Le cent cinquantième anniversaire du Manitoba
Interpellation--Ajournement du débat
1 décembre 2020
Ayant donné préavis le 30 septembre 2020 :
Qu’il attirera l’attention du Sénat sur le 150e anniversaire de la province du Manitoba.
— Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de prendre la parole aujourd’hui pour attirer l’attention du Sénat sur le 150e anniversaire de la province du Manitoba. Il y a 150 ans, le Manitoba est devenu la cinquième province du Canada et la seule province à rejoindre la Confédération sous un leadership autochtone. À l’époque, le Manitoba était connu comme la province « timbre-poste » parce qu’elle n’occupait qu’une petite surface carrée 1/18 de sa taille actuelle. Ce n’est qu’en 1881 que ses frontières ont été modifiées pour devenir ce qu’elles sont aujourd’hui. Comme quoi il ne faut jamais sous-estimer les débuts modestes. Au cours des 150 années qui ont suivi, les Manitobains ont fait preuve de résilience face aux difficultés ainsi que d’ingéniosité pour relever les défis et la province est devenue reconnue pour son leadership et ses réussites dans de nombreux secteurs.
Cette année, nous invitons tous les Canadiens à découvrir non seulement l’histoire de la province, mais aussi sa beauté, à rencontrer ses habitants et à découvrir sa culture. À mon avis, le Manitoba illustre parfaitement les valeurs de diversité et d’unité sur lesquelles le Canada a été fondé et dont dépend notre avenir.
Le Manitoba a su surmonter les conditions difficiles qui l’ont vu naître pour devenir, à force de persévérance, la figure phare qu’il représente aujourd’hui. Il est donc quelque peu singulier que les célébrations de son 150e anniversaire aient été interrompues par le plus grand défi sanitaire du siècle : la pandémie de COVID-19. En effet, en raison de celle-ci, le Manitoba a dû mettre en pause toutes les festivités jusqu’à 2021. Malgré le report des activités, la fierté de tous Manitobains, elle, continue de s’exprimer sans interruption.
Honorables sénateurs, il est beaucoup trop facile d’insister sur les lacunes du passé et de faire fi des multiples réalisations sur lesquelles s’est construite la société actuelle, de même que d’oublier les nombreux sacrifices consentis pour faire en sorte que tous les Canadiens puissent avoir une vie et un avenir meilleurs. Les Manitobains, et bien sûr tous les Canadiens, ont bien des choses à célébrer.
Je crois fondamentalement que l’histoire et les réalisations du Manitoba devraient être célébrées en raison des occasions qu’elles ont créées pour tous ceux qui y habitent. Cela ne s’est pas fait sans peine, puisque les gens ne partageaient pas toujours la même vision de l’avenir. Cependant, de ces luttes souvent très douloureuses, de meilleures possibilités ont émergé.
Dans les toutes premières tentatives visant à fonder une province dans la vallée de la rivière Rouge, l’objectif fondamental était de fournir des possibilités aux gens qui y vivaient. Le mouvement que Louis Riel, fondateur du Manitoba, a dirigé de 1869 à 1870 visait à donner aux Métis de la rivière Rouge, de même qu’à tous les habitants de la région, la maîtrise de leur destin. Nous savons que les événements historiques entourant l’entrée du Manitoba dans la Confédération comportent de nombreux malentendus ainsi que des épisodes très douloureux. Ce ne fut pas une période facile. Néanmoins, si l’on regarde l’expérience des 150 dernières années, les Manitobains célèbrent aujourd’hui le rôle crucial que Riel a joué dans notre histoire. Aujourd’hui, Louis Riel est considéré comme le fondateur du Manitoba, et le jour de Louis Riel est un jour férié dans ma province.
Tout comme la fondation du Manitoba s’est accompagnée de conflits et de vives divergences d’opinions, l’évolution de la province depuis lors n’a pas non plus été exempte de luttes politiques et de débats houleux. La question des écoles du Manitoba est l’un des événements charnières qui ont eu une incidence durable. La crise a éclaté quand le gouvernement libéral provincial, élu en 1888, a aboli le système scolaire dualiste en place depuis la fondation de la province pour créer plutôt un système scolaire non confessionnel. Le financement des écoles catholiques a été éliminé, et la loi exigeait que l’enseignement se fasse uniquement en anglais. Cette mesure — à laquelle se sont opposés les conservateurs, en passant — a créé de profondes divisions au Manitoba, ainsi que partout au pays.
Non seulement la minorité francophone a été touchée, mais d’autres minorités l’ont été aussi, y compris ma propre communauté mennonite. Les communautés qui jouissaient d’une indépendance pour leur système d’éducation jusqu’à ce moment fatidique ont perdu ces droits. Cela a causé de profondes divisions et s’en est suivi le soi-disant compromis qui fut plus tard négocié entre le gouvernement libéral provincial et le gouvernement libéral fédéral, à Ottawa, après 1896, ce qui n’a pas réglé le problème.
Toutefois, le plus important fut la résilience de la population qui a permis à la province de continuer d’évoluer. Les communautés qui avaient été durement et injustement affectées par la Loi sur les écoles du Manitoba ont survécu. Ultimement, elles se sont rétablies et ont prospéré. Ultimement, ces mêmes communautés ont contribué à créer des possibilités pour elles-mêmes, mais aussi pour l’ensemble de la province.
L’événement de la grève générale de Winnipeg en 1919 témoigne d’une résilience semblable. Cette expérience a aussi laissé des traces douloureuses, mais, ici aussi, l’épreuve a uni les travailleurs et contribué à donner des ailes au mouvement ouvrier, au Manitoba et ailleurs au Canada. La grève générale de Winnipeg était influencée par des circonstances qui se déroulaient ailleurs dans le monde, à cette époque. Il n’est pas surprenant que de nombreuses personnes aient réagi à la grève par peur de ces circonstances.
Toutefois, la leçon qui a finalement été tirée porte sur la façon d’équilibrer et de protéger les droits des travailleurs dans une économie libre. La manière dont cela s’est produit et la nature de l’équilibre qui a été trouvé ont formé ma province et son caractère. Ces grands événements, ainsi que les difficultés et les débats quotidiens plus modestes, ont permis d’établir une culture politique grâce à laquelle les Manitobains de tous les milieux, de toutes les ethnies et de tous les points de vue politiques ont pu s’atteler collectivement à la grande tâche de bâtir leur province et leur pays. C’est peut-être pourquoi les Manitobains ne se sont jamais dérobés à leurs responsabilités de rendre service à leur pays.
L’ampleur du sacrifice que les habitants du Manitoba ont fait pour leur pays est illustrée par le fait que plus de 4 200 lacs dans la province portent aujourd’hui le nom de Manitobains qui sont tombés au combat, c’est-à-dire des personnes qui sont décédées pendant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée et, plus récemment, le conflit en Afghanistan. Cette tradition de donner aux lacs du Manitoba le nom des nombreux soldats morts au combat a commencé en juillet 1947, lorsque 25 lacs dans le Nord-Ouest de la province ont été nommés en l’honneur de 26 soldats et aviateurs décorés qui sont morts au service de leur pays. L’ampleur de ce sacrifice est évidente dans les histoires individuelles. L’un des lacs, le lac Two Tod, aussi connu sous le nom de lac Tod, est nommé en l’honneur de frères jumeaux décédés pendant la Seconde Guerre mondiale.
Beaucoup de choses nous rappellent les sacrifices qu’ont faits les Manitobains. À Winnipeg, il y a maintenant « Valour Road », ou chemin de la bravoure, ainsi désignée parce que trois récipiendaires de la Croix de Victoria y ont habité avant la Première Guerre mondiale. Extraordinairement, Robert Shankland, Leo Clarke et Frederick Hall ont tous les trois reçu la Croix de Victoria pendant la Première Guerre mondiale. Ils ont tous les trois habité la rue Pine, qui a été rebaptisée « Valour Road ».
Seulement 99 Canadiens ont reçu la Croix de Victoria depuis qu’elle a été instituée au milieu du XIXe siècle. Dix-sept parmi eux, c’est-à-dire près d’un récipiendaire sur cinq, étaient des Manitobains. Cela témoigne des sacrifices que les Manitobains ont consentis pour leur pays.
Un autre récit de sacrifice est l’histoire de Thomas George Prince, un Ojibwé du Manitoba qui s’est enrôlé dans l’armée pour servir son pays durant la Seconde Guerre mondiale. Il a mérité la Médaille militaire en Italie et l’American Silver Star. Il a été décoré par le roi George VI au palais de Buckingham. À mon avis, cela aurait été une excellente idée de lui rendre hommage en le faisant paraître sur le billet de 5 $, et nous avons été nombreux à lancer une campagne à cette fin. Malheureusement, il n’a pas été sélectionné pour la liste restreinte, mais son vaillant sacrifice ne sera jamais oublié par les Manitobains.
Les Manitobains ont toujours fait preuve de persévérance devant les difficultés, qu’elles soient d’origine humaine ou naturelle. L’année où je suis né, le Manitoba a connu les grandes inondations de 1950. À Winnipeg, l’eau a atteint son plus haut niveau le 14 mai, le jour de ma naissance. Cent mille résidants de Winnipeg ont dû être évacués, soit la plus grande évacuation massive de l’histoire canadienne. Même l’hôpital dans lequel ma mère et moi nous trouvions était menacé et nous avions dû être évacués vers un autre hôpital. Selon ce qu’on raconte, nous avions été transportés à l’autre hôpital par bateau et on s’est demandé par la suite si on devait m’appeler Don ou Moïse.
Dans la seule ville de Winnipeg, environ 10 500 maisons ont été détruites et 5 000 immeubles ont été endommagés. Dans toute cette catastrophe, les Manitobains se sont entraidés, pour lutter contre les inondations, pour reconstruire et, enfin, pour empêcher que des dégâts d’une telle ampleur puissent se reproduire.
C’est le premier ministre provincial Duff Roblin qui a piloté l’aménagement du canal de dérivation de la rivière Rouge. Le projet d’excavation du canal a fini par être connu sous le nom du « fossé de Duff ». Il s’agissait du deuxième projet de terrassement en importance dans le monde, derrière le canal de Panama et de plus grande envergure que l’excavation du canal de Suez. Depuis son ouverture en 1968, ce canal a permis d’empêcher que des dégâts causés par des inondations de ce genre ne se reproduisent. Après les inondations du Manitoba de 1997, le canal a été agrandi et il peut aujourd’hui accepter presque 4 000 mètres cubes d’eau par seconde.
Les Manitobains ont prouvé qu’ils formaient un peuple solide et résilient. Nous avons dû l’être pour faire notre vie dans ce qui est certainement une terre magnifique, mais une terre pouvant s’avérer dure et impitoyable.
Bien entendu, les Autochtones ont vécu dans cette région depuis des milliers d’années, et ont appris à composer avec cette réalité. La présence des peuples autochtones au Canada remonte à environ 10 000 ans, peu après la fonte des derniers glaciers. Au fil du temps, des Ojibwés, des Cris, des Dénés, des Sioux, des Mandans et des Assiniboines se sont installés dans cette région. Ces peuples autochtones étaient résistants et ingénieux, et ils ont été capables de survivre à des hivers rigoureux. Ils faisaient du commerce entre eux afin de créer une vie meilleure pour leurs communautés. On pense que la région du parc provincial du Whiteshell, au Manitoba, a pu être un carrefour où les peuples autochtones originaires du pourtour des collines Turtle venaient faire du commerce, apprendre, et partager leurs connaissances.
Lorsque les Européens ont commencé à arriver en Amérique dans les années 1600 et que le commerce des fourrures a commencé à s’étendre plus à l’ouest dans les années 1700, le lac Winnipeg est devenu un carrefour important pour les routes commerciales. Les peuples autochtones ont joué un rôle clé dans ces échanges commerciaux, qui ont donné lieu à la fois à des opportunités économiques, mais également à de violents affrontements.
Lorsque la province a été fondée en 1870, on lui a donné un nom tiré de son héritage autochtone. En effet, le mot « Manitoba » serait issu de plusieurs langues autochtones, dont le terme cri manitou-wapow, le terme ojibwe manidoobaa, et le mot assiniboine minnetoba.
Pour une province où le climat peut être rude, le Manitoba a su attirer plus de groupes diversifiés que presque n’importe quel autre endroit au monde. Selon le recensement canadien de 2006, plus de 200 groupes ethniques forment la population diversifiée de cette province. Les Manitobains célèbrent cette diversité chaque année dans le cadre de festivals comme Folklorama et de nombreuses fêtes individuelles organisées par les différentes communautés. La diversité de la population reflète les possibilités que tant de gens ont vues et continuent de voir dans ma province. Elle témoigne de la force tant du Manitoba que du Canada.
Je crois aussi que cette diversité a généré de l’énergie, ce qui permet d’expliquer les talents dans divers domaines que le Manitoba a produits au fil des décennies. Neil Young, Burton Cummings et les Guess Who, Randy Bachman et Tom Cochrane. Ce ne sont là que quelques-uns des excellents artistes originaires du Manitoba qui ont contribué à sa scène culturelle dynamique.
Le Manitoba a créé des institutions culturelles de renommée mondiale. Le Ballet royal de Winnipeg est connu dans le monde entier, tandis que le Royal Manitoba Theatre Centre sert de modèle aux théâtres régionaux à l’échelle du Canada et des États-Unis.
Le Musée des beaux-arts de Winnipeg possède la plus grande collection mondiale d’art inuit contemporain, tandis que le théâtre français de Winnipeg — et je sais que je vais mal prononcer son nom —, le Théâtre Cercle Molière... Est-ce que ma prononciation était passable, sénatrice Gagné? Oui. Merci. Il s’agit du plus ancien théâtre français encore en activité au Canada.
Le Musée canadien pour les droits de la personne est le premier musée du monde consacré aux droits de la personne et le tout premier nouveau musée national à être situé à l’extérieur de la région de la capitale nationale.
Les Manitobains excellent aussi dans les sports. Le monde entier connaît les patineuses de vitesse Susan Auch, Clara Hughes et Cindy Klassen. La joueuse de curling Jennifer Jones a remporté l’or pour le Canada en 2014 et est reconnue dans son sport. Elle a participé 15 fois au Tournoi des cœurs de Scotties, un tournoi national, et elle a remporté les Championnats du monde à six reprises représentant le Canada.
Jeff Stoughton a remporté trois championnats canadiens de curling et deux championnats du monde.
Je ne pense pas qu’on puisse assister à un match des Jets de Winnipeg sans se laisser emporter par l’enthousiasme et l’amour que les Manitobains manifestent envers leur équipe.
Le parcours des Blue Bombers de Winnipeg comprend le nombre le plus élevé de participations à la coupe Grey — plus que la Saskatchewan. Ils ont tenté de s’emparer de ce trophée tant convoité à 25 reprises et y sont arrivés 11 fois.
De nombreux citoyens du Manitoba ont aussi beaucoup apporté au monde. On dit de Baldur Stefansson — appelé le « père du canola » — qu’il a changé le visage des Prairies.
Arthur DeFehr, le fondateur de Palliser Furniture, a bâti une entreprise reposant sur l’éthique chrétienne et qui compte parmi les plus grands fabricants canadiens de meubles.
Monty Hall, originaire de la partie nord de Winnipeg, est venu à être connu de tout le monde en Amérique du Nord comme l’animateur de « Let’s Make a Deal ».
Sir William Stephenson a mené les opérations d’espionnage contre l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale et a inspiré le personnage de James Bond.
Notre Murray Sinclair, originaire de Selkirk, au Manitoba, a été une inspiration pour son peuple, pour les Manitobains et pour l’ensemble des Canadiens.
Ils sont littéralement trop nombreux pour tous être mentionnés. Les contributions des Manitobains ont permis à leur province, à leur pays et au monde entier de devenir un endroit meilleur.
Les Manitobains ont toujours été un peuple qui regarde vers l’avant plutôt que vers l’arrière. À l’heure actuelle, les Manitobains, comme le reste du Canada et du monde, affrontent un nouveau défi résultant d’une pandémie mondiale qui met à l’épreuve notre capacité collective à persévérer dans l’adversité. Mais comme lors de la pandémie de grippe espagnole il y a un siècle, ce nouveau défi sera lui aussi relevé. Les collectivités du Manitoba, comme celles de tout le Canada, travaillent ensemble pour aller de l’avant, comme elles l’ont toujours fait. Voilà, après tout, l’essence même du Canada.
Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, présenté il y a 25 ans, contenait le passage suivant :
Le Canada est le terrain d’essai d’une noble idée — l’idée selon laquelle des peuples différents peuvent partager des terres, des ressources, des pouvoirs et des rêves tout en respectant leurs différences. L’histoire du Canada est celle de beaucoup de ces peuples qui, après bien des tentatives et des échecs, s’efforcent encore de vivre côte à côte dans la paix et l’harmonie.
Il s’agit en effet de l’histoire du Canada et celle de ma province, le Manitoba.
Lorsque mon peuple, les mennonites, s’est rendu au Manitoba dans les années 1870, il a tout abandonné et s’est accroché à cet espoir. Les mennonites qui ont immigré au Manitoba plus tard, dans les années 1920, ont vu des membres de leurs familles assassinés devant leurs yeux. On leur avait tout pris — leurs terres et tous leurs biens. Au Canada et au Manitoba, ils ont trouvé la liberté et la paix. Ils y ont aussi trouvé des possibilités intéressantes et la prospérité. C’est ce qui les avait attirés et c’est ce qui les a amenés à rester. Le Canada et le Manitoba demeurent attrayants parce qu’ils sont porteurs d’espoir pour les peuples du monde entier.
Aujourd’hui, chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour célébrer le 150e anniversaire du Manitoba. C’est l’occasion de commémorer ce qui a été accompli et de travailler fort pour que les 150 prochaines années soient encore meilleures. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation du sénateur Plett, qui vise à souligner le 150e anniversaire de la province du Manitoba. Je tiens à remercier le sénateur Plett d’avoir pris l’initiative de présenter cette interpellation, donnant ainsi au Sénat la chance de célébrer l’histoire du Manitoba.
Il y a 150 ans, le Manitoba est devenu la cinquième province à se joindre à la Confédération. Or, nous ne pouvons pas rendre hommage au passé du Manitoba sans parler de sa longue histoire avant la Confédération. La Commission royale sur les peuples autochtones estime de façon conservatrice qu’avant l’arrivée des premiers colons européens, plus d’un demi-million d’Autochtones habitaient sur l’île de la Tortue.
Le Manitoba, un mot cri signifiant « le passage du Grand Esprit », était le pays des Cris, des Dakotas, des Dénés, des Ojibwés et des Oji-cris. Plus tard, il a aussi été celui des Métis. Des gens de différentes cultures et organisations sociales habitent au Manitoba depuis des temps immémoriaux, tantôt isolés, tantôt en interaction avec les autres. Ne l’oublions pas. N’oublions pas cette partie de notre histoire négligée depuis trop longtemps.
Quand nous célébrons la Loi sur le Manitoba adoptée en 1870, nous ne pouvons passer sous silence la longue et fière histoire de la nation métisse, ainsi que sa participation active à l’édification du Canada et de la province du Manitoba. Le peuple métis est né dans les années 1700, quand les marchands de fourrures français et écossais ont épousé des femmes autochtones.
En plus de la mission de trouver une route vers le Pacifique, le castor canadensis, ou plus précisément la deuxième couche de sa fourrure — qui convient si bien à la fabrication de feutres et de chapeaux de feutre qui étaient à la mode en Europe à l’époque — est ce qui a fait voyager les Européens de plus en plus loin dans le pays du nord-ouest. Par exemple, La Vérendrye, encouragé à naviguer sur les eaux du lac Supérieur au lac Winnipeg par les Cris et les Assiniboines dans ses négociations commerciales, s’est installé au confluent de la rivière Rouge et de l’Assiniboine, où allaient émerger les villes de Winnipeg et de Saint-Boniface, ainsi que leur héritage français.
Les Métis forment l’un des peuples autochtones du Canada au sens de l’article 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982. Cependant, il ne faut pas perdre de vue le fait que la nation métisse est devenue un peuple du nord-ouest avant même que ce territoire fasse partie du Canada. C’est grâce à la détermination des Métis francophones, de leur chef, Louis Riel, et de son gouvernement provisoire, représenté notamment par le père Joseph-Noël Ritchot, que le statut de province, des institutions bilingues ainsi que des écoles confessionnelles ont été obtenus lors de l’entrée du Manitoba dans la Confédération.
Tout comme les diverses Premières Nations, et plus tard le peuple métis, les Canadiens français qui ont habité ce territoire ont lutté pour être traités équitablement au sein de cette fédération en pleine expansion. Ce fut le cas de mes arrière-grands-parents Gagné qui, en 1877, sont venus occuper des terres de la région de la rivière aux Rats. Déjà, en 1872, deux ans après l’entrée du Manitoba dans la Confédération, il était devenu évident que les droits obtenus par les Métis ne seraient pas faciles à faire respecter. L’abbé Ritchot, qui faisait partie des trois personnes envoyées à Ottawa par Louis Riel en 1870 pour faire respecter les droits de propriété des terres métisses de la rivière Rouge et favoriser l’entrée du Manitoba dans la Confédération canadienne, encouragea fortement certains Métis à s’établir rapidement sur les bonnes terres qui bordaient la rivière aux Rats.
En 1877, la mission établie à la rivière aux Rats comptait 20 familles et a été nommée mission de Saint-Pierre. L’abbé Jean-Marie Jolys l’a prise en charge et a fait construire une chapelle et les premières écoles. Bien des efforts ont été déployés pour recruter de nouveaux colons canadiens-français originaires du Québec et des États-Unis, où ils avaient émigré. Ils étaient tous des francophones. Alors, me voici, fille d’immigrants qui, en 1644, ont quitté la France pour s’établir au Québec, se diriger ensuite vers le Massachusetts et arriver au Manitoba. C’est grâce à la résilience de ces valeureux défricheurs de terre que j’ai le privilège de vous adresser la parole aujourd’hui à titre de sénatrice francophone du Manitoba.
Le Manitoba est l’une des trois provinces canadiennes à bénéficier d’une protection constitutionnelle à l’égard de certains de ses droits linguistiques, ce qui en fait une province à l’avant-garde de la protection de ces droits. Cela dit, le soutien qu’apporte le gouvernement aux droits linguistiques des Franco-Manitobains a connu de grandes variations au cours de l’histoire, passant de garanties négociées à la négation des droits — la loi Thornton —, puis à des luttes chaudement menées jusqu’au plus haut tribunal du pays pour les rétablir, notamment grâce à Georges Forest et à Roger Bilodeau.
La résistance des Franco-Manitobains, notamment dans le domaine scolaire, a incité d’autres batailles partout au Canada français et a en quelque sorte pavé la voie vers l’adoption de la loi fédérale en matière de langues officielles, en 1969, et à la refonte de cette loi, en 1988.
Les poursuites judiciaires menées par les francophones du Manitoba ont eu des effets sur l’ensemble du pays, en précisant les droits linguistiques garantis à l’ensemble des communautés de langue officielle en situation minoritaire et en favorisant la modification du règlement d’application de la partie IV qui détermine où les services fédéraux doivent être offerts dans les deux langues officielles.
En examinant l’histoire de la province, on ne peut que constater que la diversité des relations au Manitoba et les luttes qu’on y a menées sont un microcosme de celles qui définissent l’histoire du Canada dans son ensemble ainsi que des nombreuses questions importantes que notre fédération continue à examiner aujourd’hui. Je tiens à terminer mon discours en soulevant trois de ces questions : primo, la reconnaissance des droits linguistiques; secundo, la reconnaissance des droits et de l’histoire des Autochtones; tertio, la tradition canadienne d’accueil des immigrants.
La reconnaissance et le maintien des droits linguistiques à l’échelle fédérale sont une tâche qui nous incombe dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le contexte a beaucoup changé depuis que Lester Pearson a chargé André Laurendeau et Davidson Dunton d’entreprendre leur étude. À l’échelle provinciale, mes collègues du Québec savent fort bien que le taux d’utilisation du français dans leur métropole, Montréal, a baissé. À l’heure actuelle, la province débat de la manière de réhabiliter la loi 101.
Au Nouveau-Brunswick, le statut constitutionnel bilingue de la province est remis en question, notamment par un nouveau parti politique provincial qui s’oppose à certains éléments du bilinguisme officiel de la province. En Ontario, il y a un peu plus de deux ans, nous avons déploré ici même à la Chambre l’abolition du commissaire aux langues de la province et la réduction du financement de l’université francophone. En Colombie-Britannique, en juin dernier, la Cour suprême du Canada a jugé que le gouvernement provincial avait violé l’article 23 de la Charte des droits et libertés en sous-finançant systématiquement le conseil scolaire francophone.
Autrement dit, tous les Canadiens peuvent tirer une leçon de l’histoire des droits des minorités linguistiques au Manitoba : restez vigilants. Les forces homogénéisatrices de la mondialisation sont trop souvent hostiles aux minorités linguistiques, comme elles l’ont été envers les peuples autochtones.
C’est seulement en 2016 que la Cour suprême a reconnu que les Métis et les Indiens non inscrits étaient couverts par l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. L’arrêt Daniels a confirmé l’obligation de fiduciaire du gouvernement fédéral et le droit des Métis à des consultations de bonne foi. C’est ainsi qu’est arrivée la reconnaissance constitutionnelle que Louis Riel avait commencé à chercher 150 ans plus tôt.
Au Manitoba comme ailleurs, les jeux politiques n’ont pas été de tout repos. Il y a eu des luttes acharnées et des catastrophes, notamment des catastrophes naturelles. Malgré cela, des terres fertiles du Sud jusqu’à la roche du bouclier canadien et aux lacs d’eau douce alimentés par la baie d’Hudson, le Manitoba est un espace de cohabitation, un espace d’amitiés, ouvert comme l’immense ciel des Prairies. C’est particulièrement évident quand on regarde la riche tradition manitobaine entourant l’accueil des nouveaux arrivants.
Les Cris, les Dakotas, les Dénés, les Ojibwés et les Oji-Cris ont été les premiers à accueillir des Européens sur leur territoire. Pendant les diverses vagues d’immigration qui ont suivi au cours des siècles, les Manitobains ont accueilli des gens des quatre coins du monde. Tous ont trouvé une terre d’accueil au Manitoba, y compris les réfugiés de la mer vietnamiens arrivés à la fin des années 1970, les familles rwandaises des années 1990 et, plus récemment, les familles qui fuyaient la guerre civile en Syrie.
Malgré les difficultés qu’il a connues, le Manitoba a fait preuve, au cours des 150 dernières années, de résilience et de sagesse politique. Il a su bâtir une société qui allie diversité et valeurs communes. J’espère que les générations futures sauront renouveler et renforcer cet héritage pendant les 150 prochaines années, car la diversité est essentielle à la démocratie. Merci. Meegwetch.
Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord souhaiter un joyeux 150e anniversaire à tous mes concitoyens du Manitoba, qui se démarquent dans de nombreuses disciplines, de la médecine à l’agriculture en passant par l’éducation, les affaires, le génie, l’architecture, l’aéronautique, l’athlétisme et j’en passe. Félicitations. À moi tout particulièrement, le Manitoba a permis de mener une carrière artistique et universitaire bien remplie et gratifiante. Je suis née au Manitoba et j’y suis retournée deux fois au fil des ans, comme un boomerang. Je remercie le sénateur Plett d’avoir lancé cette interpellation et je les remercie, la sénatrice Gagné et lui, pour la manière éloquente dont ils ont résumé l’histoire du Manitoba et décrit la résilience et la force de caractère de ceux qui y habitent.
Je n’étonnerai personne ici ce soir si je dis que je m’attarderai au côté créatif des Manitobains ainsi qu’aux nombreux et dynamiques carrefours culturels qui font la renommée de ma province depuis des siècles — en tout cas depuis bien plus longtemps que les 150 ans que nous soulignons cette année. Vous savez tous que je surnomme mon bureau « le mini-Manitoba » et vous avez reçu la publication célébrant l’art manitobain et les œuvres que j’y ai installées.
Je tiens à redire, en commençant, à quel point je suis fière d’être la première membre de ma famille à être née au Canada et à quel point je suis chanceuse que cela se soit produit au Manitoba. Comme beaucoup d’autres familles, la mienne était profondément attachée au Manitoba et elle a toujours été fière de pouvoir y vivre et y travailler. Mon père était un historien spécialisé dans le commerce de la fourrure et il a publié les journaux tenus dans les années 1770 par Samuel Hearne. L’explorateur y raconte notamment le temps qu’il a passé à Churchill, qui était le point de rencontre entre les Inuits, les Cris et les Dénés.
Mes deux maris décédés sont sur la liste des Manitobains remarquables et ils ont servi la province avec fierté et amour. L’un d’eux, John Bovey, était un archiviste provincial qui a fait venir à Winnipeg les Archives de la Baie d’Hudson du Royaume-Uni, une collection historique importante qui est devenue la première collection d’archives au monde désignée par l’UNESCO. Mon autre mari, John Harvard, était un journaliste primé. Il a ensuite servi le Manitoba comme député à la Chambre des communes pendant quatre mandats, puis comme lieutenant-gouverneur du Manitoba. Il s’est toujours fait le champion des Manitobains ordinaires de tous les coins de la province, célébrant leurs nombreux atouts et visages.
En 1970, année du centenaire du Manitoba, je suis retournée dans la province en tant que conservatrice très jeune et inexpérimentée au Musée des beaux-arts de Winnipeg. C’était pour travailler sur une grande exposition du centenaire présentant les expressions visuelles d’artistes itinérants, de jeunes artistes résidents et, plus tard, d’artistes professionnels de longue date. L’exposition présentait le travail des Premières Nations, notamment la broderie perlée exemplaire des Métis et le mâchouillage particulier de l’écorce de bouleau des créateurs des Premières Nations, ainsi que l’arrivée des premiers explorateurs qui ont découvert un paysage, une lumière et des coutumes qu’ils n’avaient jamais vus auparavant. En 1821 est arrivé à la baie d’Hudson le premier artiste de formation pour faire une résidence dans l’Ouest canadien : Peter Rindisbacher, un jeune Suisse de 15 ans. La famille de Peter et ce groupe, qui pensaient arriver à la Nouvelle-Orléans, ont eu toute une surprise.
Ils se sont installés dans la colonie de la rivière Rouge, où ils ont vécu jusqu’en 1826. Le nouvel environnement de Peter et la faune qui s’y trouvait le fascinaient. Son œuvre a évolué en conséquence. Il a peint de nombreux portraits d’Autochtones pratiquant des activités traditionnelles et participant à des cérémonies de signature de traités, ainsi que l’intérieur de bâtiments de la région de la baie d’Hudson. Ses tableaux ont aussi représenté des Européens dans la région. Le respect, la sensibilité et l’habileté avec lesquels il a représenté ses sujets sont aussi époustouflants que ses paysages peints sur le vif qui mettent en valeur la luminosité des grands espaces manitobains.
Les premières œuvres d’artistes européens comprennent une gravure produite d’après une esquisse réalisée en 1769 par Samuel Hearne au fort Prince-de-Galles, une aquarelle de H. J. Robertson peinte à Fort Gibraltar en 1804 ainsi qu’une gravure de 1817 produite d’après une esquisse de lord Selkirk réalisée à Fort Douglas. La plupart des premiers artistes itinérants qui passaient dans la région faisaient partie de divers groupes d’explorateurs.
Notre province est demeurée un carrefour créatif depuis ce temps, et je crois que les nombreuses réalisations novatrices qu’elle a vues naître sont attribuables en partie à notre isolement géographique et à nos hivers rigoureux. Les riches discussions, les expériences interdisciplinaires et les soirées animées dans les ateliers et les galeries font partie intégrante de Winnipeg. Bruce Head, membre de l’Académie royale des arts du Canada, qui a passé toute sa carrière à Winnipeg sans jamais se sentir isolé, a dit ceci au sujet de son milieu :
Ici, vous pouvez vous informer de ce qui se passe dans le monde de l’art. Vous pouvez être actif, mais vous pouvez aussi choisir qu’on vous laisse tranquille, si c’est ce que vous voulez.
En 1870, lors de l’entrée de la province dans la Confédération, on l’a appelée la « porte d’entrée de l’Ouest ». Winnipeg était considérée comme la Chicago du Nord. Nous avons parlé de la dérivation du nom Manitoba et du fait qu’une de ses significations autochtones était « le lieu où habite Dieu ». C’est d’ailleurs le titre d’un des grands tableaux de l’artiste Robert Houle, né à Sandy Bay.
Le nom « Winnipeg » vient de la langue crie et veut dire « eaux troubles ou boueuses », une juste description, j’ai bien peur, de la couleur des eaux des rivières. J’adore patiner sur les rivières et amener les enfants à la confluence des rivières Rouge et Assiniboine, où la glace est de couleurs différentes. Je souligne que c’est l’endroit où est née l’économie de l’Ouest canadien. Le tableau The Dakota Boat, peint en 1905 par W. Frank Lynn, illustre avec une grande clarté le commerce et la vie de l’époque, les forts, Upper Fort Garry de la Baie d’Hudson, les Autochtones et les dirigeants de la Compagnie de la Baie d’Hudson, au centre du tableau, ainsi que la rivière et le coucher de soleil évocateur.
Le Manitoba est le berceau d’un très grand nombre d’innovations sur la scène artistique et culturelle du Canada. Par exemple, c’est sur les bords de la rivière Rouge que des peintures à l’huile ont été peintes à l’extérieur pour la première fois au Canada. L’artiste était William Hind, et c’était en 1862, plus de 40 ans avant la fondation du Groupe des sept et huit ans avant notre entrée dans la Confédération.
Pour réussir, les centres artistiques nécessitent plusieurs facteurs, y compris un leadership politique, comme nous l’avons entendu, une stabilité économique, une population suffisante et des artistes désireux de repousser les limites. Le Manitoba réunit tous ces facteurs.
L’influente section winnipegoise de la Women’s Art Association of Canada a été fondée en 1894 par un groupe de femmes déterminées et dévouées, dont l’innovation et la vocation sont à la base des fondements solides sur lesquels repose encore le milieu artistique de la province. Les membres de cette section et les responsables de la foire agricole de Virden ont contribué grandement à la scène artistique florissante de la jeune province, et leur leadership a donné naissance à plusieurs organisations à Winnipeg et dans le reste de la province. En effet, en 1893, la partie de la foire de Virden consacrée aux beaux-arts a connu un tel succès que les foires agricoles qui ont eu lieu plus tard dans la province sont devenues les principaux lieux d’exposition des arts visuels.
Le tout premier musée d’art municipal au Canada a été le Musée des beaux-arts de Winnipeg, qui a ouvert ses portes en 1912. À son inauguration, il a exposé des œuvres d’art autochtones, emboîtant ainsi le pas à Women's Art Association de Winnipeg, qui a fait la même chose dans les années 1890. Le Musée des beaux-arts de Winnipeg ouvrira en février le Centre d’art inuit dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire de la province. Le Musée des beaux-arts de Winnipeg fera œuvre de pionnier dans le domaine des programmes d’éducation et de sensibilisation à l’Arctique en partageant virtuellement ses importantes collections et recherches sur les Inuits, programmes qui dépendront toutefois de l’augmentation de la bande passante dans le Nord.
Le premier peintre abstrait du Canada, Bertram Brooker, travaillait dans au théâtre de Neepawa avant de peindre ses œuvres abstraites en 1927-1928. L’entreprise de photogravure Brigdens de Winnipeg, fondée en 1914 dans la capitale provinciale, a été, pendant de nombreuses années, le plus grand employeur d’artistes dans l’Ouest. Elle a obtenu le contrat de production du catalogue de vente par correspondance d’Eaton.
Au début des années 1930, le peintre de The Prairie, Lionel LeMoine Fitzgerald, de Winnipeg, était le seul membre occidental du Groupe des Sept. Trois décennies plus tard, en 1968, le Grand Western Canadian Screen Shop a été fondé à Winnipeg. Il a établi des rapports avec des studios de gravure de reproduction au Québec et à Terre-Neuve. Leurs rassemblements étaient légendaires et allaient jusque dans la rue.
Dans le cadre du 50e anniversaire de l’organisation, Regina et Winnipeg ont organisé des célébrations communes, et nous attendons le catalogue sous peu. Il est évident que, à partir de 1950, les artistes, les organisations, l’école d’art de Winnipeg, les collectifs et plus encore ont créé le phénomène qu’on a décrit comme « l’effet Winnipeg », qui est ressenti partout au Canada.
Sans surprise, les nouveaux médias ont révolutionné les formes d’art : les œuvres produites par ordinateur, les images numériques, les mèmes, les performances qui sollicitent la participation des spectateurs, l’art sonore et les créations interdisciplinaires ont proliféré.
Reva Stone, qui a reçu un Prix du gouverneur général en arts visuels, fait partie de ces artistes qui ont grandement repoussé les frontières à l’aide de réalisations comme Carnevale, une œuvre révolutionnaire qui utilise les nouveaux médias pour mobiliser le public. Il s’agit d’un double profil en aluminium d’une jeune fille qui se déplace comme un robot dans la salle d’exposition, qui interagit avec les visiteurs, prend leur photo, puis les affiche sur le mur. C’est fascinant.
Dans le cadre de son travail, Reva Stone explore maintenant l’intelligence artificielle, les études sur la surveillance et les préoccupations en matière de vie privée. Ces liens entre les arts et les sciences et les studios et les laboratoires de notre province sont importants et s’étendent même à l’échelle internationale avec le travail de personnes comme Aganetha Dyck, qui produit des représentations visuelles d’abeille depuis des décennies. Elle partageait les préoccupations des scientifiques du monde à ce sujet et a travaillé avec eux à de nombreuses occasions dans un effort concerté pour sauver les abeilles.
La semaine dernière, j’ai parlé au Sénat de certains de nos organismes artistiques et de plusieurs premières canadiennes. Par exemple, le premier théâtre régional anglophone au Canada a été le Royal Manitoba Theatre Centre, fondé en 1958 par John Hirsch et Tom Hendry à la suite du fusionnement du Winnipeg Little Theatre et du Theatre 77. Le théâtre a fait ses débuts à Winnipeg dans des salons résidentiels, notamment chez Claude Sinclair et son épouse, que j’ai appris à bien connaître des décennies plus tard.
L’esprit de collaboration entre les dramaturges, les danseurs, les acteurs, les compositeurs, les musiciens et les artistes visuels lors des premières prestations était inspirant, comme en témoignent nettement les biographies et les programmes, et cela demeure évident quand on assiste à une prestation aujourd’hui. John Hirsch a joué un rôle légendaire à Winnipeg.
Le Manitoba a également donné naissance à la première compagnie de danse contemporaine du Canada et la plus importante compagnie de danse moderne ayant été en activité sans interruption au pays, les Winnipeg’s Contemporary Dancers. Fondée en 1964 par Rachel Browne, la compagnie présente des œuvres partout au Canada et aux États-Unis. La danse est un élément clé de la constellation artistique de Winnipeg. Le Royal Winnipeg Ballet est l’une des plus anciennes compagnies de ballet du Canada. Fondé à titre de club en 1938 et à titre de compagnie en 1941, c’est la compagnie de ballet en activité depuis le plus longtemps en Amérique du Nord. Ses chorégraphies sur commande sont révolutionnaires et renversantes, qu’il s’agisse de Going Home Star — Truth and Reconciliation ou du plus traditionnel Casse-Noisette, dont la production de Winnipeg comporte un revirement et une mise en scène uniques. Depuis près de 80 ans, son école de ballet est une véritable institution. Comme je me rappelle mon incursion infructueuse dans le domaine du ballet à titre d’élève.
Je pourrais continuer à parler des productions et du travail de tous nos organismes, mais le temps m’en empêche. Permettez-moi d’évoquer la richesse, la créativité, l’inspiration et l’énergie des créateurs dont nous sommes si fiers.
Bien entendu, le Manitoba est la province des grandes écrivaines. Miriam Toews, connue comme la romancière extraordinaire, Carol Shields, surnommée la reine de la fiction de Winnipeg, Gabrielle Roy, romancière vedette franco-canadienne, bien sûr Margaret Laurence, qui était et demeure la fierté de Neepawa, Dorothy Livesay, poétesse célébrée d’un océan à l’autre, et bien d’autres encore.
Nos artistes, musiciens et cinéastes sont merveilleux eux aussi, et si vous pensez que je me vante, eh bien, c’est le cas. James Ehnes, violoniste de renommée mondiale, est né et a été formé à Brandon. Je pense aussi au groupe The Guess Who, aux Weakerthans, aux compositeurs Glenn Buhr, Sid Robinovitch, Sierra Noble, Rémi Bouchard, au musicien de jazz Ron Paley, à des cinéastes comme Guy Maddin, sans oublier plusieurs artistes visuels et céramistes. Leurs œuvres ont été colligées, vues, publiées et exposées partout dans le monde. Les artistes autochtones aussi méritent nos éloges. Le compositeur Andrew Balfour, l’écrivain Ian Ross et l’artiste visuel KC Adams n’en sont que trois exemples.
La créativité et les traditions des Manitobains ont rejoint les quatre coins de la planète. Par exemple, Peter Herrndorf, qui a longtemps été directeur du Centre national des arts, est Manitobain. Il a grandi tout près de la maison où j’ai habité pendant ma jeunesse.
La première université de l’Ouest canadien, le collège d’agriculture du Manitoba, a été fondée en 1877 et elle est devenue aujourd’hui l’université du Manitoba, qui a célébré son 140e anniversaire en 2017.
L’École d’art de Winnipeg, fondée en 1913, s’est officiellement jointe à l’université en 1951 et elle continue de former des artistes dans diverses disciplines avec conviction et consistance.
C’est la même chose du côté de la faculté de musique. Des Prix artistiques Sobey ont été remis à des étudiants de la faculté des arts, et des professeurs et d’autres artistes de renom ont reçu le Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques.
À l’Hôpital Saint-Boniface, le premier hôpital de l’Ouest canadien, les arts ont joué un rôle important de soutien à la guérison depuis des décennies, en fait, depuis sa fondation.
Je pourrais continuer, mais vous comprenez toute la créativité débordante que le Manitoba a connue. C’est vraiment une province pionnière qui a accueilli des immigrants dès les débuts : des Islandais — c’est d’ailleurs le foyer de la plus grande communauté islandaise à l’extérieur de l’Islande; des Écossais, qui ont fondé la colonie de la rivière Rouge; des Philippins, qui ont contribué de manière incommensurable au tissu de la province. En effet, je crois que tous les pays au monde sont représentés dans la population du Manitoba.
Honorables sénateurs, je suis évidemment fière d’être Manitobaine. Je vous invite tous à venir participer à l’un de nos festivals, concerts, théâtres en salle ou en plein air, expositions ou visites de studios. Ce serait un honneur pour moi de vous accueillir dans notre centre de création spécial et dynamique. Je vous remercie.