emplois. Nous sommes passés de la récession à une croissance constante, plus précisément à une croissance de 4,6 p. 100 du PIB au cours du quatrième trimestre de 1998, et nous avons remplacé la productivité à la baisse par une productivité de la main-d'oeuvre qui a grimpé de 2,9 p. 100 en 1997, la plus importante augmentation depuis 1984.

Honorables sénateurs, nous nous sommes donné des assises financières solides d'où nous pourrons avancer dans des domaines de première importance pour les Canadiens, que ce soit les soins de santé, l'éducation ou la pauvreté des enfants. Cependant, honorables sénateurs, rien de tout cela n'aurait été possible si nous nous étions contentés d'énoncer ce qui devait être fait sans joindre le geste à la parole.

En conclusion, je répète, honorables sénateurs, que les grandes réalisations économiques des cinq dernières années ne sont ni le fruit du hasard ni le résultat inévitable de prétendus sacrifices consentis par des gouvernements antérieurs. À son arrivée au pouvoir, le gouvernement a dû affronter de graves difficultés en ce qui concerne les facteurs économiques fondamentaux du Canada. Nous avons déterminé que le statu quo n'était pas acceptable, qu'il n'était satisfaisant ni pour nous ni pour la population du Canada. Nous avons pris des décisions en faisant preuve de ce que certains considèrent comme un excès de prudence, mais nous l'avons fait pour faire en sorte que le gouvernement ne vienne pas annoncer aux Canadiens une autre série d'échecs et de prétextes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Seulement des promesses non tenues.

Le sénateur Graham: Au lieu d'échecs et de prétextes, honorables sénateurs, nous avons posé pour le Canada des assises solides en prévision du nouveau millénaire.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

La Loi de l'impôt sur le revenu

Augmentation de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé-Motion proposant un amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion modifiée par l'honorable sénateur Meighen et appuyée par l'honorable sénateur Kirby:

Que le Sénat presse le gouvernement de proposer une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu, tendant à porter à 30 p. 100, par augmentations de 2 p. 100 par année sur cinq ans, le plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé (régimes de pension, régimes enregistrés d'épargne retraite, régimes de pension agréés) comme cela a été fait entre 1990 et 1995, alors que le plafond de biens étrangers des régimes de revenu différé a été porté de 10 p. 100 à 20 p. 100:

a) parce que les Canadiens devraient avoir la possibilité de tirer avantage de meilleurs rendements sur leurs investissements dans d'autres marchés, ce qui aurait pour effet d'augmenter la valeur des avoirs financiers qu'ils détiennent en prévision de la retraite, de réduire le montant de supplément du revenu de sources gouvernementales dont les Canadiens pourraient avoir besoin et d'augmenter les recettes fiscales que le gouvernement tire des revenus de retraite;
b) parce que les Canadiens devraient avoir plus de flexibilité au moment d'investir les épargnes qu'ils accumulent en prévision de leur retraite tout en réduisant les risques que comportent ces placements grâce à la diversification;
c) parce qu'une amélioration de l'accès aux marchés boursiers mondiaux permettrait aux Canadiens de participer tant aux économies qu'aux secteurs industriels à plus forte croissance;
d) parce que le plafond actuel de 20 p. 100 est devenu artificiel depuis que les particuliers et les régimes de pension disposant de grandes ressources peuvent le contourner en ayant recours, par exemple, à des décisions stratégiques en matière d'investissement et à des produits dérivés;
e) parce que les problèmes de liquidité des gestionnaires de fonds de pension, qui constatent maintenant qu'ils doivent acquérir une participation significative dans une seule société pour satisfaire à l'obligation de détenir 80 p. 100 de biens canadiens, se trouveraient atténués.-(L'honorable sénateur Eyton).
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous appuyons la motion proposée par le sénateur Meighen, avec l'appui du sénateur Kirby, pour qu'un certain nombre de modifications soient apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu de façon à porter à 30 p. 100, par tranches de 2 p. 100 par année pendant cinq ans, la composante de biens étrangers des régimes de revenu différé, des régimes de retraite, des régimes enregistrés d'épargne-retraite et des régimes de pension agréés, comme cela s'est fait de 1990 à 1995, lorsque la limite de la propriété étrangère des régimes de pension agréés est passée de 10 à 20 p. 100.

Compte tenu de l'heure et de la tenue imminente d'une séance de comité où comparaîtra un ministre, je demande simplement l'ajournement du débat au nom du sénateur Eyton.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Eyton, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 14 avril 1999, à 13 h 30.)


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