Projet de loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter)
Deuxième lecture--Ajournement du débat
5 novembre 2020
Propose que le projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-209, qui vise à abaisser de 18 à 16 ans l’âge de voter.
C’est pour moi un moment « herstoric », comme on dirait en anglais, puisqu’il s’agit du premier projet de loi que je dépose au Sénat. Y a-t-il meilleur projet de loi que celui qui porte sur l’inclusion des jeunes Canadiennes et Canadiens au sein de notre démocratie? Ce projet de loi a été élaboré durant plusieurs mois en collaboration avec mon équipe, mes conseillers jeunesse — le Conseil canadien de jeunes féministes —, sans oublier une multitude de regroupements jeunesse d’un bout à l’autre du pays.
Il y a maintenant 50 ans que l’âge du droit de vote est passé de 21 ans à 18 ans. Aujourd’hui, je suis heureuse d’entamer le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-209, qui modifierait la Loi électorale du Canada afin d’abaisser de 18 à 16 ans l’âge de voter aux élections fédérales. Le projet de loi apportera également plusieurs modifications mineures à la même loi afin que le processus de vote tienne compte de l’abaissement de l’âge de voter à 16 ans.
Honorables collègues, ce projet de loi n’est pas compliqué, mais il aurait d’immenses répercussions. Je vous invite à vous joindre à moi et à considérer le potentiel qu’il a de revitaliser la démocratie canadienne.
L’abaissement de l’âge du vote à 16 ans est très judicieux. Les jeunes sont suffisamment mûrs, informés et motivés pour voter. Les recherches tendent d’ailleurs à montrer que les jeunes d’aujourd’hui sont plus motivés, j’ai pu le constater personnellement pendant ma longue carrière d’enseignante et maintenant que je maintiens des liens très étroits avec de jeunes conseillers de partout au pays. Les jeunes sont décidément plus motivés et mieux informés que je l’étais à leur âge.
L’abaissement de l’âge du vote augmentera la participation électorale en donnant aux jeunes la possibilité de voter pour la première fois dans un contexte encadré par l’école, la famille et la communauté. En fait, les bureaux de vote sont souvent situés dans des écoles secondaires, mais la plupart des élèves doivent regarder de loin les autres exercer leur droit de vote.
Nous savons que plus les nouveaux électeurs commencent à voter jeunes, plus ils sont susceptibles de continuer à voter à l’avenir. De surcroît, on dit souvent aux jeunes qu’ils sont les leaders de demain, mais la vérité, c’est qu’ils sont déjà des leaders, de véritables participants aux institutions qui gouvernent le pays, et c’est une occasion importante pour nous de leur montrer que nous reconnaissons leurs droits et que nous les prenons au sérieux en tant que citoyens canadiens.
Lorsque le Canada s’est formé en confédération, l’âge légal pour voter était de 21 ans. À l’époque, seuls les hommes blancs qui étaient propriétaires fonciers pouvaient voter. Les femmes, les Autochtones, les Noirs, les autres personnes de couleur ainsi que les adeptes de certaines religions n’avaient pas le droit de participer au processus démocratique. En 1917, alors que la Première Guerre mondiale faisait rage, le droit de vote a été accordé à tous les militaires canadiens, y compris les femmes. La même année, les Autochtones ont été reconnus comme « Indiens » en vertu de la Loi sur les Indiens.
Après que des femmes aisées du Manitoba aient été les premières à obtenir le droit de vote, ce droit a été accordé à plus de femmes âgées de 21 ans en 1918, mais pas aux femmes autochtones. En 1960, la Loi électorale du Canada a accordé le droit de vote aux élections fédérales aux personnes reconnues comme étant des « Indiens » en vertu de la Loi sur les Indiens. Au terme d’un grand débat national, où certains disaient que des gens aussi jeunes ne pouvaient absolument pas assumer une telle responsabilité, la Loi électorale du Canada a été modifiée pour faire passer de 21 ans à 18 ans l’âge auquel on a le droit de voter. C’était il y a 50 ans.
Les arguments avancés aujourd’hui afin de diminuer l’âge légal pour voter et le faire passer à 16 ans sont semblables à ceux des années 1940, 1950 et 1960, alors qu’on souhaitait faire passer cet âge à 18 ans. En fait, ils font écho au débat où l’on arguait que le droit de vote n’aurait pas dû être accordé aux femmes. La situation actuelle comporte une différence fondamentale qui permet d’appuyer un tel projet de loi.
Les critiques que l’on entend couramment de nos jours sont contredites par le fait que les jeunes femmes, les jeunes hommes et les jeunes d’une diversité de genres sont, en réalité, très informés, très mobilisés et assez matures pour voter. Il existe amplement de preuves qui réfutent ce préjugé.
Honorables collègues, les données tendent à révéler que les Canadiens âgés de 16 ou 17 ans sont suffisamment matures, informés et prêts à exercer le droit de vote aux élections fédérales. J’espère que mes honorables collègues appuieront ce projet de loi et qu’ils encourageront les jeunes de leur entourage à participer au processus démocratique pour le rendre plus efficace lorsqu’il s’agit de représenter la société et d’assurer la prospérité économique et la vitalité à long terme de la société canadienne.
En ce qui a trait à la maturité, ceux qui critiquent l’approche font valoir que les personnes de 16 ans ne sont tout simplement pas assez mûres pour voter. On associe souvent la maturité à l’âge. Or, dans un document de recherche que m’ont fait parvenir des élèves du Manitoba, Sarah Rohleder, âgée de 16 ans, et Meaghan Rohleder, âgée de 15 ans, on trouve cette brève observation : « L’âge ne rend pas tout le monde plus sage. »
En dehors du contexte électoral, les législateurs du pays ont déjà établi que les personnes de 16 ou 17 ans sont assez mûres pour prendre part à des activités qui exigent de la maturité et une capacité de prendre des décisions de façon responsable. Les personnes de 16 ans sont suffisamment mûres pour s’enrôler dans la réserve des Forces armées canadiennes. On leur offre la possibilité d’assumer l’une des plus grandes responsabilités qui soient, celle de servir son pays. On leur demande d’accepter des responsabilités illimitées, quitte à devoir faire le plus grand des sacrifices, et d’accepter le principe qui leur commande de suivre tous les ordres légitimes qu’on leur donnera, même si cela peut leur coûter la vie.
Nous estimons que les jeunes de 16 ans sont assez mûrs pour conduire une voiture — en gros, un engin qui sème la mort. On leur fait confiance pour s’installer derrière le volant, une activité qui, statistiquement parlant, est l’une des plus dangereuses que l’on peut pratiquer au quotidien.
On considère qu’une personne de 16 ans a la maturité voulue pour donner son consentement à des actes sexuels ou pour se marier légalement, avec le consentement de ses parents. On considère que les jeunes ont la maturité voulue pour connaître leur corps et être en mesure de faire leurs propres choix de manière autonome concernant des questions liées à leur santé.
On considère que, à 16 ans, une personne est en âge de travailler, de gagner un salaire et de payer un impôt sur ce revenu. Les gouvernements prennent l’argent des Canadiens de 16 ans qui travaillent et ils adoptent des politiques et des lois qui affectent les jeunes de 16 ans, sans que ces derniers aient leur mot à dire. En résumé, on considère que les personnes de 16 ans et de 17 ans ont la maturité voulue pour assumer leurs responsabilités lorsqu’il est question de s’enrôler dans l’armée, d’avoir des rapports sexuels, de conduire une voiture, de payer de l’impôt, d’être marié et d’avoir des enfants.
Leur refuser le droit de vote sous prétexte qu’ils sont immatures est en contradiction avec toutes les responsabilités que leur accorde présentement la société. Pourtant, ils n’ont pas accès au moyen le plus fondamental et démocratique qui soit pour donner leur avis : le droit de vote.
Nous ne devons pas tenir les jeunes à l’écart du cœur de notre démocratie, où réside le droit de vote. Nous devons plutôt les inviter à participer, à titre de partenaires, à la revitalisation de notre démocratie. Il s’agit d’une occasion incontournable de traiter les jeunes Canadiens avec le respect qu’ils méritent, car ils l’ont gagné. Les jeunes sont nos partenaires dans la bonne gestion de notre pays et des institutions qui nous gouvernent. Regardez autour de vous. Bien que l’âge minimal pour être nommé au Sénat soit de 30 ans, aucun sénateur n’est dans la trentaine ni même la jeune quarantaine. Pensez maintenant au fait que le déficit fédéral a dépassé le billion de dollars la semaine dernière. Ce n’est pas notre génération qui portera, à long terme, le poids du long redressement qui s’annonce.
Qu’en est-il de l’argument voulant que les jeunes de 16 ou de 17 ans ne soient pas assez informés? Certains détracteurs prétendent qu’une personne âgée de 16 ans n’est pas suffisamment informée pour voter. Ce n’est pas le cas des adolescents de 16 et 17 ans que je connais. À titre de professeure d’université, j’aurais volontiers accordé une très bonne note aux mémoires appuyant mon projet de loi que m’ont fait parvenir des adolescents de 15, 16 et 17 ans, et même un adolescent de 14 ans. Les données montrent que les personnes de 16 et 17 ans sont capables de prendre une décision éclairée qui respecte leurs valeurs et qui s’inscrit dans une vision progressiste et rassembleuse.
Honorables sénateurs, mon père s’était présenté pour les conservateurs à la demande du regretté sénateur Duff Roblin, qui était premier ministre du Manitoba à l’époque. J’ai fait beaucoup de porte-à-porte dès l’âge de 12 ans. Au fil des ans, j’ai appuyé des candidats de tous les partis politiques pour différentes raisons. Ceux d’entre nous qui ont déjà fait l’exercice démocratique de sillonner les rues pour rencontrer les gens savent que bien des électeurs dont les 16 ans sont passés depuis longtemps n’ont pas assez de maturité et ne sont pas assez informés, mais nous défendons leur droit de vote, qu’ils aient 18 ans, 90 ans ou 100 ans.
Un électeur peut être hésitant face à un enjeu donné, mais cela ne l’empêche pas d’être informé et d’aller voter. Un électeur informé connaît bien ses valeurs et il est en mesure d’appliquer cette connaissance au moment de choisir dans l’isoloir ce qui correspond à sa vision de l’avenir du Canada.
Avec ce projet de loi aujourd’hui, je dis que, selon des données probantes, les jeunes de 16 ou de 17 ans sont prêts à voter. Il n’est pas nécessaire de me croire sur parole. Il suffit de se fier aux conclusions tirées par des chercheurs au cours de la dernière décennie, qui ont établi que les jeunes de 16 et 17 ans ont des capacités égales, parfois supérieures, à celles des jeunes de 18 ans en matière de vote responsable.
J’ai mentionné avoir reçu un article de Sarah et Meaghan Rohleder, âgées de 15 et 16 ans, donc trop jeunes pour voter. Les deux sœurs y mentionnent qu’en fait, en Autriche, à Malte et à Guernesey — des pays qui ont déjà abaissé l’âge du vote à 16 ans — les élections fédérales ont donné lieu à une forte participation de l’ordre de 70 %. L’Autriche arrive même en tête de l’Eurobaromètre pour ce qui est de la participation des 15 à 30 ans avec 79 %, alors que la participation moyenne en Europe est de 64 %. Une étude danoise a révélé que les jeunes de 18 ans sont plus susceptibles de voter pour la première fois que les jeunes de 19 ans. Plus les mois passent, moins les jeunes sont susceptibles d’aller voter pour une première fois. L’abaissement de l’âge du vote permettra aux gens de voter avant de quitter l’école secondaire et le domicile familial et d’établir des habitudes de vote pour la vie.
D’autres données recueillies en Autriche confirment que le taux de participation des nouveaux électeurs est plus élevé chez les jeunes et qu’il se maintient également dans le temps. Ces données montrent que les jeunes de 16 et 17 ans sont prêts à prendre des décisions judicieuses et à participer de manière constructive à la démocratie. Le fait de pouvoir voter et exprimer votre opinion dans un endroit sécuritaire et privé qui est protégé par la loi a quelque chose de puissant. C’est un geste simple, mais qui compte énormément et qui est clairement établi dans la Charte canadienne des droits et libertés à titre de droit fondamental pour lequel, soit dit en passant, aucun âge n’est précisé.
Dans un autre document de recherche qui m’a été envoyé par trois élèves du secondaire de Winnipeg, on cite plusieurs études, dont une publiée l’an dernier par la London School of Economics. Selon cette étude, les deux premières élections d’un électeur détermineront ses futures habitudes de vote. Chaque élection subséquente ne fera que renforcer davantage cette habitude. Selon Avinash, Rooj et Shivan, ces élèves du secondaire, « c’est la recette d’un électeur à vie ».
Ces élèves ont aussi indiqué qu’une des formes de cognition est la cognition rationnelle. Elle est généralement liée à la pensée, à l’attention, à la mémoire et aux gestes du quotidien. Il y a aussi la cognition émotionnelle, la cognition sociale. Pour la prise de décisions telles que le vote, notre cerveau fait appel à la cognition rationnelle. Même si le développement de la cognition émotionnelle se poursuit jusqu’au milieu de la vingtaine, celui de la cognition rationnelle est déjà terminé dès l’âge de 16 ans.
À 16 ans, les jeunes sont entièrement capables, scientifiquement et intellectuellement, de prendre des décisions politiques, comme l’ont également souligné d’autres auteures, les élèves Sarah et Meaghan.
Chers collègues, voilà des preuves et des arguments rationnels qui démolissent ces préjugés condescendants et franchement préjudiciables à l’égard des jeunes électeurs que j’ai entendus de la part de certains animateurs d’émissions-débats et autres détracteurs.
Une étude de l’American Academy of Political and Social Science a par ailleurs confirmé que les adolescents ont des connaissances adéquates en matière de politique. On peut y lire ceci :
Dans les domaines des connaissances civiques, des habiletés politiques, de l’efficacité politique et de la tolérance, les jeunes de 16 ans obtiennent en moyenne des notes comparables à celles des adultes.
La plupart des jeunes de 16 ans sont à l’école secondaire. Ils se trouvent donc dans un cadre qui leur permet d’assimiler les connaissances nécessaires pour voter de façon éclairée. Certains sénateurs ont pu parler aujourd’hui, dans le cadre d’un webinaire, avec de jeunes leaders remarquables de différentes régions du Canada et présentant une grande diversité. On les a questionnés sur leur capacité à comprendre véritablement le processus politique et on leur a demandé si la chose à faire était d’attendre qu’ils atteignent un niveau d’enseignement plus élevé.
Plusieurs participants ont répondu à cette question. Je pense en particulier à Kamil, de Calgary, qui a dit qu’il reçoit des cours d’éducation civique depuis l’école primaire et que l’idée de participer à la démocratie et d’être un leader dans une société civile a été présentée à maintes reprises dans le programme d’éducation qu’il suit. La plupart des autres jeunes participants ont approuvé du chef quand il a dit cela.
Les jeunes comme ceux avec qui nous nous sommes entretenus sont dans un environnement où ils peuvent étudier les problèmes complexes du monde d’aujourd’hui. En salle de classe, les jeunes ont la possibilité de discuter de façon encadrée des différents partis fédéraux et provinciaux, ainsi que de leurs opinions sur les questions environnementales, économiques et sociales aux niveaux local, national et mondial.
Les élections offriraient aux élèves l’occasion de s’exercer à formuler leurs propres opinions et à agir à partir de celles-ci. Le contexte scolaire leur fournit les sources d’informations nécessaires pour prendre une décision éclairée quand vient le temps de voter.
Nous en arrivons ensuite à la question de savoir si des jeunes de 16 ou de 17 ans peuvent vraiment contribuer à la représentation efficace.
Voter est un acte simple qui a un effet profond. C’est un acte qui reconnaît qu’une personne peut contribuer à une décision touchant sa collectivité et son pays. Le vote permet aussi de demander des comptes à ceux qui détiennent le pouvoir.
En fait, ce sont les jeunes qui porteront le poids des décisions que nous prenons aujourd’hui. D’une certaine façon, c’est leur argent que nous dépensons aujourd’hui. En leur donnant le droit de vote, nous pourrions renforcer la représentation politique de la population et inciter les dirigeants de ce monde à prendre des décisions qui ne nuiront pas aux jeunes une fois qu’ils seront eux-mêmes des parents ou des grands-parents.
Il n’y a pas que les politiques sur l’éducation et les changements climatiques qui intéressent les jeunes, celles sur le logement les touchent on ne peut plus directement le jour où ils décident de quitter le nid familial. Il en va de même des politiques de planification des infrastructures et des transports en commun, car les jeunes aussi doivent se déplacer pour gagner leur vie. Quand les jeunes se demandent comment ils vont prendre soin de leurs aînés, leur réponse est teintée par les politiques sur les personnes âgées. Les politiques fiscales et budgétaires pèsent aussi dans la balance quand ils font leur entrée sur le marché du travail. Quand ils fondent une famille et ont des enfants, ou même quand ils vivent seuls, ils doivent faire l’épicerie, alors le prix des aliments a une incidence sur leur vie. Même chose quand ils sont malades : le financement du réseau de la santé les concerne directement, tout comme le fait qu’ils pourraient avoir du mal à obtenir des soins du simple fait qu’ils sont jeunes.
Les jeunes qui souhaitent faire des études supérieures sont beaucoup plus nombreux que ceux qui en ont les moyens. C’est donc dire que le financement de l’État en la matière entre en ligne de compte.
Les jeunes sont confrontés à des enjeux qui rejoignent les responsabilités du gouvernement. Depuis 2018, les jeunes de moins de 18 ans sont deux fois plus susceptibles que nous de vivre dans la pauvreté. Il y a d’ailleurs longtemps que le taux de chômage des jeunes est supérieur à celui du reste de la population, phénomène que la pandémie met tragiquement en évidence.
Les jeunes sont frappés de plein fouet par les perturbations économiques causées par la pandémie. En mai, alors que le taux de chômage au Canada grimpait à 13,7 %, le taux de chômage chez les jeunes a bondi jusqu’à 29,4 %, soit presque 30 %.
À cause de l’incidence de plus en plus importante des changements climatiques et des coûts qui y sont liés, ce sont les jeunes qui seront les plus touchés par notre inaction dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et dans le développement de la résilience des infrastructures. Les conséquences de l’intervention du gouvernement touchent un groupe de gens qui sont assez mûrs pour se faire une opinion éclairée, mais qui ne peuvent pas exercer de droits démocratiques.
Honorables sénateurs, le projet de loi vise à réparer cet affront démocratique et à améliorer la représentation de la société canadienne dans les isoloirs en permettant à davantage de gens d’exprimer leur opinion sur la façon dont le gouvernement touche leur vie.
Comment le fait de réduire à 16 ans l’âge légal de voter renforcerait la démocratie et augmenterait le nombre d’électeurs? Des études montrent que plus les nouveaux électeurs commencent à voter jeunes, plus ils sont susceptibles de continuer à voter à l’avenir. Le fait de ne pas faire participer les jeunes dans le processus démocratique peut avoir des répercussions négatives sur la santé à long terme de la démocratie. Au cours des 70 dernières années, le taux de participation aux élections fédérales n’a pas dépassé les 70 %.
En examinant la ventilation démographique du taux de participation, il est facile de jeter un regard plein de désapprobation sur les jeunes de 18 à 24 ans, qui sont souvent les moins susceptibles de voter. Selon Élections Canada, ce sont les Canadiens de 18 à 24 ans qui ont montré le moins d’intérêt à voter; leur taux de participation en 2019 n’a été que de 57,1 % au pays.
La mobilisation des jeunes est une responsabilité partagée. Dans une certaine mesure, il incombe aux jeunes de s’impliquer, mais des recherches nous montrent qu’ils s’impliquent déjà dans une large mesure. Par expérience, je sais que les jeunes sont prêts et disposés à participer à un dialogue constructif sur des questions sérieuses et à passer à l’action, comme nous l’avons constaté au cours du webinaire tenu plus tôt aujourd’hui.
Cependant, la société doit aussi assumer une responsabilité réciproque en permettant aux jeunes de participer au système démocratique et en les amenant à s’intéresser à leur milieu, afin qu’ils comprennent les répercussions des décisions et des actions qu’ils prennent aujourd’hui sur leur avenir.
Selon les auteurs d’une étude universitaire, la décision de faire passer à 16 ans l’âge de voter a favorisé le taux de participation aux élections des jeunes tout en augmentant la probabilité que les adultes de leurs familles votent également. Une étude réalisée par l’Université de Copenhague a révélé que l’influence des parents et des pairs est l’un des facteurs qui permettent le mieux de prédire la probabilité qu’un électeur se rende aux urnes pour la première fois. Les données empiriques de l’étude contredisent l’hypothèse voulant que les jeunes votent moins souvent. En effet, l’étude a révélé que les jeunes qui vivent avec leurs parents sont plus susceptibles de se rendre aux urnes qu’un jeune de 18 ans qui ne vit plus chez ses parents.
L’étude a aussi révélé que, lorsqu’ils quittent le foyer familial pour travailler ou poursuivre des études supérieures, les jeunes subissent de la part de leurs pairs une influence égale ou supérieure à celle de leurs familles, et ils sont alors moins susceptibles de voter que lorsqu’ils vivaient chez leurs parents.
Bref, les jeunes qui vivent à la maison avec le soutien de leurs parents sont beaucoup plus susceptibles de voter que les jeunes de 18 ans qui, souvent, ont déménagé loin de la maison familiale et peuvent vivre dans des conditions relativement instables.
Une autre étude a révélé que l’avantage d’être parent d’un électeur nouvellement inscrit est que le parent est plus susceptible de voter à la même élection, ce qui augmente donc la participation électorale globale. On a aussi découvert que la probabilité qu’une personne vote pour la première fois diminue avec l’âge.
Une étude portant sur des élections autrichiennes a démontré que le taux de participation des jeunes âgés de 16 et 17 ans était supérieur de près de 10 % à celui des 18-20 ans. Le constat est clair : le fait d’abaisser l’âge du droit de vote va permettre aux jeunes Canadiens de s’engager plus tôt dans le processus démocratique et d’augmenter la participation électorale à long terme. C’est une situation gagnant-gagnant pour notre démocratie.
L’Autriche, l’Écosse et le Danemark sont des preuves manifestes de cette réalité. L’une des participantes à notre webinaire ce matin était une parlementaire du Parlement jeunesse du pays de Galles. Âgée de 17 ans maintenant, elle a été élue lorsqu’elle avait 16 ans. Elle s’appelle Maisy Evans. Elle nous a parlé de son expérience au sein du Parlement et de la façon dont les jeunes — qui, pour la plupart, ont moins de 16 ans, comme c’était son cas — ont participé pendant de nombreuses années à une campagne visant à convaincre la majorité des parlementaires du pays de Galles qu’il était nécessaire d’avoir un Parlement jeunesse. Si nous nous fions aux pays qui ont abaissé l’âge du droit de vote — notamment l’Autriche, qui fait participer ses jeunes à la démocratie depuis plus de 12 ans, et plus récemment le pays de Galles —, nous pouvons conclure, dans l’ensemble, que cela produit des résultats très positifs.
Lorsque l’Autriche a abaissé l’âge du vote à 16 ans, on a constaté une hausse plus forte du nombre de jeunes qui votaient pour la première fois chez les 16 à 17 ans. On a également constaté que le taux de participation des 16 et 17 ans n’était pas sensiblement inférieur au taux de participation moyen de l’ensemble de la population votante. Des recherches menées en Autriche ont constaté que les moins de 18 ans étaient capables et désireux de participer à la politique et que leurs valeurs pouvaient être reflétées fidèlement dans les décisions politiques — aussi fidèlement que celles des personnes âgées de 18 à 21 ans. En d’autres mots, on a relevé une équivalence entre les deux tranches d’âge, voire des résultats encore meilleurs chez les plus jeunes.
Une étude a également révélé que rien ne prouvait que le faible taux de participation était dû à un manque d’intérêt ou de capacité à participer dans ce groupe d’âge. Les jeunes sont intéressés. Ils participent. Posons un geste pour renforcer la démocratie en améliorant la participation du public au processus électoral. Invitons davantage de personnes qui devraient contribuer aux décisions importantes sur les politiques et les dépenses qui les concernent. Faisons confiance aux jeunes et aidons-les à devenir de meilleurs leaders qui seront bientôt au centre de l’éventail dynamique des questions auxquelles est confrontée notre société.
Il y a déjà eu des projets de loi d’initiative parlementaire visant à abaisser à 16 ans l’âge de voter, mais ils ont tous été présentés à l’autre endroit. Le projet de loi S-209 nous donne l’occasion, en tant que sénateurs, de jouer un rôle de premier plan pour moderniser et revitaliser la démocratie.
Pour ceux qui s’inquiètent que le vote des jeunes vienne perturber le paysage politique actuel, regardons les chiffres. Réduire l’âge du vote permettrait à environ 800 000 personnes d’exprimer leur voix lors d’une élection. Le Canada comptait au total un peu plus de 27 millions de personnes admissibles à voter en 2019. Si vous ajoutez les 800 000 jeunes de 16 et 17 ans à ce nombre, cela représente une augmentation de seulement 2,9 % du nombre total d’électeurs admissibles. C’est une fraction d’électeurs par rapport à l’ensemble de l’électorat et il est peu probable que cela perturbe la concurrence politique au Canada.
Si les critiques avancent que les jeunes vont seulement voter pour un genre de parti, je vous rappelle le principe qu’il faut respecter le fait qu’une personne désignée apte à voter a le droit d’exprimer sa préférence politique. Le facteur décisif pour déterminer si l’on devrait autoriser une personne à voter devrait être son niveau de maturité et de responsabilité sociale, et non ses allégeances politiques, lesquelles constituent une liberté protégée au Canada. Une telle façon de penser est contraire à l’éthique du principe même de la démocratie, où la voix du peuple est la source du pouvoir légitime.
Les gens disent souvent que les jeunes sont apathiques ou désintéressés. Ce n’est pas ce que je vois ni ce que j’entends. Ils s’impliquent à l’école secondaire, où ils se joignent à des clubs et sont membres du conseil étudiant. Ils s’impliquent aussi dans les organismes communautaires. Ils pratiquent des sports collectifs et s’intéressent au théâtre. Ils organisent des collectes de fonds pour des projets communautaires.
Les données relatives au taux de participation aux élections ne sont pas un indicateur direct du désintéressement politique des jeunes. Tout ce que nous savons, c’est que, à 18 ans, un jeune est moins enclin à aller voter qu’à 16 ou 17 ans. Cela ne signifie pas que les jeunes ne se mobilisent pas pour des causes politiques ou sociales. Assurément, les jeunes sont actifs, ils font connaître leur opinion et ils consacrent temps et efforts à façonner la société en laquelle ils croient.
Dans le cas des jeunes qui n’ont pas encore trouvé le moyen de faire s’épanouir leurs intérêts civiques, il faut trouver des occasions qui leur permettent de participer à la consolidation des collectivités partout au pays. Abaisser l’âge du droit de vote permettrait aux jeunes de s’engager en leur faisant connaître les enjeux relatifs à leur région, la façon dont le gouvernement interagit avec leur région et les organismes qui travaillent à améliorer leur région, et en leur donnant l’occasion d’apporter une contribution positive.
Abaisser l’âge du droit de vote peut également permettre aux jeunes d’être en contact avec des organisations ou des activités qui favorisent l’acquisition d’habitudes relatives à la participation à la vie civique. Créer davantage d’occasions de faire connaître aux jeunes des façons de consacrer temps et efforts à l’amélioration de leur collectivité est un objectif qui vaut la peine d’être défendu.
Quand j’ai commencé à travailler avec les jeunes de mon conseil jeunesse sur l’idée de réduire l’âge requis pour voter aux élections fédérales — une idée qui venait d’eux —, ils m’ont fait savoir clairement qu’il faudrait une campagne nationale galvanisée par de jeunes chefs de file. Le conseil jeunesse, dont les membres viennent de partout au Canada, travaille avec diligence, mène des recherches et des consultations et propose des stratégies de mobilisation pour que les jeunes Canadiens participent à toutes les étapes du projet de loi.
Le Comité de directeurs des jeunes sur le vote à 16 ans, formé de membres du conseil jeunesse, m’offre une aide précieuse. Il m’a offert, jusqu’ici, des points de vue et des commentaires approfondis à chaque étape de l’élaboration du projet de loi. C’est un chantier qui dure déjà depuis longtemps, depuis 2017, quand les jeunes de mon conseil qui étaient assis autour d’une table avec moi dans l’édifice du Centre m’ont présenté cette idée. Aujourd’hui, je suis résolue à continuer de consulter de jeunes chefs de file pendant les différentes étapes du processus parlementaire, comme cela s’est fait ce matin entre un groupe de sénateurs et de participants à notre webinaire.
Une consultation semblable a eu lieu en octobre. Elle a débuté il y a environ deux semaines et elle se poursuivra tout au long du mois de novembre. Je le répète, un certain nombre de sénateurs et de députés y participent. Il s’agit d’un partenariat avec TakingITGlobal, qui est la plus grande société à but non lucratif spécialisée dans la technologie au monde fondée et dirigée par des jeunes. Le partenariat comprend aussi le Centre pour l’éducation mondiale, qui est établi à Edmonton. Nous avons déjà commencé à consulter des élèves du secondaire d’un océan à l’autre au sujet de l’abaissement de l’âge de voter. Tout le monde n’adhère pas à l’idée, mais les discussions sont riches, et les contributions des jeunes et des enseignants qui participent à la consultation sont inspirantes.
Au cours des deux prochains mois, nous continuerons à jumeler des élèves avec des experts dans le domaine des élections et de la participation politique. Ainsi, l’un des participants au webinaire de ce matin provenait du Centre Samara pour la démocratie, organisme de bienfaisance qui se consacre à la bonne gouvernance et à la démocratie au Canada. L’organisme est non partisan et ne prend pas position, mais l’un de ses chercheurs, qui se spécialise dans la participation des jeunes, a pu nous donner de l’information très importante dans le cadre de la table ronde.
En fin de compte, par ce type de consultation, on demande aux jeunes de produire un rapport établissant les raisons pour lesquelles ils aimeraient abaisser l’âge de voter. Nous sommes impatients de travailler avec eux, de recevoir leurs rapports et de communiquer ces derniers aux parlementaires. Forts de ces consultations, nous pourrons réexaminer le projet de loi en vue de l’améliorer le plus possible.
Je vous invite tous, ainsi que ceux qui nous écoutent, à vous joindre à notre campagne Vote16. N’importe qui au Canada — n’importe quel jeune — peut devenir un ambassadeur de la campagne. On peut accéder au site web de la campagne à partir d’un lien sur ma page du Sénat. Je veux connaître l’opinion des jeunes. Je m’engage à rester ouverte à la rétroaction et aux suggestions reçues.
Je conclurai avec les mots de la présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, un organisme porte-parole pour la jeunesse franco-canadienne qui a été primordial dans le développement de la campagne pour le vote à 16 ans. Sue Duguay a dit ce qui suit :
Le projet de loi [proposé] remet sur la table un sujet de la plus grande importance. Je suis heureuse que la considération du vote à 16 ans soit toujours d’actualité. Les jeunes d’expression française s’engagent dans leur communauté — ce qui veut dire en politique — souvent bien avant la majorité. Autant de personnes qui ont un regard critique envers le système politique canadien, la voix des jeunes mérite d’être entendue et considérée.
La question du vote à 16 ans est bien plus large que d’exercer son droit de vote. Nous devons travailler ensemble, de concert avec les provinces et territoires, pour accroître l’éducation civique pour tous les jeunes Canadiennes et Canadiens. Nous implorons le gouvernement fédéral de considérer ce projet de loi attentivement puisqu’il adresse positivement un enjeu qui est prioritaire pour les jeunes depuis longtemps.
L’une des participantes au webinaire de ce matin était une jeune Autochtone de la Saskatchewan qui étudie en sciences de l’éducation à l’Université de la Saskatchewan et qui est une figure de proue de sa communauté. En réponse à une question qui, je crois, lui avait été posée par la sénatrice McCallum, elle nous a très clairement expliqué que les jeunes autochtones comprennent le rôle qu’ils ont à jouer au sein de leur communauté. Dans bien des cas, ils en forment même la majorité. Or, ils comprennent que, pour des dizaines et des dizaines d’années, ils devront porter sur leurs épaules des responsabilités beaucoup trop lourdes pour leur âge. Selon elle, il ne fait aucun doute que les jeunes autochtones sont prêts à voter dès l’âge de 16 ans, que c’est ce qu’ils souhaitent et qu’ils en sont tout à fait capables.
Je vous laisse sur ces mots, honorables collègues, et je terminerai en vous rappelant que ces jeunes, qui sont les citoyens et les dirigeants de demain, sont aussi nos partenaires. Ils auront un rôle direct à jouer dans la gouvernance à long terme de nos institutions et dans la revitalisation de la démocratie. Ils méritent d’avoir le droit de voter et nous pouvons faire en sorte que ce soit possible. Merci. Meegwetch.
Sénatrice McPhedran, j’ai écouté avec intérêt votre discours et vos arguments. Je dois dire que j’étais un peu sceptique au début, mais en vous écoutant, j’ai fini par penser à l’immense incohérence qui existe actuellement dans le processus politique démocratique du pays.
Le fait est que tous les grands partis politiques autorisent l’adhésion dès l’âge de 14 ans. Bien sûr, c’est là qu’on voit la démocratie à l’œuvre au pays. C’est de là que tout vient et c’est là que tout commence.
Nous permettons à des jeunes de 14 ans de devenir membres de partis politiques nationaux. Ils peuvent participer au processus de vote pour élire les candidats de leur circonscription, qui peuvent ensuite être élus comme députés. Ils peuvent participer aux courses à la direction du parti politique dont ils sont membres, parti qui nomme un chef susceptible de devenir premier ministre. Cependant, nous ne leur donnons pas le droit de voter lors d’une élection générale. C’est illogique.
Par rapport à votre projet de loi et aux arguments que vous avez fait valoir, pourriez-vous nous dire pourquoi nous devrions fixer l’âge minimum à 16 ans et non à 14 ans, alors que les partis politiques mobilisent déjà les jeunes de 14 et 15 ans dans le processus démocratique des systèmes de partis politiques?
Sénateur Housakos, je vous remercie beaucoup de vos observations et de votre question. Je pense qu’il serait formidable de discuter d’un éventuel amendement, si cela vous intéresse. L’une des raisons pour lesquelles nous avons envisagé de réduire l’âge de voter à 16 ans est que la plupart des recherches effectuées ont été menées auprès de jeunes de cet âge. Lorsque nous luttons contre autant de préjugés, la meilleure façon de le faire est à mon avis de s’appuyer sur des données probantes. À l’heure actuelle, les données probantes confirment fortement la capacité des jeunes de 16 et 17 ans. Cela n’exclut pas les constatations qui pourraient être faites dans quelques années si des recherches sont menées sur la capacité des jeunes de 14 ans. Cependant, pour l’instant, il y a peu de doutes quant à la capacité des jeunes de 16 et 17 ans au Canada à voter de manière responsable.
Sénatrice Martin, avez-vous une question?
Je pensais que la sénatrice McCallum avait demandé la parole avant moi.
Je suis désolée, sénatrice McCallum. Le sénateur Mercer aimerait se joindre au débat.
Honorables sénateurs — je suis désolé, il y a une question.
J’ai entendu que vous vouliez ajourner au lieu de la sénatrice McCallum.
La sénatrice McCallum a demandé la parole avant moi, je pensais donc qu’elle pourrait poser une question et que je prendrais ensuite la parole.
Désolée. Vous avez une question, sénatrice Martin.
Tout d’abord, sénatrice McPhedran, merci pour ce discours mûrement réfléchi. Je sais que vous faites un travail de sensibilisation fantastique avec les jeunes. Malgré mon grand intérêt, je n’ai pas pu assister à la séance sur Zoom. J’ai moi-même été enseignante pendant 21 ans, comme vous le savez, et je suis tout à fait d’accord avec vous. Nos élèves sont fantastiques. J’ai aussi une fille de 25 ans, qui m’apprend beaucoup depuis son plus jeune âge.
Je mentionne ma fille pour illustrer certaines des préoccupations que m’inspirent le projet de loi et l’idée de réduire l’âge du droit de vote à 16 ans.
Nous répétons toujours que le Sénat est maître de ses affaires, et je sais que les enseignants sont maîtres de leur classe. Il serait impossible à Élections Canada et aux directeurs d’école d’être présents en tout temps dans toutes les classes. Nous faisons grandement confiance aux enseignants, qui ont beaucoup d’autorité et de pouvoir dans les classes. Certains élèves passent probablement plus de temps avec leurs enseignants qu’avec leur famille. L’enseignement hybride qui existe actuellement crée une réalité très différente de celle qui existait auparavant, mais les jeunes sont tout de même à l’école.
Je me rappelle la fois où ma fille de 15 ans — qui serait en mesure de voter dans un an si nous adoptions ce projet de loi — est rentrée à la maison et m’a dit : « Maman, mon professeur a dit que nous ne pouvons faire confiance à aucun politicien ». Elle était inscrite à un programme très spécial axé sur le leadership. Je lui ai donc demandé, tout simplement, si elle me faisait confiance. Elle a dit « bien sûr », ce à quoi j’ai répondu « Eh bien, moi, je suis une politicienne. » Je lui ai donné d’autres exemples de politiciens qu’elle connaît et en qui elle a confiance. En fin de compte, elle a conclu que son professeur avait fait toute une généralisation.
Si je peux me permettre...
Madame la sénatrice McPhedran, demandez-vous cinq minutes supplémentaires?
Oui, je vous en saurai gré. Merci.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Mais vous étiez déjà en train de poser une question.
Honorables sénateurs, alors que je me lève pour prendre la parole sur ce projet de loi, je tiens à rappeler à ceux qui n’auraient pas encore pris connaissance de mon impressionnant curriculum vitæ que j’ai eu le privilège, dans mon parcours professionnel, d’être le directeur général d’un parti politique de la Nouvelle-Écosse. J’ai également eu l’honneur d’être le directeur national du parti politique du Canada ayant connu le plus de succès au pays, et la chance de travailler avec des centaines et des centaines de jeunes qui participent activement au processus politique.
Dans mon ancienne vie, lorsque j’étais un membre actif du Parti libéral.
Ce projet de loi est une très bonne idée. Le sénateur Housakos a parlé du fait que l’on peut devenir membre d’un parti politique dès l’âge de 14 ans. Bien des partis et candidats politiques prospères d’ordre provincial ou fédéral savent que mobiliser les jeunes insuffle de l’énergie. Oui, ces jeunes installent des affiches et remplissent des enveloppes, mais ils apportent également leurs idées. La sénatrice Jaffer hoche de la tête parce qu’elle sait pertinemment que c’est vrai; elle a deux enfants qui sont très actifs au sein d’un parti politique malgré leur jeune âge.
Je ne saurais nommer tous les projets de loi que j’ai vus qui étaient l’œuvre de Jeunes libéraux de la Nouvelle-Écosse et de Jeunes libéraux du Canada et qui sont devenus des lois.
Lorsque j’étais membre des Jeunes libéraux, Anne McLellan, la future vice-première ministre du Canada, Mary Clancy, la future députée d’Halifax, et moi faisions partie du comité exécutif d’un groupe appelé l’Association des étudiants libéraux. J’y représentais l’Université Saint Mary’s, tandis que Mme McLellan représentait l’Université Dalhousie et Mme Clancy, l’Université Mount Saint Vincent. Des années plus tard, le hasard a voulu que nous nous retrouvions ensemble sur la Colline du Parlement; elles, à titre de députées et moi, à titre de directeur national de leur parti politique.
La mobilisation des jeunes insuffle du dynamisme dans la politique. Certains d’entre vous se présentent ici et se déclarent non partisans. Certains de vous affirment même qu’ils n’aiment pas les partis politiques. Or, vous savez quoi? C’est ce qui fait fonctionner cette Chambre. C’est ce qui fait fonctionner la Chambre de l’autre côté de la rue.
Tous les partis politiques reçoivent le soutien de bénévoles, et les jeunes contribuent au succès des partis politiques comme le Parti libéral, le Parti conservateur et, dans une moindre mesure, le Nouveau Parti démocratique. Le sénateur Housakos a eu raison de dire que les jeunes qui se joignent à un parti — comme le Parti conservateur dans son cas — apportent des changements très importants dans l’organisation.
Lorsque j’étais un jeune libéral, j’étais très fier de participer à un congrès. À l’époque, nous réclamions la légalisation de la marijuana. C’était il y a très longtemps, mais j’étais très fier lorsque j’ai enfin pu voter pour la légalisation de la marijuana dans cette Chambre. C’est donc dire qu’il faut parfois attendre un certain temps pour mener un projet à bien.
Cela dit, je vous encourage à envisager d’appuyer le projet de loi de la sénatrice McPhedran. C’est un changement dynamique. Si nous adoptons le projet de loi, nous verrons une énorme différence dans le processus politique lors des premières élections qui suivront. Je peux vous dire que ce sera beaucoup plus stimulant, car j’ai toujours aimé l’énergie que les jeunes apportent à la politique, et ils nous ont toujours grandement aidés à faire notre travail.
En fait, si vous voulez parler à des gens qui ont été actifs au sein de partis politiques dans leur jeunesse, il y a notamment Greg Fergus, le député de Hull—Aylmer, au Québec, qui s’est impliqué pendant longtemps lorsqu’il était jeune. Il a été président des Jeunes libéraux du Canada.
L’ancien Président de la Chambre des communes Geoff Regan a été très actif au sein des Jeunes libéraux de la Nouvelle-Écosse. Lorsque j’étais directeur général, on m’a invité à prendre la parole devant les Jeunes libéraux. Je leur ai demandé : « Dois-je apporter quelque chose? » Ils m’ont répondu : « Oui, une caisse de bières. » Ce que j’ai fait.
C’est un excellent endroit pour les jeunes qui veulent faire leurs premières armes dans l’arène de la mobilisation citoyenne. Un grand nombre d’entre eux demeurent impliqués pendant des années. Certains contribuent à d’autres aspects de la politique un peu partout au pays. Une partie d’entre eux contribuent à l’administration du gouvernement, d’une façon ou d’une autre. Cela dit, ils ont tous une connaissance des rouages du processus politique.
L’une des choses que j’ai pu constater, c’est que certains sénateurs qui sont nouveaux ici ne comprennent pas comment le processus fonctionne, ce qui est une source de frustration pour eux. S’ils s’étaient impliqués en politique lorsqu’ils étaient des adolescents ou de jeunes adultes, ils seraient mieux en mesure de participer au processus maintenant. Certains d’entre eux critiquent toujours le processus. Pourtant, ils participent à ce processus, et il vaut mieux commencer dès un jeune âge.
Comme je l’ai dit, j’ai eu le privilège d’être le directeur général du Parti libéral de la Nouvelle-Écosse et le directeur national du Parti libéral du Canada. Je suis également très fier que mon fils soit maintenant le directeur général du Parti libéral de la Nouvelle-Écosse. Il tient à ce que je dise aux futurs dirigeants qu’il a l’intention de suivre les traces de son père et de devenir sénateur un jour. Je lui ai répondu qu’il devait se débrouiller tout seul pour atteindre cet objectif.
C’est essentiel que nous fassions participer les jeunes au débat public. Les sénateurs qui sont ici depuis un moment se souviendront de mon discours au sujet de la nécessité d’offrir aux jeunes des moyens de jouer un rôle actif dans la société. Je ne parle pas ici de les engager dans le processus politique, mais bien de les engager au sein de leur collectivité. J’habite dans un très petit village en banlieue d’Halifax et, comme dans toutes les autres collectivités, il s’y passe des bonnes et des moins bonnes choses. Il y a quelques années, il y a environ huit ou neuf ans, des personnes se sont mises ensemble pour essayer de trouver des façons de faire participer les jeunes à la collectivité. Ils ont mis sur pied un corps de cadets de la Marine. Mon fils, le même qui est actuellement directeur général du Parti libéral de la Nouvelle-Écosse, était un officier pour le programme de cadets. Il était lieutenant, un lieutenant de marine. Il s’est impliqué dans le corps de cadets local à titre d’instructeur et est ensuite devenu commandant.
Tout cela pour dire que, quelques années plus tard, j’ai rencontré les agents de la GRC qui maintiennent l’ordre dans notre collectivité et leur ai demandé s’ils avaient observé une différence dans la collectivité depuis la mise sur pied du programme des cadets. Ils ont répondu que c’était le jour et la nuit. Les jeunes s’impliquaient beaucoup plus dans la collectivité. Ils en avaient fait leur collectivité. Ils aidaient à la gérer. Ils faisaient des choses que le reste d’entre nous négligeait, comme nettoyer. Ils s’impliquaient.
J’ai aussi demandé à la directrice de l’école locale quel effet avait eu le programme. Elle a dit que c’était le jour et la nuit comparativement à avant. Les jeunes qui, auparavant, semblaient sur le point de s’attirer des ennuis se sont mis à s’impliquer.
Le projet de loi est l’occasion d’amener bien des jeunes à prendre part au processus politique, ce qui serait avantageux pour ce dernier et avantageux pour le Canada. Oui, serait peut-être avantageux pour certains partis politiques, mais devinez quoi? Cela aussi, c’est important. La santé du Parti conservateur est une chose importante.
Bravo!
Pas aussi importante que la santé du Parti libéral, mais je comprends. Il s’agit de la démocratie canadienne. Nous voulons aider les jeunes à devenir de bons Canadiens et leur donner l’occasion de le devenir en leur permettant de voter dès l’âge de 16 ans. Ce serait tout un coup de pouce pour la démocratie canadienne.
Je remercie la sénatrice McPhedran d’avoir mis cet enjeu à l’avant-scène. Je suis désolé, je n’ai pas pu participer au webinaire ce matin. Chers collègues, je vous invite à appuyer ce projet de loi. Il s’agit d’un projet de loi important. Si nous l’adoptons, nous nous dirons lors des élections futures : « Quel bon travail nous avons accompli. » Merci, chers collègues.
Sénateur Mercer, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui.
Je remercie la sénatrice McPhedran et le sénateur Mercer de leur discours. Je crois que ce qui a en partie assuré la pérennité du Parti libéral — je suis seulement en mesure de parler du Parti libéral —, c’est la vision des jeunes qui en ont été membres. Le droit de vote n’est que la pointe de l’iceberg; il y a aussi le pouvoir qui vient avec ce droit, le pouvoir de changer les choses. N’oubliez pas que l’idée de légaliser le mariage entre conjoints de même sexe venait des jeunes de 14 à 16 ans et ils tenaient mordicus à ce que le parti présente un projet de loi sur cet enjeu. Êtes-vous d’accord avec moi, sénateur Mercer? Le droit de vote amène aussi le droit de présenter des orientations stratégiques qui comptent pour eux.
Ceux parmi vous qui n’ont jamais été membres d’un parti politique ne le savent probablement pas — la sénatrice Jaffer, elle, le sait bien —, mais l’aile jeunesse d’un parti est son aile la plus puissante. Pourquoi? Parce que les jeunes ont l’énergie et ils savent être disciplinés quand ils veulent quelque chose. J’ai parlé, par exemple, des motions qui avaient été présentées il y a des années pour la légalisation de la marijuana. Devinez quoi? Cela a été fait maintes et maintes fois parce que les jeunes libéraux de mon temps — mon histoire — n’ont pas voulu renoncer. Ces jeunes ont vieilli et certains d’entre eux sont devenus les députés qui ont contribué à faire adopter la mesure législative qui a été adoptée ici aussi.
Ils insufflent une énergie. Comme je l’ai dit, si ce projet de loi est adopté, nous allons voir une énorme différence aux deux prochaines élections et par la suite.
Puis-je poser une question au sénateur Mercer? Elle porte sur l’histoire en quelque sorte. Dans le cadre de nos recherches, un ancien jeune leader de la Nouvelle-Écosse m’a fait remarquer que, parmi les politiques du Parti libéral du Canada, il y a une politique adoptée lors d’une convention de 2009, je pense, visant à abaisser l’âge de voter aux élections fédérales à 16 ans. Je crois comprendre que l’idée venait de la Nouvelle-Écosse. Je me demandais si vous pouviez le confirmer.
Oui, c’est vrai, mais elle a été adoptée avec l’accord de jeunes libéraux des autres provinces et territoires. Encore une fois, j’étais à la convention où la politique a été adoptée. Les jeunes sont si énergiques, mais ils manquent parfois de discipline au cours des réunions. Lorsque cette motion a été présentée à la réunion, le processus nécessitait qu’ils la fassent passer au second niveau à la convention pour qu’elle devienne réellement une politique du parti. Tous les jeunes libéraux qui étaient présents à la convention se trouvaient dans cette salle. Ils savaient qu’ils avaient le pouvoir de changer la politique du parti et ils l’ont fait.
Dans le cas du Parti libéral — et je ne sais pas si cela s’applique au Parti conservateur —, si une politique était adoptée par le parti et que celui-ci était au pouvoir, l’aile parlementaire devait lui faire rapport annuellement sur le déroulement des politiques qu’il avait adoptées. Chaque année, l’aile parlementaire revenait faire rapport sur la politique sur la marijuana — elle n’en était pas encore là. Quoi qu’il en soit, c’est très réel et je me souviens d’avoir publié les rapports quelques années plus tard lorsque j’étais l’éditeur des documents qui allaient aux conventions. C’est effectivement très important.