Aller au contenu
C110 - Comité spécial

Comité spécial sénatorial sur le projet de loi C-110

 


Délibérations du comité sénatorial spécial
sur le projet de loi C-110

Fascicule 1 - Témoignages


Ottawa, le lundi 22 janvier 1996

[Traduction]

Le comité spécial du Sénat sur le projet de loi C-110 se réunit aujourd'hui, à 9 heures, en vue d'organiser ses travaux.

M. Timothy R. Wilson , greffier du comité: Honorables sénateurs, avant de commencer, permettez-moi de vous expliquer la procédure à suivre ce matin.

Conformément à l'ordre de renvoi qu'a reçu le comité le 15 décembre 1995, le comité doit présenter son rapport au plus tard le 1er février 1996, à 9 heures.

Pour démarrer le processus, on a pensé qu'il serait bon d'avoir une séance informelle. Une conférence téléphonique a eu lieu le 20 décembre et a permis de prendre les décisions nécessaires pour commencer le travail du comité et permettre au personnel de contacter les témoins pendant le congé. Ces décisions seront ratifiées à la séance régulière de ce matin, puisque les conférences téléphoniques ne sont pas considérées comme des séances du comité en bonne et due forme.

Je suis maintenant prêt à recevoir des motions pour l'élection du président du comité.

Le sénateur Carstairs: Je propose la candidature du sénateur Kinsella au poste de président du comité.

Le sénateur St. Germain: J'appuie cette motion.

M. Wilson: Le sénateur Carstairs, appuyée par le sénateur St. Germain, propose que le sénateur Kinsella soit élu président du comité.

Les honorables sénateurs consentent-ils à adopter la motion?

Des voix: D'accord.

M. Wilson: Adopté. J'invite le sénateur Kinsella à occuper le fauteuil.

Le président: Merci, honorables sénateurs.

Nous en arrivons maintenant à l'élection officielle de notre vice-président. Je suis maintenant prêt à recevoir une motion en ce sens.

Le sénateur Beaudoin: Je propose que le sénateur De Bané soit élu vice-président du comité.

Le président: Il est proposé que le sénateur De Bané soit élu vice-président. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée. Le sénateur De Bané est le vice-président.

Le troisième point à l'ordre du jour est l'élection de notre sous-comité du programme et de la procédure. Nous avons besoin d'une motion pour nommer un comité directeur composé de trois membres, à savoir le président et deux autres membres.

Le sénateur Meighen: Je propose le sénateur Murray.

Le sénateur Carstairs: Je propose le sénateur MacEachen.

Le président: Il est proposé que les sénateurs MacEachen, Murray et le président constituent le sous-comité du programme et de la procédure. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Une copie du calendrier des travaux vous été remise. Elle a été préparée pendant la période de Noël et au début janvier par les sénateurs Murray, MacEachen et par moi-même. J'aimerais maintenant la passer en revue.

Nous prévoyons de nous rencontrer chaque jour de cette semaine, soit lundi, mardi, mercredi, jeudi et vendredi. Vendredi, nous devrions terminer nos travaux à midi. Si rien ne s'ajoute au cours de la semaine, nous terminerons nos travaux et ne siégerons pas vendredi après-midi.

Nos collègues du caucus libéral ont un caucus national à Vancouver au début de la semaine prochaine. Nous avons été en mesure d'organiser les travaux qui sont décrits ici de manière que le comité n'ait pas à siéger le lundi 29 janvier. Nous reviendrons mardi matin, le 30 janvier. Nous avons deux témoins confirmés pour cette date. Nous pouvons décider cette semaine si nous ajoutons des témoins à cette liste ou non.

Nous avons été en mesure d'organiser les audiences de manière à entendre 25 témoins au cours de nos délibérations. Il ne sera pas nécessaire de tenir des audiences en soirée. À moins que les questions n'en finissent pas, nous nous en tiendrons à ce calendrier.

On s'est demandé si vous souhaitiez entendre deux témoins vendredi: M. Schwartz, professeur, proposé par le sénateur De Bané, et M. Milne, de l'Île-du-Prince-Édouard. Je vais demander au greffier d'expliquer la situation.

M. Wilson: Ces deux témoins sont prêts à comparaître et leur nom a été proposé par des membres du comité. Pour les entendre toutefois, il faudrait siéger vendredi après-midi. C'est au comité de prendre cette décision.

Le sénateur Carstairs: Avant de prendre une décision à ce sujet, parlons-nous de M. Brian Schwartz, de l'Université du Manitoba?

M. Wilson: C'est exact.

Le sénateur Carstairs: De qui parlons-nous en ce qui concerne l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Wilson: De M. David Milne, professeur.

Le sénateur Carstairs: Est-il professeur à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Wilson: C'est exact.

Le président: Nous pourrions réfléchir avant de prendre une décision plus tard dans la journée.

Le sénateur Murray: C'est une idée.

Le sénateur Beaudoin: Je propose que l'on y pense pendant deux ou trois heures.

Le sénateur Carstairs: Oui. Je n'ai pas examiné de près le calendrier proposé, mais avons-nous d'autres témoins de l'une ou l'autre de ces provinces?

M. Wilson: Non.

Le président: Au moment de la sélection des éventuels témoins, le comité directeur tenait en fait à choisir ceux qui, à son avis, aideraient les sénateurs à assumer la responsabilité liée à l'examen de ce projet de loi.

Plusieurs associations ont demandé à comparaître devant le comité. Nous avons pris la décision de ne pas inviter d'association. Nous avons adopté une démarche très précise et stratégique, compte tenu du temps limité dont nous disposons. Toutefois, il y a une association qui ne cesse de nous dire qu'elle souhaiterait comparaître devant nous. Voulez-vous en parler, monsieur Wilson?

M. Wilson: Le Parti Égalité du Québec est très pressant à cet égard. Il vient juste de m'envoyer une autre télécopie ce matin après en avoir envoyé deux la semaine dernière. Il a fait mention du grand rassemblement politique qui s'est déroulé hier à McGill et qui a suscité beaucoup d'intérêt. Il a participé à ce rassemblement et pense qu'il devrait également comparaître devant le comité.

En toute justice, si nous entendons le Parti Égalité, nous devrions également entendre l'Association des communautés francophones et acadiennes du Canada, qui a été contactée, ainsi que l'Association des franco-albertains, qui a également indiqué qu'elle souhaitait comparaître devant le comité. Vous pourriez avoir trois témoins de plus si vous décidez d'entendre le Parti Égalité.

Le sénateur Beaudoin: Je ne vois pas comment nous pourrions ouvrir la porte à un seul groupe. C'est absolument impossible. Il faudrait ensuite l'ouvrir aux autres. Vous avez parlé de trois autres groupes. Il y a également le conseil pour l'unité canadienne qui a organisé une rencontre très réussie vendredi. Le Parti Égalité est allé à la rencontre d'hier. Si vous ouvrez la porte, il faut l'ouvrir à cinq ou six groupes au moins. Je ne vois pas comment nous pourrions choisir un seul groupe.

Le président: Y a-t-il d'autres sénateurs qui partagent cet avis?

Le sénateur Meighen: Je suis également d'accord.

Le sénateur MacEachen: Nous avons débattu de la question au cours de la séance informelle du comité directeur. Nous avons pensé avoir un groupe représentatif, compte tenu du temps limité dont nous disposons pour entendre les témoins. Par conséquent, nous avons déclaré la liste close. Si nous décidons d'entendre un groupe, il faudra les entendre tous, ce qui prolongera les audiences.

Le sénateur Murray: Je suis d'accord. Je me permets de dire sans prétention au nom du comité directeur que nous nous en sommes assez bien tirés. Nous avons six ou sept organismes officiels - c'est-à-dire des gouvernements, des associations autochtones -, et je compte au moins treize autres témoins ou spécialistes externes qui ont un point de vue particulier à proposer. Nous avons convenu de faire rapport du projet de loi le premier février et nous avons besoin d'un peu de temps pour préparer notre rapport. Je ne crois pas vraiment que nous puissions recevoir beaucoup plus de témoins.

Depuis le début, j'ai pensé qu'il était important de mettre l'accent sur la qualité, plutôt que sur la quantité, et de consacrer, dans la plupart des cas, une heure et demie aux témoins externes, de manière à pouvoir entendre leurs points de vue et instaurer un véritable dialogue avec eux. En pareil cas, je ne vois pas comment nous pourrions ajouter beaucoup plus de témoins à la liste que nous avons déjà établie.

Le sénateur St. Germain: Si nous devons tenir des audiences et entendre des représentants du gouvernement, les politiciens des régions, et cetera, nous n'aurons plus de temps. De nombreux groupes sont en train de se constituer dans tout le pays par suite des préoccupations qui apparaissent depuis le référendum d'octobre.

Puisque nous sommes de toute façon ici, nous pourrions entendre ces personnes en soirée. Nous pourrions entendre quelques groupes choisis afin de ne pas être accusés d'exclure du débat ceux qui n'appartiennent pas aux milieux universitaires ou politiques.

Le président: Cette question pourrait peut-être se régler en fonction de la recommandation du comité directeur, à savoir que notre liste est établie et que nous devrions la respecter.

Le sénateur Meighen: Monsieur le président, pourrait-on proposer que les personnes qui ne peuvent être inscrites sur notre liste de témoins peuvent envoyer un mémoire écrit?

Le président: Oui, c'est possible. Si c'est ce que vous souhaitez, ce sera fait. Est-ce que nous avons une motion?

Le sénateur MacEachen: Je le propose

Le président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Il est maintenant question d'une motion autorisant l'impression des fascicules du comité.

Le sénateur MacEachen: Si je comprends bien, le rapport du comité directeur est adopté?

Le président: Oui.

Il est proposé d'imprimer 500 exemplaires des fascicules du comité. Nous avons besoin d'une motion dans ce sens.

Le sénateur Carstairs: Je le propose.

Le président: Le sénateur Carstairs propose que le comité imprime 500 exemplaires de ses fascicules. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Nous en venons maintenant au personnel de recherche du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement. Mollie Dunsmuir, de la Division du droit et du gouvernement et Jack Stilborn et Brian O'Neal, de la Division des affaires politiques et sociales, sont disponibles pour le comité.

Le point 7 traite de l'autorisation d'engager des fonds et d'approuver les comptes à payer. Il est proposé que, conformément à l'article 32 de la Loi sur la gestion des finances publiques, l'autorisation d'engager les fonds du comité soit conférée au président ou, en son absence, au vice-président; et que, conformément à l'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques et la directive 3:05 de l'annexe II du Règlement du Sénat, l'autorisation d'approuver les comptes à payer au nom du comité soit conférée au président ou au vice-président et au greffier du comité.

Le sénateur Gauthier: Je le propose.

Le président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Le point 8 traite des frais de déplacement des témoins. Conformément à l'article 103 du Règlement, une indemnité raisonnable pour frais de déplacement et de séjour peut être versée à tout témoin invité à comparaître devant le comité.

Le sénateur Gauthier: Je le propose, mais je veux d'abord poser la question suivante: le mot «témoins» désigne-t-il une personne ou un groupe de personnes?

M. Wilson: Les comités limitent parfois le nombre de représentants de chaque organisme. Dans le cas présent, nous avons seulement deux organismes qui comptent plus de deux représentants, et je ne pense pas que cela pose un problème. Nous n'avons pas tant de témoins.

Le sénateur Gauthier: Pouvez-vous préciser? Lorsque vous invitez des associations à comparaître, combien de personnes peuvent-elles amener? Le nombre de personnes peut avoir un effet sur le budget ainsi que sur le temps.

M. Wilson: À ma connaissance, nous avons invité une association représentée par quatre personnes dont il faudra rembourser les frais; une autre compte deux représentants; les autres des témoins sont des particuliers.

Le sénateur Gauthier: À propos de l'association qui compte quatre représentants, de laquelle s'agit-il? D'où vient-elle? De Colombie-Britannique?

M. Wilson: Il s'agit du Conseil national des autochtones du Canada. Ce conseil a des représentants régionaux, si bien que ces personnes viendront de quatre parties différentes du pays.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Si non, est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Y a-t-il d'autres questions que les honorables sénateurs aimeraient soulever?

Un petit budget de 5 000 $ a été préparé par le personnel. Nous pensons que cela couvrira les dépenses du comité. Avec votre approbation, une demande d'autorisation budgétaire sera présentée au comité de régie interne.

Le sénateur Beaudoin: Je le propose.

Le président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

S'il n'y a pas d'autres questions, nos audiences commenceront dans la pièce 505, à 9 h 30, le ministre de la Justice étant notre premier témoin.

La séance est levée.

[Français]

Ottawa, le lundi 22 janvier 1996

Le comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Noël A. Kinsella (président ) occupe le fauteuil.

Le président: Ce comité du Sénat a été institué afin d'étudier, suite à la deuxième lecture, le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles. Nous avons au programme cette semaine l'étude de ce projet de loi avec plusieurs témoins. En réalité, il y a plus de 25 témoins qui vont nous assister dans notre étude de ce projet de loi.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous accueillons en premier lieu ce matin comme témoin le ministre de la Justice, l'honorable Allan Rock. Bienvenue, monsieur le ministre. On nous a laissé entendre que vous feriez quelques remarques liminaires et que les sénateurs pourraient ensuite discuter avec vous et vous poser des questions.

Monsieur le ministre.

[Français]

L'honorable Allan Rock , député, ministre de la Justice et procureur général du Canada: Monsieur le président, je suis très heureux de me présenter au comité aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-110. C'est durant la campagne référendaire que le premier ministre s'est engagé envers la population du Québec, au nom de la population du Canada, sous divers aspects.

Entre autres choses, le premier ministre a signalé son engagement d'assurer qu'aucune modification constitutionnelle touchant le Québec ne serait adoptée sans le consentement des Québécois.

[Traduction]

Avec la promulgation du projet de loi C-110 par la Chambre des communes, le premier ministre concrétise cet engagement. Je comparais ici ce matin pour exhorter ce comité à recommander au Sénat tout entier à l'adopter.

Dans ma déclaration liminaire, j'aborderai brièvement, si vous le permettez, quatre questions qui intéresseront les honorables sénateurs dans le cadre de leur examen de cette mesure législative: premièrement, je vous parlerai de la nature de la mesure elle-même, ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas; deuxièmement, je vous dirai de quelle manière le projet de loi respecte la procédure de modification de la Constitution prévue dans la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982; troisièmement, je vous entretiendrai de la constitutionnalité du projet de loi C-110 comme tel; et enfin, je dirai quelques mots des préoccupations qu'ont exprimées les peuples autochtones en décembre dernier devant le comité de la Chambre.

Premièrement, puis-je mettre en contexte cette mesure législative et vous dire ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas? Il s'agit d'une façon pratique, efficace et commode de donner suite à l'engagement pris par le premier ministre, d'une manière tangible et dans un court laps de temps, et de garder la confiance de ces Québécois et Québécoises qui ont peut-être voté en faveur du Canada en se fiant à la promesse faite par le premier ministre. Cette initiative ne représente pas la réponse intégrale qu'entend prendre le gouvernement après le référendum, ni l'ensemble de notre stratégie ou de nos plans en ce qui a trait à la question de l'unité nationale.

Associé à la résolution relative à la société distincte, de même qu'au remaniement des responsabilités gouvernementales en matière de formation professionnelle dont il est question dans la mesure législative sur l'assurance-emploi, en l'occurrence le projet de loi C-111, le projet de loi vise simplement à tenter de régler des questions qui sont restées en suspens après la campagne référendaire.

[Français]

Cette initiative de la reconnaissance du caractère distinct du Québec n'est qu'une partie des mesures que le gouvernement du Canada examine à l'heure actuelle en vue d'amorcer le processus de réconciliation entre tous les Canadiens, ainsi que d'établir un meilleur équilibre entre les actions du gouvernement fédéral et celles des provinces au point de vue de l'efficacité et de la cohérence.

Vu sous cet angle, le projet de loi C-110 représente une solution pratique et pragmatique pour répondre, dans un premier temps au moins, aux préoccupations des Québécois.

[Traduction]

Le projet de loi C-110 n'est évidemment pas une modification constitutionnelle. Il se rapporte à la procédure de modification dont il est question à la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. Le projet de loi C-110 ne fait que refléter, sous forme législative, la politique du gouvernement canadien au sujet des circonstances dans lesquelles il donnera son appui à une modification constitutionnelle, une politique qui dispose, très simplement, qu'un tel changement ne se produira pas sans l'accord des régions. À cet égard, il traduit la conviction acquise depuis longtemps par le premier ministre qui, alors qu'il a exposé en 1991 un plan en 9 volets relativement à la modification de la Constitution, a donné son appui à une procédure de modification qui reflète un Canada composé de régions.

Le projet de loi C-110 n'est pas nécessairement la réponse finale en ce qui a trait à la procédure de modification et la façon dont elle devrait fonctionner. Il n'est pas nécessaire d'y voir une solution permanente si toutes les provinces peuvent ultérieurement s'entendre sur un mécanisme plus durable qui serait inscrit dans la Constitution au moyen d'une modification.

Enfin, le projet de loi C-110 n'est ni conçu ni prévu comme mesure visant à répondre aux aspirations constitutionnelles de toutes les parties. Il ne satisfait pas à ces aspirations toutes légitimes qu'elles puissent être, parce telle n'est pas l'intention visée. Son objectif est plus modeste, bien qu'il soit tout aussi important; le projet de loi atteint son but sans entraver les efforts déployés par ces autres intérêts dans la poursuite de leurs objectifs.

Il s'agit, à mon avis, de ce qu'est et de ce qu'est n'est pas cette mesure législative. Dans ce contexte, me permettez-vous de vous en décrire le lien avec la Partie V de la Loi constitutionnelle dans son ensemble? J'attire tout d'abord votre attention, monsieur le président, sur la procédure de modification que l'on trouve à la Partie V. Il y a trois procédures principales: le consentement unanime, les ententes bilatérales et la procédure normale de modification.

Dans le cas des modifications en vertu des deux premières, le consentement des provinces en cause est déjà assuré. Le consentement unanime tel que le prévoit l'article 41 garantit que les provinces ont donné leur assentiment. En ce qui a trait aux ententes bilatérales dont il est question à l'article 43, encore là si une modification s'applique à certaines provinces seulement, le consentement des provinces touchées est garanti par ce mécanisme.

La procédure normale de modification énoncée à l'article 38 s'applique à deux catégories de modifications générales. L'une inclut un certain nombre de changements apportés aux institutions du gouvernement national de même que l'expansion des provinces existantes dans les territoires ou la création de nouvelles provinces. L'autre englobe toutes les modifications générales qui ne peuvent être apportées au moyen d'un autre mécanisme, comme les changements apportés au partage des pouvoirs ou à la Charte des droits et libertés.

[Français]

Le seul droit de veto d'une province sous le régime de cette dernière procédure de modification est la faculté de ne pas participer à une modification qui réduit les pouvoirs législatifs ou les droits d'une province. Dans cette mesure, les provinces peuvent empêcher une modification de s'appliquer sur leur territoire.

Pour le reste, les provinces peuvent toutefois être liées par une modification générale qu'elles n'ont pas toutes approuvée par la formule 7-50. C'est contre cette modification générale à laquelle les provinces n'ont pas le droit de retrait que le projet de loi les protégera en leur conférant un droit de veto régional. En résumé, seule la Chambre des communes possède maintenant un droit de veto absolu qu'elle peut opposer à presque toute modification constitutionnelle. Le projet de loi garantit au Québec, à l'Ontario et à la Colombie-Britannique ainsi qu'aux régions de l'Atlantique et des Prairies un droit de veto général applicable à toutes modifications constitutionnelles dans le domaine où elles n'ont présentement ni droit de veto, ni droit de retrait.

[Traduction]

Ainsi, dans le contexte de la formule 7-50, le projet de loi engage le gouvernement fédéral à faire en sorte, avant d'obtenir l'assentiment de la Chambre des communes et du Sénat à l'égard d'une résolution portant modification, que la proposition obtienne le consentement requis de chaque région du Canada.

Monsieur le président, puis-je passer au troisième des quatre points dont je désire parler brièvement, comme je l'ai signalé dans ma déclaration liminaire et qui porte sur la constitutionnalité du projet de loi C-110. À cet égard, il faut tenir compte de trois principaux points de désaccord qui sont, par ordre décroissant d'importance, les suivants: premièrement, que le projet de loi se veut une tentative unilatérale du gouvernement fédéral pour modifier la procédure actuelle de modification de la Constitution; deuxièmement, que le projet de loi constitue une entrave inconstitutionnelle à la souveraineté parlementaire; et troisièmement, qu'il contrevient au principe constitutionnel voulant que les provinces soient égales.

Premièrement, le projet de loi C-110 ne change en rien, directement ou indirectement, la procédure de modification de la Partie V existante. Les Chambres du Parlement restent libres de jouer leur rôle constitutionnel en matière de modification de la Constitution, en donnant le consentement fédéral exigé par cette dernière. Le projet de loi établit simplement les conditions dont tiendra compte le gouvernement lorsqu'il devra décider s'il propose certaines modifications constitutionnelles à la Chambre des communes ou au Sénat.

De toute évidence, le Partie V ne peut-être modifiée sans le consentement unanime. Ce projet de loi ne modifie pas la Partie V; il s'applique simplement à certaines modifications apportées en vertu de la formule 7-50 à la Partie V sans la modifier. En fait, il s'applique et fonctionne indépendamment de celle-ci. La formule 7-50 doit toujours être respectée, le consentement fédéral continue d'être nécessaire et de s'exprimer par des résolutions à la Chambre des communes et au Sénat. Ce projet de loi ne fait qu'établir les conditions dont le gouvernement tiendra compte lorsqu'il lui faudra décider s'il appuie le processus. Dans une certaine mesure, il se compare aux lois qu'ont adoptées la Colombie-Britannique et l'Alberta et en vertu desquelles ces provinces n'ont décidé d'appuyer des projets de modifications constitutionnelles qu'après que les électeurs y auront manifesté leur appui au cours d'un référendum.

Le deuxième argument a trait à la conclusion selon laquelle le projet de loi constitue une entrave au Parlement et empiète sur sa souveraineté; que son inconstitutionnalité dérive du fait qu'il confisque les pouvoirs ou les options du Parlement. Pour dire vrai, le projet de loi C-110 exprime l'autorité incontestée du Parlement d'établir les conditions ou les exigences en ce qui a trait à la procédure, dans ce cas, liant les ministres fédéraux dans des circonstances bien définies et pour de solides raisons de politique.

Le troisième argument fondé sur l'aspect constitutionnel a à voir avec la conclusion voulant que le projet de loi abroge une certaine norme d'égalité entre les provinces. Puis-je vous dire que l'existence d'une telle norme ou convention reçoit peu d'appuis? La Constitution elle-même ne contient aucune principe explicite de ce genre et il n'y aucune raison suffisante de penser qu'une telle convention existe. En fait, un certain nombre de dispositions de la Constitution s'éloignent du principe de l'égalité des provinces. Certaines dispositions ne s'appliquent qu'à une ou deux provinces. La représentation à la Chambre des communes est proportionnelle - pas strictement égale - pour les provinces. La formule 7-50 elle-même, parce qu'elle implique un aspect démographique, favorise les provinces plus étendues. Les sièges du Sénat sont répartis également, mais sur une base régionale plutôt que provinciale, sauf pour Terre-Neuve, qui - on pourrait faire valoir cet argument - est plus ou moins considérée dans la Constitution comme une région.

Tout cela pour dire à coup sÛr, monsieur le président, que l'égalité stricte des provinces n'est pas un principe constitutionnel établi.

En ce qui a trait à la constitutionnalité, il appert que personne ne peut se prononcer de façon absolue à l'exception, bien sÛr, de la Cour suprême. On fera valoir sans l'ombre d'un doute des arguments séduisants, voire même solides, contre la constitutionnalité de cette mesure législative. Cependant, tout compte fait, j'estime que l'opinion qui prévaut est celle qui veut que la mesure législative respecte les pouvoirs constitutionnels du Parlement et que sa promulgation est légitime.

Avant de terminer, je traiterai brièvement du quatrième point que j'ai mentionné, c'est-à-dire les préoccupations exprimées par les peuples autochtones du Canada à l'égard de cette initiative. Des représentants de ces derniers ont comparu devant le comité de la Chambre. Je sais qu'ils seront ici mercredi pour exprimer leur inquiétude.

Premièrement, en ce qui a trait à leur argument selon lequel le projet de loi n'exprime pas leurs aspirations à un changement constitutionnel, j'insiste pour dire que tel n'est pas l'objectif de celui-ci. On s'occupe de leurs intérêts d'une autre manière. Le gouvernement a adopté dans le cadre de la politique qu'il met en oeuvre l'hypothèse selon laquelle le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est déjà un fait certain et est inscrit dans la Constitution. Nous sommes en train d'en négocier la mise en oeuvre dans les collectivités autochtones à l'échelle du pays.

Deuxièmement, si l'on craint que le projet de loi exclue les peuples autochtones du processus de modification, j'insiste sur le fait que le projet de loi C-110 non seulement n'affaiblit pas les importantes protections qu'offrent déjà les articles 35 et 35.1 de la Constitution pour garantir une protection accrue aux autochtones, mais qu'il n'y touche pas du tout.

L'article 35.1 exige que les peuples autochtones du Canada soient consultés avant toute modification de la catégorie 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 ou de l'article 25 de la Partie II de la Loi constitutionnelle de 1982.

Puis-je demander au comité d'en tenir compte de même que de deux autres aspects. Premièrement, le projet de loi C-110 garantit que les modifications qui pourraient réduire les droits des peuples autochtones puissent ne pas être adoptés à moins que les provinces n'y aient consenti comme le prévoit le projet de loi C-110. Deuxièmement, à mesure que le pays se dirigera vers une formule de modification plus durable dans les mois et les années à venir, les peuples autochtones participeront au processus et rien dans ce projet de loi n'empêche le gouvernement fédéral ou tout autre gouvernement d'amorcer et de favoriser ce processus de discussion avec les peuples autochtones ni même d'y participer.

Je termine donc en affirmant que le projet de loi C-110 est une initiative fédérale légitime qui respecte le cadre constitutionnel de ce pays, qui a son autonomie propre par rapport à la Constitution, mais qui vient la compléter; qui atteint les objectifs d'une politique en garantissant un fort consensus régional pour que soit adoptée une modification constitutionnelle et qui le fait sans amoindrir et sans mettre en danger les protections constitutionnelles déjà en place dans le document qui régit le pays.

Après cette déclaration, je suis maintenant disposé à répondre aux questions que voudront bien me poser les sénateurs.

Le sénateur Murray: Monsieur le président, j'espère que le ministre reviendra ici le 30 janvier comme notre dernier témoin car je crois que d'ici là des arguments seront présentés et que le gouvernement voudra réfuter. Des témoins voudront sans aucun doute engager avec le ministre une discussion sur le principe de l'égalité des provinces.

Monsieur Rock, je ne suis pas en désaccord avec les propos que vous avez tenus à cet égard ce matin. Cependant, je crois que vous vous rendrez compte que les auteurs de la mesure législative de 1982, à coup sÛr au niveau provincial, croyaient qu'ils portaient un coup au principe de l'égalité des provinces. Plus précisément, le principe est exposé au paragraphe 38(3) de la procédure de modification qui établit le droit au désaccord. Cet article dispose qu'aucune province n'est tenue de renoncer à aucun de ses pouvoirs, à ses droits de propriété ou à sa compétence législative. En tout cas, cela semblerait étayer un peu l'idée selon laquelle ce principe d'égalité des provinces existe dans notre Constitution.

Monsieur le ministre, je voudrais vous poser quelques questions au sujet de la portée du projet de loi et de la politique du gouvernement canadien. D'abord, le projet de loi prévoit des exceptions au processus politique, autorise des modifications en vertu des articles 41 et 43 et accorde un droit de retrait. Je ne veux pas passer en revue toutes les dispositions de la Constitution, mais parler plutôt des modifications qui seraient assujetties à ce processus. Préférez-vous que je vous pose ces questions maintenant ou que j'attende que vos fonctionnaires arrivent? On me dit qu'ils seront ici à 10 h 30.

M. Rock: J'essaierai d'y répondre du mieux que je peux, sénateur.

Le sénateur Murray: Commençons d'abord par la Charte canadienne des droits et libertés. Pour le profane, ce projet de loi signifie que certaines dispositions de la Charte pourraient être modifiées en vertu de l'article 42. Par exemple, les droits linguistiques dans une province pourraient être modifiés en vertu de l'article 43, tandis que plusieurs autres questions pourraient être assujetties à un droit de retrait. Dans quelle mesure la Charte serait-elle exemptée de ce processus politique?

M. Rock: Il est difficile de répondre à une question aussi générale. Vous allez peut-être m'accuser de parler comme un politicien, mais telle n'est pas intention lorsque je dis que cela dépend de la proposition. Comme vous l'avez mentionné, sénateur, si la modification proposée à la Charte portait sur une question qui relève de l'article 41, l'unanimité serait requise.

Le sénateur Murray: Je présume, par exemple, que les modifications apportées aux dispositions relatives à l'usage du français et de l'anglais au sein du Parlement et du gouvernement exigeraient un consentement unanime, n'est-ce pas?

M. Rock: C'est exact, en raison de l'article 41.

Le sénateur Murray: Si quelqu'un proposait l'abolition de la disposition d'exemption qui figure dans la Charte, cette proposition tomberait sous le coup de l'article 38(3), qui prévoit un droit de retrait, n'est-ce pas?

M. Rock: Il faudrait que je réfléchisse à cette question avant d'y répondre, sénateur. Toutefois, je peux vous dire que les modifications à la Charte sont assujetties à la formule générale de modification.

Le sénateur Murray: Et du droit de retrait, si elles portent atteinte aux pouvoirs des provinces, n'est-ce pas?

M. Rock: Oui, si elles tombent sous le coup du paragraphe 38(3).

Le sénateur Murray: Lorsque Mme Dawson a comparu devant le comité de la Chambre, un amendement a été proposé au projet de loi par une des organisations autochtones. Mme Dawson a répondu qu'elle voulait examiner la question plus à fond afin de voir si la plupart des dispositions, sinon toutes, touchant les autochtones étaient visées par les exceptions prévues dans le projet de loi C-110. Est-ce aussi votre position?

M. Rock: Il n'est pas nécessaire, du point de vue juridique, de prévoir une exemption pour les peuples autochtones dans le projet de loi C-110. J'ai dit au début que le C-110 ne porte aucunement atteinte aux droits des autochtones garantis par la Constitution. La question de savoir si cette précision devrait figurer dans le projet de loi C-110 relève davantage du domaine politique que juridique.

Le sénateur Murray: Je voudrais vous poser quelques questions au sujet de la Loi constitutionnelle de 1867. J'aimerais commencer par l'article 93, qui traite des écoles séparées en Ontario et au Québec. Est-ce que cet article pourrait être modifié en vertu de l'article 43, par le biais d'une entente bilatérale?

M. Rock: Pouvez-vous me donner un exemple, sénateur?

Le sénateur Murray: Supposons que l'Ontario ou le Québec décidait de faire la même chose que Terre-Neuve. En vertu de l'article 43, est-ce que Queen's Park et Ottawa pourraient supprimer de l'article 93 tout renvoi aux écoles séparées de l'Ontario, ou serait-il nécessaire d'avoir recours à une procédure de modification plus générale?

M. Rock: Encore une fois, cela dépendrait du libellé du projet de modification.

L'exemple de Terre-Neuve montre à quel point il est important d'examiner de près le libellé du projet de modification, afin de voir s'il peut faire l'objet d'une entente bilatérale ou s'il y a lieu de recourir à une formule de modification plus générale. Il est dangereux de répondre à votre question sans connaître le libellé exact de la proposition. Mais je crois que, dans ce cas-ci, il s'agirait vraisemblablement d'une modification en vertu de l'article 43, pourvu que le projet ne vise que la province concernée, qu'il traite de la gestion des écoles et qu'il ne porte pas atteinte aux droits linguistiques à l'échelle nationale.

Le sénateur Murray: Passons aux droits linguistiques prévus à l'article 133 de la Loi de 1867. Comme cet article ne s'applique qu'à l'assemblée législative et aux tribunaux du Québec, est-ce que cette disposition pourrait être supprimée par le biais de l'article 43?

M. Rock: Il est inutile pour moi de spéculer là-dessus, étant donné qu'il s'agit d'une considération d'ordre technique. Je préfère vous parler de l'objet du projet de loi. Toutefois, il serait utile de consulter des experts en la matière pour voir si une modification touchant un article précis tombe ou non sous le coup de cette disposition.

Le sénateur Murray: Je poserai peut-être cette question aux fonctionnaires quand ils arriveront, monsieur le ministre. C'est un point important, parce que le projet de loi prévoit des exceptions aux articles 41 et 43 et au paragraphe 38(3). Je voudrais savoir quelles modifications seraient exemptées du processus.

M. Rock: Si le projet de loi prévoit des exceptions, malgré qu'on le décrive comme un projet de loi sur le veto, c'est parce qu'il vise à faire en sorte qu'aucune modification ne soit apportée à la Constitution du Canada sans le consentement général des Canadiens. Les exceptions confirment que la Partie V requiert déjà un consentement pour les questions relevant des articles 41 et 43 et le paragraphe 38(3), et qu'elle étend le critère de consentement aux régions pour toutes les autres questions. C'est pourquoi les régions sont mentionnées. Il ne s'agit pas ici d'un détail technique. Le projet de loi lance un message important, à savoir que le consentement des régions sera requis avant que toute modification ne soit apportée à la Constitution.

Le sénateur Murray: D'accord, mais nous devons avoir une idée de la portée du projet de loi. À moins d'avoir des précisions du ministère de la Justice, il nous est difficile de savoir quelles modifications sont assujetties au processus.

M. Rock: Le ministère vous en fournira si la question porte sur le principe du projet de loi. Toutefois, si vous voulez savoir ce qui risque de se produire dans des cas hypothétiques, il devra faire des recherches plus poussées. Les fonctionnaires sont arrivés. Je suis sÛr qu'ils accepteront avec plaisir de prendre vos questions en note.

Donc, le but du projet de loi est d'exiger le consentement dans tous les cas où un tel consentement n'est pas déjà prévu ailleurs dans la Constitution.

Le sénateur Murray: Pour ce qui est de la réforme du Sénat, l'abolition du Sénat exigerait un consentement unanime, n'est-ce pas?

M. Rock: Oui.

Le sénateur Murray: Il est évident, d'après l'article 42, que les pouvoirs du Sénat, le mode de sélection des sénateurs, le nombre de sénateurs par province et les conditions de résidence qu'ils doivent remplir relèvent de l'article 38 et sont donc assujettis au processus énoncé dans le C-110.

M. Rock: Les questions visées par l'article 42 sont assujetties à la formule générale de modification. Si cette formule ne met pas en cause les dispositions du paragraphe 38(3), alors le projet de loi C-110 s'applique.

Le sénateur Murray: Et qu'en est-il des articles 26 et 27 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui portent sur la nomination de nouveaux sénateurs?

M. Rock: Il serait bon qu'on réfléchisse à cette question avant de vous répondre. Nous consulterons nos experts en la matière et vous donnerons une réponse éclairée. Autrement, il serait difficile pour moi de vous donner une réponse satisfaisante.

Le sénateur Murray: Et qu'en est-il du paragraphe 29(2), qui porte sur l'âge de retraite des sénateurs? Est-ce que votre réponse est la même?

M. Rock: J'ai examiné cette question, mais dans un contexte différent.

Le sénateur Murray: Concernant les articles 22 et 23 de la loi de 1867, qui disposent qu'un sénateur doit être nommé pour chacun des vingt-quatre collèges électoraux du Bas-Canada, qu'il doit être domicilié ou posséder sa qualification foncière dans le collège électoral dont la représentation lui est assignée, est-ce que ces dispositions qui visent uniquement le Québec pourraient être modifiées sans l'accord de la province?

M. Rock: Si ce n'est pas une modification qui requiert le consentement unanime en vertu de l'article 41, qui peut faire l'objet d'une entente bilatérale aux termes de l'article 43, qui fait appel à la formule générale de modification et qui ne porte pas atteinte aux compétences provinciales, alors cette question serait assujettie à la formule générale de modification et donc, au projet de loi C-110.

Le sénateur Murray: La formule générale de modification concernant les critères de résidence des sénateurs n'est-elle pas assujettie à l'article 43, étant donné que les dispositions de la loi de 1867 visent expressément le Québec?

M. Rock: Il faudrait que je réfléchisse à la question pour pouvoir vous donner une réponse satisfaisante.

Le sénateur Murray: Est-ce que le gouvernement partage le point de vue de l'honorable Gordon Robertson, qui affirme que la sécession d'une province peut uniquement être réalisée par voie de consentement unanime, c'est-à-dire par le biais de l'article 41?

M. Rock: En général, ce sont les observateurs qui émettent des hypothèses de ce genre; les commentaires d'observateurs aussi perspicaces et expérimentés que Gordon Robertson enrichissent tout débat public sur le sujet.

À mon avis, la Partie V, comme nous venons de le dire, nous permettrait de fixer le degré de consentement qui serait requis en fonction de la nature du projet de modification. Tout dépend de ce que la séparation entraînerait comme conséquence.

Les avis sont partagés là-dessus. Par exemple, le professeur Hogg, dans la troisième édition de son ouvrage, déclare que la séparation pourrait être réalisée selon la règle 7-50; toutefois, il s'empresse de mettre un bémol à cette affirmation dans sa note de bas de page. Il faut d'abord voir ce qu'on entend par séparation, quel genre de changement constitutionnel est proposé. Ensuite, il faut voir dans quelle mesure la partie V s'applique au projet.

Le sénateur Murray: Le gouvernement n'a pas d'opinion là-dessus?

M. Rock: Le gouvernement a certainement une opinion là-dessus, mais les réponses sont fonction des questions posées. Pour l'instant, je ne suis pas sÛr de la question.

Le sénateur Murray: Je vais la répéter. D'après M. Robertson et d'autres intervenants, la sécession d'une province ne peut être réalisée que par la formule d'unanimité prévue à l'article 41 de la Constitution. Je n'ai pas le texte devant moi, mais il invoque plusieurs arguments à l'appui de cette affirmation. Vous en avez sÛrement pris connaissance.

M. Rock: Oui. Mais tout cela relève du domaine de la conjecture. De plus, comme le degré de consentement ou d'accord requis dépend du projet lui-même, il faudrait avoir une idée de la nature du projet et des changements qui seront apportés aux institutions et à la Constitution par la sécession ou la séparation d'une province. Une fois ces réponses en main, nous serons en mesure de déterminer quelle formule appliquer.

Le sénateur Murray: La sécession d'une province aurait sans aucun doute une incidence sur la formule de modification elle-même, puisque tout changement apporté à celle-ci exigerait un consentement unanime.

M. Rock: Encore une fois, nous nous perdons en conjectures. Nous sommes bien loin du projet de loi C-110. Si l'on devait retenir l'argument de Gordon Robertson, le projet de loi C-110 ne s'appliquerait pas dans ce cas-ci parce que cette question est déjà exemptée en vertu du C-110.

Le sénateur Murray: Si le Gouvernement du Canada voulait inscrire dans la Constitution la reconnaissance du caractère distinct du Québec à propos de laquelle nous venons d'adopter une résolution au Parlement, cela pourrait-il se faire en application du mode de révision 7-50, en application de la procédure générale de modification?

M. Rock: Là encore, cela dépend du libellé de la modification. Il faudrait examiner les mots utilisés.

Le sénateur Murray: Vous avez les mots utilisés dans la résolution qui vient d'être adoptée au Parlement.

M. Rock: Voulez-vous parler de cette même résolution, sénateur?

Le sénateur Murray: Oui. Qu'adviendrait-il si vous vouliez l'inscrire dans la Constitution?

M. Rock: Certains laissent entendre qu'une modification relative à la société distincte pourrait être une question relevant de l'article 43. Pour d'autres, il s'agit d'une question relevant du mode de révision 7-50. Il faudrait que j'examine le libellé de toute modification constitutionnelle proposée et que je réfléchisse à la question.

Le sénateur Murray: Pourrait-il s'agir d'une disposition interprétative dans la Constitution?

M. Rock: Est-ce ce qui est proposé?

Le sénateur Murray: C'est en fait la question que je vous pose.

M. Rock: Comme je le dis, j'aimerais examiner le libellé et réfléchir à la question avant d'exprimer une opinion.

Le sénateur Murray: Permettez-moi de vous poser quelques questions sur la politique. Vous avez cité le premier ministre; j'ai ici les déclarations qu'il a faites lors de son discours à Verdun, le 24 octobre, et lors de son allocution télévisée au pays, le 25. Le 24, il a déclaré que tout changement des pouvoirs constitutionnels du Québec ne serait fait qu'avec le consentement des Québécois et, le 25, qu'aucun changement constitutionnel touchant les pouvoirs du Québec ne devrait jamais se faire sans le consentement des Québécois. Puis il a pris un engagement, à mon avis, fort différent, ou fait une toute autre déclaration, lorsqu'il s'est adressé à la Chambre des communes un mois plus tard, à savoir que l'engagement qu'il avait pris consistait à ne pas faire de changement constitutionnel touchant le Québec sans le consentement du Québec. Voyez-vous une différence dans ces déclarations?

M. Rock: J'y vois un thème commun qui est exposé dans le projet de loi C-110. Dans les cas de questions de changement constitutionnel pour lesquelles aucune modalité de consentement n'est prévue, qu'il s'agisse d'un consentement unanime, d'une entente bilatérale ou d'un droit de retrait, il faut justement prévoir un consentement, et c'est exactement ce que le projet de loi accomplit.

Le sénateur Murray: Dans ses deux premières déclarations, le premier ministre semble offrir au Québec quelque chose dont il dispose, et dont toutes les provinces disposent, à savoir le droit de refuser tout changement en matière de compétence ou de pouvoirs. Le premier ministre ne s'est pas exprimé à l'improviste. Il a préparé ses déclarations avant de les faire. Les deux premières visaient les pouvoirs. La troisième était beaucoup plus vaste, puisqu'elle portait sur les changements touchant le Québec. N'est-ce pas pour vous fort important?

M. Rock: Pour moi, l'essentiel se retrouve dans toutes les déclarations du premier ministre, du moins telles que je les ai entendues, à savoir qu'il voulait garantir une approche permettant le consentement du Québec, dans les cas où il n'est pas encore prévu par la Constitution, consentement unanime ou découlant d'une entente bilatérale, et c'est exactement ce que le projet de loi C-110 accomplit.

Le sénateur Murray: Entre le moment où il a fait cette déclaration au cours de la campagne référendaire et le moment où il s'est adressé à la Chambre des communes, le gouvernement a-t-il reçu des protestations de la part d'autres provinces à propos des engagements qu'il a pris envers le Québec au cours de la campagne référendaire?

M. Rock: Pas que je sache, sénateur.

Le sénateur Murray: Quelles consultations ont été tenues entre le gouvernement et les provinces pour décider de la meilleure façon de donner suite à l'engagement du premier ministre?

M. Rock: Je sais que le premier ministre s'est entretenu avec ses homologues provinciaux, mais je lui laisse le soin d'entrer dans les détails de ces discussions.

Le sénateur Murray: Il ne semble pas que les provinces soient véritablement en faveur du projet de loi pour l'instant. Si je me trompe, pouvez-vous me citer les provinces qui appuient ce projet de loi?

M. Rock: Elles ont été invitées à comparaître ici.

Le sénateur Murray: Nous les avons toutes invitées. La Colombie-Britannique et les territoires sont les seuls à avoir accepté. Nous connaissons maintenant très bien la position de la Colombie-Britannique. Ce que je veux dire, c'est que le gouvernement aurait pu présenter une résolution ou un projet de loi pour respecter l'engagement précis que le premier ministre a pris envers les Québécois. Pourquoi ne pas avoir procéder de la sorte, au lieu de remettre sur le tapis la proposition de Victoria, si peu appuyée par tous les intervenants? Aviez-vous quelque motif de croire que les autres provinces se seraient opposées à un projet de loi visant explicitement le Québec?

M. Rock: Je ne pense pas qu'il y ait eu pareil motif. Je peux dire qu'il ne s'agit pas nécessairement de la proposition de Victoria, comme vous le dites.

Le sénateur Murray: Il s'agit d'un mécanisme de droits de veto régionaux.

M. Rock: Je préfère dire qu'il s'agit plutôt de l'approche Beaudoin-Edwards.

Le sénateur Beaudoin: Laquelle correspondait à la proposition de Victoria.

M. Rock: Vous êtes libre de penser de la sorte, sénateur. C'est le reflet d'une résolution adoptée par le Parti libéral du Canada lors de son congrès biennal de 1992. C'est également le reflet de l'opinion exprimée par le premier ministre en 1991, à savoir qu'il faudrait une procédure de modification compatible avec un pays composé de régions.

Le sénateur Murray: C'était l'une de plusieurs options.

M. Rock: La proposition de Victoria a survécu pendant 25 ans dans divers contextes et sous diverses formes. Ce n'est plus simplement la proposition de Victoria.

Le sénateur Murray: Je prétends qu'elle n'a pas vraiment survécu. Je ne pense pas qu'elle risque d'être mise en oeuvre à votre conférence de 1997.

[Français]

Le sénateur Rivest: Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué dans votre déclaration préliminaire que, pour ce qui est des mesures adoptées relativement à la résolution concernant la société distincte, le présent projet de loi se situait dans un plan d'ensemble du gouvernement fédéral en regard du référendum qui a été tenu au Québec.

Est-ce que vous pourriez élaborer sur les éléments de ce plan d'ensemble? Est-ce qu'il est public? Où est-ce qu'on le trouve?

M. Rock: Nous avons commencé après le 30 octobre. Le premier ministre a créé un comité spécial du Cabinet, présidé par M. Massé et par M. Goodale, dont l'objectif était de considérer les changements. D'une part, il y avait les propositions en ce qui a trait à l'unité nationale et, d'autre part, les emplois et l'économie.

Nous avons travaillé très fort au cours des mois de novembre, de décembre et de janvier pour préparer des propositions et les remettre au premier ministre afin qu'il les étudie. Il est maintenant de retour de son voyage en Asie.

Nous avons également consulté le caucus. La semaine prochaine, le caucus aura deux jours de discussion à Vancouver pour déterminer les politiques du gouvernement fédéral concernant les choses qui se trouvent devant nous. Nous aurons également la semaine prochaine deux jours de réflexion par le Cabinet.

Le premier ministre a eu l'occasion, durant ses voyages, de communiquer et de discuter avec les premiers ministres des provinces.

Au cours des dernières semaines, nous avons tenu des discussions publiques. MM. Spicer et Barrett nous ont soumis des suggestions. Tout cela s'est fait publiquement, et nous avons eu l'occasion de considérer tout cela.

Après les délibérations du caucus et du Cabinet, nous aurons, monsieur le président, une politique globale, une approche globale à l'avenir pour ce qui est des questions touchant l'unité nationale.

Je dois souligner ce matin, comme je l'ai dit dans mes propos, que le projet de loi C-110, la résolution concernant la société distincte et les changements dans la main-d'oeuvre, est seulement une partie de cette stratégie.

Le sénateur Rivest: Mais au moment où l'on se parle, alors que ces projets sont présentés, les membres du Parlement, les membres du Sénat et l'opinion publique canadienne ne peuvent pas évaluer la portée de ces mesures spécifiques par rapport au plan d'ensemble puisque, comme vous venez de l'indiquer, le gouvernement décidera du plan d'ensemble au cours des prochaines semaines ou des prochains mois.

Donc, on ne connaît pas le plan d'ensenble. On doit prendre les mesures telles qu'elles sont sans savoir dans quel contexte général le plan d'ensemble se situe et dans quelles politiques gouvernementales on doit situer ces projets spécifiques.

M. Rock: Vous avez raison. Dans quelques semaines, le gouvernement aura l'occasion d'élaborer et de préciser nos positions générales. Pour l'instant, et nonobstant les détails de nos objectifs et de nos stratégies globales, nous croyons que ces mesures sont très importantes, premièrement, pour respecter les engagements du premier ministre durant la campagne électorale et deuxièmement, parce que comme question de politique, ils sont très prudents.

Les changements ont pour but de rendre plus efficace le processus d'amendement, par exemple.

Le sénateur Rivest: Le gouvernement a décidé de publier un dépliant qui a été expédié, ou qui est en voie de l'être, à l'ensemble des Québécois. Cela représente une dépense de quelque 600 000 $. Je ne sais pas si c'est le principe de l'égalité des provinces, parce qu'il semble bien que les autres provinces du Canada n'auront pas droit à ce dépliant.

Qu'est-ce qui arriverait si le Sénat n'adoptait pas le projet de loi C-110? Est-ce que vous trouvez que c'est une bonne procédure pour l'administration gouvernementale de publier des dépliants de publicité sur des projets de loi, des initiatives gouvernementales, alors que le processus législatif n'est pas encore complété? Est-ce que vous trouvez que c'est une bonne façon de procéder?

M. Rock: Je pense qu'il est très important de regarder exactement ce que nous avons dit dans ces publications. Nous avons dit que le premier ministre a respecté ses engagements, qu'il a déposé à la Chambre des communes des résolutions, le projet de loi. Nous n'avons pas clairement dit que le processus était maintenant terminé.

Comme vous l'avez dit, une autre étape est l'étude par le Sénat du projet de loi C-100. En fait, ce que nous avons dit, c'est seulement que, comme il l'a dit durant le mois d'octobre, le premier ministre a déposé devant le Parlement ces initiatives pour les respecter. C'est tout.

Le sénateur Rivest: Plus spécifiquement, l'objet du projet de loi C-110 est d'éviter que des amendements constitutionnels soient adoptés ou proposés sans l'accord des provinces parce qu'une telle façon...

M. Rock: Des régions.

Le sénateur Rivest: Des régions ou des provinces. Enfin, on parle du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Une telle façon de procéder constituerait maninfestement une erreur.

Vous savez, monsieur le ministre, dans l'histoire constitutionnelle du Canada, il y a une seule occasion - du moins, je ne pense pas qu'il y en ait eu d'autres - où le gouvernement canadien, avec l'accord d'un certain nombre de provinces, mais sans l'accord d'une province spécifique, a procédé à des amendements constitutionnels qui avaient pour plusieurs des mérites évidents, dont la Charte des droits et libertés, mais qui comportaient, pour une province au Canada, une diminution de ses pouvoirs législatifs, en particulier dans le domaine de l'éducation et de la langue d'enseignement.

En indiquant maintenant que cette chose ne se fera plus, est-ce que vous voulez éviter que de pareilles erreurs se répètent? Est-ce le but de l'engagement pris par le premier ministre ou du projet de loi?

M. Rock: Pour moi, la chose la plus importante est l'avenir. Il faut s'assurer qu'aucun changement à la Constitution ne sera adopté à l'avenir sans le consentement des régions. Vous avez mentionné que l'Ontario et le Québec étaient des provinces. Évidemment ce sont des provinces, mais elles sont aussi, dans le contexte de ce projet de loi, des régions tout comme la Colombie-Britannique, les Prairies ou la région de l'Atlantique.

Il faut s'assurer qu'aucune modification ne sera adoptée à l'avenir sans le consentement de ces régions. Pour moi, il est plus important de regarder l'avenir que le passé. Il y a plusieurs interprétations.

Le sénateur Rivest: Oui. Mais est-ce que l'honorable premier ministre du Canada, en s'adressant comme il l'a fait aux Québécois et en disant que cette chose ne se ferait plus...

Vous savez qu'au moment du référendum, la très grande difficulté de l'option fédéraliste avait une origine précise. Je comprends qu'on ne doit pas regarder le passé, mais plutôt regarder vers l'avenir. Mais la devise des Québécois est «Je me souviens», et ils se sont rappelé des incidents de 1982.

Une des grandes difficultés de l'option fédéraliste, difficultés que M. Chrétien, M. Johnson et les autres ont eues à surmonter, c'était justement à cause de ce geste de 1982 et de l'échec subséquent de l'Accord du lac Meech qui essayaient de corriger cela.

Est-ce qu'il ne serait pas plus franc et plus constructif, en regard de l'avenir, que le gouvernement canadien dise très clairement que le processus qui a été suivi en 1982, qui a affecté directement les pouvoirs non pas de toutes les provinces du Canada, mais d'une province en particulier, la province de Québec, a constitué une erreur qu'on ne répétera plus à l'avenir?

Est-ce que ce n'est pas le sens de la leçon que, d'une façon implicite, l'honorable premier ministre a dégagée du passé? Pour bâtir l'avenir, il faut aussi avoir un bon regard sur le passé.

M. Rock: Non, je ne crois pas. Je pense que le projet de loi comme tel est honnête et que notre approche est honnête. Comme je l'ai dit, l'objectif ici n'est pas de revisiter le passé, c'est d'assurer un avenir.

Vous avez suggéré que l'objectif de ce projet de loi était de souligner les événements de 1982 pour le Québec. Évidemment, ce projet de loi ne vise pas seulement le Québec, mais aussi les autres régions du Canada, dont l'objectif est de s'assurer le consentement de chaque région pour l'avenir.

Le sénateur Rivest: Mais quand le sénateur Murray citait tantôt des déclarations de l'honorable premier ministre à l'effet qu'il n'y aurait pas de diminution et que l'on n'affectera pas les pouvoirs du Québec, il s'adressait spécifiquement au Québec.

Ce n'est qu'après, comme le sénateur Murray l'a indiqué, que, pour donner une perspective canadienne plus étendue, le projet de loi a été présenté. Mais au moment où le premier ministre avait à l'esprit de dire aux Québécois qu'il n'y aurait plus, comme cela s'était passé en 1982, de diminution unilatérale des pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec, il pensait au Québec et il s'adressait au Québec. N'est-ce pas là l'origine du projet de loi C-110?

M. Rock: Oui, c'est vrai. Comme je l'ai dit, c'est maintenant pour toutes les régions et pour l'avenir. D'après moi, ce n'est pas une approche réservée au Québec, puisque nous avons inclus les autres régions du Canada.

Le sénateur Rivest: Je suis d'accord avec cela, je n'ai pas d'objection de toute façon. Cependant, j'aurais préféré que l'on opte pour la formule de Meech, qui était beaucoup plus complète et beaucoup plus acceptable pour l'ensemble des régions du Canada. Mais vous avez choisi la formule de Victoria. D'autres collègues vont sÛrement soulever d'autres questions.

J'aurais une question spécifique. Qu'est-ce que vous entendez dans le projet de loi par les mots «Québec» et «Ontario»? S'agit-il du gouvernement du Québec ou du gouvernement de l'Ontario? S'agit-il de l'Assemblée nationale du Québec ou de l'Assemblée législative de l'Ontario? S'agit-il du peuple du Québec et du peuple de l'Ontario?

Par exemple, il faut le consentement de cette majorité qui doit comprendre l'Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique et cetera. Est-ce qu'il s'agit de l'Assemblée nationale du Québec ou de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique ou de l'Ontario? S'agit-il du peuple par voie référendaire ou autrement? Ou s'agit-il simplement du gouvernement? Pourquoi est-ce que cela n'est pas précisé dans le projet de loi?

M. Rock: L'utilisation du mot «province», le consentement des provinces donne une certaine flexibilité à ce processus. Le consentement des provinces peut être exprimé par les assemblées législatives ou peut-être même par l'entremise du gouvernement du jour, ou encore par la population lors d'un référendum.

Le sénateur Rivest: Monsieur le ministre, pourquoi est-ce qu'à ce moment-là, dans la formule d'amendement, les articles de la Constitution canadienne actuelle que vous avez cités concernent l'unanimité? Par exemple, il s'agit des assemblées législatives qui, par résolution, doivent voter les amendements constitutionnels? Cela est très clair. Pourquoi est que, dans le projet de loi actuel, vous laissez la question ouverte?

M. Rock: Premièrement, ce n'est pas une modification à la Constitution. Alors, il n'est pas nécessaire d'utiliser les mêmes mots. Deuxièmement, nous désirons une certaine flexibilité donnée par l'utilisation de ce mot «province», le consentement des provinces.

Nous avons la possibilité, comme je l'ai dit, que le consentement soit exprimé d'une ou de plusieurs façons. C'est la raison.

Le sénateur Rivest: À ce moment-là, est-ce que l'on doit inférer de vos propos et du choix que vous avez fait qu'une des propositions en 1997 - pour être conséquent avec le projet de loi que vous avez adopté de laisser les trois options -, la position du gouvernement canadien à la conférence de révision de la formule d'amendement dans l'ordre constitutionnel, sera de proposer à l'intérieur même de la Constitution du Canada que les assemblées législatives ou le Parlement du Canada soient dépourvus de leur pouvoir exclusif et spécifique qui est reconnu à ces institutions d'adopter des amendements constitutionnels pour inclure dans la Constitution du Canada une formule large, plus ouverte, qui pourrait laisser entendre que ce sont le Parlement ou les assemblées législatives, dans certains cas, ou que ce pourrait être par voie référendaire que les amendements constitutionnels seront désormais adoptés? Ou bien est-ce que ce pourrait tout simplement être un décret des gouvernements provinciaux?

Si vous le faites dans le projet de loi actuel, des gens diront que c'est la position et la réforme de la Constitution au Canada. En tant que Québécois, je puis vous dire - et c'est mon opinion personnelle - que, dans une fédération, dans un régime fédéral comme le nôtre, comme cela a toujours été le cas depuis 1967, on ne peut entrevoir d'autres possibilités d'amendement constitutionnel du partage des pouvoirs et des droits constitutionnels des corps constituants autrement que sans l'accord explicite des élus au niveau des assemblées législatives et du Parlement.

Je trouve que votre défaut de spécifier - et vous nous avez expliqué pourquoi - est une indication qui risque de créer au Québec, et sans doute ailleurs au Canada, encore davantage d'incertitude autour du processus constitutionnel. C'est un autre aspect du projet de loi - mes collègues souligneront d'autres aspects - qui m'apparaît compliquer les choses davantage que d'essayer de les solutionner comme si cela avait tout simplement été une résolution.

M. Rock: Ce n'est pas vraiment une question. Vous avez exprimé votre perspective. Je la respecte, mais je ne suis pas d'accord.

Je voudrais seulement répéter, comme je l'ai dit, que ce n'est pas vraiment une modification constitutionnelle. Le projet de loi touche la Constitution, mais ne change pas la Constitution. À mon avis, nous avons réservé une certaine flexibilité pour les raisons que j'ai exprimées. Je n'ai aucun doute que, pour la plupart, le consentement des provinces sera exprimé par leur assemblée législative. C'est certain pour la plupart d'entre elles.

Mais pourquoi dire dans ce projet de loi que ce sera toujours par accord? Il est possible qu'il y ait un autre moyen pour s'assurer du consentement d'une région ou d'une province.

Le sénateur Rivest: Concrètement, pour le Québec, qui est très soucieux de ces projets, supposons par exemple un amendement constitutionnel. Vous ouvrez la porte. Je veux simplement vous sensibiliser ce matin à tout le degré d'incertitude.

À titre spéculatif et pour votre réflexion, de façon purement théorique, je vous soumets ce qui suit. Mettons, par exemple, que pour une raison ou une autre, le Canada décide, par un référendum pancanadien, qu'en raison des contraintes économiques actuelles, que l'éducation devrait relever du gouvernement canadien et que l'on décide de faire un amendement constitutionnel par la voie référendaire pancanadienne.

À ce moment-là, où seraient les droits du Québec? Est-ce qu'il faudrait un référendum national, plus un référendum dans chacune des provinces?

Autrement dit, la sécurité des droits constitutionnels du Québec - parlant du Québec spécifiquement, mais c'est vrai aussi pour les autres provinces, mais parlant du Québec, que je connais mieux et auquel je suis beaucoup plus sensibilisé - a été depuis toujours centrée sur l'Assemblée nationale du Québec, et cela se reflète dans la culture et la pensée politiques, ce sont les droits de l'Assemblée nationale et là, vous créez un élément additionnel d'incertitude.

Toutes les hypothèses traitant des droits constitutionnels du Québec risquent d'être soulevées. Puis il va y avoir des commentateurs qui vont le faire sans doute avec un projet de loi qui arrive comme cela, inopinément, sans que l'on connaisse le plan d'ensemble dans lequel le gouvernement se place ou quelques petites choses avec un concept de société distincte qui, au Québec, conviendrait très bien au Québec mais qui manifestement, à cause des histoires de Meech dans le reste du Canada, est vraiment un terme à éviter.

C'est pour cela que les fédéralistes québécois très sincères et très honnêtes, dans à peu près tous les milieux, sont inquiets de la façon dont le gouvernement canadien réagit au résultat référendaire. C'est ce genre d'improvisation, je pense, qui cadre mal avec la gravité de l'enjeu référendaire québécois. Il ne s'agit plus que de quelques séparatistes énervés, c'est 50 p. 100 de la population du Québec. Et si on va au-delà, c'est 60 p. 100, si on fait les distinctions. C'est quand même un problème grave.

Et en arriver avec des projets de loi comme celui-ci, qui complique et qui crée encore davantage d'incertitude constitutionnelle pour les Québécois, et je vous le dis très simplement et très sincèrement, je me demande si l'on sert les intérêts véritables du fédéralisme et de l'unité canadienne, auxquels nous croyons tous.

Je pense qu'il y aurait eu une façon beaucoup plus responsable de procéder.

Le sénateur De Bané: Je trouve assez paradoxale l'observation du sénateur Rivest, lui qui était conseiller d'un gouvernement qui a fait la promotion de l'Accord de Charlottetown, et qui s'est incliné lorsque la population du Québec a voté contre l'Accord de Charlottetown. Finalement, la question qu'il faut se poser, c'est où réside ultimement la souveraineté, chez le représentant du peuple ou chez le peuple lui-même?

Et de même, dans le cas de l'Entente de Charlottetown, même si le sénateur Rivest était le conseiller d'un gouvernement qui en a fait la promotion, il a fini, ultimement, par s'incliner devant l'opinion.

Le sénateur Rivest: Je suis d'accord, sénateur De Bané. Tout ce que je demande au ministre, c'est si on peut mettre la souveraineté, en terme d'amendement constitutionnel, devant le peuple, c'est-à-dire recourir à la voie référendaire. Si c'est le cas, qu'on le dise. Et qu'on ne laisse entendre, comme le ministre l'a indiqué que parfois, dans certains cas, cela pourrait être le peuple, et que parfois, cela pourrait être le gouvernement. C'est dans ce sens que je pense que ce projet de loi ne sert pas la cause de l'unité canadienne.

Je ne suis pas contre le fait. Depuis le référendum sur l'Accord de Charlottetown, au Canada, la pratique est établie que maintenant, il est très difficile pour les gouvernements d'avoir des amendements constitutionnels sans recourir à la voie référendaire. Qu'on le dise et qu'on y pense avant de mettre cela comme processus d'amendement constitutionnel, au lieu d'arriver dans un projet de loi où on ne dit même pas la réalité, on ne règle même pas la question. On laisse la question en suspens. On veut établir de la sécurité et de la stabilité politiques et constitutionnelles au pays. C'est dans ce sens que je le regrette.

Le sénateur De Bané: Je peux fort bien imaginer un cas où un amendement n'est pas contentieux et où il est superfétatoire de faire un référendum.

Le sénateur Rivest: Oui, tout à fait.

M. Rock: Puis-je répondre très brièvement aux propos du sénateur Rivest? Il a utilisé le mot «improvisé» pour décrire les initiatives du gouvernement dans ce cadre. Nous n'avons pas improvisé ces trois mesures après le référendum. Nous avons présenté les initiatives pour respecter les engagements faits durant la campagne référendaire. Ne jugez pas la stratégie globale de ce gouvernement vis-à-vis la question de l'unité nationale seulement par ce projet de loi C-110, par la résolution sur la société distincte.

Le sénateur Rivest: Sur quoi d'autre voulez-vous que l'on se base? On n'a que cela.

M. Rock: Non, le référendum, c'était le 30 octobre et après, comme je vous l'ai dit, le premier ministre a mis en place les comités et les autres moyens pour travailler et pour préparer une stratégie ou une approche globale et efficace. Nous sommes maintenant en train de préparer, dans les détails, cette approche globale. J'ai fait référence au Cabinet, et durant les semaines à venir, nous annoncerons publiquement ces approches. Mais ne jugez pas l'approche de ce gouvernement seulement par ce projet de loi. C'est une partie importante, mais une partie seulement.

[Traduction]

Le sénateur Beaudoin: Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur votre affirmation à propos de la constitutionnalité du projet de loi C-110.

[Français]

Je dois vous avouer que j'ai des doutes certains là-dessus. Nous allons interroger les experts. On a une formule d'amendement dans la Constitution, celle du principe général, le 7-50. Vous dites que le gouvernement fédéral, quand il a un droit de veto - le fédéral a très souvent un droit de veto - qu'il va, avant de présenter la résolution au Parlement, prendre l'avis des cinq régions. Si une seule s'y oppose, vous n'exercerez pas votre droit de veto, vous ne présenterez pas la résolution. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet de loi C-110 ne veut rien dire ou très peu. Le projet de loi C-110 va à l'encontre de la Constitution, en ce sens qu'il ajoute une autre formule à une formule qui existe déjà.

Supposons qu'un ministre dise que le projet de loi C-110 l'empêche de présenter une résolution parce que le Québec est contre et la Colombie-Britannique est contre. Il présente la résolution, mais une des 5 régions est contre la résolution. Il présente quand même la résolution, voici ce qu'en pense le fédéral, et c'est pour cela que le fédéral a un veto, même si le Québec et la Colombie-Britannique s'y opposent, il présente la résolution. Cela va contre le projet de loi C-110.

Qu'arriverait-il si l'amendement était adopté? La cour dirait que c'est la Constitution qui prime, c'est bien évident. Vous ne pouvez pas amender la Constitution par une simple loi. Donc, c'est la Constitution qui prévaut et votre amendement est valide même si la Colombie-Britannique ou le Québec a dit non.

La conséquence de cela est celle-ci: ou le projet de loi C-110 ne veut pas dire grand-chose, c'est peut-être un peu du «window dressing», ou bien cela veut dire quelque chose de fondamental.

Si cela veut dire quelque chose de fondamental, c'est inconstitutionnel, parce que cela va à l'encontre de la formule d'amendement. La formule d'amendement ne comporte pas les quatre veto. Je ne critique pas les veto, je ne m'occupe pas de cela. C'est la façon dont vous faites votre projet de loi qui m'apparaît aller à l'encontre de la Constitution. J'ai parlé de cela avec beaucoup d'experts et il y en a qui n'ont pas de doute que cela est constitutionnel. D'autres disent qu'ils ont un doute.

Si jamais ce projet de loi est adopté et qu'il y a un doute, il ne peut être que transitoire. Il va falloir reprendre tout le débat l'an prochain, au mois d'avril 1997, parce que nous sommes obligés d'avoir une conférence constitutionnelle sur la formule d'amendement.

J'ai tout de même un doute important parce que, indirectement, vous faites une greffe, vous ajoutez à la formule d'amendement une deuxième formule d'amendement. Vous dites que vous n'amendez pas la formule d'amendement, que vous ne faites qu'y ajouter. Si vous ne l'amendez pas, cela vaut ce que cela vaut, les ministres pourront faire ce qu'ils veulent. Si vous lui donnez beaucoup de force, à ce moment, indirectement, vous amendez la Constitution.

M. Rock: Vous avez exprimé très clairement les soumissions de ceux qui croient que le projet de loi n'est pas constitutionnel.

[Traduction]

Grâce à votre connaissance des principes constitutionnels, sénateur, vous avez très bien présenté vos arguments. Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous avez dit, sauf lorsque vous laissez entendre que le projet de loi n'est pas constitutionnel.

J'attire votre attention sur la loi en Alberta et en Colombie- Britannique, qui oblige le gouvernement de ces provinces à tenir un référendum avant de pouvoir, en tant qu'assemblée législative, consentir à une modification constitutionnelle proposée. On pourrait également dire que ces lois ne sont pas constitutionnelles, puisqu'elles entravent le processus du changement constitutionnel et qu'elles ajoutent un élément attrayant que la Constitution elle-même ne prévoit pas. Qu'arriverait-il si l'assemblée législative de l'Alberta allait de l'avant sans se préoccuper de sa propre loi, adoptait une résolution législative en faveur d'un changement, sans tenir de référendum, et que cela entraîne un changement constitutionnel? Cela aurait de l'importance, ou n'en aurait pas. L'analyse que doivent faire ces provinces est la même que celle à laquelle doit procéder le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral est parfaitement en droit d'exercer ses pouvoirs législatifs.

[Français]

Nous participerons aux changements ou aux modifications constitutionnels.

[Traduction]

A l'avenir, si on nous demande de participer, nous devrons tenir compte des facteurs suivants avant de décider.

Par exemple, si le premier ministre faisait un discours dans lequel il engagerait son gouvernement sur cette voie, pourrait-on dire qu'il agit de façon non constitutionnelle? Pas du tout. Franchir la prochaine étape et demander à la Chambre des communes et au Sénat d'inscrire cette politique dans les lois de manière qu'elle lie le gouvernement tant qu'il reste au pouvoir, n'est pas plus inconstitutionnel qu'un énoncé de politique.

Au Canada, en 1996, la réalité est telle qu'il est très difficile de concevoir un changement constitutionnel, visé par le projet de loi C-110, en l'absence de consensus de la part des régions désignées dans ce projet de loi. Veut-on dire qu'un changement à la Constitution, dans les limites de la procédure de modification, qui n'engage pas les dispositions relatives au droit de retrait, serait accepté, même si la Colombie-Britannique, en tant que région de ce pays, s'y opposait? C'est politiquement fort improbable.

Ce projet de loi n'est pas une entrave à la souveraineté du Parlement, car il peut être changé ou abrogé. Il ne change pas la procédure de modification. Le mode de révision 7-50 des assemblées législatives reste applicable. Le gouvernement canadien est autorisé à définir les critères qu'il utilisera pour décider de sa participation. C'est ce que nous avons fait, et nous avons choisi de le faire sous forme de loi.

Il ne fait aucun doute que ceux qui occuperont ce fauteuil au cours de la semaine auront un point de vue différent. Il est impossible d'être absolu au sujet de questions de cette nature. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, je dis simplement qu'après avoir examiné les divers éléments de votre analyse, j'en arrive à une conclusion différente au sujet de la validité du projet de loi.

Le sénateur Beaudoin: Je l'accepte. Je sais que cette mesure législative est controversée. Beaucoup ont des doutes. Peut-être n'ont-ils aucune certitude. Au bout du compte, beaucoup diront qu'ils l'acceptent, ce que je comprends parfaitement.

Je suis heureux que vous ayez soulevé la question du référendum. Si une province tient un référendum purement consultatif, cela ne change en rien la procédure de modification. Par contre, si une province tient un référendum - ce n'est pas le cas au Québec - qui est non seulement consultatif, mais aussi exécutoire, c'est tout autre chose.

En 1919, le conseil privé avait été saisi d'une affaire relative à cette question de référendum. C'est aller à l'encontre du régime parlementaire que de laisser le dernier mot à un référendum.

Dans ce cas, le Parlement du Canada légifère. Toutefois, ce n'est pas le Parlement qui prime; c'est la Constitution. La validité du projet de loi C-110 ne repose pas sur la suprématie du Parlement du Canada, mais sur la Constitution du Canada. Cette loi prétend, indirectement tout du moins, ajouter un élément à une procédure de modification qui se trouve déjà dans la Constitution. Nous ajoutons toutefois un autre palier, un palier législatif, à une base qui est constitutionnelle. En avons-nous le droit? Je n'en suis pas sÛr.

J'ai le plus grand respect pour ceux qui ne pensent pas ainsi. Si je le dis, c'est parce que dans le cas où un ministre irait à l'encontre du projet de loi C-110 et qu'une modification était adoptée en opposition avec le Québec, la C.-B., l'Ontario, deux provinces de l'Ouest et deux provinces du Canada atlantique, cette modification reste valide. Pourquoi? Parce qu'elle s'appuie sur la Constitution, et le projet de loi C-110 ne veut rien dire à ce moment-là.

M. Rock: Cela entraînerait des répercussions politiques.

Le sénateur Beaudoin: Bien sÛr, je suis d'accord.

M. Rock: Il ne faudrait pas en minimiser l'impact dans toute cette dynamique. Nous parlons d'un engagement pris par le gouvernement canadien de ne pas participer, sauf si certaines conditions sont réunies.

Je suis parfaitement d'accord avec vous lorsque vous dites que la Constitution, en raison de sa suprématie, rendrait la modification valide. Toutefois, je ne peux concevoir qu'un gouvernement fédéral aille à l'encontre des lois. S'il voulait aller de l'avant, il pourrait abroger ou amender le projet de loi C-110. Nous verrons bien si une telle situation se produit.

Le fait est que ce projet de loi est politique, dans le sens où le gouvernement s'est engagé à ne pas aller de l'avant à moins d'avoir le consentement des régions. Cet engagement est formulé dans la mesure législative.

Pour ce qui est des lois référendaires de l'Alberta et de la C.-B., je suis au courant de la question référendaire de 1919. Toutefois, les lois référendaires de la C.-B. et de l'Alberta prévoient que si une question posée remporte plus de 50 p. 100 des suffrages exprimés selon les règles, le résultat lie le gouvernement qui a pris l'initiative du référendum. En tant que gouvernements, elles ont déclaré que même si elles acceptaient une modification constitutionnelle dans le cadre de discussions, elles tiendraient un référendum avant d'y accorder tout leur appui. Cela n'est pas prévu dans la Constitution. C'est l'une de nos propres lois. Si la résolution est rejetée, nous la retirerons. Nous n'y donnerons pas suite.

Le sénateur Beaudoin: Vous n'êtes toutefois pas tenu de la retirer.

M. Rock: Je n'en suis pas certain. J'ai ici une note qui indique que le gouvernement peut être tenu de retirer la motion de résolution, de la laisser mourir au Feuilleton ou de convaincre les députés de son assemblée de la rejeter, d'après une interprétation de la loi de l'Alberta. Je n'en suis pas sÛr.

Ce n'est peut-être pas un bon exemple. Je ne voudrais pas me lancer dans un débat sur la loi albertaine. Je l'ai plutôt mentionnée, comme d'autres, pour donner un exemple concret d'assemblées législatives qui arrêtent à l'avance les conditions qui détermineront si elles prennent part ou non à des modifications constitutionnelles. Le projet de loi C-110 est leur pendant au niveau fédéral.

Le sénateur Beaudoin: Si c'est l'argument - et il y en a peut-être d'autres - qui justifie l'adoption du projet de loi à l'étude, la solution ne sera peut-être que provisoire. Il faudra tout reprendre d'ici un an. Pourquoi ne pas essayer de régler la question dès maintenant? Vous-même avez dit que la réforme constitutionnelle ne porterait pas uniquement sur la société distincte et le droit de veto. Nous nous sommes prononcés en faveur de la société distincte parce qu'elle est déjà une réalité. Toutefois, je vois un petit obstacle ici. Je soulève le point parce qu'on en parle déjà dans les journaux et partout ailleurs au Canada. Je comprends votre position à cet égard, mais je doute de l'à-propos du moyen choisi.

Le sénateur Rivest: Pourquoi ne pas se contenter d'un engagement? C'est suffisant, il me semble.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir accepté de comparaître. Vous semblez être constamment aux prises avec des dossiers fort complexes.

M. Rock: C'est tout à fait involontaire de ma part.

Le sénateur St. Germain: Vous devriez cesser de lever la main durant les séances du conseil des ministres.

Ma question concerne un point soulevé par le sénateur Rivest au sujet de la brochure que l'on distribue actuellement au Québec. Vous dites que seule la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-110. Pourtant, il est question dans la brochure d'une nouvelle loi. Pour qu'un projet de loi devienne loi, n'est-il pas exact qu'il doit avoir été adopté par les deux Chambres et qu'il doit avoir reçu la sanction royale? Cela étant, ne croyez-vous pas que cette affirmation, dans la brochure, est un affront à notre institution? Vous souhaitez peut-être que tous les sénateurs prennent une retraite anticipée, et c'est peut-être ce que nous devrions faire.

Cela étant dit, voici la question qu'on me pose dans la région que je représente: que se passe-t-il? Pourquoi le gouvernement agit-il ainsi? Pourquoi est-il aussi arrogant? Pour reprendre ce que j'ai entendu, n'entendez-vous pas déjà les glapissements des médias - qui, je m'en étonne, ne se sont pas encore manifestés - au sujet du traitement cavalier réservé à notre institution? J'aimerais connaître le fond de votre pensée à ce sujet, monsieur.

M. Rock: Tout d'abord, je précise que cette brochure ne se voulait pas d'un ton arrogant, pas plus qu'elle n'était destinée à manquer de respect au Sénat en tant qu'institution ou à ses membres en tant qu'honorables participants au processus législatif. La phrase où il est question de la nouvelle loi est au futur. Elle dit qu'il n'y aura pas de changement constitutionnel sans le consentement des Québécoises et des Québécois. Il y est question de l'avenir. Quand on parle, dans la brochure, du processus parlementaire, on ne parle que de la Chambre des communes, qui a adopté le projet de loi.

Le sénateur St. Germain: Je ne suis peut-être pas avocat, mais je n'en suis pas moins en désaccord avec vous: la brochure précise bien qu'avec cette nouvelle loi, il n'y aura pas de changement constitutionnel sans le consentement des Québécoises et des Québécois. Je ne voudrais pas me faire trop insistant, mais ce point est en réalité inquiétant, car nous sommes censés satisfaire aux attentes des Québécois. Vous me corrigerez si je fais erreur, mais, si j'ai bien saisi le débat en cours, le premier ministre tient l'engagement qu'il a pris auprès des Québécois, alors que celui qui a lancé le débat sur toute la question de la société distincte durant la campagne référendaire était Daniel Johnson, maintenant accusé - non pas par vous, mais par des membres de votre cabinet, monsieur - de ne pas avoir été à la hauteur et de n'avoir pas bien fait son travail durant la campagne référendaire. Un de vos ministres a été jusqu'à dire qu'il faudrait le remplacer. Il y a quelques jours, à la télévision, un autre a parlé de l'ineptie de la campagne.

Si nous sommes en train d'essayer de créer un esprit de corps et un climat de coopération avec les Québécois, je me demande si c'est vraiment le temps de s'en prendre à celui qui a, en théorie et avec d'autres, sauvé le pays, de s'aliéner les Québécois en décochant des flèches en direction du chef du Parti libéral du Québec, Daniel Johnson.

M. Rock: Pour en revenir à la brochure, nous reconnaissons que le processus n'est pas encore achevé. À mon avis, on tentait simplement de faire le point sur la situation en précisant ce qui s'est fait à la Chambre des communes.

En ce qui concerne le Québec, je ne crois que des remarques de ma part au sujet des personnalités en jeu seraient utiles. Je sais toutefois que nous travaillerons de près avec nos alliés fédéralistes du Québec pour faire en sorte de sauver le Canada et de le rendre encore plus fort et plus uni.

Le sénateur St. Germain: J'ai une question au sujet de ma province et de toute la question des régions. À l'origine, fait troublant, la Colombie-Britannique n'était pas représentée au sein du comité de l'unité nationale. Par contre, je sais comment les choses peuvent parfois se dérouler au sein du Cabinet.

Voici ma question: comment décidez-vous de ce qui constitue une région?

Des régions sont créées dans le projet de loi: la région de l'Atlantique, la région du Québec, la région de l'Ontario, puis cette région de l'Ouest. La population de la Colombie-Britannique s'est toujours considérée comme formant une région à part - la région du Pacifique - , même si elle n'a été ajoutée au projet de loi C-110 qu'après tout un tollé. J'examine les données démographiques. Je compare avec l'Alberta. J'entends les commentaires de gens de la région que je représente, qui inclut aussi le Manitoba et la Saskatchewan. La population de ces deux provinces est aux abois parce que celles-ci n'auront pas vraiment de droit de veto. Nul ne sait au juste comment vous décidez de ce qui constitue une région. Pourquoi l'Alberta n'est-elle pas une région? Elle compte pourtant 2 545 553 habitants. Non, on a décidé de tout mettre ensemble. Puis, on en exclut la Colombie-Britannique. Il reste maintenant trois provinces confondues. Puis, on conclut une entente spéciale avec l'Île-du-Prince-Édouard selon laquelle, si deux provinces sont opposées à une proposition particulière, celle-ci ne peut aller de l'avant.

Je vous le demande, monsieur: comment le gouvernement s'y est-il pris pour décider de la composition des régions?

M. Rock: Je rappelle au sénateur que déjà, en 1971, il était question d'une participation régionale à la réforme constitutionnelle. L'idée en a été reprise dans le rapport, signé par le sénateur Beaudoin et M. Edwards, qui mentionnait différentes parties du pays qu'il serait utile et pratique de reconnaître pour modifier la Constitution. Mon propre parti a travaillé à l'élaboration d'une politique allant dans le même sens, et le premier ministre a parlé, dans le passé, de l'utilité de créer des régions, en mentionnant toujours la région de l'Atlantique, l'Ontario, le Québec et l'Ouest.

Après le dépôt du projet de loi C-110, on s'est rendu compte que la Colombie-Britannique représentait en fait une région en raison des changements survenus depuis 1971, année de référence. Les attributs uniques de cette province, qu'il est inutile de décrire ici, nous obligent à constater qu'à ces fins, elle devrait être tenue pour une entité séparée ayant une perspective régionale bien à elle.

Sénateur, peut-être qu'avec le temps, au cours du prochain siècle, notre pays en viendra à prendre des décisions unanimes en tout. Chaque province sera alors considérée comme un ensemble distinct. Cependant, pour l'instant, d'après les tendances qui se dégagent depuis 25 ou 30 ans, le gouvernement a, à toutes fins pratiques, fait de son mieux pour trouver un moyen qui permette de dégager un large consensus lorsque des modifications constitutionnelles seront proposées.

Vous avez cité l'exemple de l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit d'une toute autre question, tout de même connexe. Bien sÛr, au sens de la loi, l'Île-du-Prince-Édouard n'est pas une région. Par contre, ce qui est arrivé dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard et des autres provinces de l'Atlantique illustre bien, selon moi, à quel point la fédération est efficace. Après avoir discuté ensemble des préoccupations que faisait valoir l'Île-du-Prince-Édouard, les premiers ministres des provinces de l'Atlantique en sont venus à une entente garantissant à cette province un rôle crucial dans le processus de modification. L'idée n'est pas venue d'Ottawa et elle n'a pas été imposée par elle. Ce sont les premiers ministres de ces provinces qui l'ont eue, et elle représente à mon avis une façon très pratique d'aborder le processus.

Qu'est-ce qui constitue une région, me demandez-vous? Au cours des 25 dernières années, cette question a trouvé réponse dans des ouvrages publiés périodiquement par certains. Pourquoi la Colombie-Britannique représente-t-elle une région? Nous avons tiré enseignement du passé. Nous avons déposé un projet de loi qui n'accordait pas le statut de région à cette province. Les protestations ont été vives. Nous étions à l'écoute. Nous avons évalué le mérite de cette cause et nous avons décidé que les protestataires avaient raison et que nous avions tort. Nous avons donc modifié le projet de loi.

Pourquoi l'Alberta n'est-elle pas une région? Je crois que la tendance a été jusqu'ici de considérer que les provinces des Prairies formaient un tout. L'Alberta a de toute évidence beaucoup de poids dans cette région et, comme vous le savez, en raison de sa population, elle peut, à elle seule, faire franchir le cap des 50 p. 100. Cependant, du moins pour l'instant, à mesure qu'évolue et se développe le pays, le gouvernement a décidé qu'à toutes fins pratiques et politiques, les régions sont telles que les décrit le projet de loi.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, la question centrale est d'avoir un Canada uni, et c'est ce que nous devons tenter de réaliser. Je ne cherche pas à vous intimider, monsieur le ministre, ni à bloquer des mesures visant à garder le Canada uni. Toutefois, je m'inquiète du fait que votre caucus et votre Cabinet sont consultés alors que d'autres dont l'intérêt en cette matière est réel, y compris des membres des milieux d'affaires, des cercles universitaires et des collectivités autochtones, ne le sont pas. Il me répugne d'employer de tels mots, mais le projet de loi me semble être une réaction instinctive à la quasi-défaite référendaire. Il faut faire mieux. Je suis disposé à faire tout ce qui est humainement possible pour empêcher l'éclatement du pays. Toutefois, nous n'y parviendrons pas si on nous accuse de prendre des décisions sans consulter. Je ne parle pas de consulter uniquement le Sénat, mais tous les Canadiens, qu'il s'agisse de regroupements spontanés à la suite du référendum ou de groupes prônant l'unité, dont quelques-uns sont présents ici aujourd'hui et que nous entendrons plus tard.

Ceux que je représente affirment que vous ne les écoutez et ne les consultez pas. Vous répétez les erreurs du passé, lorsque douze hommes sobrement vêtus prenaient, derrière des portes closes, des décisions qui indisposaient tout le monde. Nous avons alors été à un cheveu près de tout perdre.

M. Rock: Je vous remercie, sénateur, de cette offre de coopération. Je tiens toutefois à dire que votre description du processus est très injuste. Le projet de loi C-110, soit la résolution reconnaissant la société distincte, et le projet de loi C-111, qui concerne la formation de la main-d'oeuvre, sont des mesures visant à concrétiser les engagements pris durant la campagne référendaire.

J'ai aussi bien précisé, monsieur le président, qu'en ce qui concerne la question générale de l'unité et l'approche choisie par le gouvernement à cet égard, je ne crois pas qu'on devrait en juger en supposant que ces mesures sont destinées à régler des questions en suspens depuis le référendum. Voyons ce qui s'est passé. Le référendum a eu lieu le 30 octobre. Dans les dix jours qui ont suivi, le premier ministre a créé deux comités du Cabinet chargés d'examiner des stratégies. Les deux comités siègent depuis lors.

Contrairement à ce qu'a laissé entendre le sénateur, d'intenses consultations ont eu lieu partout au pays avec les dirigeants des milieux d'affaires, entre autres, pour décider des choix qui s'offrent et des orientations à prendre. Ce qu'il nous faut maintenant, à la veille de la reprise des travaux parlementaires, d'un remaniement ministériel et des décisions du premier ministre quant à la voie à suivre, c'est un mélange de leadership, ce qui veut dire choisir une orientation, et une participation publique pour faire en sorte que l'élan vienne de la base. Voilà exactement ce à quoi votre comité et le pays sont en droit d'attendre du gouvernement du premier ministre Jean Chrétien, sénateur St. Germain.

Le sénateur MacEachen: Monsieur le président, vous devrez nous fournir certaines directives à ce stade, car je crois comprendre que cette partie de la réunion est sur le point de prendre fin. Vous aurez constaté qu'il est passé 11 heures et que personne de ce côté-ci du fauteuil ne s'est vu accorder la parole. Je proposerais qu'à l'avenir, vous adoptiez le principe éprouvé de l'alternance afin que tous les membres du comité aient la possibilité de s'exprimer.

Cela dit, j'ai trouvé les questions posées, de même que les réponses, intéressantes et valables. J'aimerais passer à la description que fait le ministre du projet de loi C-110. Le ministre nous indique qu'il s'agit d'un énoncé de principe. C'est un énoncé qui définit le comportement qu'adoptera le gouvernement du Canada à l'avenir en ce qui concerne les modifications constitutionnelles. Il soutient que cela en soi est valable.

Le gouvernement aurait pu énoncer ces principes dans un document d'orientation et déclarer: «Nous nous y tiendrons.» Or, le gouvernement est allé plus loin, et je comprends pourquoi, et a inscrit ces principes dans un projet de loi qu'il a présenté à la Chambre des communes et au Sénat, ce qui bien entendu lui confère un appui et un poids politiques qu'il n'aurait pas autrement.

Je comprends que ce projet de loi ne confère pas au Parlement du Canada de pouvoir supplémentaire. Il ne confère au gouvernement aucun pouvoir l'autorisant à prendre des mesures qu'il ne peut pas prendre à l'heure actuelle.

J'ai été intrigué par la question du sénateur Beaudoin, qui se demandait ce qui se produirait si le gouvernement présentait une modification constitutionnelle qui enfreignait cet énoncé de principe. J'estime, pour un certain nombre de raisons, qu'aucun gouvernement ne pourrait le faire sans amender le projet de loi C-110. Selon moi, il serait impossible, même sur le plan de la procédure, pour un gouvernement de parvenir à présenter et à faire adopter par le Parlement un projet de loi qui enfreint les dispositions d'un projet de loi existant. La marche à suivre adoptée par les gouvernements consiste à amender dans le nouveau projet de loi les dispositions du projet de loi précédent.

De plus, je considère, comme le ministre l'a souligné, que cet énoncé de principe, devenu maintenant un projet de loi, pourrait être abrogé par un nouveau gouvernement. Si telle était l'intention d'un nouveau gouvernement, il pourrait le faire, s'il était prêt à assumer les conséquences politiques d'un tel geste.

Je m'interroge sur le recours dont disposent un citoyen ou une province si un ministre présentait une loi qui va à l'encontre du projet de loi C-110. Un citoyen pourrait-il alors se tourner vers les tribunaux? Je l'ignore. Serait-il possible de demander réparation contre un gouvernement qui agit de la sorte? Lorsque le sénateur Beaudoin a qualifié ce projet de loi de poudre aux yeux, ce qui était à mon avis un terme de respect, le seul rapprochement que j'arrive à faire, c'est avec la Déclaration des droits de M. Diefenbaker.

La Déclaration des droits était un énoncé de principe. Les membres de l'opposition ont déclaré: «C'est vraiment jeter de la poudre aux yeux parce que vous ne modifiez pas la Constitution. Cette déclaration ne permet pas de protéger la liberté d'expression», et effectivement, elle ne le permettait pas. C'était simplement une déclaration de principe. Certains ont prétendu que même s'il ne s'agissait en aucune façon d'une modification constitutionnelle, elle a effectivement eu un impact. Lorsque la Cour suprême a été appelée à se prononcer dans une certaine cause, elle a considéré que ce texte législatif avait un certain poids sur le plan constitutionnel. C'est l'idée que j'ai à l'esprit.

Je ne me souviens pas si le ministre a parlé de «pont» dans sa présentation d'aujourd'hui. On pourrait dire que la Déclaration des droits de M. Diefenbaker a servi de pont menant à la Charte.

Voilà donc certaines de mes observations au sujet du projet de loi. Je crois qu'on aurait tort d'exagérer et de prétendre qu'il est autre chose que ce qu'il est. De toute façon, il peut manifestement être revu et enfreint à nouveau par le Parlement n'importe quand, qu'il s'agisse du Parlement actuel ou d'un nouveau Parlement. S'il le voulait, le Sénat pourrait présenter un amendement à ce projet de loi, s'il était adopté, le mois prochain. C'est toutefois une question dont nous nous occuperons plus tard.

Si le ministre a des commentaires à faire à propos de ce que je viens de dire, il peut nous en faire part mais j'aimerais savoir quelles auraient été les conséquences si le premier ministre n'avait pas rempli son engagement. Y aurait-il eu des conséquences?

On ne semble pas tenir compte des aspects positifs du projet de loi. Le Premier ministre a agi. Il respecte l'engagement qu'il a pris à un moment très critique de notre histoire et qui devait selon lui influer sur l'issue du référendum. J'aimerais que vous abordiez cet aspect parce que les raisons d'adopter ce projet de loi sont nombreuses mais le principe en jeu est un principe politique qui a découlé d'une situation très délicate au Québec, dont l'issue, comme vous l'avez dit dans votre présentation, a peut-être été influencée par la déclaration du premier ministre. Vous avez dit que certains citoyens ont peut-être voté pour le Canada à cause de cet engagement.

M. Rock: C'est exact, sénateur.

Le sénateur MacEachen: Avez-vous des raisons de le croire? Pourquoi croyez-vous que l'engagement pris par le premier ministre a eu une influence sur l'issue du référendum?

J'aimerais aussi savoir quelles auraient été selon vous les conséquences si le premier ministre s'était contenté de dire: «Je le ferai en 1997.» Est-ce que cela n'aurait rien changé?

M. Rock: SÛrement pas.

En réponse à votre première question, à savoir si cet engagement a vraiment eu une influence, je peux dire au comité que j'étais au nombre des milliers de personnes présentes dans l'auditorium à Verdun le 24 octobre dernier pour écouter le premier ministre lorsqu'il a pris la parole et a parlé d'engagement. J'ai participé avec des dizaines de milliers d'autres personnes à un rassemblement à Montréal le 27 octobre, et j'ai pu constater moi-même quel était l'état d'esprit qui régnait, quels étaient les enjeux et aussi les conditions dont on discutait.

Nous ne pouvons pas à mon avis sous-estimer l'importance des engagements pris par le premier ministre. Ils ont énormément attiré l'attention. Certains y ont vu, même ceux du camp opposé, une preuve concrète d'une volonté de changement et un témoignage de souplesse. On y a prêté beaucoup d'attention.

En réponse à votre deuxième question, sénateur, et je ne parle pas des conséquences sur le plan politique pour le gouvernement actuel, mais des conséquences pour le Canada, ces conséquences pour le Canada et son avenir auraient été extrêmement graves si ces engagements n'avaient pas été respectés, ni tenus. C'est pourquoi le Premier ministre a pris des mesures immédiates pour s'assurer de les faire respecter. C'est pourquoi il a présenté ce projet de loi dans les semaines qui ont suivi le référendum et a déposé la résolution sur la société distincte; c'est pourquoi il s'est assuré que les dispositions sur la formation de la main-d'oeuvre prévues par le projet de loi C-110 soient présentées à la Chambre avant Noël.

Pour la forme, j'invite le comité à envisager le climat qui régnerait si nous voulions poursuivre notre tâche sans que le gouvernement ait tenu ces engagements. Il fallait remplir ces engagements rapidement, en priorité et avant toute autre chose. Sans une intervention aussi décisive, il aurait été extrêmement difficile de faire progresser la situation.

À l'heure actuelle, certains critiques laissent entendre que notre intervention en réaction à la crise que traverse le pays se résume aux mesures immédiates que nous avons prises pour remplir ces engagements, ce qui bien entendu n'est pas le cas. Nous procédons de façon méthodique, d'abord en remplissant les engagements qui ont été pris, puis en faisant en sorte que la population du Québec sache que nous remplissons ces engagements. Nous procéderons alors de façon plus globale à l'aide d'une démarche et d'une stratégie qui abordent la question dans son ensemble et qui comporteront de nombreux volets que nous rendrons publics dans les semaines à venir.

C'est là ma réponse à la question du sénateur. C'est une affaire politique. Il s'agit de remplir un engagement et il faut absolument que nous remplissions cet engagement.

Le sénateur MacEachen: Pouvez-vous nous indiquer le recours dont dispose un citoyen si un gouvernement ne respecte pas les dispositions de ce projet de loi?

M. Rock: Selon moi, la procédure appropriée serait que cette personne demande au tribunal une déclaration quant à l'illégalité ou à l'incompatibilité entre la conduite du gouvernement et le projet de loi. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, cette déclaration serait peu utile sur le plan juridique, puisque la primauté de la Constitution nous obligerait à considérer valide tout amendement adopté selon le mode général de révision 7-50, indépendamment du projet de loi C-110. Je dois ici encore souligner que nous avons, jusqu'à un certain point, traversé le miroir parce qu'il est à mon avis inconcevable qu'un gouvernement agisse au mépris des lois établies.

Le sénateur MacEachen: Ou qu'un président permette la mise aux voix de la loi?

M. Rock: Comme vous l'avez fait remarquer, sénateur, l'usage veut qu'un gouvernement modifie ou annule une loi au lieu de l'abroger.

Le sénateur MacEachen: Je ne fais que poser les jalons.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le ministre, j'avais de nombreuses questions que je voulais approfondir et certains de mes collègues ont déjà abordé certains points dont je voulais vous entretenir. Cependant, compte tenu du temps qu'il nous reste, je veux prendre du recul.

Vous me dites que cela est absolument nécessaire compte tenu des événements qui ont entouré la journée du 30 octobre et que nous devons faire vite. Je ne crois pas que beaucoup de citoyens vous contrediraient. Nous devons faire un geste.

Ce qui m'inquiète profondément, au sujet du projet de loi C-110, c'est que vous dites qu'il sert de pont, que c'est une mesure provisoire jusqu'à ce que nous arrivions à la Constitution, car c'est dans la Constitution que sont inscrits les droits des citoyens. En d'autres mots, en tant que citoyenne canadienne, mes droits sont inscrits dans la Constitution et je fais fond là-dessus.

Si tel est le cas, pourquoi mettre dans la Constitution toute cette notion de régions? Si ce qui presse, c'est le Québec, pourquoi ne pas s'en occuper? Pourquoi revenir à un concept qui n'a pas été débattu, qui n'a pas été mis à l'épreuve et qui, à mon avis, nous ramène en arrière? Vous dites que vous regardez vers l'avenir en ajoutant cette notion de régions. La Saskatchewan faisait partie d'une région qui comptait quatre provinces. Tout d'un coup, je me trouve dans une région de trois provinces. Cette mesure me semble dictée uniquement par une question de chiffres, et pas de beaucoup d'autres aspects.

Je sais quels sont mes droits en vertu de la Constitution en tant que citoyenne du Canada et résidente de la Saskatchewan. Vous ajoutez le projet de loi C-110. Bien franchement, qu'est-ce que cela signifie pour une personne de la Saskatchewan?

J'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi, pour donner plus de poids à certains, il faut en retrancher à d'autres. Vous dites qu'une personne en Saskatchewan fait peut-être désormais partie non pas de toute une province, mais d'une partie d'une région. J'ignore absolument ce que cela signifie. On provoque ainsi de l'incertitude et de l'inquiétude chez ceux d'entre nous qui vivent dans ces régions.

Il n'y a eu aucune participation publique sur la question des régions aujourd'hui. Par conséquent, j'ai l'impression que nous sommes en train d'échafauder un autre scénario où les politiciens prennent les décisions, et elles semblent acceptables parce qu'elles n'ont pas eu de conséquences défavorables.

J'estime que la plupart des Canadiens ignorent quelles en seront les conséquences, et je ne suis pas sÛre que vous ayez pris le temps de le leur expliquer. Vous avez dit qu'il s'agit uniquement d'un pont, mais comme notre expérience des négociations nous l'a appris, une fois qu'on donne quelque chose, on peut difficilement le reprendre.

M. Rock: C'est un pont en ce sens que la discussion des modifications constitutionnelles est un processus perpétuel. En fait, la Constitution même prévoit que d'ici avril prochain, une conférence devra avoir lieu sur le mode de révision dont nous discutons ici même. Cette conférence peut déboucher ou non sur un accord ou peut n'être qu'une étape de ce processus permanent de discussion. Nous ne devrions pas nous attendre à trouver, d'ici avril 1997, une formule magique qui nous permettra de régler tous nos problèmes constitutionnels.

Permettez-moi de répondre à la question soulevée par le sénateur relativement à l'incertitude. Premièrement, nous nous sommes donné beaucoup de mal pour insister sur le fait que ce projet de loi ne change en rien la Constitution et ses garanties. La Charte des droits n'est pas menacée. La répartition des compétences législatives demeure inchangée. Même la formule de modification reste la même. La règle de l'unanimité continue de s'appliquer pour les questions visées. La possibilité d'ententes bilatérales existe toujours. Il est toujours possible pour les provinces d'exprimer leur désaccord lorsqu'elles n'appuient pas une mesure qui diminuerait leurs pouvoirs, et une compensation est prévue dans certaines circonstances, le cas échéant.

Ce projet de loi ne fait que préciser les circonstances dans lesquelles un gouvernement, le gouvernement canadien, participera à la procédure normale de modification

Quant à l'incertitude, j'espère que, à la fin de ce processus très public comportant des audiences des comités et des débats publics, on s'entendra globalement sur ce qu'accomplit et n'accomplit pas ce projet de loi, comme je l'ai dit au début de la séance. J'espère que nous parviendrons à dissiper cette incertitude par un simple débat public.

En ce qui a trait à l'introduction du concept de veto régionaux en matière de modification de la Constitution, l'idée n'est pas nouvelle. L'idée fait son chemin depuis deux ou trois générations. Elle a été exprimée sous diverses formes. Quant aux résidents de la Saskatchewan, de Terre-Neuve ou de la Colombie-Britannique, j'espère une fois de plus que ce débat public leur fera comprendre le sens que ce projet de loi revêt pour elles.

En Saskatchewan, par exemple, j'aurais tendance à dire que la formule contenue dans le projet de loi C-110 améliore sa position. Par le passé, avec la pure formule 7-50, il pouvait arriver que l'on ne tienne pas compte des points de vue des provinces des Prairies même si les trois s'y opposaient, si les sept qui étaient en faveur de la modification l'emportaient et représentaient 50 p. 100 de la population.

La solution proposée dans le projet de loi C-110 améliore la position de la Saskatchewan en lui permettant, par exemple, de s'associer à l'Alberta pour exprimer son assentiment ou avec le Manitoba pour faire obstacle à un changement et le contrer parce que deux des provinces des Prairies s'y opposeraient.

En fait, le projet de loi C-110 accroît l'importance de la participation de la Saskatchewan à une modification constitutionnelle. En ce qui a trait à l'incertitude, je ne crois pas que l'on s'inquiète beaucoup au pays de l'importance du consensus régional lorsque l'on discute d'une modification constitutionnelle.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que ce projet de loi améliore la position de la Saskatchewan. Il y parvient si vous considérez les régions comme étant une entité géographique et les seuls groupes animés du même sentiment que vous puissiez trouver. J'ai acquis la conviction par le passé qu'une province comme la Saskatchewan pouvait s'associer au Québec ou avec la région de l'Atlantique ou avec la Colombie-Britannique. Ce projet de loi dit nécessairement que seules les provinces limitrophes ont quelque chose en commun avec nous et que nous sommes une région.

M. Rock: La formule 7-50 existe toujours de sorte que vous pouvez continuer de vous associer.

Le sénateur Andreychuk: Puis-je dire, en dépit du fait que cette idée de régions fait son chemin depuis longtemps, que la population ne l'a pas nécessairement accepté. Elle n'a pas vu le jour. Nous parlons encore du mode de révision de Victoria qui ne s'est jamais concrétisé dans la Constitution.

M. Rock: On s'est entendu à cet égard. Cependant, le fait est que rien dans ce projet de loi n'empêche la Saskatchewan de s'associer au Québec et à Terre-Neuve pour battre en brèche le recours à la formule 7-50 pour modifier la Constitution. Cela ne change pas. Le projet de loi ajoute simplement une dimension, une dimension régionale. Il n'en fait pas la solution exclusive; il en fait une solution, voilà tout.

Le sénateur Andreychuk: Cela m'inquiète un peu que vous ne puissiez répondre aux questions du sénateur Murray qui portaient sur des situations réelles. La plupart d'entre nous travaillons en nous fondant sur le principe voulant que, alors que la loi est en place et qu'elle semble faire l'affaire, c'est dans l'application et l'administration de situations réelles qu'elle révèle ses avantages et son utilité.

Pour quelle raison me demandez-vous de croire à un concept de veto régionaux?

M. Rock: Afin de garantir un solide consensus régional avant qu'intervienne une autre formule de modification de la Constitution. En ce qui a trait aux questions du sénateur Murray et votre observation sur l'incertitude, il serait à coup sÛr téméraire pour un ministre de la Justice de répondre à brÛle-pourpoint à des questions hypothétiques portant sur de futurs changements techniques à la Constitution. Je réponds très volontiers, mais je dois avant tout y réfléchir. Je ne fais qu'agir de façon responsable.

J'estime qu'il est important pour les travaux de ce comité que soit compris et débattu le principe du projet de loi C-110. Il ne vise pas à empêcher la Saskatchewan de recourir à la formule 7-50 pour proposer des modifications. Rien ne change à cet égard. Il s'agit de reconnaître, avant qu'un changement soit apporté, que celui devrait recevoir un fort appui des régions, voilà tout.

Le sénateur Andreychuk: Quand, en fait, recourra-t-on au projet de loi C-110?

M. Rock: Cela me ramène à ma déclaration liminaire. En ce qui concerne les modifications qui n'exigent pas le consentement unanime, qui sont plus que des ententes bilatérales au sens de l'article 43, qui sont régies par la procédure normale de modification et qui ne sont pas assorties d'un droit de retrait, et quant à savoir si ce changement particulier ou cet autre changement tombe dans cette catégorie, ça ne me dérange pas d'examiner sérieusement ces questions. Cependant, le simple fait que nous ne pouvons répondre sur-le-champ à des questions hypothétiques et techniques ne met pas en doute le principe, qui n'en demeure pas moins important et très pertinent.

Le sénateur Andreychuk: J'ai une autre question sur la participation.

L'article 35 de la Constitution porte sur les droits des peuples autochtones et sur la nécessité de les consulter. Vous dites que vous vous occupez des droits des autochtones ailleurs, mais lorsque l'on parle de consultation cela veut dire les convoquer à la table de négociation en leur faisant confiance.

À quelles consultations avez-vous procédé avec les peuples autochtones avant de déposer le projet de loi C-110 pour les assurer que leurs droits ne seraient ni abrogés ni modifiés par cette mesure législative?

M. Rock: Sénateur, il est important de se rapporter seulement à l'obligation constitutionnelle de consulter les peuples autochtones, mais aussi à toute la phrase. En effet, la Constitution exige de consulter les peuples autochtones avant toute modification de l'article 35, de l'article 25 et de la Partie II de l'Acte constitutionnel de 1982. Telle est l'exigence prévue dans la Constitution. Comme ce projet de loi ne touche à aucune de ces garanties prévues dans la Constitution pour les peuples autochtones, nous n'avons pas engagé ce processus de consultation.

Nous procédons sans cesse, par l'entremise du ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord, à des consultations avec les peuples autochtones sur l'exécution du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Notre gouvernement considère ce droit comme un fait accompli et nous prenons les mesures qui s'imposent. Le processus de consultation est en marche et vise à concrétiser ce que nous estimons être les droits constitutionnalisés des peuples autochtones.

Le sénateur Meighen a-t-il une question?

Le sénateur Meighen: Je veux surtout poursuivre les questions soulevées par le sénateur Beaudoin et d'autres sénateurs, et peut-être sur des points que vous avez vous-même soulevés. Je ne veux aucunement vous manquer de respect, mais il me semble que ce que l'on peut dire de cette mesure législative est un pis-aller. Dans les circonstances, il faut faire quelque chose.

Au pis aller, comme l'a laissé entendre le sénateur Rivest, elle pourrait troubler les eaux constitutionnelles et compliquer toute modification à la Constitution.

Vous avez dit que la conférence de 1997 ne sera peut-être qu'une autre étape le long du sentier. Il me semble que 1997 est une étape cruciale du processus. À mon avis, si, en tant que Canadiens, nous ne nous attaquons pas aux questions fondamentales et n'apportons pas un changement réel, les choses se présenteront plutôt mal pour l'avenir, et de la conférence constitutionnelle de 1997 et du Canada.

D'autres ne partagent pas mon avis, mais j'estime que 1997 est l'année décisive. Si cette notion a quelque légitimité, dans un effort pour insister sur ce fait, y aurait-il quelque légitimité à mettre les participants dans le feu de l'action en 1997? Dans un effort pour purifier les eaux, ce projet de loi devrait peut-être contenir une disposition de temporisation qui en prévoirait l'abrogation lorsque la conférence se mettra en marche.

M. Rock: J'ai dit plus tôt que je ne suis pas convaincu qu'il soit sage de fonder tous nos espoirs dans une conférence. Nous avons vu au cours des 10 ou 15 dernières années dans ce pays comment même des ententes conclues entre les premiers ministres pouvaient ne pas donner lieu à des modifications constitutionnelles. Je me demande aussi s'il est sage d'agir en assumant que la seule planche de salut pour le Canada c'est d'apporter d'importantes modifications à la Constitution. Des changements autres constitutionnels peuvent très bien améliorer aussi la situation.

Le sénateur a laissé entendre que ce projet de loi est un pis-aller. Ce sont de tièdes éloges. La réalité, c'est que le complexe et magnifique Accord du lac Meech n'a rien donné. La réalité, c'est que les changements radicaux de l'Accord de Charlottetown n'ont mené à rien. Tout ce travail, toute cette angoisse, toute cette controverse, pour rien.

Il y a aussi le fait que, par l'entremise de cette mesure législative, le premier ministre et le gouvernement nous fournissent le moyen de respecter un important engagement que certains jugent très important - à savoir un veto pour le Québec et d'autres régions au moyen d'une formule pratique et utile à court terme. On pourra en arriver à une solution plus durable tôt ou tard par la voie constitutionnelle.

Si ce projet de loi est promulgué et a force de loi, on devrait noter le fait que c'est le seul, parmi les gouvernements qui ont existé depuis 1982, qui a produit quelque chose qui revêt une signification pratique en réagissant à l'une des préoccupations formulées par le Québec. Je crois que c'est beaucoup mieux qu'un «simple pis-aller». En fait c'est une mesure importante. Quant au fait que l'on trouble les eaux, c'est un sujet de discussion.

Pour en venir au fond de la question du sénateur, je n'aurais pas tendance à trop faire valoir 1997 et la réforme constitutionnelle de 1997. Que se passerait-il si les discussions ont cours, procèdent de façon constructive et que l'on ne parvienne pas à s'entendre avant 1998 et 1999? S'agira-t-il d'un échec? Bien sÛr que non.

Le sénateur Meighen: «De façon constructive» est le mot qui compte.

M. Rock: Nous avons au Québec un gouvernement qui ne voit pas l'intérêt de modifier la Constitution. Nous ne devons pas l'oublier. Nous devons faire de notre mieux.

Le sénateur Meighen: C'est peut-être que le gouvernement du Québec ne partage pas le point de vue de la majorité des Québécois, mais il s'agit d'un autre débat.

En ce qui concerne l'Accord du lac Meech, que vous rejetez comme une tentative vaine ayant nécessité beaucoup d'effort et d'énergie, se pourrait-il qu'on puisse en imputer la faute au processus plutôt qu'à la substance?

M. Rock: C'est la théorie qui a appuyé les discussions de Charlottetown. À la différence de l'Accord du lac Meech qui a été négocié à huis clos, on s'est lancé dans un processus méthodique et long d'assemblées publiques donnant lieu à un consensus au niveau inférieur et à des débats. On comptait ainsi mettre en place une structure s'appuyant sur la base en montant. Nous connaissons les résultats.

Je laisserai l'histoire juger de l'Accord du lac Meech et des autres accords. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il se peut que certains jugent modeste le projet de loi C-110, mais que s'il a finalement force de loi, il aura atteint un objectif tangible et important - un veto pour le Québec à l'égard d'une modification à la Constitution. C'est tout un accomplissement. Le projet de loi permet de respecter un engagement. Nous en serons très fiers.

Le sénateur Meighen: Dommage qu'il ne soit pas inscrit dans la Constitution.

M. Rock: Il le sera peut-être un jour.

Le président: Monsieur le ministre, vous êtes resté pendant plus de deux heures et nous vous en sommes reconnaissants. Au nom de mes collègues et des membres du comité, je tiens à vous remercier pour votre témoignage. Je vois que la sous-ministre, Mme Dawson, et les autres fonctionnaires sont arrivés. Nous pourrons poursuivre la discussion avec eux.

M. Rock: Monsieur le président, j'aimerais faire un dernier commentaire avant de partir. Le sénateur Murray a dit, au début, qu'il espérait me revoir le 30 janvier. Je serai à Vancouver les 29 et 30 janvier, soit lundi et mardi prochains. Je serai de retour mercredi. Je ne pourrai donc pas comparaître à nouveau à la fin de vos audiences. C'est dommage, parce que je tiens à ce que les sénateurs sachent que ce fut un véritable plaisir pour moi d'assister à cette réunion. J'ai d'ailleurs comparu à maintes reprises devant votre comité.

J'ai témoigné pendant plus de deux heures ce matin. J'ai aussi longuement témoigné devant le comité de la Chambre. Les fonctionnaires de mon ministère comparaîtront après moi. Il pourrait être utile de les convoquer à la fin des audiences.

Le sénateur Murray: La décision revient au ministre concerné, mais nous avons l'habitude d'inviter le gouvernement à prendre la parole au début et à la fin des audiences lorsque nous examinons un projet de loi d'initiative gouvernementale. Si vous ne pouvez pas vous joindre à nous, nous comprenons. Vous pouvez envoyer des fonctionnaires ou un collègue, si vous le voulez.

M. Rock: Je vous remercie de l'invitation. Habituellement, je précise que je tiens à revenir, comme je l'ai toujours fait, sauf que cette fois-ci, je serai à l'autre bout du pays. Je ne pourrai assister à la réunion.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant des fonctionnaires du ministère de la Justice. La sous-ministre pourrait peut-être nous présenter ses collègues.

Mme Mary Dawson , sous-ministre déléguée, ministère de la Justice: Monsieur le président, je suis accompagnée de messieurs Warren Newman, Louis Davis et Thomas-Louis Fortin. Nous venons tous du ministère de la Justice.

Je n'ai pas de déclaration à faire. Je suis ici pour répondre à vos questions.

Le président: Je vais donc donner la parole aux collègues qui se trouvent à ma droite.

Le sénateur Carstairs: Pourquoi le ministère a-t-il décidé, au moment de rédiger ce projet de loi, d'opter pour cette procédure-ci au lieu de celle de Victoria? La formule de Victoria, si je ne m'abuse, n'exigeait pas l'accord de 50 p. 100 de la population des provinces de l'Atlantique. Elle exigeait toutefois un tel accord de la région de l'Ouest en raison de la prédominance de la Colombie-Britannique. Je me demande pourquoi la règle de 50 p. 100 n'a pas été supprimée, puisqu'elle ne s'applique plus à la Colombie-Britannique, celle-ci étant devenue une région. D'ailleurs, je n'ai jamais trouvé que c'était une bonne idée d'imposer cette règle à la région de l'Atlantique. Vous pourriez peut-être m'expliquer les raisons qui sous-tendent cette décision.

Mme Dawson: Je crains de ne pouvoir le faire, parce que cette décision découle non pas du ministère de la Justice, mais du gouvernement. Toutefois, je sais qu'on voulait que les provinces de l'Ouest soient traitées sur le même pied que les provinces de l'Est. C'est tout ce que je peux vous dire.

Le sénateur Carstairs: Les sénateurs ont longuement discuté de cette question avec le ministre, mais je n'ai pas pris part aux discussions. À les entendre parler, on avait l'impression que le concept des régions était nouveau. Or, il en est question dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. La première fois que le concept des régions a été abordé, c'est dans le cas du Sénat. La représentation au Sénat est fonction des régions. Les sénateurs sont censés représenter les régions, pas les provinces.

J'étais donc étonnée d'entendre toutes ces discussions, comme si le concept des régions sortait tout droit de la formule de Victoria, élaborée en 1970-1971, comme s'il avait vu le jour il y a vingt-cinq ans. Pouvez-vous nous décrire un peu l'évolution qu'a connue ce concept entre 1867 et l'année où la formule de Victoria a été proposée? Est-ce que l'introduction de ce concept dans la formule de modification de Victoria s'explique par le fait qu'il était déjà invoqué dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867?

Mme Dawson: Vous avez mis le doigt sur la principale question, à savoir le Sénat. La représentation régionale est un élément très important de la Constitution. Pour l'instant, c'est le seul exemple qui me vient à l'esprit. Comme vous l'avez indiqué, on en a discuté dans les années 1970 et 1980, à l'époque où on envisageait d'adopter une formule de modification, comme celle de Victoria, mais je n'ai pas d'autre exemple à vous donner.

Le sénateur St. Germain: Lorsque nous parlons des régions au Sénat, nous faisons allusion à quelque chose de complètement différent. À mon avis, le fait de séparer les régions, comme nous le faisons actuellement, et d'accorder un droit de veto à ma province, soit la Colombie-Britannique, pénalise la Saskatchewan ou le Manitoba. D'après les ouvrages que j'ai lus sur l'histoire du Sénat, et je ne suis pas un spécialiste de la question, le concept des régions signifiait à l'origine que le Québec, l'Ontario, les Maritimes et l'Ouest avaient tous droit à 24 sièges au Sénat. Terre-Neuve a eu droit à six sièges en 1949, de sorte que la comparaison est plutôt boiteuse.

Ne croyez-vous pas que ce projet de loi pénalise la Saskatchewan et le Manitoba? La question est complexe parce que, comme l'a signalé le ministre, il s'agit d'une décision politique. Si vous n'êtes pas en mesure d'y répondre, dites-le, tout simplement. Je suis conscient du rôle que vous jouez à ce chapitre.

Mme Dawson: C'est une décision politique, mais ce qu'il convient de noter, c'est que les chiffres ont changé, surtout au cours des 20 ou 30 dernières années. La répartition de la population au Canada change, et c'est pour cette raison que la Colombie-Britannique bénéficie d'un traitement spécial.

Le sénateur Beaudoin: J'aimerais revenir à la question des régions. Je suis d'avis, comme d'autres, que ce concept figurait déjà dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Il n'y a aucun doute dans mon esprit, ayant lu les débats qui ont précédé la création de la Confédération, que c'est Cartier qui a dit que, même si le Québec est moins peuplé que l'Ontario, le Québec et l'Ontario devraient tous deux avoir le même nombre de représentants dans la Chambre haute. Ensuite, les deux provinces maritimes - l'Île-du-Prince-Édouard ne faisait pas partie de la Confédération en 1867, même si les représentants se sont réunis la première fois à Charlottetown -, ont dit à l'époque que si le Québec avait droit à 24 sièges au Sénat, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick devraient avoir le même nombre de sièges. Après cela, les chiffres ont été rajustés. En 1915, la Constitution a été modifiée et le Canada a été divisé en quatre entités: le Québec, l'Ontario, les Maritimes, parce que Terre-Neuve n'est entrée dans la Confédération qu'en 1949, et l'Ouest.

S'ils avaient indiqué dans la procédure de modification, en 1982, que le consentement de sept provinces était nécessaire, cela aurait voulu dire que toutes les provinces étaient égales. Toutefois, ils ont ajouté les mots «représentant 50 p. 100 de la population». Cette procédure, si je ne m'abuse, diffère de la formule de modification en vigueur aux États-Unis, où l'on exige le consentement de deux tiers des États représentant 75 p. 100 de la population.

Bien entendu, cette procédure favorise l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, des provinces beaucoup plus peuplées que Terre-Neuve, par exemple. Pour ce qui est de la responsabilité du Sénat, et le Canada n'est pas le seul à être confronté à ce problème, il devrait représenter les régions, comme l'ont affirmé les pères de la Confédération.

Bien entendu, la situation est différente aux États-Unis, chaque État étant représenté par deux sénateurs. Le concept des régions existe aussi en Allemagne. Donc, je ne crois pas que nous puissions aller plus loin.

Toutefois, pour ce qui est de la procédure de modification, lorsqu'elle a été mise de l'avant à Victoria, ils ont suivi la même démarche que dans le cas du Sénat. Mais je conviens qu'il y a une différence entre les deux.

Le sénateur De Bané: Cette formule a été approuvée par les dix premiers ministres en 1971, y compris ceux de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Beaudoin: C'est exact.

Le sénateur Rivest: Mais pas par le premier ministre du Québec.

Le sénateur De Bané: Le premier ministre du Québec était contre, sénateur Rivest?

Le sénateur Rivest: Non, il n'était pas d'accord. Il a préféré en discuter avec son Cabinet avant de se prononcer.

Le sénateur De Bané: Il avait des réserves au sujet de la formule de modification de 1971?

Le sénateur Rivest: Pas au sujet de la formule de modification, mais au sujet du projet dans son ensemble.

Le sénateur De Bané: Et moi je vous dis que la formule de modification proposée en 1971 a été approuvée par les dix premiers ministres, y compris ceux de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Beaudoin: Il a raison.

Le sénateur Carstairs: Je voudrais vous soumettre un cas hypothétique. Je suis contente que le sénateur Beaudoin ait parlé de l'année 1915, parce que c'est la date que je cherchais. Je pense qu'on en avait parlé plus tôt, mais je m'en souvenais plus.

Comme vous le savez, les provinces de l'Ouest, y compris la Colombie-Britannique, prônent depuis longtemps la réforme du Sénat. Si ce projet de loi devait tenir lieu de procédure de modification en 1997 - et il s'agit vraiment ici d'une hypothèse -, est-ce que cela signifierait qu'il faudrait accorder à la Colombie-Britannique 24 sièges au Sénat?

Mme Dawson: Je ne le crois pas. Encore une fois, ces questions relèvent du domaine politique. Un de mes collègues vient de me dire que, même s'il n'y a pas d'autres exemples qui nous viennent à l'esprit quant à l'utilisation du concept des régions dans la Constitution, les nominations à la Cour suprême se font en quelque sorte selon le même principe. En fait, les membres du Cabinet sont eux aussi choisis selon cette règle, dans une certaine mesure.

Le sénateur Murray: Monsieur le président, les formules de modification ont été adoptées il y a 14 ans de cela. Je sais, Mme Dawson, que vous avez eu un rôle à jouer dans ce dossier pendant toutes ces années. Vous avez participé de près au processus touchant la Loi de 1982, les nombreuses modifications apportées à la Constitution en vertu de ces formules de modification, les Accords du lac Meech et de Charlottetown.

Afin d'avoir une meilleure idée des modifications qui seraient visées par le projet de loi C-110, j'ai posé au ministre des questions précises. Il a répondu à certaines d'entre elles. Pour ce qui est des autres questions, il en a pris note, comme nous disons dans notre jargon parlementaire. J'espère, toutefois, que vous pourrez répondre à certaines d'entre elles.

En résumé, le ministre a dit, si je ne m'abuse, que l'article 93 de la Loi de 1867, qui traite des écoles séparées de l'Ontario et du Québec, pourrait être modifié en vertu de l'article 43.

Je lui ai également posé une question au sujet de l'article 133 de la Loi de 1867, qui intéresse uniquement le Québec, c'est-à-dire la législature, ses archives, procès-verbaux et journaux et les documents émanant des tribunaux du Québec. Comme l'article 133 vise uniquement le Québec, pourrait-il faire l'objet d'une modification? De façon plus précise, est-ce que l'Assemblée nationale du Québec et le Parlement pourraient décider de supprimer, au moyen d'une modification, tout renvoi au Québec dans l'article 133?

Mme Dawson: Sans doute, oui.

Le sénateur Murray: En ce qui concerne le Sénat, j'ai posé quelques questions que le ministre a prises en note. Une d'entre elles portait sur les articles 26 et 27, qui traitent de la nomination d'un plus grand nombre de sénateurs. Si on voulait supprimer ces articles, s'il était souhaitable de faire une telle chose, s'agirait-il alors d'une modification à l'article 41 ou de quelque chose d'autre?

Mme Dawson: Les questions relatives au Sénat sont probablement les plus difficiles à résoudre dans la Constitution. Il est exact que le ministre a hésité à tenir des propos catégoriques au sujet du Sénat.

En ce qui concerne les modifications générales relatives au Sénat, comme l'abolition, qui est un exemple extrême, cela tomberait probablement sous le coup de l'article 41. C'est davantage en raison du contexte dans lequel se ferait la modification globale, qu'en raison des modifications précises dont nous parlons. La procédure de modification relative aux questions du Sénat, dont il est fait mention dans la Constitution, est exposée à l'article 42. C'est la raison pour laquelle il est si important de connaître les modifications particulières, ainsi que la proposition globale, avant de donner un avis sur la procédure de modification proprement dite.

Le sénateur Murray: J'ai fait mention en particulier des articles 26 et 27, qui traitent de la nomination de sénateurs supplémentaires et que le gouvernement Mulroney a invoqués en 1990, si vous vous en souvenez.

Mme Dawson: Je crois que ces articles prévoient l'étape du cabinet du Gouverneur général. Cela tomberait probablement sous le coup de l'article 42. C'est toutefois une question à laquelle il faudrait bien réfléchir, car elle pourrait en entraîner une autre au sujet du mandat du Gouverneur général. On ne peut donc pas y répondre catégoriquement, au pied levé.

Le sénateur Murray: Je m'intéresse au paragraphe 29(2) qui porte sur l'âge de la retraite des sénateurs. On s'y est conformé en 1965, soit avant la procédure de modification, bien sÛr. Cette mesure a été prise unilatéralement par le Parlement du Canada dans un discours à Westminster. Je ne pense pas que des consultations aient été tenues avec les provinces à ce sujet, bien que peut-être il y en ait eu.

Le sénateur Beaudoin: Ne s'agit-il pas simplement d'une loi fédérale?

Le sénateur Murray: C'est ce que je veux savoir.

Mme Dawson: A notre avis, cela tombe «probablement» sous le coup de l'article 44. Je tiens encore à souligner que tout cela entre dans le domaine des «probabilités», sénateur.

Le sénateur Murray: Je le comprends bien, mais parlons maintenant des articles 22 et 23 de la Loi de 1867, car je pense qu'ils sont importants. Ils stipulent qu'il faut avoir un sénateur pour chacun des 24 collèges électoraux du Québec. Le sénateur doit posséder sa qualification foncière ou être domicilié dans ce collège électoral. Ces dispositions qui ne s'appliquent qu'au Québec pourraient-elles être modifiées sans le consentement du Québec?

Mme Dawson: Personnellement, je ne le crois pas. Toutefois, il s'agit d'une question pour laquelle, je suis sÛre, vous obtiendrez des réponses différentes selon les personnes interrogées.

Je crois que dans le cas de certaines modifications, il faudra peut-être envisager deux procédures de modification qui se chevauchent, dont il faudra remplir les conditions.

Le sénateur Murray: Il s'agirait en règle générale du mode de révision 7-50, mais ne faudrait-il pas obtenir le consentement du Québec pour modifier les articles 22 et 23?

Mme Dawson: Oui. Là encore, c'est un point sur lequel il serait préférable de réfléchir au lieu de se prononcer rapidement. On retrouve certainement des conditions de résidence dans l'article 42 de la procédure de modification. L'article 43 fait également allusion au Québec. Comment concilier ces deux éléments, telle est la question. Je dirais qu'il faut privilégier l'un ou l'autre, ou les deux.

Le sénateur Murray: Si c'était les deux, on arriverait à la situation suivante: alors que sept provinces représentant 50 p. 100 de la population et le Parlement pourraient décider d'un Sénat élu, un Sénat ayant des pouvoirs différents mais un Sénat égal, le Québec aurait toujours 24 sénateurs.

Mme Dawson: C'est exact. Je dirais que cela relève de la compétence de juristes très spécialisés.

Le sénateur Murray: Nous allons entendre quelques spécialistes en temps et lieu et nous pourrons leur poser ces questions.

Vous pouvez refuser de répondre à la question suivante, si vous le souhaitez. Je ne sais plus si M. Rock a refusé d'y répondre parce qu'il voulait y réfléchir, ou parce qu'il ne voulait tout simplement pas s'en préoccuper. Je veux parler de l'avis de Gordon Robertson au sujet de la sécession d'une province.

Il est clair que le terme sécession signifie qu'une province quitte la Confédération. D'après M. Robertson, en l'état actuel des choses, il faudrait avoir recours à l'article 41 sur l'unanimité pour y parvenir.

Mme Dawson: En ce qui concerne la sécession, c'est au détail que l'on pourra juger. Il n'y a pas de disposition dans la Constitution qui traite expressément de la sécession d'une province. On pourrait donc être amené à penser que cela tomberait sous le coup de la procédure générale de modification, puisqu'il n'y a pas de disposition particulière à ce sujet.

Toutefois, si vous pensez à ce que pourrait entraîner une sécession, il est difficile d'imaginer pareille situation sans aborder certains des points énumérés à l'article 41, la disposition sur l'unanimité. On pourrait également prétendre que ce que représente la sécession est tellement fondamental qu'il est inutile de s'appuyer sur les éléments de l'article 41.

Il semblerait évident qu'une sécession mettrait en jeu le mode de révision 7-50, à tout le moins. Personnellement, j'ai du mal à imaginer comment l'on pourrait faire une proposition de sécession sans tomber sous le coup d'une disposition relative à l'unanimité. La proposition d'ensemble entrerait en ligne de compte quant au plan d'action qui serait décidé.

Le sénateur Murray: Au chapitre de la constitutionnalité du projet de loi C-110, le sénateur Beaudoin a soulevé plusieurs points. Je n'ai qu'une question à poser; l'obstacle créé par le projet de loi C-110 est le suivant: 7 provinces représentent non pas 50 p. 100 de la population, mais peut-être environ 90 p. 100. En matière de constitutionnalité, le fait que le projet de loi C-110 crée un obstacle plus important que le mode de révision 7-50 pose-t-il un problème?

Mme Dawson: Je ne le pense pas. C'est un obstacle différent. Il se peut que les 50 p. 100 ne soient pas complètement englobés dans les 92 p. 100, mais il se peut qu'ils le soient aussi. Je ne sais pas vraiment comment cela marche. Dans tous les cas, je ne crois pas que cela ait un effet sur la constitutionnalité.

Le sénateur Murray: Si, à la place du consensus régional en matière d'unanimité prévu dans le projet de loi C-110, le gouvernement avait présenté une version de l'entente du lac Meech, le projet de loi serait-il moins constitutionnel qu'il ne l'est actuellement?

Mme Dawson: Je ne le crois pas. Comme l'a dit le ministre Rock, c'est une étape de plus qui ne relève pas du domaine constitutionnel. C'est une étape supplémentaire que le gouvernement s'impose et je ne pense pas que les détails de cette étape aient d'effet sur la constitutionnalité.

Le sénateur Murray: Lorsque le ministre a comparu devant nous, il a été question de la «sous-location» du consentement dans les provinces maritimes. Avez-vous des lettres ou des documents portant sur pareille entente entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, d'une part, et l'Île-du-Prince-Édouard, d'autre part?

Mme Dawson: Non. D'après ce que je comprends, c'était une entente entre ces trois provinces.

Le sénateur Murray: Si vous étiez propriétaire d'une maison, que vous la louiez et que votre locataire la sous-louait, ne voudriez-vous pas savoir ce qui se passe?

Mme Dawson: Je crois que c'est en fait le résultat de la situation. Les provinces de l'Ouest peuvent faire le même genre de chose, sans pour autant signer d'accord à cet égard.

Le sénateur Murray: Cela pourrait donner lieu à énormément d'ennuis.

Mme Dawson: Les règles sont énoncées dans le projet de loi C-110. Elles seront respectées ou ne le seront pas. Qu'il y ait un accord entre l'Î.-P-É. et les autres provinces n'a, à mon avis, pas d'importance.

Le sénateur Murray: Supposons qu'une province en arrive à la conclusion que sa décision en matière de consentement dépend d'une consultation extérieure, ou supposons que l'Alberta, qui est l'intervenant principal dans la région des Prairies, annonce qu'elle serait prête à conclure une entente avec le gouvernement conservateur du Manitoba, mais pas avec le gouvernement néo-démocrate de la Saskatchewan, le gouvernement du Canada ne regarderait pas tout ceci d'un oeil désapprobateur?

Mme Dawson: Je ne le sais pas. Cela arrive constamment, autant que je puisse le voir et, même avec le mode de révision 7-50, cela peut se produire.

Le sénateur De Bané: J'aimerais d'abord dire au sénateur Andreychuk et au sénateur St. Germain que si le gouvernement fédéral et les provinces ont mis plus de 100 ans à trouver une procédure de modification, c'est parce que le gouvernement fédéral s'est opposé pendant longtemps au concept d'une procédure de modification supposant le consentement de chaque province.

Dans tous les pays du monde, une modification à la Constitution ne peut être apportée que si de rigoureuses conditions sont remplies. Si l'on dit que pour chaque point, il faut l'unanimité, il sera bien sÛr impossible de modifier la Constitution. C'est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral a résisté si longtemps et n'a pas accepté la règle de l'unanimité dans tous les cas, et c'est la raison pour laquelle, au bout du compte, tous les gouvernements se sont entendus au sujet de la proposition de Victoria en 1971.

Pour ce qui est de la sécession, je suggère respectueusement aux témoins qu'elle doit être légale avant de pouvoir se réaliser. Pour être légale, elle doit recueillir l'unanimité et ce, pour une raison précise.

Parlons franchement de la séparation du Québec. Deux millions et demi de personnes vont prendre une décision dont les répercussions extraordinaires se feront sentir sur le reste de la population, soit 30 millions d'habitants. Personne ne peut surestimer les conséquences de la séparation du Québec. La semaine dernière, le président de l'une des banques a fait mention de certaines de ces conséquences.

C'est à mon avis pour cette raison que l'unanimité est essentielle lorsqu'une province veut se séparer; elle ne peut se séparer à moins de le faire légalement. Sinon, ce serait un véritable chaos juridique.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, comme le ministre ne peut pas revenir, ne conviendrait-il pas de demander aux hauts fonctionnaires de revenir nous expliquer les questions juridiques qui pourraient être soulevées par suite de discussions qui auront lieu dans le cadre de nos audiences? Peut-être est-ce au comité directeur de régler cette question.

Le président: Le comité directeur doit se réunir et je soulèverai ce point à ce moment-là.

Le sénateur St. Germain: Pour en revenir à ces régions, peut-être que la nature politique de ma question vous empêchera d'y répondre en raison de vos fonctions, mais je ne veux pas non plus anticiper votre réponse.

Vous avez fait mention de la Cour suprême du Canada et de la régionalisation du Sénat. Toutefois, en cette période de changement, maintenant que la Colombie-Britannique s'est ajoutée, convenez-vous que nous modifions les conventions existantes entre ces autres organes? Le fait d'ajouter une nouvelle région modifie toute la situation en ce qui concerne les régions établies. La Saskatchewan et le Manitoba, en tant que régions individuelles, n'ont-ils pas les mêmes droits dans cette nouvelle situation que la Colombie-Britannique?

Mme Dawson: C'est une question politique plutôt que juridique. Je ne peux que répéter que la situation démographique du Canada est en train de changer. D'un point de vue politique, il semble légitime de demander si les groupes envisagés il y a 20 ou 30 ans conviennent toujours. Il s'agit toutefois de questions politiques et non juridiques.

Le sénateur St. Germain: Si ce projet de loi est adopté, pensez-vous qu'il pourra avoir des répercussions sur toute négociation future au sujet des préoccupations du Québec et du reste du Canada d'un point de vue constitutionnel?

Mme Dawson: La question de savoir si la C.-B. est une région se pose depuis plusieurs années. Beaucoup de questions se posent et beaucoup de suggestions sont faites à propos de la procédure de modification. Il ne faudrait pas surestimer l'impact d'une incursion particulière dans ce domaine. On y a sÛrement accordé une certaine crédibilité; toutefois, je ne pense pas que cela ait fermé de portes.

Le sénateur St. Germain: Je ne parle pas uniquement de la C.-B. Je parle de la question constitutionnelle dans son ensemble.

Mme Dawson: Beaucoup de suggestions ont été faites. Le gouvernement fédéral a pris part aux Accords du lac Meech et de Charlottetown, où il n'a pas été question de cette procédure particulière. Elle découle de diverses résolutions. Beaucoup de propositions sont faites actuellement et cela ne devrait pas nous empêcher d'envisager diverses autres options.

Le sénateur St. Germain: Si le projet de loi à l'étude donnait lieu à une modification constitutionnelle, quel effet cela aurait-il sur l'ajout de provinces? Par exemple, que se passerait-il si les territoires voulaient accéder au statut de province?

Mme Dawson: Ce serait une étape de plus à franchir. L'ajout de provinces relève de l'article 42, qui exige l'application de la formule 7-50. Le projet de loi s'y superposerait parce que les articles 41 et 43 et la disposition relative à la faculté de retrait n'entreraient pas en jeu. En termes pratiques, il influerait sur la façon dont le gouvernement du Canada procéderait à la modification. Il s'appliquerait.

Le sénateur St. Germain: En d'autres mots, si le projet de loi C-110 était constitutionnalisé, en principe, nous...

Mme Dawson: Je suis désolée; je croyais que vous parliez de ce qui se produirait si le projet de loi était adopté. En fait, vous vouliez savoir ce qui arriverait si le projet de loi C-110 venait à faire partie de la Constitution, n'est-ce pas?

Le sénateur St. Germain: Effectivement. Qu'adviendrait-il s'il se transformait en modification constitutionnelle?

Mme Dawson: Tout dépend de l'objectif qu'on veut atteindre. S'il s'appliquait à la Constitution comme le fait le projet de loi à l'étude, la procédure de modification constitutionnelle serait changée. Il faudrait désormais qu'une proposition ait l'appui de 92 p. 100 de la population ou je ne sais quoi encore.

Le sénateur MacEachen: Selon M. Rock, le Parlement du Canada aurait pratiquement le droit de s'opposer à une modification constitutionnelle. Je tiens pour acquis que le gouvernement imposera lui-même, grâce à cette loi du Parlement, des limites à l'exercice de ce droit. En d'autres termes, la possibilité qu'il exerce un droit de veto après que le projet de loi est adopté sera moindre.

Mme Dawson: Sauf qu'un droit de veto n'oblige pas à faire quoi que ce soit et que le Parlement ne serait toujours pas obligé d'agir, même si toutes les conditions précisées dans le projet de loi étaient remplies. En d'autres mots, si le gouvernement du Canada ne voulait pas d'une modification particulière, rien dans le projet de loi ne le force à agir, même si on a obtenu le consentement requis au sens du projet de loi C-110.

Le sénateur MacEachen: Je comprends. Pourriez-vous m'énumérer les domaines dans lesquels le gouvernement serait maintenant incapable d'agir en raison des restrictions qu'il s'est lui-même imposées?

Mme Dawson: Il serait «empêché» d'agir.

Le sénateur MacEachen: Vous dites qu'une loi du Parlement l'«empêcherait d'agir» dans ces domaines?

Mme Dawson: Exactement.

Le sénateur MacEachen: Actuellement, il pourrait agir dans ces domaines?

Mme Dawson: Oui. Le Parlement serait empêché de faire une modification aux termes de l'article 42 ou 38 auquel ne s'applique pas la faculté de retrait. En d'autres mots, il n'a pas inclus de règles concernant l'article 41 ou 43 parce que ceux-ci ne tombent pas sous le coup du projet de loi. Le paragraphe 38(3), soit la disposition relative à la faculté de retrait, n'est pas, lui non plus, visé par le projet de loi, ce qui laisse le reste de l'article 38, ainsi que l'article 42 en tant que champ d'activité où le gouvernement a limité son pouvoir d'action.

Le sénateur MacEachen: Pouvez-vous m'expliquer pourquoi on a décidé d'agir ainsi?

Mme Dawson: Oui. On a fait ces choix parce que l'article 41 (la règle de l'unanimité) confère déjà à chaque province un droit de veto. De plus, le paragraphe 38(3) prévoit un quasi-droit de veto, en ce sens qu'une province peut se soustraire à l'application d'une modification constitutionnelle visée à ce paragraphe. Ces dispositions sont déjà inscrites dans la Constitution afin de protéger toutes les provinces d'une modification constitutionnelle dont elles ne veulent pas.

Le sénateur MacEachen: En somme, il s'agit d'une sorte de pouvoir qu'avait le gouvernement fédéral et auquel il renonce désormais, n'est-ce pas?

Mme Dawson: Oui.

Le sénateur MacEachen: Cela veut-il dire que le gouvernement du Canada, par l'entremise du Parlement du Canada, a plus ou moins le même pouvoir que l'Ontario en matière de modification constitutionnelle? Est-il sur un pied d'égalité avec les provinces?

Mme Dawson: Non. Il s'est lui-même fixé cette limite qui, comme je l'ai souligné, ne lui impose pas d'obligation. Par contre, rien n'oblige le gouvernement fédéral à procéder à une modification, même si la proposition satisfait à tous les critères énumérés dans le projet de loi C-110. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris le sens de votre question.

Le sénateur MacEachen: Le gouvernement fédéral s'engage, dans le projet de loi, à ne pas exercer certains pouvoirs dont il dispose actuellement.

Mme Dawson: C'est cela.

Le sénateur MacEachen: On peut parler de «possibilités» ou de «pouvoirs», mais, à toutes fins pratiques, cela veut dire que le gouvernement fédéral en aura moins à sa portée lorsque le projet de loi aura été adopté.

Mme Dawson: C'est exact.

Le sénateur MacEachen: Le Parlement fédéral, s'il se conforme à la règle qu'il s'est lui-même imposé, aura moins de latitude.

Mme Dawson: Vous avez bien compris. Il s'agit d'une restriction qu'il s'est lui-même imposé.

Le sénateur MacEachen: Les pouvoirs du gouvernement fédéral seraient-ils inférieurs, égaux ou supérieurs à ceux de l'Ontario? Le gouvernement fédéral se trouve-t-il à se soumettre à la volonté d'une assemblée législative provinciale?

Mme Dawson: Il a certes limité son champ d'action par rapport à ce qu'il était auparavant. L'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique peuvent s'opposer à une modification et, de la sorte, l'empêcher de se réaliser.

Le sénateur MacEachen: Serait-il exact de dire que l'Assemblée nationale du Québec détient maintenant autant de pouvoir en ce qui concerne la Constitution que le Parlement du Canada?

Mme Dawson: Grâce à une loi parlementaire, dans les domaines visés par cette loi, oui.

Le sénateur MacEachen: Je suis au courant de ce qui se passe, mais j'aimerais que vous me disiez si, à votre avis, le Parlement du Canada jouit des mêmes pouvoirs que l'assemblée législative du Québec ou de l'Ontario - il s'est après tout imposé ces règles lui-même - ou s'il en a moins.

Mme Dawson: Il est difficile de répondre à cette question. Dans les domaines décrits, il a les mêmes pouvoirs, situation qu'il s'est lui-même imposée. La seule petite exception serait le paragraphe 38(3).

Le sénateur MacEachen: Les domaines décrits sont ceux où intervient le gouvernement fédéral.

Mme Dawson: Oui, et il se peut qu'il le fasse sans le consentement des provinces.

Le sénateur MacEachen: Effectivement.

Mme Dawson: Il s'impose des limites.

Le sénateur MacEachen: Il se trouve à faire le travail des provinces.

Mme Dawson: C'est cette idée d'égalité qui m'embête.

Le sénateur MacEachen: Le terme a un sens politique, et nous discutons de politique.

Mme Dawson: Il a nivelé le terrain de jeu par ses propres...

Le sénateur MacEachen: L'assemblée législative de l'Ontario détient maintenant autant, si ce n'est plus, de pouvoir en raison de ce à quoi le Parlement du Canada renonce volontairement. Que dis-je: «autant», «plus», «moins». Elle en a plus. Le sénateur Murray - qui est certes un expert - dit qu'elle en a plus. Le Québec détient plus de pouvoir que le Parlement du Canada, n'est-ce pas?

Mme Dawson: Je n'irais pas jusque-là.

Le sénateur MacEachen: Je sais pourquoi.

Mme Dawson: Le Parlement du Canada s'est imposé ses propres règles. Il est donc difficile de parler d'égalité.

Le sénateur MacEachen: Je considère que la question n'est pas vidée et que la réponse n'est pas concluante.

Le sénateur Murray: Si neuf provinces, plus le gouvernement du Canada, veulent apporter une modification, situation à laquelle s'applique le projet de loi, mais que l'Ontario s'y oppose, le gouvernement du Canada ne pourrait alors rien faire. En un certain sens, chaque région a le dessus sur le gouvernement du Canada.

Mme Dawson: L'astuce, c'est qu'il existe une différence entre le Parlement ou les assemblées législatives et le gouvernement. Le Parlement a imposé des limites à l'action du gouvernement, non pas à celle de la Chambre des communes et du Sénat.

Le sénateur MacEachen: Je comprends. Le gouvernement a recommandé que ces règles lui soient imposées, et le Parlement acceptera peut-être maintenant de le faire. Toutefois, en bout de ligne, la situation a tant changé que, si le Parlement accepte de s'imposer ces règles, il aura perdu une partie de son pouvoir d'action. Il l'aura cédé aux assemblées législatives provinciales.

Le sénateur Meighen: Jusqu'à ce qu'il décide du contraire.

Le sénateur MacEachen: Bien sÛr. Nous en avons déjà débattu. Je demande que l'on me corrige si je fais erreur.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez bien compris.

Le sénateur Meighen: Nul ne vous reprend.

Le sénateur Carstairs: Le sénateur MacEachen soulève un point fort intéressant. D'une part, on dit clairement dans le projet de loi que le gouvernement se limite dans l'exercice de son droit de veto. Nous aurons moins de pouvoir qu'auparavant, à condition que le Parlement adopte cette loi. D'autre part, nous conservons toujours notre droit de veto. Si, par exemple, les dix provinces souhaitaient apporter une modification que le gouvernement fédéral ne veut pas effectuer, celui-ci peut encore exercer son droit de veto pour ne pas déposer la loi devant la Chambre des communes et le Sénat, ce qui signifie que la loi n'entrerait pas en vigueur. C'est l'éternelle question de l'oeuf ou de la poule, n'est-ce pas? Nous avons affirmé être d'accord avec le principe de l'égalité; par contre, nous ne jetons pas le bâton, au cas où nous en aurions besoin.

Mme Dawson: C'est exact. Nous nous servons de notre droit de veto en réponse aux souhaits d'autres personnes qui désirent empêcher l'adoption d'une certaine proposition. On ne peut, toutefois, ignorer le fait que les restrictions sont imposées au gouvernement, non pas au Parlement. Il faut établir une distinction ici, et il en existe une en ce qui concerne cette question d'égalité et le maintien de notre superpouvoir de veto, en dépit du consentement de tous les autres.

Le sénateur MacEachen: Pour ce qui est de ce superpouvoir de veto, le sénateur Carstairs a fait valoir que, peu importe ce qui arrive, nous pourrions toujours intervenir. Cependant, si nous agissions ainsi dans certains domaines, il faudrait que nous modifiions le projet de loi C-110.

Mme Dawson: Vous avez raison.

Le sénateur Murray: C'est-à-dire dans la mesure où le gouvernement est visé. Supposons que huit ou neuf provinces s'entendent pour faire une modification. Si elles n'y consentaient pas, un ministre ne pourrait déposer une motion de résolution devant la Chambre des communes, mais supposons que cette motion soit déposée devant le Sénat. Une résolution visant à modifier la Constitution provenant du Sénat est transmise à la Chambre des communes. Elle n'a pas besoin d'être déposée par un ministre. Elle est transmise et inscrite au Feuilleton. Y avez-vous songé?

Mme Dawson: Je suis consciente de cette possibilité. À cette question, il faut répondre que la mesure législative à l'étude part du principe que le gouvernement n'appuiera pas la résolution. Le gouvernement a habituellement le pouvoir de décider si la résolution doit être adoptée ou pas à la Chambre.

Le sénateur MacEachen: D'accord, mais cela ne tient plus si le gouvernement est minoritaire. J'en ai vu plusieurs défiler au Parlement.

Mme Dawson: C'est un grand obstacle au dépôt d'une motion de résolution par le gouvernement.

Le sénateur Andreychuk: Le gouvernement limite l'exercice de son pouvoir, et il le fait parce qu'il croit agir dans le meilleur intérêt d'une cause particulière. Si une partie lésée estime que le gouvernement ne devrait pas limiter son mandat constitutionnel, de quel recours dispose-t-elle?

Mme Dawson: Si le gouvernement estime qu'il ne devrait pas respecter les exigences du projet de loi?

Le sénateur Andreychuk: Non, pas le gouvernement. Si une partie de la population croit que le gouvernement n'exerce pas bien les pouvoirs que lui confère la Constitution à cause du projet de loi C-110, que peut-elle faire?

Mme Dawson: Comme toute autre mesure législative qui n'a pas l'appui de la population, il faudra tôt ou tard l'abroger. C'est le processus qui est en jeu ici. La loi serait maintenue jusqu'à ce qu'un gouvernement décide de l'abroger.

Le sénateur Andreychuk: Ne pourriez-vous pas invoquer la Constitution pour obliger le gouvernement à exercer ses pleins pouvoirs, en arguant que celle-ci l'emporte sur le projet de loi C-110?

Mme Dawson: La procédure habituelle consisterait à d'abord abroger la loi.

Le sénateur Beaudoin: J'aimerais revenir à une question posée plus tôt ce matin par le sénateur MacEachen. Il a en effet demandé au ministre de la Justice ce qu'il adviendrait si un ministre de la Couronne, pour une raison quelconque, passait outre au projet de loi C-110 et faisait adopter une résolution autorisant une modification de la Constitution. Une telle situation a peut-être peu de chances de se produire mais, en théorie, elle pourrait survenir. Je pense qu'en pareil cas nous appliquerions tout simplement le paragraphe 52(3) de la Loi constitutionnelle de 1982, selon lequel:

La Constitution du Canada ne peut être modifiée que conformément aux pouvoirs conférés par elle.

Le ministre de la Justice affirme qu'il ne s'agit pas d'une modification constitutionnelle mais bien d'une loi. Supposons qu'un ministre enfreint le projet de loi C-110. Il nous faudrait peut-être alors invoquer l'article 52 qui précise que la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada. Ce n'est pas le Parlement qui est suprême, c'est la Constitution et celle-ci rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

Je suis porté à dire que, dans une situation de ce genre, le projet de loi C-110 serait déclaré incompatible avec la Constitution. Dans ce cas...

Le sénateur MacEachen: Sénateur, si je peux me permettre de vous interrompre, je crois que le C-110 aura force de loi et prévaudra jusqu'à ce qu'une modification constitutionnelle soit adoptée. Si le projet de loi C-110 devient loi fédérale, une modification constitutionnelle proposée par un ministre n'aurait, comme toute autre loi, aucune valeur tant qu'elle ne serait pas promulguée, et ce n'est qu'à ce moment que l'article modifié entrerait en vigueur. Sinon, on la rejetterait.

Le sénateur Beaudoin: Qui la rejetterait?

Le sénateur MacEachen: Le Président ou un gouvernement bien avisé.

Le sénateur Beaudoin: J'ai souvent soulevé cette question au Sénat et le Président m'a chaque fois répondu que nous n'avons pas à nous prononcer sur la légalité ni sur la constitutionnalité d'une mesure.

Le sénateur MacEachen: Nous pourrons nous prononcer sur la procédure utilisée.

Le sénateur Beaudoin: Supposons qu'un ministre passe outre au projet de loi C-110 en proposant une résolution et que la modification est adoptée, à l'encontre de ce que prévoit le projet de loi.

Le sénateur MacEachen: Le processus aura été dénaturé.

Le sénateur Beaudoin: Dénaturé de quelle façon?

Supposons que nous adoptons la modification et qu'un simple citoyen se présente devant les tribunaux pour en contester la constitutionnalité et nous accuser d'avoir enfreint une loi. À mon avis, les tribunaux jugeront que le projet de loi C-110 n'est qu'une loi et non une modification constitutionnelle.

Le sénateur MacEachen: Si une résolution se rend à cette étape, si un ministre parvient à faire adopter une modification constitutionnelle, il a réussi un tour de force. Il a détourné le Parlement de son devoir.

Le sénateur Beaudoin: À cet égard, le projet de loi est inopérant parce que la Constitution prévaudra.

Le sénateur MacEachen: La situation dont vous parlez est vraiment très hypothétique.

Le sénateur Beaudoin: De telles situations se sont produites à quelques reprises au cours de notre histoire.

Mme Dawson: Je ne sais pas trop à quelle question je dois répondre, mais je peux dire que, à mon avis, le projet de loi passera le test de la constitutionnalité. Il ne serait pas annulé aux termes de l'article 52, parce qu'il est compatible avec la Constitution du Canada. Il interdit aux ministres, et non à la Chambre des communes ou au Sénat, de présenter des résolutions. Il vise le gouvernement et, comme le ministre Rock l'a affirmé plus tôt ce matin et comme plusieurs d'entre vous l'avez remarqué, si un ministre va de l'avant et présente une telle résolution, on pourrait le traîner devant les tribunaux et faire reconnaître qu'il n'a pas agit conformément à cette loi.

Le sénateur MacEachen: La disposition comporte une lacune grave, parce qu'il suffirait au gouvernement de demander à un simple député ou à un sénateur de présenter un projet de loi. Vous avez dit que cette disposition s'appliquait aux ministres.

Le sénateur St. Germain: Le libellé précise bien qu'un ministre ne peut déposer une telle motion.

Le sénateur Beaudoin: Je le reconnais. Il s'agit d'une suggestion très intéressante. Supposons qu'un sénateur, qui n'est aucunement lié par le projet de loi C-110, présente une telle résolution au Sénat. Ou supposons qu'un député la présente à la Chambre des communes dans le cadre d'un projet de loi d'initiative parlementaire.

Le sénateur Carstairs: Il est plutôt rare qu'un projet de loi d'initiative parlementaire soit adopté à la Chambre ou au Sénat.

Le sénateur Beaudoin: Je répondrais alors au sénateur MacEachen que, strictement parlant, il n'y a à tout le moins pas d'infraction à la loi si la mesure est présentée par un sénateur ou un simple député.

Je n'ai pas été membre du Cabinet, mais il est difficile d'imaginer que le gouvernement ne participerait pas à la présentation d'une résolution autorisant une modification de la Constitution du Canada, et sur laquelle les deux chambres auraient à se pencher.

Le sénateur MacEachen: Le gouvernement pourrait toujours s'y opposer si la résolution ne lui convenait pas. Si celle-ci était présentée au Sénat et se rendait à la Chambre des communes, le gouvernement pourrait serrer les rangs et défaire la résolution. Si elle ralliait une minorité des députés, elle pourrait tout de même être défaite malgré tous leurs efforts. Elle aurait toutefois été présentée dans les règles, n'est-ce-pas?

Le sénateur Murray: Un sujet, assez important, qu'il faut aborder concerne les diverses dispositions constitutionnelles relatives aux Autochtones. Lorsque vous avez témoigné devant le comité de la Chambre des communes, vous avez dit avoir l'impression, si je ne m'abuse, que ces dispositions faisaient probablement partie des exemptions prévues dans le projet de loi C-110 et qu'il vous faudrait réfléchir davantage à la question.

Nous entendrons sous peu des représentants d'organisations autochtones qui proposeront peut-être encore une modification en ce sens. Avez-vous déterminé si les articles des lois constitutionnelles de 1867 et 1982 étaient ou non assujettis au projet de loi C-110?

Mme Dawson: Je ne me souviens pas tout à fait du contexte, mais on m'avait probablement demandé si, advenant le cas où d'autres droits autochtones seraient proposés, ces droits seraient visés par le projet de loi. J'ai dû répondre que, comme le paragraphe 38(3) prévoit que les provinces peuvent exprimer leur désaccord pour tout ce qui déroge aux droits ou pouvoirs d'une assemblée législative provinciale, le projet de loi ne viserait pas ces circonstances particulières. Par contre, s'il s'agissait d'une diminution quelconque de pouvoirs, le projet de loi s'appliquerait; tout dépend du contenu de la modification.

Le sénateur Murray: Vous avez pris connaissance de la modification qui a été proposée, n'est-ce-pas?

Mme Dawson: Oui. Il y a eu une certaine confusion, car le document que j'avais devant moi ne correspondait pas à celui des membres du comité. Ce que j'ai pu dire dans ce contexte doit donc être considéré avec circonspection. Je crois toutefois que toutes les interventions allaient dans le même sens. La situation était quelque peu confuse.

Le sénateur Murray: Nous devrons peut-être revenir à cette question après avoir entendu les représentants autochtones.

Le président: Madame Dawson, votre ministère pourrait-il se tenir au courant de ce qui se déroule devant notre comité afin de pouvoir ultérieurement répondre aux questions qui nécessiteraient de plus amples explications?

Mme Dawson: Oui. Si je ne me trompe, vous envisagez comme date le 30 janvier prochain.

Le président: Oui.

Honorables sénateurs, nous reprendrons nos travaux à 14 heures.

La séance est levée jusqu'à 14 heures.

Reprise des travaux, à 14 heures.

Le président: Notre premier témoin cet après-midi est M. Peter White. Conformément à notre pratique, M. White, nous entendrons d'abord vos remarques préliminaires, puis nous aurons des questions à vous poser.

M. Peter White , Conseil pour l'unité canadienne: Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et vous remercie de m'avoir donner cette occasion.

Je vais commencer par faire quelques brèves remarques au sujet de la discussion de ce matin concernant la procédure de modification en général, spécialement dans le contexte de la conférence de 1997. Comme dans toutes les questions constitutionnelles, nous devrions essayer de nous entendre sur les principes de base avant d'essayer de nous entendre sur les détails.

Le sénateur Carstairs: Je n'aime pas devoir vous interrompre, M. White, mais je croyais que notre Règlement interdisait la présence de caméras de télévision dans la salle du comité.

Le sénateur St. Germain: Elles y étaient présentes ce matin.

Le sénateur Carstairs: Oui, mais elles ont quitté la salle avant que le témoin ne prenne la parole.

Le président: Vous avez raison, sénateur Carstairs. Le chef de l'opposition, le sénateur Lynch-Staunton, a demandé au leader du gouvernement au Sénat si on pouvait permettre la présence de caméras de télévision durant les audiences. Cela aurait nécessité le consentement des deux côtés. Autrement, il aurait fallu un ordre du Sénat, mais il n'y en a pas. Dans ces circonstances, les caméras de télévision doivent sortir.

Le sénateur St. Germain : Ce que vous dites, monsieur le président, c'est que le gouvernement refuse que cette question importante soit exposée, par le truchement de la télévision, aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays.

Le sénateur Carstairs: Ce n'est que ce qu'il a dit, sénateur St. Germain. Si vous pensez que je vais vous laisser passer cela, vous vous trompez.

Le sénateur St. Germain : C'est ce que vous avez fait. Si ce n'est pas le cas, dites-le.

Le sénateur Carstairs: Qui ne risque rien n'a rien.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce que cela sera consigné au compte rendu, monsieur le président?

Le sénateur Gauthier: S'il en est ainsi, je veux, moi aussi, avoir mon mot à dire.

Le président: Voici ce qu'il en est. Selon le Règlement du Sénat, la couverture des délibérations des comités par les caméras de télévision nécessite l'adoption d'un ordre à cet effet. Le Sénat n'a adopté aucun ordre à cet effet lorsque ce comité a été formé. Toutefois, le bureau du greffier a avisé le comité que, si les leaders des deux côtés acceptaient que les délibérations du comité soient télédiffusées, cette décision serait valide, c'est-à-dire que, s'il y avait unanimité des deux côtés, la décision pourrait alors être confirmée plus tard par le Sénat.

Le sénateur MacEachen: Ce serait tout à fait contraire au Règlement. Je crois que la personne au bureau du greffier qui a donné ce conseil, qui qu'elle soit, a débordé les limites de sa compétence. C'est une autre façon de dire que le leader du gouvernement au Sénat a empêché la télédiffusion des délibérations. C'est absolument faux.

Le sénateur Gauthier: C'est ce que le sénateur St. Germain a dit. Puis-je ajouter quelque chose à cette intéressante conversation? En effet, il n'existe dans le moment aucune disposition qui permette la télédiffusion de nos délibérations. Premièrement, nous n'avons pas les installations nécessaires dans cette salle, à moins d'y faire entrer les caméras de télévision pour filmer le sénateur St. Germain en train de dormir, par exemple, pendant que nous parlons de ce sujet de la plus haute importance. Je ne crois pas que nous voulions cela.

L'ordre exige une certaine discipline, et il faut d'abord établir cette discipline. À ce que je sache, nous n'avons pas de salle équipée de tout le matériel technique et du système d'éclairage nécessaires pour télédiffuser les délibérations de notre comité. Si la diffusion de nos délibérations doit se faire au moyen du hansard, qu'il en soit ainsi, mais qu'on ne fasse pas les choses à moitié en permettant à des caméras de télévision de venir filmer n'importe quoi ici.

Il est juste de signaler que nous n'avons pas d'ordre du Sénat à cet effet. J'admets que c'est un oubli parce que j'aurais aimé que les audiences soient télédiffusées. Cependant, nous n'avons pas cette possibilité dans le moment parce que nous n'avons pas d'ordre du Sénat à cet effet.

Le sénateur St. Germain: Dans le passé, certaines audiences du Sénat ont été télédiffusées. Nous aurions pu utiliser d'autres installations, par exemple des installations de la Chambre des communes, si nous avions vraiment voulu que ces audiences reçoivent la couverture médiatique qu'elles méritent à mon avis. Peu importe qui est responsable de la situation actuelle, je crois qu'une telle couverture est importante. Beaucoup de Canadiens suivent ces événements de très près depuis le référendum d'octobre.

Le sénateur Gauthier: Absolument.

M. White: Ce n'est certainement pas le témoin qui se plaindra de l'absence de caméras de télévision.

Une formule de modification bien conçue vise deux objectifs. Premièrement, elle doit permettre des modifications qui sont désirées d'une façon générale ou qui servent l'intérêt général. Deuxièmement, elle doit empêcher les modifications pouvant porter atteinte aux intérêts de toute partie à la Constitution, à moins que la partie concernée n'y consente.

Nous devrions être très prudents au sujet de l'imposition de la règle de l'unanimité. Il ne faut pas oublier qu'il n'y aucun lien nécessaire ou logique entre l'obligation d'obtenir l'unanimité, d'une part, et l'obligation d'obtenir le consentement de la partie concernée, d'autre part. Malheureusement, on parle souvent de veto pour désigner ces deux procédures très différentes, ce qui tend à créer de la confusion dans le débat public.

Il y a une énorme différence entre le droit d'une partie d'opposer son veto à toute modification, même si cette dernière ne porte pas atteinte à ses intérêts vitaux - ce que M. Manning, entre autres, semble croire que le Québec pourrait faire par pure malveillance - et le droit d'une partie d'opposer son veto à une modification qui porte atteinte à ses propres intérêts vitaux, que ne partagent pas d'autres parties. Il est nécessaire de clarifier ces deux emplois du mot «veto», un bon, un mauvais.

La règle de l'unanimité a parfois été proposée - de façon peu judicieuse, à mon avis - comme moyen de donner à chacune des parties un droit de veto sur des questions qui sont essentielles pour elles, mais qui ne le sont peut-être pas pour les autres. Cela tend à engendrer la paralysie constitutionnelle. Une meilleure approche consiste à exiger que toute modification pouvant porter atteinte aux intérêts vitaux d'une partie reçoive le consentement de la partie concernée.

L'unanimité n'est utile que si chaque partie est déjà entièrement satisfaite de la Constitution et qu'il ne reste plus aucune question à régler. Elle pose cependant des problèmes si une ou plusieurs parties veulent des changements et que les autres n'en veulent pas.

Je crois qu'il serait utile que les onze gouvernements du Canada définissent publiquement les intérêts qu'ils estiment essentiels pour chacun d'eux et qu'ils voudraient voir protégés, à moins qu'ils ne consentent à une modification. Cela pourrait se faire avant 1997.

Il devrait peut-être y avoir une procédure de modification distincte pour les questions touchant la langue, l'autonomie gouvernementale, ainsi que les droits culturels et les droits de représentation des deux minorités nationales historiques du Canada. On doit établir clairement qui a le droit de parler au nom de chaque minorité nationale du Canada et de représenter ses intérêts dans les affaires constitutionnelles.

Je vais maintenant lire la déclaration que vous avez, je crois, et nous pourrons ensuite passer aux questions. J'ai également distribué plus tôt un autre document intitulé «Comment éviter la scission du Canada», auquel je ne ferai pas référence.

Le Canada est actuellement confronté à une grave crise, mais il y a aussi une belle occasion qui s'offre à lui. Si nous voulons saisir cette occasion, le leadership est crucial. La Confédération des quatre premières provinces en 1867 n'aurait pu se concrétiser sans le leadership éclairé et déterminé de John A. Macdonald et Georges-Étienne Cartier, avec la collaboration de George Brown et d'autres leaders provinciaux. Aujourd'hui, sans un leadership semblable capable de s'opposer au nom du Canada au leadership ferme et déterminé de ceux qui veulent détruire notre pays, le Canada ne survivra pas. Sans un tel leadership, l'occasion qui s'offre à nous sera perdue et ne se présentera plus jamais.

Le leadership devrait venir des gouvernements élus du Canada, spécialement de nos premiers ministres. Cependant, la Constitution donne au Sénat du Canada la possibilité de jouer un rôle indépendant s'il le juge nécessaire dans les circonstances. Le paragraphe 46(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 permet au Sénat d'entreprendre, de sa propre initiative, des procédures pour modifier la Constitution. Je crois que le Sénat devrait envisager sérieusement cette possibilité si la Chambre des communes et les assemblées législatives provinciales n'agissent pas rapidement, ou si leurs actions sont jugées insuffisantes, car une forme quelconque de modification constitutionnelle sera nécessaire tôt ou tard pour préserver l'unité du Canada. Il faudra du temps pour en arriver à un consensus au sujet des propositions relatives à une telle modification.

Pour éviter la scission du Canada, il est essentiel de reconnaître et de respecter pleinement, au sein de la Confédération, les droits linguistiques légitimes des membres de la minorité nationale francophone partout au Canada, et particulièrement au Québec, et leurs besoins légitimes en matière d'autonomie gouvernementale. La seule façon de convaincre la plupart des francophones du Québec que leurs droits linguistiques et leurs droits en tant que peuple seront pleinement reconnus et respectés au sein du Canada, c'est de constitutionnaliser ces droits afin qu'ils ne puissent pas être diminués ou altérés par la majorité sans le consentement de la minorité.

Si la question centrale qui déterminera la survie du Canada est la reconnaissance, le respect et la protection des droits égaux de la minorité francophone dans ce pays, nous devons reconnaître que cela ne peut se faire de façon efficace que par des lois et que, pour assurer une véritable protection, ces lois doivent être constitutionnalisées. Cette protection est illusoire et de peu de valeur si ces lois peuvent être changées sans le consentement de la minorité dont elles visent à protéger les droits. C'est en grande partie pour cette raison que le régime fédéraliste a été adopté en 1867 avec sa façon unique de répartir et de consacrer les pouvoirs souverains dans la Constitution et sa capacité unique de constitutionnaliser les droits essentiels de la minorité. Par conséquent, l'obligation d'obtenir le consentement de la minorité avant de faire toute modification est une caractéristique essentielle de toute Constitution canadienne viable.

Le projet de loi C-110, bien qu'il représente nettement un pas dans la bonne direction, ne reconnaît pas de façon adéquate ce fait essentiel parce qu'il ne consigne pas dans la Constitution l'obligation d'obtenir le consentement de la minorité avant de faire toute modification constitutionnelle qui pourrait porter atteinte à ses intérêts vitaux. La formule actuelle de modification de la Constitution du Canada prévoit, à l'article 38, une procédure générale permettant de modifier la Constitution sans le consentement de l'Assemblée nationale du Québec, sauf dans les cinq cas énumérés à l'article 41, qui nécessitent le consentement unanime, tout en consacrant le droit d'une assemblée législative provinciale d'empêcher certaines modifications précises d'entrer en vigueur dans cette province.

De plus, le paragraphe 42(1) énumère six questions précises à l'égard desquelles la Constitution peut être modifiée sans que cela ne nécessite une résolution de l'Assemblée nationale du Québec autorisant de telles modifications. Vous savez tous quelles sont ces questions. Je ne les lirai pas. Il est clair que certaines d'entre elles sont vitales à la position du Québec au sein du Canada et à la position des francophones au sein de la Confédération.

Comme l'Assemblée nationale du Québec est la seule, parmi les onze assemblées législatives du Canada ayant le pouvoir constitutionnel d'adopter une résolution de modification, dont l'électorat et la population sont majoritairement francophones, cela veut donc dire qu'elle est la seule assemblée législative sur laquelle les francophones peuvent compter de façon certaine pour représenter leurs intérêts vitaux relativement à ces questions. Par conséquent, en ce qui concerne ces six questions et peut-être d'autres aussi, il est aujourd'hui possible de modifier la Constitution sans le consentement de la minorité nationale francophone du Canada, même si une telle modification pourrait porter atteinte à ses intérêts légitimes en tant que partenaire dans la Confédération. Cela ne respecte manifestement pas l'obligation d'assurer la protection constitutionnelle inviolable des droits essentiels de la minorité nationale francophone du Canada et de l'Assemblée nationale du Québec.

Du point de vue des droits linguistiques et des possibilités d'autonomie gouvernementale des membres des deux plus grandes minorités nationales du Canada, notre pays est aujourd'hui extrêmement asymétrique et inégal, encore plus qu'en 1867. Il est donc intrinsèquement instable. En 1867, une des quatre provinces était majoritairement francophone. Aujourd'hui, il y en a une sur dix. En 1867, les francophones représentaient environ un tiers de la population canadienne et détenaient environ un tiers des sièges à la Chambre des communes et au Sénat. Aujourd'hui, la proportion est d'environ un quart dans chaque cas. Comme en 1867, les droits à l'autonomie gouvernementale pour les membres de la minorité nationale francophone du Canada existent seulement au Québec. Par conséquent, seuls les francophones qui résident au Québec peuvent bénéficier de ces droits. En outre, les pleins droits linguistiques des francophones ne sont reconnus qu'au Québec. Par cela, j'entends que, bien que les lois du Nouveau-Brunswick reconnaissent ces droits, les francophones du Nouveau-Brunswick n'ont pas le même droit que les Québécois à l'autonomie linguistique.

Nos arrangements constitutionnels ont donc eu pour effet de perpétuer et d'aggraver une situation de déséquilibre, d'inégalité et d'asymétrie, où les francophones peuvent jouir des pleins droits linguistiques et du droit à l'autonomie linguistique dans une seule province et ce, en dépit de leurs nombreuses tentatives, depuis 1867, pour parvenir à la pleine égalité linguistique partout au Canada. Ces arrangements ont amené beaucoup de francophones québécois à conclure qu'ils n'auront jamais une égalité, une reconnaissance et un respect entiers au sein du Canada et à l'extérieur du Québec, et que leur seul espoir de sécurité et d'autonomie linguistiques réside dans un Québec indépendant, malgré les risques et les coÛts énormes qu'entraînerait l'indépendance.

Le seul moyen de rétablir la stabilité de la Confédération est de supprimer, ou du moins de réduire grandement, l'asymétrie et l'inégalité dans ces domaines de la Constitution du Canada. Pour ce faire, la Constitution doit reconnaître que les populations francophones du Canada forment une minorité nationale à l'intérieur du Canada et que, à ce titre, elles ont le droit à une pleine égalité linguistique partout au Canada, et aux droits à l'autonomie, au Québec et ailleurs, qu'elles jugent essentiels à la protection et à la promotion de leur langue et de leurs intérêts en tant que peuple au sein du Canada. Jusqu'ici, le reste du Canada n'a pas su accepter ces mesures constitutionnelles essentielles.

Si le Canada est démantelé, ce sera en grande partie en raison du refus des non-francophones du Canada de reconnaître et de respecter les droits et les besoins légitimes des francophones du Québec et d'ailleurs au Canada. Bien que certains changements de fond s'imposent, des déclarations de principe et des gestes symboliques sincères sont tout aussi importants, parfois même plus. Un de ces gestes des plus importants et des plus efficaces pour convaincre les francophones qu'ils sont vraiment les bienvenus partout au Canada serait la déclaration en temps opportun, par les assemblées législatives provinciales, selon laquelle le français et l'anglais sont les langues officielles dans chaque province, notamment en Ontario, où résident un demi- million de francophones qui représentent la plus vaste minorité francophone de toutes les provinces au Canada.

Nous ne pouvons pas continuer de faire reposer en grande partie sur le territoire les droits linguistiques des francophones et leurs droits connexes à l'autonomie, comme le fait actuellement la Constitution du Canada. Dans la mesure du possible, ces droits doivent être égaux à ceux des anglophones, partout au Canada. Toute discrimination constitutionnalisée par l'État contre les francophones canadiens doit cesser.

À cette fin, je propose que nous envisagions de rédiger un nouveau préambule à la Constitution du Canada, exposant les attributs fondamentaux sur lesquels reposent notre pays et notre Constitution. Le projet de préambule s'inspire pour une grande part des éléments existants de la Constitution, ou rend explicites ce que j'estime être des principes implicites qui devraient être clairement énoncés, pour que tous les Canadiens les comprennent. Le préambule se divise en six parties: les principes de base du Canada, les deux langues officielles du Canada, les deux communautés nationales et historiques minoritaires du Canada, les minorités provinciales et territoriales, la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que la péréquation et les inégalités régionales.

Enfin, je propose un nouveau paragraphe 16(4) de la Charte concernant le droit fondamental à la liberté de choix en ce qui concerne les questions liées aux langues officielles du Canada, sous réserve de la disposition actuelle de la Charte portant sur les limites raisonnables.

Proposition de préambule à la Constitution du Canada Déclaration des attributs fondamentaux du Canada

La première partie est extraite des Lois constitutionnelles, sauf les parenthèses carrées.

[I Les principes de base du Canada]

[Le Canada est] une union fédérale de provinces, [qui forment] une seule et même puissance sous la couronne; [il] est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté de droit, [ainsi que le désir des citoyens et des peuples du Canada de vivre ensemble dans l'égalité et le respect les uns des autres, sous une constitution de forme fédérale qui distribue les pouvoirs de gouvernement, pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada].

La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; [elle] ne peut être modifiée que conformément aux pouvoirs conférés par elle.

[II Les deux] langues officielles du Canada

Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada, [et] de la législature et du gouvernement [de toute province et territoire où la loi le prévoit].

Un nouveau paragraphe vient s'ajouter:

Le Parlement du Canada et les législatures des provinces et des territoires ont le droit et la responsabilité de protéger et de promouvoir les deux langues officielles, ainsi que les institutions y reposant, partout au Canada.

III Les deux communautés nationales historiques et minoritaires du Canada

La Constitution du Canada est fondée sur des principes qui reconnaissent (a) la présence au Canada de membres de deux communautés nationales historiques qui se trouvent en position minoritaire au Canada: les peuples autochtones du Canada, et les peuples francophones du Canada; (b) les droits inhérents à l'auto-gouvernement des membres des minorités nationales du Canada, ainsi que leurs autres droits, tous tels que reconnus dans la Constitution du Canada; et (c) le besoin, afin que ces droits puissent bénéficier d'un statut égal aux droits équivalents des autres Canadiens, qu'ils soient enchâssés dans la Constitution du Canada de sorte qu'ils ne puissent être modifiés sans le consentement démocratique des membres de la minorité concernée.

La Constitution du Canada reconnaît à l'Assemblée nationale du Québec, seule législature souveraine au Canada dont l'électorat se compose majoritairement de membres de la minorité nationale francophone du Canada, un droit et une responsabilité particuliers d'appuyer et de promouvoir la langue française et les institutions francophones au Québec comme au Canada, ainsi que les droits constitutionnels et le bon gouvernement des membres des peuples francophones du Canada en général.

La Constitution du Canada reconnaît à l'Assemblée législative du Nunavut, seule législature au Canada dont l'électorat se compose majoritairement de membres des peuples autochtones du Canada, un droit et une responsabilité particuliers d'appuyer et de promouvoir les droits constitutionnels et le bon gouvernement des membres des peuples autochtones du Canada en général.

IV Les minorités provinciales et territoriales

Et le Parlement du Canada et chaque législature provinciale et territoriale du Canada a le droit et la responsabilité de promouvoir et de protéger les droits constitutionnels et le bon gouvernement des membres des minorités de langue officielle et des peuples autochtones du Canada dans la province ou le territoire concerné.

Je ne ferai pas la lecture des deux derniers paragraphes. Il s'agit simplement d'extraits de la Loi constitutionnelle, sauf les parenthèses carrées, qui, dans le premier cas, visent uniquement des fins de rédaction; dans le deuxième cas, j'ai ajouté au paragraphe concernant la péréquation et les inégalités régionales un dernier passage qui traite de l'utilisation de la langue officielle au choix du récipiendaire.

Enfin, je propose un nouveau paragraphe<#0103>16(4) de la Charte canadienne des droits et libertés qui, je le répète, serait assujetti à la disposition générale de limitation de la charte.

Partout au Canada où des services semblables d'une ou de plusieurs institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada, ou de la législature ou du gouvernement d'une province ou d'un territoire, sont disponibles en anglais et en français, chaque personne a le droit de choisir de temps à autre la langue officielle dans laquelle elle désire recevoir ces services.

[Français]

Le sénateur Rivest: Je vous remercie de la contribution apportée par les articles et les commentaires que vous avez formulés à la suite du référendum. Cela a été reçu, au Québec et dans les milieux fédéralistes et souverainistes, avec beaucoup d'intérêt. On a compris qu'il y avait une volonté de votre part d'apporter une contribution et un leadership qui corresponde à la gravité de la situation constitutionnelle que l'on connaît, puisqu'il s'agit de l'existence même du pays qui est le nôtre.

Dans votre présentation, vous insistez, avec raison, sur l'égalité des deux grands groupes linguistiques et culturels qui ont été à l'origine de notre pays, avec l'apport des autochtones et des Canadiens d'autres origines, qui en constituent le tissu. Il y a quand même la dualité linguistique.

Vous vous souviendrez que le premier ministre Mulroney et ses collègues avaient faits des efforts dans l'Accord du lac Meech et l'Accord de Charlottetown, pour faire de cette dualité linguistique une des caractéristiques fondamentales du pays reconnue constitutionnellement. Dans la Charte, il y a certaines dispositions qui garantissent l'avenir linguistique, et cela m'apparaît fondamental.

Ce matin, le ministre de la Justice, à l'intérieur même du projet de loi, a laissé la porte ouverte pour que les amendements constitutionnels futurs puissent être adoptés, soit par des décisions du Parlement du Canada ou des législatures de chacune des provinces, ou que la procédure référendaire, c'est-à-dire l'appel directement au peuple, ne soit pas exclue. Il n'a pas voulu aller plus loin, mais son projet de loi, en ne définissant pas les mots Québec, Ontario, Colombie-Britannique, nous laisse des interrogations.

Votre préoccupation centrale est à l'effet que des amendements constitutionnels doivent assurer la sécurité linguistique des deux grandes cultures du pays; la procédure référendaire est attrayante à première vue pour décider des grandes questions, mais lorsquîl s'agit des droits linguistiques, c'est-à-dire d'établir la nature des rapports entre une majorité et une ou des minorités, la procédure référendaire est probablement la procédure la plus inadéquate. Si l'on demandait à l'ensemble des citoyens Canadiens de définir le statut linguistique de la minorité, peut-être y aurait-il danger et une très vive inquiétude de la part des minorités, de voir ces droits linguistiques être garantis par un vote simplement majoritaire et référendaire.

Les constitutions et l'ordre constitutionnel canadien sont précisément à l'effet de ne pas laisser au choix d'une majorité, aussi bien intentionnée soit-elle, le soin de déterminer les droits de la minorité. Donc, sur les questions spécifiquement linguistiques, il est tout à fait inapproprié de laisser à la voie référendaire le soin de décider de la question. De la même manière qu'à l'échelle du Québec ou du Nouveau-Brunswick où il y a une dualité linguistique, on ne pourrait pas demander simplement à, par exemple, la majorité francophone du Québec de déterminer les droits de la minorité anglophone du Québec. Ce n'est pas ce que l'on a fait depuis l'origine du pays.

On a mis dans la Constitution - qui est inaccessible pour la voie référendaire de changer cet ordre de choses - des droits linguistiques très fermes au niveau de l'Assemblée nationale du Québec, de l'administration publique, des droits scolaires de la minorité anglophone du Québec et protestante, à l'époque. On a mis cela dans la Constitution.

Vous ne trouvez pas sujet à inquiétude le projet de loi C-110 qui permet le recours à la voie référendaire en matière linguistique? Cela permettrait à une majorité de déterminer la nature des droits d'une minorité, contrairement à notre pratique constitutionnelle, et à ce qui doit être satisfait pour rencontrer les exigences de sécurité pour une minorité linguistique.

Le ministre de la Justice, ce matin, a laissé cette porte ouverte. Le projet de loi peut comporter de très graves dangers ou inquiétudes. non seulement pour les Québécois francophones, mais également pour les francophones hors Québec, qui demandent à ce qu'il y ait davantage de reconnaissances de leurs droits et de leur statut, et avec raison. Comme vous l'avez indiqué, votre préoccupation est une des illustrations majeures que doit avoir le leadership politique, au niveau du premier ministre du Canada et du gouvernement actuel.

M. White: Sénateur Rivest, j'aimerais d'abord commenter votre remarque au sujet de la possibilité éventuelle d'enchâsser dans la Constitution ce projet d'amendement ou tout autre amendement.

Je reconnais, aussi bien que tous les sénateurs ici présents, la grande difficulté à faire adopter des amendements constitutionnels dans notre pays. On a vécu des problèmes très difficiles, et comme l'a observé le sénateur MacEachen, cela aurait pu faire plus de mal que de bien, parce que l'on n'a pas réussi.

Je suis très conscient du danger d'essayer d'enchâsser dans la Constitution des amendements à prime abord. Il y a une très grande valeur symbolique pour les Québécois et les autres minorités au Canada de mettre sur la table des propositions d'amendement, même si on sait qu'on ne pourra pas les adopter bientôt.

Il n'y a pas de mal à faire adopter une loi par le Parlement ou par une assemblée législative prête à le faire dans le sens d'un amendement éventuel, même si on n'arrive pas tout de suite à enchâsser l'amendement.

Il faut mettre sur la table des propositions d'amendement qui pourrait être débattues au sein de la population dans l'espoir de pouvoir en arriver à un consensus.

Le sénateur Rivest: Donc, mettre le focus sur la substance plus que sur la démarche.

M. White: Oui, cela serait mon approche. Deuxièmement, votre question précise sur le référendum. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous avons constaté, nous qui avons suivi ces débats depuis des années, que ce n'est pas le propre de la majorité de comprendre les problèmes de la minorité.

La réaction normale de la minorité est la suivante: c'est quoi votre problème? Pourquoi vous ne pouvez pas être comme nous? Pour quelles raisons avez-vous besoin de droits spéciaux? C'est vraiment un grand problème à l'échelle du pays.

D'ailleurs, je vais citer un extrait d'un discours que Richard Pound a prononcé l'autre jour à Montréal. Il disait:

[Traduction]

Je voudrais que mes compatriotes québécois de toutes les origines comprennent que, la nature humaine étant ce qu'elle est, certaines choses qui revêtent pour eux une grande importance ne sont tout simplement pas perçues comme étant aussi importantes par beaucoup d'autres Canadiens. Cela ne veut pas dire que ces Canadiens n'aiment pas le Québec. C'est seulement que, puisque les autres Canadiens ne sont pas quotidiennement aux prises avec les préoccupations qu'ont les Québécois, ces préoccupations n'occupent pas leurs pensées, de sorte qu'ils ne comprennent vraiment pas de quoi il est question.

[Français]

La grande majorité des Anglos-Canadiens, surtout dans l'Ouest, ne comprennent pas pourquoi le Québec n'est pas content et pourquoi il demande certaines choses. Vous avez tout à fait raison.

Il ne serait pas utile de demander à cette grande majorité, dans son incompréhension, d'essayer de définir les droits des minorités francophones ou autochtones du Canada.

Quand monsieur Bourassa a soulevé cinq demandes de la province de Québec pour protéger les droits des francophones du Canada, cela est venu de la minorité. Ces cinq points ont été pris en considération par toutes les autres provinces et le gouvernement fédéral. C'est la meilleure façon de procéder.

Le sénateur Gauthier: J'ai rarement entendu un témoignage aussi éloquent à la défense des minorités de langues oficielles. Je vous félicite.

Est-ce que vous croyez que le projet de loi C-110 pourrait être utilisé pour amoindrir les droits de la minorité linguistique, ou amoindrir les droits des autocthones, ou amoindrir les droits fondamentaux?

M. White: Le projet de loi comme tel, je pense que non. J'ai quelques réserves à l'égard du projet de loi. Ce n'est pas enchâssé dans la Constitution. Ce n'est pas une véritable protection. Ce que le Parlement donne, il peut l'enlever.

Si j'étais un esprit malin au Québec, je dirais que cela ne vaut rien, que ce n'est pas du tout une protection constitutionnelle de nos droits ou même une protection sérieuse. Pour ce qui est de votre question, ce n'est pas le projet de loi comme tel qui pourrait avoir cet effet. J'ai essayé de penser, en écoutant le témoignage ce matin, à la pire situation envisageable.

J'avais envisagé une situation hypothétique où on aurait un gouvernement minoritaire du Parti libéral, et une grande délégation du Bloc québécois et du Parti réformiste qui formerait la majorité à la Chambre. Si quelqu'un propose l'abolition des droits linguistiques, le gouvernement se retire du débat. Disons que toutes les provinces seraient d'accord. Le gouvernement fédéral serait obligé de ne pas s'immiscer dans le débat, parce qu'il est obligé de suivre les désirs des provinces ou des régions. Il se pourrait que les 10 provinces et la Chambre des communes adoptent une loi pour abolir les droits linguistiques dans la Charte. Ce serait au Sénat d'empêcher ce désastre au Canada.

Le sénateur Beaudoin: Un veto suspensif.

M. White: Seulement de six mois. C'est une hypothèse farfelue.

Le sénateur Gauthier: Je l'avais anticipé. C'était ma deuxième question. Je ne vous ai jamais rencontré avant aujourd'hui. Je vois que vous avez pensé à cela.

M. White: J'ai un esprit malin.

Le sénateur Gauthier: Je suis un de ceux qui doute de la bonne foi de la majorité parfois. En 1982, on a enchâssé dans la Constitution des droits de gestion scolaire. Aujourd'hui en Ontario, nous ne l'avons pas encore. Il y a encore deux autres provinces, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve, de même que le Yukon où le droit accordé en 1982, il y a 16 ans, n'est pas reconnu.

Le sénateur Beaudoin: Il y a 14 ans.

Le sénateur Gauthier: J'exagère un peu, 14 ans. Encore en fin de semaine dernière, M. Harris, le premier ministre de l'Ontario, en réponse à des lettres qu'il a reçues d'esprits plus ou moins destructeurs de mon pays, de l'APEC, a répondu à ces lettres en disant: Oui le bilinguisme, cela coÛte cher. C'est divisif, on va abolir cela peut-être un jour, et on verra à revoir cette politique et les services en français en Ontario que l'on a accordés par une loi provinciale. On va reconsidérer toute cette question en la retournant à un comité parlementaire pour examen et considération.

Toutes ces questions font la une dans la presse québécoise. La majorité anglophone ne le sait pas, parce qu'elle ne sait pas ce qui se passe. M. Harris, de la façon dont il a parlé la semaine dernière, fait la une dans Le Devoir, dans La Presse. Cela a un impact très important pour les francophones. Je parle comme Franco- Ontarien. Je suis né à l'extérieur du Québec, je suis un francophone hors Québec. Le fait que l'on nous considère comme une minorité ethnique, et non comme une minorité linguistique nationale, nous agace.

C'est la distinction qu'il faut faire. Si on enchâssait les droits que vous avez mentionnés dans votre exposé tantôt, comment est-ce que la minorité anglophone au Québec ou anglophone hors Québec réagirait?

M. White: Le problème se situe surtout chez la minorité francophone nationale au Canada et au sein des minorités particulières des francophones de chaque province. Le problème, s'il en existe un, est moindre chez la minorité anglophone au Québec dont les droits ont été pour la plupart très bien respectés et qui a toujours été très bien traitée par la province de Québec.

Ma proposition va dans le sens de rassurer les francophones du Canada tout entier, surtout ceux du Québec, qui sont les bienvenus dans ce pays, qui sont des partenaires égaux dans ces pays. On veut qu'ils demeurent au pays. Le Canada est à eux tout entier.

Pour cela, il faudrait réussir à enchâsser dans la Constitution, premièrement, la reconnaissance de l'existence de cette minorité nationale, ce qui n'est pas dans la Constitution.

Deuxièmement, la reconnaissance du droit à l'auto- gouvernement de cette minorité nationale n'est pas dans la Constitution, sauf implicitement.

Troisièmement, la reconnaissance des droits linguistiques et des droits de représentation n'y est pas, comme par exemple, on avait parlé des droits de représentation à la Cour suprême, à la Chambre des communes, au Cabinet, au Sénat.

Si on reconnaissait tout cela ouvertement, dans les principes de base de la Constitution, cela aurait un effet de vague chez tous les francophones au Canada. C'est l'espoir que les francophones avaient au temps de la Confédération. Comme nous le savons tous, il y a eu une série de coups de marteau de 1870, jusqu'à peut-être la crise de la conscription de la Première Guerre mondiale ou même après, qui ont fait disparaître ce rêve.

Le sénateur Gauthier: Vous avez fait allusion à toute modification ou diminution des droits qui devrait se faire avec le consentement de la minorité visée. Je reviens à ma première question.

Un droit linguistique que l'on voudrait bonifier pourrait-il être opposé par une région qui a un veto, et ainsi on arrêterait toute progression dans ce sens?

Je pense au post-secondaire. Par exemple, si on devait augmenter en éducation le droit à l'éducation post-secondaire. Dans le moment, c'est à l'élémentaire et au secondaire.

M. White: Est-ce que vous parlez du régime envisagé par le projet de loi C-110.

Le sénateur Gauthier: Oui.

M. White: Il me semble qu'une région peut, selon ce projet de loi, s'opposer à un amendement qui donnerait un droit éducationnel ou qui changerait les droits éducationnels.

Je ne suis pas expert là-dedans. Il faut être réticent avant de s'aventurer trop loin dans le droit constitutionnel. Il me semble que oui.

Le sénateur Gauthier: Vous seriez favorable à une proposition qui voudrait qu'une province ou une région ne puisse s'opposer à tout modification constitutionnelle favorisant la progression des droits linguistiques ou des droits des autochtones ou des droits de l'égalité des sexes ou des droits fondamentaux. Vous seriez un de ceux qui serait inquiet.

M. White: Je serais favorable à ce qu'une région qui n'est pas directement intéressée ne puisse pas s'opposer à la bonification des droits linguistiques ou autres d'une minorité.

D'ailleurs, je ne sais pas si je serais capable de la trouver tout de suite, mais il y a une disposition dans la Charte qui dit que rien dans la Constitution n'empêche le Parlement ou une législature de reconnaître d'autres droits linguistiques. Je pense que cela est fondamental.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk: Je voudrais obtenir des éclaircissements au sujet du projet de loi C-110. Croyez-vous que la solution consiste à enchâsser les régions, au lieu de se concentrer sur les provinces? Si nous adoptons effectivement ce projet de loi, qui, comme on le prétend, constitue une mesure provisoire, pensez-vous que nous pourrions l'abroger dès 1997, au moment des négociations?

M. White: Votre intervention est très pertinente, sénateur. En effet, le processus de révision de la procédure de modification, prévu en 1997, est déjà amorcé. Nous devons reconnaître cela.

Je ne suis pas spécialiste de ces questions. Je sais qu'elles sont très techniques. Cependant, comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, il est très important que nous tentions de nous entendre sur les principes avant d'essayer d'entrer dans les détails.

Il existe un certain nombre de principes. Tout d'abord, pour être modernes et précis en termes juridiques, nous devons reconnaître qu'il y a actuellement 11 partenaires dans la Confédération: les dix provinces et le gouvernement fédéral. La première règle, c'est qu'aucune modification ne devrait être autorisée si elle porte préjudice aux droits et aux intérêts essentiels d'une partie ou d'une autre à la Confédération, à moins que cette partie ne donne son consentement. Ce devrait être la première règle.

Nous devons également reconnaître - et il s'agit là du nouvel élément que j'essaie de promouvoir aujourd'hui - qu'au-delà de l'existence des 11 parties à la Constitution, il y a dans notre pays trois groupes nationaux, dont deux minorités nationales qu'il faut reconnaître comme telles. Elles ont des intérêts spécifiques qui diffèrent de ceux de la majorité. La Constitution doit reconnaître cela, doit définir ces droits dans toute la mesure du possible, et doit déterminer qui défend ces droits.

En ce moment, le gouvernement du Québec doit, par défaut, défendre les droits des francophones de tout le pays. Il ne s'agit là que d'un gouvernement sur 11. Pour l'instant, aucun gouvernement ne peut défendre les droits des peuples autochtones, bien que, comme je l'ai laissé entendre, lorsque le gouvernement du Nunavut sera formé, ce dernier pourra peut-être s'en charger.

C'est le deuxième élément, sénateur Andreychuk, que nous devons définir dans la Constitution. Quels sont les droits essentiels de ces minorités qui ne peuvent être modifiés sans leur consentement et, ensuite, comment ce consentement doit-il s'exprimer?

Le sénateur Andreychuk: Pour quelqu'un qui oeuvre comme moi dans le domaine international, la définition de «minorités nationales», entre autres, soulève des inquiétudes. Dans ce cas, comment peut-on trouver une solution lorsque les intérêts des minorités entrent en opposition? Qu'arrive-t-il quand, par exemple, les droits des autochtones et ceux des francophones s'opposent, que ce soit à l'échelle provinciale ou nationale?

M. White: Cette situation se produit souvent dans les relations humaines. Les droits s'opposent continuellement. La principale raison d'être de notre système de justice consiste à tenter de déterminer les droits de chacun.

Pour ma part, il est essentiel de définir ces droits au niveau de l'individu, et non de la collectivité, et de prendre une décision individuelle, à savoir si un individu souhaite être associé à une minorité nationale ou non. Comme je l'ai dit, je devrais avoir la liberté de choisir la langue officielle dans laquelle je souhaite recevoir des services gouvernementaux ou mener ma vie, par exemple. Personne ne devrait pouvoir se dire anglophone et donc dans l'impossibilité de faire quelque chose, ou francophone et donc limité dans son action.

Il en va de même pour les peuples autochtones. Leurs droits devraient être attribués et reconnus individuellement. Cela fait, les tribunaux devraient être en mesure de régler les conflits, le cas échéant.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez reconnu trois groupes nationaux, dont un n'est peut-être pas conforme ni à la loi ni à l'histoire, mais dont la reconnaissance se révèle de plus en plus pratique socialement. C'est également celui dont je traite.

Certains d'entre nous éprouvons de la difficulté à cerner les différends entre anglophones et francophones, parce que nous avons d'autres antécédents. Alors, comment pouvons-nous nous y prendre avec cette population croissante, autrement que par l'éducation, afin de lui faire comprendre les perspectives historiques et les impératifs juridiques qui découlent de cette reconnaissance? Je pense davantage à l'Ouest, où plus de 40 p. 100 de la population est aux prises avec cette difficulté.

Quand j'étais jeune, je pouvais difficilement être appelée anglophone, parce que je peinais pour apprendre la langue anglaise. Je ne m'identifiais à aucun des deux groupes majoritaires, de sorte que je comprends en grande partie ce que ressentent nos immigrants et nos compatriotes qui ne sont ni anglophones, ni francophones. Ce sentiment est plus prononcé dans l'Ouest. Ce n'est pas une question d'ordre juridique ou constitutionnel, mais il ne fait aucun doute que c'est de plus en plus une question sociale.

M. White: C'est une question sociologique et vous avez peut-être remarqué, sénateur, que je n'ai pas fait allusion à la majorité anglophone, mais seulement aux minorités. C'est que les minorités se connaissent fort bien et n'ont aucun mal à s'identifier. Elles y sont pratiquement forcées par la majorité. Par ailleurs, la majorité, comme je l'ai dit en français, tend à adopter une attitude qui signifie: «Eh bien, c'est quoi votre problème? Moi, je suis très bien. Pourquoi ne pouvez-vous pas être comme moi?»

Une majorité a beaucoup de mal à comprendre les problèmes d'une minorité. Au Canada, nous n'avons pas pris l'habitude de nous voir comme une majorité, et peut-être ne le ferons-nous jamais. Nous nous voyons comme des Canadiens. John Diefenbaker disait: «Nous sommes tous des Canadiens. Il ne devrait pas y avoir de qualificatif; nous faisons tous partie d'un même pays.»

On accepte ces paroles quand on est membre de la majorité dans un pays, mais il en va autrement quand on n'en fait pas partie. Il faudra du temps, sénateur, avant que la majorité, qui compte des éléments très variés et disparates, de diverses origines, langues, entre autres, commence à se voir comme une majorité homogène. Elle n'y arrivera peut-être jamais. Ce n'est pas l'objet de mon argument; il n'est pas question des droits de la majorité.

L'histoire du Canada m'a appris une chose, sénateur, et c'est que les majorités sont capables de se défendre. Ce sont les minorités qui ont besoin de protection. Je ne m'inquiète pas de la majorité et la façon dont elle se définit ne me préoccupe guère. Toutefois, nous devons faire en sorte que ses membres saisissent clairement la réalité suivante: au Canada, il n'y a que deux langues officielles, le français et l'anglais. Ces deux langues devraient avoir un statut égal d'un bout à l'autre du pays.

Il est regrettable que certains n'aient jamais compris les caractéristiques fondamentales de notre pays, parce que ces caractéristiques ne sont pas inscrites dans la Constitution canadienne. Constatant que la langue française a des droits en Alberta, d'aucuns se demandent pourquoi la langue ukrainienne n'en aurait pas en Alberta, ou encore pourquoi la langue chinoise n'aurait pas de droits à Vancouver. Il existe d'excellentes réponses à ces questions, mais on les entend rarement. Il y a beaucoup de confusion à cet égard, mais j'insiste pour dire qu'il y a seulement deux langues officielles au Canada.

Le sénateur Carstairs: Monsieur White, je voudrais m'arrêter un moment sur le projet de loi C-110 même. À votre avis, que devrions-nous faire du projet de loi C-110? Dans votre mémoire, vous affirmez qu'adopter cette mesure, c'est franchir un pas dans la bonne direction. Est-ce que cela signifie qu'à votre avis, nous devrions l'adopter? Devrions-nous la modifier? Que devrions-nous faire de cette mesure?

M. White: Aussi détestable que cela puisse se révéler au cours d'une audience du Sénat, je vais parler de politique. Nous devons tenir compte de l'aspect politique de cette mesure. Le projet de loi a été présenté afin d'impressionner les électeurs du Québec qui pourraient être tentés de voter «oui» au prochain référendum, le cas échéant. Le but n'était pas d'impressionner le gouvernement du Parti québécois. D'après moi, personne ne s'attend que ce groupe applaudisse en disant: «C'est formidable!» Toutefois, je me demande quelle est la réaction, officielle ou officieuse, de l'opposition à Québec. Quelle est la réaction du Parti libéral du Québec à ce projet de loi? Si j'étais à votre place, sénateur, j'inviterais Daniel Johnson à venir exposer son opinion sur ce projet de loi.

Le sénateur Meighen: Nous l'avons fait, mais il s'est abstenu.

M. White: Vous pourriez peut-être inviter quelqu'un d'autre, dans ce cas. Vous m'avez posé une question politique et je ne sens pas qualifié pour vous donner une réponse politique. Il se peut fort bien que ce projet de loi fasse plus de mal que de bien. Par contre, l'inverse est aussi possible. Je ne suis pas en mesure de le dire.

Le sénateur Carstairs: Pour quelqu'un qui ne voulait pas donner une réponse politique, tout cela m'a paru très politique. Au bout du compte, c'est la question que nous devons trancher d'ici deux semaines. Espérons que les témoins que nous interrogerons nous aideront à déterminer la voie à suivre. Que feriez-vous, si vous étiez à ma place?

M. White: Je téléphonerais à des membres du Parti libéral du Québec et je demanderais à quelqu'un de venir témoigner. En cas de refus, pour une raison ou une autre, je ferais en sorte qu'ils me communiquent leurs points de vue en privé, pour pouvoir en faire part. Je suivrais aussi les médias du Québec et j'étudierais leurs réactions à ce projet de loi.

Le sénateur Rivest: Qu'on m'appelle! Je suis membre du Parti libéral du Québec. Je préfère la substance à la procédure.

M. White: Je suis d'avis que tout le monde sait ce que le Premier ministre tente de faire. Il essaie de remplir un engagement qu'il a pris à la fin de la campagne référendaire. C'est un geste noble et honorable. Toutefois, il s'agit de savoir si c'est la meilleure façon de procéder. La question est difficile.

Le sénateur Carstairs: Vous avez d'autres idées?

M. White: Oui. J'aimerais que l'on dépose une proposition modifiant la Constitution.

Le sénateur Meighen: Dans ce sens-là?

M. White: Oui. Dans ce sens ou selon ce que j'ai affirmé dans mon mémoire. Une fois la proposition déposée - elle pourrait avoir un caractère officiel du fait qu'elle vient du gouvernement du Canada, mais, si le gouvernement du Canada s'opposait à ce caractère officiel, le gouvernement du Nouveau-Brunswick ou quelqu'un pourrait la présenter, de sorte qu'au moins elle serait sur la table -, nous pourrions commencer à en discuter. Si nous n'avons aucune proposition à débattre, je ne vois pas comment nous pourrons arriver un jour à un consensus.

Le sénateur St. Germain: M. White, je vous remercie d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Je vous trouve toujours intéressant, mais plus encore aujourd'hui.

Pour revenir au projet de loi C-110, que pensez-vous de la décision de distribuer ainsi des droits de veto? Les droits de veto devraient peut-être être réservés aux minorités qui ont besoin d'être protégées, au lieu d'être donnés en bloc, de sorte qu'on aboutit pratiquement à une situation inextricable. C'est précisément ce qui se produit avec cette mesure législative.

C'est moi qui ai insisté à cor et à cri pour que la Colombie-Britannique obtienne un droit de veto, parce que je trouvais que le comité ne s'occupait pas de nous, alors que nous représentons la région du Pacifique. Toutefois, au plus profond de moi, pour le bien du Canada, je crois toujours qu'en distribuant ainsi des droits de veto, nous établissons un dangereux précédent et que nous nuisons à la cause du Québec.

M. White: Je suis entièrement d'accord avec vous. Nous devrions nous efforcer d'appeler un chat un chat. Ce projet de loi tente de donner un droit de veto au Québec, en tant que représentant des francophones du Canada, même s'il ne le dit pas. Selon le projet de loi, nous ne pouvons le faire parce que c'est politiquement inacceptable. Par conséquent, nous devons accorder un droit de veto à toutes les régions canadiennes. Ces dernières disent: «Si le Québec a un droit de veto, nous en voulons un, nous aussi.» Elles ne savent pas pourquoi elles veulent un droit de veto, ni même si elles en veulent vraiment un. Elles en veulent un parce qu'autrement, elles ne seront pas sur le même pied d'égalité. C'est complètement insensé. Si le gouvernement avait le courage de dire: «Nous accordons un droit de veto au gouvernement du Québec, pour qu'il l'exerce au nom de tous les francophones du Canada», notre débat serait tout autre.

Je ne nie pas qu'il pourrait y avoir des intérêts essentiels de la région du Pacifique qui exigent un droit de veto pour la région. Je ne connais pas ces intérêts, mais j'ai laissé entendre dans mon mémoire que s'ils existaient, la région devrait les définir. Mettons-les sur la table. S'il existe des intérêts essentiels des trois provinces des Prairies et de l'Ouest, mettons-les sur la table et définissons-les. Définissons nos intérêts essentiels et donnons-nous un droit de veto pour les protéger. Voilà ce que nous devons faire.

Le sénateur St. Germain: Dans vos observations et dans votre mémoire, vous rappelez que les deux langues officielles devraient être utilisées dans toutes les régions canadiennes. Vous avez traversé le pays, vous connaissez sa composition de même que la mentalité de ses habitants. C'est pourquoi je reviens au droit de veto. Si nous accordions le droit de veto au Québec à l'égard des droits linguistiques, droits qui lui appartiennent selon bien des gens, y compris moi-même, il ne serait pas nécessaire de semer le désordre dans les régions, comme cela se produira - nous le savons vous et moi - si, par suite d'une action que nous aurions dÛ faire différemment, nous étions forcés de promouvoir un programme.

M. White: Nous devons absolument être précis en parlant de ces questions. Je parle d'établir l'égalité des droits linguistiques pour tous les individus au Canada. Je ne dis pas qu'il faut étendre l'usage du français partout, mais qu'il faut établir l'égalité des droits linguistiques. Les droits représentent un point de départ et non d'arrivée. Comment pouvons-nous soutenir que nous sommes des citoyens égaux au Canada, si nous n'avons pas les mêmes droits? À mon avis, accorder les droits linguistiques aux francophones de la Colombie-Britannique ne diminue en rien les droits des anglophones ou d'autres. Il n'y a aucune raison logique et défendable qui permette à quiconque de s'opposer à ce que l'on reconnaisse à d'autres des droits qu'il a déjà lui-même. Nous en revenons à la question de leadership politique qui était mon point de départ.

D'après moi, cet argument n'est pas trop difficile à défendre. Tout anglophone au Canada possède tous ces droits et fait partie de la majorité. Personne ne retirera les droits des anglophones. Au Canada, les anglophones peuvent utiliser l'anglais partout s'ils le veulent, sauf dans certains cas au Québec. Franchement, je suis personnellement d'avis que cela est arrivé parce que des Québécois ont perdu patience face au reste du Canada. Le reste du Canada ne reconnaîtra jamais les droits des francophones, pourquoi donc le Québec devrait-il continuer de reconnaître les droits des anglophones?

Le sénateur Meighen: Même le chef putatif du gouvernement du Québec a remis cela en question.

M. White: Oui. Je pense que l'heure est au leadership politique. Nous n'enlevons rien à personne. Nous ne demandons à personne d'abandonner des droits. Nous demandons simplement à tous les Canadiens de reconnaître et de respecter les droits linguistiques fondamentaux de tous les autres Canadiens. Rien de plus.

Le sénateur St. Germain: Ma dernière question porte sur le projet de loi C-110. Si nous adoptons cette mesure dans sa forme actuelle - et que nous prenons l'analogie ou l'exemple que vous avez donné du Bloc québécois et du Parti réformiste qui forment la majorité, alors que le gouvernement dirige avec l'aide d'une minorité - ne croyez-vous pas que le projet de loi C-110 attise le mouvement séparatiste au Québec, plutôt que de remédier au problème auquel nous sommes confrontés? Le gouvernement a déjà imprimé son document, déclarant que le projet de loi est devenu loi, même s'il n'a pas été adopté par le Sénat.

Que pensez-vous du projet de loi? Je reviens à ce que le sénateur Carstairs a dit. J'aimerais connaître votre opinion sur la solution la moins lourde de conséquences. Devrions-nous amender le projet de loi?

Ce matin, le sénateur Meighen a suggéré que nous ajoutions une clause de temporisation dans le projet de loi. Est-ce que cela le diluerait? Devrions-nous plutôt voter contre le projet de loi ou tout simplement l'adopter comme il est actuellement? Qu'en pensez-vous?

M. White: J'ai entendu le témoignage du ministre ce matin. Je crois qu'il a dit qu'il pourrait s'agir d'une mesure provisoire conduisant à une modification de la Constitution. Je pense que ce serait la solution la plus pratique. À mon avis, nous devrions commencer à délimiter dès maintenant les sujets qui seront abordés en 1997.

Cependant, si j'étais le chef du Parti québécois, je rirais de ce projet de loi. Il ne protège absolument pas les droits des francophones du Québec. Le seul moyen de protéger ces droits, c'est de modifier la Constitution.

Je sais que les épisodes de Meech et de Charlottetown nous ont traumatisés, mais nous devons faire face à la musique. C'est ici que le leadership prend tout son sens. Nous devons essayer à nouveau d'inclure ces droits essentiels des Canadiens dans notre Constitution. Si nous n'y parvenons pas, peut-être ne méritons-nous pas d'avoir un pays.

Le sénateur MacEachen: Tout d'abord, je tiens à souligner comment le témoin a, en un sens, transformé le vocabulaire de la discussion. Il n'a pas insisté sur le droit de veto constitutionnel. Il n'a pas insisté sur les concepts en vogue ces derniers temps - la société distincte. Il nous a invités à nous concentrer sur les droits linguistiques et les droits à l'autonomie gouvernementale fondamentaux. Je trouve que c'est là une digression intéressante.

Vous avez laissé entendre que le Sénat lui-même - ou un sénateur prenant une initiative personnelle - s'il était convaincu, pourrait peut-être lancer le débat en proposant des modifications à la Constitution. Je crois que vous avez mentionné la force symbolique d'une telle initiative, même s'il faudrait des années avant que la protection soit bel et bien incluse dans la Constitution. J'ai suivi votre raisonnement et je le trouve logique, et je crois que le même raisonnement vaut pour la proposition du gouvernement. Nous sommes devant une mesure législative porteuse d'un grand symbolisme, mais vous en seriez plus satisfaits si elle devenait une disposition constitutionnelle.

Pensez-vous que le projet de loi C-110 a tout le poids symbolique que vous souhaitez? D'après vos déclarations, j'en déduis que oui, et c'est pourquoi vous avez dit qu'il était un pas dans la bonne direction.

M. White: Sénateur, j'ai déclaré que c'était un pas dans la bonne direction parce que je crois qu'il était très important pour le premier ministre de donner suite aux engagements qu'il a pris à Montréal. J'ai cependant ajouté que je n'étais pas convaincu que c'était la mesure qu'il fallait en l'occurrence. Si ce projet de loi devait être transformé en proposition de modification constitutionnelle, j'aimerais qu'il soit plus évident que la mesure donne au gouvernement du Québec la mission de protéger les droits constitutionnels des francophones du Canada.

Je ne suis pas convaincu qu'il soit nécessaire, ni même utile, d'étendre le supposé droit de veto aux régions sans expliquer pourquoi. S'il y a une raison - et peut-être y en a-t-il une - très bien. Cependant, si le projet de loi vise à donner un droit de veto au gouvernement du Québec, je pense que nous saurions mieux à quoi nous en tenir et que cela serait plus efficace si c'était clairement dit dans le texte.

Le sénateur MacEachen: Les droits linguistiques ont été garantis au Nouveau-Brunswick. Nous savons tous que si une proposition de modification constitutionnelle visant à étendre les droits linguistiques dans chaque province est mise de l'avant, elle donnera lieu à un débat majeur - probablement même à une escalade compte tenu de la situation actuelle.

Je vous demande si, du point de vue stratégique, il serait sage pour le Parlement du Canada de se lancer dans une telle aventure. Pourquoi ne pas tenter d'inciter les provinces, l'Ontario, par exemple, à prendre l'initiative?

M. White: C'est une suggestion très envisageable. Personnellement, je verrais mieux le Nouveau-Brunswick prendre l'initiative des propositions de modifications constitutionnelles.

J'ai beaucoup réfléchi à la question et je suis conscient de toutes les difficultés que cela comporte sur le plan politique. Selon un scénario, on se baserait sur le pourcentage ou sur le nombre de francophones dans chaque province. On pourrait décréter, par exemple, que toute province comptant plus de 100 000 francophones ou une population francophone de plus de 5 p. 100 s'engage à devenir officiellement bilingue dans un délai de cinq ans et qu'elle offrira certains services précis en français.

D'après mes renseignements, cela inclurait l'Ontario et le Manitoba. Le bilinguisme est déjà officiel au Nouveau-Brunswick. Il faudrait ensuite déterminer comment cela s'appliquerait au Québec. Est-ce que le Québec serait prêt à accorder par voie constitutionnelle des droits égaux aux anglophones si les francophones les obtenaient ailleurs au Canada? C'est là une question intéressante.

On décréterait ensuite que les six autres provinces, qui comptent chacune moins de 100 000 francophones et où les francophones représentent moins de 5 p. 100 de la population totale, s'engageraient à déclarer le français langue officielle sur leur territoire dans un délai de dix ans. J'ai mentionné ce scénario à un journaliste cynique l'autre jour et il m'a demandé si je réussirais à convaincre Ralph Klein. J'ai répondu que je n'aurais pas besoin de le convaincre puisque je ne sais pas s'il sera encore là dans dix ans.

Ce qui compte, c'est le symbolisme de la mesure. Ce qui importe, c'est de dire aux Québécois que nous ne renoncerons pas, que nous essaierons encore, que nous essaierons de les faire se sentir chez-eux partout au Canada, même s'il faut beaucoup de temps pour cela. Commençons au moins à faire quelque chose.

Le sénateur MacEachen: Si vous appliquiez la règle des dix ans, vous incluriez probablement les Acadiens de la Nouvelle-Écosse.

M. White: Peut-être.

Le sénateur MacEachen: Par conséquent, vous incluriez leurs droits linguistiques dans la Constitution et toute modification constitutionnelle ultérieure nécessiterait leur consentement?

M. White: Oui, pour les modifications qui touchent leurs droits.

Le sénateur MacEachen: C'est cela, si elles touchent leurs droits. Comment exprimeraient-ils leur consentement?

M. White: Cela reste à déterminer. Nous n'avons aucun mécanisme. Cependant, il y a un précédent que, je suis sÛr, vous connaissez. En 1867, il y avait au Québec douze circonscriptions nommément protégées dans la Constitution. Leurs limites ne pouvaient pas être modifiées sans le consentement de la majorité des douze députés les représentant. C'est un précédent. C'est la théorie de la «majorité de la minorité», que nous connaissons bien en droit des sociétés. Il est possible de suivre le même modèle.

J'ai souvent réfléchi au fait que le Canada, qui est membre de la Francophonie, n'avait pas, du moins à ma connaissance, d'association de législateurs de langue française. C'est plutôt étrange. Le pays existe depuis assez longtemps. Est-ce que je me trompe, sénateur?

Le sénateur Gauthier: Oui, puisque je suis le président d'une telle association.

M. White: Sénateur, je suis enchanté de vous rencontrer.

Le sénateur Gauthier: Elle s'appelle l'Assemblée des parlementaires de langue française.

M. White: Sénateur MacEachen, votre organisation devrait étudier la question. Si des droits constitutionnels devaient être accordés aux Franco-Ontariens, comment seraient-ils formulés et qui serait habilité à parler pour les Franco-Ontariens? Votre organisation devrait se pencher là-dessus.

Le sénateur MacEachen: Je voudrais aborder un autre point intéressant de l'exposé de M. White. Il s'agit du scénario où un Parlement composé en majorité de députés bloquistes et de députés réformistes proposerait une modification constitutionnelle dommageable, comme le dit M. White, et obtiendrait l'appui des provinces. Là-dessus, je m'en remettrais plutôt à votre opinion qu'à la mienne.

Cependant, comme je comprends le projet de loi, le gouvernement fédéral ne serait pas empêché de jouer un rôle très actif dans le débat du seul fait que le projet de loi lui interdit de présenter certaines motions au Parlement. Ai-je raison de dire que, selon cette interprétation, le gouvernement fédéral aurait beaucoup de poids dans le débat, qu'il pourrait s'opposer à la proposition et jeter ses députés, ses ministres et son premier ministre dans la mêlée?

M. White: Tout à fait, mais dans mon exemple, le gouvernement était en position minoritaire et pouvait donc être battu lors d'un vote.

Le sénateur MacEachen: Je crois que cela peut arriver même sans le projet de loi C-110.

M. White: Oui, mais cela ne pourrait pas arriver s'il existait une disposition constitutionnelle exigeant le consentement, par exemple, des minorités francophones.

Le sénateur MacEachen: Je comprends. Je ne prévois pas l'adoption de votre proposition.

M. White: Le danger, sénateur, c'est que notre Constitution ne protège pas les minorités des provinces, à l'exception de la minorité du Québec, qui bénéficie de protections relatives à la religion et, dans une très petite mesure, à la langue. Les minorités francophones des autres provinces ne possèdent pas de protection comparable à l'exception de celles offertes par la Charte des droits et libertés, mais celles-ci ne vont pas très loin.

Mon exemple se fondait sur la volonté exprimée par le Parti réformiste d'abroger la Loi sur les langues officielles ou, à tout le moins, certaines de ses dispositions. On peut très bien supposer que le Parti québécois ne s'opposerait pas à une telle mesure.

Le sénateur MacEachen: D'accord, si nous parlons d'un gouvernement minoritaire. Cependant, supposons que le gouvernement du Canada a un certain poids dans le débat politique, le projet de loi ne l'entraverait en rien. C'est tout ce que je dis.

M. White: C'est exact.

Le sénateur MacEachen: Je craignais que l'on donne l'impression que le gouvernement du Canada, même en situation minoritaire, et ses membres, soient réduits à l'impuissance dans le débat. Ce ne serait pas le cas; ils pourraient s'opposer très activement à une telle mesure.

Le sénateur Meighen: Merci, monsieur White, d'être venu aujourd'hui. Je ne voudrais pas faire écho au sénateur St. Germain, qui a déclaré que vous étiez plus intéressant aujourd'hui que la dernière fois que nous vous avons rencontré, mais votre mémoire est sans conteste celui qui porte le plus à la réflexion et le plus stimulant.

Je veux revenir à ce que disait le sénateur Carstairs. Je regrette pour vous que les journalistes aient apparemment quitté la salle en grand nombre avant la fin de votre témoignage. Vous avez dit que, si le projet de loi C-110 était adopté et, plus grave encore, s'il demeurait en vigueur, vous auriez beaucoup d'inquiétudes. Peut-être devriez-vous reformuler le début de votre intervention en disant que le projet de loi C-110 est de toute évidence une mauvaise mesure, mais qu'elle va dans la bonne direction. Mais peut-être ne devrais-je pas laisser cette remarque ironique paraître au compte rendu.

Au risque de perdre du temps, pourrions-nous revenir à l'idée de la clause de temporisation? Le ministre a peut-être raison lorsqu'il soutient qu'il pourrait ne s'agir que d'une étape menant au nirvana constitutionnel. J'espère que oui. Mais, pour en être convaincus, qu'y aurait-il de mal à inclure dans le projet de loi une clause de temporisation qui ferait en sorte que, en 1997, les parties en cause reconduisent la mesure si elles le veulent, mais ne soient pas encombrées par elle si elles n'en veulent plus?

Ma deuxième question a trait aux leçons à tirer de l'accord du lac Meech et des autres efforts allant dans le même sens. Ce matin, j'ai laissé entendre que peut-être le problème ne provenait pas tant du contenu que du contenant. Puisque les expériences passées revêtiront une grande importance, du moins comme arrière-plan, lors des discussions constitutionnelles de 1997, avez-vous des conseils à nous donner pour mieux organiser la participation du public de sorte que la population sente qu'elle a eu et continuera d'avoir son mot à dire dans les décisions, car il est clair que les Canadiens n'ont pas eu l'impression de peser beaucoup dans les tentatives qui ont été faites jusqu'à maintenant?

M. White: Tout d'abord, je dirai que l'idée d'inclure une clause de temporisation dans la mesure est intéressante. Elle est intéressante pour deux raisons: premièrement, cela donnerait un caractère plus sérieux aux affirmations du ministre lorsqu'il dit qu'il pourrait s'agir d'une mesure provisoire et qu'il a quelque chose de mieux en réserve. Je ne crois pas qu'il soit possible pour le gouvernement de simplement retirer complètement ce projet de loi sans le remplacer. S'il n'a rien de mieux à proposer maintenant, l'idéal serait peut-être de conserver cette mesure et de l'adopter pour une période limitée en précisant qu'il faudra proposer des modifications de la Constitution plus précises avant la rencontre de 1997. Je crois que cette suggestion est très intelligente.

La deuxième question est extrêmement délicate. La première chose qui me vient à l'esprit, c'est de répéter l'observation que j'ai faite dans mon exposé: l'unanimité, c'est dangereux. C'est une chose que nous avons apprise avec l'Accord du lac Meech, à nos dépens pour certains d'entre nous tandis que d'autres étaient très heureux des résultats, j'en suis sÛr. Nous devons reconnaître que l'unanimité mène à l'immobilisme constitutionnel, parce qu'elle amène les gens à s'opposer à un amendement pour des raisons qui n'ont peut-être absolument rien à voir avec l'amendement lui-même. Quel politicien provincial, par exemple, peut résister à cette possibilité? Nous devrions examiner soigneusement la question de savoir quels amendements exigent l'unanimité.

Pour ce qui est de savoir comment obtenir le soutien de la population sur les amendements particulièrement délicats, comme la reconnaissance des droits des minorités, je ne crois pas avoir d'autre réponse que celle que j'ai déjà donnée: ça prend du leadership politique. Nous avons passablement négligé, dans ce pays, de sensibiliser notre population aux caractéristiques fondamentales du Canada. C'est pourquoi je crois qu'il est important de définir ces caractéristiques dans la Constitution.

D'après ce que j'ai pu voir avec mes enfants, l'histoire du Canada n'est même plus enseignée, ou si peu, dans nos écoles. Si elle l'est, on a dix histoires différentes, une pour chaque province. Un pays qui ne connaît pas son histoire ne peut pas faire mieux qu'une personne souffrant d'amnésie. Je crois que la comparaison est intéressante. Nous ne connaissons pas notre histoire.

Je n'ai encore jamais rencontré un Canadien qui, quand on l'a amené à s'arrêter et qu'on lui a expliqué exactement ce qu'on essaie de faire, ne réponde pas: «C'est donc ça? Si ce n'est que cela, pourquoi pas? C'est plein de bon sens.» Il faut communiquer cette information, et c'est une chose que nous n'avons pas faite. Nous ne l'avons plus fait depuis 30 ou 40 ans.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je voudrais revenir au débat fondamental. M. Chrétien a promis un veto au Québec dans son discours à Verdun. Mais il y a plusieurs formes de veto. Dans le projet de loi C-110, on ressuscite la formule de Victoria avec l'addition de la Colombie-Britannique.

Il y aurait aussi une autre façon de faire cela. Ce serait de dire qu'aucun droit ne sera enlevé au Québec sur le plan législatif, sans l'assentiment du Québec, dans les domaines de compétence du Québec. Ce serait une forme de veto.

Remarquez personnellement, que je ne la trouve pas mauvaise cette forme de veto. Maintenant, 99 p. 100 des gens disent que ce serait complètement inacceptable ailleurs au Canada. Évidemment, si c'est le cas, il faut essayer de trouver autre chose. Ou encore revenir à la formule de l'Accord du lac Meech où, au lieu d'avoir cinq sujets d'unanimité, on en aurait dix.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces trois possibilités. Chacune a son mérite, mais laquelle est la meilleure dans le contexte actuel?

M. White: Commençons par l'Accord du lac Meech. Je pense que le concept fondamental de l'Accord du lac Meech est une erreur. Avec l'Accord du lac Meech, on a essayé de donner un veto au Québec sur les six chefs de l'article 42.1. On l'a fait non pas en donnant un veto au Québec, mais en les incluant dans la clause qui demande l'unanimité. Alors, cela donne un veto à tout le monde.

Je pense que c'est une erreur. Je serais plutôt porté à enlever des éléments de la clause qui demande l'unanimité plutôt que d'en remettre. Alors, ce serait le premier point. Je ne serais pas d'accord avec l'approche de l'Accord du lac Meech.

Quant aux deux autres formules, vous avez dit que l'une d'entre elles ne serait pas acceptable?

Le sénateur Beaudoin: On me dit que ce n'est pas acceptable.

M. White: Pour le reste du Canada.

[Traduction]

Le sénateur Beaudoin: On me dit qu'il est absolument impossible de donner un droit de veto au Québec dans les domaines où le Québec est distinct. «Distinct» n'est pas le bon mot. Je devrais dire plutôt dans les domaines dans lesquels il a un intérêt vital.

[Français]

M. White: Je pense, monsieur le président, qu'il ne faut pas abandonner la lutte avant de l'avoir commencée. Je passe beaucoup de temps en Alberta, et je ne crois pas que les Albertains diraient qu'ils ne pourraient pas accepter pour le Québec un droit de veto sur les choses qui sont essentielles au Québec, en autant que la province de l'Alberta ait un droit de veto sur les choses qui sont essentielles à la province de l'Alberta. C'est tout à fait normal.

Le sénateur Murray: Et cela comprend la réforme des institutions centrales comme le Sénat.

M. White: Oui.

Le sénateur Murray: Alors, cela vous amène inévitablement à la formule de l'unanimité dans certains cas.

M. White: Dans certains cas, oui.

[Traduction]

Le sénateur Beaudoin: Revenons en arrière. Si le Québec a développé le sentiment qui a cours aujourd'hui, c'est parce qu'il ne se sent pas en sécurité, et le Québec restera au sein du Canada uniquement s'il s'y sent en sécurité. C'est possible d'adapter le fédéralisme pour qu'il réponde aux désirs du Québec. Je ne vois pas de problème majeur à cet égard; c'est faisable. Toutefois, le problème que nous avons depuis 30 ans, c'est que si l'on donne quelque chose à une province, il faut le donner à toutes les provinces.

Je me souviens que, lorsque je siégeais à la Commission Pepin-Robarts, j'avais appelé cela la théorie du pantalon. On a dix provinces et dix pantalons. Chaque pantalon doit être de la même taille. Il faut donner exactement la même chose à toutes les provinces, quels que soient leurs besoins.

On agit ainsi parce qu'il a été dit, dès le début, que le fédéralisme asymétrique était inacceptable. Pourtant, le fait est que si l'on examine la Constitution du Canada, il existe déjà une certaine asymétrie. On a une asymétrie au Sénat et à la Chambre des communes, par exemple pour l'Île-du-Prince-Édouard. On a une asymétrie à l'article 93 en ce qui concerne Terre-Neuve. On a une certaine asymétrie dans le cas du Code civil du Québec. Je suis sÛr qu'on peut trouver beaucoup de ces cas de légère asymétrie.

Finalement, il faut faire quelque chose avec cette formule de modification. Je suis de ceux qui disent que nous ne pouvons pas oublier que, dans un an, nous devrons rendre une décision sur cette question. Un an, ce n'est pas long. Nous devons entendre des propositions de témoins quant à la meilleure formule de modification de la Constitution de notre pays.

Vous dites qu'il n'est pas impossible que le Québec ait un droit de veto dans des domaines qu'il considère comme essentiels, soit le Code civil, la langue française, la culture, et cetera. Pour les questions économiques, il n'y a aucune raison valable. On peut s'imaginer cela, ou l'on peut rétablir les veto régionaux. C'est ce que fait le gouvernement. Il y a maintenant cinq régions, parce que la Colombie-Britannique posait un problème particulier ou avait des besoins particuliers. Qu'est-ce qui serait préférable, selon vous?

M. White: Sénateur, je devrai répondre en disant qu'il me faudrait me remettre à la tâche et potasser encore un peu cette question. Je ne me suis pas préparé à témoigner sur la meilleure formule de modification, même si j'ai des idées là-dessus.

Pour répondre à votre question, je dirai deux choses. D'abord, quand on se demande ce qui est possible ou non au Canada sur le plan politique, je ne crois pas que nous devions nécessairement nous fonder sur ce qui s'est avéré politiquement possible par le passé. Je crois que c'est M. Johnson qui a dit que la perspective d'être pendu demain ne permet de penser qu'à une chose. Il y a de très bonnes chances pour que des choses qui n'étaient pas possibles avant le référendum le deviennent après le référendum.

Deuxièmement, et je suis désolé de lancer autant de ces vieilles maximes, mais Harold McMillan avait sur son bureau un slogan inspiré de Gilbert et Sullivan selon lequel une discussion calme et tranquille peut démêler n'importe quelle situation inextricable. Un groupe ou un organisme qui prendrait le temps d'examiner ces questions une à une, sans essayer de s'en tenir à ce qui est judicieux ou correct sur le plan politique, mais en essayant de faire ce qu'il faut faire, pourrait probablement, dans tous les cas, trouver la réponse à votre question.

Comme le sénateur Murray l'a signalé, je soupçonne que la question la plus insoluble pourrait être celle du Sénat lui-même. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, il est inutile d'exiger l'unanimité, à moins qu'on s'entende déjà généralement sur le contenu de la Constitution. Si certains veulent la modifier et d'autres non, l'exigence de l'unanimité ne fait que paralyser la situation et rendre tout changement impossible. Je crois que c'est le grand élément de frustration pour ceux qui souhaitent une réforme du Sénat alors que d'autres n'en veulent pas, ou encore pour ceux qui ont des points de vue divergents sur la manière de réformer le Sénat.

C'est étrange. Je crois que, de toutes les questions qui pourraient faire l'objet d'une modification constitutionnelle, le Sénat est la seule qui constitue un enjeu politique majeur à l'heure actuelle, au Canada, et qu'il serait difficile de trancher. Le sénateur Murray n'est peut-être pas d'accord, mais si tel est le cas, il se pourrait bien que nous n'ayons d'autre choix que de l'abolir.

Le sénateur Murray: Cela exigerait aussi l'unanimité.

Le sénateur Beaudoin: J'ai été surpris qu'on ait cette discussion sur le Sénat ce matin, parce que pour abolir le Sénat, il faut l'unanimité.

M. White: Ce n'était pas sérieux.

Le sénateur Beaudoin: À l'article 41, c'est clair. Toutefois, pour une institution, c'est la formule 7-50.

M. White: Pour la Cour suprême, c'est l'unanimité.

Le sénateur Beaudoin: Pour la Cour suprême, c'est l'unanimité en vertu de l'article 41. Sauf pour son abolition, il y a deux moyens de traiter les questions relatives au Sénat: la formule 7-50 ou, pour la retraite des sénateurs, une simple loi du Parlement du Canada, comme on l'a fait en 1965.

Le sénateur Murray: Toutefois, un autre facteur a été discuté ce matin. Mme Dawson a dit que, selon elle, en vertu des articles 22 et 23 de l'ancien AANB, les circonscriptions électorales du Bas-Canada ne peuvent être modifiées sans le consentement du Québec. Dans ces conditions, devrait-on avoir recours à la fois à la formule 7-50 et à l'article 43?

Le sénateur Rivest: C'est bon pour nous, du Québec.

Le sénateur Murray: Concrètement, la formule 7-50 pourrait servir à créer un Sénat élu, égal et ayant de nouveaux pouvoirs, mais si l'opinion de Mme Dawson s'avérait fondée, il faudrait qu'il y ait 24 sénateurs du Québec.

M. White: À moins que le Québec n'accepte de modifier cette exigence.

Le sénateur Murray: À moins que le Québec n'accepte de modifier cette exigence. L'idée, c'est que le Québec a un droit de veto sur certains aspects de la réforme du Sénat, dans l'état actuel des choses.

Le sénateur Beaudoin: J'espère qu'elle a raison.

Le sénateur Gauthier: C'est vous le spécialiste.

[Français]

Le sénateur Rivest: Monsieur le président, j'aimerais juste faire un commentaire à M. White, à la suite de la discussion sur la formule d'amendement. Au Canada, quels sont les grands problèmes de fond? Il y a la question des autochtones, celle du pouvoir des dépenses, le rôle du gouvernement canadien, celle des droits linguistiques et la réforme des institutions. En procédant avec ce projet de loi C-110, où l'on introduit des veto, comme M. White l'a signalé, tout le monde va porter un jugement sur ce projet de loi selon les besoins de fond, en fonction de savoir si cela va faciliter ou non l'obtention de ce qu'ils désirent.

Par exemple, je suis convaincu que les peuples autochtones vont venir nous dire que nous rendons encore leur accès au principe du droit à l'autodétermination plus fort. Les gens des territoires qui veulent, éventuellement, accéder au niveau de statut de province vont nous dire que nous leur compliquons encore la tâche. On va tenir les mêmes propos pour les questions linguistiques.

En regard de la question du Québec, c'est dans ce sens-là que c'est un peu inquiétant politiquement. La question de toute la mécanique de la formule d'amendement va créer ou risque de créer encore plus de rigidité pour l'obtention des changements de fond et de substance sur lequel, par ailleurs, le débat n'est même pas engagé au Canada alors qu'il y a une urgence non seulement en regard de 1997, mais qu'il y a une urgence en regard d'un éventuel référendum au Québec où le Canada devra démontrer que le Canada change en réalité, et non dans sa procédure d'amendement à la Constitution.

Je sais que c'est terriblement difficile de s'entendre là-dessus. Je pense, monsieur White, au début de votre intervention quand vous avez manifesté que cela prend un leadership au niveau du gouvernement canadien, ce leadership ne doit pas simplement s'exprimer. On comprend qu'il y a eu des engagements formels sur une question de la formule d'amendement. Je pense que monsieur Chrétien, le premier ministre, l'a indiqué au moins dans son intervention télévisée que c'était à l'avenir, et à l'existence et à la nécessité de changement du Canada en tant que tel. Donc, ce sont des choses de substance auxquelles nous avons à faire face et nous sommes tous là à jouer avec la formule. Cela est un danger immense.

M. White: Sénateur Rivest, vous faites là un point très important que j'ai essayé de souligner. À mon avis, il faut commencer avec des principes de base. Je n'ai pas suggéré, dans ma présentation, des amendements de fond à la Constitution. J'ai proposé un préambule qui expliciterait les caractéristiques ou les attributs de base du Canada. Si c'est un préambule, ce sont les experts qui vont interpréter la portée exacte de la Loi constitutionnelle. Mais je n'entre pas dans les détails. Cela doit venir après. Il faut d'abord que l'on s'entende sur les principes. C'est très cartésien, je le sais, mais ensuite on pourra débattre les détails. Je pense que, peut-être, on commence à rebours, on commence à parler des détails au lieu de s'entendre sur les principes. Je dois dire en terminant, que ce dont nous avons besoin au Canada, c'est du leadership qui va nous parler des principes du Canada et qui va expliquer aux Canadiens quels sont les principes de base que nous devons tous reconnaître et respecter. Il ne semble pas que cette loi nous avance beaucoup dans ce dossier.

[Traduction]

Le sénateur St. Germain: Je veux poser une question au sujet des principes. Vous dites qu'il faut nous fonder sur des principes de leadership. Ces principes devraient-ils venir uniquement de l'intérieur? Pensez-vous à une assemblée du genre assemblée constituante, ou à une influence extérieure s'adressant aux responsables? Serait-ce possible?

M. White: Comme Winston Churchill l'a dit un jour: «J'y crois, je suis un fils du Parlement.» Je crois que nous avons des gouvernements élus. Ces gouvernements ont été élus pour gouverner le pays, pas pour s'amuser tandis que Rome brÛle. Ils n'ont pas été élus pour laisser l'initiative à d'autres. Si nous avons un problème majeur pouvant entraîner la séparation du Canada, les gouvernements élus et les premiers ministres devraient régler ce problème.

Je ne suis pas d'accord avec ceux qui prétendent que le gouvernement devrait rester en dehors de ce processus. C'est absurde de dire cela. Je ne suis pas d'accord non plus avec ceux qui laissent entendre que les anglophones devraient décider entre eux de ce qu'ils veulent faire, tandis que les francophones feraient la même chose de leur côté. Quel genre de dialogue aurions-nous alors? Le leadership devrait venir de la même source que d'habitude, c'est-à-dire des dirigeants politiques du Canada. Nous devrions réussir à régler cette question, si nos dirigeants agissent selon leur conscience et font ce qui est le mieux pour le pays.

Le sénateur Murray: Vous en parlez comme si c'était une tâche pour dix hommes en complet.

Le sénateur MacEachen: Nous savons d'expérience que le leadership ne donne pas toujours de résultats.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Nous avons devant nous un leadership politique. Le projet de loi C-110, c'est une proposition ou une initiative politique. Ce n'est pas un amendement constitutionnel. C'est une réponse à une promesse qui avait été faite dans un contexte strictement politique. La Chambre des communes s'est prononcée, elle a adopté le projet de loi C-110.

Si le Sénat n'adoptait pas le projet de loi C-110, qu'arriverait-il, M. White? Ce serait la confusion, ce serait le désordre, vous le savez comme moi.

La Chambre des communes s'est déjà prononcée sur ce projet de loi. Vous savez comme moi que c'est une proposition qui est essentiellement politique, pourquoi n'adopterions-nous pas le projet de loi C-110, puis ne suivrions-nous pas attentivement le débat pour, justement, bonifier et ajouter peut-être des amendements constitutionnels avant la date fatidique de 1997 qui va exiger une rencontre sur la formule d'amendement? Il va falloir passer aux actes.

Le sénateur Rivest: Nous avons huit mois.

Le sénateur St-Germain: Même si cela nuit à la province de Québec?

Le sénateur Gauthier: Cela ne nuira pas à la province de Québec, c'est le Canada qui est en jeu, sénateur St-Germain.

Le sénateur St-Germain: Je comprends très bien, mais le point d'intérêt, c'est le Québec.

[Traduction]

M. White: Je crois que c'est une question de pure forme que vous posez là. Je ne dis pas le contraire. Comme je le disais, ce projet de loi est un pas dans la bonne direction, mais il faudra avancer davantage dans cette direction.

Le sénateur Gauthier: J'en conviens.

Le sénateur Rivest: C'est un faux pas dans la bonne direction.

Le président: Merci beaucoup, monsieur White.

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, je souhaite proposer que nous ajoutions M. Milne, de l'Île-du-Prince-Édouard, à la liste des témoins, ainsi que le professeur Schwartz, de la faculté de droit de l'Université du Manitoba.

Le sénateur Beaudoin: Nous en avons discuté ce matin.

Le sénateur Gauthier: Oui, avec le comité directeur.

Le sénateur Beaudoin: Nous avons proposé que nous revenions à cette question à la fin de la journée, n'est-ce pas? Je crois que vous n'y étiez pas, sénateur De Bané, quand nous en avons décidé ainsi.

Le sénateur De Bané: C'est exact, mais plus vite on communiquera avec eux pour qu'ils préparent leurs documents, mieux ce sera. C'est ce que je propose au nom de mon parti. Si ma proposition est agréée par l'autre côté, le greffier pourra peut-être communiquer avec eux et voir quand ils pourraient comparaître. J'ignore s'ils accepteront une invitation aussi tardive.

Le sénateur Beaudoin: Je n'ai pas d'objection. Je me rappelle qu'un professeur de l'Université de Montréal a manifesté le désir de comparaître. Il n'a pas pu comparaître cette semaine, mais il le pourra peut-être la semaine prochaine. Je parle du professeur Frémont, de l'Université de Montréal. Si nous pouvions l'entendre la semaine prochaine, je proposerais la même chose. Je n'ai rien à redire à votre proposition.

Le sénateur Murray: Monsieur le président, je ne veux pas créer de problèmes mais, d'abord, nous avions convenu d'une période relativement courte pour étudier ce projet de loi. C'était le voeu du gouvernement, comme il nous l'a dit et redit maintes fois, que nous faisions rapport de ce projet de loi au Sénat au plus tard le 1er février. J'en déduis que le gouvernement veut que la Chambre des communes puisse examiner dans la semaine du 5 février toute proposition d'amendement que nous pourrions présenter. Nous avions convenu d'un calendrier relativement court.

Six ou sept groupes gouvernementaux, territoriaux et autochtones vont comparaître. Je crois que nous nous sommes entendus sur environ 13 spécialistes de l'extérieur. Je sais aussi bien que vous - mais le sénateur De Bané ne le sait peut-être pas - qu'en plus des deux témoins que le sénateur De Bané a mentionnés et de celui que le sénateur Beaudoin a nommé, diverses organisations et groupes demandent à comparaître devant le comité. Il fallait établir une limite quelque part. Nous avons limité à 13 les témoins de l'extérieur que nous avons invités. Pour entendre les deux témoins proposés par le sénateur De Bané, il faudrait que nous siégions vendredi après-midi. C'est sans compter un troisième témoin proposé par le sénateur Beaudoin et les nombreuses organisations qui veulent être entendues. Nous ne pouvons pas les entendre tous, et je préférerais ne pas avoir à choisir entre les deux témoins proposés par le sénateur De Bané, celui proposé par le sénateur Beaudoin et les organisations qui demandent à être entendues. Il faut reconnaître que nous faisons de notre mieux dans les délais impartis et mettre fin à la liste.

Le président: Sénateur MacEachen, avez-vous quelque chose à ajouter?

Le sénateur MacEachen: S'il s'agit de mettre fin à la liste et de n'accepter aucun autre témoin, c'est une position héroïque que nous pourrions adopter. Je croyais que nous pourrions entendre les professeurs Schwartz et Milne parce que personne d'autre ne représentera le Manitoba, ni l'Île-du-Prince-Édouard.

Toutefois, si le comité plénier est disposé à adopter la position héroïque, je le suis aussi.

Le sénateur Murray: Au nombre des organisations figurent le Parti Égalité du Québec, Alliance Québec et plusieurs des organisations de la minorité linguistique hors Québec. Je ne vois pas comment nous pouvons les entendre toutes sans obtenir du Sénat plus de temps pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Marchand: Nous ne pouvons pas entendre tout le monde, mais nous devrions entendre des représentants de tous les coins du pays, et voici que les sénateurs MacEachen et Murray disent: «Il faut mettre fin à la liste. Nous ne pouvons pas entendre tout le monde. Nous ne pouvons pas faire un travail complet parce que tout le monde veut comparaître.»

Je veux bien que nous mettions fin à la liste et que nous fassions de notre mieux pour entendre les témoins qui y figurent déjà. Nous aurons entendu un grand nombre de personnes sur le projet de loi, surtout pour ce qui concerne les provinces qui tenaient à se faire entendre. Les provinces qui ne voulaient pas envoyer de représentants nous l'ont dit. Je suis prêt à mettre fin à la liste.

Le sénateur Carstairs: En substance, s'il est convenu que nous ayons une liste, et comme le comité directeur a vérifié la liste des témoins afin de s'assurer, je suppose, que soit représenté l'éventail d'opinions le plus large possible, je suis tout à fait disposée à accepter la liste proposée par le comité directeur.

Le sénateur St. Germain: À la séance de ce matin, j'ai signalé que le Parti Égalité m'avait déjà envoyé un mémoire partiel et avait manifesté le désir de comparaître devant notre comité. Compte tenu de l'esprit d'audiences comme celles-ci, je ne voudrais pas convenir de restreindre le débat ni l'information disponible.

La question est beaucoup plus importante qu'il ne le paraît à première vue. On a invoqué la clôture à la Chambre des communes. Il ne faudrait pas que le Sénat ait l'air d'invoquer la clôture ou d'essayer de restreindre le débat en limitant le nombre des témoins. En fait, la liste comprend les peuples autochtones, dont le témoignage est très important, les universitaires et quelques politiciens. Il n'y a personne du secteur industriel. Le secteur industriel a déclaré clairement que cette question constitutionnelle est d'une importance clé, si l'on en juge par ce qu'en disent les Matthew Barrett, Laurent Beaudoin et autres industriels dans le reste du Canada.

Je ne viens pas à la rescousse du Parti Égalité ni de qui que ce soit d'autre. Toutefois, il serait dommage que nous nous privions d'information pour des raisons de temps. Beaucoup de sénateurs auront bien du mal à prendre la bonne décision au sujet de ce projet de loi.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Notre dilemme pourrait être réglé en demandant aux témoins potentiels de nous présenter leurs commentaires par écrit. Cela peut se faire dans les prochains sept ou huit jours. Nous lirons le compte rendu. Si on est pour continuer indéfiniment, et surtout suite à l'intervention de M. White, je vous jure que la Fédération des francophones et acadiens va vouloir témoigner. Les Franco-Ontariens vont certainement vouloir comparaître aussi et cela veut dire que nous ouvrons la porte à tous ces témoins. Je suis le dernier à vouloir les empêcher de comparaître, mais je reconnais que la contrainte de temps s'impose. J'endosse la position du sénateur Murray et du sénateur MacEachen.

Le sénateur Meighen: Le sénateur Gauthier vient de faire la mise au point que je voulais faire. Je pense que mon collègue, le sénateur St-Germain, a très bien expliqué pourquoi on ne devrait pas ouvrir la liste parce qu'à ce moment, les chefs syndicaux et ceux de l'industrie vont tous faire la demande pour comparaître devant le comité. Notre temps est très limité. Procédons de la façon que nous avions décidé.

Le président: Si j'ai bien compris le consensus des membres du comité, la liste des témoins est fermée. Le professeur Pelletier est notre prochain témoin, je vous souhaite la bienvenue.

M. Benoît Pelletier , professeur agrégé à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa: Je vous remercie, monsieur le président, je vous ai fait remettre tout à l'heure le texte de ma présentation. Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de lire ce texte qui est quand même volumineux. Je vais plutôt, si vous le voulez bien, mettre l'emphase sur les grandes lignes de mon analyse.

Dans ce texte vous remarquerez, sans doute, dans un premier temps, que j'ai fait un examen des procédures de modification actuelle. J'ai également fait une analyse des éléments qui viennent complexifier cette procédure. Certains de ces éléments apparaissent dans la Loi constitutionnelle de 1982, et font donc partie de notre procédure de modification constitutionnelle. D'autres facteurs de complexification tiennent plutôt des pratiques qui ont été établies par les acteurs politique au cours des dernières années, tiennent également de certaines exigences qui sont reliées au contexte social canadien.

Dans un deuxième temps, j'ai examiné attentivement la nature et la portée du veto régional dont il est ici question.

Dans un troisième temps, je me suis efforcé de recenser les arguments défavorables et favorables au projet de loi actuellement sous étude.

Et, enfin, dans un quatrième temps, je me suis permis de faire quelques recommandations au comité dans l'hypothèse où le Sénat devait décider d'entériner le projet de loi.

Vous me permettrez donc d'aller immédiatement au coeur de mon étude, à savoir l'étude du projet de loi qui nous intéresse. Je vous inviterais ici à prendre les pages huit et suivantes de mon texte.

Il faut d'abord comprendre que nous sommes en présence d'un projet de loi qui s'inscrit hors du cadre constitutionnel actuel. Nous sommes en présence d'un veto régional qui est destiné à venir compléter, à venir s'ajouter au processus de modification constitutionnelle que nous avons mis en place en 1982. Voilà pourquoi l'analyse préalable de la procédure actuelle s'imposait pour bien comprendre jusqu'où le projet de loi qui nous intéresse vient ajouter au processus actuel, et vient le complexifier et en rendre la mise en oeuvre un peu plus difficile.

Le processus que nous avons mis en place en 1982 repose sur ce que l'on appelle la procédure législative, c'est-à-dire l'adoption de résolutions par les assemblées législatives concernées, fédérale et provinciales. Cette procédure demeure intacte. Elle demeure inchangée par le projet de loi qui est actuellement sous étude.

Le veto régional, bien entendu, ne serait pas constitutionnalisé et n'aurait pas d'autorité supralégislative. Cela fait en sorte qu'il serait empreint d'une certaine précarité, évidemment, bien qu'il faille admettre que l'on voit difficilement dans l'avenir. Dans l'hypothèse où le projet de loi devait être adopté, on voit difficilement dans l'avenir le Parlement canadien décider de faire marche arrière et décider d'abroger cette mesure à moins, bien entendu, que son contenu n'en vienne un jour à être essentiellement constitutionnalisé.

Nous sommes en présence d'une procédure qui vise à compléter le processus de modification actuel, sans modification de la Constitution écrite. Ce qui est au coeur du projet de loi actuel, c'est l'exercice, par le Parlement du Canada, du droit de veto dont il dispose à l'égard de la plupart des modifications constitutionnelles. Le Parlement du Canada dispose, sous réserve du fait que le Sénat n'a qu'un veto suspensif, d'un droit de veto complet par rapport aux modifications constitutionnelles qui, par exemple, sont apportées en vertu des articles 38, 41, 42 ou de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le veto régional dont on parle concerne l'exercice par le Parlement du Canada de ce droit de veto dont il dispose. Nous verrons au cours de mon exposé qu'en soi, ce qui plus particulièrement fait l'objet ici du veto régional, c'est l'exercice du droit de veto dont dispose le Parlement canadien en vertu de l'article 38 ou en vertu de l'article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Ce qui est intéressant, c'est de savoir ce qui se produirait si le projet de loi devait être adopté. Évidemment, il serait soumis a une interprétation judiciaire, comme n'importe quel autre loi fédérale. Mais, là où il y une problématique, c'est concernant la sanction judiciaire de la loi, au cas où celle-ci ne serait pas respectée. Je vais vous donner quelques exemples.

Prenez l'hypothèse où un individu ou un groupe d'intérêt ou même une province s'avisait d'intenter un recours pour empêcher un ministre de la Couronne de soumettre au Parlement canadien une motion de résolution qui ne serait pas conforme au veto régional. Est-ce que ce recours aurait des chances d'être accueilli par les tribunaux? À mon avis, c'est en soi une question qui est extrêmement théorique, extrêmement académique, et les tribunaux seraient très réticents d'empêcher un ministre de déposer un motion de résolution au Parlement, même si celle-ci devait contrevenir aux dispositions de la loi concernant les modifications constitutionnelles qui nous intéressent ici.

Une fois le Parlement saisi d'une résolution, contrairement à la loi, est-ce que les tribunaux pourraient intervenir en cours de processus pour empêcher le Parlement d'adopter la résolution? Probablement pas. Les tribunaux se sont toujours montrés extrêmement réticents à intervenir dans le processus parlementaire lui-même.

Imaginons maintenant que la résolution soit adoptée; toujours contrairement aux dispositions de la loi, est-ce que les tribunaux succomberaient à la tentation d'invalider cette résolution si elle était contraire aux dispositions de la loi concernant les modifications constitutionnelles? Encore une fois, la réponse est non, parce que tout ce qu'exige les procédures de modifications constitutionnelles actuelles, c'est l'adoption de résolutions par les parlements. Et les tribunaux en viendrait sans doute à la conclusion qu'il appartient à l'entière discrétion du Parlement du Canada d'adopter une résolution portant modification constitutionnelle et même si cela devait être fait de façon contraire aux dispositions de la Loi sur les modifications constitutionnelles qui nous intéresse.

En d'autres termes, les tribunaux n'auraient aucune hésitation à donner priorité à une résolution adoptée par le Parlement canadien portant modification constitutionnelle, même si cette résolution était contraire à la Loi sur les modifications constitutionnelles pour le simple motif que c'est ce que la Constitution prévoit, pour le simple motif que si la cour ne parvenait pas à cette conclusion, il lui faudrait déclarer la loi qui nous intéresse, elle-même inconstitutionnelle, ce que les tribunaux se refuseraient sans doute de faire, se contentant tout au plus d'en déclarer les dispositions inopérantes, encore une fois pour donner priorité à la résolution qui serait adoptée par le Parlement.

Alors, me direz-vous, nous sommes en présence d'une loi qui sera dépourvue de sanctions judiciaires efficaces, probablement. Elle sera dépourvue de sanctions judiciaires efficaces dans le sens où il n'y aura, à mon avis, aucun moyen pour en obliger le respect.

C'est un peu comme si la loi qui nous intéresse se trouvait à cristalliser législativement ce qui sera appelé à devenir une nouvelle convention constitutionnelle, une nouvelle pratique, un nouvel usage qui sera relié au processus de modification constitutionnelle au Canada. Cela ne rend pas la loi pour autant sans intérêt. La loi est intéressante. La loi, sans doute, constitue un précédent politique à défaut d'avoir des dents juridiques. La loi, je le répète, pourra cristalliser une nouvelle convention constitutionnelle législativement, par écrit, pour en cristalliser un nouvel usage auquel, dorénavant, il va s'en dire, le gouvernement du Canada se sentira moralement soumis.

À mon avis, par ailleurs, la loi, malgré le fait qu'elle sera dépourvue de sanctions judiciaires efficaces, est parfaitement légale et constitutionnelle.

Certains seraient tentés de dire que cette loi constitue une modification indirecte de la Constitution du Canada et que, pour ce motif, elle est inconstitutionnelle. Je ne retiens pas ces arguments. D'abord, pour le motif que le projet de loi en cause ne change rien au fait que le Parlement du Canada demeure le décideur ultime quant à savoir s'il est opportun ou non d'adopter la résolution qui lui sera soumise par le gouvernement du Canada.

Deuxièmement, le projet de loi est subtilement rédigé puisqu'il n'impose pas de contraintes au Parlement, mais il en impose plutôt au gouvernement.

Troisièmement, le projet de loi serait vraisemblablement dépourvu de sanctions judiciaires. Ce qui fait qu'en tout temps, les tribunaux donneront tout simplement priorité à la Constitution et même, à la limite, pourront déclarer les dispositions de la loi en cause inopérantes.

Quatrièmement, le projet de loi concerne l'exercice du droit de veto dont dispose le Parlement du Canada et, à mon avis, il appartient au Parlement d'assujettir cet exercice aux modalités qu'il juge approprié.

Cinquièmement, le projet de loi ne change rien au fait que notre processus de modification constitutionnelle demeure un processus de ratification législative, en ce sens où l'adoption de résolutions par les assemblées législatives concernées et, notamment, par le Parlement du Canada demeureront encore requises.

Sixièmement, le projet de loi n'opère aucun changement officiel en ce qui concerne les procédures instaurées en 1982, mais s'inscrit plutôt, comme je le disais un peu plus tôt, au niveau des usages et des pratiques établis, concernant notre processus de modification constitutionnelle.

Le projet de loi, en fin de compte, ne fait qu'ajouter aux procédures actuelles. Il ne cherche qu'à compléter le processus actuel est non pas à le remplacer. Il complète notre processus actuel, mais n'y substitue toutefois pas une solution de rechange.

Il faut toutefois être bien conscient que nous sommes en présence d'un projet de loi qui a une portée fort large. Par exemple, le projet de loi va s'appliquer à l'égard de toute modification constitutionnelle, sauf celle visée par l'unanimité, l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982. On estime, évidemment, que les provinces ont déjà un droit de veto sur ces modifications.

Le projet de loi ne s'appliquera pas non plus aux modifications visées par la procédure bilatérale de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Là encore, on estime que les provinces ont un droit de veto sur ces questions.

Le projet de loi ne s'appliquera pas non plus sur tout ce qui peut faire l'objet du droit de retrait prévu au paragraphe 38.3 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cela veut dire que le projet de loi ne s'appliquerait pas dans le cas où il y aurait transfert d'une compétence provinciale en faveur du Parlement canadien. Cela veut dire une modification du partage des pouvoirs dans le sens d'une plus grande centralisation. Dans un tel contexte, la province bénéficierait d'un droit de retrait, et le droit de retrait est exclu de la portée du projet de loi qui nous intéresse.

Pourquoi le projet de loi en est-il exclu? C'est parce que l'on estime que, par ce droit de retrait, les provinces sont suffisamment protégées.

Le sénateur Rivest: Dans tous les domaines?

M. Pelletier: Quels domaines?

Le sénateur Rivest: Ceux de l'éducation et de la culture?

M. Pelletier: Non, on ne parle pas de compensation financière, on ne parle que de droit de retrait.

Pour vous donner une idée de la portée du veto régional, vous retrouvez à la page 13 de mon texte, différents exemples que je donne: une modification à la Charte de 1982; une réforme aux institutions centrales; la création de nouvelles provinces; des dispositions concernant le Québec société distincte; une clause Canada; une reconnaissance de la dualité linguistique au Canada; une limitation du pouvoir fédéral de dépenser; l'enchâssement constitutionnel d'accords administratifs; des dispositions visant la consolidation de l'union sociale et économique canadienne; des dispositions visant les autochtones; la tenue obligatoire de conférences constitutionnelles; des propositions en matière d'asymétrie législative - et j'en passe. Toutes ces modifications et propositions font l'objet du veto régional.

Ceci m'amène maintenant à certaines petites préoccupations techniques. On constate que le projet de loi ne mentionne pas comment le gouvernement du Canada pourra s'assurer du consentement des provinces qui est requis pour la mise en oeuvre du veto régional. Lors de sa conférence de presse du 27 novembre 1995, le premier ministre du Canada avait mentionné que ce consentement pourrait se manifester sous différentes formes, à savoir par un vote dans l'assemblée législative, un référendum ou par un avis direct du gouvernement provincial.

À mon avis, il serait opportun que ces précisions, c'est-à-dire les modes selon lesquels le consentement provincial pourra s'exprimer, que ces précisions apparaissent dans le projet de loi actuel ou encore, il serait opportun qu'il y soit précisé que le gouvernement du Canada pourra s'assurer du consentement provincial requis, par le moyen qu'il jugera approprié.

Je considère qu'il est opportun que le projet de loi précise quelle sera la marge de manoeuvre dont bénéficiera le gouvernement du Canada en ce qui concerne l'usage du veto régional. Et faut-il s'indigner de cette marge de manoeuvre? À mon avis, non; étant donné la portée très grande du veto régional. S'il fallait qu'en plus, le gouvernement fédéral n'ait pas de marge de manoeuvre en ce qui concerne sa façon de s'assurer du consentement provincial, et même dans certains cas le recours au référendum, à ce moment-là nous serions en présence d'un projet qui pourrait drôlement compliquer la modification constitutionnelle au Canada; beaucoup plus que certains peuvent le souhaiter.

Préciser, dans le projet de loi, que le fédéral aura toute discrétion pour s'assurer du consentement provincial, pourra éliminer tout ambiguïté et pourra fermer la porte à une interprétation judiciaire qui pourrait aller dans le sens contraire. Sans compter que de telles précisions pourraient être opportunes dans un contexte où le gouvernement d'une province ou l'assemblée législative d'une province décidait de s'opposer à une modification constitutionnelle, alors que le gouvernement du Canada jugeait nécessaire de s'adresser directement à la population par voie de référendum pour chercher à débloquer l'impasse.

Il serait également opportun, à mon avis, que parmi les exceptions à la portée du veto régional figurent celles reliées à l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. Actuellement, il est prévu comme exceptions, le droit de retrait, l'article 41 et l'article 43. Mais l'article 44 est une disposition que l'on n'a pas jugé bon de souligner dans le projet de loi, parce que de toute façon, les provinces actuellement n'ont pas leur mot à dire. C'est un processus de modification qui relève unilatéralement du Parlement canadien. Mais il serait sage, en ce qui concerne l'usage de l'article 44 - puisque nous parlons de nouvelles pratiques que nous voulons établir - que tout le monde sache qu'à l'égard de l'article 44, le veto régional n'aura pas d'application.

Je souhaiterais également que ce comité étudie la question de savoir s'il est opportun de préciser, dans le projet de loi, ce qui doit advenir si une province revient sur son consentement après l'avoir donné. Ou qu'advient-il si une province retarde indÛment à faire connaître son opinion au gouvernement du Canada? Il pourrait être sage que ces scénarios soient prévus dans le projet de loi.

Permettez-moi d'examiner certains arguments défavorables à la mesure qui nous intéresse, pour ensuite aborder les arguments qui lui sont favorables. Comme premier argument défavorable, on peut souligner que cela peut retarder l'adoption par le Parlement du Canada d'une résolution opérant des modifications constitutionnelles ou favorable à une modification constitutionnelle.

Prenez l'hypothèse où le gouvernement du Canada prend l'initiative de soumettre des propositions; peut-être le Parlement du Canada aurait-il aimé être le premier à appuyer, par sa résolution, l'initiative de son propre gouvernement. Il est possible qu'en fin de compte, le Parlement ne puisse pas, en premier, appuyer une proposition du gouvernement du Canada. Il est possible que le Parlement du Canada doive attendre que des provinces se prononcent sur la question, avant de s'assurer que le consentement soit requis, ce qui, à ce moment-là, permettra à un ministre de soumettre la résolution qui pourra permettre l'adoption de la modification constitutionnelle en cause.

Mais cela n'est pas là, à mon avis, l'argument le plus important. Forcément, nous sommes en présence d'un veto qui alourdit le processus de modifications constitutionnelles actuel. On peut même affirmer que, à toutes fins pratiques, nous passons d'une formule 7-50 à une formule 7-92 pour un bon nombre de modifications constitutionnelles. Sans compter que le veto régional demande la participation de provinces bien spécifiques; ce qui n'est pas le cas avec la procédure actuelle 7-50, où l'on n'a pas requis la participation particulière de telle ou telle province.

Il est donc possible que nous soyons en présence d'une procédure qui rendra plus problématique la réforme constitutionnelle au Canada. Il faut d'ailleurs garder à l'esprit le fait que trop de rigidité risque de rendre aléatoire l'adaptation de la Constitution du Canada à des circonstances nouvelles. Il faut être bien conscient qu'avec un veto régional qui équivaut à peu près à une formule 7-92, on en est presque rendu à l'application de la règle de l'unanimité à l'égard de presque tous les sujets.

Ce qui est étonnant, c'est que l'on constate que ce veto régional s'appliquerait même à l'égard de certains sujets que, dans le passé, les acteurs politiques ont voulu soumettre à une procédure plus souple que la procédure 7-50. Par exemple, la création de nouvelles provinces ou le rattachement aux provinces existantes de tout ou partie des territoires, à savoir les Territoires du Nord-Ouest ou du Yukon.

Ces deux sujets-là, dans l'Accord de Charlottetown, on précisait qu'ils ne soient plus soumis à la procédure 7-50, que l'on trouvait trop lourde. On avait proposé dans l'Accord de Charlottetown que pour ces deux sujets, on revienne à la procédure applicable avant 1982, c'est-à-dire que ces deux sujets-là relèvent de la compétence unilatérale du Parlement canadien. Pourtant, avec le veto régional, ces deux sujets-là non seulement demeurent soumis à la procédure 7-50, mais sont maintenant soumis à une procédure rendant ces modifications plus difficiles à accomplir qu'elles ne le sont actuellement.

On peut reprocher au veto régional de faire en sorte que les autorités fédérales renoncent en partie à la flexibilité qui peut être nécessaire pour parvenir à une modification constitutionnelle. Prenons l'exemple des propositions fédérales de 1991. En 1991, donc un peu avant l'Accord de Charlottetown, le gouvernement du Canada avait soumis des propositions constitutionnelles et avait bien pris soin de n'y mentionner aucune proposition qui était reliée à la règle de l'unanimité.

Le fédéral avait proposé des modifications qui, au plus, relevaient de la formule 7-50. Pourquoi? Parce que le fédéral jugeait à ce moment-là qu'avec la procédure 7-50, il y avait plus de chances que le processus - contrairement à l'Accord du lac Meech - aboutisse à des résultats concluants d'une part; le fédéral estimait également qu'avec la procédure 7-50, il était beaucoup plus facile «de contourner» des provinces qui s'opposeraient aux modifications en cause.

Pour bien mesurer l'impact du veto régional, il faut savoir que les modifications constitutionnelles de 1983, en vertu desquelles on a reconnu certains droits aux autochtones, n'auraient peut-être pas pu être apportées, parce que le Québec avait refusé d'adopter la résolution qui était favorable à ces modifications constitutionnelles.

Est-ce que le Québec, malgré qu'il n'ait pas adopté de résolution, aurait fait connaître au gouvernement fédéral son acceptation des propositions en cause? Cela aurait permis au fédéral de rencontrer les exigences du veto régional. On peut le penser, mais il n'en demeure pas moins que cela n'est pas certain.

On prétend souvent que le veto régional se trouve à faire renaître la formule de Victoria. Ce qui est faux, parce que la formule de Victoria était plus souple que le veto régional actuel. La formule de Victoria demandait le consentement du Québec, de l'Ontario, de deux provinces de l'Atlantique, peu importe le pourcentage de leur population, et de deux provinces de l'Ouest représentant 50 p. cent de la population de l'Ouest. Pourquoi deux provinces de l'Ouest? Parce que l'on tenait compte du poids démographique de la Colombie-Britannique.

Nous avions une procédure fondée sur six provinces où on demandait 50 p. cent de la population de l'Ouest, puis on demandait deux provinces dans l'Atlantique, peu importe le pourcentage de la population de la région qu'elle représentait. Avec la procédure actuelle, il y a deux provinces de l'Atlantique, mais au surplus 50 p. cent de la population. Il y a le Québec, l'Ontario; ce ne sont pas deux provinces de l'Ouest que l'on demande, ce sont trois provinces, si j'inclus la Colombie- Britannique. Et dans le cas des provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta, on ajoute une exigence fondée à 50 p. cent de la population régionale.

Nous sommes en présence d'un projet qui va plus loin que l'Accord du lac Meech. Si nous voulions vraiment faire en sorte que le veto régional soit conforme à la formule de Victoria, il faudrait l'accord de deux provinces de l'Atlantique, peu importe la population qu'elle représente, le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique et une province de l'Ouest, peu importe la population qu'elle représente.

Prenons maintenant les arguments favorables. Je vais prendre quelques minutes pour m'assurer que les arguments défavorables et favorables soient bien servis. On peut dire que le veto régional va dans le sens d'une recherche du plus large consensus qui soit au sein de la société canadienne. Nous sommes en présence d'une mesure qui se concilie parfaitement avec l'esprit fédératif et qui est on ne peut plus respectueux du rôle des provinces dans un régime fédéral. On peut également dire que ce projet offre une certaine protection - pour ne pas dire une protection appréciable aux Québécois et au Québec. Cette protection est importante, puisque le Québec ne se sent pas suffisamment protégé par la procédure 7-50 actuelle.

Il faut néanmoins admettre que la réalisation de certains objectifs constitutionnels par le Québec peut être rendue plus difficile, étant donné que dorénavant, la procédure 7-50 ne sera pas la seule procédure applicable à une limitation du pouvoir fédéral de dépenser ou à la reconnaissance du caractère distinct du Québec, par exemple.

Il faut se rappeler les expériences récentes de modifications constitutionnelles: l'Accord du lac Meech et l'Accord de Charlottetown. Cela me semble être un argument important en faveur de la proposition qui nous est ici soumise. Les expériences récentes en matière de modification constitutionnelle ont démontré que l'on ne peut plus, au Canada, songer à une réforme substantielle du fédéralisme canadien si l'on n'a pas l'unanimité ou si l'on n'a pas un consentement très substantiel des provinces canadiennes, lesquelles incluent très certainement les provinces les plus populeuses.

Si l'on adapte cela à un contexte juridique, cela nous donne l'équivalent du veto régional qui nous est proposé. Ce qui veut dire que le veto régional va dans le sens des expériences canadiennes en matière de modifications constitutionnelles les plus récentes.

Par ailleurs, le veto régional doit être examiné à la lumière de la conférence qui doit être tenue, au plus tard, en 1997. Lors de cette conférence, nos acteurs politiques devront relever le défi d'améliorer la procédure constitutionnelle actuelle, d'enlever certains irritants et certains éléments de complexification de la procédure actuelle. Il est même possible, en tout cas, il est permis de le penser, que nos acteurs politiques songeront au remplacement pur et simple de la procédure 7-50 par une formule s'apparentant au veto régional qui est actuellement en cause.

Toutes ces modifications ne sont pas faciles à apporter. La constitutionnalisation du veto régional demanderait l'unanimité, en vertu de l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982. Mais on peut souhaiter que l'actuel projet de loi, s'il était adopté, en vienne à paver la voie à une réforme constitutionnelle formelle.

Le veto régional pourrait également avoir un certain impact psychologique que souvent on néglige, surtout en tant que juriste, en ce qu'il pourrait mieux disposer l'ensemble des partenaires fédératifs qui se sentiraient plus rassurés à l'idée qu'ils disposent par le veto régional, d'une espèce de droit de veto ou de son équivalent. Il est possible que les partenaires fédératifs, on peut l'espérer, entrevoient dans un meilleur esprit les négociations éventuelles et la réforme constitutionnelle au Canada.

Le veto régional peut également servir à légitimer davantage l'usage de référendums, pour débloquer certaines impasses constitutionnelles et pourrait rendre moins nécessaires les très grandes audiences publiques portant sur les propositions constitutionnelles que nous avons connues au cours des dernières années au Canada. De telles audiences devenant moins nécessaires, cela servirait à pallier un peu l'alourdissement de la procédure de modification constitutionnelle qu'il entraînerait s'il était adopté.

Je formule donc certaines recommandations au comité, dans l'hypothèse où le Sénat devait décider d'entériner le projet de loi en cause. Ma première recommandation serait de modifier le projet de loi de façon à reconnaître formellement que le gouvernement du Canada peut s'assurer du consentement provincial selon le mode de consultation qu'il juge privilégié. À la page 23 de mon texte, je soumets trois types de formulations que pourrait prendre une telle modification.

Je recommande qu'au niveau des exceptions à la portée du veto régional, qu'il y ait mention à l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Je recommande que dans le projet de loi, il soit prévu l'hypothèse où une province reviendrait sur son consentement ou encore, où elle retarderait indÛment de faire connaître son opinion, consentement ou désaccord au gouvernement du Canada.

Je recommande également au présent comité d'examiner l'opportunité de modifier le projet de loi de façon à le rendre plus conforme à la formule de Victoria.

Si vous le jugez opportun, les modifications proposées seraient les suivantes: il faudrait le consentement de deux provinces de l'Atlantique, du Québec, de l'Ontario, de la Colombie- Britannique, d'une province des Prairies; dans le cas des provinces de l'Atlantique et dans le cas des provinces des Prairies, peu importe le pourcentage de leur population par rapport à celle de la région à laquelle elles sont rattachées.

Le sénateur De Bané: Monsieur Pelletier, laissez-moi vous dire combien j'ai trouvé votre texte fort éclairant, fort instructif. À ce jour, c'est le document que j'ai trouvé qui examine de la façon la plus exhaustive le projet de loi qui est devant nous.

Est-ce que je suis fidèle à votre pensée en disant que votre opinion générale de ce projet de loi est largement positive? Si l'on tient compte de toutes les observations que vous avez faites, ce projet de loi va dans la ligne des modifications que l'on a connues au cours des années, qui demandent un large consensus. Ce projet de loi, comme vous le dites à la page 20, est respectueux des provinces. Il apporte, sinon une sécurité juridique, du moins une sécurité psychologique. Bref, votre jugement est, en gros, positif?

M. Pelletier: Je considère que le veto régional se rapproche de la formule de Victoria, bien qu'il n'y soit pas conforme. La formule de Victoria était la formule que j'ai toujours trouvée préférable. Je crois que c'est la formule dont nous aurions dÛ être nous doter en 1982. S'il s'avérait que grâce au projet de loi actuel, les acteurs politiques décident en 1997 - ou même avant - de modifier nos procédures de modifications actuelles de façon à les rendre un peu plus conformes à la procédure de Victoria, je pense que le Canada en sortirait gagnant.

Je dois mentionner par ailleurs que nous sommes en présence d'un projet de loi qui, malheureusement, peut aussi rendre plus problématique, pour l'instant, la modification constitutionnelle au Canada, parce que cela n'a pas remplacé la formule 7-50. Cela s'ajoute à la procédure 7-50. Comme je le mentionnais plus tôt, nous parlons quand même maintenant d'un 7-92.

Le sénateur De Bané: Mais, finalement on ne peut pas tout avoir. Vous dites que le grand regret de 1982, c'est que l'on n'a pas le droit de veto pour le Québec et l'Ontario. C'est là le regret que vous exprimez. Mais, par ce projet de loi, on essaie de le faire et en le faisant, on prend acte également de la population de la région de l'Atlantique et de l'Ouest, et à ce moment-là arrive la conséquence que vous venez de dire, cela complexifie encore davantage, cela rend les changements plus difficiles, mais c'est l'envers de la même réalité.

Lorsque l'on dit que l'on devrait donner un veto, en donnant un veto, on rend les choses plus difficiles. Dans les faits, dans ce pays, si l'on veut faire des changements, il faut un large consensus?

M. Pelletier: Oui, sénateur De Bané. À mon avis, cela ne va pas à l'encontre des pratiques récentes. Je pense qu'on ne peut plus penser à une réforme majeure de la Constitution canadienne si la Colombie-Britannique s'y oppose, ou si l'Ontario s'y oppose, ou si le Québec s'y oppose. Dans ce contexte, nous ne sommes pas en présence d'un projet de loi qui me semble aller à l'encontre de l'esprit fédératif ou d'un projet de loi qui va à l'encontre des politiques établies depuis un certain temps.

Je dois dire que la préoccupation de base qui me concerne - et c'est le citoyen du Québec qui vous parle -, c'était que le Québec ait une protection que le Québec juge importante, avec raison. Nous ne sommes pas en présence d'une protection constitutionnelle, mais bien législative. C'est quand même un geste important, parce que c'est la reconnaissance d'un droit de veto pour le Québec.

Est-ce que l'on aurait pu se limiter à un droit de veto seulement pour le Québec? Est-ce que dans le contexte canadien actuel, c'est pensable, c'est possible? Ou est-ce qu'il ne faut pas aussi penser aux autres partenaires fédératifs? La question est politique et elle a été résolue par le premier ministre du Canada, qui a fait les propositions que nous connaissons. Ces propositions étant faites, sommes-nous en présence d'un geste qui aura une portée dramatique en lui-même? À mon avis, non, pour les raisons que j'ai mentionnées un peu plus tôt.

Le sénateur De Bané: D'autre part, bien sûr que si l'on pouvait enchâsser cela dans la Constitution ce serait bien mieux, sauf que pour faire un changement à la formule d'amendement à la Constitution, cela prend l'unanimité. Nous savons tous combien cette unanimité est difficile à atteindre. Comme vous le dites, au point de vue psychologique et politique, il est difficile d'imaginer comment un gouvernement canadien va mettre au rancart ce projet de loi, même si l'on adoptait votre point de vue qu'il n'est pas exécutoire.

Il y a autre point que vous avez soulevé dans votre document surquel j'aimerais vous entendre. Vous dites qu'il serait bon que l'on précise, dans ce projet de loi, comment l'opinion de cette province, dont le consentement est nécessaire, s'exprime. Vous reconnaissez qu'il peut arriver des moments où il faudra peut-être recourir au référendum pour régler une question particulièrement litigieuse. Certains prétendent que par définition, dans un régime fédéral, ce sont les partenaires qui doivent s'exprimer, et non pas la population. Quelles sont vos réflexions sur cet argument que bien sûr, dans une démocratie, le peuple est souverain, mais comme une fédération est formée différentes entités constituantes qui se mettent ensemble, ce sont elles qui doivent s'exprimer, et non pas leur mandant?

M. Pelletier: Comme vous l'avez mentionné, le Canada est une fédération, mais le Canada est aussi une démocratie libérale. Il faut composer entre deux réalités, d'une part, le respect des partenaires fédératifs et d'autre part, le fait que la souveraineté ultime dans l'État appartient au peuple et appartiendra toujours au peuple, quelles que soient les institutions qui servent le peuple. Le peuple sera toujours le titulaire ultime de la souveraineté, qu'il exercera par l'intermédiaire d'institutions que nous connaissons.

Ceci étant dit, j'estime que nous sommes en présence d'un geste qui est audacieux de la part du gouvernement canadien, en ce sens que le gouvernement canadien dispose d'un veto qu'il peut exercer comme il l'entend; sans même consulter qui que ce soit, s'il le désire. Dans le passé, le gouvernement s'est plié à la tenue d'audiences publiques, le Parlement s'est plié lui-même à la tenue de commissions parlementaires, mais le droit de veto peut être exercé par le Parlement du Canada, comme il l'entend.

Nous avons un Parlement et un gouvernement qui, si le projet de loi était adopté, ont un droit de veto. Ce veto est discrétionnaire, dorénavant ils l'exerceront en consultant les provinces et en s'assurant que celles-ci consentent à la modification constitutionnelle. C'est très audacieux. J'oserais même dire que, dans un certain sens, c'est en soi non seulement un précédent, mais c'est aussi «généreux». Le fédéral s'oblige à exercer un droit de veto relié au consentement provincial dès le départ.

Le sénateur De Bané: Oui, c'est tellement généreux que, ce matin, le sénateur MacEachen lorsqu'il dialoguait avec madame Dawson, le sous-ministre associé en charge de la question constitutionnelle, a dit que, finalement, le gouvernement fédéral va avoir moins d'autonomie que le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique?

M. Pelletier: Oui, absolument, bien sûr. C'était là mon deuxième point. N'oublions pas que nous sommes dans un contexte discrétionnaire.

Mon troisième point est le suivant. À mon avis, le Canada n'aura pas le choix et va devoir envisager, à moyen terme, une procédure référendaire pour débloquer une impasse constitutionnelle; peut-être que ce sera fait dans le contexte de la rencontre de 1997. Je m'explique: à mon avis, il ne faut pas avoir peur de l'idée, il ne faut pas avoir peur des mots. Cette idée avait été proposée dès 1980. Elle a été reprise occasionnellement. On est revenu sur l'idée d'un référendum comme voie d'appel. J'insiste à nouveau, un référendum pour débloquer une impasse constitutionnelle peut être un moyen utile.

S'il s'avérait qu'une province s'oppose à une modification constitutionnelle et que l'assemblée législative de la province s'oppose à une modification constitutionnelle, si la province n'adopte pas la résolution appropriée, il est possible que la modification ne puisse pas être apportée. La province disposera toujours du dernier mot en la matière, puisque notre système de ratification législative, donc d'adoption de résolutions par les partenaires fédératifs, est encore le système en vigueur, tant qu'il n'aura pas été modifié par une modification constitutionnelle formelle.

Mais s'il s'avère que le Parlement du Canada ou le gouvernement du Canada sent que la population de la province en cause ne suit plus son gouvernement, que le gouvernement emprunte une voie qui ne rejoint plus la voie que privilégierait la population - toujours dans le contexte de l'exercice du droit de veto dont il dispose et qu'il peut utiliser d'une façon discrétionnaire - pourquoi le Parlement canadien n'utiliserait-il pas une référendum pour chercher - non pas à débloquer l'impasse, parce qu'encore une fois, l'assemblée provinciale aura toujours le dernier mot en adoptant la résolution qu'elle juge appropriée - mais, pour faire pression sur le gouvernement de la province en cause, pour lui indiquer que la voie qu'il emprunte n'est pas celle que ses citoyens entendent suivre.

Le sénateur De Bané: Si vous le permettez, en vertu de la formule 7-50, aucune province nommément n'a un droit de veto.

M. Pelletier: Sauf comme je le mentionnais plus tôt, de plus en plus, dans un processus de réforme globale de la Constitution, nous retrouvons des modalités qui relèvent de différentes procédures de modification, et il s'avère que dans certains cas, nous sommes en présence de modalités reliées à l'unanimité.

Dans ce contexte, la province a toujours le pouvoir de bloquer le processus constitutionnel par l'adoption ou non de sa résolution. Si elle n'a pas ce pouvoir en vertu de la procédure 7-50, même si elle devait avoir recours à un référendum dans la province pour convaincre l'assemblée d'adopter la proposition, le veto régional n'aura pas beaucoup plus d'impact en la matière, si c'est déjà la formule 7-50 qui s'applique.

Le référendum doit être utilisé avec beaucoup de discernement. Il y a un prix politique qui accompagne la tenue d'un tel référendum. Il ne devrait être utilisé que pour chercher à débloquer une impasse constitutionnelle sérieuse. Les autorités canadiennes, qu'elles le veuillent ou non, devront envisager d'ici quelques années un tel processus référendaire pour aller au-delà d'une certaine obstination, pour chercher à développer et à vérifier le consensus national.

Le sénateur De Bané: C'est une contribution de grande qualité qu'est la vôtre.

Le sénateur Beaudoin: J'ai écouté avec beaucoup d'attention votre exposé. Même si la formule est tout à fait valable, vous acceptez le principe que si un ministre de la Couronne décidait d'aller de l'avant avec une résolution constitutionnelle, c'est le ministre qui finirait par avoir raison parce qu'il s'appuie directement sur la formule constitutionnelle. À ce moment, si un contribuable voulait contester la valeur de l'amendement, il est évident que la Cour dirait que l'amendement est valide. Tout le monde est d'accord. La Cour serait bien obligée de dire que la loi C-110, dans un cas comme celui-là, serait inopérante pro tanto, comme on le dit en latin. Vous êtes d'accord avec cela. Cela rejoint le doute que j'ai soulevé ce matin, que l'on préfère appeler cela une loi inopérante plutôt qu'une loi inconstitutionnelle, je n'ai pas d'objection, d'autant plus que la Cour suprême a fait la distinction entre les deux. Sur ce plan, je n'ai rien à ajouter.

J'ai été un peu surpris que vous disiez ceci, à savoir que si le projet de loi C-110 était adopté, il pourrait devenir presque permanent. J'ai beaucoup de mal à comprendre cela. D'après moi, le gouvernement veut donner suite à une promesse politique. Il sait bien qu'il ne peut pas amender la Constitution dans un mois. Il dit qu'il va faire cela. Cela ne peut être que transitoire.

Pouvez-vous imaginer que la formule d'amendement de 1982 continue telle qu'elle est, et que la loi C-110 continue telle qu'elle est. Je me dis que cela est beau, c'est généreux de dire qu'il y a cinq régions, si une dit non, c'est non et nous, le fédéral, on va dire non. On ne vit pas dans la féerie, dans un monde angélique; à un moment donné, le fédéral va être tenté de dire qu'il n'est pas d'accord avec la Colombie-Britannique ou l'Ontario ou le Québec. Là, il va être obligé d'aller contre une loi pour défendre les intérêts du Canada. Il a parfaitement le droit de le faire. Je me dis peut-être que l'on peut adopter cela. C'est une mesure transitoire. En 1997, il va falloir y penser de nouveau et s'entendre dans ce pays sur une formule d'amendement qui va durer. Vous dites que non, cela pourrait être permanent.

M. Pelletier: On est sur la même longueur d'ondes. C'est une loi ordinaire du Parlement qui peut toujours être abrogée ou modifiée. Si elle s'avère un carcan, en fin de compte, plus que quelque chose d'utile, l'abrogation sera toujours possible sur le plan juridique. Par ailleurs, il faut garder à l'esprit le rendez-vous de 1997. S'il s'avérait que certaines modifications devaient être apportées à la procédure de modification actuelle à la lumière de la conférence fédérale-provinciale de 1997, il est possible que le Parlement fédéral ne juge plus utile de continuer avec le veto régional, par exemple, si certains des éléments de ce veto régional se trouvait constitutionnalisés. Cela est vrai.

Par ailleurs, je dois mentionner que ce que je disais, c'était davantage sur le plan politique. Si le Parlement décidait dans un an d'abolir le veto régional, ceux-là même qui espéraient disposer du droit de veto se plaindront de l'avoir perdu.

[Traduction]

Le sénateur MacEachen: Ils ne s'en sont certes pas encore félicités à ce jour.

[Français]

M. Pelletier: Très souvent, ce sont ceux qui s'opposent au veto qui crieront l'avoir perdu, si jamais l'abrogation ne survient. Ce sur quoi j'ai voulu mettre l'emphase, c'est ceci: je n'aime pas deux types d'attitude. Est-ce que ce veto-là n'alourdit pas indûment notre procédure de modification constitutionnelle? Cela me semble correct. Est-ce que cela ne met pas en péril la réforme du fédéralisme? Je n'aime pas l'attitude de ceux qui dénigreraient cette procédure pour le seul motif qu'elle n'est que législative. À mon avis, même si elle n'est que législative, c'est quand même un engagement important de la part du gouvernement du Canada et du Parlement du Canada. C'est un précédent significatif.

Dans ce contexte, je disais qu'il serait peut-être difficile de reculer après que le projet de loi ait été adopté, à moins que ce soit à la lumière de modifications constitutionnelles formelles apportées dans le cadre de la conférence fédérale-provinciale de 1997. Je n'aime pas ce premier comportement de gens qui dénigrent la procédure parce qu'elle n'est que législative. Ce n'est qu'un premier pas vers une consitutionnalisation.

Deuxièmement, je n'aime pas l'attitude de ceux qui voudraient reprocher à la procédure actuelle d'être trop précaire. Encore une fois, s'il est vrai que toute procédure législative est empreinte de précarité beaucoup plus qu'une modification constitutionnelle qui, elle, a l'autorité supralégislative, s'il est vrai que toute procédure législative est empreinte de précarité, il n'en demeure pas moins que nous sommes en présence d'un geste politique très significatif. Dans ce contexte, la précarité dont on parle n'est peut-être que relative.

Le sénateur Beaudoin: Ce qu'il y a de plus important, dans le fédéralisme, ce sont trois choses: le partage des pouvoirs, la façon dont la Cour suprême l'interprète, et la façon dont on le modifie par amendement. Ce sont les trois principaux points du système fédéral.

Le sénateur Rivest: Ce sont nos trois problèmes.

Le sénateur Beaudoin: Si cela peut nous mener à trouver une formule d'amendement dans un an, c'est valable. C'est un bon pas. Si cela nous amène à une double formule d'amendement, une constitutionnelle et une législative, on a déjà du mal avec une, imaginez-vous avec deux! Si c'est temporaire, je suis bien prêt à attendre. Si cela nous amène à nous interroger dans un an et à choisir enfin une formule, le législateur en 1982 a dit: «Dans 15 ans, vous examinerez votre formule d'amendement. Il avait bien raison, le constituant, sur ce plan. On s'aperçoit aujourd'hui que notre formule d'amendement n'est pas parfaite. On va la bonifier.

Cela se veut un simple projet de loi. Cela alourdit le processus, mais cela a aussi d'autres bénéfices. Il faudrait avoir une certaine certitude que cela va donner quelque chose dans un an. On ne pourra pas rester comme cela un autre 15 ans.

M. Pelletier: On est sur la même longueur d'ondes.

Le sénateur Gauthier: Si je comprends bien, le projet de loi C-110, d'après vous, a des mérites politiques, mais n'a pas d'impact constitutionnel réel. J'ai de la difficulté à comprendre comment vous rattachez tout cela au projet de loi C-110.

M. Pelletier: Quoi donc?

Le sénateur Gauthier: À la page 13 de votre mémoire, vous donnez une énumération de thèmes sujets à modification avec ce projet de loi C-110. Il aurait un impact. Un veto régional s'applique à une liste. C'est nouveau. On m'a dit qu'il n'y avait pas de conséquence constitutionnelle à ce projet de loi C-110. Vous dites qu'il y en a?

M. Pelletier: Nous sommes en présence de la situation suivante: vous avez une proposition constitutionnelle qui vise à reconnaître le caractère distinct du Québec. Les procédures d'amendement actuelles requièrent l'application de la formule 7-50. Dès le moment où vous rencontrez les exigences de 7-50, vous pouvez demander au gouverneur général du Canada de proclamer la modification constitutionnelle. Cela vous prend non seulement 7-50 mais aussi l'appui ou le consentement du Parlement canadien. Vous vous retrouvez devant le Parlement canadien. Le Parlement dit au ministre: vous n'avez pas le droit de soumettre une motion de résolution qui permettrait de donner mon consentement à la modification. Vous n'avez pas le droit de soumettre ce projet de résolution à moins que l'on ait eu le consentement des cinq grandes régions que vous connaissez bien par le 7-92.

Dans ce contexte, cela a une implication sur le processus de modification constitutionnelle, parce que le Parlement ne sera même pas sollicité à se prononcer sur une résolution portant modification constitutionnelle si le veto régional n'est pas respecté pour la simple et bonne raison qu'un ministre ne pourra pas soumettre une motion de résolution favorable à la modification au Parlement. Cela a des implications constitutionnelles.

Lorsque nous disons que cela s'inscrit hors du cadre constitutionnel, c'est dans le sens suivant: cela ne change pas les procédures actuelles. La formule 7-50 reste en place. Les quatre autres procédures établies en 1982 restent en place. Mais on superpose, si je puis dire, on ajoute une nouvelle exigence. On ne l'ajoute pas par une modification constitutionnelle formelle, on l'ajoute par l'adoption d'une loi. Cette nouvelle exigence aura des conséquences sur le processus de modification constitutionnelle.

Le sénateur Gauthier: Si je comprends bien, on s'impose des contraintes dans l'avenir sur des modifications constitutionnelles, un genre de chemise de force au fédéral. C'est ce que vous dites.

M. Pelletier: Oui.

Le sénateur Gauthier: Si je prends les articles un à un, si je vous demande si le projet de loi C-110 a un impact sur les articles 41, 43 et 44, vous me dites que non.

M. Pelletier: Non.

Le sénateur Gauthier: Je prends l'argument du sénateur Beaudoin et je dis: au point de vue judiciaire, qu'est-ce que qui prévaut? La Constitution ou le projet de loi C-110? Vous allez me répondre que c'est la Constitution.

M. Pelletier: Oui, mais est-ce que le gouvernement du Canada s'autoriserait à soumettre au Parlement une motion de résolution qui ne serait pas respectueuse de la Loi sur les modifications constitutionnelles? Le gouvernement refuserait sans aucun doute, à mon avis, de soumettre une telle motion de résolution, ce qui en soi aurait dès ce moment des conséquences sur le processus de modification constitutionnelle.

Le sénateur Gauthier: Je vais laisser d'autres personnes entrer dans le débat.

[Traduction]

Le sénateur MacEachen : Monsieur le président, il faut absolument signaler à nouveau que cette limite s'applique à l'exécutif, et non au Parlement du Canada. Un ministre est lié. Ce que nous avons ici, ce sont deux avenues possibles pour modifier la Constitution, dont une exige un très important consensus dans tout le pays, ce que seul le gouvernement pourrait obtenir. Comme une telle modification constitutionnelle exige un très important consensus, elle ne pourrait être proposée que par un ministre.

Toutefois, si une série de conférences constitutionnelles sur la modification de la Constitution n'aboutissait pas à un consensus très important, mais à un accord de 7-50, par exemple, le Parlement du Canada pourrait encore fonctionner et produire une modification constitutionnelle. Le chef de l'opposition pourrait proposer la modification constitutionnelle. Celle-ci pourrait être proposée au Sénat. Tout ce qui est dit, c'est qu'un ministre ne peut pas proposer une résolution constitutionnelle si le consensus n'atteint pas ce niveau-là. C'est comme cela que je comprends la chose. Une limite est imposée non pas au pouvoir du Parlement, mais à la conduite des ministres. Voilà tout. C'est un point très important. En principe, il pourrait y avoir deux avenues. Quant à moi, je trouve cela fort souhaitable.

Le sénateur Beaudoin: Pour le gouvernement, c'est important.

Le sénateur MacEachen: C'est ce que je comprends de ce qui a été dit.

[Français]

M. Pelletier: Je vais vous répondre en français, si vous le permettez. Je dois dire que techniquement, vous avez raison. Nous vivons depuis un certain nombre d'années dans un fédéralisme exécutif, c'est-à-dire que les initiatives non seulement gouvernementales, mais aussi constitutionnelles sont prises par les gouvernements eux-mêmes.

Dans cette perspective, il faut regarder le projet de loi qui nous intéresse. Ce projet de loi s'est surtout intéressé à arrêter l'action gouvernementale. On sait très bien que c'est la voie qu'empruntent les négociations constitutionnelles depuis un certain nombre d'années.

[Traduction]

Le sénateur MacEachen: C'est la loi. Vous me dites que les conséquences techniques du projet de loi C-110 sont telles que je les ai décrites. Au plan politique, tout dépend du chef de l'opposition. S'il voyait que le consensus n'est pas très important, il pourrait proposer une modification constitutionnelle.

[Français]

M. Pelletier: Sur ce point technique, je vous donnerai raison. Je dois rappeler ce que j'ai dit tantôt. Même si un ministre devait soumettre au Parlement une résolution non conforme au veto régional, à mon avis, les tribunaux ne pourraient pas intervenir dans le processus pour faire déclarer inconstitutionnelle la résolution en cause.

[Traduction]

Le sénateur MacEachen: J'ai mon opinion là-dessus, mais je ne vais pas la répéter. Il faudrait régler, je crois, des questions de procédure et des questions parlementaires. Toutefois, vous parlez des tribunaux et je ne veux pas m'aventurer sur ce terrain.

[Français]

Le sénateur Rivest: Je vais vous donner mon sentiment à la suite de l'examen en regardant cela sous l'angle du Québec. Le point soulevé par le sénateur MacEachen est très important.

Comment, comme fédéraliste québécois, vais-je vendre ce projet de loi aux Québécois pour dire que c'est un progrès? Sur le plan technique, effectivement, les droits de l'Assemblée nationale par rapport à ce qui s'est passé en 1982 vont être protégés en ce qui concerne le Parlement du Canada. Mais les droits de l'Assemblée nationale du Québec ne sont absolument pas protégés sur le point du privilège de l'exécutif, non plus que sur l'initiative d'un amendement constitutionnel du Sénat. Il y a encore un trou. Donc, ce n'est pas exact que l'objectif fondamental, sous l'aspect technique de la protection et de l'engagement du premier ministre, est «clean cut». Ce n'est pas vrai.

Deuxièmement, je vois un débat terrible quant à savoir que peut-être, étant donné que le professeur Pelletier est de cet avis, constitutionnellement parlant, c'est sans doute une bonne chose, que le fédéral se laisse la liberté de déterminer la nature ou qui doit exprimer le consentement venant des provinces. Vous voyez le débat politique auquel on va devoir faire face. On devra éventuellement tasser l'Assemblée nationale du Québec pour aller directement au débat. On peut le faire légitimement. Cela va créer un méchant problème.

Quand le professeur Pelletier dit (cela m'encourage d'une part, mais cela me désespère d'autre part) qu'effectivement, on peut recourir à la voie référendaire pour débloquer une impasse constitutionnelle, d'autant plus que le gouvernement actuel au Québec est souverainiste et ne participera à aucun processus, c'est décourageant dans le sens suivant ou encourageant selon le point de vue: on l'a déjà fait.

Avec l'Accord de Charlottetown, il y a eu un référendum sur les amendements constitutionnels. Cela signifie que pour retourner devant le Québec, puisque c'est le Québec qui pose le problème et la menace à l'unité canadienne, on va devoir, je présume, présenter en terme d'amendement constitutionnel au peuple québécois, à plus ou moins longue échéance, un «package deal» qui va être meilleur que l'Accord de Charlottetown, puisque les Québécois l'ont refusé à 54 p. 100 l'Accord. Je pense qu'il faut vivre sur la planète Terre. Il faut être bien concret. Comment vais-je faire pour vendre cela?

Les droits ne sont pas complètement protégés à cause de l'argument technique. Nous aurons tout un débat parce que l'on devra passer par-dessus le gouvernement légitimement élu. Il va falloir faire un «package deal» très bien évoqué, cela m'inquiète beaucoup, je vais devoir expliquer au peuple du Québec, à titre de Québécois fédéraliste, que c'est un pas en avant dans la bonne direction.

Avant ce projet de loi, pour avoir la reconnaissance constitutionnelle de la société distincte que le Parlement a par ailleurs voté par une résolution, je n'avais besoin que de sept provinces et de 50 p. 100 de la population. C'est tout un progrès pour vous, chers Québécois! Maintenant, pour avoir la même notion, cela va prendre sept provinces représentant 92 p. 100 de la population. Ce n'est pas juste la notion de la société distincte, il y a la question fondamentale pour les francophones qu'on avait dans l'Accord du lac Meech et de l'Accord de Charlottetown, la reconnaissance de la dualité linguistique que M. White a exprimée. C'est la formule 7-50. Maintenant, cela va être 7-92. C'est une caractéristique fondamentale de la fédération canadienne.

Les autres revendications que le Québec peut avoir quant au pouvoir de dépenser ou à la charte sociale, comme vous l'avez mentionné qui est très sensible aux gens du NPD, et cetera. Tout cela était 7-50. Maintenant, cela va changer. Et je vais essayer de dire aux Québécois, comment est-ce que l'on va faire, nous, les pauvres fédéralistes québécois, pour les convaincre que ce projet de loi, malgré ses mérites techniques, qu'a soulignés à bon droit le professeur Pelletier, constitue un progrès juridique et politique dans le sens des revendications traditionnelles du Québec? Pourquoi ce projet de loi? Cela revient un peu à ce que l'on disait. Je ne vois pas comment on va réussir à le dire.

Expliquez-moi. Monsieur Pelletier, vous êtes témoin. Vous avez dit comme Québécois, ce que l'on gagne, on sait qu'il n'y aura pas de truc comme en 1982, sauf si le Sénat propose un amendement constitutionnel. Nous avons un gardien, mais il a un espace entre les deux jambes. Il y a le Sénat, le chef de l'opposition, l'exécutif.

On sait que le Parlement du Canada ne fera pas le coup de 1982. C'est ce que l'on a gagné. On le paie cher. Cela n'a pas de bon sens! C'est complètement inutile, à 10 mois de la conférence de 1997.

Le sénateur De Bané: Manifestement, le sénateur Rivest n'a pas écouté le témoin. Il fait de la partisanerie!

Le sénateur Rivest: Le témoin est d'accord avec moi. Le témoin vient de dire que le sénateur Rivest a raison dans tout ce qu'il a dit.

Le président: Vous avez la parole, sénateur Carstairs, à moins que M. Pelletier n'ait des commentaires à faire sur les commentaires.

M. Pelletier: Ce que j'ai mentionné, ce que le Québec gagne en terme de protection, il peut aussi le perdre en ce que la procédure qui va permettre la réalisation de certains de ces objectifs constitutionnels va être alourdie. Je répète qu'à la page 13, vous avez des exemples de modifications qui seront dorénavant couvertes par la procédure 7-92, par le veto régional.

On y trouve des sujets aussi délicats que la création de nouvelles provinces, la réforme des institutions centrales, la société distincte, la clause Canada, la dualité linguistique également, le dossier autochtone, vraisemblablement.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Je veux revenir sur ce qui s'est produit dans le passé et y appliquer cette idée - 1981 ou 1982, l'année que vous voudrez. Si ce projet de loi avait été en vigueur à l'époque, on aurait eu les 7-10-50, mais pas l'accord du Québec. Le gouvernement québécois aurait encore dit non.

Dans l'une de vos recommandations, vous dites que vous auriez aimé que ce projet de loi prévoie des moyens pour le gouvernement fédéral d'évaluer le niveau de consentement. On peut supposer que le gouvernement fédéral disposait déjà de diverses méthodes. Il aurait pu tenir un référendum, par exemple. Il aurait pu demander aux Québécois s'ils approuvaient le programme constitutionnel. Le gouvernement fédéral aurait alors pu présenter ce programme à la Chambre des communes. Est-ce bien ce que vous dites?

[Français]

M. Pelletier: Si la population avait donné son consentement par le biais d'un référendum, par exemple, oui, le gouvernement du Canada aurait pu conclure qu'il y a consentement provincial et aurait pu soumettre une proposition, une motion de résolution au Parlement du Canada. Le référendum est une des façons de constater le consentement provincial, parce que la province est non seulement un gouvernement, non seulement une assemblée législative, mais aussi une population.

Là, je vous soulignerai ce qui suit. Dans le passé, le référendum a desservi les intérêts de la réforme constitutionnelle au Canada plutôt que de les servir. C'est l'exemple de l'Accord de Charlottetown. Il faut savoir que dans l'Accord de Charlottetown, il y avait une entente politique. Dans le fond, elle était non seulement politique, mais elle aurait pu donner lieu à l'adoption de résolutions par toutes les assemblées législatives du pays. Il n'y avait pas eu besoin de recourir au référendum. On y a quand même eu recours, ce qui a mené à la perte de l'ensemble du projet.

Il va falloir envisager très sérieusement, au cours des prochaines années, et peut-être que le veto régional est l'amorce de cela, la posibilité de recourir au référendum comme voie d'appel, pas dans l'hypothèse où, comme dans l'Accord de Charlottetown, il y avait consensus entre les acteurs politiques, mais dans l'hypothèse où il n'y a pas un tel consensus, ou encore dans l'hypothèse où l'obstruction d'une province met en péril l'ensemble de la procédure de modification constitutionnelle. Le référendum comme voie d'appel ou comme moyen de débloquer une impasse constitutionelle sérieuse, soit dit en passant.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Vous n'ignorez pas qu'il existe une loi référendaire dans deux provinces, dont une disposera du droit de veto si ce projet de loi est adopté, à savoir la province de la Colombie-Britannique. Toutefois, avant de se prononcer sur tout programme constitutionnel, le Parlement de la Colombie- Britannique doit tenir un référendum, dont le résultat, conformément à la loi, déterminera essentiellement le vote des législateurs. La même chose vaut pour l'Alberta. La situation diffère un peu au Manitoba, où le Parlement doit tenir des audiences publiques avant de pouvoir se prononcer sur une résolution constitutionnelle.

Le sénateur Beaudoin: Faut-il absolument tenir un référendum?

Le sénateur Carstairs: Il faut absolument tenir un référendum en Colombie-Britannique et en Alberta. Au Manitoba, seules les audiences publiques sont requises.

Le sénateur Beaudoin: Qu'arrive-t-il si la population et le premier ministre de la province ne sont pas d'accord?

Le sénateur Carstairs: En Colombie-Britannique et en Alberta, ils sont tenus de voter dans le sens du public.

Le sénateur Beaudoin: Cela va directement à l'encontre de la décision du conseil privé.

Le sénateur Carstairs: C'est la loi dans ces deux provinces.

Le sénateur Beaudoin: J'en doute.

Le sénateur Rivest: Politiquement, c'est correct.

Le sénateur St. Germain: C'est la démocratie à son plus haut degré.

Le sénateur Carstairs: Certains aspects sont déjà en vigueur.

Vous avez indiqué parmi les autres modifications que vous recommandez la mention de l'article 44. Pour ceux et celles qui n'ont pas la Constitution sous les yeux, l'article 44 dit:

Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.»

Pourquoi voudriez-vous voir ceci inclus dans ce projet de loi?

[Français]

M. Pelletier: C'est pour plus de certitude. En vertu de l'article 44, il est certain que les provinces n'ont pas actuellement leur mot à dire dans le processus. C'est une procédure d'amendement qui ne relève que du Parlement du Canada. C'est une procédure unilatérale sur certains sujets qui sont reliés à la constitution interne des autorités centrales.

Sauf que lorsqu'on lit le projet de loi qui instaure une pratique nouvelle, il crée un précédent qui, bien entendu, sera sujet à l'interprétation judiciaire, éventuellement.

Lorsqu'on lit le présent projet de loi, on voit que l'on excepte certains sujets. On excepte les sujets qui font l'objet du droit de retrait, l'article 38.3. On excepte les cas visés par les articles 41 et 43. Je ne voudrais pas qu'à un moment donné, quelqu'un soulève le fait que les sujets visés par l'article 44 ne sont pas mentionnés et que dorénavant, même pour les modifications qui touchent sa propre constitution interne, le Parlement canadien devra se plier aux exigences du projet de loi ou devra se plier aux exigences du veto régional.

Une simple petite précision dans le projet de loi faisant en sorte que les sujets mentionnés à l'article 44 soient exclus de la portée du projet de loi, comme le sont les autres dispositions dont je viens de faire état, éliminerait toute ambiguïté et toute possibilité d'une interprétation judiciaire qui serait requise.

Est-ce que cela répond à votre question?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Il est clair, toutefois, que le fait que ce ne soit pas mentionné les exempte également.

[Français]

M. Pelletier: Non, parce que le projet de loi s'applique à l'égard de toutes modifications constitutionnelles, sauf les cas visés par le droit de retrait et les cas visés par les articles 41 et 43. À mon avis, il manque une disposition qui devrait aussi y être mentionnée, soit celle de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Par ailleurs, monsieur le président, je reviens sur votre premier point qui portait sur les référendums déjà prévus dans certaines provinces. Je dois vous dire que ces référendums ajoutent effectivement à la complexité de la procédure dont nous nous sommes nous-mêmes dotés en 1982. Il faut être bien conscient de ceci.

Non seulement avons-nous cinq procédures différentes, mais il y a une limite de temps de trois ans qui est prévue pour l'adoption des proclamations. Il y a l'impossibilité de proclamer une modification dans l'année qui suit la première résolution qui approuve une modification constitutionnelle, à moins que toutes les provinces aient adopté leur propre résolution d'agrément ou de désaccord.

Il y a une multiplication des intervenants à la table de négociations constitutionnelles. Les autochtones ont, en vertu de l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, un droit de veto sur les questions qui les intéressent. Ils sont invités à participer à la table de négociations constitutionnelles. Les territoires sont invités à participer à la table de négociations constitutionnelles. Il y a des audiences publiques, des commissions parlementaires, des référendums dans certaines provinces et, éventuellement, il y aura le veto régional. Évidemment, c'est beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Beaudoin: Je comprends la question du sénateur Carstairs. Je ne pense pas qu'il soit absolument nécessaire de mentionner l'article 44 étant donné que le gouvernement fédéral a le pouvoir unilatéral de modifier sa propre Constitution. Toutefois, si vous incluez l'article 44 simplement pour plus de garantie, comme il est dit à l'article 91, je n'ai aucune objection.

Je voudrais revenir sur l'argument du sénateur Rivest et la réponse du sénateur De Bané. La grande différence, c'est que le projet de loi C-110 nous oblige à tenir compte de l'avis du Québec. Si l'on s'en tient à la formule 7-50, ce n'est pas le cas. Donc, on pourrait dire aux Québécois que, ne serait-ce que pour cette raison, ils doivent appuyer le projet de loi.

Le sénateur Rivest: Ce que je voulais faire valoir, ce n'était pas de défendre des pouvoirs, mais d'en obtenir d'autres. Voilà tout. Une réforme est nécessaire. C'est là notre objectif.

Le sénateur Beaudoin: Oui, je m'en souviens.

Le sénateur Rivest: Si vous voulez convaincre certains Québécois de rester au sein du Canada, vous devez leur prouver que leurs exigences traditionnelles seront satisfaites. Il ne s'agit pas seulement de défendre quelque chose. Je sais que, d'un point de vue défensif, nous sommes gagnants avec ce projet de loi. C'est purement politique. Toutefois, nous sommes perdants sur le plan du renouveau du fédéralisme canadien.

Le sénateur MacEachen: Le pas est plus grand.

Le sénateur Rivest: Mais nous devons faire face à un référendum l'an prochain.

Le sénateur Beaudoin: Nous nous sommes servis de cet argument en 1971. Les gens ont dit qu'en lui donnant le droit de veto, on protège le Québec. Toutefois, le Québec est gelé; il n'obtiendra rien de plus. En fait, il n'a rien obtenu de plus.

Le sénateur Rivest: Sauf avec l'Accord du lac Meech.

Le sénateur Beaudoin: Oui, sauf que l'accord n'a pas été accepté. À mon avis, nous devons être prudents.

Le sénateur Rivest: C'est le commencement des problèmes.

Le sénateur Beaudoin: C'est une chose de protéger une province au moyen d'un veto régional. C'est bien, dans ce sens. Vous dites qu'il peut être difficile d'obtenir d'autres pouvoirs, c'est possible; je n'en disconviens pas. Cependant, l'histoire montre qu'il n'est pas certain que vous obteniez plus. Vous devriez plutôt vous saisir de ce qui est sur la table, au moins, vous aurez acquis quelque chose. Après cela, si vous voulez plus, soyez innovateurs et essayez de trouver un moyen de l'obtenir, mais au moins, vous aurez déjà ce que vous aurez acquis.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Je voudrais poursuivre là-dessus. Le sénateur Beaudoin a mentionné que ce projet de loi était une mesure transitoire. Selon sa compréhension du projet de loi, il y a un élément de pont, si vous voulez, en attendant la conférence fédérale-provinciale de 1997. Il sous-entend que l'on devrait peut-être avoir une clause crépusculaire dans ce projet de loi.

Qu'est-ce que vous pensez d'une clause qui dirait que la journée même où la réunion aura lieu entre les premiers ministres, le projet de loi C-110 sera abrogé?

M. Pelletier: En fait, on n'a aucune idée de ce qui aboutira de la conférence fédérale-provinciale de 1997. On n'a aucune idée du contexte dans lequel elle se déroulera.

Le sénateur Gauthier: Absolument pas.

M. Pelletier: Il peut même y avoir besoin, par la suite, de continuer le veto régional et peut-être que, finalement, ce sera vu ultimement comme étant une protection parmi toutes que n'offre pas la procédure 7-50.

Le Parlement disposant de la possibilité d'abroger la loi lorsqu'il le désire et disposant de la possibilité d'y mettre fin si les circonstances l'imposent, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'y inscrire une clause crépusculaire, surtout dans le contexte où, comme le mentionnait le sénateur Rivest, le but premier de la mesure est d'offrir une protection. Il serait un peu contradictoire à la fois de vanter la protection et de s'empresser par la suite de dire quand elle va prendre fin.

Le sénateur Gauthier: C'est ce que je voulais entendre.

[Traduction]

Le sénateur MacEachen: Si vous me permettez une remarque gratuite, dans un sens le sénateur Rivest a le meilleur des deux mondes, étant donné qu'il peut faire valoir le fort consensus pour ce qui est de la protection de ce que l'on a et le consensus plus faible pour ce qui est de l'acquisition de nouveaux pouvoirs.

Le sénateur Rivest: Au contraire. J'ai besoin d'un fort consensus pour passer à l'offensive.

Le sénateur MacEachen: J'avais cru comprendre qu'un fort consensus était un obstacle à la modification de la Constitution. Plus le consensus est fort, plus la modification est difficile à réaliser.

Le sénateur Rivest: En ce qui concerne la notion de société distincte, nous avions besoin par le passé, avant le projet de loi, de 7 provinces et de 50 p. 100 de la population. À présent, les chiffres sont 7 et 92.

Le sénateur MacEachen: C'est ce que je dis.

Le sénateur Rivest: C'est plus difficile. Pouvons-nous dire aux Québécois que ce projet de loi leur a rapporté quelque chose?

Le sénateur MacEachen: Les deux options s'offrent à vous dans ce projet de loi.

Le sénateur Rivest: Nous gagnons sur tous les plans. Nous comprenons ça.

Le président: Au nom des membres de ce comité, je vous remercie, professeur, pour votre témoignage et votre présentation.

Le sénateur St. Germain: Avec tout le respect que je dois au comité directeur et au sénateur MacEachen, qui dit que la personne moyenne n'est pas au courant de la question dont est saisi le comité, je peux comprendre pourquoi. Cette liste contient 21 témoins. Dix sont des universitaires, six viennent du gouvernement - la province de la Colombie-Britannique, le ministre de la Justice, Allan Rock - et il y a des autochtones. Il n'y a pas un seul témoin venant de secteurs comme le milieu des affaires, les groupes ouvriers, et cetera.

Le sénateur Gauthier: Combien de fois allons-nous revenir là-dessus?

Le sénateur St. Germain: Je veux que cela soit mentionné, sénateur Gauthier, car j'estime que c'est important. Si nous nous montrons à ce point exclusifs dans le choix des témoins, il est difficile pour ceux qui, comme moi, viennent de l'arrière-pays et qui sont d'humbles origines d'accepter que leurs groupes soient éliminés.

Le sénateur Carstairs: Il me semble que quand nous avons examiné le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, vous trouviez cela très bien.

Le sénateur St. Germain: Je ne dis pas que je ne puis me faire à la décision du comité directeur ou que je ne suis pas d'accord avec les gens du Cap-Breton qui ont pris ces bonnes décisions, mais cela m'inquiète.

Le président: Nous nous réunirons demain matin dans cette salle à 9 h 30.

La séance est levée.

Haut de page