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Debates of the Senate (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 78

Le jeudi 3 novembre 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 3 novembre 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée des vétérans autochtones et le jour du Souvenir

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je rappelle aujourd’hui que nous célébrerons la semaine prochaine la Journée des vétérans autochtones et le jour du Souvenir.

Il serait difficile de trouver quelqu’un qui n’a pas un lien avec l’une de ces journées. La plupart des familles comptent une personne qui a servi dans les forces armées ou a perdu un être cher qui a servi le Canada à un titre ou à un autre. Dans ma famille, mon père, le soldat Lauchie MacKinnon, et mon frère, le commandant Charlie MacKinnon, ont tous les deux servi dans les forces armées. Je suis fière de la contribution qu’ils ont faite au Canada en qualité de militaires.

Alors que nous rendons hommage à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie, n’oublions pas ceux qui sont revenus du front avec des blessures tant visibles qu’invisibles. Nous devons garder les vétérans au premier plan de nos pensées tout au long de l’année, pas uniquement en novembre.

Je profite de l’occasion pour souligner encore une fois le formidable travail de VETS Canada. Cet organisme offre de nombreux programmes et services d’un océan à l’autre pour soutenir les vétérans partout au Canada. À l’origine VETS Canada s’occupait d’aider les vétérans sans abri puis, peu à peu, l’organisme a commencé à fournir du soutien à tous ceux qui étaient en difficulté, quelle que soit la nature du problème. VETS Canada peut donner un coup de main pour acheter de la nourriture ou pour payer une facture d’électricité ou soutenir les vétérans aux prises avec un problème émotif ou une crise de santé mentale. L’organisme compte sur un peu moins de 1 500 bénévoles actifs, qui sont pour la plupart d’anciens militaires ou d’anciens membres de la GRC.

Le programme Guitares pour Vets présente un intérêt particulier. Il remet des guitares usagées en bon état à d’anciens combattants et à des militaires actifs atteints de trouble de stress post-traumatique ou d’une autre invalidité liée au service. Le programme leur donne également accès à des leçons gratuites et des ateliers de composition de chansons. Parmi les anciens professeurs invités figurent Alan Doyle et Séan McCann de Great Big Sea. Alan Doyle et le premier ministre provincial Andrew Furey ont également fourni de généreuses contributions à Guitares pour Vets par l’intermédiaire de la fondation Un dollar par jour.

J’aimerais également reconnaître le sacrifice des familles de militaires, qui vivent pendant si longtemps loin de leurs proches. Même si les temps et la technologie ont changé depuis l’époque des lettres qui traversaient l’Atlantique et que nous pouvons communiquer plus facilement, ce n’est toujours pas comparable à une étreinte physique ou à la présence d’un visage souriant dans les gradins d’un aréna ou dans l’auditoire d’une pièce de théâtre scolaire.

Honorables sénateurs, lorsque vous prendrez un moment les 8 et 11 novembre pour vous souvenir de ceux qui ont fait le sacrifice ultime au service du Canada et des Canadiens, j’espère que vous prendrez aussi un moment pour penser à ceux qui continuent de consacrer leur vie au service du Canada, malgré les conséquences indéniables de ce service tant sur leur corps que sur leur santé mentale.

J’ai parlé de VETS Canada, mais il existe de nombreuses façons de contribuer et de nombreux programmes qui offrent du soutien aux anciens combattants. Je suis heureuse que le Sénat participe de nouveau à la Campagne nationale du coquelicot.

Merci.

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue l’honorable Grant Mitchell.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le jour du Souvenir

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui, en prévision de la Semaine des vétérans et du jour du Souvenir, pour rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont revêtu l’uniforme de notre grand pays et qui, à son commandement, sont allés défendre ceux qui ne pouvaient plus se défendre eux-mêmes et se battre pour les libertés dont nous jouissons aujourd’hui.

Récemment, j’ai été frappée par une image très puissante : celle de l’unique bannière régimentaire du Royal Canadian Regiment, déchirée et poussiéreuse, sur la colline 355, le matin du 23 octobre 1952. La compagnie B du Royal Canadian Regiment venait de passer la nuit sous l’attaque de l’artillerie chinoise et sondée par les troupes d’assaut. L’engagement était si chaotique que les Canadiens ont dû se regrouper en petites unités, coupés de leurs camarades.

Cette bannière régimentaire, tout comme les héros de la colline 355, était meurtrie et déchirée, mais pas brisée. Elle rappelait l’engagement et la détermination de nos femmes et de nos hommes en uniforme qui se sont tenus debout face à l’adversité, qui ont dit « pas aujourd’hui » et qui, grâce à leur courage et à leur détermination, se sont imposés.

L’image de cette bannière est un symbole marquant non seulement des épreuves et des sacrifices auxquels nos anciens combattants ont été confrontés dans des endroits tels que la crête de Vimy, les ruines de Passchendaele, les plages de Normandie, la vallée et les collines de Gapyeong ou les champs de raisins de Kandahar, mais aussi des personnes qu’ils sont allés sauver et protéger.

Tout comme cette bannière tachée qui battait au vent, la population sud-coréenne était épuisée, écrasée, seule et sans espoir lorsque des pays comme le Canada ont répondu à l’appel. Plus de 26 000 Canadiens se sont portés volontaires lors de la guerre de Corée. Aux côtés de leurs alliés des Nations unies, ils ont fait en sorte que des Sud-Coréens, comme ceux de ma famille, puissent avoir un avenir libre de l’oppression communiste.

(1410)

Nous ne pourrons jamais rembourser la dette que nous devons à nos anciens combattants. La seule chose que nous puissions faire est de consacrer nos vies à être à la hauteur de leur exemple et à honorer leurs sacrifices en exerçant et en protégeant les précieux droits et libertés obtenus grâce à leurs actions militaires. Honorables sénateurs, nous ne les oublierons jamais.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Haung Yu, Sébastien Maillé, Katalin Toth et Leigh Anne Swayne. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Ravalia.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les droits de la personne en Iran

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je poursuis sur une note sombre et souhaite donner une voix à ces héroïques femmes, hommes, filles et garçons d’Iran qui affrontent le régime brutal de ce pays. Quel meilleur moyen d’y parvenir qu’en utilisant leurs propres mots. Ces mots, que je vais lire dans un instant, ont été externalisés par Shervin Hajipour, un musicien de 25 ans, qui a saisi leur essence et les a transposés en musique.

Dès la diffusion de cette chanson, il a bien sûr été jeté en prison et torturé avant d’être relâché. Il reste maintenant silencieux, mais sa chanson est devenue virale non seulement en Iran, mais partout dans le monde.

J’ai la chance de comprendre le persan, et chaque fois que j’écoute cette chanson, je sens mes genoux faiblir. Cela me frappe de voir à quel point ses paroles sont inclusives et constituent un appel musical à la justice. La voici.

Cette chanson s’intitule « Baraye », ou « Pour ».

Pour pouvoir danser dans les allées

Pour briser le tabou de s’embrasser en public

Pour ma sœur, ta sœur, nos sœurs

Pour avoir transformé des esprits rouillés

Pour la honte de la pauvreté

Pour cette soif d’une vie normale

Pour les enfants qui fouillent les poubelles, et leurs rêves

Pour se débarrasser de cette économie planifiée

Pour cet air pollué

Pour les arbres emblématiques de Téhéran qui se meurent

Pour la panthère de Perse qui est sur le point de disparaître

Pour ces chiens de rue injustement interdits

Pour ces pleurs intarissables

Pour pouvoir répéter ce moment

Pour les visages souriants

Pour les étudiants et leur avenir

Pour cette route forcée vers le paradis

Pour l’élite estudiantine emprisonnée

Pour les enfants afghans réfugiés négligés

Pour tous ces « pour » qu’on répète à l’infini

Pour tous ces slogans insignifiants

Pour les ruines des édifices construits à coups de corruption

Pour ce sentiment de paix

Pour le soleil après ces longues nuits

Pour l’anxiété et les somnifères

Pour les hommes, la patrie et la prospérité

Pour la fille qui voulait être un garçon

Pour les femmes, la vie, la liberté

Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Yoanis Menge et Ruben Komangapik. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Patterson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Yoanis Menge
Ruben Komangapik

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je suis enchanté de prendre la parole pour rendre hommage à MM. Yoanis Menge et Ruben Komangapik. Ces deux amis et partenaires d’affaires sont à l’origine de l’organisation ReconSeal Inuksiuti. Comme ce mot-valise le suggère, ils ont créé un nouveau projet de chasse dont l’objectif est de faciliter la réconciliation en misant sur la compréhension de l’importance et de la signification de la pratique inuite de la chasse au phoque. Par ailleurs, ce projet permet aussi de fournir un aliment traditionnel aux collectivités inuites habitant à Ottawa et à Montréal.

M. Menge est photographe, et ses œuvres en noir et blanc qui illustrent la chasse au phoque ont pour but d’amener le public à voir la beauté dans cette tradition qui est source de subsistance, d’habillement, de revenus et de spiritualité pour les familles dans les régions nordiques.

De son côté, M. Komangapik se décrit comme un nomade. Il est originaire de Pond Inlet.

Le 30 octobre, la CBC a publié un article dans lequel M. Komangapik décrit comment ce projet fait progresser la réconciliation. Je le cite :

Nous ne nous contentons pas de parler de réconciliation; nous posons les gestes qui mènent à la réconciliation entre l’industrie des produits du phoque, les défenseurs des animaux et tous ceux qui chassent le phoque de manière inappropriée. Ces éléments ont créé une faille très, très profonde entre les chasseurs de phoque du Nord et ceux du Sud.

Afin d’éviter de prendre ce qui revient aux Inuits du Nunavut, qui sont les Canadiens les plus à risque de souffrir de précarité alimentaire dans notre pays, cette équipe a décidé de chasser aux îles de la Madeleine, où la population de phoques est abondante.

Chers collègues, il y a au Canada plus de 400 000 phoques gris, le genre de phoque qui est chassé. C’est vraiment fantastique que ces hommes puissent en prendre quelques-uns et apporter la viande à des Inuits qui vivent dans le Sud et qui considèrent, comme Manitok Thompson d’Ottawa, que cette viande « goûte le bonheur ».

Soit dit en passant, je trouve aussi positif que cette chasse permette de réduire l’effet massif qu’ont les phoques adultes sur les stocks de poissons, puisque chacun d’entre eux mange jusqu’à 1 500 livres de nourriture par année. Comme on compte environ 8 millions de phoques gris et de phoques du Groenland au Canada, je vous laisse faire le calcul.

Je salue les efforts que déploient M. Komangapik et M. Menge pour déboulonner les mythes et les préjugés entourant la chasse au phoque des Inuits — ils font ce travail sans financement ni soutien gouvernemental.

Bref, qujannamiik pour cette façon de faire progresser la réconciliation, et merci d’apporter aux populations inuites d’Ottawa et de Montréal des aliments traditionnels nutritifs et riches en oméga 3. Qujannamiik. Taima.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Otto Edward Makmot, ancien député de l’Assemblée nationale de l’Ouganda. Il est l’invité de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès d’Elaben Bhatt

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, c’est le cœur brisé et avec un profond respect que je me joins aujourd’hui aux millions de personnes en Inde et dans le monde qui pleurent la perte d’Ela Bhatt — Elaben —, notre sœur, une leader mondiale, une avocate, une coopérante, une syndicaliste, une banquière, une promotrice du commerce équitable et de l’économie verte, une inconditionnelle de l’émission Ideas de la CBC, une fidèle dévouée de Ghandhi, une féministe, une révolutionnaire douce, puissante et efficace, et la fondatrice — il y a 50 ans — de la SEWA, l’association indienne des travailleuses indépendantes, qui compte plus de 2 millions de membres.

Elaben est décédée hier à Ahmedabad, en Inde.

Membre fondatrice de l’organisme The Elders, un groupe de leaders mondiaux créé à l’initiative de Nelson Mandela pour promouvoir les droits de la personne et la paix, Elaben était une femme visionnaire, sage et curieuse, avec un dévouement indéfectible envers l’amélioration du monde.

En tête d’un hommage à Ela Bhatt publié aujourd’hui dans le Hindustan Times, on peut lire : « Ela Bhatt a allumé un feu qui a déclenché un mouvement mondial [...] » L’article se poursuit ainsi : « Sorties de nulle part, les tireuses de charrettes, les vendeuses de légumes et les petites travailleuses sont devenues une brigade économique sous le leadership d’Ela. »

Ela a fondé la banque SEWA, la première banque pour les femmes de l’Inde, et l’école indienne de microfinance pour les femmes. Elle a cofondé la Women’s World Banking. Elle siégeait au Parlement indien, où elle dirigeait la commission nationale pour les femmes. Elle était une administratrice de la Fondation Rockfeller.

En reconnaissance de ses efforts pour améliorer les conditions de vie des femmes et des plus démunis, Ela Bhatt a reçu le prix Indira Gandhi pour la paix, le désarmement et le développement, le prix de la Global Fairness Initiative, le prix Ramon Magsaysay, le prix Right Livelihood, la Légion d’honneur de France et de nombreux diplômes honorifiques décernés, entre autres, par l’Université Harvard, l’Université Yale et l’Université St. Francis Xavier de la Nouvelle-Écosse.

Honorables collègues, j’ai eu la chance de pouvoir côtoyer Elaben pendant plus de 30 ans. C’est notre engagement commun à l’égard des femmes et du microfinancement qui nous a réunies. Le Coady International Institute et la Self-Employed Women’s Association of India collaborent étroitement encore aujourd’hui.

Honorables collègues, j’aimerais pouvoir m’asseoir une autre fois sur la balancelle de véranda d’Elaben pour parler avec elle de nos êtres chers et de sa façon de voir le monde et d’entrevoir l’avenir, mais comme c’est impossible, je vais conclure cet hommage en citant cette déclaration d’Ela Bhatt sur la paix afin que vous puissiez mieux la connaître :

La paix, ce n’est pas l’absence de guerre. La paix, c’est ce qui éloigne la guerre, mais surtout, c’est ce qui nous désarme et rend la guerre inutile. La paix règne dans une société juste et fertile. Ce n’est qu’en rétablissant l’équilibre dans une société qu’on peut avoir une paix durable.

Honorables sénateurs, faisons honneur à Elaben en poursuivant ses efforts pour la paix et la justice. Merci.

(1420)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Tobias Schmid, directeur de l’Autorité des médias de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et de Mme Laura Braam, cheffe d’équipe à l’Autorité des médias de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui sont des spécialistes de la protection des enfants contre les préjudices en ligne dans Internet. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie en ligne

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Chers collègues, j’ai le plaisir de recevoir au Sénat M. Tobias Schmid et Mme Laura Braam qui représentent l’Autorité des médias de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie en Allemagne.

Je prends la parole pour souligner à quel point l’Allemagne est en avance sur le Canada en matière de lois et de réglementation destinées à protéger les enfants et les jeunes des préjudices en ligne. L’autorité allemande des médias a été très généreuse avec moi dans le partage d’informations sur un sujet qui m’est cher, la protection des enfants de l’exposition à la pornographie en ligne.

L’Allemagne a déjà agi pour bloquer un site pornographique international en Allemagne, xHamster, car il ne vérifiait pas l’âge de ses clients afin de s’assurer que seuls les adultes soient admis. Le régulateur allemand vient d’ailleurs de gagner une importante bataille devant les tribunaux contre MindGeek, la maison-mère de Pornhub, basée à Montréal, qui contestait la constitutionnalité de ces actions.

M. Schmid et Mme Braam sont des citoyens, des régulateurs déterminés qui prennent leur mission très au sérieux. En ce moment, il y a beaucoup de résistance. Les grands sites pornographiques gratuits ne se plient pas encore aux lois; ils ne vérifient pas l’âge de leurs clients, que ce soit en Allemagne ou en France. L’espoir, c’est que d’autres pays, comme le Canada, la Grande-Bretagne et l’Australie, emboîtent le pas. Plus il y aura de pays qui exigeront que les plateformes pornographiques agissent de façon responsable, mieux les enfants seront protégés de ce bombardement d’images pornos parfois traumatisantes, violentes et dégradantes, et accessibles sans aucune barrière sur Internet.

Je vous remercie.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Le coût de la délégation aux funérailles de Sa Majesté la reine Elizabeth II

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, hier, pendant la période des questions, vous avez dit :

[...] dans l’intérêt des autres personnes qui veulent poser des questions, sans doute beaucoup moins importantes que la vôtre, je n’ai rien d’autre à ajouter à ma réponse.

Sénateur Gold, ces commentaires sont scandaleux. Pourtant, ils reflètent directement l’un des principes fondamentaux du gouvernement Trudeau, c’est-à-dire le mépris du processus parlementaire canadien.

Sénateur Gold, notre système parlementaire repose sur la prémisse voulant qu’il y ait un parti au pouvoir et un parti d’opposition. Or, l’opposition a une responsabilité, et c’est de demander des comptes au gouvernement. Nous le faisons en posant des questions. Bien que le gouvernement prétende être plus transparent et plus responsable, la réalité est tout autre, sénateur Gold, et vos réponses évasives à nos questions le montrent très clairement.

Sénateur Gold, permettez-moi d’essayer à nouveau, puisque je vous ai donné un préavis de cette question. J’espère que vous m’en remercierez, comme vous le faites habituellement lorsque l’on vous fournit un préavis.

Qui a séjourné dans la tristement célèbre River Suite de l’hôtel Corinthia à Londres?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et du préavis que vous m’avez envoyé.

La mort de la reine Elizabeth II a été un événement tragique marquant pour tous les Canadiens. D’anciens premiers ministres et la gouverneure générale ont fait le voyage pour représenter le Canada et rendre hommage à la souveraine dont le règne a couvert près de la moitié de notre histoire en tant que pays indépendant.

Comme il a été rapporté dans les médias, chers collègues, le prix des hôtels a bondi de façon marquée en vue des funérailles de la reine. De nombreux hôtels affichaient complet à Londres en raison de la demande élevée. La disponibilité était limitée compte tenu de la nature inattendue de l’événement et de la forte demande pour loger les 500 chefs d’État et dignitaires étrangers, ainsi que leur personnel et leurs délégations officielles.

La délégation canadienne, qui comptait 56 personnes, était plus imposante que la moyenne en raison de l’importance de représenter le Canada à cet événement historique. La délégation officielle a séjourné dans un seul hôtel à Londres pour permettre la participation efficace aux activités officielles à la Maison du Canada et aux funérailles d’État. Tous les membres de la délégation officielle ont séjourné dans le même hôtel, y compris la gouverneure générale, l’ancien premier ministre Stephen Harper, l’ancien premier ministre Paul Martin, l’ancienne première ministre Kim Campbell et l’ancien premier ministre Jean Chrétien, ainsi que leur personnel.

Le sénateur Plett : Pourtant, ils n’ont pas tous séjourné dans la même chambre d’hôtel. S’il y avait eu 56 personnes dans cette chambre d’hôtel, je reconnaîtrais que c’était une solution très économique.

Sénateur Gold, nous sommes tous les deux assez âgés pour nous souvenir des vieux vinyles et de la façon dont l’aiguille sautait, rejouant sans cesse le même bout de chanson. Vous me faites penser à ces vinyles.

Nous savons combien de gens étaient là-bas. Nous savons qu’il y avait des premiers ministres, mais nous savons aussi que la gouverneure générale et Stephen Harper n’ont pas séjourné dans cette chambre d’hôtel. Dites-moi si Paul Martin y a séjourné. Dites-moi si Jean Chrétien l’a fait. Si c’est ce que vous insinuez, sénateur Gold, j’accepterais votre réponse.

Les Canadiens méritent de connaître la vérité. Ils méritent d’être entendus, et ils méritent de la transparence de la part du premier ministre. C’est pourquoi je vous pose ces questions.

Oui, le séjour à l’hôtel était coûteux. J’ai entendu qu’il y avait des chambres qui coûtaient 1 700 $ la nuit, mais pas la chambre en question. Cette dernière a coûté 7 300 $ la nuit pour cinq nuits, sénateur Gold. Cela représente une facture de 36 500 $ uniquement pour une chambre. Sénateur Gold, 36 500 $ est le salaire annuel d’une personne qui travaille 40 heures par semaine pour 18,25 $ l’heure.

Comment diable le premier ministre Trudeau peut-il penser qu’une telle dépense est raisonnable et appropriée quand, au bout du compte, il ne paie pas la note, mais s’attend plutôt à ce que les Canadiens le fassent?

Sénateur Gold, hier, la langue du premier ministre Trudeau a fourché et il a pratiquement admis à la Chambre des communes que tout cela ne concernait que lui. Je demande au gouvernement et à vous-même, sénateur Gold, de dire la vérité aux contribuables canadiens. Est-ce le premier ministre Trudeau qui a séjourné dans cette chambre?

Le sénateur Gold : Je me souviens des disques vinyle, sénateur Plett, et je me souviens de leur caractère innovant : la chanson changeait selon l’endroit où vous laissiez tomber l’aiguille.

Le sénateur Plett : Dois-je aller vous chercher un disque?

Le sénateur Gold : Je vous ai donné une réponse différente aujourd’hui par rapport à hier.

Je voudrais simplement préciser que la façon de dépenser les fonds publics est cruciale et que les Canadiens souffrent en ce moment.

Le sénateur Plett : Pas Trudeau.

Le sénateur Gold : Je n’ai jamais ignoré ces questions ni dénigré l’importance de demander des comptes au gouvernement.

Étant donné qu’un grand nombre de sénateurs sont relativement nouveaux dans cette enceinte, permettez-moi de vous rappeler ce que l’on fait habituellement — et peut-être pas de manière inappropriée...

Le sénateur Plett : Venez-en à la question. C’est la période des questions.

Le sénateur Gold : Alors, sans...

Le sénateur Plett : Ce n’est pas le temps des déclarations.

Le sénateur Gold : Sans préciser davantage le contexte, au cours de l’année 2012, le premier ministre Harper a effectué deux voyages, à la tête d’une délégation. Il est allé à Davos en 2012 pour représenter le Canada. Cela a coûté 566 000 $. En tenant compte de l’inflation, cela représenterait 709 000 $. La même année, le premier ministre Harper est allé en Chine, accompagné d’une délégation de 30 dirigeants d’entreprise canadiens. Ce voyage a coûté 972 000 $. Le gouvernement du Canada, sous le premier ministre Harper, a assumé les dépenses de ces 30 dirigeants d’entreprise canadiens. Quelle frugalité!

(1430)

L’honorable Leo Housakos : Il est fantastique que le leader du gouvernement s’inspire du passé. Je rappelle aux nouveaux sénateurs qu’avant l’ère Trudeau, des sénateurs libéraux faisant partie de l’opposition vérifiaient les comptes publics et demandaient des comptes quotidiennement au gouvernement. Il reste bien peu de ces sénateurs parmi nous, mais vous vous souvenez sans doute de cette époque. Le sénateur Mitchell faisait certainement partie de cette équipe.

Monsieur le leader du gouvernement, permettez-moi de vous dire autre chose à propos de cette époque révolue. Lorsqu’une ministre se rendait quelque part, comme à Londres, par exemple, et dépensait 16 $ pour un verre de jus d’orange, l’opposition se faisait un point d’honneur de demander des comptes. Savez-vous ce qui est arrivé à cette ministre? Quelques jours plus tard, elle a été démise de ses fonctions. Voilà ce qu’on appelle l’obligation de rendre des comptes, que nous devrions tous mettre en pratique.

Je reviens sur la réponse que vous avez donnée plus tôt. On vient de vérifier, et le tarif de la suite River, qui, selon vous, avait augmenté à l’occasion des funérailles de la reine, était toujours de 6 000 $ la nuit il y a quelques jours. Cette excuse ne tient donc pas la route.

Le temps est venu d’élire un gouvernement plus transparent qui se consacre pleinement à celles et ceux qu’il représente.

Il s’agit d’une citation, monsieur le leader du gouvernement. Je ne sais pas si vous la reconnaissez, sénateur, mais elle est tirée de la plateforme libérale de 2015 de Justin Trudeau.

Sénateur Gold, appuyez-vous l’objectif de rendre le gouvernement plus transparent? Si c’est le cas, comment justifiez-vous que votre gouvernement et vous cherchiez à cacher la réponse à cette question simple, soit qui a séjourné dans la suite à 35 000 $? Une fois que nous saurons qui est cette personne, pourquoi a-t-elle choisi cette suite? Il y a peut-être une explication légitime. J’aimerais bien l’entendre. On parle de 35 000 $ pour six nuits. Qui a dormi dans cette suite et pourquoi? C’est une question toute simple et cela concerne les comptes publics. Les contribuables ont besoin de le savoir.

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Je reconnais qu’elle est légitime. Comme je l’ai déjà dit — j’ai l’impression de me répéter comme le vinyle dont on a parlé plus tôt —, j’ai donné toutes les informations que je suis en mesure de vous donner. Sur cette question, sénateur, je n’ai rien à vous dire de plus que ce que j’ai répondu au sénateur Plett.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, ce serait déjà assez grave s’il s’agissait d’une erreur de jugement isolée de la part du premier ministre, mais ce n’est pas le cas. C’est une habitude. Au cours des sept dernières années, Justin Trudeau a enfreint la loi en passant des vacances sur l’île d’un milliardaire et en faisant des allers-retours d’un bout à l’autre du pays aux frais de la princesse pour aller surfer, faire du saut à l’élastique et côtoyer des célébrités. Enfin, pour couronner le tout, il a séjourné dans une suite luxueuse à 7 000 $ la nuit avec majordome privé, afin de pouvoir s’amuser avec Gregory Charles au piano-bar, le tout aux frais des contribuables. Bien entendu, c’était pour assister aux funérailles de la reine.

Sénateur Gold, ne pensez-vous pas que c’est une question qui mérite une réponse pour ceux qui ont payé la facture? Après tout, vous êtes le leader du gouvernement au Sénat et membre du Conseil privé. Cependant, vous êtes également notre représentant dans cette Chambre. Par ailleurs, vous siégez au Conseil privé pour une raison : nous donner des réponses transparentes à nos questions.

En toute franchise, il est tout simplement inacceptable, compte tenu de votre rôle ici, de passer des jours et des semaines sans donner de réponse aux contribuables. Qui a séjourné dans cette chambre? Ce n’est pourtant pas une question compliquée.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question et de l’observation qui l’a précédée. Je répète encore une fois — même si je sais que vous n’êtes pas satisfait de la réponse — que j’ai fourni toute l’information que je suis en mesure de fournir et que je n’ai rien à ajouter à ma déclaration.

L’environnement et le changement climatique

Le plan de réduction des émissions pour 2030

L’honorable Mary Coyle : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, la semaine dernière, le Programme des Nations unies pour l’environnement a publié son Rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction d’émissions pour 2022. Ce rapport révèle que de nombreux pays n’ont pas pris de mesures adéquates pour lutter contre la crise climatique mondiale. Il indique en outre que, étant donné ses politiques actuelles, le Canada ne devrait vraisemblablement pas atteindre sa contribution déterminée au niveau national en vertu de l’Accord de Paris, soit la cible nationale de réduction de 40 à 45 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005, d’ici 2030.

Ce grave écart a été relevé dans des études indépendantes. En outre, l’analyse effectuée par le Réseau Action Climat Canada et Ecojustice Canada appuie cette conclusion. Sénateur Gold, à la veille de la COP 27, pourriez-vous nous dire quand et comment le gouvernement envisage d’améliorer son plan climatique afin que le Canada puisse atteindre ces cibles cruciales d’ici 2030?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement répond à la véritable crise climatique en mettant en œuvre un plan ambitieux visant à stimuler une économie propre et à créer des emplois durables. Il s’agit d’une approche sectorielle ambitieuse et réalisable qui permettra au Canada d’atteindre ses objectifs pour 2030. Les mesures qui sont mises en place sont sérieuses, elles évolueront avec le temps et commenceront à donner plus de résultats.

Le plan est lui-même le fruit d’une vaste consultation. Le gouvernement a recueilli les commentaires de plus de 30 000 Canadiens. Il les a principalement recueillis auprès des divers secteurs qui ont été consultés.

Le gouvernement demeure résolu à lutter contre les changements climatiques. Il demeure résolu à évaluer les progrès qu’il réalise et demeure convaincu que son plan peut atteindre ses objectifs et qu’il le fera.

La sénatrice Coyle : Merci, sénateur Gold. J’espère cependant que cet écart sera comblé. C’est bien que de bonnes choses se passent, mais il y a un écart, et nous devons trouver un moyen de le combler.

Sénateur Gold, en parlant d’atteindre ces objectifs, la semaine dernière, l’Agence internationale de l’énergie a publié son document sur les perspectives énergétiques mondiales de 2022, le World Energy Outlook 2022. Le rapport suggère que le Canada devrait explorer des moyens d’accroître le rôle du gouvernement fédéral dans le renforcement de sa connectivité interprovinciale et l’accélération des projets clés de modernisation et d’électrification du réseau.

Nous avons récemment entendu le sénateur Mockler parler du projet de boucle de l’Atlantique, en la qualifiant de projet d’édification nationale. Le rapport suggère également que le gouvernement fédéral augmente le financement visant à accélérer la recherche, le développement et l’innovation en matière de technologies d’énergie propre afin d’atteindre les objectifs de 2050.

Ma question pour vous, sénateur Gold, est la suivante : ces recommandations concernant la modernisation du réseau, la connectivité interprovinciale, y compris la boucle de l’Atlantique, ainsi que la recherche, le développement et l’innovation en matière de technologies d’énergie propre seront-elles prises en compte dans la prochaine norme sur l’électricité propre et peut-être la mise à jour budgétaire de mi-exercice présentée aujourd’hui? Avons-nous plus de précisions quant au moment de l’annonce de la norme sur l’électricité propre?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai mentionné, le gouvernement prend des mesures pour atteindre non seulement les cibles de 2030, mais aussi la carboneutralité d’ici 2050. À l’heure actuelle, honorables sénateurs, je présume que vous savez que notre réseau électrique fonctionne à plus de 80 % sans produire d’émissions. En outre, la norme sur l’électricité propre amènera le Canada à décarboner d’autres secteurs de notre économie, comme le transport et le chauffage d’immeubles.

Cette norme entraînera la création de meilleurs emplois, l’assainissement de l’air, la transition des installations de production d’électricité vers des méthodes non émettrices. Par ailleurs, les nouvelles installations de production d’énergie bâties au Canada devront être propres. Le gouvernement demeure déterminé à réaliser ces objectifs.

En ce qui concerne la norme sur l’électricité propre, pour répondre à votre question, j’ai été informé qu’elle sera mise en œuvre à compter de 2024-2025.

Les relations Couronne-Autochtones

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones

L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, en septembre et en octobre, le ministre Miller et le ministre Lametti ont parlé au Sénat du travail que fait le gouvernement en vue d’élaborer et de mettre en œuvre, d’ici juin 2023, un plan d’action axé sur le respect de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous avons entendu que des fonds avaient été distribués dans le but de soutenir la capacité de consultation. Nous avons aussi entendu que le gouvernement se tourne vers les groupes de dirigeants autochtones pour guider l’organisation du processus de consultation.

Sénateur Gold, le gouvernement est-il convaincu qu’il pourra mettre de l’avant un plan d’action réfléchi et efficace pour l’échéance prévue? Le Sénat pourrait-il faire quelque chose pour contribuer à ce travail?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je commencerai par répondre à la fin de votre question. Le Sénat a déjà joué un rôle important grâce à son étude sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et, du moins dans certains secteurs, une majorité de sénateurs sont sûrement favorables à la concrétisation de cette déclaration. Je crois que le Sénat peut et doit continuer — par l’entremise du Comité des peuples autochtones, de déclarations et d’interpellations — à mettre en lumière les progrès qu’il reste à faire, pour que le gouvernement voie que les parlementaires portent attention à ce dossier et l’en tiennent responsable.

Pour répondre à votre question, comme je l’ai dit, le gouvernement est en consultation avec les Premières Nations, les Inuit et les Métis, et il collabore avec eux pour assurer l’uniformité de la loi fédérale, pour élaborer le plan d’action dont vous avez parlé et pour rédiger des rapports annuels sur les progrès afin de garantir que nous ne fléchissions pas.

Sur ce dernier point, je précise que ces rapports sont censés être soumis au Parlement pour que nous puissions assurer une surveillance. On m’a informé que le début des travaux a surtout été consacré à aider les partenaires autochtones à participer au processus de mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, notamment pour faciliter les consultations dirigées par les Autochtones à cet égard. La collaboration visant à combler les écarts socioéconomiques — qui, nous le savons, sont trop grands —, à faire avancer la réconciliation et à renouveler les relations demeure une priorité pour le gouvernement.

On m’a rassuré que, comme l’a répété le gouvernement lors du 15e anniversaire de la déclaration, le plan d’action sera terminé à temps.

Le sénateur Klyne : Je suis rassuré. Merci.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Le logement abordable

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement, qui n’osera certainement pas mettre en doute mon entrée en matière, puisque ce sont des chiffres de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) que je vais lui citer.

Pour contrer la crise actuelle du logement, la SCHL estime que le Canada aura besoin de 3,5 millions de nouveaux logements d’ici 2030; c’est énorme. Pour le Québec, il faudra 1,3 million de nouveaux logements d’ici 2030 pour établir une certaine normalité.

La SCHL affirme que 84 % des immigrants qui entrent au Canada sont d’abord des locataires, et tous peuvent facilement constater que la majorité des immigrants choisissent de s’établir dans de grands centres comme Toronto, Montréal et Vancouver.

Quand le ministre de l’Immigration, M. Fraser, dit vouloir hausser à 500 000 par année le nombre d’immigrants que le Canada va accueillir dès 2025, pouvez-vous nous dire ce qu’il a vu dans sa boule de cristal comme options pour loger tous ces nouveaux venus alors que déjà ici, les Canadiens ont de la difficulté à se trouver un endroit convenable à un prix raisonnable pour leur famille?

Est-ce que le ministre manque de sens humanitaire à un point tel que certains des nouveaux arrivants devront être logés pendant 12 à 18 mois dans des hôtels aux frais des contribuables?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Non, le ministre de l’Immigration ne manque pas d’humanité et il a fixé cette cible pour le bien-être de la société canadienne et l’avenir de notre économie.

Pour ce qui est de la question des défis relatifs au logement pour les Canadiens ou ceux et celles qui nous rejoindront, le gouvernement a pris beaucoup de mesures pour faire sa part, en partenariat avec le secteur privé, les provinces et les municipalités, en vue d’augmenter la construction de nouveaux logements. Cela comprend, entre autres, dans le contexte du budget de 2022, un investissement de 4 milliards de dollars dans un fonds pour de nouveaux logements, le Fonds pour accélérer la construction de logements, pour donner un coup de main aux municipalités afin d’accélérer la construction et de créer 100 000 nouveaux logements.

Ce même budget prévoit un investissement de 1,5 milliard de dollars pour continuer l’Initiative pour la création rapide de logements afin de créer des milliers de logements abordables. Il y a de plus une avance de 2,9 milliards de dollars accordée dans le cadre du Fonds national de co-investissement pour le logement, afin de construire et de réparer 22 000 unités de logement. Finalement, dans le même contexte budgétaire, il y a un investissement de 1,5 milliard de dollars pour la promotion et l’expansion de l’habitation coopérative.

L’immigration francophone

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Le Canada rate ses cibles en matière de lutte contre les changements climatiques. Le Canada rate sa cible pour le nombre d’immigrants francophones qui entrent au pays. On est tous à même de constater l’inefficacité de la fonction publique à traiter les dossiers des immigrants et, tant qu’à y être, les dossiers des migrants du chemin Roxham.

Quand le ministre de l’Immigration fait passer la cible proportionnelle d’immigrants de 50 000 à 113 000 pour le Québec, pouvez-vous nous dire comment votre gouvernement peut contester et nier les appréhensions du premier ministre du Québec quant à la menace que cela représente pour la langue française?

J’espère que vous ne me direz pas qu’il y a de l’argent prévu pour cela.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : L’immigration au Canada, soit au Québec ou ailleurs, est essentielle pour le bien-être de notre société et notre avenir. Comme vous le savez, le Québec a une panoplie de pouvoirs uniques au Canada en ce qui concerne le choix de ses immigrants. Le Québec a aussi pleine juridiction pour la mise en place de programmes de francisation et d’intégration des nouveaux arrivants. De plus, le gouvernement du Canada est un partenaire fidèle du gouvernement du Québec lorsqu’il s’agit de lui donner un coup de main dans ses efforts pour mieux recevoir et intégrer les immigrants francophones.

À mon avis, en tant que Québécois né à Montréal et comme résidant de l’Estrie, je suis convaincu que la grande majorité des Québécois qui ont un contact quotidien avec de nouveaux arrivants croient que l’immigration, au Québec comme ailleurs, est une bonne chose, non seulement pour le Québec et la société, mais pour l’avenir de la langue française qui nous tient à cœur.

[Traduction]

Les affaires étrangères

Taïwan

L’honorable Marilou McPhedran : L’importance des relations entre le Canada et Taïwan va au-delà de la sécurité entre Beijing et Taïpei dans le détroit. Plus de 60 000 Canadiens vivent à Taïwan, et plus de 200 000 Canadiens sont d’origine taïwanaise. Malheureusement, le Canada a cessé de reconnaître officiellement Taïwan comme une nation en 1970. De nombreux gouvernements adhèrent à la politique d’une seule Chine, déclarant que l’indépendance de Taïwan est une question interne qui ne regarde que la Chine. Le Canada commerce avec Taïwan à hauteur d’environ 10 milliards de dollars au total par an, mais que faisons‑nous lorsque des agressions, des manipulations économiques ou des menaces militaires chinoises prennent pour cible cet État insulaire démocratique?

Sénateur Gold, à l’époque où j’ai travaillé à l’ONU à Genève, j’ai vu comment la Chine utilisait des moyens politiques détournés et des insinuations qui équivalaient à des menaces économiques pour s’opposer à Taïwan. Pendant la pandémie de COVID, Taïwan a mis en place des normes strictes de prévention et de protection en matière de santé publique en utilisant des indicateurs sanitaires et économiques. La Chine s’est montrée plus agressive à l’égard de Taïwan.

Son Honneur le Président : Sénatrice McPhedran, comme je l’ai mentionné hier, il y a un certain nombre de personnes à qui je n’accorde pas la parole tous les jours et qui veulent poser des questions. Pourriez-vous, s’il vous plaît, essayer d’en venir à votre question?

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie du rappel, Votre Honneur.

Sénateur Gold, il y a quelques semaines, une délégation de députés canadiens, menée par l’honorable Judy Sgro, s’est rendue à Taïwan pour rencontrer des législateurs qui ont publiquement demandé au Canada d’assurer à cet État démocratique autonome qu’il pourra compter sur son appui en cas d’attaque ou de blocus de la part de la Chine, afin de décourager de telles agressions. Que compte faire le gouvernement en réponse à cette demande claire et pressante de la part de Taïwan?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Nous savons tous que la relation du Canada avec la Chine, et par le fait même avec Taïwan, est complexe. Le Canada n’est pas le seul pays à devoir composer avec cette situation.

En ce qui concerne Taïwan, que le Canada considère comme un partenaire précieux, et votre question sur les intentions, les agressions et les attitudes belliqueuses de la Chine, je vous rappelle qu’en octobre 2021, des navires de guerre canadiens ont navigué dans le détroit qui sépare la Chine de Taïwan avec des navires de guerre américains. Le Canada gère sa relation complexe avec la Chine de manière à traiter aussi avec un profond respect les liens qu’il entretient avec Taïwan.

(1450)

La sénatrice McPhedran : En janvier 2022, le Canada a annoncé la tenue de discussions exploratoires avec Taïwan à propos d’un accord sur la protection des investissements étrangers, une décision fondée sur des données probantes. Vous connaissez ces données probantes, et je ne peux pas les expliquer dans ce court laps de temps.

Sénateur Gold, la ministre Freeland a récemment demandé une réévaluation des alliances et des partenariats mondiaux, ainsi que la rupture des liens avec les autocraties. Le gouvernement considère‑t‑il qu’un partenariat accru avec Taïwan constitue un exemple de la doctrine Freeland voulant consolider l’approvisionnement auprès de pays amis?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question en particulier, mais je peux souligner l’intérêt du gouvernement et sa volonté d’élargir ses relations avec Taïwan dans la sphère du commerce. Le gouvernement a accepté d’entamer ces discussions exploratoires sur un accord de protection et d’investissements étrangers avec Taïwan et il poursuivra ces discussions.

Le coût de la délégation aux funérailles de Sa Majesté la reine Elizabeth II

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, en 2012, l’ancienne ministre Bev Oda a été talonnée par les partis de l’opposition en raison d’un séjour à l’hôtel, à Londres. Sa chambre avait coûté 665 $ la nuit. Revenons au temps présent. Le premier ministre Trudeau vient d’extorquer plus de 10 fois ce montant aux contribuables canadiens : 7 300 $ la nuit pour une luxueuse suite de 900 pieds carrés à Londres.

La semaine dernière, vous avez tenté d’expliquer cette dépense scandaleuse du premier ministre du haut de votre position de résidant des Laurentides en demandant « à quand remonte la dernière fois où vous avez essayé de louer une bonne chambre d’hôtel à Londres ». Ouf! La ministre Oda a remboursé ses frais d’hôtel. Quand le premier ministre, qui est né avec une cuillère d’argent dans la bouche, remboursera-t-il les siens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, vous faites des suppositions dans votre question…

La sénatrice Batters : Il l’a avoué hier.

Le sénateur Gold : … que je ne peux pas confirmer.

La sénatrice Batters : La ministre Oda a également remboursé les 16 $ qu’elle avait notoirement déboursés pour un verre de jus d’orange. Je suis curieuse de savoir ceci, sénateur Gold : est-ce qu’un petit-déjeuner était inclus dans la facture de 7 300 $ la nuit pour la luxueuse suite River du premier ministre Trudeau? Si ce n’est pas le cas, combien d’argent les contribuables canadiens devront-ils payer pour le jus d’orange?

Le sénateur Gold : Encore une fois, sénatrice Batters, avec tout le respect que je vous dois et que je dois à cette assemblée, je ne cherche pas à marquer des points ou à faire le malin. Tout ce que je peux dire, c’est que je n’ai pas d’autre information à donner pour l’instant parce que je ne sais rien d’autre à ce sujet. Je ne suis donc pas en mesure de vous communiquer d’autre information. J’ai déjà répondu à votre question. J’espère que les sénateurs accepteront que je n’ai rien d’autre à leur offrir à ce stade-ci.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-31, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi no 2 sur l’allègement du coût de la vie (soutien ciblé aux ménages)

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif.

J’aimerais remercier les sénateurs Yussuff, Seidman, Omidvar et Simons pour leurs interventions qui nous ont permis d’en savoir plus sur les soins dentaires au Canada.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, j’ai consacré 48 ans de ma vie au dossier de la prestation de soins dentaires. Les soins dentaires me tiennent à cœur et, par mon travail, j’ai donné à la dentisterie la place qu’elle mérite.

En ce qui concerne ce projet de loi, chers collègues, je suis préoccupée par l’absence de réponses adéquates aux questions soulevées par moi-même et par d’autres professionnels de la santé dentaire. Je m’inquiète de cette approche à court terme alors que la prévention et la gestion efficaces de la plupart des maladies dentaires exigent une vision à long terme. Par ailleurs, nous avons déjà des modèles provinciaux de santé dentaire publique qui fournissent des soins. Ces cliniques doivent être mieux soutenues et financées pour leur permettre de fournir d’autres soins sur le long terme.

La plupart des systèmes de soins dentaires sont encore structurés autour de la prestation de services de soins aigus, c’est-à-dire de soins d’urgence comme le soulagement de la douleur. Cette approche traditionnelle basée sur un traitement individuel à haut risque est coûteuse et la recherche a prouvé sa faible efficacité.

Honorables sénateurs, j’ai vu les programmes pour les soins dentaires des enfants qui existaient dans les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan dans les années 1970 et 1980. Ils offraient des soins dentaires dans les écoles aux enfants d’âge scolaire, principalement dans les secteurs ruraux. La majorité des enfants dans les villages ruraux de la Saskatchewan ont fini par recevoir des soins préventifs, ce qui coûtait au gouvernement et aux contribuables environ 80 $ par année par élève. Malgré les résultats éloquents dans ces deux provinces, les programmes ont été progressivement éliminés en raison des pressions exercées par les associations dentaires de ces provinces. On peut constater les tiraillements entre le modèle de prestation de soins dentaires public et le modèle de prestation privé. Quel modèle la proposition à l’étude favorisera-t-elle?

Chers collègues, j’ai également remarqué dans le projet de loi que les dentothérapeutes ne sont pas inclus dans la définition de « services de soins dentaires ». Or, en Saskatchewan et au Manitoba, les dentothérapeutes formés à l’échelle fédérale ou provinciale sont des professionnels de la santé autorisés qui, de nos jours, fournissent la majorité des soins aux enfants dans les cabinets dentaires. Par contre, au Manitoba, certains dentothérapeutes formés à l’échelle fédérale ne sont pas reconnus par l’Association dentaire du Manitoba. Ils continuent de travailler dans les réserves sans permis d’exercice et sans assurance contre la faute professionnelle, à leurs propres dépens. Ces dentothérapeutes formés à l’échelle fédérale ont été formés à la faculté dentaire de l’Université de Toronto. J’ai communiqué avec l’Association dentaire du Manitoba pour savoir pourquoi l’autorisation de ces deux groupes diffère, mais je n’ai pas reçu de réponse.

Il y a également des travailleurs de l’Initiative en santé buccodentaire des enfants embauchés dans le cadre d’un programme fédéral qui sont formés pour travailler dans les communautés, mais qui travaillent sans détenir de diplôme. Ils sont autorisés à appliquer le traitement au fluor, alors que les assistants dentaires qualifiés, eux, n’ont pas le droit de le faire au titre des normes de soins de leur province. Il est inimaginable que des fournisseurs de soins non reconnus, n’ayant ni licence ni assurance contre la faute professionnelle, soient autorisés à travailler avec des enfants simplement parce qu’ils vivent dans une réserve. C’est ce qu’on appelle du racisme sanitaire géographique et systémique.

Par conséquent, une grande question demeure : le projet de loi sera-t-il amendé pour inclure les dentothérapeutes, d’autant plus que ces derniers délivrent des permis et réglementent leur propre profession en Saskatchewan et qu’ils veulent faire la même chose au Manitoba?

Honorables sénateurs, le démantèlement du Programme de soins dentaires pour enfants a notamment eu comme contrecoups la fermeture en 2011 de l’École nationale de dentothérapie, à Prince Albert, en Saskatchewan. L’École nationale de dentothérapie, qui était supervisée par des dentistes de l’Université de Toronto, était située au départ à Hay River, dans les Territoires du Nord-Ouest. Toutefois, comme les dentothérapeutes avaient réussi à traiter tous les habitants de la ville, on a dû déplacer l’école à Prince Albert. Je crois comprendre qu’une nouvelle école de dentothérapie rattachée à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de la Saskatchewan ouvrira ses portes à La Ronge. Je sais également que des discussions ont lieu avec différentes écoles pour former des hygiénistes dentaires afin qu’ils deviennent des dentothérapeutes.

La question de la main-d’œuvre durable s’étend aussi à d’autres professions liées à la santé dentaire. On a de la difficulté à recruter et à retenir des cliniciens en santé buccodentaire pour prodiguer des soins. Quand j’étais à Winnipeg, j’ai demandé à des dentistes s’ils seraient en mesure de prendre en charge l’afflux de jeunes patients que le projet de loi risque de créer. J’ai aussi demandé qui indiquerait aux clients quels cabinets leur fourniraient des soins. Il y a plus de 650 cabinets à Winnipeg, mais il manque l’infrastructure adéquate pour traiter la charge accrue qu’ils devront accepter. De plus, je ne sais pas qui dirigerait une telle initiative. Beaucoup de dentistes donnent déjà rendez-vous plusieurs mois à l’avance à leurs patients existants. Les dentistes seront-ils disposés à déplacer les rendez-vous de certains de leurs patients pour accommoder les bénéficiaires d’un programme provisoire qui comporte un niveau indéterminé d’exigences administratives?

(1500)

Chers collègues, sous la rubrique « Demande », à l’article 8, il est précisé que la demande doit contenir les nom, adresse et numéro de téléphone du dentiste, denturologiste ou hygiéniste dentaire — c’est ici que manque la mention de dentothérapeute — auprès duquel la personne à l’égard de laquelle la demande est présentée a reçu ou recevra des services de soins dentaires. Il faudra également préciser dans la demande le mois au cours duquel les services ont été reçus ou, selon l’intention du demandeur, seront reçus.

Compte tenu de ce que j’ai vu lorsque je travaillais dans le domaine, je peux dire que très peu de dentistes fourniront des soins en sachant qu’ils seront payés à une date ultérieure, en dépit de ce qui a été dit hier soir lors de la séance du Comité des finances. Qui plus est, les membres de nombreuses Premières Nations se voient refuser des services dentaires faute de pouvoir payer à l’avance.

Dans d’autres cas, il arrive que des compagnies d’assurance envoient par mégarde le chèque au patient plutôt qu’au fournisseur du service. En pareille situation, le fournisseur n’a aucun recours pour réclamer le paiement si le patient ne lui transmet pas le chèque.

Que se passe-t-il si le demandeur décide de faire appel à un autre prestataire — ce qui est son droit — ou s’il reçoit ce chèque mais ne le dépense pas pour les soins prévus? C’est une possibilité bien réelle, car bon nombre de ces gens pourraient avoir à choisir de dépenser l’argent qu’ils reçoivent pour acheter de la nourriture ou des vêtements afin de répondre aux besoins essentiels de leurs enfants.

Comme nous l’avons vu, le même cas de figure s’est présenté avec la PCU, que de nombreuses personnes qui n’y avaient pas droit ont demandée parce qu’elles en avaient besoin pour répondre à leurs besoins essentiels. Il s’agit de préoccupations importantes dont il faut tenir compte.

Honorables sénateurs, j’aimerais parler d’un autre programme de soins dentaires qui fonctionne bien et qui est offert aux enfants de la deuxième à la sixième année dans les écoles participantes de la division scolaire de Winnipeg, qui compte une forte proportion de ménages à faible revenu. La prestation de ce programme est assurée par des étudiants en médecine dentaire de la Faculté de médecine dentaire de l’Université du Manitoba, de concert avec Variety, un organisme de bienfaisance pour les enfants du Manitoba.

Les étudiants en médecine dentaire de troisième et de quatrième année, qui sont au nombre de 70, travaillent aux côtés d’hygiénistes dentaires et d’assistants dentaires sous la supervision de dentistes pour sensibiliser et examiner les enfants à l’école. En général, la moitié des enfants examinés nécessitent un traitement. Au début des années 2000, j’étais moi-même l’une des instructrices dans le cadre de ce programme et j’ai pu constater de mes propres yeux les besoins considérables de ces enfants en milieu urbain.

Dans le rapport de 2021-2022, on peut lire que 17 écoles ont participé au programme, que 2 053 élèves ont été examinés et que 21 % d’entre eux ont reçu un traitement. Les étudiants en médecine dentaire ont dispensé 733 traitements, améliorant ainsi la qualité de vie de 199 enfants au total.

Marsha Missyabit, vice-principale de l’école Niji Mahkwa, a dit ceci :

Cette année, notre école s’est sentie très soutenue par le programme de sensibilisation aux soins dentaires. Les élèves qui ont participé au programme étaient très à l’aise et avaient des choses agréables à dire. La communication était efficace et nos besoins ont été pris en considération avec respect. Merci de tout votre soutien!

En 2019, Variety a commencé à appuyer SMILE plus, un partenariat entre l’Université du Manitoba et l’Office régional de la santé de Winnipeg qui fournit des soins dentaires gratuits aux enfants de la maternelle et de la première année dans certaines écoles. Ces soins sont dispensés grâce à des dons privés.

Honorables sénateurs, j’attire votre attention sur ces programmes qui fonctionnent parce qu’ils peuvent servir de modèles de mise en œuvre. Les universités elles-mêmes sont d’excellents sites pour la prestation de soins dentaires selon un modèle de santé publique.

Pourtant, chers collègues, un élément du projet de loi C-31 qui me préoccupe grandement découle de mes discussions avec divers groupes et personnes qui s’inquiètent de l’inadéquation du montant de 650 $. On a dit que ces enfants n’avaient besoin que pour 650 $ de traitements. Ce montant permettrait de faire un examen, de réaliser des radiographies et d’effectuer seulement deux ou trois réparations. Si c’est tout ce dont ils ont besoin, ces enfants n’ont vraiment pas besoin de beaucoup de soins. Toutefois, je ne crois pas que ce soit le cas. Comme l’ont dit certains sénateurs, ces enfants auront besoin de soins buccaux complets, surtout les groupes qui ont eu très peu d’accès, voire aucun, aux soins buccodentaires.

Lorsque j’ai témoigné devant le Comité de la santé de la Chambre des communes, en 2003, ce comité se penchait sur le montant offert dans le cadre du Programme des services de santé non assurés. À l’époque, il s’agissait de 800 $. Le comité avait indiqué que c’était insuffisant et avait eu un rôle à jouer dans le fait qu’il soit finalement porté à 1 000 $, un montant qu’il considérait toujours comme inadéquat.

De nombreux professionnels de la santé ont admis que les soins dentaires sont inaccessibles pour bien des gens, et cela englobe tous les groupes d’âge au pays. Qui est le plus à risque et que va-t-on faire pour offrir une certaine égalité et une certaine équité à ces groupes?

Beaucoup de gens n’ont pas accès à des soins dentaires appropriés en temps opportun pour les motifs énoncés par le Collège de médecine dentaire de l’Université du Manitoba, dont ceux-ci : l’accessibilité, la disponibilité, l’accommodement, la sensibilisation et l’acceptabilité.

Comme je l’ai déjà dit auparavant, l’écart entre les tranches de revenus de 70 000 $ et de 30 000 $ est énorme et il existe des répercussions négatives possibles pour la tranche de revenus de 30 000 $ à 40 000 $. Ce groupe manque de ressources comme Internet, des téléphones, des places en garderie, le transport, ainsi que des compétences pour naviguer à travers le nouveau système bureaucratique qui limitait déjà l’accès aux soins lorsque j’étais dentiste il y a 20 ans. Il continue de le limiter encore aujourd’hui.

Outre la bureaucratie, l’Agence du revenu du Canada risque de constituer un autre obstacle majeur, en particulier pour ceux qui n’ont pas accès à un ordinateur ou qui ne sont pas inscrits au dépôt direct.

Dans le discours d’hier, j’ai appris que les Canadiens recevront un paiement initial afin de pouvoir compter sur l’aide plus rapidement. Cela allège une partie du fardeau des personnes qui ne peuvent pas payer d’avance.

Cependant, qu’en est-il des parents qui n’ont pas de compte bancaire ni de connaissances en matière de finances? Comment le gouvernement veillera-t-il à ce que ces gens aient accès aux soins dentaires de manière équitable par rapport aux familles dans la tranche des 70 000 $ de revenus, qui auront plus de ressources?

Honorables sénateurs, je tiens à vous faire part de mon profond malaise par rapport à la vitesse accélérée avec laquelle ce projet de loi a franchi les étapes jusqu’à maintenant. Est-ce parce qu’il est à l’origine d’un risque de déclenchement d’une élection générale s’il n’est pas adopté avant décembre, ou parce que l’Agence du revenu du Canada veut qu’il soit adopté d’ici le 18 novembre?

Je dois souligner que faire notre travail sous la contrainte n’est pas la bonne manière de lancer le régime universel de soins dentaires. Dépenser les deniers publics est une responsabilité que nous devons prendre au sérieux, sans nous précipiter.

[Note de la rédaction : La sénatrice McCallum s’exprime en cri.]

Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Yussuff, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 15 novembre 2022, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1510)

[Traduction]

Le Code criminel
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole pour lancer le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-5, qui propose des modifications importantes au Code criminel et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

[Français]

Je tiens tout d’abord à remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour leur étude réfléchie et approfondie étalée sur cinq semaines, au cours de neuf réunions. Je tiens également à remercier le personnel de soutien qui a rendu son travail possible, ainsi que les dizaines de témoins qui ont comparu et remis des mémoires au comité. Bien que le projet de loi C-5 soit relativement court, il revêt une importance considérable, comme en témoigne le grand intérêt manifesté par les intervenants et les sénateurs.

[Traduction]

Il a pour principal objectif de nous rapprocher, dans le domaine pénal, d’un régime de détermination de la peine dans lequel les sanctions seront toujours bien adaptées au délinquant et à l’infraction, au lieu d’un régime agissant comme un instrument plutôt rudimentaire qui frappe avec une force et une fréquence disproportionnées les personnes autochtones, les personnes noires et les membres d’autres communautés marginalisées.

Le projet de loi comprend trois grands éléments.

Premièrement, il propose une façon différente de traiter la possession simple de drogue en droit pénal canadien, d’une part en exigeant que la police et le poursuivant donnent priorité à d’autres solutions qu’une mise en accusation au criminel, d’autre part en instaurant l’expiration automatique des casiers judiciaires pour possession de drogue après deux ans.

Deuxièmement, le projet de loi supprime les restrictions imposées, en 2007 et en 2012, à l’utilisation des ordonnances de sursis. Ces ordonnances, qui prévoient des peines en milieu ouvert, permettent à certains délinquants qui ne présentent pas de risque pour la sécurité publique de rester dans leur communauté sous réserve de certaines conditions, comme une détention à domicile ou du counseling obligatoire, pour n’en nommer que deux.

Troisièmement, le projet de loi abroge des peines minimales obligatoires, notamment celles qui concernent toutes les infractions liées aux drogues, certaines infractions liées aux armes à feu, des infractions liées à l’importation d’armes comme les coups-de-poing américains et les vaporisateurs de poivre, et une infraction concernant le tabac de contrebande.

Ces mesures ne régleront pas tous les problèmes du système de justice pénale canadien, chers collèges; aucune mesure législative n’y parviendrait. Mais comme de nombreux témoins l’ont dit au comité, le projet de loi C-5 marque un pas important dans la bonne direction.

En fait, des avocats criminalistes en exercice, y compris un représentant de l’Association du Barreau canadien, ont exhorté le comité à adopter le projet de loi le plus rapidement possible, car, à l’heure actuelle, il y a des affaires dans le système dont la résolution est retardée dans l’espoir que le projet de loi C-5 soit bientôt adopté.

Dans mon dernier discours devant la Chambre, j’ai décrit en détail le contenu du projet de loi — et je serai heureux de le faire à nouveau en réponse à vos questions —, mais je vais concentrer mes remarques aujourd’hui sur les témoignages que nous avons entendus en comité au sujet des trois principales parties du projet de loi.

Premièrement, parlons des mesures de déjudiciarisation pour les infractions de possession simple de drogues.

En ce qui concerne les solutions de rechange aux accusations criminelles pour possession de drogues, la Société John Howard a exprimé au comité son fort appui pour le projet de loi. Sa directrice générale, Catherine Latimer, a souligné la similitude entre cet aspect du projet de loi C-5 et un article comparable de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dont il a été démontré qu’il fait « en sorte que moins de gens se retrouveront dans le système de justice pénale pour des accusations moins graves ». Selon Mme Latimer, ces dispositions « permettront aux personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie d’être aiguillées vers des programmes communautaires où une aide réelle pourrait être disponible ».

[Français]

La Société John Howard, l’Association canadienne des chefs de police et la Fédération de la police nationale, laquelle représente les agents de la GRC, ont toutes souligné la nécessité d’accroître les ressources disponibles pour les programmes de traitement et de déjudiciarisation dans les collectivités du Canada afin que cette section du projet de loi C-5 puisse réaliser son plein potentiel. Le rapport du comité comprend des observations allant dans le même sens, lesquelles ont été suggérées par le sénateur Dalphond, et que j’ai eu le plaisir d’appuyer. Comme l’a souligné la sénatrice Simons pendant l’étude article par article, et je la cite : « nous ne pouvons pas détourner les gens s’il n’y a pas d’endroit où les envoyer ». Le gouvernement est d’accord, c’est pourquoi il a accru son soutien pour envoyer les gens, par exemple, vers les centres de justice communautaire.

[Traduction]

Dans son témoignage, le ministre a donné l’exemple d’une entente conclue en Colombie-Britannique plus tôt cette année entre le gouvernement fédéral, la province et le BC First Nations Justice Council pour appuyer et élargir les programmes de justice communautaires dirigés par les Autochtones. Le gouvernement fédéral compte continuer à appuyer ce type de programmes, en collaboration avec ses partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones en Colombie-Britannique et à l’échelle du Canada.

Le comité a aussi entendu des témoins soutenir que la décriminalisation de toutes les drogues était la seule façon de changer véritablement la donne. À ce sujet, je signale que la Colombie-Britannique décriminalisera la possession simple de drogues au début de l’année prochaine, en raison d’une entente conclue entre la province et le gouvernement fédéral. Il ne fait aucun doute que nous apprendrons beaucoup de choses de cette expérience. Nous pourrons appliquer certaines d’entre elles dans d’autres parties du pays ou au fédéral.

Le point essentiel à retenir, c’est que ce changement en Colombie-Britannique découle d’un vaste processus de consultation, de collaboration et de planification avec cette province et qu’il bénéficie de son plein appui. Le reste du pays n’en est pas encore rendu là. Cependant, il y a une mesure que nous pouvons prendre sans tarder : nous pouvons ordonner aux policiers et aux poursuivants de l’ensemble des provinces et des territoires d’éviter, dans la plupart des cas, de porter des accusations criminelles pour la possession de drogues. C’est ce que propose le projet de loi C-5.

Je sais que certains sénateurs ont exprimé des inquiétudes quant à la façon dont le pouvoir discrétionnaire de la police est utilisé, compte tenu de la réalité de la discrimination systémique. Je le répète, c’est un facteur que le comité a souligné dans ses observations. C’est un argument valable et c’est pourquoi le projet de loi prévoit expressément que les dossiers relatifs à la déjudiciarisation, dont les identificateurs personnels sont supprimés, peuvent être fournis aux chercheurs dans le but d’évaluer l’usage du pouvoir discrétionnaire par les policiers.

Ces travaux seront facilités par les récents investissements du gouvernement dans la collecte de données désagrégées, en particulier dans le domaine de la justice pénale. Mieux nous comprendrons comment les options de déjudiciarisation sont appliquées et si la déjudiciarisation est plus ou moins pratiquée dans certaines parties du pays ou envers les membres de certaines communautés, mieux nous serons équipés pour identifier et corriger les inégalités.

Ensuite, il y a les ordonnances de sursis.

En ce qui concerne la deuxième partie du projet de loi, qui propose de supprimer les restrictions liées aux ordonnances de sursis, nous avons entendu les témoignages enthousiastes d’un certain nombre d’intervenants. Le criminaliste Michael Spratt a donné la note A à cette partie du projet de loi. Tony Paisana, qui représentait l’Association du Barreau canadien, a dit au comité que cette partie du projet de loi C-5 fait « partie des plus importantes réformes du droit pénal des 10 dernières années, si ce n’est pas la plus importante ».

Selon le mémoire de l’Association des femmes autochtones du Canada, l’accès amélioré aux ordonnances de sursis que permet le projet de loi C-5 « commencera immédiatement » à faire baisser le taux de surincarcération des femmes autochtones.

[Français]

Les peines avec sursis existent dans le droit pénal canadien depuis leur introduction dans les années 1990 par Allan Rock, alors ministre de la Justice. Pour les peines de moins de deux ans, lorsqu’un juge détermine que la sécurité publique ne serait pas menacée, les délinquants peuvent purger leur peine dans la collectivité, sous réserve de certaines conditions. Le cas échéant, cela pourrait permettre d’obtenir de meilleurs résultats en matière de réhabilitation, puisque les liens avec l’emploi, la famille et les soutiens communautaires peuvent être maintenus.

(1520)

Cela se révèle particulièrement important dans les collectivités éloignées et nordiques, où le pénitencier le plus proche peut se trouver à des centaines ou des milliers de kilomètres. C’est d’autant plus important lorsqu’il y a des enfants impliqués, qui pourraient être confiés aux Services de protection de l’enfance si leur parent se retrouvait en prison.

Raphael Tachie, président de l’Association des avocats noirs du Canada (AANC), a souligné que les peines avec sursis sont essentielles pour lutter contre les récidives, car elles peuvent permettre aux délinquants de maintenir des liens familiaux, des relations d’emploi et des engagements scolaires, tout en les obligeant de rendre compte de leur crime.

Chers collègues, je voudrais prendre un instant pour reconnaître le point de vue exprimé au comité — notamment par le sénateur Boisvenu — selon lequel les peines avec sursis peuvent permettre aux délinquants dangereux de demeurer chez eux ou dans leur collectivité. Honorables sénateurs, je sais que ce point de vue est fondé sur une préoccupation réelle pour la sécurité de la collectivité, surtout pour les victimes de violence fondée sur le sexe, et je remercie le sénateur Boisvenu d’avoir soulevé cette question.

Comme le sénateur Boisvenu et d’autres, dont la sénatrice Dupuis, nous l’ont rappelé au comité, il est important que les femmes fassent confiance au système de justice pénale pour qu’elles se sentent en sécurité lorsqu’elles se présentent pour demander de l’aide.

Je note aussi que le Code criminel n’autorise les peines avec sursis que lorsqu’il n’y a aucun risque pour la sécurité. Le projet de loi C-5 ne change rien à cela. De plus, il est important de garder à l’esprit que bon nombre des personnes pouvant bénéficier d’un accès élargi aux peines avec sursis sont elles-mêmes des victimes de violence fondée sur le sexe.

La Cour suprême du Canada est saisie actuellement d’une affaire qui concerne une femme autochtone qui a aidé son conjoint à déplacer de la drogue sous contrainte, soit des menaces à elle et à sa fille. À l’heure actuelle, la loi prévoit que cette femme doit aller en prison; elle a fait valoir que le juge chargé de cette affaire devrait au moins avoir la possibilité d’imposer une peine avec sursis, et c’est exactement ce que le projet de loi C-5 permettrait de faire.

[Traduction]

Au bout du compte, chers collègues, les ordonnances de sursis servent les intérêts de la sécurité publique. Envoyer des gens en prison sans que ce soit nécessaire n’est pas sans risque. Isoler des personnes de leur famille, de leurs amis, de leur emploi, de leurs possibilités d’éducation et du soutien social, et envoyer leurs enfants en famille d’accueil, peut rendre les foyers et les collectivités moins stables et moins sécuritaires, en plus de perpétuer le cycle de la criminalité.

Lorsqu’il est possible et sûr de faire en sorte que les gens qui ont enfreint la loi répondent de leurs actes sans les incarcérer, cette approche peut non seulement être plus compatissante, mais aussi plus sécuritaire. C’est pourquoi cette partie du projet de loi C-5 est extrêmement importante.

Enfin, parlons des peines minimales obligatoires. Comme je l’ai dit au début, la troisième partie du projet de loi abrogerait un certain nombre de peines minimales obligatoires, y compris pour les infractions liées aux drogues, certaines infractions impliquant des armes à feu sans restrictions — essentiellement des fusils de chasse —, des infractions impliquant le trafic d’armes autres que des armes à feu et une infraction liée à la contrebande du tabac.

Ces genres de dispositions établissent une durée minimale d’emprisonnement que les juges doivent imposer pour une infraction donnée. Elles diminuent le pouvoir discrétionnaire des juges en limitant leur capacité à tenir compte des facteurs atténuants et à appliquer pleinement les lignes directrices sur la détermination de la peine, y compris la nécessité de prendre en compte ce qu’on nomme les principes de l’arrêt Gladue par rapport aux circonstances particulières des délinquants autochtones.

La plupart des témoins ont fortement appuyé l’abrogation de ces peines minimales obligatoires. Janani Shanmuganthan, de la South Asian Bar Association of Toronto a qualifié le projet de loi d’« étape importante ». Le criminaliste Michael Spratt a dit qu’« [i]l est très positif ». Sarah Niman, qui représentait l’Association des femmes autochtones du Canada, a dit que l’abrogation de ces peines minimales obligatoires « habilite les juges de première instance à concrètement appliquer les principes de l’arrêt Gladue ».

Autrement dit, presque tous les témoins s’entendaient pour dire que l’abrogation de ces dispositions serait une bonne chose. Le consensus était qu’il s’agit effectivement d’une bonne chose. Par contre, certains ont demandé pourquoi le projet de loi C-5 veut abroger ces peines minimales obligatoires, mais pas d’autres, et si le projet de loi ne devrait pas aller encore plus loin et abroger un plus grand nombre de peines minimales obligatoires, voire toutes, y compris même celle qui vise le meurtre.

Chers collègues, le droit pénal canadien prévoit actuellement environ 70 peines minimales obligatoires. Le projet de loi C-5 vise à en abroger 20.

Le ministre a expliqué au comité que, selon les données du gouvernement, les 20 peines minimales obligatoires abrogées par le projet de loi C-5 sont parmi celles qui sont le plus souvent utilisées et qui sont imposées de façon disproportionnée aux Autochtones, aux Noirs et aux autres personnes marginalisées. En effet, selon les statistiques du Service correctionnel du Canada, de 2010 à 2020, plus de la moitié de tous les délinquants admis dans les établissements fédéraux dont l’accusation la plus grave s’accompagnait d’une peine minimale obligatoire l’ont été pour l’une des 20 peines visées par le projet de loi. Cela comprend 11 630 personnes condamnées à une peine minimale obligatoire pour une infraction liée aux drogues et, parmi elles, plus de 1 600 Autochtones et plus de 1 000 Noirs.

Ces chiffres incluent seulement les établissements fédéraux. Les peines de moins de deux ans sont purgées dans les établissements provinciaux et territoriaux, où sont incarcérés plus de gens que dans les prisons fédérales et où le taux de surreprésentation est souvent plus élevé.

Comme nous l’a indiqué Cheryl Webster, criminologue à l’Université d’Ottawa, il est moins facile d’avoir accès à des chiffres fiables sur les peines imposées dans les provinces et les territoires. Par contre, vers la fin de notre étude, nous avons réussi à obtenir une estimation de Statistique Canada indiquant que l’abrogation des peines minimales obligatoires visées par le projet de loi C-5 pourrait concerner en moyenne 9 123 cas par année au Canada.

Ultimement, il s’agit d’un autre domaine où nous pourrions profiter grandement de meilleures données, notamment de meilleures données désagrégées. Je le répète, j’espère que les récents investissements du gouvernement dans ce domaine auront une incidence. Toutefois, ce qui est évident, c’est que l’abrogation des peines minimales obligatoires visées dans le projet de loi C-5 pourrait aider beaucoup de gens.

Enfin, une des suggestions faites au comité concerne ce qu’on appelle souvent une « soupape de sécurité » ou un « pouvoir discrétionnaire structuré ». En gros, selon ce principe, la loi doit permettre au juge chargé de la détermination de la peine de ne pas imposer la peine minimale obligatoire dans une affaire donnée s’il arrive à la conclusion que cette peine serait, pour une raison ou pour une autre, injuste.

Un certain nombre de témoins ont fait cette recommandation et le comité a étudié un amendement sur cette question. Comme je l’ai dit au comité, j’appuie en grande partie les valeurs sous-jacentes à cette idée et je crois qu’il était important que les membres du comité lui donnent toute l’attention qu’elle mérite même si, au bout du compte, ils n’ont pas adopté l’amendement en question. Nous avons eu une discussion réfléchie au sein du comité et des arguments valides ont été présentés autant par ceux qui étaient contre cette idée que par ceux qui l’appuyaient.

Le gouvernement s’oppose à cette proposition pour deux raisons principales.

Premièrement, des intervenants crédibles, comme l’Association du Barreau canadien et la Criminal Lawyers’ Association, nous ont mis en garde contre les effets négatifs imprévus que pourrait avoir cette approche, soit de favoriser la prolifération des peines minimales obligatoires en les protégeant contre les contestations constitutionnelles.

Deuxièmement, le gouvernement était d’accord avec Raphael Tachie, de l’Association des avocats noirs du Canada, qui nous a exhortés à adopter le projet de loi C-5 le plus rapidement possible. Il nous a donné le conseil suivant : « Nous ne pouvons laisser le mieux être l’ennemi du bien. »

Chers collègues, il est certain que le chemin parcouru pour en arriver jusqu’ici a été long et difficile, non seulement au cours de la dernière année et demie de travaux parlementaires sur le projet de loi C-5 et son prédécesseur, le projet de loi C-22, mais aussi au cours de la dernière décennie, depuis l’adoption de bon nombre des mesures dites de « répression de la criminalité » du gouvernement précédent. Nous sommes sur le point d’adopter ce projet de loi et d’améliorer concrètement la vie des gens. Il vaut mieux assurer l’adoption de ce projet de loi plutôt que de le renvoyer à la Chambre des communes, et de le soumettre à l’incertitude d’un gouvernement minoritaire.

(1530)

[Français]

Encore une fois, je souhaite remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d’avoir considéré sérieusement le contenu de ce projet de loi et d’avoir fait des propositions pour appuyer ses objectifs, y compris en faisant des observations formelles dans leur rapport, et d’avoir finalement décidé d’aller de l’avant avec le projet de loi C-5 tel quel — non pas parce que c’est une panacée, mais bien parce que c’est un pas en avant significatif.

Le moment est venu de franchir cette étape importante.

[Traduction]

Dans une lettre adressée au comité, la Criminal Lawyers’ Association a qualifié le projet de loi C-5 de pièce maîtresse de la réforme de la justice et nous exhorte à faire progresser le projet de loi C-5 au Sénat le plus rapidement possible. De l’avis de l’Association du Barreau canadien, il est essentiel que ce projet de loi soit adopté dans les plus brefs délais. L’Association des avocats noirs du Canada nous encourage à adopter sans tarder ce projet de loi afin qu’il puisse être mis en œuvre sur le terrain.

Même les témoins qui souhaitaient que le projet de loi C-5 aille beaucoup plus loin ont reconnu sa capacité à changer les choses. Emilie Coyle, directrice générale de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, a décrit cette mesure législative comme :

[...] un pas de plus dans la lutte contre la crise du racisme structurel, de la discrimination systémique et des inégalités dans le système judiciaire.

Debra Parkes, professeure de droit à l’Université de la Colombie-Britannique, a affirmé être tout à fait d’accord pour dire que ce projet de loi peut changer des vies.

C’est le point essentiel, chers collègues. Ce sont des personnes réelles qui seront inutilement emprisonnées ou emprisonnées plus longtemps que nécessaire si nous n’adoptons pas cette loi rapidement.

À titre d’exemple, je terminerai par ce que nous a dit Janani Shanmuganathan, de la South Asian Bar Association of Toronto, que j’ai mentionnée plus tôt. Elle a notamment plaidé dans l’une des causes marquantes liées aux peines minimales obligatoires devant la Cour suprême du Canada. Elle nous a parlé d’un de ses clients, un homme de 26 ans qui avait une dépendance à l’alcool, mais qui n’avait pas de casier judiciaire, qui a utilisé un pistolet à plomb acheté chez Canadian Tire pour braquer un dépanneur et prendre 100 $ afin d’acheter de la bière. Il s’est fait arrêter et a tout avoué en quelques heures.

Entre le moment de son arrestation et celui de sa condamnation, il a changé de vie. Il s’est inscrit à l’université, a entamé une relation sérieuse et a non seulement commencé à fréquenter les Alcooliques anonymes, mais en est même devenu un animateur.

À la détermination de sa peine, le juge qui a prononcé la sentence a exprimé son profond regret de devoir imposer une peine minimale obligatoire d’un an, en déclarant : « C’est déchirant d’envoyer cette personne en prison, mais je n’ai pas le choix. » Selon Mme Shanmuganathan, cette incarcération inutile a entraîné des conséquences psychologiques et financières importantes pour son client. Il a souffert d’une dépression en prison.

Voilà pourquoi elle a parlé avec passion en faveur du projet de loi C-5 au comité et qu’elle a exhorté ses membres à l’adopter rapidement. Voici ce qu’elle a dit à notre comité :

J’ai des clients qui s’accrochent à ce projet de loi [...] J’ai des clients pour qui ce projet de loi changerait leur vie.

Chers collègues, le gouvernement ne propose pas l’adoption du projet de loi C-5 simplement pour pouvoir cocher « mission accomplie » dans une case au sujet du système de justice pénale. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour rendre notre système de justice plus efficace et plus juste. Il faudra d’autres lois, des investissements et beaucoup d’autres politiques pour éliminer les causes sous-jacentes de la criminalité et de l’aliénation sociale qui gangrènent notre société, mais ce projet de loi fera beaucoup de bien tel qu’il est. Chers collègues, s’il vous plaît, adoptons ce projet de loi.

Merci beaucoup.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, j’ai remarqué vous avez encore une fois mentionné le vaporisateur de poivre en parlant des peines minimales obligatoires dans votre discours, exactement comme dans votre intervention à l’étape de la deuxième lecture. Après cette intervention, je vous ai demandé combien de personnes au cours des cinq dernières années au Canada avaient été condamnées pour avoir importé des vaporisateurs de poivre et s’étaient vu imposer une peine minimale obligatoire. Étant donné la discrétion des policiers, des procureurs et des tribunaux, je me suis contenté d’avancer que ce nombre serait presque nul. Vous aviez alors répondu que vous ne le saviez pas. Je vous donc demandé pourquoi vous aviez parlé de cette infraction dans votre discours si vous ne le saviez pas. Vous avez répété que vous ne le saviez pas, ce à quoi j’ai répondu que je pourrais demander à des fonctionnaires lors de l’étude en comité.

C’est donc ce que j’ai fait. Les fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada n’ont pas pu me donner une réponse eux non plus, ni ce jour-là ni dans la réponse écrite qu’ils m’ont fait parvenir par la suite.

Je soutiens encore une fois qu’il n’y a pratiquement personne qui est condamné à une peine minimale obligatoire pour une infraction liée à un vaporisateur de poivre. Sénateur Gold, pourquoi avez-vous continué à utiliser l’exemple de l’imposition d’une peine minimale obligatoire pour une infraction de ce type alors que depuis des semaines vous ne disposez d’aucune donnée pour l’appuyer?

Le sénateur Gold : Beaucoup de personnes sont inculpées, trouvées coupables et condamnées à la peine minimale obligatoire pour l’importation illégale d’une arme. Cependant — je vous remercie de votre question; j’aimerais y répondre, s’il vous plaît —, les données dont nous disposons ne font pas de distinction entre les différents types d’armes. Ainsi, nous ne savons pas si certains de ces cas concernent le gaz poivré. Vous avez tout à fait raison.

Cependant, la question est plus large encore. Il s’agit du fait que l’infraction de trafic d’armes prohibées peut supposer une vaste gamme de comportements et de degrés de culpabilité, allant de l’organisation d’envois illégaux de couteaux à lame automatique à la traversée de la frontière avec du gaz poivré dans la boîte à gants. Ce ne sont pas tous ces comportements qui méritent à la personne la peine minimale obligatoire d’une année que prévoit actuellement le Code criminel. Là aussi, cela permettrait aux juges d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire, quand la situation le justifie et lorsque la sécurité publique n’est pas en jeu, afin de moduler la peine en fonction de la nature de l’arme prohibée en question.

L’honorable Kim Pate : Sénateur Gold, nous sommes nombreux à soutenir les objectifs du projet de loi C-5, c’est-à-dire abroger les peines minimales obligatoires et réduire la surreprésentation des Autochtones, des Noirs et des membres d’autres communautés marginalisées dans les pénitenciers.

Plus tôt cette semaine, le Bureau de l’enquêteur correctionnel a publié son rapport annuel 2021-2022, qui confirme que les femmes autochtones continuent d’être la population carcérale ayant la croissance la plus rapide. Elles représentent maintenant 50 % des détenues dans les pénitenciers fédéraux, les deux tiers d’entre elles se retrouvent dans les établissements à sécurité maximale, et 76 % de celles-ci sont placées dans des unités d’intervention structurée, lesquelles sont censées remplacer l’isolement en cellule. Au total, 86,2 % de toutes les femmes autochtones incarcérées sont évaluées comme étant à haut risque et ayant des besoins élevés. La majorité de ces Autochtones se retrouvent en prison en raison d’infractions violentes et purgent de longues peines, bien souvent parce qu’elles ont réagi à des actes violents commis préalablement à leur endroit.

Comme vous l’avez indiqué, il est très fréquent que lorsqu’une mère autochtone se retrouve dans le système pénal, ses enfants sont pris en charge par l’État. Cela contribue à alimenter le cycle d’institutionnalisation des enfants, des familles et des communautés autochtones.

Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet de loi, dans sa forme actuelle, n’ira pas, de manière implicite, à l’encontre de son propre objectif en contribuant à la croissance exponentielle des populations carcérales autochtones, noires, racialisées ou marginalisées, surtout des mères autochtones?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je pense que dans mon discours à l’étape de la troisième lecture, dans lequel j’ai fait référence à des témoignages, nous avons eu la preuve qu’en fait — bien que cela n’aille pas jusqu’à l’élimination de toutes les peines minimales obligatoires — cela concerne un nombre important de cas — la moitié des cas — pour lesquels des peines minimales obligatoires ont été effectivement imposées.

Nous avons également entendu des témoignages, auxquels j’ai également fait référence, selon lesquels cela aurait un effet important sur la surreprésentation des femmes autochtones, des Noirs et d’autres groupes marginalisés, qui sont pris dans l’engrenage du système.

Par conséquent, même s’il ne va pas aussi loin que de nombreux témoins le souhaiteraient — et aussi loin que vous et de nombreux sénateurs, peut-être, le voudriez —, il changera les choses de façon réelle et tangible. À cet égard, comme je l’ai dit — sans vouloir répéter le discours que j’ai prononcé à l’étape de la troisième lecture —, il s’agit d’un pas dans la bonne direction, ce que vous et de nombreux autres témoins avez reconnu. Il améliorera véritablement la situation et représente un premier pas pour remédier à cette surreprésentation.

(1540)

À la fin de mon discours, je me suis évertué à dire qu’il faut faire beaucoup plus pour remédier aux causes profondes. Il faut faire beaucoup plus pour fournir aux communautés les ressources voulues afin qu’elles puissent tirer pleinement avantage de l’abrogation de ces peines minimales obligatoires et de la création de stratégies de déjudiciarisation, d’intégration améliorée et de soutien à la réinsertion pour les personnes qui ne posent pas de risque pour la sécurité publique. Cela améliorera véritablement la situation. C’est ce que nous avons entendu au comité et c’est la raison pour laquelle j’appuie ce projet de loi.

La sénatrice Pate : Merci. Nous avons certainement entendu cela. Par contre, nous avons également entendu, de la part d’universitaires éminents dans ce domaine, tels que la professeure Debra Parkes et de la candidate au doctorat Elspeth Kaiser-Derrick, qu’en fait, le projet de loi ne changera pratiquement rien aux taux d’incarcération des femmes autochtones, en grande partie à cause du contexte dans lequel elles sont incarcérées et du fait que les peines minimales obligatoires poussent beaucoup d’entre elles à plaider coupable. Si je ne m’abuse, Elspeth Kaiser-Derrick a dit que cela correspondait à 77 % des cas de femmes autochtones qu’elle a examinés. De plus, Debra Parkes a mentionné qu’environ la moitié des femmes autochtones emprisonnées à perpétuité sont des femmes qui ont réagi à la violence qu’elles subissaient.

J’ai l’impression que les témoignages livrés au comité tendaient beaucoup plus vers le besoin d’aller plus loin. Je suis curieuse. Quelles sont les prochaines étapes que le gouvernement propose pour remédier à ces problèmes et créer cet environnement plus sûr et davantage axé sur la compassion que vous dites nécessaire?

Le sénateur Gold : Les faits et les témoignages présentés au comité ont, à mon humble avis, démontré que ce projet de loi changerait les choses, même s’il ne va pas aussi loin que certains le voudraient et même s’il ne va pas jusqu’à éliminer la discrimination et le racisme systémiques dans notre système, ce qu’aucun projet de loi ne peut faire d’ailleurs. En effet, il y a tellement de causes et de déterminants sociaux qui échappent à la portée de n’importe quel projet de loi.

Le gouvernement a investi des sommes considérables pour permettre aux communautés autochtones de prendre davantage en main leurs processus judiciaires, y compris les services de police, mais sans s’y limiter, et pour travailler avec les communautés afin de financer et de soutenir des projets pilotes dans un certain nombre de domaines.

Revenons au projet de loi C-5. Le point fondamental est que ce projet de loi s’attaque à un vrai problème et apporte une vraie solution qui, je le souligne, ne se limite pas aux peines minimales obligatoires, mais comprend aussi la déjudiciarisation des infractions liées à la drogue, ce qui est particulièrement important pour éviter que des gens ne soient pris dans le système judiciaire à un âge précoce. Il est rarement bon pour un jeune d’être pris dans le système judiciaire, souvent provincial au départ, et d’être éloigné de sa famille et de la possibilité de maintenir des liens sociaux appropriés.

Ce projet de loi changera les choses. C’est un pas dans la bonne direction. Il est le fruit d’un travail de longue haleine de la part du gouvernement, ainsi que des autres partis représentés au Parlement, pour enfin commencer à inverser les effets des politiques inefficaces d’un gouvernement précédent en matière de justice pénale. Ce projet de loi mérite notre appui.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Je prends la parole aujourd’hui, honorables sénateurs, pour débattre, à l’étape de la troisième lecture, du projet de loi C-5 intitulé Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Les statistiques actuelles démontrent que la criminalité est galopante au Canada et a connu une augmentation de 5 % en 2021 et au cours des dernières années; il s’agit de crimes violents contre la personne. La violence conjugale, les agressions sexuelles, les féminicides, les personnes disparues et la traite de personnes sont des fléaux qui augmentent constamment, auxquels nous devons apporter des solutions urgentes et immédiates. Des vies en dépendent et trop de vies sont perdues alors qu’elles devraient être protégées.

Malheureusement, au lieu de proposer des mesures législatives pour lutter contre ces fléaux, le gouvernement libéral préfère adopter une approche laxiste en proposant des lois qui assoupliront davantage les sentences des criminels les plus dangereux.

Permettez-moi de vous présenter quelques exemples pour appuyer mes propos. En 2018, le rapport du vérificateur général avait soulevé de nombreuses failles au sein du Service correctionnel du Canada dans le processus de remise en liberté et de la surveillance au sein des communautés, failles qui ont entraîné la mort d’une jeune femme de 22 ans — vous vous en souviendrez —, Marylène Levesque, qui a été assassinée de 30 coups de couteau en 2020 par un récidiviste. Au lieu de répondre aux problèmes pointés par le vérificateur général, le gouvernement de Justin Trudeau a préféré proposer le projet de loi C-5.

Mon deuxième exemple concerne les nombreux délits par armes à feu qui font des ravages dans les villes comme Toronto, Montréal et Vancouver. Ces derniers mois, plusieurs jeunes âgés de moins de 18 ans ont perdu la vie dans des règlements de compte impliquant des armes illégales. L’année 2021 a été la plus sombre depuis des dizaines d’années dans la ville de Montréal. Au lieu d’apporter des réponses aux familles des victimes et de prendre des mesures pour enrayer cette vague de violence, le gouvernement libéral préfère proposer un projet de loi qui supprimera 11 peines minimales relativement aux armes à feu.

Une démarche visant à se procurer une arme à feu dans l’intention de commettre un acte criminel est une démarche intentionnée et préméditée. Vouloir minimiser la dangerosité d’un geste criminel commis avec arme à feu est dangereux. J’aimerais vous lire une citation du juge Harris :

Une personne munie d’une arme à feu se sent toute-puissante, investie du droit de vie ou de mort sur autrui. En somme, il suffit de viser quelqu’un et d’appuyer légèrement sur la gâchette pour ôter la vie [...] La dérisoire facilité de tuer avec une arme à feu [...] représente un danger imminent pour nous tous.

Il ajoute ceci : « Ce pouvoir si immense et si peu fondé sur la raison, nous devons le combattre de toutes nos forces ».

Mon troisième exemple repose sur le fait que, depuis déjà plusieurs années, le Canada fait face à un problème urgent concernant les drogues, surtout devant la hausse du nombre croissant de personnes dépendantes du fentanyl, cet opioïde qui cause la mort d’au moins 20 Canadiens chaque jour. Au lieu de lutter contre les trafiquants de drogues et de proposer des mesures pour aider à réduire la dépendance chez un certain nombre de citoyens, le gouvernement libéral opte plutôt pour l’abolition de toutes les peines minimales liées à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, dans le cas notamment du trafic de drogues, de l’exportation de drogues et de la production de drogues. Honorables sénateurs, croyez-vous honnêtement que l’abolition de ces peines minimales réglera le problème des opioïdes au Canada? Poser la question, c’est y répondre.

Je cite au passage un discours de mon collègue le député Larry Brock, qui a été procureur de la Couronne de l’Ontario pendant 18 ans :

J’invite les députés à y réfléchir un instant. Le gouvernement libéral, qui est laxiste en matière de criminalité est motivé par une idéologie, croit que ceux qui font le trafic de fentanyl — la drogue de rue la plus mortelle qui existe, qui est vendue à des millions de toxicomanes, qui est la cause de la crise des opioïdes et qui entraîne quotidiennement des surdoses et des morts — et qui en produisent ne devraient pas s’attendre à se voir imposer une peine minimale d’emprisonnement. C’est carrément honteux et dangereux.

Honorables sénateurs, la partie du projet de loi qui m’interpelle le plus est l’élargissement des condamnations avec sursis. Le ministre de la Justice souhaite donner la possibilité aux juges de recourir aux ordonnances de sursis pour un certain nombre de crimes en supprimant les alinéas e) et f) de l’article 742.1 du Code criminel. Parmi ces infractions, neuf touchent des crimes contre la personne. Il y a notamment les agressions sexuelles, qui connaissent une hausse de 18 % depuis 2021, le harcèlement criminel, qui a augmenté de 10 % en 2021, et la traite de personnes, en hausse de 44 % depuis 2019. Les dernières statistiques nous révèlent que 80 % des hommes qui ont agressé des femmes reçoivent une sentence avec sursis, et il s’agit d’un crime qui est à la hausse depuis des années.

Ce projet de loi est dangereux pour les femmes. Le gouvernement veut également élargir des ordonnances de sursis pour des délinquants ayant été reconnus coupables de crimes tels que le kidnapping, l’enlèvement de personnes de moins de 14 ans, le fait de se trouver illégalement dans une habitation, le fait d’infliger des lésions corporelles par négligence criminelle et des voies de fait causant des lésions corporelles avec une arme. Il n’y a là rien de minime ni de banal, mais il s’agit plutôt de crimes graves et inquiétants.

Tous ces crimes contre la personne sont des composantes qui sont souvent présentes dans les cas de violence conjugale. Comme je l’ai souvent mentionné, il s’agit d’un fléau dont les victimes qui sont tuées sont surtout des femmes et des enfants, fléau qui ne cesse d’augmenter année après année.

(1550)

En 2021, la violence conjugale a augmenté de 3 %. Il s’agissait de la cinquième augmentation annuelle consécutive, alors que 173 féminicides ont été perpétrés, dont 55 % dans un contexte de violence conjugale. Sachez que ce fléau représente environ 30 % des crimes commis contre la personne depuis 2009. Le Québec a connu une augmentation de la violence conjugale de 28 % et le Nouveau-Brunswick, de 39 %. Le fait de vouloir élargir les condamnations avec sursis pour les crimes cités serait donc un risque majeur pour les femmes victimes de violence conjugale et familiale, étant donné que cet élargissement des condamnations avec sursis augmenterait le phénomène de la non-dénonciation des femmes victimes de violence conjugale et d’agression sexuelle. C’est inacceptable, alors que nous les encourageons chaque jour dans les médias à dénoncer leur agresseur.

Enfin, élargir aujourd’hui la condamnation avec sursis serait une invitation à la récidive. Avec le projet de loi C-5, un nombre important de criminels purgeront leur peine à domicile, ce qui posera un danger pour les victimes, particulièrement celles qui sont issues des communautés autochtones, là où tout le monde se connaît et habite à proximité.

Selon des données sur les peines avec sursis qui datent du début des années 2010 et qui ont été fournies par le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (CSN), 44 % des criminels qui reçoivent une peine avec sursis ne respectent pas leurs conditions. Je vous cite le témoignage à la Chambre des communes de Jennifer Dunn, directrice exécutive du London Abused Women’s Centre, le 29 avril dernier. Mme Dunn s’oppose à cette partie du projet de loi :

Les femmes et les filles sont cinq fois plus susceptibles que les hommes d’être victimes d’une agression sexuelle, un crime violent en hausse au Canada. Avec l’ordonnance de sursis, de nombreuses femmes seront coincées dans la collectivité avec le délinquant, ce qui les expose à un risque encore plus élevé.

C’est pour cette raison, honorables sénateurs, que je souhaite proposer un amendement au projet de loi C-5 qui consiste à ne pas autoriser l’élargissement des condamnations avec sursis aux crimes contre la personne et aux crimes potentiellement perpétrés dans un contexte de violence conjugale ou familiale. Bien que je n’aie pas réussi à convaincre la majorité de mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de voter en faveur de cet amendement, je suis convaincu que cette Chambre se donnera un autre moment de réflexion.

Chers collègues, avec les statistiques que nous avons à notre disposition, qui montrent une augmentation des agressions sexuelles et de la violence conjugale et avec la forte réprobation sociale qui en découle, il est, selon moi, dangereux et injuste d’accorder une « peine de maison » plutôt qu’une peine de prison à un agresseur sexuel, à un kidnappeur ou à un harceleur. Le Sénat devrait faire preuve de prudence et de sagesse. Toutefois, s’il en venait à accepter la volonté du gouvernement d’autoriser l’élargissement des peines avec sursis, il devra se pencher sur les conditions de sursis.

En conclusion, honorables sénateurs, ce projet de loi est dangereux pour les femmes, car le gouvernement n’a pas prévu de conditions auxquelles tout condamné qui écope d’une peine avec sursis dans des cas de violence conjugale et d’agression sexuelle devrait être soumis, comme une thérapie. Avec le projet de loi C-5, ce que le gouvernement offre aux femmes victimes de violence conjugale, c’est un « 810 » amélioré. Pourtant, comme on le sait, selon l’étude menée en 2019 par l’Université de Montréal, 50 % des agresseurs ne respectent pas les « 810 », ou les ordonnances qui imposent de ne pas s’approcher des victimes. Ce que vous offrez aux victimes aujourd’hui, avec le projet de loi C-5, c’est de continuer de vivre dans la peur. Les victimes s’attendent à plus de votre part.

Motion d’amendement

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-5 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 14, à la page 3, par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit :

« remplacés par ce qui suit :

e) il ne s’agit pas d’une infraction prévue à l’une ou l’autre des dispositions ci-après et poursuivie par une mise en accusation :

(i) l’article 221 (causer des lésions corporelles par négligence criminelle),

(ii) l’article 264 (harcèlement criminel),

(iii) l’article 267 (agression armée ou infliction de lésions corporelles),

(iv) l’article 270.01 (agression armée ou infliction de lésions corporelles — agent de la paix),

(v) l’article 271 (agression sexuelle),

(vi) l’article 279 (enlèvement),

(vii) l’article 279.02 (avantage matériel — traite de personnes),

(viii) l’article 281 (enlèvement d’une personne âgée de moins de quatorze ans),

(ix) l’article 349 (présence illégale dans une maison d’habitation). ».

Des voix : Bravo!

L’honorable Pierre J. Dalphond : Est-ce que le sénateur Boisvenu accepterait de répondre à une question? Puisque l’on refait un peu le débat et qu’on l’a déjà fait au comité, sénateur Boisvenu, je comprends que la liste des infractions que vous proposez d’ajouter et qui vont rendre impossible une remise en liberté dans ces conditions n’est pas exactement la même que celle qui existe actuellement dans le Code criminel. Qu’est-ce qui vous a amené à retirer certaines des infractions qui figuraient dans le Code criminel et à en ajouter d’autres à leur place?

Le sénateur Boisvenu : Celles que nous examinons sont celles qui se trouvent dans le projet de loi. Comme j’ai dit plus tôt, ce sont les infractions les plus communes et elles sont complémentaires à la violence familiale. Je les ajoute, car selon les données que j’ai obtenues sur les peines avec sursis, actuellement, 80 % des hommes qui agressent une femme écopent d’une peine avec sursis. Cette peine est de six mois en moyenne. Donc, le fait de supprimer encore du Code criminel ou d’ajouter au Code criminel encore plus de crimes liés la violence conjugale fera en sorte que moins d’hommes seront incarcérés et que plus d’hommes seront en liberté. Quand on constate que, dans beaucoup de cas, les conditions ne sont pas respectées, surtout l’interdiction de ne pas s’approcher de la victime, je pense qu’on met la sécurité des femmes encore plus à risque.

Le sénateur Dalphond : C’est le même amendement qui a été présenté au comité, si je comprends bien? La liste qui est là est celle qui existe dans le Code criminel actuellement, sauf pour certains éléments qui ont été supprimés et d’autres qui ont été ajoutés?

Le sénateur Boisvenu : Oui, c’est exact.

Le sénateur Dalphond : Dans le cas de ceux que vous avez enlevés, je crois que vous êtes d’accord avec le gouvernement sur le fait qu’ils doivent être retirés?

Le sénateur Boisvenu : Si j’avais fait une longue liste, très peu de mes collègues auraient été enchantés de modifier en profondeur le projet de loi C-5. Ce que je vise en particulier, ce sont les crimes liés à la violence conjugale. Cela commence souvent par du harcèlement et des agressions sexuelles, et il y a toujours une progression qui se fait si ces crimes ne sont pas punis sévèrement lorsqu’ils sont commis dans un contexte de violence conjugale. Soyez assurés qu’en 2023, en 2024 et en 2025, le nombre de femmes assassinées va augmenter.

Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup.

[Traduction]

L’honorable Paula Simons : Honorable sénateurs, je veux d’abord dire à quel point j’apprécie le travail accompli par le sénateur Boisvenu au fil des ans pour défendre les droits des femmes qui vivent des situations où elles subissent de la violence familiale. Pas plus tard qu’aujourd’hui, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié un projet de loi d’intérêt public du Sénat qui porte aussi sur certains de ces enjeux. Je crois que personne ici ne serait prêt à refuser au sénateur Boisvenu les félicitations qu’il mérite pour ses efforts de longue date concernant cet enjeu de justice sociale.

Dans les derniers jours au Sénat, nous avons entendu des discours remarquables de nos collègues, notamment de la sénatrice Boniface, de la sénatrice Hartling et du sénateur Manning, concernant ce même enjeu. Le fléau de la violence familiale au Canada, qu’il s’agisse de violence entre partenaires intimes ou de violence entre les parents et leurs enfants adultes, est un lourd fardeau pour l’âme collective du pays et pour le système de justice pénale. Lorsque j’étais journaliste au Edmonton Journal, j’ai couvert un nombre incalculable d’histoires à briser le cœur de familles détruites par la violence. J’ai eu le privilège d’interviewer le fier mari de notre collègue la sénatrice LaBoucane-Benson, Alan Benson, qui a consacré une bonne partie de sa carrière à ce domaine et qui a été membre du comité d’examen des décès dus à la violence familiale, en Alberta, qui étudie certains des cas les plus horribles.

(1600)

Je ne veux pas que qui que ce soit ici me considère comme laxiste en matière de violence familiale. Il est vrai que les peines avec sursis doivent être appliquées avec la plus grande prudence dans les cas où l’agresseur se trouve dans la même collectivité que la victime. C’est l’évidence même. On ne veut clairement pas d’un système d’arrestation et de mise en liberté permettant à un contrevenant — qui représente un danger bien réel — d’être relâché d’aller harceler, agresser et tuer des victimes, dans le pire des cas.

Cela étant dit, je crois que la liste présentée par le sénateur Boisvenu dans son amendement ratisse trop large et comprend un trop grand nombre d’infractions pour lesquelles les peines avec sursis seraient exclues.

Je voudrais en passer quelques-unes en revue. La première infraction mentionnée dans l’amendement est celle qui est visée à l’article 221, à savoir causer des lésions corporelles par négligence criminelle.

Pendant les années où j’ai suivi des procès en Alberta, j’ai pu constater qu’un grand nombre d’affaires portaient sur la négligence criminelle. Dans certains cas, cette négligence est si abominable, si inconsidérée, si égoïste et si mesquine qu’elle représente un crime des plus atroces.

Cependant, dans d’autres cas, la négligence criminelle peut être quelque chose de bien moins répugnant moralement. Avant d’ajouter quelque chose comme la négligence criminelle à une liste, nous devons comprendre qu’il y a un continuum. Il y a un spectre, et ce type de négligence criminelle peut parfaitement convenir à une peine avec sursis, tandis que d’autres types de négligence criminelle appellent une peine de prison.

L’article 264 traite du harcèlement criminel. Tout politicien qui a une vie publique, toute personne qui a vécu à Ottawa au cours des 10 derniers mois, sait ce que le harcèlement criminel peut être dans sa forme la plus mineure, et potentiellement dans sa forme la plus grave.

Nous pouvons tous imaginer un cas où le harcèlement criminel provoque un traumatisme pour la conscience et où la personne impliquée mérite à juste titre une peine d’emprisonnement. Nous pouvons également tous concevoir que la meilleure chose à faire pour une personne reconnue coupable de négligence criminelle pourrait être de l’assigner à résidence et de lui confisquer tous ses ordinateurs.

Une fois de plus, nous ne voulons pas ratisser trop large afin de ne pas priver les juges du pouvoir discrétionnaire d’utiliser une peine avec sursis lorsque cela est justifié.

L’article 267 concerne l’agression armée ou l’infliction de lésions corporelles. Si une personne se fait infliger des lésions corporelles à l’aide d’une arme à feu ou d’un couteau, une peine d’emprisonnement peut clairement être une bonne solution. On peut également imaginer qu’une agression armée correspond à une personne qui se fait frapper avec... J’ai vu certaines choses en cour, et je me suis demandé : « Est-ce bien une arme? » Toutefois, le tribunal estime qu’il peut s’agir d’une arme, ce qui peut comprendre l’arme préférée du sénateur Gold, le gaz poivré, ou un outil de jardinage utilisé pour frapper quelqu’un.

L’article 270.01 concerne la même chose, mais il porte expressément sur l’agression d’un agent de la paix, ce qui devrait choquer la conscience du pays. Tout le monde peut imaginer qu’une personne ayant agressé un agent de la paix devrait être incarcérée pendant très longtemps. Nous pouvons aussi imaginer des policiers qui tentent de mettre fin à une bagarre ou à une bousculade et qui se font frapper sur la tête avec une pancarte. En pareil cas, nous n’envisagerions peut-être pas une peine d’emprisonnement.

Je ne veux pas vous ennuyer en passant en revue toute la liste, je vais donc passer au dernier article. L’article 349 concerne la présence illégale dans une maison d’habitation. Si on s’introduit dans la maison d’une personne pour l’agresser, alors c’est absolument un cas d’incarcération. Toutefois, être présent illégalement dans une maison d’habitation constitue également une infraction au Code criminel si on squatte une maison, si on squatte un bâtiment abandonné pour consommer des drogues ou si on se met à l’abri dans une maison abandonnée pour se protéger quand on vit dans la rue.

Quand ma fille était à la Faculté de droit, sa classe devait juger d’une affaire fictive où une personne s’est perdue alors qu’elle faisait du camping sur une plage. Cette personne est entrée par effraction dans un chalet pour se réchauffer. Je crois que ma fille jouait le rôle de la procureure du tribunal fictif, et elle exigeait la peine maximale. Je lui ai fait valoir que si une personne était vraiment en détresse, perdue dans la forêt, entrer dans un chalet pour y passer la nuit n’était pas la pire des infractions.

Je prends note du point entièrement juste qu’a soulevé le sénateur Boisvenu, que nous ne devons pas utiliser de manière frivole les peines avec sursis, surtout dans les cas de violence conjugale et de harcèlement familial. Cependant, avec tout le respect que je lui dois, je demanderais aux sénateurs de ne pas appuyer cet amendement parce que je ne pense pas qu’il accomplira le désir du sénateur Boisvenu. Au lieu de cela, il privera les juges de l’autonomie, du pouvoir discrétionnaire et de la responsabilité d’appliquer des peines avec sursis lorsqu’elles sont justifiées et nécessaires.

L’honorable Denise Batters : Sénatrice Simons, vous aviez commencé à passer en revue certaines infractions. La première que vous avez nommée est la négligence criminelle. Vous n’avez pas mentionné qu’il s’agit de causer des lésions corporelles par négligence criminelle.

Puis, vous avez affirmé que vous ne vouliez pas énumérer toutes les infractions parce que ce serait peut-être trop long. Cependant, vous avez omis de mentionner les agressions sexuelles, les enlèvements et la traite des personnes. Ne croyez-vous pas que ce sont les infractions pour lesquelles il y aurait peut-être le moins de situations où il est approprié de recourir aux peines avec sursis, c’est-à-dire de permettre aux auteurs de ces crimes de purger leur peine dans la même collectivité que leurs victimes?

La sénatrice Simons : Sénatrice Batters, vous êtes avocate, ce qui n’est pas mon cas. J’observe toutefois ce qui se passe dans les salles d’audience depuis très longtemps.

En ce qui concerne les agressions sexuelles, je crois comprendre — je vous prie de me corriger si je fais erreur, car je n’ai pas votre expertise en droit — qu’une agression sexuelle peut prendre toutes sortes de formes, du viol horrible et violent jusqu’à une personne qui montre ses parties génitales dans un parc. Il faut comprendre, je crois, que la notion d’agression sexuelle recouvre toutes sortes de facettes de la condition humaine et des péchés humains. Il est absolument crucial de ne pas imposer une solution unique, parce qu’il y a une grande différence entre l’agression sexuelle commise par un violeur qui vous saute dessus dans un stationnement et vous agresse brutalement, et l’agression sexuelle que commet un type qui vous touche de façon inappropriée dans un bar. Je n’aime pas me faire tripoter dans un bar. En fait, cela ne m’est pas arrivé depuis longtemps. Je suis désolée; c’était une blague facile et de mauvais goût. Pardonnez-moi.

Bref, une vaste gamme d’infractions peuvent être considérées comme des agressions sexuelles.

Dans le cas des enlèvements, il existe une différence entre un enlèvement en vue d’obtenir une rançon et une ingérence dans la garde d’un enfant, qui est souvent considérée comme un enlèvement aux fins des accusations. De toute évidence, je ne cherche pas à excuser les parents qui contreviennent à une ordonnance de garde et enlèvent un enfant, mais ce n’est pas la même chose qu’une tentative armée dans le but d’obtenir une rançon.

Ce sont toutes des questions très difficiles, et je ne veux en aucun cas minimiser les dangers que représentent les criminels pour la société. Je ne veux en aucun cas minimiser les dangers liés aux cas de violence familiale, où les gens sont souvent piégés par des circonstances économiques et sociales. Lorsque la justice intervient enfin, ils ont besoin que les tribunaux les protègent. Je pense simplement que l’amendement en question ratisse trop large.

La sénatrice Batters : Sénatrice Simons, ce à quoi vous faites référence constitue probablement une action indécente. Dans bien des cas de délits, s’il n’est pas approprié de porter une accusation pour l’infraction la plus grave, comme certaines de celles qui sont énumérées ici, la police, les procureurs et les tribunaux s’en occupent en portant le type d’accusation approprié.

En ce qui concerne l’autre infraction que vous avez mentionnée tout à l’heure, à savoir la présence illégale dans une habitation, vous vous souviendrez peut-être que ce type d’infraction peut souvent être évoqué lorsqu’un ex-conjoint traque sa conjointe, parfois pour lui faire du mal. Cela s’est produit dans des causes très importantes.

En fait, je pense que le sénateur Boisvenu s’est efforcé de faire la liste des accusations les plus graves dans les cas possibles de violence familiale. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que c’est le genre de choses dont nous devrions nous préoccuper, en particulier en ce qui concerne les condamnations avec sursis qui pourraient permettre à certains détenus de revenir dans la communauté pour faire du mal à d’autres personnes?

(1610)

La sénatrice Simons : Comme je l’ai dit, je ferais confiance aux responsables membres de la magistrature pour qu’ils n’imposent pas des ordonnances avec sursis comme on distribue des bonbons d’Halloween. Ce type de peines seraient réservées à des affaires très précises; on y aurait recours seulement lorsqu’elles seraient appropriées, en se fondant sur des faits. Je ne ferais jamais valoir que le même traitement devrait être réservé à une personne qui entre par infraction dans une maison pour y menacer ses occupants et une autre qui s’introduit dans un chalet pour ne pas mourir de froid après s’être perdue en forêt pendant l’hiver.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

[Traduction]

La sénatrice Simons : Ai-je encore le temps?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il reste trois minutes.

[Français]

La sénatrice Simons : Oui, si vous voulez.

Le sénateur Boisvenu : Sénatrice, vous avez employé un mot qui m’a quelque peu « défrisé », même s’il ne me reste pas beaucoup de cheveux. Vous avez dit qu’il était possible que les juges ne distribuent pas les sentences avec sursis comme des bonbons, mais ils le font actuellement; 80 % des hommes accusés de violence conjugale écopent d’une peine avec sursis. Le projet de loi fera en sorte que 90 % des hommes recevront une peine avec sursis. Quel message lance-t-on à la société, si l’on dit : « Mon homme, tu as battu ta femme pendant 10 ans, tu retournes chez toi purger deux ans de pénitencier à la maison », sachant que 40 % des contrevenants ne respectent pas leurs conditions? Ils pourront alors se rapprocher de leur femme.

Ne croyez-vous pas que c’est ce qui se passe déjà lorsque vous parlez de « bonbons »?

[Traduction]

La sénatrice Simons : Je ne sais pas d’où vient ce chiffre. S’il est exact, cette situation me défrise aussi, et j’ai les cheveux bouclés.

Je suis d’accord avec vous. Comme je l’ai dit plus tôt, je ne crois pas au système des portes tournantes pour les hommes qui ont été violents avec leur conjointe. C’est très important de bien gérer ce type de situations, surtout dans les cas où l’homme montre des signes que ses comportements pourraient empirer. Je pense tout simplement que cet amendement ne s’attaque pas au cœur de ce que vous tentez de faire. Cela dit, je souscris entièrement à votre objectif.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai une autre question. Les trois ou quatre derniers jugements de la Cour suprême en matière de violence conjugale — et surtout les jugements prononcés par la Cour d’appel du Québec — ont conclu qu’il fallait que les juges imposent des sentences plus sévères. Il faut lancer à la société canadienne un message clair. Est-ce que le projet de loi C-5 envoie un message de sévérité en matière de violence conjugale?

[Traduction]

La sénatrice Simons : Je crois qu’effectivement, nous devons envoyer un message clair à la société comme quoi nous ne tolérerons ni la violence familiale ni sa minimisation. J’ai trouvé le discours du sénateur Manning l’autre jour profondément émouvant. Les histoires de gens de sa communauté qu’il a racontées devraient — je ne veux pas dire nous inspirer — nous pousser à appuyer la sénatrice Boniface, la sénatrice Hartling, la sénatrice Audette et tous les sénateurs qui ont consacré leur vie à lutter contre la violence familiale. À mon avis, le temps est venu de mettre sagement de côté la politique axée sur l’idéologie ou la partisanerie et de parler d’une seule voix pour communiquer clairement que le Sénat ne tolérera pas la violence familiale.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

La Loi sur l’assurance-emploi
Le Règlement sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d’amendement—Adoption de la motion de sous-amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Duncan, appuyée par l’honorable sénatrice Clement, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), tel que modifié.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc,

Que le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), tel que modifié, ne soit pas maintenant lu pour une troisième fois, mais qu’il soit renvoyé de nouveau au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts afin qu’il entende le directeur parlementaire du budget concernant le rapport sur les effets budgétaires de ce projet de loi préparé par son bureau;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 15 novembre 2022.

Et sur le sous-amendement de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Dagenais,

Que la motion d’amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par adjonction des mots « des témoins additionnels, y compris » entre les mots « afin qu’il entende » et « le directeur parlementaire du budget » dans le premier paragraphe;

2.par suppression du dernier paragraphe.

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du sous-amendement du sénateur Black visant à renvoyer le projet de loi S-236 au Comité de l’agriculture et des forêts pour une étude plus approfondie.

J’ai écouté attentivement le discours de l’ancienne sénatrice Griffin lorsqu’elle a présenté ce projet de loi à la veille de sa retraite. D’instinct, je lui ai proposé de prendre sa relève. Honorables sénateurs, j’aimerais prendre quelques instants pour vous expliquer ma réaction, surtout à la lumière de ce sous‑amendement.

Alors que j’étais députée de l’opposition à l’Assemblée législative du Yukon, j’ai eu vent d’un problème au sujet de la Loi sur l’assurance-santé du Yukon. Les bébés adoptés à l’extérieur du pays devaient avoir vécu trois mois au Canada avant d’être admissibles à l’assurance-santé. Tous les sénateurs, en particulier à la lumière des discussions sur la pénurie de Tylenol, peuvent comprendre qu’aucun parent canadien dont l’enfant est malade ne voudra se faire dire qu’il doit attendre trois mois ou payer la consultation chez le médecin ou à l’hôpital. La situation était manifestement injuste à l’égard de ces enfants nouvellement adoptés. À l’Assemblée législative, j’ai bombardé de questions le ministre de la Santé de l’époque afin qu’on apporte un changement.

Après mon départ de l’Assemblée législative, j’ai travaillé comme fonctionnaire responsable de l’inscription au régime de soins de santé, et cette expérience m’a fait voir à quel point il est compliqué d’apporter des changements pour corriger une situation lorsque les avocats et les rédacteurs de lois s’en mêlent, comme l’a expliqué notre collègue, le sénateur Cotter. Une fois adoptées, les modifications législatives visant à fournir des soins aux bébés adoptés devaient tenir compte des dispositions de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Comme si l’inscription au régime de soins de santé n’était pas assez compliquée, surtout pour les femmes enceintes qui attendaient le traitement de leur demande d’immigration — ce qui prenait une éternité — et tentaient de prouver qu’elles avaient le droit d’être au Canada, je me suis ensuite occupée des décisions relatives aux demandes d’indemnisation des travailleurs, puis j’ai travaillé à la défense des droits des travailleurs.

Le préambule de la Loi sur les accidents du travail du Yukon, comme on l’appelait à l’époque, dit notamment ceci :

Attendu [...] qu’il est souhaitable d’améliorer le système pour s’assurer qu’il continue de répondre à l’évolution des besoins des travailleurs et qu’il reflète plus efficacement les coûts réels, tant humains qu’économiques, des lésions professionnelles tout en permettant d’adopter une approche holistique en matière de réadaptation des accidentés du travail;

La loi dit aussi ceci :

[Attendu] que le gouvernement est confiant que la Commission de la santé et de la sécurité au travail peut continuer sa tutelle de la caisse d’indemnisation et la gérer dans l’intérêt supérieur des principaux intéressés, soit les travailleurs et les employeurs;

Ce qui m’a poussée spontanément à intervenir, c’est, d’une part, le fait que le gouvernement peut confier à une commission la gestion des fonds dans l’intérêt supérieur des travailleurs et des employeurs et, d’autre part, le sens de l’équité et le souci qu’avait la sénatrice Griffin de défendre les intérêts d’une petite région.

Ceux qui ont travaillé avec moi savent que je crois fermement que la raison d’être d’une personne au service de la population, qu’elle ait été élue, embauchée ou nommée, c’est de répondre aux besoins de la population. C’est pour cela que j’ai décidé de parrainer le projet de loi.

Dans le cadre de mon travail à la Commission de la santé et de la sécurité au travail du Yukon, avant de travailler à la défense des intérêts des travailleurs, j’ai aussi reçu une formation de la Foundation of Administrative Justice.

Honorables sénateurs, après mon examen initial de l’évaluation des coûts par le directeur parlementaire du budget, qui a été publiée en septembre, j’ai interprété que l’adoption de cette mesure spécifique à l’Île-du-Prince-Édouard deviendrait une question d’argent, ce qui dépasse le rôle du Sénat. En effet, nous ne pouvons pas autoriser de dépenses. D’après les travaux du Comité des finances nationales, qui a également examiné la question que ce projet de loi tente de régler, j’ai supposé que cette question serait résolue par la Chambre des communes et que, à tout le moins, l’adoption de ce projet de loi au Sénat inciterait le gouvernement à agir pour régler la situation décrite dans le projet de loi. Le gouvernement a effectivement résolu cette situation pendant la pandémie en permettant à tous les habitants de l’île d’obtenir les mêmes prestations. Cette mesure a toutefois pris fin en septembre.

Honorables sénateurs, tout comme les lois peuvent être interprétées différemment, il y a des opinions divergentes dans cette enceinte et ailleurs au sujet du rapport du directeur parlementaire du budget. J’ai le plus grand respect pour tous les sénateurs. La plupart considèrent le rapport du directeur parlementaire du budget comme un nouvel élément de preuve qui n’a pas encore été examiné par le comité. Or, les formations de la Foundation of Administrative Justice nous apprennent qu’en présence de nouvelles preuves, l’affaire doit être entendue à nouveau.

Ce sous-amendement recommande que le Comité de l’agriculture et des forêts examine les nouvelles preuves et qu’il soit maître de ses travaux pour déterminer comment et quand le comité devra procéder.

(1620)

Je remercie le sénateur Black et la sénatrice Ringuette qui ont respectivement proposé le sous-amendement et l’amendement. Je suis favorable à ce que le projet de loi soit renvoyé de nouveau au comité, sans imposer de restrictions, si telle est la volonté du Sénat.

Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du sous-amendement proposé par le sénateur Black à la motion pour renvoyer le projet de loi S-236 au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts pour une étude plus approfondie. Puisque je suis un avocat de profession, et étant donné le discours prononcé mardi par le sénateur Cotter, je devrais peut-être m’abstenir de participer à ce débat, mais je ne vais pas le faire.

Je ne suis pas expert en matière d’assurance-emploi à l’Île‑du‑Prince-Édouard ni sur l’impact pour les travailleurs à faible revenu d’établir une zone plutôt que deux zones. Ces éléments ont été au cœur de nos débats sur ce projet de loi jusqu’à maintenant. Par contre, je m’y connais passablement sur le fonctionnement de nos comités.

J’ai constaté que nos comités font de l’excellent travail quand ils ont la possibilité d’entendre le point de vue de toutes les parties prenantes par rapport à un enjeu donné et qu’ils ont le temps de considérer avec soin tous ces points de vue avant de décider de la marche à suivre face à de nouvelles informations. Dans le cadre d’une étude, cela se traduit par des recommandations réfléchies et judicieuses. Pour un projet de loi, cela signifie des amendements et des observations.

J’ai écouté attentivement l’ensemble des débats sur ce projet de loi dans cette enceinte. J’ai pris connaissance du rapport du directeur parlementaire du budget. J’ai aussi tenu compte de la lettre acheminée à tous les sénateurs, adressée à l’un de nous en particulier en raison de son opinion divergente. La sénatrice Ringuette a fait mention de cette lettre dans son discours mardi.

Je ne suis pas un expert dans ce domaine. Je n’ai certainement pas passé une semaine à faire des recherches sur le sujet, mais je crois que les comités devraient être maîtres de leur propre destinée, et cela inclut pouvoir choisir les témoins qu’ils jugent crédibles et convaincants.

À moins de convoquer un ministre afin qu’il réponde à des questions pointues sur un sujet, je répugne à ne convoquer qu’un seul témoin sur un sujet quelconque. Il y a toujours deux côtés à une médaille, et donc plus d’une facette à une question. Je laisse au comité le soin de décider s’il souhaite convoquer des syndicats ou des groupes de lutte contre la pauvreté de l’Île-du-Prince-Édouard, mais c’est pour cela que j’appuie la première partie du sous‑amendement du sénateur Black qui préciserait la capacité du comité à convoquer d’autres témoins s’il le juge nécessaire.

En tant qu’ancien président et vice-président et membre de divers comités passés et présents, je comprends également combien il peut être difficile d’organiser le calendrier d’un comité et de confirmer la présence des témoins en temps opportun. Je suis également conscient qu’aujourd’hui est un jeudi précédent une semaine de relâche et qu’il faudra probablement un certain temps pour obtenir les ententes nécessaires à l’envoi des convocations, et cetera, ce qui rendrait la date d’échéance d’origine de la motion de la sénatrice Ringuette difficile — par là je veux plutôt dire impossible — à respecter. C’est pourquoi j’appuie la deuxième partie du sous‑amendement du sénateur Black, qui donnerait au comité davantage de temps pour mener à bien ses travaux.

Je vais voter en faveur du sous-amendement du sénateur Black, et j’encourage mes collègues qui croient que les comités devraient conserver le contrôle de leurs listes de témoins et de leurs échéanciers à en faire autant.

Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion de sous-amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion de sous-amendement de l’honorable sénateur Black est adoptée.)

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Adoption de la motion d’amendement et renvoi du projet de loi au comité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Duncan, appuyée par l’honorable sénatrice Clement, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), tel que modifié.

Et sur la motion d’amendement, telle que modifiée, de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc,

Que le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), tel que modifié, ne soit pas maintenant lu pour une troisième fois, mais qu’il soit renvoyé de nouveau au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts afin qu’il entende des témoins additionnels, y compris le directeur parlementaire du budget concernant le rapport sur les effets budgétaires de ce projet de loi préparé par son bureau.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur l’amendement modifié?

Des voix : D’accord

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement modifiée est adoptée.)

La Loi sur le casier judiciaire

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Pate, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (gouverneur général).

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Griffin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de porte-parole du projet de loi S-230, intitulé Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui a été proposé par l’honorable Kim Pate.

Le projet de loi S-230 s’appuie en partie sur les amendements qui avaient été adoptés par le Sénat lors de l’étude du projet de loi C-83 en 2019 et qui n’ont pas été retenus par le gouvernement depuis son adoption. Le projet de loi C-83 a mis fin à ce qu’on appelait à l’époque l’« isolement cellulaire », jugé inconstitutionnel en réponse aux jugements de deux cours suprêmes provinciales.

À l’époque, les tribunaux avaient jugé que l’isolement cellulaire, comme il était pratiqué au Canada, contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés. Pour remplacer l’isolement cellulaire, le gouvernement a mis en place les unités d’intervention structurée (UIS).

Dans le discours qu’elle a prononcé à l’étape de la deuxième lecture en novembre 2021, la sénatrice Pate a d’abord formulé une critique de fond sur le projet de loi C-83. Selon elle, la mise en œuvre de cette loi est un échec et la loi ne répond pas aux problèmes constitutionnels soulevés par les tribunaux. Elle affirme que le gouvernement avait promis de mettre fin à l’isolement dans les prisons fédérales et que ce dernier n’a pas tenu sa promesse.

Le projet de loi S-230 a alors été déposé afin de corriger certaines lacunes du projet de loi C-83 et de mettre en œuvre les recommandations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, lequel n’a pas non plus reçu de réponse de la part du gouvernement, faut-il le rappeler.

Dans son sommaire, le projet de loi S-230 énonce quatre objectifs bien précis, et je cite :

a) d’exiger le transfèrement dans un hôpital de toute personne condamnée ou transférée au pénitencier souffrant de troubles mentaux invalidants;

b) de veiller à ce que la durée de l’incarcération dans une unité d’intervention structurée ne dépasse pas quarante-huit heures, sauf ordonnance contraire d’une cour supérieure;

c) de permettre à des groupes communautaires et à d’autres services de soutien similaires d’assurer la prestation de services correctionnels aux personnes issues de populations défavorisées ou en situation minoritaire et de proposer des plans pour la libération de ces personnes et leur réintégration dans la collectivité;

d) de permettre aux personnes condamnées à une période d’incarcération ou assujetties à une période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de demander au tribunal qui a imposé la peine de réduire cette période, lorsqu’il y a eu injustice dans l’administration de la peine.

(1630)

Les objectifs du projet de loi que je viens de citer entraîneraient des modifications majeures à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. De plus, j’émets de sérieuses réserves sur sa légalité et sa faisabilité, notamment en ce qui concerne les articles 4, 5 et 11 du projet de loi.

L’article 4 du projet de loi S-230 ajoute un article à la Loi sur le système correctionnel pour que tout détenu souffrant de troubles mentaux invalidants soit transféré dans un hôpital, et ce, de manière obligatoire.

L’obligation systématique pour un commissaire d’envoyer un détenu dans un hôpital en raison de la simple mention d’un trouble de santé mentale invalidant me semble être une situation problématique à bien des égards. Cela consisterait, en fait, à transférer aux provinces une responsabilité fédérale, ce qui soulève de sérieuses préoccupations. Est-ce que toutes les provinces ont été consultées, comme je l’ai fait pour mon projet de loi S-205 auprès des ministres de la Justice? Est-ce que les provinces ont la capacité médicale, matérielle et financière d’augmenter le nombre de patients institutionnalisés dans leurs établissements? Dans ce cas, comment assurer la sécurité du personnel des hôpitaux et des autres patients?

Le projet de loi ne donne pas de définition du concept de « troubles mentaux invalidants ». Nous savons que la santé mentale est un sujet complexe et très préoccupant dans nos pénitenciers comme dans nos communautés. Il est reconnu que de nombreux détenus au Canada, hommes et femmes, souffrent de troubles de santé mentale à divers degrés. Ces troubles peuvent varier, selon les cas, et il peut exister différents degrés d’invalidité, qui ne nécessitent aucunement le transfert dans un hôpital.

Je vous rappelle qu’il est possible d’obtenir des soins de santé dans les centres de détention. Je l’ai moi-même constaté lors de mes visites et de mes échanges avec les divers intervenants du milieu carcéral. Selon les données du Service correctionnel du Canada, de 35 à 40 % des délinquants incarcérés et 50 % des femmes incarcérées souffriraient d’un problème quelconque de santé mentale. En principe, le projet de loi de la sénatrice pourrait provoquer la migration de près de 5 000 détenus vers les services de santé des provinces, sans compter les détenus des centres de détention provinciaux qui pourraient être entraînés dans la vague de ce projet de loi.

Cet article, tel qu’il est rédigé, remplacerait les centres de détention par les centres hospitaliers, ce qui est invraisemblable d’un point de vue judiciaire. Le projet de loi ne nous donne pas non plus d’indications sur la durée ni même sur la révision de la période d’hospitalisation. Ces imprécisions dans le projet de loi nous portent à croire qu’un détenu pourrait passer toute sa peine dans un hôpital, et ce, même si son état mental ne nécessite pas d’être hospitalisé. Ainsi appliqué, cet article entre en conflit direct avec la Commission de la santé mentale du Canada, qui a pour mandat de gérer le maintien ou non en institution des criminels reconnus non criminellement responsables.

De plus, le projet de loi contrevient à l’article 15.1 de la Loi sur le système correctionnel, car la détention dans un centre hospitalier ne permettrait pas à un détenu d’avoir accès aux programmes ou aux services prévus dans les établissements de détention qui peuvent l’aider à réussir son cheminement correctionnel pour être en mesure de bénéficier un jour d’une réinsertion sociale. C’est tout à fait contraire à ce que stipule l’article 15.1 de la loi.

Je rappelle que le système de justice canadien prévoit déjà l’évaluation de l’aptitude d’une personne à faire face aux procédures judiciaires, et ce, tout au long des procédures. Lorsqu’un tribunal rend un verdict, il a la discrétion de tenir compte de l’état mental de l’accusé et d’infliger une peine juste et appropriée. Il est, selon moi, impensable qu’un détenu qui a fait face à des procédures judiciaires et qui a été condamné par un tribunal pour le crime qu’il a commis puisse être transféré automatiquement dans un centre hospitalier, sur la seule indication selon laquelle il souffrirait d’un trouble mental invalidant. Cette approche serait médicalement irresponsable et injuste pour les victimes et leurs familles.

La solution n’est pas de « pelleter » le problème du gouvernement fédéral dans la cour des provinces, mais d’assumer cette responsabilité et de s’engager à améliorer les services psychiatriques dans les pénitenciers fédéraux. Cette amélioration que je suggère ne signifie aucunement qu’il ne faut pas rechercher d’autres solutions à l’incarcération des personnes souffrant de troubles mentaux; loin de là. Je partage tout à fait l’objectif de la sénatrice Pate, mais ce que la sénatrice veut faire, c’est exactement ce que plusieurs provinces ont fait dans les années 1980 et 1990 — on s’en souvient tous — avec leur objectif de désinstitutionnalisation. Au Québec, par exemple, on a fermé au-delà de 50 % des lits en psychiatrie, sans donner aux familles et aux communautés les ressources nécessaires pour s’occuper d’une bonne partie de ces malades qui errent dans les rues de nos grandes villes et, maintenant, de nos petites communautés.

L’adoption du projet de loi S-230, sans que l’on entreprenne une réflexion sérieuse et préalable sur la gestion de la santé mentale au Canada — qui, avouons-le, est un échec lamentable — viendra simplement grossir les rangs des itinérants dans nos villes. Cette situation représente un enjeu sociétal important. Est-ce ce que nous recherchons ici, au Sénat, soit d’avoir plus d’itinérants dans nos rues qui souffrent de troubles de santé mentale plutôt que dans les pénitenciers fédéraux?

Il s’agit d’un choix plutôt incohérent quand on sait que ces personnes malades passeront du pénitencier aux hôpitaux, des hôpitaux à la rue, de la rue au palais de justice et du palais de justice au pénitencier. Honorables sénatrices et sénateurs, nous appelons cette dynamique sociale des « portes tournantes », et ce sont ces portes tournantes qui doivent cesser de tourner. Les services de santé mentale au Canada sont sous-financés et votre projet de loi, sénatrice Pate, n’est pas recevable s’il ne repose pas sur un financement en amont qui précédera les choix liés à l’incarcération.

Honorables sénatrices et sénateurs, j’aimerais vous parler de la réalité des services psychiatriques qui s’adressent aux délinquants incarcérés au Québec. Au Québec, on n’a qu’à prendre l’exemple de l’Institut psychiatrique Pinel, situé dans l’est de Montréal, qui est bien connu. Il y a à peine 48 heures, Le Journal de Montréal rapportait que l’institut avait déposé une lettre au Palais de justice de Montréal pour aviser la cour qu’il était actuellement dans l’impossibilité de répondre au volume exponentiellement croissant des demandes d’évaluation psychiatrique des délinquants. Habituellement, l’Institut Pinel reçoit chaque année une quarantaine de demandes d’évaluation psychiatrique, même si l’entente avec le gouvernement prévoit un financement pour 15 évaluations.

Les provinces, dont le Québec, sont déjà hypothéquées dans leur capacité de gestion de cette clientèle. Il serait irresponsable d’ajouter à leur tâche les délinquants visés par le projet de loi S-230, alors que, dans la dernière année seulement, les chiffres ont explosé de 50 %, avec plus de 60 demandes, à cause des délais à la cour.

Il faut se rappeler que la loi prévoit un délai de 60 jours pour procéder à une évaluation psychiatrique et, en cas de problème, le tribunal peut, s’il est convaincu de le faire pour des motifs raisonnables, prolonger ce délai de 30 jours pour le dépôt du rapport, comme l’indique le Code criminel. Cela signifie donc que les délais sont systématiquement dépassés. L’Institut Pinel est débordé. Il ne dispose que de six experts pour procéder aux nombreuses évaluations et deux d’entre eux prendront leur retraite d’ici 18 mois. Devant ces faits, je suis convaincu, chers collègues, que vous comprendrez que les provinces ont déjà bien assez de travail dans leur cour et qu’elles ne peuvent en absorber davantage sans que cette situation médicale catastrophique en matière de santé mentale se dégrade. Encore une fois, cette situation inquiétante montre bien qu’il faut prendre sérieusement en considération la capacité des provinces à gérer une responsabilité qui revient au gouvernement fédéral.

Honorables sénateurs et sénatrices, j’aimerais maintenant vous parler de l’article 5 du projet de loi S-230, qui traite des UIS. Comme je le disais un peu plus tôt, les unités d’incarcération structurée ont été créées pour remplacer l’isolement cellulaire, afin de respecter la Constitution du Canada ainsi que les normes internationales établies par les Nations unies, qui s’intitulent les Règles Nelson Mandela. Actuellement, les unités respectent les Règles Nelson Mandela quand il est prévu que les détenus qui se trouvent dans des unités d’intervention structurée doivent pouvoir passer au moins quatre heures par jour à l’extérieur de leur cellule, en plus d’avoir au moins deux heures d’interactions avec d’autres détenus et de participer à des activités et des programmes. Un suivi très strict de l’état de santé de ces détenus est également prévu. Je suis donc en désaccord avec l’affirmation de la sénatrice Pate, qui estime que le Canada pratique la torture dans ses pénitenciers. À mon avis, cette analyse est erronée et basée sur une interprétation relativement subjective des normes internationales, à moins que la sénatrice Pate puisse nous donner sa propre définition de ce qu’est la torture.

(1640)

Afin de remédier au système mis en place par le projet de loi C-83, le projet de loi S-230 prévoit que les séjours en UIS soient limités à une durée de 48 heures seulement et que seul un juge d’une cour supérieure puisse prolonger cette durée.

Ce nouveau système mis en place par le projet de loi est irréalisable et irréaliste sur le plan pratique, et il serait également contraignant pour les détenus eux-mêmes. Prenons l’exemple d’un détenu qui est transféré dans une UIS à des fins de sécurité. Un délai de 48 heures serait trop long dans bien des cas pour écarter toute menace à sa sécurité, et une demande de prolongation auprès d’une cour supérieure pourrait prendre plus de 48 heures à être traitée. Le détenu serait alors retransféré dans le milieu carcéral malgré les risques pour sa sécurité. Cette situation serait contraire à l’objectif que veut atteindre la sénatrice Pate, car elle pourrait mettre la sécurité du détenu en jeu et la direction carcérale pourrait être blâmée pour son laxisme.

L’UIS est un outil mis à la disposition du Service correctionnel du Canada afin d’aider les détenus à réintégrer la population carcérale en toute sécurité. Certains d’entre eux souhaitent même y rester pour des raisons de sécurité personnelle. Je l’ai observé lorsque j’ai visité des pénitenciers, et il faut être naïf en ce qui concerne la vie carcérale pour ignorer cette réalité.

Le projet de loi S-230 ne prévoit aucune exception à la règle; il serait donc obligatoire de demander, de façon urgente, une ordonnance de la cour pour toute prolongation de la durée d’un détenu au sein d’une UIS. Sans cette ordonnance, le détenu retournerait dans ce milieu, ce qui pourrait compromettre sa sécurité.

Vous comprendrez, chers collègues, que cet article compliquerait le travail des centres de détention et alourdirait le travail des cours supérieures, sans oublier les ressources additionnelles qui seraient utilisées pour gérer ce processus judiciaire. Une inégalité pourrait se créer en ce qui concerne la position géographique des centres de détention. Certains sont bien plus éloignés des palais de justice que d’autres; il serait donc plus difficile pour eux d’obtenir une ordonnance de la cour dans les 48 heures prévues par ce projet de loi. Cette approche rigide serait contraire aux objectifs de la sénatrice Pate. Le système actuel fonctionne, alors laissons les autorités carcérales s’occuper de ce qui relève de leurs compétences. Comme le dit l’expression anglaise :

[Traduction]

Si ça marche, il ne faut pas y toucher.

[Français]

J’aimerais maintenant vous parler de l’article 11 du projet de loi, qui consiste à faire respecter son quatrième objectif, soit celui de demander à un tribunal qui a imposé une peine de réduire la période d’incarcération ou d’inadmissibilité à la libération conditionnelle lorsqu’il y a eu injustice dans l’administration de la peine. Cet article créerait un nouveau recours au Code criminel et permettrait au tribunal de première instance de réviser la peine qu’il avait rendue, afin d’octroyer une réduction de peine à un détenu ayant subi une injustice dans l’administration de sa peine.

Or, bien que je m’oppose au principe d’un tel article, selon moi, il serait contesté devant les tribunaux et inapplicable du point de vue juridique et en vertu du Code criminel. En effet, le Code criminel ne permet pas à un juge de modifier la sentence rendue pour les motifs énumérés au nouvel article proposé dans le projet de loi. De façon générale, un tribunal ne peut pas examiner à nouveau une décision qu’il a rendue et modifier son jugement. Cet article du projet de loi démontre un manque de connaissance du système de justice canadien, car cette responsabilité juridique appartient aux cours d’appel au Canada.

Le projet de loi de la sénatrice Pate remet en question le principe fondamental du caractère définitif des décisions et de la stabilité des jugements. On peut donc prévoir que le nouveau recours proposé pour réduire une peine ne pourra trouver réellement application et être mis en œuvre par les tribunaux, puisqu’il demanderait au tribunal ayant rendu une sentence de la réexaminer et de la modifier selon des considérations nouvelles et qui n’ont absolument rien à voir avec les principes du droit pénal qui doivent être respectés par les tribunaux pour rendre une sentence juste et appropriée.

J’aimerais cependant rappeler que d’autres recours juridiques et constitutionnels existent déjà pour répondre aux objectifs. La Charte canadienne des droits et libertés prévoit déjà un recours à l’alinéa 10c) afin de vérifier la légalité d’une privation de liberté par un juge d’une cour supérieure. Le Code criminel prévoit le même recours lorsque, par exemple, un centre de détention décide de placer un détenu dans une UIS. Pour appuyer mon propos, j’aimerais citer un passage de la Cour suprême du Canada à ce sujet :

L’habeas corpus est un recours, développé par la common law et consacré par l’alinéa 10c) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui permet à un détenu de faire contrôler par la Cour supérieure la légalité d’une privation de liberté et, en cas d’illégalité, d’obtenir une libération. Dans le contexte carcéral, l’habeas corpus permet à un détenu de contester une perte de liberté résiduelle décidée par les autorités, c’est-à-dire une restriction importante de liberté par rapport à la liberté relative dont il jouit normalement en milieu pénitentiaire. La perte de liberté implique une diminution de liberté par rapport à une situation initiale. Une privation de liberté est illégale lorsqu’elle résulte d’une erreur de compétence, d’une erreur de droit, d’un manque d’équité procédurale ou encore lorsqu’elle est déraisonnable.

L’article 11 du projet de loi S-230 n’est donc pas nécessaire en raison des nombreux recours qui existent déjà et qui visent le même objectif énoncé dans le projet de loi S-230. Ce projet de loi serait également contraignant pour les services correctionnels qui perdraient un pouvoir discrétionnaire important déjà confié aux tribunaux carcéraux indépendants et à nos tribunaux qui, par principe, ont déjà signifié leur volonté de ne pas pratiquer de la microgestion.

Honorables sénateurs, bien que je comprenne les objectifs du projet de loi et les intentions très louables de la sénatrice Pate de favoriser un système de justice plus juste et plus humain pour les criminels, je ne suis pas convaincu que les nouvelles modifications proposées dans le projet de loi S-230 atteignent ses objectifs initiaux. En effet, le projet de loi S-230 serait même davantage contraignant pour les délinquants eux-mêmes, dont certains ne souhaiteraient pas passer leur détention dans un centre hospitalier ou être retirés d’une UIS après une durée de 48 heures.

En conclusion, vous aurez compris, honorables sénateurs et sénatrices, que je ne pourrai pas appuyer le projet de loi S-230. Par contre, j’invite de nouveau la sénatrice Pate à se joindre à moi pour que nous puissions organiser ensemble une rencontre avec les ministres de la Santé et de la Sécurité publique du Canada afin de leur demander de relancer le programme communautaire At Home/Chez soi. Ce programme a connu une grande popularité dans plusieurs villes du pays et les résultats probants ont permis de réduire le nombre de personnes souffrant de problèmes de santé mentale qui sont retournées dans le système de justice.

Sénatrice Pate, c’est une invitation sincère que je vous lance de collaborer avec vous afin de faire des pénitenciers fédéraux non pas des institutions psychiatriques, mais des institutions qui accueillent des criminels qui n’ont pas leur place dans nos rues. J’espère, sénatrice Pate, que nous aurons bientôt l’occasion d’étudier ce projet de loi au sein d’un comité. Je vous remercie.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Pate, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Projet de loi favorisant l’identification de criminels par l’ADN

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-231, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur la défense nationale et la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

(1650)

Le Code criminel
La Charte canadienne des droits des victimes

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-238, Loi modifiant le Code criminel et la Charte canadienne des droits des victimes (renseignements concernant la victime).

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-238. Je remercie le sénateur Boisvenu du soutien indéfectible qu’il apporte aux victimes.

J’ai un autre point de vue par rapport à cette question, compte tenu du travail que j’ai fait auprès de femmes et d’enfants qui ont vécu des situations d’une violence horrible, qui n’ont reçu pratiquement aucune protection, et qui, après avoir répondu à cette violence en repoussant l’agresseur ou en réagissant d’une autre façon, ont été sévèrement punis par le système de justice pénale. Je comprends l’intention derrière ce projet de loi, et je reconnais l’importance de l’objectif du sénateur Boisvenu, soit protéger les victimes contre les préjudices causés par des publications en ligne, mais ce n’est malheureusement pas la seule chose que ferait ce projet de loi.

Dans son discours, le sénateur Boisvenu a dit que ce projet de loi :

[...] modifie [...] le Code criminel afin d’interdire à tout délinquant ou prévenu de publier des images ou des renseignements sur sa victime ou de garder des images déjà existantes de sa victime sur les réseaux sociaux, que ce soit pendant les procédures judiciaires ou après sa condamnation.

Or, ce n’est pas ce que dit le projet de loi.

Le projet de loi prive entièrement la personne visée de sa liberté d’expression et empêche un accusé de publier, de distribuer, de transmettre ou de rendre accessible en ligne « tout renseignement concernant la victime de l’infraction en cause ».

Il existe déjà des dispositions à cet égard qui servent à atteindre l’objectif du sénateur Boisvenu. Par exemple, en ce qui a trait à la libération sous caution, l’alinéa 515(4)g) du Code criminel, qui porte sur la mise en liberté provisoire par voie judiciaire, dit ceci :

Le juge de paix peut exiger [...] que le prévenu fasse celle ou celles des choses ci-après que précise l’ordonnance :

[...] observer toute autre condition indiquée que le juge de paix estime nécessaire pour assurer la sécurité des victimes ou des témoins de l’infraction [...]

Même si je suis convaincue que ce n’est pas l’intention du projet de loi tel qu’il est écrit, ce dernier pourrait nuire aux femmes qui, après des années d’agressions, se défendent ou défendent leurs enfants et finissent par être accusées, reconnues coupables et emprisonnées. Le projet de loi pourrait empêcher ces femmes d’obtenir justice au moment où elles sont encore uniquement les victimes. Rien dans ce projet de loi ne protège les femmes qui sont victimes d’agressions et qui sont maintenant emprisonnées parce qu’elles ont décidé de se défendre.

Nous avons vu de nombreux cas où des femmes qui dénoncent leur agresseur ont été dénigrées. Le projet de loi à l’étude pourrait inciter les femmes à garder le silence et punir celles qui choisissent de parler.

Certains parmi vous se disent peut-être : « Ces dispositions ne seront certainement pas utilisées de la sorte. »

Il y a bien des exemples de femmes — notamment de femmes autochtones — qui, après avoir vécu des années de mauvais traitements, sont transformées en criminelles parce qu’elles ont employé la force, parfois une force mortelle, pour répondre à la violence dont elles étaient victimes. L’exemple le plus flagrant est peut-être celui d’Yvonne Johnson, qui montre comment l’application de ce projet de loi pourrait être trop large et comment il pourrait être utilisé contre les femmes qui sont elles-mêmes des victimes. Yvonne Johnson a passé près de 20 ans en prison pour le meurtre au premier degré d’un homme qui était accusé d’avoir agressé sexuellement sa petite fille. En 1998, elle a co-écrit un livre sur son passé trouble, les agressions sexuelles qu’elle a subies, les expériences du colonialisme, les pensionnats autochtones et le traumatisme intergénérationnel qui l’ont menée en prison.

Son co-auteur, l’écrivain bien connu Rudy Wiebe, a décidé que le livre devrait aussi inclure un examen du rôle qu’elle a joué dans l’homicide. Il voulait ainsi dénoncer les préjugés systémiques ainsi que les mythes et les stéréotypes racistes et sexistes qui ont contribué à rendre Yvonne plus coupable que ses trois co-accusés. Le fait qu’elle a été victime d’agressions sexuelles pendant son enfance et qu’elle était la mère de la petite fille a servi à lui attribuer un motif plus grand que celui de son mari — le père de l’enfant — et des deux autres accusés.

Le livre, intitulé Stolen Life, a été utilisé contre elle. En plus de retarder sa mise en liberté sous condition, il l’a encore une fois réduite au silence.

Nous n’avons pas besoin d’un autre projet de loi qui tente de traiter un symptôme du problème d’une manière générale et qui crée donc de nombreux problèmes dans le processus. Il faut plutôt s’attaquer aux idées et aux attitudes qui alimentent toutes les formes de violence — en particulier la violence misogyne et raciste — dans toutes les sphères de notre système de justice pénale, tout en mettant en place des systèmes de soutien social, sanitaire et économique solides qui peuvent vraiment aider les femmes à s’échapper et, en fin de compte, nous aider à mettre fin à toutes les formes de violence.

Meegwetch, merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

[Français]

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Boisvenu, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Traduction]

La Loi sur la radiocommunication

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson, appuyée par l’honorable sénateur Cormier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Patterson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine libanais

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Cordy, appuyée par l’honorable sénateur Dalphond, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, comme l’a dit un célèbre sénateur, je serai bref ce soir.

Je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais, qui désigne le mois de novembre comme Mois du patrimoine libanais. Il s’agit d’un projet de loi parrainé par l’honorable sénatrice Cordy et appuyé par l’honorable sénateur Dalphond. De toute évidence, j’en suis le porte-parole, mais un porte-parole très bienveillant.

Je pense que nous devrions tous reconnaître qu’il s’agit d’un projet de loi important, tant pour la communauté canado-libanaise que pour nous tous. Bien que j’aie entendu certains sénateurs dire au fil des ans que nous avons trop de dates et de mois désignés, il n’en demeure pas moins que le Canada est essentiellement fort grâce à la somme de toutes ses parties. Il est impératif que toutes ses parties aient le sentiment d’appartenir à la famille canadienne et soient reconnues.

La communauté libanaise est évidemment l’une des communautés dont les contributions ont été considérables. Les premiers Libanais sont arrivés au Canada en 1880 et d’autres ont afflué dans le pays au fil des décennies et apporté d’énormes contributions dans tous les milieux. Lorsqu’ils sont arrivés au Canada, dont beaucoup au quai 21 en 1880, ils sont arrivés comme nous tous. Il n’y a aucune différence entre les immigrants de première génération ou les enfants de ceux-ci. Tous les immigrants ont fui un endroit dans le monde où régnait un conflit, la pauvreté ou l’agitation politique. Tous les immigrants arrivent dans ce pays en cherchant quelque chose de précis, mais quoi? Ce sont la liberté, la démocratie et les perspectives d’avenir. Il en va de même pour les Autochtones, les descendants de l’un des deux peuples fondateurs de la confédération et tous les autres.

(1700)

Tous les immigrants qui sont venus au Canada ont pris un pari et ont jeté les bases de leur nouvelle vie. La communauté d’immigrants libanais — dont les premiers sont arrivés en 1818 — ont tous travaillé fort, que ce soit dans les mines ou, bien sûr, dans l’agriculture. Un grand nombre d’entre eux étaient des marchands itinérants, déambulant d’un bout à l’autre du pays pour acheter et vendre divers produits. Leurs affaires ont été florissantes et ils ont contribué au succès de notre pays de multiples façons.

Chers collègues, la première personne qui a immigré à Ottawa s’appelait Annie Midlige. Elle est arrivée en 1895 et elle a lancé son propre commerce de la fourrure. Imaginez, elle n’était pas du tout intimidée par la Compagnie de la Baie d’Hudson. Elle a démarré sa propre entreprise ici même, à Ottawa, et elle a réussi.

En Colombie-Britannique, plus précisément à Victoria, les frères Abraham et Farris Ray ont démarré leur carrière de marchands itinérants.

Les premiers immigrants d’origine libanaise qui sont arrivés en Alberta étaient un homme du nom d’Ali Abouchadi, qui prendrait ensuite le nom d’Alexander Hamilton, et son oncle Sine Abouchadi. En 1905, il ont commencé à faire du commerce itinérant entre Edmonton et Lac La Biche. Dans les années 1920, Alex Hamilton était devenu l’un des hommes d’affaires les plus prospères de la ville.

En 1905, l’Île-du-Prince-Édouard comptait une vingtaine de colporteurs autorisés d’origine libanaise. Ceux-ci n’ont pas tardé à se lancer dans une variété d’entreprises et de commerces.

La communauté libanaise est présente dans toutes les régions du pays, bien sûr. Les Canadiens d’origine libanaise ont établi des communautés dynamiques dotées de centres culturels et de centres religieux, et leur fantastique esprit d’entreprise est bien connu. Qui n’a jamais dégusté de mets libanais ou méditerranéens, comme je l’ai moi-même fait ce midi? Dans tous les coins du pays, ces mets sont maintenant intégrés à notre alimentation de diverses façons.

Et ce n’est pas tout, chers collègues. Les Canadiens d’origine libanaise sont très bien intégrés au Canada. Ils sont polyglottes à leur arrivée ici. Une grande partie des quelque 250 000 Canadiens d’origine libanaise vivent dans la plus belle ville du pays, Montréal, ma ville, où ils sont chefs d’entreprise, leaders de la communauté et intellectuels.

Le sénateur Gold sera du même avis. Je crois que c’est un sujet sur lequel nous pouvons nous entendre. J’estime qu’ils apportent énormément au Canada.

En outre, lorsqu’ils sont arrivés ici, ils ont fait ce qu’ils avaient à faire, comme tous les immigrants. Ma défunte mère m’a toujours dit... Je lui ai demandé : « Quelle était la raison principale de votre venue ici? » Elle m’a répondu :

Écoute : d’où je viens, peu importe à quel point on travaille, il semble qu’on n’avance jamais. Au Canada, c’est très simple : on travaille fort, et plus on travaille fort, plus on réussit.

Il y a quelques semaines, je me suis rendu chez l’un de mes marchands de glaces préférés. Il y a là un monsieur nommé Sam, d’origine libanaise. Il possède trois points de vente à Montréal. C’est un homme très prospère. Il a immigré il y a environ 25 ans. Il travaille extrêmement dur et il est très à l’aise financièrement. Je lui ai dit : « Sam, vous travaillez très fort. Vous avez un certain âge. Vous n’avez pas besoin de trimer aussi dur. » Il m’a répondu :

Écoutez : le Canada m’a offert des choses formidables. D’où je viens, je travaillais extrêmement dur, mais j’avais l’impression de ne pas avancer. Ici, plus je travaille fort, plus je réussis, et c’est merveilleux.

Cela m’a immédiatement rappelé, mot pour mot, l’échange que j’avais eu avec ma défunte mère, qui était entrée au pays par le port d’Halifax, en 1957, avec un rêve.

Chacun des immigrants de la communauté libanaise est venu avec un rêve qu’il a réalisé. Qu’il suffise de regarder les histoires de réussite dans tous les milieux. J’ai fait quelques recherches et, bien sûr, on y retrouve des sénateurs, des députés, des entrepreneurs et des universitaires. Dans cette enceinte même, lorsque j’y ai été appelé, on y retrouvait déjà mon ancien collègue, le sénateur Mac Harb. J’ai très vite appris qu’il était d’origine libanaise. Du côté de la Chambre des communes, on retrouve d’anciens députés comme Allan Koury, qui a été élu dans Hochelaga—Maisonneuve en tant que conservateur à Montréal en 1988, Maria Mourani, Eva Nassif et, bien sûr, mon bon ami Fayçal El-Khoury, qui est actuellement député de Laval—Les Îles, ainsi que Ziad Aboultaif, mon ami de la circonscription d’Edmonton Manning, il me semble, qui est un digne représentant de la communauté libanaise.

Il y a aussi l’ancien premier ministre Joe Ghiz, de l’Île-du-Prince-Édouard. Chers collègues, non seulement il est d’origine libanaise, mais il a également été le premier premier ministre provincial élu au Canada qui n’était pas d’origine européenne. Voilà un élément historique et une fierté que la communauté libanaise célèbre en permanence.

Il y a Walter Assef, le maire de Thunder Bay, en Ontario, et Eddie Francis, le maire de Windsor.

Bien sûr, dans le domaine économique, le professeur Henry Habib; la Dre Justine Sergent, neurologue célèbre au Canada; le professeur Gad Saad, qui enseigne à l’école de gestion John‑Molson, avec laquelle je sais que le sénateur Loffreda est étroitement associé.

Les Canadiens d’origine libanaise sont très fiers des artistes comme Keanu Reeves, qui est né à Beyrouth et a grandi à Toronto. Bien sûr, nous, les Canadiens de toutes origines, sommes très fiers que Keanu Reeves soit d’origine libanaise et canadienne.

Il y a, bien sûr, Kristina Maria, chanteuse dont mes enfants m’ont parlé. Elle plaît beaucoup à leur génération; je suis toujours le vieux. Mes enfants m’appellent « Boomer ». Alors me voici.

Il y a aussi, bien sûr, Marwan Hage, qui a joué dans la Ligue canadienne de football pour les Tiger-Cats de Hamilton. Et, bien sûr, nous connaissons tous Nazem Kadri, champion de la Coupe Stanley qui joue actuellement pour les Flames de Calgary.

Il y a aussi une longue liste d’entrepreneurs et de gens d’affaires, dont Kevin O’Leary, qui ont fait de grandes contributions au Canada.

Ce n’est pas tout. La communauté libanaise n’est pas seulement venue ici pour travailler et réussir sur les plans commercial, scolaire et professionnel, mais elle s’est également montrée prête à se battre pour défendre cette liberté à laquelle elle tient tant et la chance que représente le Canada. De nombreux Canadiens d’origine libanaise ont répondu à l’appel du devoir pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale et ont fièrement combattu pour défendre leur liberté, au prix de leur vie, pour servir leur pays, le Canada.

Le lieutenant Edward F. Arab, un jeune avocat très fier de ses origines libanaises, est mort en héros pour le Canada, au front, en Belgique. Charlie Younes a également été tué en combattant courageusement. Bien d’autres, comme Samuel Ross, ont été blessés en servant leur pays. La liste est longue.

Nous les remercions de ce qu’ils ont apporté à notre société. Bien entendu, la grande majorité des immigrants libanais sont arrivés au Canada entre 1975 et 1990. Ils fuyaient la guerre civile qui sévissait au Liban, ce qui nous rappelle que la plupart d’entre nous sommes venus ici pour fuir quelque chose et améliorer notre sort.

Je pense qu’il s’agit d’un projet de loi des plus valables. Je ne pense pas qu’il nécessite de plus ample débat. Je remercie la sénatrice Cordy d’avoir présenté ce projet de loi très intéressant, sur lequel je viens de m’exprimer et que j’appuie entièrement. Chers collègues, je vous invite tous à l’appuyer en deuxième lecture et à le renvoyer au comité. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

La Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski)

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 24, par l’honorable Leo Housakos :

Deuxième lecture du projet de loi S-247, Loi modifiant la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski).

L’honorable Leo Housakos : Je demande que le débat soit ajourné à mon nom pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)

(À 17 h 10, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 15 novembre 2022, à 14 heures.)

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