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PEAR - Comité spécial

Accords de l'aéroport Pearson (spécial)

 

Délibérations du comité spécial du Sénat sur les

Accords de l'aéroport Pearson

Témoignages


Ottawa, le mercredi 2 août 1995

[Traduction]

Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui à, 9 heures, pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, ainsi qu'à faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: La séance est ouverte. Aujourd'hui, nous continuons à interroger et à entendre M. Hession. Lorsque nous avons levé la séance hier soir, le sénateur Bryden interrogeait le témoin et il va maintenant continuer.

M. Hession, vous avez demandé à présenter une déclaration liminaire avant que nous commencions à éclaircir certaines questions.

(Raymond Hession, assermenté antérieurement:)

M. Raymond V. Hession, Hession, Neville & Associates: Oui, monsieur le président.

Le président: Vous avez la parole.

M. Hession: Merci beaucoup. Je voudrais parler des documents qui m'ont été remis hier, vous vous en souvenez, monsieur le président, par le sénateur Bryden, et du commentaire que j'ai fait lorsqu'il a déclaré que c'était moi qui avais donné ces documents au comité. J'ai dit à ce moment-là que je ne croyais pas que c'était le cas. Je faisais erreur, monsieur le président, et je voulais vous le préciser.

En fait, il y a maintenant plusieurs semaines (je pense que c'est plutôt il y a cinq ou six semaines), on m'avait demandé de fournir au conseiller juridique autant de renseignements que je le pouvais pour aider le comité qui commençait à formuler ses plans en vue de cette enquête. Je l'ai donc fait. J'ai essentiellement fourni au conseiller juridique tous les documents dont je disposais, agissant ainsi, comme je l'ai dit lors de ma déclaration liminaire d'hier, dans un esprit d'ouverture et de transparence qui, depuis six ans que Paxport existe, représente ma politique personnelle et celle de la société.

Les documents que m'a donnés le sénateur ne figuraient pas dans le lot que j'avais reçu par l'intermédiaire du greffier du comité il y a deux jours et c'est pour cette raison que j'en avais, à vrai dire, simplement oublié l'existence, car je concentrais mon attention sur les documents que m'avait remis le greffier.

Cela dit, je remarque qu'on a supprimé d'un grand nombre de ces documents des paragraphes portant sur certaines des questions abordées dans les documents que j'ai remis au comité sous forme non expurgée. Sincèrement, en tant que témoin et participant à cette enquête, je suis très préoccupé que l'on fasse apparemment deux poids deux mesures en ce qui concerne les documents présentés ici: certains sont tout à fait publics et transparents et d'autres sont expurgés de façon sélective. Je m'inquiète également quand j'entends dire (et c'est vrai) qu'il y a toute une série d'avocats et de juricomptables qui se penchent sur les documents du gouvernement pour, si je comprends bien, les débarrasser de je ne sais quoi et quand je vois ces paragraphes expurgés, je me demande bien franchement, monsieur le président, qui sont ces gens, pourquoi ils font cela, quel est leur mandat et s'ils ont juré sous serment de dire la vérité et toute la vérité? Je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que je reçois ces documents expurgés et je me demande vraiment quelles sont les règles suivies pour cela.

Le comité recherche la vérité comme, en fait, nous tous. Les règles présidant à cette expurgation sont-elles de retirer de ces documents les choses qui pourraient ne pas être conformes au rapport Nixon? Je n'en sais rien. Mais c'est pour moi un sujet fondamental de préoccupation, monsieur le président, et j'oserai dire que cela devrait l'être également pour le comité.

M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: Je devrais peut-être vous expliquer, monsieur Hession, ce que nous savons de ces expurgations. Nous sommes en contact permanent avec le ministère de la Justice qui souhaite s'assurer que, lorsque l'on diffuse des documents qui peuvent être examinés par le public, ceux-ci ne devraient contrevenir à aucune des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, ni à aucune autre règle concernant les documents confidentiels du cabinet ou des ministres.

Je me rends bien compte que, à en juger par certains documents que nous avons reçus de différentes sources, on pourrait penser que, dans certains cas, les examinateurs ont fait preuve d'un zèle excessif dans leurs expurgations. Le ministère de la Justice m'a assuré qu'il est seulement animé par le souci de protéger les informations confidentielles et n'agit aucunement dans un esprit partisan. Toutefois, je comprends vos réserves et votre souci que les renseignements contenus dans ces documents soient autant que possible accessibles.

Si, à quelque moment que ce soit, vous faites référence à un de ces documents expurgés et jugez que les paragraphes manquants sont importants ou pourraient vous être utiles, veuillez le signaler, car nous aborderons alors cette question avec le ministère pour faire en sorte de vous fournir autant d'information que vous pouvez raisonnablement le souhaiter.

M. Hession: Bien. Merci. Il y a beaucoup de parties expurgées, comme vous l'avez certainement remarqué. Voyons-en un exemple précis, car il s'agit d'un document que m'a présenté le sénateur Bryden, un de mes documents, daté du 16 avril 1991, qui porte sur la réunion que j'ai eue le 15 avril avec divers fonctionnaires. L'objectif de cette réunion était, vous vous en souvenez peut-être, de parler des modalités de l'appel d'offres qui allait avoir lieu.

J'ai examiné le rapport sur la même réunion utilisé à l'intérieur du gouvernement et il y manque tout un gros paragraphe. Vous pouvez constater que j'ai fidèlement rapporté, à l'intérieur de notre groupe, tous les détails de ce qui, à ma connaissance, s'est produit lors de cette réunion. J'ai participé à cette réunion. Alors, pourquoi expurger ce rapport? S'est-il produit, pendant cette réunion, quelque chose que je n'ai pas entendu ou pas compris et voilà que, d'un seul coup, ce rapport ne peut pas être présenté au public alors que mon aide-mémoire, si.

M. Nelligan: Pouvez-vous m'indiquer le numéro figurant sur l'exemplaire du ministère de la Justice, s'il vous plaît?

Le sénateur Kirby: Il figure au bas de la page.

M. Hession: Oui. C'est le 001114, je crois. Il n'est pas très clair. Pour que vous compreniez ma préoccupation, il y est dit:

Suite à une discussion des résultats de ces réunions par AK, AKZ et IKP, il a été convenu que:

Expurgé. Disparu, comme si cela n'avait jamais eu lieu. Je ne sais trop quoi en penser. Mon rapport présente fidèlement ce qui, à ma connaissance, s'est passé lors de cette réunion, il est détaillé et a été présenté au cours de cette réunion par un des sénateurs. Et voilà que le gouvernement dépose un rapport sur la même réunion: expurgé. Cela me paraît plutôt étrange, monsieur le président.

M. Nelligan: Nous soumettrons votre requête au ministère.

M. Hession: Merci.

Le président: Est-ce que...

M. Hession: Bon, c'était la question de principe que j'essayais de vous exposer, monsieur le président. Si, en fait, nous, nous tous, cherchons à établir la vérité, je reste fondamentalement préoccupé par le fait que le gouvernement a embauché des gens de l'extérieur qui, pour autant que je sache, ne se sont pas engagés sous serment à dire la vérité et toute la vérité et auxquels on demande d'expurger les documents présentés ici. C'est une procédure qui me paraît étrange.

Le président: Êtes-vous prêt à répondre aux questions, monsieur Hession?

M. Hession: Oui, tout à fait.

Le président: Sénateur Bryden, voulez-vous continuer?

Le sénateur Bryden: Oui, monsieur le président. Vous pouvez remarquer qu'il est maintenant 9 h 10, si vous avez votre chronomètre.

Le président: J'ai mon chronomètre.

Le sénateur Bryden: Monsieur Hession, pour en revenir au point où vous vous êtes arrêté hier soir, M. Pascoe, que vous aviez engagé pour faire du lobbyisme auprès du gouvernement provincial et des municipalités de la région de Toronto, était un ancien collaborateur du ministre des Transports qui avait travaillé sur ce dossier moins d'un an avant le moment où vous l'avez engagé, n'est-ce pas?

M. Hession: Il n'a pas été engagé pour faire du lobbyisme, si je comprends bien votre question, sénateur. Il avait été engagé pour organiser une série de réunions auxquelles

Le sénateur Bryden: Mais j'ai remarqué que dans votre organigramme, dont nous avons parlé hier soir, il figure dans la même liste que les autres sous la rubrique "relations avec le gouvernement".

M. Hession: Oui. C'est exact. Mais, vous vous en souvenez, vous m'avez demandé hier de préciser ses fonctions. J'ai répondu à votre question en vous indiquant quelles étaient ces fonctions.

Le sénateur Bryden: Monsieur Hession, j'apprécie votre esprit de collaboration car, hier soir, lorsque je vous ai remis les documents, je vous ai également donné mon exemplaire d'une coupure de journal et vous avez eu l'amabilité de la rapporter ce matin et de me la rendre. Vous en avez une copie devant vous. Je précise à l'intention des sténographes qu'il s'agit d'une coupure de presse extraite du Globe and Mail portant la date du 18 juin 1993. Le sujet en est... on y voit les titres: "Campbell arrives alone at the top" et "Campbell studies prospects".

J'ai surligné... vous pouvez tout lire, si vous le désirez, mais j'ai surligné un paragraphe. Pouvez-vous en faire lecture pour le verser au procès-verbal, s'il vous plaît?

M. Hession: Vous parlez du paragraphe surligné?

Le sénateur Bryden: Oui, s'il vous plaît.

M. Hession: Je préférerais lire la totalité du document car, en examinant les débats d'hier, j'ai constaté que quand on lit seulement certains paragraphes pour les verser au procès-verbal, certaines questions risquent de ne plus être comprises dans leur contexte. La lecture du document entier prendrait longtemps.

Le sénateur Bryden: Monsieur Hession, comme je l'ai déjà dit au président, nous ne sommes pas pressés. Si vous voulez lire le tout, je vous en prie. Je voulais simplement montrer autre chose que...

M. Hession: Non, je comprends ce que vous voulez montrer, mais il me semble que, dans l'intérêt de tout le monde, le contexte est important.

L'arrivée du Premier ministre désigné Kim Campbell au 24 Sussex Dr. cette semaine pour discuter de la passation des pouvoirs avec Brian Mulroney a été hautement symbolique.

Elle est arrivée seule.

Le nouveau chef conservateur, qui n'était accompagnée ni des collaborateurs arborant des porte-documents ni du directeur de sa campagne à la direction du parti, a fait une entrée impressionnante lorsque son chauffeur l'a déposée devant la porte. On ne sait cependant pas quoi en penser.

Voulait-elle manifester ainsi son indépendance et sa capacité à relever hardiment les plus grands défis?

Ou cela montrait-il plutôt que Mme Campbell ne sait pas encore qui devrait l'aider et la guider?

À la différence de M. Mulroney, Mme Campbell a atteint l'apogée du pouvoir sans s'être forgé pendant dix ans un cercle de relations à l'intérieur du Parti conservateur et sans disposer d'un entourage de proches et d'amis à placer immédiatement autour d'elle comme conseillers principaux, assistants particuliers et porte-parole.

Les ministres, militants et lobbyistes d'Ottawa qui se sont joints massivement à la campagne de Mme Campbell ne l'ont pas fait parce qu'ils la connaissaient bien, mais parce qu'ils croyaient en la victoire de cette jeune et dynamique députée de la côte Ouest. Elle ne les connaissait pas non plus.

On cite souvent l'observation de Mme Campbell au sujet de la solitude parfois indicible d'Ottawa, ce qui traduit son éloignement par rapport à ses amis de Vancouver.

Sa popularité ne croît pas de façon vertigineuse et elle n'a pas un an pour y parvenir, comme son prédécesseur.

"Elle doit constituer rapidement son équipe", déclare un des rares conseillers proches d'elle. "Pas de lune de miel ni de période de grâce. Nous sommes à cinq minutes des élections."

Quand elle se présentera à la résidence du gouverneur général vendredi prochain pour la passation officielle des pouvoirs, Mme Campbell devra être accompagnée par des ministres et des conseillers principaux concrétisant un important changement par rapport à l'ère Mulroney tout en gouvernant de façon à rassurer la population devant les difficultés qui vont surgir. Aucun aménagement ne sera possible; les élections constitueront un jugement de première et de dernière instance.

Depuis la réunion de lundi au 24 Sussex, Mme Campbell a passé la plus grande partie de la semaine dans sa suite du 16e étage de l'hôtel Hilton au centre-ville d'Ottawa à consulter des listes de conseillers et de ministres potentiels tout en se demandant comment constituer un cabinet moins nombreux.

Dirigée par le lobbyiste William Neville, habitué des coulisses d'Ottawa (qui avait assumé la même tâche auprès de Joe Clark et de Brian Mulroney lorsqu'ils ont gravi les marches du pouvoir en 1979 et 1984), l'équipe de transition de Mme Campbell a fait d'incessantes allées et venues à l'hôtel Westin avec des listes de noms.

D'après diverses sources, ces listes sont courtes et changent constamment, des problèmes tels que le rôle réel de Jean Charest, après sa deuxième place au congrès, devant être réglés en priorité. Le choix du chef de cabinet constitue un grand point d'interrogation.

M. Charest ne peut pas encore être sûr d'être nommé à la fois vice-premier ministre et lieutenant pour le Québec, ce dernier poste pouvant être totalement supprimé.

D'ici lundi, on s'attend à ce que Mme Campbell détermine à combien de membres elle réduira son cabinet et choisisse deux ou trois conseillers clés. Le reste de la semaine sera consacré à nommer les ministres aux différents portefeuilles en tenant compte des tensions entre anglophones et francophones, des préférences régionales et des capacités de chacun.

Si le premier choix comme chef de cabinet, la lobbyiste d'Ottawa Jodi White, refuse le poste pour des raisons familiales et personnelles, celui-ci sera sans doute partagé entre deux personnes. Mme White est la stratège qui a organisé la remontée spectaculaire de M. Charest, elle était chef de cabinet de Joe Clark quand il était ministre des Affaires extérieures et elle a travaillé pour le bureau national du parti.

Invoquant le climat presque chaotique des dernières semaines de sa campagne, certains conseillers sont d'avis que Mme Campbell a besoin, comme chef, d'un excellent organisateur capable de veiller au grain. Pour d'autres, celui-ci devrait plutôt jouer un rôle purement politique.

Si Mme White n'est pas disponible, un haut fonctionnaire comme le sous-secrétaire du cabinet, Alain Gourd, pourrait être nommé chef de cabinet pour s'occuper de la bureaucratie alors qu'un secrétaire principal politiquement plus aguerri et deux adjoints s'occuperaient de la coordination entre le gouvernement et le parti en vue de la campagne électorale. On ne signale aucun nom en particulier.

Les collaborateurs de M. Neville sont le ministre des Communications Perrin Beatty...

Qui est maintenant président de la Société Radio-Canada...

[...] le président du Conseil du Trésor Gilles Loiselle et le sénateur Lowell Murray. M. Castelli, le député de Terre-Neuve Ross Reid, le stratège politique de Vancouver Patrick Kinsella et l'avocat de Vancouver David Camp ne sont pas candidats au poste de chef de cabinet.

Le président: Monsieur Hession.

M. Hession: Oui, monsieur le président.

Le président: Je vous ai simplement arrêté aux endroits qui sont surlignés afin que vous puissiez répondre à la demande du sénateur Bryden mais je ne comprends pas pourquoi on vous demande de lire un article du Globe and Mail...

Le sénateur LeBreton: Écrit par Ross Howard.

Le président: M. Howard, un journaliste éminent. Ce n'est pas vous qui l'avez rédigé et je me demande pourquoi on vous demande de commenter un article de journal du 18 juin 1993.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, je n'ai pas demandé au témoin de lire cet article. Je lui ai demandé d'examiner le paragraphe surligné.

Le président: Oui, mais...

Le sénateur Tkachuk: Vous lui avez demandé de lire ce paragraphe pour qu'il soit consigné au procès-verbal.

Le président: Mais, sénateur Bryden, je ne comprends tout simplement pas. Demanderiez-vous

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Le sénateur Bryden: Non, simplement s'il est pertinent. Et la seule partie pertinente, comme, je crois, M. Hession l'a indiqué, est le paragraphe surligné selon lequel, le 18 juin 1993, alors que l'affaire qui nous est soumise faisait l'objet d'une négociation et avant la signature du contrat, M. Neville, qui avait auparavant travaillé pour lui, pour Paxport, comme lobbyiste principal pendant tout ce temps-là, avait quitté, je suppose qu'il avait quitté son poste chez Paxport; il ne travaillait plus pour Paxport à ce moment-là.

M. Hession: C'est exact. Il ne recevait plus de rémunération depuis quelque temps à ce moment-là.

Le sénateur Bryden: À quel... Depuis combien de temps?

M. Hession: Eh bien, franchement, il faudrait que je vérifie, mais cela faisait plusieurs mois.

Le sénateur Bryden: La seule chose que je voulais dire, et je poserai cette question au témoin, c'est que les choses se passaient dans les deux sens. C'est-à-dire que non seulement Paxport engageait comme lobbyistes d'anciens employés de ministres, mais votre lobbyiste en chef s'est retrouvé à la tête de l'équipe de transition du nouveau premier ministre, n'est-ce pas?

M. Hession: Eh bien (oui. Je veux dire) je ne sais d'ailleurs pas exactement si c'était son rôle. Mais c'est ce que cet...

Le sénateur Bryden: C'est ce que dit le journal.

M. Hession: C'est ce que dit le journal.

Le président: Bon, je pense que nous devrions faire preuve d'un peu de prudence pour ce qui est de baser les activités du comité sur des articles de journaux.

Toutes les personnes impliquées se présentent devant nous comme témoins et ces renseignements, qui sont très intéressants et certainement connus de... toute personne qui s'intéresse à la politique connaît ces faits.

Le sénateur Bryden: Je pense que c'était simplement pour confirmer les dates, et cetera. J'aurais simplement pu vous poser la question, mais au moins, nous avons les dates exactes. Et, croyez-moi, monsieur le président, après votre mise en garde, je ne ferai plus référence à des coupures de presse aujourd'hui, tout au moins avec ce témoin.

Le sénateur Tkachuk: Cela voudrait-il dire, monsieur le président, que si nous... Il semble que, hier, M. Hession, dans un aide-mémoire qu'il avait écrit à Matthews à propos de Neville, d'Everson, de Lewis et de P et P, signalait que M. Everson devrait peut-être se présenter devant le comité. Quand il est question d'articles de journaux, devrions-nous peut-être convoquer M. Howard pour voir si ce qu'il dit ici...

Le sénateur Bryden: Je n'ai rien contre.

Le sénateur Tkachuk: Parce que cela nous fournirait une excellente occasion de parler avec certains journalistes non seulement des articles parus au cours des dernières années mais peut-être aussi des articles de ces dernières semaines.

Le sénateur Bryden: Je ne suis pas contre, monsieur le président, et je pourrais peut-être en parler à notre conseiller juridique.

Le sénateur Tkachuk: Nous pourrions alors savoir si c'est quelque chose qui vient d'une tierce partie, si c'est de l'ouï-dire.

Le sénateur Bryden: Il est hors de doute, monsieur le président, que si nous respections strictement toutes les règles concernant la présentation de preuves devant un tribunal et que je veuille présenter cela comme une pièce à conviction, j'aurais convoqué le journaliste, je lui aurais montré l'article, je lui aurais demandé s'il en était l'auteur; je l'aurais porté au président, je l'aurais fait identifier et ensuite, les éléments de preuve étant réunis, je l'aurais présenté comme pièce à conviction. Or, je crois comprendre que, pour éviter en quelque sorte de perdre du temps, ce n'est pas ce à quoi vous vous attendez.

Je suis également prêt, parce que j'ai d'autres documents qui sont tous classés à un endroit parce qu'ils viennent précisément de quelque part. Ils sont tous dans la bibliothèque du comité, qu'ils viennent de M. Hession ou du gouvernement. Maintenant, si le comité le désire, je suis tout à fait prêt à prendre tous les documents signés par M. Hession, à les lui porter, à les ramener, à les lui faire identifier, à vous les rapporter et à les classer, mais je pensais que ce serait une perte de temps.

J'ai l'intention de faire comme hier soir, c'est-à-dire de fournir au témoin une série précise de documents comparables à ceux que je possède afin qu'il ait les documents à consulter. La plupart portent sa signature, ont été écrits à son intention ou, en fait, sont des rapports relatifs à des réunions auxquelles il a participé.

M. Nelligan: Puis-je intervenir?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Nelligan: Le fait de se référer à ces documents ne me paraît poser aucun problème. Je pensais que le comité était tout à fait d'accord pour que les documents déposés par différentes parties puissent être examinés sans avoir été déposés officiellement.

Le sénateur Bryden: D'accord.

M. Nelligan: Je pense néanmoins que cela veut dire... à ma connaissance, cet article du Globe and Mail n'est pas l'un de ces documents. Je voudrais toutefois signaler au Sénat qu'il est dangereux de déposer officiellement au dossier des articles de journaux. Je sais d'expérience que c'est très dangereux.

Par contre, je ne vois pas de mal à rafraîchir la mémoire d'un témoin en lui demandant de lire un article pour savoir s'il lui a rafraîchi la mémoire et ensuite, sans faire référence à cet article, on peut lui demander, par exemple, s'il se souvient ou s'il sait que M. Neville a été engagé par Mme Campbell à un moment donné. J'inviterais cependant le comité à éviter dans la mesure du possible de verser officiellement au dossier des coupures de presse.

Le président: Et je m'empresse de vous dire que ce n'est pas du tout une perte de temps, sénateur Bryden: vous disposez de documents fournis par M. Hession et vous avez tout à fait le droit de l'interroger au sujet de tout ce qu'il a écrit, de ses décisions, de ce qu'il sait, ou de toute autre chose de ce genre (à propos de n'importe quel document) et, en particulier, des documents qui ont été fournis au comité par M. Hession lui-même.

Le sénateur Bryden: Merci. J'aurais pu et probablement dû simplement lui poser la question parce qu'il s'en souvenait sans doute, même si je je ne connais pas la date exacte.

M. Nelligan: Puis-je vous mettre en garde, et cela n'a peut-être rien à voir avec le présent témoin. Je sais que nombre des documents que nous avons reçus par l'intermédiaire des représentants du ministère de la Justice sont des avant-projets d'aide-mémoires non signés et non identifiés. Je n'en connais pas l'importance, mais je suis sûr que le sénateur Bryden reconnaîtra avec moi que ces documents sont très dangereux parce que... et j'inviterais à nouveau le comité à traiter avec circonspection de tels documents non signés et non identifiés. C'est simplement une mise en garde de ma part.

Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, pour faciliter les choses pour tout le monde, ne serait-il pas mieux pour chacun de nous, même si nous avons des piles de classeurs avec tous ces documents; nous avons sans doute les documents que vous avez décidé d'examiner aujourd'hui mais... vous nous donnez un nom, une date et un numéro et je dois aller le chercher dans mon bureau. Si nous devons utiliser des documents lors de l'examen d'un témoin, ne serait-il pas mieux que ceux qui vont effectuer cet examen fasse des copies afin que chacun de nous... nous pourrions avoir simplement les copies de ceux que va utiliser M. Bryden quand il interroge le témoin afin de pouvoir suivre le débat. Il me semblerait (et si je dois utiliser ces documents plus tard, ce serait avant) que, même si vous en avez des copies ailleurs, le travail du comité serait facilité si nous avions tous des copies de ceux que vous utilisez à un moment donné. Je ne crois pas qu'il serait bien difficile d'obtenir ces documents. Nous pourrions les avoir pendant que vous l'interrogez.

M. Nelligan: Les documents posent un gros problème. Le ministère de la Justice en a livré quatre volumes au sujet de M. Hession. Ils sont très laborieux à consulter.

Pour ce qui est des volumes fournis pour un témoin particulier, plutôt que d'en faire des copies supplémentaires (parce que nous croulons déjà sous la paperasse), les sénateurs pourraient peut-être signaler les numéros de ceux auxquels ils vont faire référence afin que les autres sénateurs puissent utiliser ceux dont ils disposent. C'est une question pratique que vous devriez régler entre vous.

Le sénateur Jessiman: C'est une autre façon de procéder, avant d'interroger un témoin, je sais quels documents je vais utiliser. Si j'en ai 10, je fais 10 copies, ou cinq, ou six, ou je ne sais combien, de ceux que je vais utiliser et je les distribue. Bien sûr, cela fait double emploi, mais avec l'idée de notre conseiller juridique, on nous indiquera les numéros le soir; quelqu'un les cherchera dans notre bureau et la même chose se fera dans tous nos bureaux, alors que celui qui va interroger un témoin, sait à quels documents il va se référer. Il les a, pas nous. Nous savons où ils sont, mais...

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, en toute justice, je sais que l'on s'en prend souvent à moi (cela ne me fait rien), mais, si vous saviez combien d'heures il m'a fallu, avec une aide précieuse, compétente mais très limitée, pour fouiller cette myriade de documents afin de préparer mes questions. On m'a traité de toutes sortes de choses, mais jamais d'imbécile et il serait tout à fait injuste de s'attendre à ce que je remette la veille les documents que je vais utiliser ou une liste de ceux-ci...

Le sénateur Jessiman:

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Le sénateur Bryden: ...afin que les parties qui vont, et c'est un mot que je déteste; non, je ne vais pas l'employer, intervenir après moi, aient leur travail tout mâché.

J'espère que vous comprenez. Je veux dire que cela prend des heures et des heures, et comme vous le savez, il faut les prendre sur notre sommeil. Donc, pour le moment, je ne suis pas prêt à prendre cette initiative. Je ne dis pas que c'est impossible. Je croyais me montrer très rapide et coopératif en fournissant au moins des copies au témoin, qui connaît de toute façon déjà ces documents, pour les examiner. Et bien sûr, cela fait, je pourrais sans doute, si vous le voulez, vous fournir alors mes copies pour, par exemple, que vous en fassiez rapidement des photocopies pour cet après-midi.

M. Nelligan: À mon avis, sénateur, le problème n'est pas qu'il faudrait leur mâcher leur travail mais, quand le témoin et vous-même discutez au sujet d'un document, il est bon que les autres sénateurs puissent suivre le texte. Donc, tout ce que je veux dire, comme nous le ferions devant un tribunal, vous et moi...

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Nelligan: ...quand un témoin cite un document, tous les avocats dans la salle l'ont sur leur pupitre. Je proposais donc simplement cela pour qu'ils puissent trouver les documents au moment où vous en parlez dans cette audience.

Le sénateur Jessiman: Et je ne veux pas dire que vous devriez nous les remettre la veille ou à un autre moment, sinon juste avant d'interroger le témoin. Si vous voulez nous les donner un par un, je suis d'accord. C'est suffisant.

Le sénateur Bryden: Bien, comme vous le savez, j'essaie de me montrer aussi coopératif que possible pour pouvoir mener mon interrogatoire à ma façon et je n'ai rien contre votre proposition. J'ai l'habitude d'agir ainsi. J'ai aussi l'habitude des longs interrogatoires préalables avant les procès. Mais pour ce qui est de fournir les documents dont je parle avec le témoin à un moment donné, je préférerais ne pas fournir la pile que je vais remettre au témoin avant d'arriver à un document donné. Sinon, nous serons encore avec ce témoin vendredi.

M. Nelligan: Regardez, j'ai cinq classeurs à côté de moi. Si un document figure dans ces classeurs et que vous nous en donnez le numéro, nous pouvons le chercher et nous pouvons tous en prendre connaissance. Le problème est, je crois, qu'aucun classeur n'a été préparé pour les documents utilisés avec M. Hession, et je crois que cela a troublé les autres sénateurs parce qu'ils ne les avaient pas devant eux.

Le sénateur Bryden: D'accord. Et je ne sais pas pourquoi. Je ne suis pas chargé de préparer des classeurs.

M. Nelligan: Non, non, non, non. Personne n'a préparé de classeurs là-dessus. Vous les avez eu directement, oui.

Le sénateur Bryden: D'accord. Monsieur le président, vous notez l'heure, s'il vous plaît?

M. Hession, pour éclaircir une chose, le registre des lobbyistes indique que M. Neville est resté à l'emploi de Paxport jusqu'au 4 octobre 1993. Je ne m'attends pas à ce que vous confirmiez cela, mais...

M. Hession: Non, mais si vous me le permettez, sénateur, je pense que vous voulez dire que c'est à cette date là qu'il a cessé d'être enregistré comme lobbyiste.

Le sénateur Bryden: Probablement.

M. Hession: Ma réponse concerne le moment où il a quitté... ou ses services ont en fait cessé d'être retenus. Et le souvenir que j'ai assez clair à l'esprit est que c'était assez tôt dans l'année. Certainement avant le congrès à la direction du parti de Mme Campbell.

Le sénateur Bryden: Certainement. Bon, je comprends ça et je ne veux pas en faire toute une histoire.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Monsieur Hession, juste pour revenir à ce que j'ai désigné comme votre énoncé de mission, vous avez dit à la Chambre des communes que "les actionnaires de Paxport", et je cite cela pour aller vite, "ont cru que je pourrais les aider à acquérir les droits d'aménagement et de gestion des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson". Et cela fait au moins partie de ce que vous entrepreniez de faire.

M. Hession: Plutôt qu'un énoncé de mission, c'était certainement leur attente.

Le sénateur Bryden: D'accord. Alors, monsieur Hession, vous vous êtes consacré diligemment et exclusivement à réaliser cela ou à répondre à cette attente, jusqu'à ce que vous atteigniez votre but et que Transports Canada accepte la proposition de Paxport en décembre, je crois que cela a été anoncé le 7 décembre 1992.

M. Hession: Oui. Il faut comprendre, sénateur (car je veux répondre avec précision à votre question précise) que j'ai consacré tout mon temps à cela à partir d'environ l'automne 1989. Il y a donc eu quelques mois au début pendant lesquels je ne m'en occupais pas à plein temps. Mais certainement, je m'y suis consacré ensuite.

Le sénateur Bryden: D'accord. Et vous avez continué cette participation active jusqu'à mars 1993.

M. Hession: Non. J'ai continué ma participation (je laisserai tomber le mot "active") jusqu'au 17 septembre 1993.

Le sénateur Bryden: D'accord.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Mais cette participation allait en diminuant, vous étiez plus actif...

M. Hession: Oui et non. Je m'étais, par exemple, consacré avec diligence à cette tâche plutôt exigeante pendant trois ans et demi et, comme c'était mon trentième anniversaire de mariage, ma femme et moi sommes partis faire une croisière de six semaines, ce que je n'avais jamais fait dans ma vie et je peux vous le recommander si vous en avez le temps.

Le sénateur Bryden: Et l'argent.

M. Hession: Oui, mais je crois juste de dire qu'en tant que conseiller, j'intervenais quand on me le demandait, alors que, jusque-là, les initiatives venaient de moi.

Le sénateur Bryden: Oui. D'accord, laissons cela. Paxport vous rémunérait pour ces efforts?

M. Hession: Oh, bien sûr. En fait, j'étais le président, un employé de l'entreprise et, là encore, je pense que j'ai commencé à être payé à l'automne 1989, et cela a continué jusqu'au jour où j'ai quitté l'entreprise.

Le sénateur Bryden: Et votre salaire était d'environ 200 000 $ par an?

M. Hession: Non. J'ai reçu cette somme à partir du 1er janvier 1993. Auparavant, en dehors des primes et de divers autres avantages, j'étais payé 150 000 $ par an.

Le sénateur Bryden: D'accord. C'est bien. Alors, le 3 décembre 1992, quatre jours avant que le gouvernement n'annonce que l'offre de Paxport avait été acceptée, vous avez conclu avec Paxport une entente dans laquelle Paxport promettait de vous verser une prime spéciale de 120 000 $ lorsque l'entente avec le gouvernement serait signée et s'engageait, une fois votre emploi terminé, à vous remettre 83 750 $ par an jusqu'à la fin de votre vie, n'est-ce pas?

M. Hession: C'est exact.

Le sénateur Bryden: Et si vous deviez mourir avant votre femme, elle devrait recevoir la moitié de cette somme.

M. Hession: C'est également exact.

Le sénateur Bryden: Cela ferait 41 875 $.

M. Hession: Je ne vais pas vérifier vos

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Le sénateur Bryden: Puis...

M. Hession: J'ajouterais en passant que par rapport à ce que je peux lire régulièrement dans le Globe and Mail au sujet des salaires que touchent les cadres supérieurs administrant des entreprises et des projets aussi complexes que celui-ci, j'étais horriblement sous-payé.

Le sénateur Bryden: C'est simplement un commentaire. Je ne conteste pas que, pour les efforts que vous avez consentis pour...

M. Hession: D'ailleurs, ma femme est également de cet avis.

Le sénateur Bryden: Puis, vers le 7 décembre 1992, vers le moment de l'acceptation de la proposition de Paxport ou quelque temps plus tard, vous avez été démis comme président de Paxport et remplacé par Jack Matthews, n'est-ce pas?

M. Hession: Comme le diraient les avocats, j'ai bénéficié d'un congédiement constructif.

Le sénateur Bryden: D'accord. Je ne vous demanderai pas de définir cette expression.

M. Hession: Je signalerai, monsieur le président, que toute cette affaire fait l'objet d'un procès actuellement en cours et, sans vouloir offenser personne, j'hésiterais à approfondir cette question. Croyez-moi, je ne veux pas le faire. Mais l'affaire est devant les tribunaux.

Le sénateur Bryden: D'accord. Quoi qu'il en soit, si elle est devant les tribunaux, c'est parce que, peu après, Paxport a fait entorse à son entente avec vous, n'est-ce pas? L'entente a été rompue.

M. Hession: Selon moi, il y a eu rupture de contrat, oui.

Le sénateur Bryden: Savez-vous d'où allait venir l'argent nécessaire pour vous verser cette pension de 83 750 $ votre vie durant?

M. Hession: Techniquement, je ne le sais pas.

Le sénateur Bryden: Avez-vous cependant un avis là-dessus? Quand l'entente a été conclue, vous deviez avoir une certaine idée.

M. Hession: Je sais tout au moins que cela représentait un engagement de la part de chacun des actionnaires de la société. Comment ils avaient l'intention... chacun des actionnaires, je le souligne.

Le sénateur Bryden: Je peux comprendre pourquoi.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Mais vous aviez conclu votre contrat avec Paxport?

M. Hession: Oui. C'est exact.

Le sénateur Bryden: Et serait-il juste de dire que, si la proposition était acceptée, puisqu'elle l'a été... c'est arrivé tardivement, de toute évidence. Je veux dire qu'il est précisé que cette entente n'entrerait en vigueur que si la proposition était acceptée. Or, elle a bien été acceptée.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Vous aviez fait votre travail.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Le nouveau gouvernement est arrivé et a annulé la décision, mais pour ce qui est de votre entente, la proposition avait été acceptée.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: N'est-ce pas?

M. Hession: Oui?

Le sénateur Bryden: Est-il juste de dire que, si ce contrat n'avait pas été annulé et si en fait Paxport avait pu gérer pendant 57 ans les aérogares 1 et 2, votre pension aurait pu notamment être payée à partir des sommes générées par la participation de Paxport à la gestion des aérogares 1 et 2?

M. Hession: Je n'en sais rien.

Le sénateur Bryden: Quant à M. Neville, il était payé pour ses... je pense que vous avez parlé d'environ quatre années de service pour Paxport?

M. Hession: Oh, c'était moins. Moins de trois ans je crois. Là encore, il faudrait que je vérifie les détails, mais je crois que c'est moins de trois ans.

Le sénateur Bryden: D'accord. Bon, j'allais en parler à l'avance, mais j'étais tellement pressé hier soir...

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Je vais essayer. Je ne poserai pas de questions pièges et, même si je pensais pouvoir le faire, je n'essaierai évidemment pas de vous coincer. Je le dis très sincèrement.

M. Hession: Sénateur, je n'ai aucun doute à ce sujet.

Le sénateur Bryden: Alors, si je dis cela maintenant, c'est parce que, devant le comité de la Chambre des communes, vous avez indiqué que, pendant ces quatre années, Paxport avait payé trois lobbyistes: Neville, Riopelle... c'est bien son nom?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Et John Legate, 200 000 $.

M. Hession: C'est à peu près ça. Mais, si j'ai bien compris, votre question concernait M. Neville.

Le sénateur Bryden: Mais vous avez dit "je crois".

M. Hession: J'ai dit que, pendant cette période (celle de mes quatre années de participation) la somme avait été celle-là. Au cours de ces quatre années, il y a eu des contrats de durée variée avec différents lobbyistes. Je crois, et si vous le souhaitez, je le vérifierai de façon détaillée, que M. Neville, pendant mes quatre années de participation, a travaillé à cela pendant environ trois ans, légèrement moins de trois ans, je crois.

Le sénateur Bryden: D'accord. Je voudrais bien comprendre la situation. Les honoraires de M. Neville étaient prélevés sur ces 200 000 $?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Donc si, pour simplifier le calcul, nous disons que, pendant cette période (parce que certains étaient là avant et M. Neville est resté pendant trois ans), si tous avaient reçu des sommes à peu près identiques, le paiement aurait été... chacun d'entre eux aurait reçu environ 16 600 $ par an pour son travail pour le compte de Paxport?

M. Hession: Oui, mais ce calcul simple ne correspond pas du tout à la réalité, même si je comprends comment vous êtes arrivé à ce chiffre.

Le sénateur Bryden: Donc, certains ont reçu...

M. Hession: Oh, beaucoup moins.

Le sénateur Bryden: Vraiment

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M. Hession: Oui, mais pour une période plus courte, je crois que c'est l'important. M. Neville a été là, comme je l'ai dit, pendant beaucoup plus longtemps que les autres lobbyistes.

Le sénateur Bryden: Mais, et je ne veux pas insister lourdement, mais...

M. Hession: Certainement.

Le sénateur Bryden: Donc, à votre avis, M. Neville aurait reçu environ combien?

M. Hession: Il faudrait que je vérifie, pour être franc.

Le sénateur Bryden: Aurait-il reçu la moitié des 200 000 $, les trois quarts?

M. Hession: Il faudrait vraiment que je vérifie.

Le sénateur Bryden: Mais de toute façon, Bill...

M. Hession: Je peux vous dire la chose suivante: relativement parlant, je veux dire, vous m'avez entendu parler de 200 000 $ pour une période... là encore, je la désigne comme les quatre années de ma participation (à un ou deux mois près), pendant laquelle différents lobbyistes ont été engagés pour des durées variables et l'ensemble des dépenses correspondantes s'est monté à environ 200 000 $. Je ne sais pas jusqu'à quel point vous connaissez les honoraires versés aux lobbyistes enregistrés dans cette ville, mais c'est une somme relativement minime. Sans vouloir être trop catégorique, je pense que c'est la vérité. C'est une somme minime.

Le sénateur Bryden: Vous avez donc pu engager Bill Neville, dont Air Canada avait retenu les services à la même époque pour 120 000 $ par an (comme cela a été dit au comité des transports), "pour des activités générales de conseil, de contrôle et d'orientation". Et vous avez pu l'engager pour une somme minime.

M. Hession: Bien, la somme minime dont je parle, ce sont les 200 000 $ pour je ne sais combien de lobbyistes qui ont travaillé pendant une période de quatre ans. En fait, je ne me dispute pas avec M. Neville s'il est prêt à effectuer certains services pour moi à un prix sur lequel nous pouvons nous entendre. Je parle du coût total du lobbying pour la durée entière du projet.

Le sénateur Bryden: D'accord; je ne le conteste pas. Mais M. Neville était votre chef lobbyiste?

M. Hession: Oui, et je lui en suis très reconnaissant. C'est quelqu'un de très compétent.

Le sénateur Bryden: Est-il possible, monsieur Hession, que M. Neville ait eu lui aussi une entente au sujet d'une prime ou d'une pension ou d'une allocation spéciale assujettie à l'aboutissement du projet?

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Vous le savez?

M. Hession: Sénateur, je viens de le dire, non.

Le sénateur Bryden: M. Neville va peut-être comparaître devant nous. Et M. Pascoe, a-t-il été payé pour ses activités de lobbyiste?

M. Hession: Il n'était pas...

Le sénateur Bryden: Ou toute autre sorte d'activité.

M. Hession: Oui, il s'occupait d'administration et d'affaires publiques pour moi dans le contexte municipal-provincial. Il n'était pas enregistré comme lobbyiste à Ottawa, tout au moins pas pour cela.

Le sénateur Bryden: Vous ne savez donc pas... pour autant que vous sachiez, il ne devait pas recevoir d'allocation spéciale si le projet réussissait?

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Et pour terminer, John Legate et Hugh Riopelle, qui travaillaient pour vous comme lobbyistes... ou pour Paxport, pas pour vous. Pour autant que vous sachiez, ils n'étaient pas censés recevoir une allocation spéciale, une pension ou une prime?

M. Hession: Je me trompe peut-être; je vérifierai à nouveau le dossier. Je pense toutefois que dans les deux cas, il y avait une somme très modeste, comme moins de 20 000 $. Ce n'était pas une allocation spéciale. C'était un report d'honoraires qui n'avaient tout simplement pas été versés avant la décision et qui devaient l'être à ce moment-là. C'était un report d'honoraires. Mais le montant était très modeste, moins de 20 000 $, je crois.

Le sénateur Bryden: Maintenant, M. Hession, passons à un autre point; hier soir, dans le témoignage que vous avez présenté de votre propre initiative dans votre exposé, vous avez dit que, d'après Stevie Cameron, "Hession déjeunait avec Shortliffe tous les jours".

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Alors, monsieur le président et monsieur le conseiller juridique, je précise à l'intention des sténographes qu'il citait un passage de la page 374 d'un livre intitulé On the Take - Crime, Corruption and Greed in the Mulroney Years, publié par McFarlane, Walter & Ross, Toronto, ouvrage déposé en 1994.

Alors, monsieur Hession, il y a plus d'une citation dans le document que vous avez présenté comme preuve hier soir, et je voudrais vous en lire un autre passage et vous demander si vous savez quelque chose à ce sujet. Ce passage figure à la page 372.

Fin 1991 et début 1992, un comité du cabinet composé du vice-premier ministre Don Mazankowski, qui le présidait, et du ministre des Transports Jean Corbeil, du président du Conseil du Trésor Gilles Loiselle et de deux ministres de la région de Toronto, Michael Wilson et Otto Jelinek, s'est réuni à plusieurs reprises pour décider s'il convenait d'aller de l'avant avec une demande de proposition de la part des soumissionnaires intéressés. Hugh Segal, le chef de cabinet de Mulroney, assistait à ces réunions. Au cours d'un échange assez vif, il a soudain ramené tout le monde à la réalité avec des propos qui résonnent encore aux oreilles de ceux qui les ont entendus: "Messieurs, le premier ministre veut que cela se fasse."

Connaissez-vous M. Segal?

M. Hession: Oui, je connais Hugh Segal.

Le sénateur Jessiman: À quelle page?

Le sénateur Bryden: Page 372. Vous ne voulez pas que je lise toute la page?

Le sénateur Tkachuk: Pour que les choses soient claires, Mme Cameron indique-t-elle d'où elle a obtenu cette information?

Le sénateur Bryden: Non.

Le sénateur Tkachuk: Alors, l'a-t-elle inventée?

M. Hession: Elle a probablement appris ça des gens qui lui ont dit également que je déjeunais tous les jours avec Glen Shortliffe.

Le sénateur Tkachuk: Cite-t-elle M. Segal ou cite-t-elle le comité de la planification et des priorités, ou un de ses membres?

Le sénateur Bryden: Je suppose, et là encore, je suis en train d'épuiser mon temps de parole, que si ce qui figure dans ce livre est si erroné (et j'ai même entendu d'autres personnes parler de diffamation), je suis stupéfait que Mme Cameron n'ait pas été poursuivie. Je peux seulement conclure que, dans un procès pour diffamation...

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président,

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Le sénateur Bryden: ...que la vérité...

M. Nelligan: Juste un instant, sénateur.

Le sénateur Bryden: ...la vérité est une défense complète.

M. Nelligan: Je trouve très inquiétante cette façon de verser des pièces au dossier. Si Mme Cameron fait référence à ce témoin ou à n'importe quel autre, je suis sûr que le témoin peut alors être interrogé au sujet de la déclaration qu'elle fait.

Pour moi, M. Hession traitait directement d'une allégation relative à son comportement et je suppose que d'autres témoins pourront souhaiter apporter les mêmes précisions. Ce qui me préoccupe au sujet de cette autre déclaration, c'est qu'elle semble ne concerner en rien ce témoin. J'inviterais donc les sénateurs à ne pas essayer de verser des extraits de livres au dossier si le témoin n'est pas en mesure de prendre position sur l'allégation. Cela me paraît très délicat et le fait que Mme Cameron fasse ou non l'objet de poursuites n'intéresse nullement le comité.

Je pense, sénateur, que vous vous rendez compte des dangers que cela pose.

Le sénateur Bryden: Certainement, mais, monsieur le conseiller juridique et monsieur le président, ce document (et c'est un gros document) a été présenté et mentionné par le témoin, et non pas d'abord par moi.

Comme dans toute procédure normale, je devrais avoir le droit d'examiner ce document et d'interroger le témoin au sujet de toute question reliée à la procédure, quel que soit l'organisme chargé de celle-ci. Et il est hors de doute que ce que j'ai lu, vous pouvez lui accorder l'importance que vous voulez, comme devant un tribunal, mais ce que j'ai lu est directement relié à l'affaire soumise à ce comité.

M. Nelligan: Mais ce n'est pas relié à ce témoin et il faut que ce soit prouvé par un témoin fiable. Si Mme Cameron vient ici, nous pourrons le lui demander. Je pense toutefois, sénateur, qu'il serait dangereux de votre part d'essayer d'introduire, le livre pourrait être versé au dossier dans sa totalité et être sanctionné par le Sénat, mais je ne crois pas que ce soit le but de la présente audience.

Je pense que tous les témoins devraient pouvoir commenter les rumeurs ou les ragots à leur sujet, mais essayer d'introduire les réunions à propos desquelles le témoin ne sait rien ne me paraît pas une bonne façon de présenter des preuves, même pour un comité du Sénat. Au Sénat d'en décider.

Le sénateur Bryden: Très bien. Monsieur le conseiller, si je vous ai bien compris, voulez-vous que j'introduise cet ouvrage dans sa totalité?

M. Nelligan: Non. Je dis que ce livre n'est pas acceptable.

Le sénateur Bryden: Oh, d'accord.

Maintenant, monsieur Hession, je voudrais examiner avec vous la relation que Paxport et vous-même entreteniez avec Air Canada pendant toute la période en question jusqu'à la sélection de Paxport. Cela m'amène à ces documents, et je me demande si le greffier...

Le sénateur Tkachuk: En avez-vous terminé avec ce livre, sénateur Bryden?

Le sénateur Bryden: Pourquoi?

Le sénateur Tkachuk: En avez-vous terminé avec ce livre?

Le sénateur Bryden: Peut-être.

Le sénateur Tkachuk: Est-il peut-être dans le champ de la caméra? Nous devrions peut-être présenter tous les éléments de preuve à la caméra. Recevez-vous une commission de Stevie Cameron? Est-ce que ça lui rapporte quelques dollars?

Le sénateur Bryden: Cela serait davantage que ce que je touche en plus pour cela, croyez-moi.

Le sénateur Tkachuk: Je comprends ça. Vous pouvez laisser ce que vous voulez, mais, vous savez, vous avez parlé un peu de la façon dont nous allons nous comporter ici et, vous savez, j'entends toujours le vieux... je reconnais que j'ai certain parti pris, mais je crois que ce que j'essaie... ce qui s'est passé là va au-delà de la politique.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, si le sénateur Tkachuk...

Le sénateur Tkachuk: Et je me sens insulté par cet ouvrage. Enfin, je n'ai rien à redire.

Le sénateur Bryden: Si vous vous sentez insulté, je vais...

Le sénateur Tkachuk: Je le trouve insultant.

Le sénateur Bryden: ...le mettre de côté.

Le sénateur Tkachuk: Merci, sénateur.

Le sénateur LeBreton: Monsieur le président, puis-je dire quelque chose? Si on remonte au moment où toute cette question était étudiée par le Sénat, nous avons de notre côté demandé la tenue d'une enquête indépendante parce que nous craignions...

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, cela fait-il partie de mon temps de parole? Allons-nous nous faire ressasser toutes ces choses-là?

Le sénateur LeBreton: Non, je veux simplement...

Le sénateur Bryden: Nous avons entendu cela à satiété.

Le sénateur LeBreton: Non.

Le sénateur Bryden: C'est votre enquête. C'est vous qui l'avez demandée.

Le sénateur LeBreton: Nous avons demandé la tenue d'une enquête judiciaire indépendante...

Le sénateur Bryden: C'est votre majorité qui nous a forcés à venir ici au lieu d'aller jouer au golf...

Le sénateur LeBreton: Excusez-moi. Enfin, même si vous êtes un avocat un peu rustre...

Le sénateur Bryden: ...et de passer l'été avec notre famille.

Le sénateur LeBreton: ...j'ai le droit de m'exprimer. Nous avons demandé la tenue d'une enquête judiciaire indépendante. Je ne crains pas la vérité. Je crains les déformations de la vérité. Nous avons demandé la tenue d'une enquête judiciaire indépendante. Le gouvernement a refusé. Nous avons alors dit que le Sénat ferait enquête, car il vaut mieux avoir une enquête faite par le Sénat que pas d'enquête du tout. Et votre comportement ce matin prouve que nous avons eu raison de demander la tenue d'une enquête judiciaire indépendante. Voilà ce que je voulais dire, sénateurs.

Le sénateur Bryden: Comme on dit, les faits, madame, il n'y a que les faits qui m'intéressent.

Le sénateur LeBreton: Nous aussi, et nous nous intéressons à la vérité.

Le sénateur Bryden: Alors, monsieur Hession, reprenons et voyons si nous pouvons avancer de façon ordonnée; je vous renvoie à un document qui vient de vous; il est daté du 24 avril 1990. Il a été envoyé par Ray Hession à Don Matthews, il y a toujours une liste. Monsieur le conseiller juridique, dois-je lire toute la liste?

M. Nelligan: Si les sténographes peuvent l'identifier, il n'y a pas de problème.

Le sénateur Bryden: Don Matthews, Jack Matthews, Peter

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M. Hession: "You".

Le sénateur Bryden: Trevor Carnahoff et Gord Hamilton. Êtes-vous l'auteur de cet aide-mémoire?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Là encore, vous avez tout à fait le droit de le lire en entier. Il y a trois paragraphes qui m'intéressent. Le premier, la première partie du deuxième et l'avant-dernier à la deuxième page.

Pouvez-vous lire le deuxième paragraphe, s'il vous plaît?

M. Hession: Oui, sénateur. Si vous me le permettez, je dirai auparavant que vous avez lu à plusieurs reprises les noms des personnes à qui étaient adressés certains de mes aide-mémoire. Je préciserai à votre intention et à celle de vos collègues que M. Goring, en particulier, (et il y a d'autres gens qui seront nommés dans d'autres aide-mémoire) était à l'époque vice- président exécutif de Bramalea. On ignore généralement que pendant une période assez longue à ses débuts, Paxport était une coentreprise appartenant pour moitié à Matthews, et pour moitié à Bramalea.

C'est ainsi qu'elle a commencé. Je voulais seulement le préciser pour que vous compreniez l'évolution de la situation dont je parlerai plus tard.

Vous voudriez que je lise les deux premiers...

Le sénateur Bryden: J'ajouterai à ce que vous avez dit que j'ai remarqué que les personnes impliquées changent au fur et à mesure. Quand vous aurez un aide-mémoire adressé à Donald Matthews, je me propose d'utiliser les deux premiers noms et d'ajouter "et cetera". Je pense que cela suffira aux sténographes pour identifier les documents. Et je suis prêt à vous donner les exemplaires marqués avec un onglet.

M. Nelligan: Je précise pour les sténographes que c'est le document 432.

Le sénateur Bryden: Oui, voulez-vous lire le premier paragraphe, s'il vous plaît?

M. Hession: J'ajouterai une chose à propos du point évoqué parce que, si nous allons lire les noms, les gens doivent comprendre le contexte. Jusqu'en novembre 1990, je crois que c'était en novembre, la société ayant en fait commencé ses activités à l'automne ou à la fin de l'été 1989, Bramalea participait à 50 p. 100 à son capital.

À votre demande, sénateur, je lis maintenant: "Doug Port a appelé hier en fin d'après-midi..."

Le sénateur Bryden: Puis-je vous interrompre ici? C'est la première fois qu'on cite son nom. Qui est Doug Port?

M. Hession: À l'époque, Doug Port était... je ne me souviens vraiment plus de son titre. Il est devenu ensuite vice-président mais, à l'époque, il était chargé de la planification et de l'aménagement de l'aérogare 2 pour le compte d'Air Canada.

Doug Port a appelé hier en fin d'après-midi pour parler de la réunion du comité exécutif d'Air Canada qui avait eu lieu pendant trois heures et demie ce matin-là.

Dois-je continuer?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Hession:

La réunion avait été convoquée à la suite de notre exposé de jeudi dernier. Elle était exclusivement consacrée au sujet de l'aménagement de Pearson.

Le sénateur Bryden: Vous pourriez encore lire la phrase suivante et je vous poserai alors une question à ce sujet.

M. Hession: Oui.

La direction d'Air Canada a conclu à la nécessité d'une confirmation indépendante de l'évaluation politique que j'avais présentée la semaine dernière (texte de l'exposé joint).

Est-il joint, en fait?

Le sénateur Bryden: Non. C'est la question que je voulais vous poser.

M. Hession: Je vois.

Le sénateur Bryden: Le texte écrit de votre évaluation politique n'était pas joint aux documents que j'ai.

M. Hession: Non, non.

Le sénateur Bryden: Avez-vous ce texte?

M. Hession: Je regrette de devoir vous dire que, à part les documents que je vous ai fournis par l'intermédiaire du conseiller juridique, tous les documents que je possédais à l'époque où j'ai quitté Paxport à l'automne 1993 ont été déménagés de mon bureau d'Ottawa à Toronto. Je n'ai donc pas accès à ces documents, y compris à celui dans lequel figurerait cet exposé, je suppose.

Le sénateur Bryden: En passant, je pourrais peut-être demander au greffier... le greffier est parti... pourrais-je demander au greffier de contacter Air Canada pour obtenir un exemplaire de ce document?

Vous souvenez-vous, monsieur Hession, de son contenu?

M. Hession: Je me souviens de son contenu de façon générale, oui.

Le sénateur Bryden: Pourriez-vous nous en donner un bref résumé?

M. Hession: Eh bien, franchement, j'ai exposé au comité la plus grosse partie de cette évaluation, en quelque sorte, dans ma déclaration liminaire, lorsque j'ai énuméré toute une série de facteurs qui avaient des répercussions sur Pearson lorsque nous avons lancé cette entreprise en 1989. Sans vouloir trop me répéter, les points principaux étaient notamment l'urgence absolue, aux yeux d'Air Canada, de réparer l'aérogare 2, afin de conserver des chances de préserver sa part de marché à Pearson après l'ouverture de l'aérogare 3. Cela représentait une grosse menace pour Air Canada à l'époque, ce qui se savait ici, c'est-à-dire dans le monde des transports ici à Ottawa.

Mais Air Canada faisait apparemment face à toute une série de problèmes bureaucratiques insolubles. Cette société n'arrivait pas à faire réparer son aérogare. Voilà certains des points que j'ai indiqués, en plus de la simple réalité que le ministère n'avait pas d'argent. Il lui manquait 1,5 milliard de dollars. La plus grosse partie de cette somme aurait dû pouvoir être utilisée à Pearson pour les pistes, pour le réaménagement de l'aérogare, pour la réparation de l'aire de trafic, et cetera, mais elle n'était pas disponible.

Le sénateur Bryden: C'était donc une sorte de rappel à la réalité politique pour Air Canada.

M. Hession: Eh bien, je signalais les éléments fondamentaux.

Le sénateur Bryden: Pouvez-vous passer à la page suivante, au paragraphe du milieu? Pouvez-vous nous le lire?

M. Hession: Oui. C'est l'avant-dernier paragraphe.

Le sénateur Bryden: Allez-y.

M. Hession:

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Doug a à nouveau demandé que nous lui fournissions un exemplaire de notre plan d'affaires pour Pearson dès que possible. Ce plan doit convaincre Air Canada que notre plan d'exploitation et de gestion va fonctionner; que notre plan de financement des immobilisations et du fonctionnement de l'aérogare est sain et défendable, et que notre programme de construction permettra d'apporter les améliorations souhaitées dans le respect des délais et du budget.

Le sénateur Bryden: Donc, à cette époque, et peut-être pendant toute cette période, vous avez tenu Air Canada au courant de votre proposition?

M. Hession: Oh, tout à fait au courant. Nous avons eu des rapports très actifs pendant cette période.

Le sénateur Bryden: Bien, merci.

Je vous demanderais maintenant d'examiner, le voici, le document "K", qui est le suivant dans votre pile.

M. Hession: Oui, oui.

Le sénateur Bryden: Il est aussi daté du 29 mai. Il porte le numéro 440. Il est daté du 29 mai 1990. Il est adressé à Don Matthews, Jack Matthews et Peter Goring; vous en êtes l'auteur et il porte le titre "Proposition Air Canada/Paxport".

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Voulez-vous lire le premier paragraphe?

M. Hession: Oui. Juste le premier paragraphe?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Hession:

Hier, la direction d'Air Canada a accepté de présenter à Transports Canada une proposition nommant PAXPORT comme promoteur. Cette proposition sera envoyée le lundi 4 juin 1990.

Le sénateur Bryden: Et l'avez-vous fait?

M. Hession: Je ne sais plus si cela s'est fait le 4 juin 1990, mais oui. La réponse est oui.

Le sénateur Bryden: Air Canada et Paxport ont donc présenté une proposition conjointe, c'est bien ça?

M. Hession: Oui, mais, si ma mémoire est bonne, c'est plus précisément le président d'Air Canada, Pierre Jeanniot à l'époque, qui a transmis le plan d'affaires de Paxport, sa proposition en quelque sorte, au ministre en l'endossant. Je crois que cela décrit plus précisément ce qui s'est passé.

Le sénateur Bryden: D'accord. Pour que je comprenne bien, s'agissait-il soit du plan que vous aviez envoyé à M. Lewis soit d'une révision de celui-ci? Est-ce...

M. Hession: Je n'avais pas envoyé de plan à M. Lewis.

Le sénateur Bryden: Oh, à ce moment-là?

M. Hession: Non. Le seul document qui avait été transmis à Transports Canada jusque-là était la proposition non sollicitée présentée en septembre 1989.

Le sénateur Bryden: D'accord. Est-ce un document comparable?

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Maintenant, le document "L", c'est le suivant; il est une fois de plus adressé... celui-ci est adressé à Doug Port, et vous nous avez dit qui il est.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: L'auteur en est Ray Hession. Il ne porte pas de numéro. La date est le 30 juillet 1990 et il est désigné comme étant le plan d'action de Pearson. C'est de cela qu'il traite.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Alors, voulez-vous nous lire le premier paragraphe, s'il vous plaît?

M. Hession: Oui.

J'espère que vous avez eu des vacances détendues et agréables. Juste avant votre départ, j'avais promis de vous fournir certains documents d'information destinés à faire pencher les ministres et les hauts fonctionnaires du gouvernement en notre faveur. Une partie de cette documentation est jointe.

Le sénateur Bryden: Et il y a une liste des documents que vous n'avez pas besoin de lire. Il n'y a pas de numéro. La date de cet aide-mémoire est le 30 juillet 1990.

Pouvez-vous lire le deuxième paragraphe, car je voudrais vous poser des questions à ce sujet?

M. Hession: Oui. Le reste, qui inclut...

Le sénateur Bryden: Non, excusez-moi, le suivant.

M. Hession: Oh.

Nous avons également parlé d'une réunion éventuelle à Montréal entre PAXPORT (MM. Matthews, Gorring, Hession, et cetera) et Air Canada (MM. Jeanniot, Desrochers, Tennant, Lindsay et Port) pendant la semaine du 13 août 1990. Son but serait de s'entendre sur une stratégie visant les ministres et les hauts fonctionnaires compétents, citant les questions à régler avec chacun d'eux et identifiant le représentant d'Air Canada ou de Paxport qui présentera le mémoire. Cette stratégie serait exécutée de façon coordonnée et unifiée entre le 20 août et le 7 septembre 1990, si la réunion du comité du cabinet au cours de laquelle Doug Lewis présentera ses propositions a lieu pendant la semaine du 10 septembre 1990.

Le sénateur Bryden: Qui vous attendiez-vous à voir participer à cette réunion du comité du cabinet?

M. Hession: Je ne sais vraiment pas. Si c'était le cabinet, tous ses membres auraient été là et je ne me souviens vraiment pas du nom de tous. Ils étaient assez nombreux.

Le sénateur Bryden: Non, mais vous avez parlé du comité du cabinet, donc...

M. Hession: Eh bien, dans ce cas précis, je ne sais vraiment pas qui faisait partie du comité du cabinet. Je ne me souviens pas.

Le sénateur Bryden: Et vous ne savez pas de quel comité il s'agissait?

M. Hession: Non. Je veux dire, je... non. Je pourrais essayer d'y réfléchir et de m'en souvenir, mais, maintenant, je ne m'en souviens pas.

Le sénateur Bryden: Comment avez-vous su auprès de quels sous-ministres et de quels collaborateurs des ministres faire du lobbying?

M. Hession: Oh, c'est évident, tout ceux qui connaissent un peu le monde

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Le sénateur Bryden: Et de qui s'agirait-il? De quels ministères, sans citer de nom?

M. Hession: Qui participerait à une telle décision?

Le sénateur Bryden: Oui. J'essaie d'établir comment vous savez quel ministre...

M. Hession: Il est très difficile de répondre à une telle question, sénateur, et ce n'est pas un faux-fuyant, mais il y a là d'importantes responsabilités ministérielles qui sont en jeu, surtout les transports. Il y a également les intérêts régionaux. Je veux dire que c'est le principal aéroport du sud de l'Ontario et, en fait, le coeur du système aéroportuaire national.

Donc, un grand nombre de ministres... un grand nombre? Certains ministres auxquels on ne penserait pas d'abord, à cause de leurs portefeuilles, peuvent être intéressés par ce dossier.

Le sénateur Bryden: Donc, là encore, je ne voudrais pas vous rendre la vie difficile...

M. Hession: Non, je sais que non.

Le sénateur Bryden: ...mais vous avez mentionné le ministre des Transports.

M. Hession: Certainement, il serait... je veux dire que c'est lui en fait qui lancerait les choses.

Le sénateur Bryden: Le Conseil du Trésor?

M. Hession: Probablement, les Finances, probablement. Cela entraînait une énorme série d'implications fiscales, donc les Finances seraient sans doute impliquées, oui.

Le sénateur Bryden: Le Conseil privé?

M. Hession: Eh bien, le Conseil privé, à proprement parler, même s'il a un président, n'est pas représenté par un ministre, à part le premier ministre de temps en temps, et, pour autant que je me souvienne, il ne participait pas à cela.

Le sénateur Bryden: Alors, avez-vous établi cette stratégie et a-t-elle été exécutée?

M. Hession: Établi?

Le sénateur Bryden: Eh bien, on peut lire ici: "Nous allons nous entendre sur une stratégie".

M. Hession: Il y avait une stratégie; sans aucun doute. L'avons-nous exécutée comme prévu?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Pourquoi?

M. Hession: Je ne me souviens plus maintenant de tous les détails, mais je me rappelle que nous n'avons pas pu l'exécuter aussi complètement que nous l'aurions souhaité. Certaines personnes n'étaient pas disponibles pour faire ce que j'espérais qu'elles pourraient faire.

Le sénateur Bryden: Cette stratégie avait-elle été mise par écrit?

M. Hession: Je crois. La plupart de mes stratégies l'étaient. Mais là encore, je...

Le sénateur Bryden: Elle ne figurait pas dans les documents. Voilà pourquoi je pose cette question. Vous avez dit que...

M. Hession: J'ai déjà expliqué que j'avais des documents qui remplissaient tout un bureau et qui ont été expédiés à Toronto lorsque j'ai quitté cette société. Par ailleurs, si j'avais ce document, je peux vous garantir que je vous le donnerais sans rien en expurger.

Le sénateur Bryden: Très bien. Qu'est-il advenu de l'entente entre Paxport et Air Canada en vue de... qui a été présentée au ministère des Transports?

M. Hession: Revenons au début. Air Canada, n'oublions pas qu'on était alors à la mi-1990, était désespérée, au bord de l'apoplexie, à cause de la prochaine entrée en service de l'aérogare 3 et de la menace que cela faisait peser sur sa part de marché à Pearson, à cause des installations modernes dont allaient disposer les lignes aériennes Canadien International, son principal concurrent.

Air Canada désirait vivement que l'aérogare 2 soit remise en état. La compagnie semblait faire face (pendant plusieurs années, je dois l'ajouter) à une certaine apathie de la part de Transports Canada vis-à-vis de ses exigences, jusqu'à ce qu'Air Canada dise: "Regardez, nous y mettons notre argent, vous y mettez votre argent, et nous pourrons au moins remettre en état la partie servant aux vols nationaux"; vous avez vu maintenant que c'est une partie moderne et attrayante de l'aérogare 2, à la différence des parties servant aux vols transfrontières ou internationaux. Cela s'est donc passé ainsi.

J'ajouterais qu'il y a une chose que nous ne savions pas et c'est un élément essentiel. Nous ne savions pas que, à la suite de cette entente, le ministère des Transports et Air Canada avaient également conclu une entente secondaire, sur les principes directeurs dont il a été question hier et qui sont en fin de compte devenus ce que j'ai signalé et ce que, malheureusement, les dirigeants de Transports Canada ont appelé le "sandwich d'Air Canada". Je vais vous expliquer de quoi il s'agit.

Le sandwich d'Air Canada revient à placer Paxport ici... excusez-moi, Transports Canada ici disant: "Vous, Paxport, allez conclure une entente avec Air Canada. Nous n'allons pas vous indiquer les règles du jeu; elles sont contenues dans les principes directeurs". Air Canada connaît les règles du jeu, et devinez-vous qui représente le jambon dans ce sandwich? C'est Paxport. Et cela a causé une infinité de retards, de très mauvaises pratiques de négociations pour nous...

Le sénateur Bryden: Mais, à ce moment-là, la procédure est déjà largement engagée.

M. Hession: Oh, mais c'est extrêmement pertinent et tout à fait relié.

Le sénateur Bryden: J'ai virtuellement promis au président que j'allais essayer de respecter du mieux possible la chronologie.

M. Hession: Très bien.

Le sénateur Bryden: C'est tout ce que je... mais pour répondre à ma question...

M. Hession: Le ministre... oui, j'allais juste essayer de le faire. Si vous me demandiez ce qu'il est advenu de la proposition, elle a été déposée par M. Jeanniot puis lue, je suppose, par le ministre et ses hauts fonctionnaires et rejetée.

Le sénateur Bryden: Passons maintenant au document suivant, "M"; c'est...

M. Hession: Vous avez dit "M" ou "N"?

Le sénateur Bryden: Ce devrait être le suivant dans votre...

M. Hession: Oui, très bien.

Le sénateur Bryden: "M" comme Marie.

M. Hession: Oui, merci.

Le sénateur Jessiman: Et la date?

Le sénateur Bryden: Il porte le numéro 594 et la date est le 6 mars 1991; il est envoyé par Ray Hession à Don et Jack Matthews, avec copie adressée à Bill Neville, Paul LaBarge

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M. Hession: Tout le...?

Le sénateur Bryden: Oui, il est très bref.

M. Hession:

J'ai parlé ce matin avec Doug Port qui m'a fait savoir que, d'ici le 1er avril 1991, Air Canada est tenu de présenter son énoncé des besoins à Transports Canada pour son inclusion éventuelle dans le futur appel de propositions.

Transports Canada a conseillé à Air Canada de ne pas profiter de cette occasion pour agir pour le compte d'une tierce partie [en particulier] (PAXPORT). Pour se couvrir, Air Canada m'enverra, dans les prochains jours, une lettre mettant un terme à notre relation spéciale. Un exemplaire de cette lettre sera remis à Transports Canada.

Officieusement, nous nous sommes entendus, Doug et moi, pour continuer notre dialogue mais Doug a souligné qu'il était évidemment nécessaire qu'il veille en priorité aux intérêts d'Air Canada.

Cette situation n'est pas inattendue. Quoi qu'il en soit, nos rapports avec Air Canada sont solides.

Le sénateur Bryden: Donc, à ce moment-là, vous aviez de très bons rapports avec Air Canada? Peut-être tout le temps, je ne sais pas.

M. Hession: Non, non. J'ai un souvenir très vivant de la situation. Jusqu'à la présentation de la proposition en juin, nous avions une relation de travail fondée sur le besoin pressant de remettre cette aérogare en état. La proposition a été présentée et rejetée.

Comme l'ont dit d'autres témoins, vous vous en souvenez, le gouvernement a alors commencé à s'orienter vers une décision en septembre, à la suite de quoi il a annoncé en octobre qu'il allait solliciter des propositions. À ce moment-là, Air Canada s'est fait dire, de façon très correcte, de cesser toute relation spéciale avec un promoteur susceptible de présenter une soumission. Nous avons alors, en fait, mis un terme à nos rapports.

Bon, dans la mesure où nous avions parlé de temps en temps de l'avenir, ce n'était rien d'autre qu'un promoteur potentiel qui parlait au locataire principal d'une installation que ce promoteur envisageait au bout du compte de réaménager. Il n'y avait là aucun lien de dépendance, nous parlions simplement avec le principal locataire.

Le sénateur Bryden: Passons maintenant au document "N", N comme Nancy, ou Normand. Disons plutôt Normand. Il est daté du 21 mars et, là encore, le numéro a été coupé par le télécopieur. Daté du 21 mars 1991, ce document est adressé à Don...

M. Nelligan: Il porte le numéro 599.

Le sénateur Bryden: Il est envoyé par vous à Don Matthews, Jack Matthews, "Besoins d'Air Canada". Pouvez-vous le lire en entier ou simplement le dernier paragraphe, comme vous voulez.

M. Hession: Laissez-moi le lire d'abord en entier pour moi. Oui.

Le lundi 18 mai [sic] [...] j'ai rencontré Doug Port d'Air Canada.

Nos rapports sont restés solides et productifs.

Doug a confirmé que, d'ici la fin du mois, Air Canada présentera à Transports Canada ses besoins concernant l'aérogare 2.

Il s'agit là encore des besoins qui pourraient être inclus dans une certaine mesure dans l'appel de propositions à venir.

Je l'ai prié de ne pas éliminer la possibilité de finir par transférer les vols transfrontières d'Air Canada au satellite de l'aérogare 1 lors de ses discussions avec Transports Canada. Il a semblé être d'accord.

Doug a également souligné à nouveau que, si l'issue de l'appel de propositions à venir ne lui convient pas, Air Canada pourrait décider de ne pas collaborer avec Transports Canada et le promoteur choisi en utilisant son bail actuel à l'aérogare 2 comme moyen de pression.

Le sénateur Bryden: Que veut dire...

M. Hession: Je ne sais pas.

Le sénateur Bryden: ...utiliser le bail actuel à l'aérogare 2 comme moyen de pression?

M. Hession: Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je peux seulement faire des conjectures, mais je ne sais pas ce que cela veut dire.

Le sénateur Bryden: D'après ce que vous saviez à l'époque, le bail de l'aérogare 2 était-il conclu avec Air Canada?

M. Hession: Nous pensions à ce moment-là que ce bail allait expirer en 1997, si je me souviens bien. Mais c'était un bail normal. "Normal", soit dit en passant, est un terme un peu exagéré dans le cas des baux de Pearson, surtout pour le bail de Transports Canada. Il était très complexe et contenait une infinité d'amendements. Il était très difficile à lire. Je me souviens également que ces amendements s'entassaient les uns sur les autres, ce qui avait eu notamment pour résultat qu'Air Canada était loin de payer la totalité de son loyer.

Le sénateur Bryden: Mais il n'y aurait rien là-dedans, même du point de vue de Transports Canada, étant donné la taille du document, en ce qui concerne le loyer jusqu'à 1997, qui puisse servir de moyen de pression?

M. Hession: Si, ce serait possible.

Le sénateur Bryden: Quoi?

M. Hession: Bon, je ne sais pas. Là encore, ce sont des conjectures, mais je ne disposais pas des détails du bail. Je l'ai déjà dit, il est très long et complexe. Mais si le locataire dispose dans son contrat d'une clause lui donnant le dernier mot au sujet de toute remise en état de ses locaux, c'est un moyen de pression.

Le sénateur Bryden: Avez-vous cherché à savoir ce que Doug entendait par un moyen de pression?

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Non?

M. Hession: Je ne l'ai pas fait.

Le sénateur Bryden: Jamais... vous ne saviez pas à quoi correspondait ce moyen de pression et vous n'avez pas cherché à savoir...

M. Hession: Je viens de vous expliquer ce que j'avais supposé à ce moment-là. Mais je ne connaissais pas les détails du bail, ce n'est que beaucoup plus tard que je l'ai vu, lorsque nous sommes allés dans la salle des dossiers pour l'appel des propositions, et tous les baux étaient là.

Le sénateur Bryden: Et cette référence à un "moyen de pression" n'a pas suffisamment éveillé votre curiosité pour que vous demandiez: "Qu'entendez-vous par là?"

M. Hession: Je viens d'expliquer, sénateur, qu'un locataire...

Le sénateur Bryden: Vous pensiez savoir.

M. Hession: Eh bien, j'ai fait des suppositions. Je ne sais pas de façon détaillée ce que j'ai pensé. Et franchement, à ce moment-là, je m'intéressais plus à l'appel de propositions à venir.

Le sénateur Bryden: Certainement. D'accord. Maintenant, je passe au document "O", qui est adressé une fois de plus à Don et Jack Matthews. Il porte le numéro 649. Vous en êtes l'auteur, il est daté du 12 juillet 1991 et il traite d'Air Canada. Je m'intéresse particulièrement au troisième paragraphe complet, pas tous les paragraphes en retrait où vous parlez des pistes, du dégivrage et des aérogares.

M. Hession: Vous vous intéressez, c'est-à-dire...?

Le sénateur Bryden: À ce que vous lisiez le troisième paragraphe.

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M. Hession: Puis-je d'abord me familiariser avec ce texte, rafraîchir ma mémoire en quelque sorte?

Le sénateur Bryden: Absolument.

M. Hession: Oui. Je pense que, dans ce cas-ci, je vais lire l'ensemble de l'aide-mémoire, pour présenter clairement le contexte.

J'ai rencontré ce matin Jean-Jacques Bourgeault, vice- président des services aéroportuaires et Julien DeSchutter, directeur de l'aménagement des aéroports.

Bourgeault est chargé de tout ce qui touche les aéroports, promotion, exploitation, aménagement. DeSchutter a remplacé Doug Port.

Dès le début de la réunion, il est ressorti clairement qu'Air Canada nous tient en haute estime. Ils ont tous deux expliqué clairement que, si un promoteur privé doit être choisi pour les aérogares 1 et 2, ils continuent de vouloir que ce soit nous. Ils ont également dit qu'ils ne discutent ni ne traitent actuellement avec aucun autre promoteur et n'ont pas l'intention de le faire à l'avenir. En plus de faire connaissance,...

Il s'agit de M. Bourgeault.

... parler des événements passés et échanger des informations à propos des perspectives éventuelles, nous avons parlé des sujets suivants:

Pistes - [À ce sujet] Air Canada s'inquiète beaucoup au sujet de ses futurs frais étant donné les ambitions de Transports Canada.

Le sujet suivant était:

Dégivrage - Air Canada cherche à trouver une solution pour l'ensemble de son réseau, en commençant par Pearson, une tierce partie pouvant posséder et exploiter le du système. La compagnie est intéressée à collaborer avec nous à cet égard. J'ai expliqué que nous avions examiné une méthode éventuelle mais que la compagnie devait nous fournir des données supplémentaires, ce qu'elle va faire.

Le dernier sujet abordé a été:

Aérogares - Air Canada veut procéder aux améliorations de T2 et s'attend à récupérer une partie des investissements correspondant en cas de reprise en main par un promoteur privé, sans avoir en tête de modèle particulier pour cela. La compagnie apprécie le concept global d'aménagement figurant dans la proposition originale de PAXPORT mais elle aimerait avancer "à son propre rythme" en fonction de son programme de contrôle des coûts.

Nos interlocuteurs sont d'accord pour travailler avec nous, si nous le leur demandons, dans le cadre de la préparation de notre réponse à l'appel de propositions de Transports Canada.

Le sénateur Bryden: Je reviens au troisième paragraphe... je prends la phrase que vous avez versée au procès-verbal.

Ils ont également dit qu'ils ne discutent ni ne traitent actuellement avec aucun autre promoteur, et ils n'ont pas l'intention de le faire à l'avenir.

Ensuite, dans le dernier paragraphe que vous avez lu, on trouve: "Ils sont d'accord pour travailler avec nous", c'est-à-dire Paxport, pour préparer votre proposition.

M. Hession: Pas pour la préparer, non. Je n'ai pas dit ça.

Le sénateur Bryden: Dans la préparation. Dans le cadre de la préparation.

M. Hession: Oui, c'est exact.

Le sénateur Bryden: Au moins en ce qui concerne Air Canada, comment parler de règles du jeu équitables pour les autres candidats, si cette compagnie - parce qu'ils vous disent là que, maintenant ou à l'avenir, ils ne vont leur parler que par politesse, mais qu'ils travailleront avec vous à l'élaboration de votre proposition.

M. Hession: Pour répondre à votre question au sujet des règles du jeu équitables, Air Canada allait présenter ses besoins à Transports Canada. Tous les soumissionnaires devaient avoir accès à cet énoncé des besoins. Et c'est en fait ce qui s'est passé. Les règles du jeu étaient donc parfaitement équitables.

Jusqu'au moment de l'appel de propositions, ils ont continué à travailler avec nous, pendant que nous examinions avec zèle (et je veux dire avec beaucoup de zèle) les plus petits détails relatifs à ce qu'ils voulaient voir dans leur aérogare 2 si quelqu'un, à un moment donné, quelque part, se souciait le moins du monde de l'avenir de cet aérogare.

Il semble que jusque-là ils aient été constamment frustrés. Nous ne contribuions pas à cette frustration. Ils nous aimaient bien. Nous essayions de régler leur problème.

Le sénateur Bryden: L'appel de propositions a été fait en mars; puis-je vous demander s'il était...

M. Hession: Mars 1992.

Le sénateur Bryden: Mars 1992. Donc, c'est jusqu'à ce moment-là qu'ils ont travaillé avec vous.

M. Hession: Non, non. Je pense que c'est justement vers cette époque que nos rapports sont vraiment devenus moins étroits, pour ce qui est notamment de la fréquence des réunions.

Je dois signaler autre chose afin que les sénateurs, et plus particulièrement vous, sénateur Bryden, comprennent certains des aspects pratiques en jeu ici. Je ne veux pas en faire une longue liste... Air Canada, comme toutes les grandes compagnies aériennes, a un objectif à court terme, celui de satisfaire ses besoins immédiats en matière de service, et un objectif de développement à long terme.

Air Canada avait engagé à l'époque une compagnie du nom de NORR, N-O-R-R, Airport Planning Associates, une société spécialisée dans la planification et l'architecture des aéroports très renommée. En fait, c'est une filiale en toute propriété de NORR, l'entreprise d'architecture et d'ingénierie. Elle entretient depuis longtemps des rapports avec Air Canada. Plus précisément, depuis plus de 20 ans maintenant, NORR s'occupe de la conception, de la planification et de l'architecture de la plupart des installations des aérogares de Pearson, excepté l'aérogare 3. C'est en fait cette entreprise qui, par le passé, a construit l'aérogare 3, c'est-à-dire l'a conçue et en a dirigé la construction.

C'était le cabinet d'architectes d'Air Canada. Vous pouvez donc comprendre l'étroitesse de leurs relations pour ce qui est de l'identification des problèmes et des solutions à y apporter.

C'était le même architecte qui répondait aux besoins d'Air Canada à cet égard et aux besoins de Paxport pour sa proposition.

Le sénateur Bryden: Donc, si j'ai bien compris le début de votre réponse, vous vouliez dire que jusqu'à... une fois l'appel de propositions émis, Air Canada a fait part de ses exigences à tout le monde. Mais ce...

M. Hession: Non, non. Excusez-moi, sénateur. Air Canada les a indiquées à Transports Canada, qui les a incluses dans l'appel de propositions.

Le sénateur Bryden: Dans la demande de propositions, d'accord. Mais jusqu'à...

M. Hession: Des règles du jeu parfaitement équitables.

Le sénateur Bryden: Absolument. À partir du moment où la demande de propositions a été publiée et où le décompte des 90 jours a commencé. Mais jusqu'à...

M. Hession: Je suis désolé, sénateur, je n'ai pas compris votre dernière réserve. Elle me paraît importante. Pouvez-vous m'expliquer ce que vous entendez par là?

Le sénateur Bryden: Oui. Vous avez dit qu'Air Canada avait communiqué ses exigences à Transports Canada, qui les a intégrées dans la demande de propositions. À partir de ce moment-là,

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M. Hession: Mais la notion de règles du jeu équitables n'a de valeur que quand et s'il y a un appel de propositions. Et à ce moment-là, elles étaient complètement, indubitablement équitables. À mon avis, ce qui s'est passé auparavant n'entre pas en ligne de compte.

Le sénateur Bryden: D'accord, je crois que cela entre en ligne de compte, alors écoutez-moi. Jusque-là, Air Canada disait vouloir traiter avec vous et vous aider à préparer votre appel de propositions disant également ne pas discuter ou traiter avec quelqu'autre promoteur que ce soit ni avoir l'intention de le faire à l'avenir.

M. Hession: Bien, laissez-moi...

Le sénateur Bryden: Je veux en fait déterminer si cela vous aurait avantagé.

M. Hession: Bon, ne faisons pas d'hypothèse. Voyons les choses concrètement, parce que même si cela a été dit (le compte rendu de cette conversation semble lourd de conséquences), ce qui s'est passé ensuite est tout à fait différent. À ma connaissance, il faudra que vous posiez cette question à Air Canada, de toute évidence.

À ma connaissance, quand les événements entourant cet appel de propositions ont pris leur cours, Air Canada a en fait commencé à parler avec d'autres promoteurs et à examiner des concepts tout à fait différents, et pas seulement en ce qui concerne l'aménagement physique. N'oubliez pas que c'est ce sur quoi nous portions principalement notre attention. Nous voulions fournir la meilleure solution possible à Air Canada, aux passagers de l'aérogare 2, aux Canadiens qui utilisent l'aérogare 2. Il s'agissait donc de la conception des bâtiments, de la planification, et cetera

À ma connaissance, Air Canada parlait avec d'autres promoteurs de relations financières et autre chose du genre; le contexte était différent. Donc, même si ce sentiment existait à ce moment-là, ce n'est pas ce qui s'est passé.

Mais là encore, je vous encouragerais à poser la question à Air Canada, mais je sais que je n'ai pas besoin de le faire.

Le sénateur Bryden: Je le ferai certainement. Je peux seulement m'appuyer sur les renseignements que j'avais dans...

M. Hession: Bon, j'essaie de vous aider en enrichissant cette information.

Le sénateur Bryden: Absolument. Et vous le faites très bien. Le document suivant est "P".

M. Hession: "P" comme?

Le sénateur Bryden: Patricia, c'est le nom de ma fille.

M. Hession: Merci. Les choses s'enchaînent bien, sénateur.

Le sénateur Bryden: Il porte un numéro du ministère des Transports, 001342; il a été envoyé par Victor Barbeau à la direction de Paxport à votre intention.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Et il porte la date, tout au moins le tampon, du 7 décembre 1992. C'est la lettre par laquelle vous êtes informé que, en fait, la proposition de Paxport a été choisie.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: On vous demande également de prouver que votre proposition peut être financée.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Qu'avez-vous alors fait pour essayer de répondre... et vous deviez le faire pour le 15 février?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Qu'avez-vous fait pour essayer de respecter cette date limite du 15 février?

M. Hession: Je vais revenir à une déclaration que vous avez faite précédemment. En fait, vous citiez des événements.

Le jour suivant l'annonce de la décision en faveur de Paxport (et si ce n'était pas en réalité le jour suivant, c'était le jour même), il y a une relève de la garde chez Paxport, comme je l'ai expliqué plus tôt.

Jusqu'à cette date, j'étais président et responsable de ce projet jusqu'au moment de la décision. Après cette date, Jack Matthews a assumé cette responsabilité.

La question du financement était plus particulièrement du ressort des actionnaires. Et, dans mon nouveau rôle de conseiller en matière d'opérations, de personnel, de retombées économiques, et cetera, je n'avais pas un rôle clé à jouer à cet égard même si, de temps à autre, quand on me le demandait, je donnais des conseils. Je pense donc que pour obtenir une réponse complète à votre question à ce sujet, il faudrait en réalité que vous parliez à quelqu'un comme Jack Matthews.

Le sénateur Bryden: Je ne sais pas s'il est dans la pile de documents que vous avez, mais l'un des documents qui m'ont été remis contenait une note.

Paxport avait une équipe de négociations dont vous faisiez partie.

M. Hession: C'est exact.

Le sénateur Bryden: Et pendant combien de temps avez-vous continué de faire partie de cette équipe de négociations?

Pour cette équipe de négociations, ne l'oublions pas, nous faisons référence à la période postérieure à la décision.

M. Hession: Oui. En effet, jusqu'au 7 mai 1993 inclus, la date à laquelle Louise et moi sommes partis en croisière.

Jusqu'à ce moment-là, pour que vous compreniez la situation, sénateur, en ce qui concerne l'intensité de ma collaboration, j'étais chargé de la réaction de Paxport, à cette époque, celle de Mergeco, à la question du transfert de personnel et à celle des retombées économiques, surtout ces deux-là, et cela me prenait le plus clair de mon temps.

Le sénateur Bryden: Juste un détail, et vous y avez peut-être déjà répondu, mais il faut que j'en parle, parce que je l'ai dans mes notes. La discipline.

Jusqu'à décembre 1992, la lecture de vos documents montre qu'ils couvrent assez clairement les événements. Mais de décembre 1992 à mars 1993, et vous avez continué à un titre ou à un autre en 1993, il n'y a rien.

M. Hession: Rien?

Le sénateur Bryden: Il n'y a aucun document couvrant cette période...

M. Hession: Sénateur, il y a des documents couvrant la moitié de cette période. Ils sont issus, en quelque sorte, des négociations elles-mêmes, il ne s'agissait pas vraiment de négociations, mais plutôt de discussions informelles en prévision des négociations et j'y participais en ce qui concerne le transfert du personnel, une question très délicate, et les retombées économiques. Nous avons produit beaucoup de documents. Je pense qu'ils sont probablement disponibles. Je suppose que oui.

Le sénateur Bryden: Mais pas par votre intermédiaire.

M. Hession: Non, certainement pas. Ces documents sont entre les mains de Transports Canada, sans doute quelque peu expurgés, je n'en sais rien.

Le sénateur Bryden: Monsieur Hession, pendant tout le temps où vous avez été engagé par Paxport pour faire du lobbying pour ce projet...

M. Hession: Excusez-moi, sénateur, en ce qui concerne Paxport, je ne suis pas lobbyiste, je dirigeais la société.

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Le sénateur Bryden: Je ne vous ai pas qualifié de lobbyiste.

M. Hession: Vous venez de le faire.

Le sénateur Bryden: Non. J'ai dit: "Pendant tout le temps où vous avez été engagé par Paxport pour faire du lobbying pour ce projet"; c'est ce qui a été dit devant le comité des transports; vous avez été engagé pour faire cela et voilà comment je vais... je vais faire du lobbying auprès de ce ministère, de ce ministre, du premier ministre. Vous alliez faire du lobbying auprès de tout le monde. Donc, j'utilise vos propres termes. Je n'implique nullement que vous étiez alors un lobbyiste, vous faisiez du lobbying. C'est ce que vous avez dit.

M. Hession: En toute déférence, sénateur, laissez-moi faire le point là-dessus. Je n'étais pas lobbyiste, vous en convenez avec moi. J'étais président de la société. Je la dirigeais. À un moment donné, nous avons eu jusqu'à 60 personnes que je dirigeais en préparation de la proposition. J'étais un cadre salarié de la société.

Le sénateur Bryden: D'accord. Quoi qu'il en soit, quelles qu'aient été vos fonctions, avez-vous, pendant cette période, tenu un ou des agendas et des carnets de rendez-vous? Si oui, êtes-vous prêt à fournir au comité des exemplaires de ces agendas et de ces carnets... laissez-moi finir. Vous pourriez en vérifier le contenu en toute confidentialité avec le conseiller juridique du comité afin d'en retirer toutes les références personnelles ou non reliées à cette question.

M. Hession: Oui, et je les ai ici. Juste ici, de 1989 à 1993. Je serais heureux de le faire, monsieur le président.

Le sénateur Bryden: Ils seront donc remis au greffier ou au conseiller juridique? Merci.

D'accord, nous allons passer (nous progressons très bien) au document "Q" qui porte le numéro 891, du 24 décembre 1992.

M. Hession: C'est le document... pouvez-vous le répéter?

Le sénateur Bryden: Le document "Q", comme dans quail, Dan ou le nom anglais de l'oiseau, peu importe. En date du 24 décembre 1992 et adressé à l'honorable Jean Corbeil. Pouvez-vous me dire (il en est question ici, ce qui a été discuté à) au sujet des possibilités de financement?

M. Hession: Pouvez-vous être plus précis, sénateur, quant aux mots auxquels vous faites référence?

Le sénateur Bryden: Je vais juste vous le lire.

Jack Matthews et moi-même vous sommes reconnaissants d'avoir pu vous rencontrer le 21 décembre 1992. Nous voulons une fois de plus vous remercier d'avoir décidé [...]

Et ainsi de suite. Je vous poserai plus directement ma question. Vous souvenez-vous s'il a été question avec M. Corbeil de la possibilité de financer votre proposition lors de cette réunion?

M. Hession: Non. Je pense que la discussion portait surtout sur notre souci d'avoir un plan définitif sur lequel puissent s'entendre à ce moment-là toutes les parties aux négociations ou aux discussions, un plan incluant des rapports d'étape périodiques, ce qui est une procédure normale quand quelqu'un essaie de gérer en fonction de certaines dates repères, par exemple; nous souhaitions également qu'il y ait des modalités de rapport qui soient connues de nous et du gouvernement, y compris le ministre, pour que nous puissions tous travailler diligemment dans le cadre de ce plan.

Dans mon souvenir, c'était le point central de la discussion.

M. Nelligan: C'était le document 891.

Le sénateur Tkachuk: Président, cette lettre est le seul document dont il n'a pas été fait lecture aux fins du procès-verbal.

Le sénateur Bryden: Je ne m'oppose pas à sa lecture. Lisez-la.

Le sénateur Tkachuk: Je veux simplement savoir... la lettre explique le sujet de la réunion, je crois.

M. Hession: Je crois que oui, avec les indications supplémentaires que j'ai données. Dois-je...

Le sénateur Bryden: Lisez-la.

M. Hession: Monsieur le président, me demandez-vous d'en faire lecture aux fins... très bien.

Monsieur le ministre,

Jack Matthews et moi-même vous sommes reconnaissants d'avoir pu vous rencontrer le 21 décembre 1992. Nous voulons vous remercier à nouveau d'avoir décidé de nous sélectionner comme étant le soumissionnaire globalement le plus acceptable pour aménager et gérer les aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international Pearson.

À la suite de votre annonce du 7 décembre 1992 et des commentaires dont vous nous avez fait part au début de la semaine, nous sommes fortement impressionnés par l'importance de la création d'emploi et des autres retombées économiques que votre gouvernement cherche à obtenir grâce à ce projet à partir du printemps 1993.

Nous voulons vous assurer de notre engagement total et sans réserve à cette fin. Nous sommes convaincus que le résultat que nous cherchons tous deux à atteindre à cet égard aura les meilleures chances de l'être lorsque Transports Canada et Paxport s'entendront mutuellement sur un plan et un échéancier appropriés incluant des dates repères permettant de présenter périodiquement des rapports d'étape à vous-même et à vos collègues. Nous nous efforçons de parvenir à une telle entente mutuelle comme le montre la correspondance ci-jointe.

On a ensuite simplement des souhaits de Bonne Année.

Le sénateur Bryden: Merci. Je voulais seulement vous demander s'il avait été question des possibilités de financement, et vous y avez déjà répondu.

Le document suivant ne respecte pas l'ordre, et je vous présente mes excuses, mais je l'ai seulement trouvé ce matin. Je comprends mal votre rôle et les changements correspondants. Le document "R" porte le numéro 872, il est intitulé "Announcement" et on voit en bas de page une note indiquant: "Tout ce qui est annoncé ci-dessus entrera en vigueur le 1er septembre 1992."

Pouvez-vous lire ce document, s'il vous plaît?

M. Hession: Cette annonce, oui.

Le sénateur Bryden: Et nous dire ensuite, parce que je ne comprends pas comment cela concorde avec ce qui s'est passé en décembre; cela me pose un problème.

M. Hession: Ce qui s'est passé en décembre, c'est-à-dire...?

Le sénateur Bryden: Si nous lisons le document, nous pourrons en discuter ensuite.

M. Hession: Très bien. C'est une annonce provenant de Matthews Group dont le texte est le suivant:

Il y a trois ans, Matthews Group Limited a mis sur pied Paxport afin de regrouper toutes les compétences requises en ce qui concerne la conception, l'aménagement et la gestion d'aéroports. Cela a été fait. La société Paxport est maintenant considérée comme une organisation de classe internationale capable de faire face partout à ses concurrents.

Matthews Group Limited souhaite l'expansion et la croissance de Paxport. En tant que directeur général de Paxport, Jack Matthews consacrera ses efforts à cette fin.

Dans ce but, Donald J. Matthews deviendra président

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Tout ce qui est annoncé ci-dessus entrera en vigueur le 1er septembre 1992.

Le sénateur Bryden: Je veux simplement, pour que les choses soient claires, d'après le contenu de cet aide-mémoire et ce qui a été dit lors des réunions du comité des transports, vous n'avez jamais été directeur général de Paxport, n'est-ce pas?

M. Hession: C'est exact.

Le sénateur Bryden: Donc, en décembre, ce qui s'est passé, c'est que le directeur général de Paxport a également été nommé président, n'est-ce pas? Vous avez été démis de la présidence?

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Vous n'avez pas été démis?

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Quand avez-vous cessé d'être président?

M. Hession: Non, je n'ai pas cessé d'être président. Je suis resté président, la signification de ce titre étant un autre problème. Je suis resté président jusqu'à ce que je quitte la société.

Le sénateur Bryden: Vous n'êtes donc pas simplement devenu conseiller. Vous êtes resté...

M. Hession: Oh non, je suis resté conseiller. C'était mon mandat, absolument.

Le sénateur Bryden: Mais votre carte d'affaires vous présentait comme "président"?

M. Hession: Je crois que oui.

Le sénateur Bryden: Et l'en-tête de votre papier à lettre?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: J'ai déjà entendu parler de sociétés fantômes, mais jamais d'un président fantôme.

M. Hession: Bon, voyons cela plus en détail.

Vous interprétez cela de façon erronée. Je vais vous expliquer. Je vous ai dit qu'après l'annonce, le 7 décembre, mon rôle a changé, ce qui est vrai. Il est devenu essentiellement celui d'un conseiller. C'est un terme générique. Mon titre n'a pas changé. C'est mon rôle qui a changé.

Il y avait un directeur général. Il a été chargé de négocier un contrat avec le gouvernement du Canada.

Entre-temps, en tant que président de la société (et d'ailleurs, il y a une autre chose qu'il faut signaler ici et que j'aborderai dans un instant) j'ai assumé la responsabilité du plan de transfert essentiel à l'intégration des employés de Transports Canada dans la société et du plan de retombées économiques et j'ai mené ces deux négociations au mieux de mes capacités en tant que président.

Entre-temps, le 1er janvier 1993, je suis devenu président directeur général de Paxport International, conformément au contrat dont vous avez lu des extraits tout à l'heure.

À ce moment-là, ayant amené le projet Pearson de Paxport à maturité, j'ai eu pour tâche de porter mon attention (une fois terminées les tâches que j'exécutais) sur le marché international.

Hier, vous vous en souvenez, j'ai signalé que pendant toute la période allant de 1990 à 1993, j'ai passé une grande partie de mon temps à promouvoir les éventuels projets internationaux.

Voici quelques explications supplémentaires. Nous avions en fait réglé une affaire à Punta del Este, en Uruguay. Nous étions sur le point de conclure une entente, elle était virtuellement réalisée, à Prague, mais il y a eu les interruptions ultérieures. J'avais des affaires en cours à Austin au Texas, à Détroit et dans de nombreux endroits du monde, notamment lorsque, à la demande des Affaires extérieures, qu'on appelle maintenant les Affaires étrangères, j'ai conduit une mission commerciale canadienne importante dans tout le sud-est asiatique.

Je suis heureux de signaler que, aujourd'hui encore, un projet que nous avons identifié en Indonésie à l'époque sera peut-être finalement un succès pour le Canada.

Après cela, nous nous sommes rendus en Malaisie, puis en Thaïlande, et cetera. Nous avons fait énormément de travail. Et donc, naturellement, je suis devenu président-directeur général de la société internationale.

Voilà donc tout ce qui s'est passé après le 7 décembre.

Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, pour que les choses soient claires, n'êtes-vous pas président de Paxport Management Inc.? C'est ce que dit votre en-tête.

M. Hession: Eh bien, oui.

Le sénateur Jessiman: Et ce n'est pas la même société que Matthews Group Limited, n'est-ce pas?

M. Hession: Non, c'est différent.

Le sénateur Jessiman: Donc Don Matthews, président du conseil et président, ne prend pas votre place à Paxport?

M. Hession: Non. Il était président du conseil et président de Matthews Group. En fait, il remplaçait Jack Matthews, qui quittait Matthews Group pour travailler pour Paxport.

Le sénateur Bryden: Je suis très content que vous ayez éclairci cela, parce que j'avais l'impression erronée que quand votre rôle a changé, votre poste ou votre titre officiel avait également changé.

M. Hession: Non, et si je ne l'avais pas dit clairement, j'espère que c'est clair maintenant.

Le sénateur Bryden: Paxport International était-elle une société distincte?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Et vous... à quel moment en êtes-vous devenu le président et le directeur général?

M. Hession: J'étais président du conseil.

Le sénateur Bryden: Excusez-moi, président du conseil et?

M. Hession: Directeur général. C'était le 1er janvier 1993.

Le sénateur Bryden: Est-ce après ou avant cette date que vous avez sillonné le monde?

M. Hession: Avant et après. Je veux dire que j'étais très occupé; pendant le très long intervalle, que la plupart des sénateurs ont certainement remarqué, entre la proposition non sollicitée de 1989 et l'appel de propositions et la décision correspondante en 1993, nous étions très occupés à édifier, croyions-nous, un système d'aménagement aéroportuaire offrant au Canada des garanties absolues de réussite sur le plan international.

C'est également pour cette raison que j'ai eu à faire face à plusieurs reprises aux concurrents étrangers actifs dans les marchés internationaux qui nous intéressaient. Ils cherchaient également, comme des témoins l'ont déjà dit, vous vous en souvenez, à participer à l'aménagement de Pearson. Il me paraissait donc important que

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Et je pensais, comme je le pense encore aujourd'hui, que c'était bénéfique pour l'avenir économique à long terme du Canada.

Le sénateur Bryden: Pour gagner du temps je vais sauter le document suivant, même si, parce que... enfin, c'est un peu compliqué. Vous en avez sans doute connaissance, mais il est un peu difficile d'en faire la preuve.

Je passerai donc au document "T", qui vient du ministère des Transports. Il porte un numéro que je ne peux pas lire. Les derniers chiffres sont trois-six-six.

M. Nelligan: Sa date?

Le sénateur Bryden: Ce sont des notes d'une réunion du 15 décembre 1992, de 14 h 30 à 19 h.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Vous l'avez?

M. Hession: Je l'ai sous les yeux, oui.

Le sénateur Bryden: De toute façon, la seule chose qui m'intéressait est la date de la réunion, le 15 décembre, et la déclaration qui y figure, cette réunion avait lieu avec vous ou votre groupe puisque, à la page 2, au paragraphe... enfin, on indique que MM. Hession et Matthews ont signalé que... et il y a tout un... un, deux, trois.

La seule chose qui m'intéresse est dans le quatrième paragraphe; ils, c'est-à-dire M. Matthews et vous, restent convaincus que le projet de réaménagement pouvait être financé le 15 décembre.

M. Hession: Oui. sénateur, si vous me le permettez, et je ne mesure pas toute l'importance de votre question, mais c'est là un autre exemple, cette réunion du 15 décembre à laquelle Jack Matthews et moi étions présents.

C'était la première fois que nous rencontrions les fonctionnaires après l'annonce du 7. J'ajouterai que huit jours plus tard, c'était quelque chose que le ministre jugeait urgent. Huit jours plus tard, nous nous sommes enfin rencontrés. C'est au cours de cette réunion que, comme je l'ai dit hier, lorsque j'ai demandé: "De quoi avez-vous besoin ou que voulez-vous pour prouver que nous pouvons le financer?", on m'a répondu sans ambages: "Nous n'allons pas vous le dire", ce qui m'a paru constituer une réponse plutôt étrange. Je crois que M. Matthews a eu la même impression.

C'est près de huit semaines plus tard que le conseiller financier a finalement été nommé, a été mis au courant de ce dossier complexe et a commencé à faire part de ce que devraient être, à son avis, les règles du jeu.

Je veux également souligner, relativement au commentaire que j'ai adressé tout à l'heure au président et au comité, que nous retrouvons à nouveau ici un paragraphe expurgé dans ce qui me paraît être (ce qui devrait être, je pense) une communication tout à fait transparente. Qu'avait donc remarqué M. Barbeau, antérieurement à notre réunion du 15 décembre? Pourquoi est-ce expurgé?

Il n'y a aucun document parmi tous ceux de ma société qui sont ici qui ait été le moins du monde expurgé. Qu'est-ce qu'on a retiré ici et pourquoi? J'aimerais vraiment le savoir. Qu'a-t-il dit? Que diable essaie-t-il de cacher?

Le sénateur Bryden: Je pense que vous l'avez déjà expliqué et que le conseiller juridique fera de son mieux pour que cela se fasse moins.

Je veux uniquement établir que le 15 décembre, M. Matthews et vous-même étiez d'avis que votre proposition pouvait être financée, n'est-ce pas?

M. Hession: Oui. C'est exact.

Le sénateur Bryden: Moins d'un mois plus tard, un accord est intervenu entre... pour former quelque chose qui est devenu finalement, à un moment donné, Mergeco.

M. Hession: Exact.

Le sénateur Bryden: Veuillez passer maintenant au document "U", qui est la dernière entente entre les propriétaires et exploitants de l'aérogare 3...

M. Hession: Quelle date?

Le sénateur Bryden: Le 14 janvier 1993. C'est l'en-tête de T3LPCO Investment Inc. à Montréal et le document est adressé à Paxport Inc., à l'attention de Jack Matthews.

Croyez-moi, je ne vais pas vous demander de le lire.

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Mais vous pourriez peut-être simplement m'indiquer qu'il s'agit d'une lettre d'entente entre les deux promoteurs concurrents au sujet de la demande de proposition, en vue de leur collaboration.

M. Hession: On dit, je crois, que c'est une entente exécutoire.

Le sénateur Bryden: D'accord, mais à part l'omission du mot exécutoire, est-ce exact?

M. Hession: Je crois que oui.

Le sénateur Bryden: Cela s'est donc produit dans le mois suivant le moment où vous pensiez pouvoir financer l'entreprise.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Qu'est-il arrivé à la capacité de Paxport d'assurer ce financement?

M. Hession: Eh bien, il n'y a pas nécessairement de rapport entre les deux. Je vous mettrai en garde contre l'établissement d'un tel rapport. Je crois l'avoir expliqué, sinon, je vais essayer de le faire aussi brièvement que possible. Pendant toute la période précédant l'appel de propositions, il y avait deux écoles de pensée au sujet de Pearson, aussi bien à l'aéroport qu'au siège du ministère: pour certains, il était souhaitable qu'un seul exploitant gère les trois aérogares; pour d'autres, il était souhaitable d'avoir deux exploitants concurrents. Les arguments correspondants étaient défendus vigoureusement par les différents camps, en quelque sorte.

Le sénateur Bryden: Et vous étiez dans le deuxième?

M. Hession: J'étais tout à fait dans le deuxième camp, pour des raisons évidentes. Pour moi, c'était le seul scénario réaliste. Et d'ailleurs, de mon point de vue, il a été défendu avec une honnêteté intellectuelle totale, tout comme à mon avis, l'a été l'autre option.

Mais, en fin de compte, quelqu'un doit décider quoi faire. Et je crois, je crois très fermement que ce ne sont pas les capacités financières de Paxport qui ont fait pencher la balance. C'est l'idée de profiter des synergies offertes par l'exploitation et la gestion unifiées des trois aérogares. Je peux en effet vous dire, sénateur, carrément, que c'est la seule raison des discussions avec Claridge. Au moment où elles ont commencé, personne n'avait derrière la tête la question des capacités de financement.

Le sénateur Bryden: Qui a fait les premiers pas; est-ce Paxport ou Claridge?

M. Hession: Non. Ni l'un ni l'autre. Un cadre supérieur de Transports Canada m'a contacté et m'a suggéré d'examiner les synergies possibles avec les propriétaires de l'aérogare 3. En effet, indépendamment du fait qu'il s'agissait de deux concurrents, il n'y avait alors plus de concurrence entre eux. Cela ne changeait rien au fait qu'il existait concrètement sur le terrain une aérogare appelée aérogare 3. Et il fallait rationaliser la situation des deux parties si l'on voulait que les choses fonctionnent efficacement du point de vue de ceux qui pensaient que les trois aérogares devaient être gérées conjointement. Voilà la raison.

Le sénateur Bryden: Hier soir, en fait, hier soir...

Le sénateur Tkachuk: Qui était le cadre supérieur que vous avez mentionné?

M. Hession: Il me faut à nouveau implorer l'indulgence du président et demander peut-être l'avis du conseiller

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On m'a dit que c'était une simple conversation, une de celles qui n'ont jamais eu lieu. Alors j'ai dit que je ne divulguerais rien.

Le sénateur Bryden: S'il s'agissait d'un rapport écrit, est-ce que cela aurait été expurgé?

M. Hession: Il faudrait le demander aux gens qui font ça. Je veux dire que moi, je n'expurge rien.

Le sénateur Bryden: Non, vous ne divulguez simplement pas certains renseignements parce que vous vous êtes personnellement engagé...

M. Hession: J'ai pris cet engagement. Je me suis engagé sur l'honneur à ne pas le faire.

Le sénateur Bryden: Absolument, et ces gens se sont engagés sur l'honneur à faire de leur mieux pour respecter le serment qu'ils ont prêté et ne pas divulguer de renseignements connus seulement de leurs ministres et d'eux-mêmes, et cetera.

M. Hession: Sénateur, si vous me le permettez...

Le sénateur Bryden: Je veux simplement dire que vous avez fait toute une histoire ce matin à propos de... il y a un paragraphe expurgé dans ce document.

M. Hession: Oui, c'est exact.

Le sénateur Bryden: Maintenant, vous adoptez en fait le même point de vue en disant: "Je préférerais ne pas répondre à cette question, car je me suis engagé personnellement à ne pas divulguer le nom de cette personne", et je respecte cela.

M. Hession: Et moi, avec tout le respect qui vous est dû, sénateur, j'établis une distinction fondamentale entre les deux cas. Je veux dire que, pour moi... je fais peut-être erreur, mais pour moi, il y a en ce moment des gens sous contrat qui ne sont pas des employés du gouvernement, des avocats et des juricomptables qui expurgent ces documents. Je ne sais tout simplement pas quoi en penser. Vous avez parlé d'un serment. Que je sache, ils ne sont pas assermentés. Que je sache, ils n'ont pas juré de dire la vérité et toute la vérité. Tout ce que je sais, c'est qu'ils s'activent à expurger des documents.

Vous me dites maintenant que c'est en vertu de l'accès à l'information. Je n'en suis pas sûr. Je trouve très inquiétant que, alors que les rapports que j'ai établis au sujet de certaines réunions et auxquels vous avez fait référence ne sont pas expurgés, les documents gouvernementaux correspondants sont par contre expurgés pour je ne sais quelle raison.

Le sénateur Bryden: Bien, je ne veux pas m'acharner sur ce détail. Vous avez cependant dit à plusieurs reprises qu'à votre connaissance, toutes ces choses avaient lieu. Pourriez-vous dire au comité sur quoi vous vous basez pour dire cela, sur quels renseignements, sur qui, sur quels documents? Je vous en prie.

Qu'est-ce qui vous fait penser que tous ces gens-là font ça?

M. Hession: Eh bien, on me l'a dit.

Le sénateur Bryden: Qui.

M. Hession: Pour être précis, M. Broadbent.

Le sénateur Bryden: M. Broadbent?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: M. Broadbent sera ici cet après-midi.

M. Hession: Oui, en effet.

Le sénateur Bryden: Quelqu'un d'autre?

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Vos propos sont donc basés sur ce que vous a dit M. Broadbent, et nous pourrons lui parler cet après-midi. Bien, pour revenir...

Le sénateur Jessiman: C'est assez important. Pouvons-nous vous demander, sans que vous nous disiez son nom pour le moment, si ce cadre supérieur travaille encore à Transports Canada?

M. Hession: Une fois de plus, monsieur le président, je vous demanderai conseil. Je ne voudrais pas commencer à indiquer si cette personne travaille ou non quelque part. Cela peut amener à divulguer de qui il s'agit, alors que j'ai déjà indiqué que je suis tenu par l'engagement que j'ai pris de ne pas divulguer son nom. Croyez-moi, ce n'est rien d'autre que ça. Si je n'avais pas pris cet engagement, je divulguerais immédiatement ce nom.

Le sénateur Bryden: Monsieur Hession... avez-vous terminé, sénateur?

Le sénateur Jessiman: Pas tout à fait. Si c'est très important, et si l'autre partie semble penser que c'est si important...

Le sénateur Bryden: Non, la divulgation de son nom n'est pas si importante. Non.

Le sénateur Jessiman: Donc, vous ne craignez pas...

Le sénateur Tkachuk: C'est moi qui ai posé la question. Je ne me soucie pas trop des sources. Enfin, on se sert de Stevie Cameron ici. En ce qui concerne les gens qui expurgent des documents, je suis sûr que nos sources sont aussi bonnes que celles que nous avons utilisées par le passé. Continuez votre interrogatoire. Il est intéressant.

Le sénateur Bryden: Oui, et si je peux...

Le sénateur Tkachuk: Je ne veux pas empiéter sur votre temps de parole, vous savez. J'en suis désolé.

Le sénateur Jessiman: Je pense que nous devrions réserver notre jugement sur le fait de savoir si le comité souhaite ou non se prévaloir de son pouvoir éventuel d'obtenir la divulgation de ce nom, mais pour le moment, je ne...

Le sénateur Bryden: Je n'insiste certainement pas pour cela. Je veux que cela soit très clair. Je respecte un homme qui a donné sa parole, ou une femme.

Le président: Monsieur Hession, pour ce qui est de votre engagement personnel, pensez-vous que le fait de répondre à cette question porterait préjudice à l'autre personne, indépendamment de l'engagement que vous avez pris personnellement?

M. Hession: Je crois que oui, monsieur le président, mais là encore, il faudrait que je demande conseil à ce sujet. Mais, en tant que profane, je pense que oui.

Le président: Je vois.

Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, peut-être pourrait-il demander à cette personne si elle aurait maintenant une objection à ce qu'il divulgue son nom.

Le sénateur Bryden: Peut importe de qui il s'agit; pour essayer de revenir à la question à laquelle vous avez répondu, vous avez été informé ou les parties (vous n'avez été informé ni par l'une ni par l'autre) ni par Paxport, ni par Claridge, mais c'est quelqu'un du gouvernement qui a dit que les parties devraient se rencontrer?

M. Hession: J'ai dit que c'était un cadre supérieur de Transports Canada.

Le sénateur Bryden: Et approximativement, quand cela s'est-il passé?

M. Hession: Oh, dans les deux ou trois jours suivant la publication de la décision.

Je crois que c'était pendant

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Le sénateur Bryden: C'est intéressant, et je crois que vous étiez dans la salle à la fin de la déposition de Mme Labelle hier soir.

En effet, hier soir, Mme Labelle a dit que, aux alentours de Noël, le greffier du Conseil privé (et je crois que, à l'époque, c'était M. Shortliffe) lui a téléphoné pour lui dire que ces deux sociétés allaient vraisemblablement s'associer, c'est-à-dire Paxport et Claridge. C'est ce qu'elle a dit hier soir. D'accord.

M. Hession: À quel moment avez-vous dit que c'était, sénateur?

Le sénateur Bryden: Elle n'a pas donné de date. C'était hier soir et nous allons regarder la transcription. Elle a dit que c'était aux alentours de Noël.

Le sénateur LeBreton: De quelle page de la transcription parlez-vous?

Le sénateur Bryden: Je n'ai pas... excusez-moi. Je l'ai simplement noté quand elle l'a dit. Ce n'est peut-être pas parfaitement exact, mais je suis sûr que c'est bien la teneur de ses propos.

J'ai maintenant presque terminé. Puis-je vous demander si vous avez participé aux discussions... vous avez peut-être déjà répondu à cela... concernant l'association entre les deux?

M. Hession: Tout à fait par la bande. Je me souviens que l'on m'a demandé conseil à ce sujet au tout début de janvier pour savoir si je pensais, en principe, qu'une telle fusion devrait se faire et, de façon générale, dans quelles conditions.

Le sénateur Bryden: Étiez-vous au courant du fait que la lettre d'entente entre, pour être bref, Paxport et Claridge était tenue rigoureusement secrète par les deux parties, le ministère des Transports étant, je crois, le seul à être aussi au courant? Ou je ne sais qui travaillant pour le ministère. Étiez-vous l'un des initiés ou étiez-vous déjà hors de ce cercle?

M. Hession: Eh bien, je ne suis pas sûr de comprendre entièrement votre question.

Le sénateur Bryden: Puis-je simplement...

M. Hession: Vous dites qu'il y avait un petit groupe de gens qui étaient au courant de cette fusion, c'est bien ça?

Le sénateur Bryden: Non, ce que je veux dire et j'ai des preuves à l'appui... les documents le prouvent...

M. Hession: Oui, j'en suis sûr.

Le sénateur Bryden: ...ils prouvent que, lorsque cette entente a été conclue, l'une des clauses qu'elle contenait ou qui l'accompagnait était que l'existence de cette lettre d'entente serait tenue strictement secrète par Paxport, Claridge et Transports Canada.

Ma question est donc la suivante: si ces gens vous avaient mis au courant de cette entente (peut-être l'ont-ils fait) et s'ils avaient discuté avec vous de sa teneur et de ce qui en résultait, auraient-ils manqué à leur engagement de confidentialité?

M. Hession: De quelle confidentialité parlez-vous?

Le sénateur Bryden: La confidentialité... s'ils m'en avaient parlé, ç'aurait été un manquement à l'engagement de confidentialité.

M. Hession: Tel que stipulé dans l'entente, c'est ce que vous voulez dire?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Hession: Cette confidentialité?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Hession: Oui.

Le sénateur Bryden: Cela aurait-il constitué un manquement à leur engagement de garder cette entente secrète entre les trois parties s'ils en avaient parlé avec vous et vous avaient impliqué dans toutes les discussions à son sujet?

M. Hession: S'ils m'avaient impliqué personnellement?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Hession: Je ne sais pas. Pour vous répondre en toute franchise, il faudrait que j'examine les clauses de cette entente. J'ai un souvenir général et vague de ce dont vous parlez, mais il faudrait que je l'examine.

Le sénateur Bryden: Je dois devenir vieux. Je ne me fais pas comprendre. Vu le secret convenu entre le ministère et les deux parties, personne ne pouvait en parler avec une partie autre que les dirigeants, disons, des sociétés impliquées, et sans doute les cadres supérieurs du ministère, ceux de niveau très élevé. Je vous demande donc si vous avez été inclus dans ce groupe?

M. Hession: Je pense que cette question... on devrait trouver sa réponse dans les précisions données dans l'entente au sujet des personnes autorisées à en prendre connaissance. Mais je dois dire, sans aucune mauvaise volonté de ma part, sénateur, que je ne sais pas très bien à quoi vous voulez en venir. J'étais, entre autres choses, un des administrateurs de la société. Dans la mesure où les ententes étaient approuvées par le conseil d'administration, je devais participer à cette approbation en tant qu'administrateur de la société.

Le sénateur Bryden: Et cette entente conclue le 4 janvier avait fait l'objet de discussions, tout au moins selon Mme Labelle, depuis les alentours de Noël et depuis probablement plus longtemps, selon vous. Avez-vous participé aux discussions qui ont précédé l'établissement de cette lettre d'entente?

M. Hession: Seulement, là encore, dans la mesure où, quand on me l'a demandé, j'ai donné mon avis au sein de Paxport.

Le sénateur Bryden: Vous n'êtes peut-être pas au courant, et dans ce cas, je sais que vous le direz. Il faut que je situe un peu ma question afin qu'elle n'ait pas l'air aussi abusive ou aussi absurde qu'on pourrait le croire.

Les deux parties s'étaient fait concurrence pour une demande de propositions. C'est vous qui avez gagné et, à ma connaissance, la proposition de Claridge est restée offerte et en vigueur pendant très longtemps.

Seulement quelques jours, comme vous l'avez dit, après l'octroi du contrat à Paxport, des négociations étaient déjà en cours avec quelqu'un pour réunir les deux parties.

Ma question est la suivante: s'agissait-il d'un accord secret entre Claridge et Paxport ou entre les dirigeants de Paxport et ceux de Claridge, existant depuis le début? Il aurait fallu... bon, répondez à cette question si vous le savez.

M. Hession: Là encore, tout ce que je sais (et cela se rapporte à la journée ou aux quelques jours suivant l'annonce), c'est qu'un cadre supérieur de Transports Canada a suggéré d'entamer des discussions avec les propriétaires de l'aérogare 3 pour voir s'il y aurait des synergies pouvant profiter aux parties, et évidemment à l'aéroport dans son ensemble. Voilà. C'est tout ce que je sais.

Le président: Monsieur Hession, quelqu'un vous a mis dans le secret et vous vous êtes engagé à ne pas révéler cette nouvelle d'un mariage imminent...

M. Hession: Excusez-moi, monsieur le président, ce que je me suis engagé à ne pas divulguer était la conversation, en d'autres termes, le nom de la personne avec qui j'ai eu cette conversation.

Le président: Oui.

M. Hession: Vous pouvez savoir sur quoi portait cette conversation à partir de mes commentaires antérieurs.

Le président: Je vois. Et cet engagement était censé être éternel?

M. Hession: Je ne me suis pas lancé dans un long exposé des termes et conditions. J'ai dit que je ne divulguerais rien.

Le sénateur Bryden: Mais une personne raisonnable supposerait que, une fois le mariage consommé, il n'est plus nécessaire de garder le secret à moins que, quelques années

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M. Hession: Non. J'ai expliqué que j'allais vous consulter au sujet de la question d'un préjudice éventuel. En tant que profane, je crois que ce préjudice pourrait exister, et une telle perspective me gênerait quelque peu.

Le sénateur Bryden: C'est ma dernière question ou ma dernière petite série de questions, monsieur le président, et je vous suis réellement reconnaissant de me laisser terminer.

Il y a une question que je me pose quand on voit le résultat auquel on est arrivé, avec ces deux concurrents qui se rencontrent, négocient et finissent par conclure une entente correspondant à ce qui s'appelait Mergeco à un moment donné et a ensuite changé de nom. Si on examine le résultat ou qu'on demande d'expliquer comment on en est arrivé là, il me semble que cela constitue un marché à fournisseur unique. Et la procédure utilisée, qui, je crois, dans un document d'un employé, M. Everson, auquel j'ai fait référence hier soir, est qualifié de "processus concurrentiel efficace", ce qui est cité dans le titre de votre document, n'était peut-être qu'un faux-semblant destiné à permettre à cela de se faire? Avez-vous une opinion à ce sujet?

M. Hession: Oh, j'ai une opinion très précise là-dessus.

Le sénateur Bryden: Je vous prie de...

M. Hession: C'est une des choses les plus illogiques que j'ai jamais entendue, et je ne veux nullement vous manquer de respect, président... ou, excusez-moi, sénateur, par l'entremise du président.

Les faits sont les suivants: il y a in situ, en activité, dans la vie réelle, une aérogare du nom d'aérogare 3. Et il est certain qu'il y a des gens, une énorme quantité de gens au ministère des Transports qui étaient d'avis que c'est avec un seul exploitant que l'on pouvait gérer et exploiter le plus efficacement un aéroport comportant trois aérogares. Et c'est, je crois, seulement cette recherche d'une synergie, et je peux seulement me baser sur les événements tels que je les comprends et que vous m'avez entendu les exposer, qui a été la motivation dans ce cas-ci.

D'ailleurs, si vous parlez de ces trois aérogares aux compagnies aériennes et autres gens directement concernés par cet aéroport, vous constaterez qu'ils sont aussi de cet avis. Ils n'aiment pas l'idée, les compagnies aériennes n'aiment certainement pas l'idée de diviser leurs activités entre plusieurs aérogares et, en fait, de devoir se demander dans quelle aérogare elles seront installées au cours des quelques années à venir. Elles veulent pouvoir compter sur un minimum de permanence, de prévisibilité et d'efficacité opérationnelle. Pour y arriver, c'est l'autre face de cet argument, il faut que les trois installations soient gérées par une seule société. Voilà la motivation.

Le sénateur Bryden: À votre avis.

M. Hession: À mon avis, mais c'est convaincant si l'on tient compte du fait que l'existence de l'aérogare 3 est une réalité incontournable. Et si vous étiez à la place de Transports Canada et que vous souhaitiez cette synergie et désiriez confier la gestion à une seule société, quel choix auriez-vous? La réponse est que vous n'avez pas le choix.

Le sénateur Bryden: Je vous dirai néanmoins la chose suivante: si vous voulez cette synergie et voulez également que, en fin de compte, Paxport y participe, la procédure suivie a atteint ce but.

M. Hession: Eh bien, oui, sénateur, elle a à l'évidence atteint ce but, si c'est celui que vous recherchiez.

Mais il faut préciser, et là encore, je dis cela en toute déférence. Il faut préciser ce que vous voulez dire par: "si vous voulez que Paxport y participe". J'ai consacré énormément de temps, en répondant à vos questions, à expliquer l'importance qu'attachait Paxport au fait de fournir des installations efficaces et modernes aux compagnies aériennes, à commencer par Air Canada, et nous avons fait un rudement bon boulot.

Ce qu'on voulait, c'est le plan d'aménagement présenté par Paxport. Il a été accueilli chaleureusement. Tous les gens qui étaient parties à cet appel d'offres lui ont rendu hommage. C'était une installation de première classe. C'est ce qu'ils voulaient.

Vous voulez maintenant dire (et je n'essaie pas de déformer vos propos et je respecte la différence entre nos points de vue), vous voulez dire qu'il y avait un autre élément qui entrait en jeu. Je ne le pense pas.

Je pense que cela tient à la synergie, du point de vue opérationnel, et, par ailleurs, à l'existence d'une aérogare qui était une installation remarquable. Combinons les deux. Obtenons le meilleur résultat pour les compagnies aériennes, les passagers, la population canadienne, les contribuables. Voilà ce que, je crois, l'équipe d'évaluation de l'été 1992 considérait comme la chose à faire.

Le sénateur Bryden: J'ai presque terminé. Étiez-vous actionnaire de Paxport?

M. Hession: Non.

Le sénateur Bryden: Vous n'auriez donc aucune raison de savoir si les principaux actionnaires de Paxport et les principaux actionnaires des exploitants de l'aérogare 3 discutaient ensemble pendant que vous faisiez assidûment votre travail et que je ne sais qui faisait assidûment le sien pour préparer la proposition de l'autre partie, afin de voir s'ils ne pourraient pas combiner quelque chose en fin de compte? Vous ne le savez pas?

M. Hession: Oh, je pense que si. Je pense que jusqu'au moment où la décision a été prise, j'étais la personne qui avait les liens les plus étroits avec le détail des activités quotidiennes de cette société. Je ne crois pas qu'il y ait le moindre doute. Et je peux vous dire que dans ma longue expérience, que vous connaissez en partie, j'ai été sous-ministre responsable des achats. J'ai vu des cas de concurrence à vous donner le vertige. J'ai été cadre chez IBM, où je faisais concurrence par tous les moyens à certaines des entreprises les plus intraitables que l'on puisse imaginer dans un secteur où l'on ne fait pas de cadeau.

Croyez-moi, sénateur, c'était une concurrence féroce. J'excluais absolument dans mon esprit toute éventualité de discussion quelconque entre les forces en présence. En tant qu'équipe, nous étions absolument décidés à gagner en jouant franc-jeu, parce que nous répondions aux exigences du document d'appel d'offres que l'on nous avait donné. C'est ce que nous avons fait.

Le sénateur Bryden: Et les autres soumissionnaires faisaient sans doute la même chose.

M. Hession: Il faudra que vous le leur demandiez.

Le sénateur Bryden: C'est tout, monsieur le président.

Monsieur Hession, je vous remercie pour votre franchise, votre clarté et votre patience.

Et je remercie certainement le président.

M. Hession: Monsieur le président, je voudrais à mon tour vous remercier, sénateur, en toute déférence, je le répète.

Le président: Avant l'intervention du sénateur Jessiman, le conseiller juridique va nous donner quelques éclaircissements.

M. Nelligan: Le sénateur et le témoin ont soulevé quelques points et j'ai pensé que nous pourrions en prendre formellement connaissance, au cas où quelqu'un d'autre veuille poser des questions.

En premier lieu, il y a la question de savoir si les directives que doivent respecter les anciens fonctionnaires publics s'appliquent à M. Pascoe. M. Pascoe était techniquement un titulaire d'une charge publique, mais il y a une exemption qui concerne seulement les membres du personnel exempt du ministère désigné par le ministre comme pouvant en bénéficier. Jusqu'à présent, personne n'a déclaré devant le comité si, en fait, le ministre a désigné M. Pascoe comme répondant à la définition de titulaire d'une charge publique.

La deuxième difficulté est que s'il est un titulaire d'une charge publique, je crois que le sénateur avait raison de dire qu'il tomberait apparemment sous le coup de l'article 59. Toutefois, l'article 61 va plus loin et stipule que l'autorité désignée peut réduire la période de restriction en matière d'emploi aux termes de l'article 60. Si bien que, avant tout, vous devriez chercher à savoir s'il a été désigné comme tombant sous le coup de ses dispositions et quelle période de restriction lui a été imposée.

Enfin, le problème vraiment sérieux que cela a toujours posé est que la sanction en cas d'infraction est, le cas échéant, le congédiement ou le licenciement.

Je ne pense donc pas que l'on pourrait porter beaucoup d'accusations, pour aussi justifiées qu'elles soient.

Le sénateur Bryden: Non. Je suis heureux que vous étudiez la question.

M. Nelligan: En deuxième lieu, il s'agit d'aider le témoin qui se plaignait qu'on ait supprimé certaines choses dans divers documents,

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Les parties supprimées sont censées l'être en vertu des dispositions de l'alinéa 69(1)g) de la Loi sur l'accès à l'information, relativement à l'alinéa a) du même article; on y identifie les "notes destinées à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil" comme des documents qui ne devraient normalement pas être divulgués en vertu de l'accès à l'information.

Je signalerai au témoin que s'il est dit dans la lettre d'accompagnement qu'elle fait suite à une réunion avec les promoteurs, il y est indiqué en bas de page qu'à la suite d'une discussion des résultats de ces réunions par (et il y a là les noms de code des personnes concernées), il a été convenu que...

On peut seulement supposer qu'il s'agissait d'une réunion d'employés faisant suite à la réunion avec les promoteurs au cours de laquelle ils avaient pris certaines décisions concernant les propositions ou les recommandations au Conseil privé de la Reine. C'est une hypothèse et, dans ce contexte, elle pourrait très bien être juste.

J'ai plus de problèmes avec le document 00366, notes d'une réunion du 15 décembre 1992, et je peux dire que j'ai déjà soulevé cette question auprès d'un représentant du ministère de la Justice. Celui-ci entend supprimer certains renseignements en vertu du même article général, l'alinéa invoqué dans ce cas-ci étant censé être celui qui concerne les "... documents d'information à l'usage des ministres sur des questions portées... devant le Conseil...".

Ce que je ne comprends pas à ce sujet, et je n'ai toujours pas reçu de réponse, c'est qu'il s'agit d'une déclaration apparemment faite par M. Barbeau au cours d'une réunion avec les promoteurs, si bien qu'elle serait du domaine public au moment où elle a été faite et ne devrait pas normalement être exclue. Je serais toutefois porté à penser que, puisqu'elle a été divulguée publiquement à ce moment-là, M. Hession ou M. Matthews s'en souviendraient si elle avait eu une quelconque importance. Si je reçois une autre réponse, j'en ferai part au comité.

J'ai simplement pensé que je devais présenter ces deux questions aux fins du procès-verbal avant qu'un autre sénateur commence son interrogatoire.

Le président: Sénateur Jessiman.

Le sénateur Jessiman: Merci, monsieur le président. Je n'ai que deux questions. M. Nixon reprochait notamment à la demande de propositions d'être trop générale. Je veux en lire seulement un passage. Il s'agit en réalité de 1.2, les objectifs, à la page 2 et on passe ensuite à la page 3, dont je vais vous lire le dernier paragraphe, qui se lit comme suit:

Le gouvernement laisse au promoteur une grande marge de manoeuvre pour proposer la formule, l'ampleur et le calendrier du réaménagement, de même que les stratégies de gestion et les politiques en matière de prix qui vont déterminer la viabilité opérationnelle et financière du projet. L'expérience, la créativité et l'initiative du promoteur déterminent dans quelle mesure il saura exploiter les occasions commerciales et de mise en valeur du projet.

M. Nixon a dit à ce sujet la chose suivante:

[...] la demande de propositions ne précisait pas beaucoup d'aspects fondamentaux de l'aménagement proposé et laissait plutôt à leurs auteurs le soin de définir eux-mêmes ces aspects. Ainsi, c'est eux qui devaient établir les projections touchant le trafic passagers à l'aéroport (données qui sont essentielles pour déterminer le rythme et l'ampleur du réaménagement).

Je voudrais donc que vous nous disiez si, oui ou non, vous... ce que vous avez pensé de ce que le gouvernement vous demandait. Était-ce raisonnable du point de vue des contribuables canadiens et des clients des compagnies aériennes?

M. Hession: Oui. Merci, sénateur. Je commencerai par une déclaration au sujet de cet appel de propositions comparativement au grand nombre de ceux auxquels j'ai participé soit par écrit, soit en y répondant.

Certains pourront penser que je cherche à défendre mes intérêts. En fait, pour un aménagement de cette nature et de cette ampleur, c'est le meilleur appel de propositions que j'ai vu parmi tous ceux auxquels j'ai répondu ou que j'ai rédigés pendant mes 30 années d'expérience.

Pourquoi? Il y a une époque (et c'était certainement le cas le plus fréquent pendant la guerre et l'après-guerre) où les fonctionnaires présentaient au marché un énoncé très dogmatique de leurs besoins, très dogmatique, à un point tel qu'il fallait absolument se plier à ce que demandaient les fonctionnaires. En outre, il était de règle de le faire au prix le plus bas et c'est cela qui était gage de réussite.

C'est maintenant de l'histoire ancienne. Vous constaterez que, au gouvernement du Canada, heureusement, la plupart des propositions sont très ouvertes. En fait, elles encouragent, elles cherchent, elles désirent que le secteur privé innove et, de la même façon, qu'il présente des idées censées être plus avancées que, traditionnellement, celles du fonctionnaire qui occupe (et je ne dis pas cela de façon péjorative) son poste depuis 20 ans et dont on ne peut attendre qu'il sache quelles technologies, quelles nouvelles méthodes et quelles pratiques de gestion sont maintenant en usage.

Nous cherchons donc maintenant à ce que ces appels de propositions favorisent en quelque sorte l'initiative.

Celui-ci présente très clairement l'énoncé des objectifs, les critères d'évaluation et les problèmes à résoudre. Il dit en fait: "Secteur privé, innovez! Montrez-nous ce que vous pouvez faire. Proposez-nous ce que vous avez de mieux." Et c'est exactement ce qu'il fallait, dans l'intérêt des contribuables canadiens et certainement dans l'intérêt des utilisateurs de cet aéroport.

C'est un appel de propositions de première classe et, à l'époque, je dois vous dire que j'ai tenu à féliciter les fonctionnaires. Ils avaient à mon avis fait un excellent travail en concevant cet appel et en gérant la procédure. C'est un avis réfléchi qui repose sur une longue expérience.

Le président: Monsieur Hession, vous avez accepté de mettre cet agenda à notre disposition sous...

M. Hession: En effet.

Le président: ...réserve que toutes les références qui ne concernent pas cette question puissent en être retirées. Pouvons-nous maintenant voir cet agenda?

M. Hession: Si vous me le permettez, j'ai entendu le conseiller juridique donner certaines précisions... je crois que c'est lui qui a expliqué ce qu'il cherchait à obtenir. J'aimerais savoir quelles étaient ces précisions.

Pour que les choses soient claires, monsieur le président, je serais porté à vous remettre tout simplement mon calendrier, mes agendas, tels qu'ils sont; mais je veux entendre à nouveau le conseiller juridique me dire à quelles précisions il pensait.

Le président: Sous réserve de votre droit de supprimer les renseignements personnels, et cetera.

M. Hession: Je ne suis pas porté à faire cela mais, si vous le permettez, j'aimerais en parler avec le conseiller juridique et, aussitôt après, je remettrai ces agendas au greffier. Cette procédure vous paraît-elle acceptable?

Le président: Oui. Très bien.

Le sénateur Jessiman: Monsieur Hession, la proposition de Paxport était censée rapporter au gouvernement, pendant les premières années, environ trois fois plus d'argent que la proposition de... et je ne vais pas utiliser le terme Claridge; il ne s'agit pas de Claridge, c'est une société en commandite, mais je vais faire référence à Claridge.

Alors, à la suite de la combinaison des deux propositions, que s'est-il passé? Les deux propositions ont-elles été combinées et le gouvernement n'a-t-il reçu que la somme que Claridge proposait de remettre au gouvernement?

M. Hession: Je comprends votre question, sénateur.

Le sénateur Jessiman: Ou s'est-on retrouvé plus près de ce que proposait Paxport?

M. Hession: La réponse comporte, je crois, deux aspects. S'il existait des différences telles que vous en avez fait état, et je suppose que vous répétez ce que des fonctionnaires vous disent, je n'ai, par exemple, jamais vu la proposition de Claridge. J'accepte donc que le chiffre ait été plus élevé. Ce chiffre plus élevé était conservé, si c'est là votre question.

Plus que cela, les fonctionnaires qui ont négocié... le dossier le montrera, et je vous encourage à demander aux négociateurs à quel point ils ont, à leur avis, réussi à améliorer encore les choses par rapport à ce qui figurait dans notre proposition. Voilà le résultat.

J'ai parlé de l'efficacité des évaluateurs et des administrateurs de la proposition. Les gens qui ont négocié au nom du gouvernement ont fait un travail exemplaire, et la population canadienne, après un examen des faits, se rendra compte qu'elle a été remarquablement bien servie par les négociateurs de Transports Canada.

Le sénateur Jessiman: C'est tout. Merci. Merci, monsieur Hession.

Le président: Sénateur

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Le sénateur LeBreton: Merci, monsieur le président.

Monsieur Hession, revenons à des questions fondamentales au sujet de l'aéroport Pearson. D'après les dépositions précédentes, l'aéroport Pearson reçoit actuellement environ 21 millions de passagers. Que pensez-vous de la façon dont Pearson traite aujourd'hui ses passagers pour ce qui est de leur sécurité, de leur confort et de leur agrément, vu ce que nous savons évidemment tous au sujet de l'aérogare 1? Mais de façon générale, quel est selon vous la situation aujourd'hui?

M. Hession: Pour que ma réponse soit claire, nous devrions revenir aux commentaires faits par d'autres témoins. J'ai remarqué en particulier les commentaires des gens de Toronto partisans d'une administration aéroportuaire locale qui ont dit que Pearson avait une capacité de 30 millions de passagers.

Cela donne apparemment à penser que, s'il y en a seulement 21 millions, tout est parfait.

En fait, dans un aéroport qui a trois aérogares séparées, on ne peut pas assurer une distribution optimale des passagers parce qu'il faut répartir les compagnies aériennes entre les trois bâtiments.

Donc, d'entrée de jeu, le chiffre n'est plus de 30 millions, il est inférieur, selon la façon dont on répartit les compagnies aériennes. C'est le premier point.

Il est plus important que les sénateurs comprennent bien que l'aéroport Pearson est le principal aéroport plaque-tournante du Canada. C'est également le principal point d'accès international et transfrontière du Canada. Il faut donc diviser l'aéroport en trois aérogares et ensuite le diviser en trois secteurs, un pour les vols nationaux, un pour les vols transfrontières et l'autre pour les vols internationaux.

Là encore, on diminue la valeur réelle de cette capacité de 30 millions de passagers.

Je suis arrivé, par exemple, il y a près de deux mois (c'était il y a trois mois) de Fort Lauderdale; j'arrive à Toronto et je passe une demi-heure dans l'aire de trafic à attendre qu'on nous attribue une porte.

Alors, si la capacité de l'aéroport est aussi grande, pourquoi dois-je attendre cette porte? La réponse est que je suis dans un vol transfrontière qui attend une porte transfrontière. Il ne peut se présenter ni à une porte pour vols nationaux, ni à une porte pour vols internationaux. Il doit se présenter à une porte pour vols transfrontières.

Cela vous montre que la gestion des ressources est un facteur clé du résultat. Le problème est d'obtenir le meilleur résultat possible. Dans ce contexte, le chiffre de 30 millions est fictif. Cela dépend beaucoup des trois aérogares et des trois secteurs.

J'ajouterai une chose qui est essentielle pour les sénateurs. Si vous observez une journée de la vie d'un aéroport, vous constaterez qu'il y a deux périodes de pointe très marquées. J'en ai une longue expérience, comme vous-mêmes aussi, certainement: le matin, quand on décolle vers une destination quelconque, il y a énormément d'activités dans l'aéroport. De même, le soir, tout le monde rentre ou vient prendre une correspondance vers une autre destination.

Ce que je viens de dire est considérablement plus marqué pendant ces périodes de pointe. Donc, quand on conçoit un aéroport, on cherche d'abord à obtenir les meilleures conditions possibles dans les différents secteurs, puis pour les heures de pointe dans ces secteurs, et ce n'est qu'à ce moment-là qu'on peut se prononcer sur la capacité totale de l'aéroport. C'est donc clair; il est naïf de parler d'une capacité de 30 millions si l'on n'a pas répondu à ces autres questions.

Je ne sais donc pas si j'ai répondu à votre question, sénateur, mais c'est une sorte de leçon rapide que, d'ailleurs, j'ai apprise ad nauseam ces dernières années en me familiarisant avec les critères présidant à la conception des aéroports.

Le sénateur LeBreton: En fait, vous venez de répondre en quelque sorte à ma question sur... j'allais vous demander votre réaction aux déclarations émanant des autorités aéroportuaires locales qui sont encore désorganisées.

M. Hession: Pour être franc, si vous me le permettez, monsieur le président, j'ai été très déçu par ce commentaire. Nous sommes en effet en 1995. Quelqu'un pourrait prendre une minute et aller parler à Air Canada qui, après tant d'années et tant d'implorations, a dit: "Allez-vous enfin nous aider à remédier aux problèmes de notre aérogare", cette compagnie a de grosses difficultés dans ses installations transfrontières.

J'ai été là, comme passager (vous en avez peut-être aussi fait l'expérience, sénateurs), attendant une porte pendant une demi-heure dans le secteur transfrontière. Je ne veux donc pas entendre parler de la capacité totale. Dites-moi comment je peux avoir accès aux installations transfrontières.

Il est d'ailleurs intéressant de noter où se situe la croissance de Pearson. C'est une question très importante. Pas dans le secteur national, dans le secteur transfrontière. Et cela est dû entièrement à la politique d'ouverture de l'espace aérien et à l'activité économique Nord-Sud. À l'heure actuelle, nous ralentissons cette progression en ne fournissant pas en temps voulu une capacité suffisante pour répondre à cette croissance. C'est d'ailleurs tout autant un problème, encore que peut-être moins grave, du côté international.

Le sénateur LeBreton: Je peux en témoigner, car j'ai eu l'occasion d'arriver à l'aérogare 1 en février (je crois l'avoir déjà signalé), où j'ai vraiment vu un morceau de béton tomber presque sur la tête de plusieurs personnes.

Si le projet d'aménagement de Pearson était allé de l'avant, monsieur Hession, comment les passagers auraient-ils dû contribuer au financement des améliorations aux aérogares que vous proposez?

Je crois qu'il est important d'éclaircir ce point à cause des questions qui ont été posées et de ce que certains témoins ont laissé entendre à ce propos. Les passagers auraient-ils dû payer une redevance ou des frais d'utilisation avec votre proposition?

M. Hession: Oui, je comprends votre question. Réfléchissons pendant un instant à la situation: quel est le problème à Pearson? C'est la capacité insuffisante des pistes telle que l'évalue le ministère en fonction des besoins futurs. C'est l'insuffisance des installations des aérogares du point de vue de leur efficacité et de leur capacité en aval.

Pour résoudre ces deux problèmes, il en coûterait aujourd'hui probablement environ 1,5 milliard de dollars à Pearson.

Le sénateur LeBreton: 1,5 milliard de dollars?

M. Hession: Oui, oui, quand on voit les besoins dans les aérogares ou au sol et les besoins relatifs au trafic aérien. D'ailleurs, on peut très facilement diminuer ce chiffre si l'on choisit la médiocrité, ce qui est la situation actuelle. Il n'y a pas besoin de dépenser 1,5 milliard de dollars... Dieu sait que l'on n'a pas dépensé autant d'argent depuis très longtemps, ce qui nous a précisément mis dans cette situation. Je veux donc dire que si l'on veut faire les choses correctement, si l'on veut que les utilisateurs canadiens de cet aéroport et les passagers internationaux qui arrivent à cet aéroport reçoivent une bonne impression du Canada et trouvent des installations efficaces, c'est sans doute l'ordre de grandeur qu'il faut envisager.

Donc la question, pour répondre à la vôtre ou plutôt la réponse à votre question est la suivante: commençons par dépenser cette somme de 1,5 milliard de dollars en l'étalant sur environ 10 ans pour régler vraiment le problème. Il faut se demander comment une autorité aéroportuaire locale va résoudre cela. Posez-vous la question suivante: quelle autre autorité aéroportuaire de notre pays se trouve face à un problème ressemblant même de loin à celui-ci? C'est à Vancouver qu'on s'en rapproche le plus. Les autorités locales construisent une nouvelle piste et augmentent la capacité de l'aérogare actuelle. Quel résultat cela donne-t-il? Une redevance de 10 $ par passager à l'embarquement. Cela concerne, soit dit en passant, les passagers empruntant des vols nationaux.

Je pense donc que, pour financer un investissement de cette ampleur à Pearson, il faudrait une somme au moins deux fois plus élevée par passager. Elle pourrait aller jusqu'à 30 $. Là encore, je répéterai que c'est si vous partagez cette ambition d'obtenir un résultat correct pour cet aéroport. Vous pouvez, si vous le désirez, perpétuer la médiocrité et faire payer moins. Je ne vois cependant pas comment cet aéroport pourra être financé avec une redevance inférieure au double de celle qui existe à Vancouver, et elle pourrait aller jusqu'à 30 $. Bien, pour revenir, je crois, à votre autre question...

Le sénateur LeBreton: Au sujet de votre proposition.

M. Hession: Quel aurait été le résultat de notre proposition? Dans ma déclaration d'hier, j'ai dit que nous avons fait beaucoup d'efforts pour que le coût moyen de notre proposition par passager soit inférieur à la moyenne nord-américaine. J'ai dit que nous n'avions aucun plan particulier, absolument aucun. En fait, les documents contractuels nous empêchaient de faire payer une redevance aux passagers. Nous n'avions pas l'intention de leur faire payer quelque chose.

Alors, qu'est-ce que cela veut dire? On pourrait dire que les compagnies aériennes devront donc assumer la totalité des coûts. Bon, c'est vrai, les compagnies aériennes et les autres locataires de l'édifice. Mais que se passe-t-il alors? Les compagnies aériennes pourront vous dire quel pourcentage les aéroports, Pearson dans ce cas-ci, contribuent à leurs dépenses; c'est, je crois (vous devriez vérifier cela auprès d'Air Canada, par exemple), moins de 1 p. 100 de leurs dépenses totales. Donc, une augmentation modeste, si on peut la qualifier ainsi, dans ce cas-ci, elle reste encore inférieure au coût moyen par passager en Amérique du Nord, une augmentation moyenne des frais des compagnies aériennes à Pearson, en particulier pour Air Canada, passerait pratiquement inaperçue pour ce qui est du report de coût auprès des passagers; ceux-ci seraient par contre très conscients d'une redevance de 20$, voire de 30 $ si c'est la méthode que choisissent les autorités portuaires locales et, franchement, je ne vois pas d'autre solution.

Le sénateur LeBreton: Merci, monsieur Hession.

Bien, puisque l'autorité portuaire locale de Toronto va vraisemblablement avoir un directeur général et prendre en main l'aéroport et les aérogares (et vous avez parlé des coûts), combien de temps cela va-t-il prendre? Vous savez, si tout se déroulait au mieux, si les autorités réunissaient tout le personnel requis, trouvaient le financement,

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M. Hession: Aujourd'hui, ou si le...

Le sénateur LeBreton: En fait, je crois que j'ai deux questions. Quelle serait la situation à Pearson aujourd'hui si cette proposition avait été appliquée et comment pensez-vous que... dans le meilleur des cas, quand les autorités aéroportuaires locales pourront-elles faire en sorte que Pearson fonctionne bien?

M. Hession: Très bien... je ne veux pas jouer sur les mots. Pearson fonctionne, nous le savons tous les deux. Mais dans des conditions telles que nous pouvons accepter une amélioration de l'efficacité aussi bien du côté aérien, c'est-à-dire sur les pistes, que du côté du sol, c'est-à-dire dans les aérogares. Je pense que c'est essentiellement ce que vous avez en tête, et c'est certainement ce que nous essayons de réaliser.

Aujourd'hui, si la proposition avait été adoptée et si nous avions exécuté le plan garantissant des résultats rapides que nous avions en tête et que le gouvernement appréciait beaucoup, le problème des vols transfrontières d'Air Canada dont j'ai parlé serait réglé. Il aurait disparu. Il n'y aurait plus le genre de retard que nous subissons actuellement.

Soit dit en passant, les économistes ont des façons très raffinées de mesurer le coût des retards. On a un gros porteur immobilisé là avec 342 personnes à bord, attendant impatiemment d'avoir accès à une porte pendant 20 minutes, 30 minutes (quelque chose comme ça), et c'est très réel. À combien pensez-vous que cela revient par heure pour les cadres et les autres gens à bord de cet avion? De façon générale, je pense que c'est aux alentours de 200 $, d'après les données généralement admises en économie. Cela fait beaucoup d'argent. Et ça s'additionne d'un avion à l'autre, d'un retard à l'autre.

Le sénateur LeBreton: Deux cents dollars par personne?

M. Hession: Par personne, ad infinitum. Sans tenir compte du fait que les moteurs de l'avion immobilisé continuent de tourner et consomment du carburant de façon tout à fait improductive. Cela augmente donc les frais des compagnies aériennes. D'ailleurs, tous ces frais, si on les additionne, dépassent largement, pour les compagnies aériennes, les effets de l'augmentation des loyers dont nous avons parlé précédemment. C'est donc le vrai problème. Ces problèmes graves reliés à la productivité affectent l'ensemble de notre économie et donc encore plus chaque compagnie aérienne prise individuellement.

Le sénateur LeBreton: Et la deuxième partie de cette question est, vous savez. si vous aviez une boule de cristal et que tout se passe bien une fois l'administration aéroportuaire locale en place, quand pourrait-on s'attendre à atteindre ce résultat?

M. Hession: Je n'ai pas besoin de boule de cristal... et là encore, je ne risque guère de me tromper. J'y ai beaucoup et longuement réfléchi. Je veux que cet aéroport soit remis en état. Je veux dire, indépendamment du fait que le gouvernement avait tout à fait le droit d'annuler l'accord conclu. Cet aéroport a besoin d'être remis en état. Et je suis devenu (je le suis encore et je le resterai, je suppose, jusqu'à ma mort) partisan de rémédier aux problèmes en matière d'efficacité au Canada, dans les aéroports et ailleurs. Je souhaite très vivement que cela se fasse.

Alors, en y réfléchissant, j'ai évalué la situation de mon mieux et, en me fondant sur ce qu'ont fait les quatre administrations aéroportuaires locales précédentes et l'évolution de la situation telle que je l'interprète, je pense que le transfert à l'administration aéroportuaire locale aura probablement lieu au cours de la deuxième moitié de l'année prochaine. Il faut réaliser un plan d'aménagement complet, un plan cadre, en quelque sorte, quelque chose de ce genre. Il faut ensuite le présenter sur le marché et le financer.

Cette procédure en elle-même est rendue plus complexe par précisément ce que j'essayais d'expliquer au sénateur Bryden. C'est très bien de chercher à financer les aérogares 1 et 2, mais qu'en est-il de l'aérogare 3? Elle est là. Elle existe. Il y a des gens bien vivants qui l'utilisent. Vous dites: "Bon, nous allons nous occuper de 1 et de 2 et nous ferons payer aux passagers une redevance de, disons, 20 $, 25 $." Bon, qu'allez-vous faire payer à l'aérogare 3? Le même montant? Pourquoi? Cela donne alors deux tarifs différents dans le même aéroport. Pensez-vous que cela plaira aux gens? Pensez-vous que la concurrence entre les compagnies utilisant l'aérogare 3 et celles des aérogares 2 et 3 se déroulera sans anicroche? Pas du tout. C'est un très mauvais modèle. Il faudra donc trouver un autre système complexe de financement.

Mon évaluation? Les négociations financières prendront à elles seules deux ans avant la mise au point d'un plan d'aménagement. À elle seule, cette planification est complexe et dure longtemps. J'en ai fait l'expérience. Je peux vous assurer que c'est complexe et que ça dure longtemps, avec toutes les autres approbations nécessaires et les autres éléments en jeu.

J'aimerais revenir d'ailleurs à quelques autres points qui sont, me semble-t-il, implicites dans vos questions (et même si ce n'est pas le cas, je vais y répondre), parce qu'il y a une autre série fondamentale de problèmes dont personne ne semble vouloir parler. L'aérogare 1 est en train de s'écrouler.

Le sénateur LeBreton: Je sais. Je l'ai vu de mes propres yeux.

M. Hession: Le système d'extincteurs automatiques ne fonctionne pas. Pouvez-vous imaginer ce que dirait le commissaire aux incendies de Mississauga s'il avait accès à cette aérogare et si elle était de son ressort? Il dirait: "Fermez-la!" Tout simplement. Elle est dangereuse. Elle respecte si peu les normes de santé et de sécurité que nous envisagions une dépense de 30 millions de dollars à faire très rapidement simplement pour la rendre conforme à ces normes. Ce n'est donc pas insignifiant. On ne peut pas fermer les yeux sur ces problèmes et les négliger. Ils sont très réels. Ce que je veux dire avec tout ça, c'est que, à mon avis, entre le transfert, le plan d'aménagement, le financement, on ne peut s'attendre à ce qu'un véritable aménagement de Pearson commence avant 1998. Il faut sans doute compter ensuite sept à neuf ans avant que tout soit terminé, que "tout soit terminé" dans le premier programme, en quelque sorte. Après cela, il y aura un deuxième et un troisième programmes, et on en est à l'an 2005 ou 2006.

Le sénateur LeBreton: De l'eau aura passé sous les ponts.

M. Hession: Ce qui est absolument scandaleux dans tout ça, c'est que les meilleurs aéroports du monde, à commencer par Schiphol et Changi... ce sont les meilleurs du monde, de l'avis de toutes les compagnies aériennes importantes, de tous les experts en tourisme importants, pour une raison fondamentale: les installations nécessaires pour fournir un service aux compagnies aériennes et aux passagers existent en anticipation de la demande, un concept fondamental que je souhaitais vivement voir transférer dans nos activités à Pearson avec la collaboration de Schiphol, le meilleur aéroport du monde. Les installations doivent être là en anticipation de la demande. Sinon, devinez ce qui se passe? Des compagnies veulent venir à Toronto? Désolé, on n'a pas assez de portes d'embarquement. À plus tard. Nous irons à Pittsburgh. On vient de perdre une compagnie. Quelqu'un veut prendre l'avion pour Hong Kong. Vais-je prendre une correspondance à Toronto? Pas question. J'arrive à une porte pour vols transfrontières; je vais perdre 60 minutes à attendre sur l'aire de trafic et dans les installations désuètes. Il faut que je coltine mes bagages dans toute l'aérogare 3, et cetera, et cetera. Cela va nuire considérablement au Canada parce que nous ne fournissons pas d'installations en anticipation des besoins, de la demande.

Il faut remédier à cela. Il n'est pas trop tard. C'est ce que je demande instamment. Je l'ai demandé pendant les six ans où j'ai fait du prosélytisme à ce sujet.

Le sénateur LeBreton: Merci, monsieur Hession. Hier, dans vos observations, vous avez bien sûr mentionné l'aéroport de Schiphol à Amsterdam ainsi que les déclarations de M. Victor Hoordzy (sic) au sujet de ce que vous faisiez ici. Pouvez-vous nous donner des détails là-dessus? Bien entendu, j'avais des questions concernant particulièrement M. Barbeau hier et son rôle. Pouvez-vous simplement préciser ce que vous entendiez quand vous avez parlé de...

M. Hession: Au sujet de Karel Noordzy?

Le sénateur LeBreton: Oui, c'était Noordzy. Excusez-moi. J'ai mal noté son nom.

M. Hession: Oui. J'ai rencontré Karel Noordzy quand je me suis rendu pour la première fois à Amsterdam pour entamer les discussions au sujet d'une entente éventuelle sur une association entre nous. Je parle d'association, parce que je me disais que j'avais besoin de ce qu'ils avaient, c'est-à-dire beaucoup de savoir-faire et de technologie. Ce qu'ils cherchaient... comme ils forment un groupe de gens compétents qui a fait ses preuves, ils cherchaient du travail à l'extérieur d'Amsterdam. Nous avons donc conclu une entente de consultation à long terme de cinq ans comprenant le transfert d'un de leurs principaux responsables dans notre société pour cette période. Pas à un poste de commande, sans participation au capital, mais plutôt comme un expert-conseil nous aidant à réaliser le transfert de technologie et à moderniser nos opérations.

Entre parenthèses, à quoi est due la grande réussite d'Amsterdam? C'est peut-être l'aéroport qui obtient le meilleur résultat en matière de concessions de vente au détail.

Vous vous souvenez peut-être que j'ai commenté hier le rapport Edlund, qui contient certaines déclarations négatives à propos de nos attentes au sujet des concessions. Et bien, je n'ai pas inventé cela. C'était l'aboutissement de certaines décisions stratégiques judicieuses inspirées de l'expérience réelle de Schiphol. Et nous utilisions leurs méthodes et leurs plans et leurs idées en matière de promotion commerciale pour nous aider à atteindre notre objectif. Nous avons d'ailleurs eu d'autres sources d'inspiration, mais l'influence de Schiphol a été importante dans ce domaine. Je sors du sujet.

M. Noordzy, ancien expert-conseil chez McKinsey & Company, aidait Schiphol à passer à un niveau supérieur de réussite en tant que directeur général. À ce titre, il participait à la promotion des activités de Schiphol en dehors d'Amsterdam, par exemple à Toronto. C'est pour cela que nous nous sommes rencontrés. C'est une personne très sympathique et très agréable. Il devait notamment assister à toute une série de conférences internationales sur les aéroports lors de la plupart desquelles, si je peux le dire (il y en a certainement eu un grand nombre), Victor Barbeau était également présent. Et c'est lors de ces rencontres que des questions ont été soulevées au sujet de Toronto, des méthodes à utiliser, des cadres d'action stratégique et des choses de ce genre. C'était une excellente communication entre deux personnes sérieuses. Et c'est de cela que je parlais.

Je ne ressens à cet égard aucun esprit de revanche. J'ai trouvé très inquiétant qu'un représentant du gouvernement, surtout au poste qu'il occupait, vienne dire: "Je pense que c'est une mauvaise idée". En fait, il n'y a pas besoin de me l'expliquer car j'ai travaillé dans la fonction publique. Cela peut souvent se traduire par des délais administratifs très irritants. C'est ce qui m'inquiétait. C'était une inquiétude très sincère. J'espérais sans trop y croire que cela n'arriverait pas. Puis j'ai commencé à constater que si, ce pourquoi j'ai fait mes déclarations d'hier.

Le sénateur LeBreton: Merci

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M. Hession: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Hession, je suis étrangement fasciné par les engagements secrets, que j'accepte, mais cela m'a incité à revenir à l'aide-mémoire que vous avez envoyé à Doug Port au sujet du "Plan d'action Pearson" du 30 juin 1990, et tout ce qui est marqué là, c'est "D".

M. Hession: Voulez-vous que je fasse référence à ce document, monsieur le président?

Le président: Non, répondez simplement à ma question. Vous plaidez de toute évidence la cause de Paxport et dans votre conclusion, vous dites:

La concurrence entre les exploitants des aérogares à Pearson International sera avantageuse aussi bien pour les transporteurs aériens que pour leurs passagers. Cette concurrence permettra à l'aéroport de se positionner comme une porte d'accès à l'Amérique du Nord et comme une importante plaque-tournante pour les déplacements à travers le continent. Si un monopole a la mainmise sur les aérogares de passagers de Pearson, cela se traduira inévitablement par une structure tarifaire défavorable et une perte de compétitivité particulièrement préjudiciable à nos deux principales compagnies aériennes nationales canadiennes.

Vous plaidez de toute évidence la cause de Paxport contre celle de ATDG ou Claridge-Bronfman.

M. Hession: C'est exact.

Le président: Ensuite il y a ces deux fameuses dates: le 7 décembre 1992, le gouvernement annonce que Paxport l'a emporté. Ensuite, le 15 janvier, Paxport et Claridge, disons, signent une lettre d'intention en vue de s'associer. Bien, cela fait alors moins de, juste un peu plus d'un mois, avec Noël et le Nouvel An dans l'intervalle, et les actionnaires doivent se rencontrer. Quelqu'un arrange un mariage. Et sur le chemin de Damas, vous parlez de "synergie" au lieu de ce que, en 1990, vous présentiez comme une concurrence avantageuse entre les exploitants des aérogares. La "synergie" remplace donc la "concurrence". Alors ce n'est pas une contradiction, c'est le chemin de Damas. Vous avez changé d'avis. Vous plaidez maintenant la cause de...

M. Hession: Excusez-moi, monsieur le président, vous dites que je plaide la cause?

Le président: Bon, vous défendez la cause.

M. Hession: Je peux vous dire qu'à l'époque je n'étais pas un de ceux qui plaidaient cette cause. J'avais déjà plaidé la mienne. Mais mon point de vue n'avait apparemment pas été retenu.

Maintenant que nous nous trouvons face à la réalité telle qu'elle est, je vais évidemment faire de mon mieux pour que les choses prennent le meilleur cours possible, et cela a été fait.

Le président: Oui, bon, vous interprétez cela de façon positive, n'est-ce pas?

M. Hession: Non, je vous dis exactement dans quel ordre les événements se sont produits. Je ne me suis pas soudain dit, un beau matin: "Le moment de la synergie est venu". Non. Je n'ai pas fait ça. J'ai reçu un appel téléphonique:, "Vous devriez envisager cette possibilité". J'ai dit: "Très bien". J'ai parlé à mes dirigeants dont j'étais désormais le conseiller. Ils ont choisi d'ouvrir le dialogue et on sait ce qui s'est passé ensuite. Mais je ne veux pas que qui que ce soit laisse entendre que j'ai nécessairement changé d'avis. Je n'ai pas changé d'avis.

Le président: D'accord. Très bien. C'est simplement que la brièveté de l'intervalle entre la victoire de Paxport et la fusion est presque choquante. Il est incroyablement bref et il doit bien y avoir quelqu'un à l'origine de ces événements. Comme vous le dites, c'était plutôt une question de synergie que de "possibilité de financement".

M. Hession: C'est ma conviction qui repose sur les faits tels que je les ai exposés au comité et à vous-même, monsieur le président.

Le président: Oui.

M. Hession: Je veux répéter un fait absolument évident, la réalité. L'aérogare 3 existait. Et l'idée qu'avaient ceux qui étaient depuis longtemps en faveur d'une gestion unifiée de l'ensemble des trois aérogares a été retenue. Ne me demandez pas de nommer tous les gens qui étaient de cet avis. Je ne les connais pas tous; je sais seulement qu'ils présentaient leurs plaidoiries avec insistance de la même façon que, en assurant ma propre défense, je plaidais avec insistance en faveur du scénario de la compétitivité, cette forme-là de synergie; c'est exactement ce que j'ai expliqué en réponse à une question antérieure au sujet de ce qu'allait faire l'administration portuaire locale. Du point de vue opérationnel, il est sans doute tragique de se retrouver en fin de compte avec trois aérogares qui ne coopèrent pas, c'est tragique dans le sens où, si l'on commence à avoir des tarifs nettement différents d'une aérogare à l'autre, cela créera un problème grave pour les passagers et les compagnies aériennes.

Bon, les plaidoyers ont été présentés. Le mien est solidement étayé. Ces plaidoyers sont ce qu'ils sont, comme je viens d'essayer de les exposer. Mais je n'ai pas changé d'avis. J'admets simplement que c'est l'autre partie qui a gagné.

Le président: Bien, avec le plan actuel, celui de la création d'une administration locale qui s'appellera Greater Toronto Local Airport Authority ou je ne sais comment, l'argumentation en faveur de la synergie est inutile; elle n'est plus applicable.

M. Hession: Pourquoi dites-vous cela, monsieur le président?

Le président: Bon, il y a une opposition entre l'autorité aéroportuaire locale et l'aérogare 3.

M. Hession: Bien, mais c'est justement ce que j'essayais d'expliquer tout à l'heure. Il faudra faire quelques concessions. Je veux dire qu'il me paraîtrait absurde que les passagers doivent payer un droit de 20 $ par personne pour utiliser l'aérogare 2 sans rencontrer cet obstacle à l'aérogare 3. Je crois que ce serait une situation plutôt délicate pour les compagnies aériennes de l'aérogare 2. Il faudra donc faire quelque chose pour régler ce problème. Et ce n'est pas facile.

Le président: Bien, j'aimerais beaucoup identifier l'intermédiaire qui s'est manifesté entre décembre et janvier 93.

M. Hession: Vu ce que vous avez dit, je voudrais... et je me rends compte que nous n'avons plus beaucoup de temps, monsieur le président. Vous avez dit que l'intervalle entre la décision initiale et l'affaire qui a été conclue (qu'avez-vous dit, la mi-janvier?) était bien bref?

Le président: Oui, le 7 décembre.

M. Hession: Oui, mais vous l'avez qualifié. Je ne me rappelle plus vos propos exacts, mais vous l'avez qualifié de très rapide.

Le président: Excusez-moi un instant.

M. Hession: Oui, bien sûr.

Le président: Oui, c'est la période du 7 décembre 1992 au 15 janvier 1993... cinq semaines.

M. Hession: Oui, et je ne conteste pas que cela paraît bref mais, à votre intention et à celle de tous les autres sénateurs qui ont participé à la conclusion d'affaires commerciales, je dirais qu'il ne faut pas oublier que les deux parties venaient de se faire pendant très longtemps une concurrence acharnée. Chacune avait donc de son côté une très bonne idée de ce qu'elle entendait faire. Quand les négociations ont commencé, Paxport avait donc, en quelque sorte, des idées très précises. Nous savions quel type d'aménagement nous voulions faire; nous connaissions la forme qu'il devait prendre; nous en connaissions toutes les implicatons financières, et Claridge avait son propre point de vue sur les mêmes choses. L'expérience m'a appris que c'est là une situation pratiquement idéale quand on entame une négociation. Parce que si l'on n'a pas une conception aussi détaillée, il faut procéder à des réunions de concertation très longues et d'autres choses du genre qui prennent beaucoup de temps. Ce travail avait déjà été fait dans une très large mesure, pas à cause de ces négociations, mais à cause de l'appel de propositions auquel venaient de répondre les deux parties.

La situation était donc bien mûre pour que, si une négociation était entamée, elle puisse être menée bon train. C'est juste un commentaire concret sur la situation.

Le président: Oui. Il fallait quelqu'un pour précipiter les événements.

M. Hession: Oh, je ne le conteste pas, non.

Le président: Bien, nous avons... je suis désolé, sénateur Tkachuk. Nous n'avons plus que trois minutes et M. Nelligan veut poser une question. Voulez-vous le laisser parler d'abord?

Le sénateur Tkachuk: Oh, bien sûr. Allez-y.

M. Nelligan: J'ai simplement ma question habituelle.

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M. Hession: Non.

M. Nelligan: Non? En ce qui concerne votre agenda, monsieur, puis-je vous rencontrer tout à l'heure pour que nous voyions quelles sont les parties reliées à cette affaire que je peux étudier et je mettrai ensuite les passages correspondants à la disposition du comité?

M. Hession: En effet.

M. Nelligan: Merci.

Le président: David?

Le sénateur Tkachuk: À quelle heure allons-nous terminer la séance? À midi?

Le président: Dans environ trois minutes.

Le sénateur Tkachuk: Pouvons-nous faire revenir le témoin pendant 20 minutes après le déjeuner?

Le sénateur Kirby: Dans ce cas, je suis tout à fait d'accord pour faciliter les choses pour David et le laisser poser ses questions d'un seul coup. Pourquoi ne levons-nous pas la séance maintenant à midi moins trois?

Le sénateur Jessiman: J'ai juste une question.

Le sénateur Kirby: J'essaie simplement de ne pas interrompre le fil de ses pensées.

Le sénateur Tkachuk: Qui se laisse facilement interrompre.

Le président: Oui.

Le sénateur Kirby: Je veux bien ne pas vous interrompre avant que vous commenciez, David. C'est seulement quand vous commencerez votre harangue que je le ferai.

Le sénateur Jessiman: Je n'ai qu'une question, deux minutes.

Le président: Très bien.

Le sénateur Jessiman: Il existe une concurrence à l'intérieur même des aéroports et c'est de cela que vous parliez. Mais il existe également (ce qui est probablement plus important pour le Canada et pour cet aéroport) la concurrence entre Pearson et les aéroports de Pittsburgh, New York ou Chicago. Alors ceux qui ne sont pas de votre avis disent que si c'est une seule compagnie qui a la haute-main sur ces trois aérogares, il est plus facile d'affronter les concurrents du reste du monde.

M. Hession: Oui. Appelons cela la concurrence entre les portes d'accès, votre deuxième modèle.

Le sénateur Jessiman: Oui.

M. Hession: C'est la considération primordiale. Assurément. Toute la structure tarifaire de l'aéroport aura une incidence sur le résultat.

En parlant de concurrence, je dois signaler une chose évidente. Comme cela vous a déjà été signalé, le Bureau de la concurrence a examiné à fond les mérites respectifs de notre proposition et de celle de Mergeco et n'a rien trouvé à redire. Donc, pour autant que je sache, la question de la concurrence envisagée de cette façon-là a été réglée de façon satisfaisante du point de vue administratif.

Le sénateur Jessiman: Merci.

Le président: Bon, sénateur Tkachuk, nous avons un témoin très important cet après-midi, M. Broadbent, qui devait intervenir ce matin mais la séance précédente a été prolongée.

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le président: Je pense que vous êtes le seul à vouloir poser des questions cet après-midi?

Le sénateur Tkachuk: À ma connaissance, oui.

Le président: À M. Hession. Pour essayer de procéder de façon ordonnée et d'avoir assez de temps pour un témoin très important... Pensez-vous que nous pouvons terminer? Si nous commençons à 13 h 30, pouvons-nous terminer à 14 heures et entendre ensuite M. Broadbent? Cela vous paraît-il raisonnable?

Le sénateur Tkachuk: Je ne prends pas normalement plus d'une demi-heure.

Le président: Très bien. Monsieur Hession, pouvez-vous être avec nous cet après-midi pendant une demi-heure?

M. Hession: Si vous le souhaitez, monsieur le président. En outre, j'abrégerai mes réponses.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée jusqu'à 13 h 30.


Ottawa, le mercredi 2 août 1995

Le comité spécial du Sénat chargé d'étudier les accords visant l'aéroport international Pearson se réunit aujourd'hui à 13 h 30 pour examiner toutes les questions relatives aux politiques et aux négociations ayant abouti à la conclusion des accords touchant la remise en valeur et l'exploitation des aérogares 1 et 2 à l'aéroport international Lester B. Pearson et les circonstances entourant leur annulation, et pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: Chers collègues, Mesdames et Messieurs, si l'un ou l'autre d'entre vous s'interroge sur le temps que prennent les membres des comités pour interroger les témoins, je souhaite vous informer que le sénateur Kirby et moi-même en sommes venus à un accord sur les questions importantes et avons décidé de laisser aux témoins tout le temps voulu pour répondre aux questions, particulièrement dans le cas des membres du comité qui mènent le débat. Ainsi, si quelqu'un pense que le sénateur LeBreton ou le sénateur Bryden ont pris trop de temps, ils sauront que cela avait déjà été convenu. Mais je dois dire qu'à partir de maintenant, je vais imposer de nouveau la limite de 30 minutes. J'ai mon chronomètre ici. Je pense qu'un délai de 30 minutes est suffisant. Non seulement avons-nous un important témoin qui doit terminer son témoignage, mais nous devons également commencer à entendre un autre témoin important, idéalement vers 14 h. De plus, M. Nelligan souhaite faire une déclaration au sujet des documents.

M. Nelligan: Mon commentaire découle de ceux qu'a faits M. Hession à propos des documents censurés. J'ai parlé à M. Edge, du ministère de la Justice. Tout d'abord, il m'a confirmé (et je dois vous dire que j'avais probablement déjà ces informations) que quatre avocats au ministère de la Justice étudient les documents afin d'établir la mesure dans laquelle ils se conforment aux restrictions et à la Loi sur l'accès à l'information. Cet examen préalable est fait par des avocats à l'interne et non pas par du personnel contractuel.

Toutefois, le ministère recourt aussi à une équipe d'examinateurs de la firme de vérificateurs légaux Lindquist Avey, qui s'occupe de ramasser ces documents, de les coordonner, de les mettre dans les casiers appropriés, bref, d'en faire la gestion. Ainsi, l'inquiétude de M. Hession à propos de la possibilité que des personnes non autorisées voient les documents ne semble apparemment pas fondée. Tout est correct.

Ils ont aussi convenu avec moi et avec M. Hession que le passage effacé dans le procès-verbal du 15 décembre 1992 n'aurait pas dû l'être, même s'il était visé par les dispositions de l'alinéa 69(1)g) de la Loi sur l'accès à l'information; si cela peut vous aider, je vous lirai le paragraphe qui avait été rayé. On y dit simplement: "M. Barbeau souligne que les ministres se sont dit préoccupés par la mesure dans laquelle le projet peut être financé, compte tenu des incertitudes qui affectent actuellement le secteur aérien, c'est pourquoi on a demandé à Paxport Inc. de prouver que le financement pouvait être obtenu." Ils ont convenu que c'était peut-être là un léger excès de zèle de la part des procureurs qui l'ont fait, et ils font de leur mieux pour veiller à ce que ce pouvoir discrétionnaire ne soit pas utilisé de cette façon une autre fois.

Je pensais qu'il serait utile d'inscrire cela au compte rendu tandis que M. Hession est encore ici.

Le président: J'aimerais souhaiter la bienvenue au sénateur John Stewart. Nous sommes heureux de vous voir. Évidemment, le sénateur Stewart a tout à fait le droit de participer aux activités de notre comité, sous certaines réserves.

Le sénateur Stewart: J'espère que ce n'est pas une obligation, monsieur le président.

Le président: Sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk: Merci, monsieur le président.

Monsieur Hession, j'aimerais vous poser une ou deux questions à propos de... même si vous avez nié être un lobbyiste, votre seul témoignage et vos seules paroles, si je devais faire une proposition sur la formation d'un consortium, j'engagerais quelqu'un comme vous. Manifestement, vous... vous n'êtes peut-être pas un lobbyiste, mais vous feriez probablement un excellent vendeur. Et, en qualité de président de Paxport, vous avez rencontré un bon nombre de personnes, que vous avez jusqu'à présent décrites dans votre témoignage.

Avez-vous rencontré des gens qui allaient se porter candidats pour le parti libéral ou des députés de ce parti tandis qu'ils étaient dans l'opposition?

M. Hession: Oh oui, des gens de la dernière catégorie, pour être plus précis. Des critiques de l'opposition, pour tout dire.

Le sénateur Tkachuk: Qui avez-vous rencontré?

M. Hession: J'ai rencontré les critiques des finances et des transports en particulier. J'ai aussi rencontré certains députés du...

Le sénateur Tkachuk: Qui...

M. Hession: J'y arrive, j'essaie simplement de formuler ma réponse, sénateur. Je suis moi aussi conscient de la limite des 30 minutes.

Le sénateur Tkachuk: Je peux la prolonger.

Le sénateur Kirby: Nous sommes heureux de vous permettre de le faire.

M. Hession: J'ai rencontré des députés représentant des circonscriptions de la région de Toronto; à vrai dire, la région de Toronto, y compris de Hamilton. Mais pour en revenir à ce que j'allais dire, j'avais rencontré MM. Tobin, Marchi et Manley. Je crois qu'ils se sont succédé comme critiques en matière de transport durant cette période. Et j'ai fait de mon mieux pour les tenir au courant de ce que nous faisions chez Paxport et pour obtenir de façon active leur opinion à ce sujet.

J'ai rencontré M. Gray, qui était critique en matière de finances et, pour tout vous dire, sénateur, si je me rappelle bien les députés qui ont assisté à une réunion... c'était les députés du parti libéral qui assistaient à une réunion à Toronto, au Holiday Inn, si je me souviens; je peux me tromper quant à l'endroit, mais je crois que c'était au Holiday Inn, mais de façon générale, il y en avait une demi-douzaine. Je me rappelle que Jessie Fliss y était. Stan Keyes aussi. Je me rappelle cela. Les autres, j'espère qu'ils ne m'en voudront pas de ma piètre mémoire, mais il y en avait d'autres qui étaient présents.

Je tiens à répéter que je me suis acquitté avec fidélité de toutes les tâches que m'ont confiées tous les députés d'un ordre de gouvernement ou d'un autre, que je leur ai présenté les mêmes données, sans les modifier d'une fois à l'autre. Ce que je visais principalement, c'était d'informer et d'obtenir des informations à propos de ce que nous tentions de faire, et j'ajouterai que c'était selon moi avec un certain succès. Tout au long de cette... non, je suis désolé, je me rappelle aussi avoir rencontré Dennis Mills. C'était une réunion importante, parce que je respecte énormément la perception de Dennis Mills quant aux sujets de ce genre.

L'un dans l'autre, dans toutes ces réunions, on faisait preuve d'un esprit constructif et coopératif, tout en faisant preuve naturellement d'un esprit avisé, mais c'est ainsi que je les caractériserais.

Le sénateur Tkachuk: Pouvaient-ils savoir que M. Matthews était l'un des partenaires de Paxport?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Tkachuk: N'ont-ils pas jugé que c'était préoccupant?

M. Hession: Non, pas du tout. Non, nous parlions beaucoup de l'aéroport, et je pense que, vous savez, cela peut peut-être être évident, mais ils m'ont reconnu (je connais la plupart d'entre eux depuis des années, et j'ai été au service de nombre d'entre eux indirectement puisqu'ils étaient députés d'anciens gouvernements et ainsi de suite) mais ils m'ont reconnu comme une personne apolitique qui tentait de veiller à ce qu'un travail soit fait, ce qui est exactement ce que j'étais et ce que je suis probablement toujours.

Mais l'essentiel de cette question, c'était que les débats avaient de l'ampleur. Je m'explique. Par exemple, les députés de Toronto étaient mis au courant des questions de l'accès terrestre à l'aéroport et de la congestion de la circulation au sol. Et nous avons établi (on n'en parlera probablement pas au cours de vos audiences) une solution très créative à ce problème, notamment par des installations de transport en commun auxquelles le ministre des Transports a fait allusion lorsqu'il parlait des discussions fédérales-provinciales-municipales sur le transport en général. Selon notre plan, nous étions en mesure de prévoir l'accès à l'aéroport Pearson par le transport en commun, par exemple. Tout cela était le fruit des interactions avec ces députés.

Avant de terminer, je dois vous dire que j'ai rencontré tous les députés dont le rôle était pertinent (en fait, pas tous, mais la plupart qui acceptaient de me rencontrer) de l'un ou l'autre côté de la Chambre, y compris le critique du NPD à l'époque.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé de questions importantes, mais leur qualité de politicien les amenait à se préoccuper de ce qui est bon pour Toronto.

M. Hession: Oh, oui.

Le sénateur Tkachuk: Et ils vous ont probablement donné des suggestions quant à ce qu'ils aimeraient voir.

M. Hession: Ils l'ont certes fait.

Le sénateur Tkachuk: Également à propos des problèmes qu'ils auraient aimé résoudre.

M. Hession: Ils l'ont certes fait.

Le sénateur Tkachuk: En ont-ils mentionné en particulier?

M. Hession: Ils l'ont certes fait. C'est ce que je voulais dire un peu plus tôt. Je n'ai peut-être pas été assez clair, mais une bonne part des préoccupations exprimées par les députés de tous les côtés avaient trait à l'aéroport, qui était la problématique la plus manifeste; nombre d'entre elles avaient trait à la congestion et à l'inefficacité, mais chose surprenante (pour moi, à tout le moins) ils s'attachaient avec beaucoup d'adresse aux problèmes de transport terrestre aussi. C'est donc dire que nous avons entrepris de résoudre la question plus globalement. En temps normal, les gens ne penseraient pas nécessairement à l'accès par voie terrestre, mais nous y avons consacré beaucoup de temps; à vrai dire, nous avons embauché la firme d'ingénierie la mieux cotée pour nous aider à le faire, nommément Delcan, qui a réellement fait un travail admirable. Et Dieu sait qu'ils s'y connaissent dans ce domaine.

Le sénateur Tkachuk: Ainsi, durant toute cette période, vous vous attachiez à obtenir un soutien de la part de la collectivité. Est-ce que cela décrit bien vos activités?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Vous tentiez de voir tous les intervenants importants, dans le monde politique, le monde financier, ceux qui utilisent l'aéroport, les groupes communautaires...

M. Hession: Les chefs d'entreprise...

Le sénateur Tkachuk: ...les chefs d'entreprise. Vous vouliez résoudre certains des problèmes qu'ils avaient constatés à l'aéroport Pearson?

M. Hession: Sans exagérer, il n'y avait pas une seule personne qui ne comprenait pas le problème et ne voulait pas le résoudre, pas une seule. Soit dit en passant, même si je fais des affirmations aussi catégoriques, je pense immédiatement à une exception. Il ne s'agit pas d'une exception au sens où on l'entend normalement. Il s'agissait de Stan Keyes, qui se préoccupait réellement de l'aéroport de Hamilton et du rôle que celui-ci pouvait jouer dans tout cela. Au cours de nos discussions, Stan a découvert que j'étais le sous-ministre responsable du programme spécial relatif aux projets de capital de relance qui ont financé, en 1983, l'immeuble de l'aérogare de Hamilton. J'ai donc pu acquérir une bonne connaissance des problèmes et ainsi de suite. Nous avons eu une bonne discussion, mais il s'intéressait davantage à l'aéroport de Hamilton qu'a l'aéroport Pearson.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. Dans nos discussions au sujet de l'aéroport Pearson, on nous a parlé beaucoup de l'aérogare 1 en termes généraux, mais j'aimerais entrer un peu plus dans les détails, et peut-être que vous pourriez m'aider à le faire. L'aérogare 1 est celle qui dessert les lignes aériennes internationales où, fondamentalement...

M. Hession: Principalement les vols nolisés; pas exclusivement, mais principalement.

Le sénateur LeBreton: U.S. Air.

M. Hession: Oui, U.S. Air serait un important transporteur transfrontalier, mais il demeure qu'il y a principalement des vols nolisés.

Le sénateur Tkachuk: Alors, on nous a dit qu'il était dans un état terrible et ainsi de suite, mais j'aimerais peut-être obtenir plus de détails. Nous avons parlé un peu des problèmes de stationnement qui l'affligent, et j'ai lu quelques articles à ce sujet. Pourriez-vous m'en parler un peu plus?

M. Hession: Je ne suis pas ingénieur.

Le sénateur Tkachuk: Je comprends cela.

M. Hession: Je présume que vous ne l'êtes pas non plus.

Le sénateur Tkachuk: Non, je ne le suis pas.

M. Hession: Alors nous allons bien nous entendre.

En fait, le garage fonctionne probablement aujourd'hui à environ 60 p. 100 de sa capacité puisqu'on ne peut accéder à certains de ses niveaux, et cette inaccessibilité découle de problèmes de structure, plus particulièrement du fait qu'on peut y voir le plafond commencer à se détériorer. Vous pouvez en voir des morceaux tomber devant vos yeux. À ce que je sache, ce problème, qui dure depuis longtemps, a fait l'objet d'au moins deux études d'ingénierie, qui ont mené à une proposition de réparation fort coûteuse.

L'accès terrestre à l'aérogare est problématique, si l'on pense aux installations d'accès dont elle est munie. Si vous n'y étiez pas en 1989-1990, lorsqu'un sommet de 11,5 millions de passagers passaient par l'aérogare 1; soit dit en passant, cette aérogare est conçue pour environ 3,5 millions de personnes. C'est sa capacité optimale. Pouvez-vous imaginer qu'il y passait 11,5 millions de passagers? Les installations d'accès ne permettaient pas d'accommoder les gens qui arrivaient à l'aéroport ou qui en partaient; ces installations tristement inadéquates suscitaient des problèmes de congestion sans fin qui, de fait, ont même, si je me rappelle bien, amené des gens excédés par une telle congestion à en venir aux coups.

Ce problème persiste. L'accès à l'aérogare 1 est insatisfaisant compte tenu du trafic qui y transite.

À l'intérieur de l'aérogare, on peut observer toute une série d'exemples où les normes établies par la province, principalement en ce qui touche la construction, ne sont tout simplement pas respectées. L'édifice est vétuste, et il ne répond pas aux critères en ce qui concerne la santé, la sécurité et les incendies, et autres normes de ce genre. Alors il y avait infraction quant à ces normes. En fait, nous avons appris...

Le sénateur Tkachuk: Si cet immeuble était situé à Toronto...

M. Hession: En d'autres termes, hors de la compétence du fédéral?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Hession: Il serait fermé immédiatement, probablement par le chef du service des incendies, jusqu'à ce que le système de gicleurs et tous les problèmes connexes soient réparés. Mais on y déroge également de façon importante à des normes internationales, les normes en matière d'aviation, au chapitre de la sécurité d'accès. Maintenant, je vous dirai franchement, vous devez comprendre que je peux me tromper, puisque je n'ai pas participé à la question depuis quelque 20 mois, sinon plus longtemps, peut-être deux ans, et je ne sais pas si mes données sont toujours exactes; alors, je pourrais me tromper. Mais la sécurité d'accès à l'aérogare 1 n'est pas adéquate. Je veux dire par là que les gens peuvent avoir accès à des secteurs de l'édifice, ou qu'ils pourraient avoir accès à des secteurs de cet édifice où ils ne sont pas censés pouvoir se rendre. Évidemment, cela pose un problème pour la sécurité, et à certains moments, pas ici au Canada, mais ailleurs dans le monde, on se préoccupe beaucoup du contrôle de l'accès aux aéroports puisque des gens malveillants pourraient être tentés d'y commettre un méfait. La situation est peut-être toujours problématique, mais je dois répéter que je n'en suis pas sûr. C'était un problème à l'époque.

Alors, sénateur, lorsque vous conjuguez ce facteur aux normes et pratiques déficientes, vous pouvez constater que l'immeuble comporte des lacunes terribles.

Le sénateur Tkachuk: Ainsi, les gicleurs... vous avez parlé du chef du service des incendies. Est-ce que les systèmes de gicleurs fonctionnent tous?

M. Hession: Eh bien...

Le sénateur Tkachuk: Sont-il branchés sur quelque chose, de l'eau, par exemple?

M. Hession: Si vous me permettez, il faudrait plutôt demander si le système de gicleurs pourrait passer de façon satisfaisante l'inspection du chef du service des incendies. Là est la question. Lui seul pourrait vous répondre. D'après ce que je sais, je doute que ce soit le cas.

Le sénateur Tkachuk: Qu'en est-il des portes, des coupe-feu. Y en a-t-il?

M. Hession: Encore une fois, je ne suis pas au fait des questions techniques ni des critères que le chef du service des incendies applique. D'après ce que j'ai pu comprendre de cette source même, lorsque nous mettions la dernière main à notre travail et que nous prévoyions de reprendre l'édifice, il était tout à fait possible que nous le prenions un jour et que nous le fermions le lendemain en raison de son intervention.

Le sénateur Tkachuk: J'ai entendu dire que l'aérogare avait même un problème de rongeurs.

M. Hession: Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre aussi.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce le cas?

M. Hession: Je ne sais pas. Je n'y suis pas allé, mais j'en ai entendu parler.

Le sénateur Tkachuk: Je ne veux pas dire que le fait d'être ici pourrait - nous pourrions probablement convoquer des témoins qui nous le diraient, mais j'ai cru comprendre qu'il y avait un problème de rongeurs.

M. Hession: Ils ont instauré un programme de lutte contre la vermine; cela doit bien vouloir dire quelque chose.

Le sénateur Tkachuk: C'est exact.

M. Hession: Je n'ai pas vu de rongeur à l'aérogare 1.

Le sénateur LeBreton: Peut-être que le programme de lutte à la vermine fonctionne.

Le sénateur Tkachuk: Prépare-t-on des aliments à l'aérogare 1?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Et les aliments sont destinés... y a-t-il des restaurants à cet endroit, ou y prépare-t-on les aliments pour les sociétés aériennes?

M. Hession: On y trouve des cantines.

Le sénateur Tkachuk: Y prépare-t-on des aliments pour les sociétés aériennes?

M. Hession: Je ne le crois pas. Ces aliments sont préparés dans des cuisines situées ailleurs.

Le sénateur Tkachuk: Quelque part ailleurs. Ils ne font alors que les transporter à cet endroit.

M. Hession: Oui, on les transporte dans ces réceptacles destinés à être montés dans l'avion.

Le sénateur Tkachuk: Tirons les choses au clair. Le gouvernement fédéral exploite un édifice qui serait normalement fermé?

M. Hession: Je pense que oui, d'après des informations reçues par des gens qui auraient le pouvoir de le faire si l'édifice n'était pas de compétence fédérale.

Le sénateur Tkachuk: Ainsi, le gouvernement fédéral affirme que les passagers devraient passer dans un édifice qui serait normalement considéré comme non sécuritaire dans la ville de Toronto?

M. Hession: Encore une fois, ce serait ma conclusion d'après les renseignements que j'ai obtenus, oui; l'édifice ne répond pas aux normes.

Le sénateur Tkachuk: Il ne répond pas aux normes?

M. Hession: Non. Encore une fois, il importe de comprendre que la responsabilité de l'établissement des normes en vertu des divers codes du bâtiment administrés par les provinces (la province de l'Ontario, dans le cas qui nous occupe) sont largement appliqués, dans chaque cas, peut-on présumer, sauf dans ceux où il y a conflit de compétence et où on choisit de ne pas les appliquer.

Le sénateur Tkachuk: Alors que se passerait-il si on fermait l'édifice parce que le gouvernement s'en sentait responsable?

M. Hession: Cela causerait d'énormes perturbations.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, que se passerait-il?

M. Hession: Les transporteurs devraient être réaffectés à l'une ou à l'autre des aérogares 2 ou 3.

Le sénateur Tkachuk: Quelles seraient les conséquences pour l'aéroport Pearson?

M. Hession: La disponibilité des portes est tellement critique, et comme nous avons affaire à des transporteurs internationaux et transfrontaliers (des vols nolisés, internationaux et transfrontaliers) ce serait tout à fait problématique de faire ces réaffectations dans les conditions actuelles.

Le sénateur Tkachuk: Cela voudrait-il dire que certaines des conditions qui avaient cours à la fin des années 80 se reproduiraient?

M. Hession: C'est déjà le cas. C'est ce que je voulais dire ce matin. Les installations destinées aux vols transfrontaliers à l'aérogare 2 sont très congestionnées aujourd'hui, et la situation ne pourra manifestement qu'empirer si une partie de ce trafic doit être réaffectée à l'aérogare 2.

Le sénateur Tkachuk: Je vous pose ces questions parce que nous avons eu ici un débat au cours de la présente enquête au sujet de ce qui motivait le gouvernement à agir, c'est-à-dire, pour reprendre les termes du ministre, à régler le problème de l'aéroport Pearson et de ses aérogares 1 et 2. Et certains témoins nous ont dit que, vous savez, peut-être que ce n'était pas si important que cela.

Ce que j'essaie de montrer ici, c'est qu'un gouvernement a, dans une certaine mesure, la responsabilité morale d'agir si certaines installations sont considérées comme peu sécuritaires.

M. Hession: Je suis d'accord.

Le sénateur Tkachuk: Vous êtes d'accord?

M. Hession: Oui, s'il est vrai que les faits à l'heure actuelle confirment ce que j'avais vu alors, je suis d'accord. Je ne crois pas savoir qu'on a fait des réparations depuis lors, mais je peux me tromper.

Le sénateur Tkachuk: Je veux revenir sur le sujet et, monsieur le président, je ne sais pas si je dépasse le temps qui m'est alloué, mais je sens que je me rapproche terriblement de l'échéance.

Le sénateur Kirby: Prenez votre temps.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons parlé beaucoup dans cette enquête à propos du fait que, vous savez, il y a la bureaucratie, et puis il y a Claridge, et puis il y a Paxport, et puis il y a tout cela. Toutes sont de grandes entreprises. Tout cela a trait à quelque chose qui semble presque étranger à ce que les gens, vous savez, les quelque 100 personnes, peut-être, qui pourraient être intéressées et qui regardent ceci à CPAC. Mais le peuple canadien a des intérêts dans la question, et nous n'en parlons pas beaucoup.

Si l'affaire qui a été... et je peux encore dire bien proposée et bien traitée, et qu'un contrat adéquat a été accordé en 1992, de combien d'emplois parlons-nous?... c'est-à-dire, j'essaie d'en venir à ce que nous avons perdu. Qu'avons-nous perdu en évitant de faire ce que nous avions préparé il y a un certain nombre d'années?

M. Hession: Je vais vous parler en termes généraux. La raison pour laquelle je fais cela, c'est que dans un témoignage présenté plus tôt, vous vous en souviendrez, on a dit que les projets s'étendaient sur un bon nombre d'années et que les répercussions sur l'emploi se feraient de façon graduelle, pour ainsi dire. C'est bien difficile pour moi d'en parler aujourd'hui, parce que, franchement, je ne possède pas les détails. Mais dans l'ensemble, si le projet avait été exécuté du début à la fin, le projet aurait généré quelque 19 000 années-personnes, outre celles qui, si nos ambitions, qui n'étaient absolument pas démesurées, loin de là, si nos ambitions avaient été de faire valoir ces technologies et ce savoir-faire, ce savoir-faire canadien, sur le marché international (et je tiens à le répéter, nous commencions à avoir du succès) même sans l'aéroport Pearson, à cette étape, nous commencions à avoir du succès dans nos incursions sur ce marché international. Punta del Este était un marché conclu. Nous étions prêts à signer à Prague, par exemple.

Le sénateur Tkachuk: J'ai besoin de votre aide. Quand vous dites que vous étiez prêts à signer à Prague, c'était pour faire quoi?

M. Hession: Dans cet exemple, pour être en mesure de travailler efficacement, comme c'est le cas maintenant, avec l'aéroport de Schiphol et d'autres intérêts pour administrer l'aéroport de Prague et mettre en valeur son aérogare, on a fait bon nombre des choses mêmes que l'on planifiait de faire à Toronto. La crédibilité de votre position sur le marché international a un lien très étroit avec ce que vous faites sur le marché intérieur. Voilà un credo qu'invoquent depuis longtemps ceux qui travaillent dans les infrastructures. Lavalin, SNC, AGRA, voilà autant d'entreprises qui sont florissantes aujourd'hui parce qu'elles ont réalisé d'importants travaux d'infrastructure au Canada et qu'elles ont fait connaître leur technologie sur le marché international.

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, si nous avions réussi, si nos ambitions s'étaient réalisées, nous croyons que, pour la même période, le Canada aurait pu profiter de 45 000 années- personnes de travail, la différence étant attribuable aux répercussions à l'échelle internationale.

Le sénateur Tkachuk: Si nous avions commencé, par "nous", j'entends le peuple du Canada, si nous avions commencé les projets décrits dans la proposition, dans quelle emsure ausions-nous contribué à régler certains des problèmes à l'aéroport international Pearson?

M. Hession: Les problèmes les plus prévalents ici, dans l'optique d'Air Canada (et je suis sûr qu'Air Canada serait d'accord avec moi) concerneraient principalement la façon dont le problème lié aux transfrontaliers serait réglé aujourd'hui.

Le sénateur LeBreton: L'aérogare 1 serait réparée aujourd'hui?

M. Hession: L'aérogare 1, en ce qui concerne tous les problèmes dont j'ai parlé, serait également réparée. Merci, sénateur. Cela aussi est vrai. En fait, les étapes allaient comme suit: il fallait travailler sur l'aérogare 1 pour au moins faire en sorte qu'elle respecte les normes, puis s'occuper des vols transfrontaliers, il y avait d'autres choses, mais il fallait s'occuper principalement des vols transfrontaliers à l'aérogare 2.

Le sénateur Tkachuk: Si nous passions au présent plutôt que de parler de choses hypothétiques? Vous parliez de l'aérogare 1, et nous parlions de sa capacité, et j'ai entendu des gens de l'administration aéroportuaire de Toronto dire des choses à propos de la capacité. Si nous devions entreprendre le processus maintenant (et le sénateur LeBreton en a déjà parlé plus tôt) ce n'est pas de simplement bâtir des aéroports, je veux dire de bâtir des aérogares. S'il fallait réparer l'aérogare 1, il faudrait bien envoyer les gens quelque part.

M. Hession: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Où iraient-ils? Il leur faudrait aller aux aérogares 2 et 3.

M. Hession: Oui. Il faudrait faire un redéploiement. Cela ne veut pas dire qu'il faudrait fermer l'aérogare 1. Vous pourriez, par exemple, maintenir ouverte la moitié des portes tandis que vous fixez l'autre moitié, puis procéder ensuite de la même façon pour l'autre moitié. Les choses ici concernent toute la forme d'art qui consiste à remettre en valeur les installations existantes, activité aussi distincte que peut l'être l'aménagement d'un terrain vert par rapport à l'érection d'une nouvelle aérogare, ce qui était l'exemple pour l'aérogare 3, et c'est pourquoi j'ai trouvé (encore une fois, je ne veux pas paraître négatif) mais j'ai trouvé que tout le débat sur la comparaison de l'aérogare 3 aux aérogares 1 et 2 n'avait absolument aucun sens. C'est tout à fait comme si l'on voulait comparer des pommes et des oranges, un terrain vert par rapport... et la différence tient à la succession des étapes.

Imaginez. Dans cet exemple, il y a... je crois qu'il y a aujourd'hui probablement 13 millions de passagers qui passent dans les aérogares 1 et 2, puis vous vous mettez en tête d'aller remettre ces édifices en valeur. Eh bien, que faites-vous de ces 13 millions de gens? Il vous faut faire bien attention, bien veiller à préserver leur sécurité, leur accès aux portes encore ouvertes, à la propreté, aux questions environnementales. Il y a bien des choses auxquelles il faut penser lorsque vous planifiez des activités de construction dans une aérogare existante; oui, il y a beaucoup de choses auxquelles il faut penser. Dans le cas d'une nouvelle aérogare, il n'y a pas de passagers. Alors ce n'est pas un problème. Alors, sénateur, il est capital de comprendre cela, et notre plan d'exécution graduel était une oeuvre d'art, une véritable oeuvre d'art, et la raison pour laquelle c'en était un, c'est que les gens qui ont réalisé l'aile des vols intérieurs de l'aérogare 2, qui a été réalisée à temps et sans dépasser le budget par NORR et Ellis-Don, de façon distincte de ce module de file d'attente qui a pris deux fois plus longtemps à construire et qui a coûté deux fois plus. Même calendrier; les deux ont été faits, l'un par le secteur privé, l'autre par le secteur public. Ce sont les mêmes gens qui ont administré de façon méticuleuse et fructueuse le déroulement graduel de ce travail. Et vous auriez pu vous promener dans le secteur au moment où cela se faisait, et vous auriez été très étonné de la mesure dans laquelle votre sécurité n'était pas compromise. C'est la technologie que nous appliquions dans notre programme graduel pour les aérogares 1 et 2.

Le sénateur Tkachuk: Laissera-t-on l'aérogare 1 se dégrader au point où cela ne vaudra plus la peine de la réparer?

M. Hession: Eh bien, c'est une question d'opinion. Selon moi, nous en sommes déjà là.

Le sénateur Tkachuk: Ainsi, ce retard pourrait faire en sorte qu'on doive fermer l'immeuble?

M. Hession: Eh bien, oui.

Le sénateur Tkachuk: Il faudrait alors le rebâtir quelque part tandis qu'on utilise les installations dangereuses de l'aérogare 1.

M. Hession: Oui. Cela serait manifestement draconien, du moins c'est certainement ce que penseraient les utilisateurs actuels de l'aérogare 1 qui, soit dit en passant, vous diront (du moins certains d'entre eux le feront) que la situation actuelle ne les dérange pas parce qu'il ne leur coûte vraiment pas cher d'y être, si l'on fait abstraction de la question de la sécurité et des questions connexes. Mais, l'un dans l'autre, est-ce que j'investirais beaucoup d'argent dans l'aérogare 1 aujourd'hui? Ce serait absolument contraire au bon sens de faire cela, alors j'y mettrais le minimum et je commencerais à faire ce que nous avons proposé de faire, c'est-à-dire créer une nouvelle installation à partir de l'aérogare 2.

Le sénateur Tkachuk: Encore une fois, des témoins précédents nous ont beaucoup parlé de capacité, et nous n'en sommes pas encore là, nous n'en sommes pas à la question de la capacité. Vous avez fait une observation intéressante ce matin, lorsque vous avez mentionné un aéroport en Europe où l'on bâtit en fonction de la capacité future. J'ai eu du mal à comprendre ce que disaient certains témoins que nous avons déjà entendus, savoir qu'on ne bâtit pas un aéroport en fonction de la capacité, parce que si vous le faites et qu'il arrive justement à capacité, il vous faut en bâtir un autre ou trouver une façon de lui faire connaître une expansion.

Alors, ce que nous planifions dans le cas de Toronto n'est pas pour l'an prochain ou pour l'année qui suit. Lorsque vous parlez de la remise en valeur des aérogares 1 et 2, vous parlez en fonction de...

M. Hession: Notre horizon de planification était l'année 2006.

Le sénateur Tkachuk: Ça, c'était en 1993.

M. Hession: Eh bien, oui, en 1994, je pense. Je pense que les travaux d'excavation auraient commencé à peine quelques semaines après la signature du contrat, si celui-ci avait été exécuté.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. Vous me parliez de vous-même et des lobbyistes et d'autres choses comme ça, et il y a eu des questions plus tôt à ce sujet. Mais malgré tous ces efforts et toutes vos connaissances, vous n'avez pas toujours réussi à obtenir ce que vous vouliez.

M. Hession: Certainement pas, non. En fait, j'étais fort amusé par les commentaires de Glen Shortliffe et aussi ceux de Mme Labelle, selon lesquels les lobbyistes vont et viennent dans leurs bureaux très souvent et, pourrait-on dire, à une telle fréquence qu'ils finissent, ni plus ni moins, par ne plus s'en apercevoir. Voilà, à mon avis, une observation très juste.

N'oubliez pas que je ne voulais pas faire du lobbying simplement pour l'amour du lobbying. Pour être plus exact, je vendais quelque chose, pour reprendre votre expression; quelque chose qui commence par la détermination d'un besoin qu'avec l'aide de mes experts-conseils professionnels j'étais en mesure de bien définir, et d'une solution pour y répondre. C'est ce que je vendais. Vous savez, je ne crois pas que l'opinion qu'on a habituellement des lobbyistes tient compte de l'intensité et de l'orientation de leurs activités. Peut-être que quelques personnes ici présentes ont une opinion différente. Mais j'exploitais une entreprise et je vendais un service et un produit afin de résoudre un problème qui a besoin d'être résolu, comme tout le monde ici en conviendra sans doute.

Le sénateur Tkachuk: En réalité, vous auriez aimé que la DDP soit faite plus tôt.

M. Hession: Oh, certainement.

Le sénateur Tkachuk: Pour Paxport, le plus tôt était le mieux.

M. Hession: Non, excusez-moi, c'est trop facile à dire. Le problème était déjà important au moment où Paxport a été créé; ainsi, que Paxport ait été là ou non, le problème devait toujours être résolu. Ce n'est pas moi qui suis à la source du problème, il existait déjà.

Le sénateur Tkachuk: Vous auriez aimé qu'aucun concurrent international ne soit appelé à soumissionner?

M. Hession: Eh bien, c'est là une question totalement différente. Encore une fois, je vais faire état de mes antécédents qui sont, tout d'abord, à titre de gestionnaire de l'approvisionnement au gouvernement, pour le compte d'Approvisionnements et Services, et, tout de suite après, à titre de chef de ce qui est maintenant connu comme le ministère de l'Industrie. Les avantages industriels régionaux étaient une importante partie de ma vie. Et j'ai vu maintes et maintes fois les gouvernements qui se sont succédé, quel que soit le parti, dire: "Comment pouvons-nous utiliser nos dépenses d'investissement limitées pour créer au Canada une capacité qu'on pourrait ensuite exporter?" Et je n'avais pas mon pareil pour faire cela. Et les ministres, des deux partis, vous le diront: "C'est vrai, il n'avait pas son pareil pour faire cela." Alors, voilà ce que je faisais, sénateur. Je disais: "Nous avons l'occasion d'instaurer à l'aéroport Pearson une capacité internationale qui nous permettrait de concurrencer les meilleurs au monde." Et lorsque j'ai dit (je ne sais pas si vous l'aviez remarqué) qu'un marché de 55 milliards de dollars pouvait s'offrir à nous dans les années 90. Et dans l'intervalle, la société British Airports qui, comme vous le savez, frappait aux portes ici et là et allait un peu partout dans le pays pour vanter l'excellence de ses services, je ne doute nullement qu'ils sont excellents. L'idée de voir l'Union Jack flotter sur l'aéroport Pearson ne me plaisait pas. Vraiment pas. Je disais: "Nous avons une chance, une seule, de nous débrouiller pour mettre le Canada sur la carte et faire valoir nos capacités à l'échelle internationale."

C'est ce que je voulais faire. Soit dit en passant, certaines gens pensent que c'est une bonne idée, d'autres pas. Certaines gens pensent que la concurrence devrait être tout à fait libre. C'est une opinion, et je crois qu'elle est très sûre compte tenu de tous les autres exemples que j'ai vus au cours des ans, dont je vous ai donné quelques exemples: SNC, Lavalin et ainsi de suite. C'est ce que j'essayais de faire, sénateur.

Le sénateur Hervieux-Payette: Puisque vous parlez de SNC, et que c'est là que je travaillais avant...

M. Hession: Oui, je sais.

Le sénateur Hervieux-Payette: Eh bien, je sais que SNC a eu plusieurs occasions de bâtir des aéroports ailleurs dans le monde. Je me suis arrêtée à quelques-uns d'entre eux. Et je me demande si votre organisation ou les gens avec qui vous travaillez en avaient eux aussi déjà eu l'expérience.

M. Hession: Oui. La réponse est oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Où donc?

M. Hession: Vous n'avez pas oublié que j'avais invité le groupe de l'aéroport Schiphol, qui agissait comme nos principaux conseillers. Voilà.

Le sénateur Hervieux-Payette: D'où viennent-ils?

M. Hession: D'Amsterdam. Ils exploitent l'aéroport d'Amsterdam. De plus, Ellis-Don a construit l'édifice à Toronto. NORR a fait la conception et la gestion de projet relatif à l'aérogare 1.

Le sénateur Hervieux-Payette: Où?

M. Hession: À Toronto.

Le sénateur Hervieux-Payette: D'où provient NORR?

M. Hession: De Toronto. Soit dit en passant, je dois vous dire que j'ai pressenti SNC. J'ai rencontré le président. Nous avons discuté durant un bon moment. Il y avait cet homme de Toronto, était-ce Fenco? Fenco est venu, nous les avons rencontrés. Nous avons tenu un certain nombre de réunions. J'ai déposé la proposition, c'est-à-dire que je leur ai proposé de se joindre à notre groupe, et ils ont refusé. Alors, à tout le moins, nous avons essayé. Ils ont refusé.

Le sénateur Tkachuk: Ainsi, en dépit de tous ces efforts et des lobbyistes, le gouvernement a décidé d'aller à son propre rythme. Pensez-vous avoir fait une grande différence malgré tout cet effort, ou le gouvernement a-t-il, en quelque sorte, continué à traîner de la patte et à prendre son temps pour faire...

M. Hession: Oh non, non. Je ne sous-estime pas l'effet cumulatif de ce que nous avons pu faire. En réalité, il y a eu un appel de proposition. En 1990, j'ai rencontré Ben Swirsky, président et chef de la direction de Bramalea, ainsi que Don Matthews, président et chef de la direction de Matthews Group, et je leur ai dit: "Nous devons nous arranger pour faire trois choses." Premièrement, il fallait prouver au gouvernement que le secteur privé avait une bonne solution de rechange au financement traditionnellement public de l'infrastructure aéroportuaire. Deuxièmement, nous voulions qu'un appel de propositions puisse être lancé. Et troisièmement, nous voulions bâtir une capacité industrielle au pays pour faire la mise en valeur d'aéroports à l'échelle internationale. C'était là nos trois objectifs. Alors, j'ai rencontré ces deux hommes, nous nous sommes entendus, et cela a mené à la proposition non sollicitée que vous connaissez.

Le sénateur Tkachuk: Une fois que vous perdez quelque chose comme ça, dans le contexte de concurrence internationale qui existe, c'est difficile de le récupérer.

M. Hession: Eh bien, en février 1993, c'est-à-dire environ deux mois après l'octroi du contrat à Paxport, on m'a fait l'honneur de me demander d'être le conférencier invité de ce qu'on avait appelé un sommet sur la privatisation, qui devait avoir lieu dans l'ouest des États-Unis. Il y avait là des représentants des autorités fédérales, des États et des localités, dont environ 40 p. 100 s'intéressaient aux aéroports. Il s'agissait des autorités aéroportuaires et d'autres personnes du même genre. Alors j'ai prononcé ma conférence et je me rappelle avoir terminé en répétant à quel point nous étions fiers que le Canada soit le premier à faire quelque chose. Soit dit en passant, je dis "répéter", parce que l'aérogare 3 était une première mondiale, au cas où vous ne le sauriez pas. Jamais il n'y en avait eu une pareille dans le monde. Et, soit dit en passant, je lève mon chapeau à Huang & Danczky, qui sont à bâtir la nouvelle aérogare à Budapest, comme vous le savez peut-être déjà. Tant mieux pour eux. Ils mettent à profit leurs capacités, le savoir-faire qu'ils ont acquis à Toronto, et c'est ce que nous voulons faire.

J'ai conclu mon allocution de la façon suivante: "Surveillez-nous bien, les Canadiens: nous sommes champions du monde au base-ball, et nous sommes les champions du monde pour la mise en valeur d'un aéroport par le secteur privé." Et les gens se sont levés et ont dit: "Alléluia, mon frère."

Le sénateur Kirby: Vous devriez vous présenter aux élections.

M. Hession: Je l'ai presque fait, Michael.

Et, plus tard - la manifestation était parrainée par un organisme appelé la Reason Foundation. Lorsqu'il a appris l'annulation, le président de cette fondation m'a téléphoné, complètement estomaqué. Il m'a dit: "Ray, que s'est-il passé?" J'aurais voulu pouvoir répondre à cette question. Je ne le pouvais pas.

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais revenir à la DDP.

Le président: Sénateur Tkachuk, auriez-vous l'amabilité de...

Le sénateur Tkachuk: À vrai dire, c'est mon dernier point, après quoi j'ai fini.

Nous avons un peu parlé de la question du bail d'Air Canada, vous savez, avec l'option, et Mme Labelle, la sous-ministre, est venue hier nous parler de la DDP et de la question du bail. Saviez-vous qu'il y avait une option? Saviez-vous qu'Air Canada avait une option ou vous l'a-t-on dit au moment où vous avez présenté votre proposition?

M. Hession: Non. L'appel de propositions n'en faisait aucune mention. Il faisait bel et bien mention de l'investissement en capital qu'Air Canada avait fait à l'aérogare 2 et de la mesure dans laquelle il était souhaitable de le reconnaître dans toute transaction qui serait conclue par la suite avec Air Canada. Soit dit en passant, dans notre proposition, nous avons offert 36 millions de dollars à Air Canada, ce qui représentait selon nous le montant non déprécié de leur investissement en capital qui, je crois, était estimé à l'époque à 65 millions de dollars. Mais cet investissement avait été fait sous réserve d'un renouvellement du bail en 1997, et nous y avions appliqué une dépréciation pour le reste du bail, ce qui est une pratique courante.

J'ai appris ce que j'ai appelé le "sandwich d'Air Canada" dans mes remarques en juin, et j'étais franchement horrifié, même si cela jetait beaucoup de lumière sur la dynamique qui avait entouré cette divulgation au mois de juin.

Le sénateur Tkachuk: Savez-vous si Air Canada paye un tarif par passager à l'aérogare 2?

M. Hession: Des miettes.

Le sénateur Tkachuk: Quel montant à peu près? Quelles miettes?

M. Hession: Moins de 2 $ par passager.

Le sénateur Tkachuk: Combien paye la société Canadien pour l'aérogare 3?

M. Hession: Si je me fie à des remarques que m'ont faites les gens de l'aérogare 3, ce serait aujourd'hui probablement moins de 7 $, plus ou moins 50 cents.

Le sénateur Tkachuk: Ainsi, ils payent entre 2 $ et, il y a une différence de, disons, si l'on utilise les nombres extrêmes, de 2 $ et, disons, de 7 $?

M. Hession: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Et je peux vous dire à ce sujet que je pense que, pour n'importe quel passager, par exemple un sénateur qui voyage beaucoup, il n'y a aucune différence entre... il n'y a réellement aucune différence entre les tarifs que je paye comme passager à la société Canadien et ce que je paye à Air Canada.

M. Hession: Si vous vous rappelez, j'ai fait un commentaire là-dessus plus tôt. Le pourcentage du coût, si l'on regarde la structure de coût d'une société aérienne, le pourcentage du coût qu'elle paye pour les installations aéroportuaires est une fraction des coûts totaux qu'elle a à assumer. Alors, je ne suis pas étonné de vous entendre dire ce que vous dites. Pour un passager, la somme est imperceptible.

Le sénateur Tkachuk: Si j'en parle, c'est parce que le sénateur Kirby a mentionné jeudi dernier à ce sujet que nous ne faisions, que ceux qui lancent des appels de propositions ne se préoccupent guère des passagers et que, d'une façon ou d'une autre, ce sont ces derniers qui se retrouvent à payer davantage, et je voulais simplement éclaircir l'argument selon lequel la somme qu'ils payent à la porte ne s'élève pas de façon perceptible ou ne fait pas de différence quant au tarif qu'assume le passager.

M. Hession: Eh bien, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Manifestement, l'amélioration de l'aérogare fait augmenter les coûts, et les tarifs sont plus élevés. Mais le fait que cela se fasse de façon imperceptible est important. Je ne dis pas que cela n'existe pas; cela existe, mais le passager est peu susceptible de s'en apercevoir.

Je crois que l'argument le plus important à propos de ce qu'a dit le sénateur Kirby est que, même si je ne suis pas entièrement d'accord avec la façon dont il résume, qui est fondée sur les rapports fallacieux du ministère de l'Industrie, je dirais...

Le sénateur Tkachuk: Vous n'êtes pas le seul.

M. Hession: Je sais. Cela dit, dans toute cette discussion, on n'a pas tenu compte d'un investissement de 700 millions de dollars. Jamais il n'a été mentionné, ce que je trouve plutôt regrettable.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, je suis désolé d'avoir pris 15 minutes de plus que j'aurais dû, mais j'apprécie d'avoir eu ce temps supplémentaire, et je veux que vous le sachiez. Je tiens à remercier les sénateurs libéraux de m'avoir donné le loisir de le faire. C'est vraiment une grande faveur de leur part.

Le président: Vous n'avez pris que huit minutes de plus. C'est très bon.

Le sénateur Tkachuk: Huit minutes de plus? C'est vraiment bon.

Merci beaucoup, monsieur Hession.

M. Hession: Merci beaucoup, sénateur.

Le président: M. Nelligan n'a pas de questions récapitulatives à poser au témoin. Quelqu'un d'autre en a-t-il une?

Merci beaucoup, monsieur Hession.

M. Hession: Merci, sénateurs. Merci beaucoup.

Le président: Votre témoignage a été très bon et très direct. Je vous en félicite.

Sénateur Tkachuk, à défaut d'autre chose, nous aurons quand même réussi à vider un peu plus l'aérogare 1.

Le sénateur Tkachuk: Ce n'était pas mon intention.

Le président: Chers collègues, nous avons un autre témoin distingué, que je connais bien et que je tiens en haute estime, probablement comme d'autres membres de notre comité.

C'est tout un dossier militaire que vous avez là, brigadier. Je ne connaissais pas cette partie de vos antécédents.

M. David Broadbent, chef négociateur (à la retraite) des accords relatifs à l'aéroport Pearson: Si je puis dire, sénateur, parce que des propos légers peuvent quand même avoir leur place dans une discussion sérieuse comme celle qui nous occupe, je me rappelle la seule occasion que j'ai eue de rencontrer le premier ministre Trudeau après être entré dans la fonction publique. Son attaché politique m'a fait entrer et m'a présenté comme le général Broadbent. Après un moment d'hésitation, j'ai dit: "Eh bien, c'est bien mon titre, mais je ne l'ébruite pas." Je suis revenu à la vie civile.

Le président: M. Nelligan présentera notre témoin de façon plus officielle.

M. Nelligan: Je pense que vous connaissez tous le témoin, mais M. Broadbent, outre sa carrière militaire, a également fait avec distinction une longue carrière dans la fonction publique, en qualité de sous-ministre, et il a pris sa retraite en 1991. Est-ce exact, monsieur Broadbent?

M. Broadbent: C'était en 1992, je crois.

M. Nelligan: En 1992, oui, c'est exact. Il a été appelé à s'intéresser à l'aéroport Pearson en qualité de négociateur spécial, comme Mme Labelle nous l'a dit, en 1993.

(David Broadbent, assermenté:)

Le président: Je crois savoir que vous avez des remarques liminaires à faire.

M. Broadbent: Si le comité le veut bien, monsieur le président.

Le président: Veuillez commencer.

M. Broadbent: Je pourrais dire en guise de préambule que même si je suivrai la structure établie dans mes notes, je ferai également quelques précisions. J'ai regardé le canal CPAC hier, sauf au cours de l'orage qui, ai-je appris aujourd'hui, a suscité un important nombre d'appels à Rogers Television. Alors, vous avez selon moi plus de 100 téléspectateurs.

Je suis ici de mon plein gré, monsieur le président et honorables sénateurs, pour vous aider à disséquer publiquement la transaction concernant la location à long terme des aérogares 1 et 2. Je sais que les témoins ont l'habitude de dire qu'ils sont ravis d'être là, mais je pourrais difficilement dire la même chose compte tenu des procédures que je viens juste de terminer avec le greffier. Je ne suis pas vraiment ravi. Je trouve ça troublant parce que, en cherchant à présenter toute la vérité, je vais être obligé d'aborder certaines questions que je préférerais éviter.

Mais je me rallie néanmoins de tout coeur à votre quête de la vérité, que, j'espère, vous menez au grand jour et sans parti-pris, et je pense que je commencerai par vous dire pourquoi. Ma phrase peut peut-être sembler sortir tout droit d'Alice au pays des merveilles, mais permettez-moi de vous faire part de mon opinion et de la position que j'ai adoptée.

Jamais je n'aurais pris part à toute cette affaire si cela avait voulu dire, tant à l'époque que maintenant, que je n'aurais plus été capable de me regarder dans le miroir lorsque je me rase le matin en sachant que ce que je faisais était bon et que c'était une bonne affaire pour le Canada.

Je dis ça d'emblée parce que, pour être parfaitement honnête avec vous, je... et je sais que je ne suis pas le seul, je sais que le distingué témoin qui m'a précédé pense comme moi, pour des raisons très différentes parce que son rôle était tout à fait différent du mien et qu'il était beaucoup plus important, puisque lui était dans le secteur privé, il pense, disais-je, que notre intégrité a été remise en question, qu'on a, en quelque sorte, méprisé ce que nous avons fait, parce que si cette transaction a été aussi mauvaise que certains l'ont dit, et je crois savoir que l'un des témoins que vous avez interrogés a utilisé le terme "scandaleux". S'il s'agissait d'une mauvaise transaction, qu'avions-nous fait de mal? Où m'étais-je trompé?

Il n'y a pas seulement ça. Je parlerai, j'ai été très fier. Le Canada a été très bon pour moi, qui suis immigrant; j'ai pu faire la carrière que vous savez dans les forces armées et dans la fonction publique. Et je suis très fier de mes années de service au sein de la fonction publique du Canada, qui traverse une période très difficile. Bon nombre de personnes se sont dévouées corps et âme, ont fourni un effort intellectuel à l'appui de ce que le gouvernement qu'ils servaient voulait faire, en toute honnêteté, ils ont travaillé dur, et ainsi de suite, et ils pensent comme moi: "Seigneur, comment les gens peuvent-ils penser qu'il s'agissait d'une mauvaise transaction?" Non. Non. La différence, c'est que ces gens ne peuvent s'exprimer lorsqu'ils viennent ici, pour de fort bonnes raisons. J'ai été un fonctionnaire et je connais le genre de discours qu'on nous sert avant que nous ne comparaissions devant un comité. Comme vous le savez tous, cela m'est arrivé un certain nombre de fois. Il faut s'en tenir aux faits, ne pas spéculer, ne pas exprimer d'opinion, d'accord. C'est le rôle du fonctionnaire. Alors, ces gens ne peuvent rien dire et ne peuvent se défendre, et je suis tout à fait conscient de cela, et, je le dirai maintenant, je suis tout aussi conscient du rôle de certains qui, à mon humble avis, était moindre que celui auquel ils s'attendaient. C'est pourquoi je n'aime pas particulièrement la situation dans laquelle je me trouve.

Mais en comparant les deux choses, la défense de ceux qui servent bien le Canada et à qui l'on doit ce qui (c'était mon avis à l'époque et ça l'est encore) était une bonne affaire pour le Canada, et en la comparant aux dommages qu'on a fait à d'autres personnes, je n'ai absolument aucun doute quant au côté vers lequel mon coeur se porte.

D'accord, après avoir discuté avec votre conseiller, je conclus qu'il serait utile de vous donner certaines notes. Je l'ai fait pour un certain nombre de raisons, tout d'abord parce que j'ai, durant quelque sept ans, je crois, dirigé des réunions du Cabinet et des réunions de comités parlementaires, le Bureau du conseil privé, je crois que les réunions se déroulent mieux lorsqu'il n'y a pas de surprise, et je ne voulais pas jeter de pavé dans la mare aux canards. Par conséquent, je voulais que vous ayez ces renseignements avant ma comparution.

[Français]

Et aussi, j'ai un grand respect pour la Loi sur les langues officielles et pour moi, c'est le respect pour le français de vous donner, par l'entremise du greffier, le rapport dans les deux langues officielles.

[Traduction]

Je pourrais ajouter ici, parce que, tout d'abord, cela pourrait permettre d'éliminer certaines questions et, ensuite, pour une question d'ouverture, que, comme vous l'a sans doute dit Mme Labelle dans son témoignage hier, je lui ai téléphoné, je lui ai dit que je comparaitrais après elle, d'abord pour des raisons de politesse (après tout, j'étais son humble serviteur), mais aussi parce que j'avais préparé une déclaration, et je lui ai proposé de la lui envoyer si elle souhaitait la lire. C'est ce que j'ai fait. Comme Mme Labelle avait accepté, j'ai pensé qu'il serait approprié d'envoyer la déclaration au sous-ministre des Transports, Nick Mulder, et c'est ce que j'ai fait, encore une fois lundi après-midi. Et je l'ai ensuite envoyée à une troisième personne, Bill Rowat, qui devrait arriver cet après-midi et qui devrait comparaître ici demain au moment où vous reprendrez la réunion. Encore une fois, je lui proposais de lire la déclaration pour des raisons semblables, parce qu'il m'avait remplacé comme négociateur en chef et que je croyais qu'il devait savoir ce que j'allais dire, particulièrement du fait qu'il est toujours en fonction, quoique désormais en qualité de sous-ministre à part entière.

J'aimerais souligner aussi que je n'ai pas remis aux sénateurs des exemplaires de la feuille de diffusion qu'a préparée le greffier, je crois que c'était hier.

[Français]

Et puis, quand j'ai noté que madame Hervieux-Payette a cité hier de ma documentation...

[Traduction]

Je tiens seulement à préciser que je n'en étais pas la source. Je ne tiens pas à en faire tout un plat, mais j'espère que vous comprendrez clairement que je n'ai pas donné de traitement de faveur. J'aime à croire que j'ai des amis de chaque côté de la salle.

J'ai conclu que je devais présenter une déclaration liminaire pour un certain nombre de raisons, comme je l'ai déjà dit. Tout d'abord, M. Nelligan m'a dit que... je ne me rappelle pas s'il m'a dit qu'il y avait une vingtaine de volumes de documentation ou qu'il y en aurait 20, et je lui ai répondu: "John, je n'ai pas l'intention d'examiner 20 volumes de documentation. J'en verrais sans doute la plus grande part pour la première fois, et qu'est-ce que je pourrais en faire?"

Il est sûrement préférable que je vous parle de ce que je crois être important et ensuite, que la question soit inscrite au compte rendu ou non, vous savez, vous pouvez me poser des questions et je tenterai d'y répondre, je ferai face au tir, sauf que, comme je le dis plus loin, si vous voulez parler de questions complexes, je ne saurais trop insister sur le fait que, tout d'abord, lorsque j'ai entrepris cette activité, je ne connaissais rien des aéroports, sauf pour en avoir fréquenté quelques-uns dans mes voyages au cours des ans. Dans une conversation avant les réunions, le sénateur Kirby et moi-même constations que nous en avions tous deux appris beaucoup à ce sujet, mais je ne suis pas un expert de la question. Je tiens à ce que cela soit clair. Alors, si vous souhaitez entrer dans les détails ou discuter de questions complexes, j'aimerais m'entourer de l'équipe que je décrirai plus tard et qui travaillait avec moi au ministère des Transports. Des experts pourront donc répondre à vos questions, pas isolément, mais en équipe.

Néanmoins, j'ai bien sûr relu les documents que j'avais en ma possession, comme vous l'avez probablement lu dans mes notes. À la demande du ministère de la Justice, j'avais auparavant remis ces documents à l'avocat principal du ministère à qui avait été confié le litige au sujet de l'annulation du contrat.

Permettez-moi d'ajouter ici un commentaire, parce qu'un fait a été mis en lumière ce matin dans le témoignage de mon bon ami Ray Hession. J'ai bel et bien parlé à Ray Hession, et les circonstances de cet échange étaient les suivantes: j'ai eu un appel (en fait, j'ai eu deux appels à peu d'intervalle) de cabinets juridiques privés installés dans l'édifice du bureau de poste, du moins c'est ce qu'il m'a dit, qui travaillaient pour le ministère de la Justice sur vos livres et sur la comparution des témoins et ainsi de suite, et ils ont dit qu'ils aimeraient me voir. Je leur ai demandé quel rôle ils jouaient, et ils m'ont dit qu'il consistait à compiler des documents et à interroger des témoins, à leur parler du témoignage qu'ils feraient, et ainsi de suite, de façon à leur permettre de conseiller le ministère de la Justice sur la façon de traiter la question.

Alors je leur ai répondu: "Un instant, j'aimerais qu'une chose soit claire. Vous voulez que je vienne vous dire en quoi consistera mon témoignage, que je parcoure tous vos livres, ou que je vous fasse particulièrement savoir en quoi consistera mon propre témoignage, alors que le ministère de la Justice sait déjà cela. L'avocat principal du ministère de la Justice le sait." J'ai ajouté que cela équivaudrait certainement à perdre mon temps. Alors nous avons laissé faire. Je n'y suis pas allé.

Pour en revenir à l'argument présenté ce matin par M. Hession, je lui ai téléphoné et je lui ai dit: "Avez-vous eu un appel de convocation de la part du cabinet juridique privé installé dans l'édifice du bureau de poste?" Il m'a répondu non, mais il voulait en savoir plus. Alors je lui ai tout raconté et, évidemment, j'ai fait part de cette information au conseiller ici présent.

Le président: S'agissait-il de cabinets juridiques privés dont le ministère de la Justice aurait retenu les services?

M. Broadbent: C'est ce qu'ils ont dit, oui.

Ma déclaration préliminaire vise à vous décrire en gros les faits qui étaient importants, me semble-t-il, au moment où j'avais un rôle à jouer. Ce moment allait du 15 mars au 17 juin; du moins c'est la période pour laquelle j'ai été payé.

Comme je l'ai dit auparavant, je souhaite que, grâce à cette mise en situation, vous serez en mesure de juger quels aspects de cette affaire fort complexe il y aura lieu d'approfondir. Plus tôt ce matin, au cours du témoignage de M. Hession, vous avez discuté de la documentation, et cela m'a rappelé un épisode de la série Yes Minister, où le ministre dit à Sir Humphrey: "Oh, Humphrey, il faut me donner accès à toute l'information." Et Humphrey de retourner chez lui le soir avec une pile de dossiers (les Britanniques les appellent des coffrets); toute la nuit, il les passe religieusement en revue comme tout bon sénateur qui travaille tard le soir, et ce n'est que lorsqu'il arrive au fond du douzième qu'il trouve vraiment le document qu'il cherche. Je veux dire par là qu'on peut avoir des problèmes à se fier uniquement à des dossiers de papier.

Il y a une autre raison pour laquelle je pense que je devrais parler. C'est à cause du chien qui n'a pas jappé. C'est cela, le chien qui n'a pas jappé. Au cours du lunch, j'ai cherché à savoir combien de personnes connaissaient cette allusion qui, j'en suis sûr, n'a pas de toute façon d'équivalent idiomatique en français. Alors si vous le voulez bien, sans vouloir faire étalage de mes connaissances littéraires, ce qui jouerait certainement contre moi, je vous dirai que cela vient d'une histoire de détective, pour ceux d'entre vous qui l'auraient oubliée, où l'élément important était le fait que le chien n'avait pas jappé. Je pense que c'est Sherlock Holmes qui en a déduit que si le chien n'avait pas jappé, c'est qu'il connaissait bien la personne présente dans la maison. Mais c'est bel et bien le fait que le chien n'ait pas jappé qui lui a permis de résoudre l'affaire.

Eh bien, il y a selon moi beaucoup de chiens qui n'ont pas aboyé dans l'histoire qui nous occupe, et je vous parlerai de certains d'entre eux.

Au risque de paraître vaniteux, je commencerai par vous parler de moi et du rôle que j'ai joué dans l'affaire, parce qu'il est un peu inhabituel pour un vieux retraité comme moi (à vrai dire, pour quiconque de l'extérieur) d'être appelé à faire ce genre de travail. Et puis, évidemment, vous avez eu le témoignage de Mme Labelle, auquel je tenterai d'ajouter.

J'expliquerai ensuite la tâche que j'ai accepté de mener à bien, les éléments clés de la situation dont j'ai hérité, et la stratégie choisie, dont une partie m'a été imposée par mes prédécesseurs, l'autre étant de mon propre cru. Cela va m'amener à passer rapidement en revue le genre de questions dont je devais m'occuper. Et si vous voulez en savoir plus sur cette question, eh bien j'aurai besoin d'aide. Enfin, je vous ferai un compte rendu de la réunion que j'ai eue avec M. Robert Nixon.

Comme je l'ai déjà dit, j'ai remis au greffier, dans les deux langues officielles, une courte biographie datant de l'époque où j'étais sous-ministre des Affaires des anciens combattants. Depuis ma retraite en 1992, j'ai accepté à l'occasion, par l'entremise de mon entreprise personnelle, des projets pour des hauts fonctionnaires fédéraux: deux pour la Défense nationale, un petit pour Parcs Canada et, bien entendu, le contrat pour Transports Canada, qui vous intéresse.

J'ai eu une autre tâche permanente importante dans le secteur privé, jusqu'ici sans rémunération, qui consistait à aider, principalement par une modélisation informatique, une toute nouvelle entreprise appelée CanTalk, de Winnipeg, qui espère, grâce à une alliance avec Manitoba Telephone System, offrir des services de traduction et d'interprétation par télécopieur et par téléphone. Si je le mentionne, c'est parce que je n'ai aucune relation commerciale et que je ne fais pas d'affaires avec quiconque est en relation ou a été en relation avec l'aéroport Pearson et ce qui l'entoure.

J'ai reçu un appel téléphonique de Huguette Labelle au tout début du mois de mars 1993 (je ne pourrais vous donner la date exacte), qui voulait savoir si j'étais intéressé à cela, et j'ai soulevé d'emblée des obstacles possibles. Premièrement, j'étais (et je demeure) un ami de Ray Hession. Nous sommes membres du même club de golf, tout comme John Nelligan et le premier ministre. Je dirais que nous sommes en bonne compagnie. Nous jouons au golf ensemble, et ainsi de suite. Et, bien sûr, je connaissais Ray depuis un certain nombre d'années. Mme Labelle a répondu qu'elle était elle-même une amie de Ray. Elle avait été sous-ministre en même temps que lui et se disait certaine que notre amitié ne nuirait absolument pas à mon objectivité ni à la sienne. Je lui ai dit qu'elle avait tout à fait raison, mais j'ai souligné que j'avais mentionné ce fait d'emblée parce que je ne voulais pas courir le risque que quelqu'un vienne plus tard m'accuser de favoritisme.

Il y a une deuxième question que je pense devoir aborder: j'étais encore soumis à la politique du Conseil du Trésor sur la réduction des honoraires des anciens hauts fonctionnaires. Je suis sûr que vous ne vous êtes pas intéressés à en savoir les détails, mais elle a pour principal objectif d'empêcher que des gens qui démissionnent une journée puissent reprendre le même emploi en sous-traitance; cependant, cette politique fait l'objet d'une interprétation plus large selon laquelle, dans un cas comme le mien, je n'aurais reçu qu'une maigre rémunération sous forme d'indemnité quotidienne pour les contrats qui ne sont pas soumis à un concours.

Alors j'ai dit à Huguette: "Si vous ne pouvez m'obtenir une dispense, cherchez quelqu'un d'autre." Elle était convaincue de pouvoir en obtenir une.

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Ce n'est pas de gaieté de coeur que je vous révèle toutes ces informations personnelles, mais je pense que je dois le faire. Le Conseil du Trésor a fini par approuver le contrat, mais, pour une raison que j'ignore, en recommençant la période de 12 mois à compter de l'échéance de mon contrat avec le ministère des Transports. Bien franchement, cette situation ne me plaisait pas énormément et m'a appelé à écrire, mais en vain, à quelques présidents du Conseil du Trésor.

Si j'apporte cette précision, c'est pour une seule et unique raison: ce n'est certes pas pour plaider en vue d'obtenir l'appui de cet auguste organisme, mais pour montrer (au cas où certains entretiendraient le soupçon que j'ai agi pour le compte du gouvernement d'alors) que je n'étais pas de connivence avec lui.

Au cours de ces discussions préliminaires au téléphone, Mme Labelle m'a expliqué le dossier et le rôle de négociateur en chef qu'avait joué Ran Quail, qui n'a pas encore comparu ici et qui était sous-ministre associé avant d'être promu au poste de sous-ministre du ministère des Travaux publics d'alors.

Mme Labelle m'a dit qu'elle n'avait pas le temps de s'occuper elle-même de la gestion de ce dossier et qu'elle ne pouvait pas non plus le transmettre au sous-ministre adjoint (Aéroports) parce que pour le ministre, M. Corbeil, ce serait inacceptable. Elle avait donc besoin d'aide.

J'ai accepté son offre et je me suis mis presque immédiatement au travail le 15 mars. Bien sûr, aucun contrat n'avait encore été établi, mais les parties agissaient de bonne foi. Et avec le temps, j'ai pu voir que la tâche consistait à mener des négociations en vue de conclure au plus tard à la fin de 1993 (c'est-à-dire en moins de trois mois) un bail foncier et un contrat d'aménagement.

Je vais maintenant vous exposer les éléments clés de la situation au moment où j'ai commencé mon travail de "gestionnaire-conseil", comme Huguette et moi avons finalement décidé de l'appeler. Le consortium Paxport (et vous voudrez bien me pardonner, monsieur le président, de vous contredire à ce sujet), Paxport, donc, n'avait pas été déclaré vainqueur. Sa proposition était jugée la meilleure, mais la capacité financière et d'autres détails, y compris l'effet d'une transaction sur les intéressés, devaient être réglés avant les négociations officielles. Vous savez déjà cela, mais je crains que les journalistes ne s'entêtent à ne pas comprendre.

Une conséquence importante de cet état de fait que les témoignages n'ont pas révélée, à ma connaissance (peut-être l'avez-vous dans certains documents, je ne sais pas), c'est que l'offre de Claridge était toujours sur le tapis. Ainsi Claridge avait une position de repli si tout le reste devait échouer.

Bon. Je n'entrerai pas dans les détails parce que vous êtes des gens intelligents et que vous pouvez facilement deviner l'effet que ce genre de situation peut avoir sur tout le reste. L'offre de Claridge demeurerait sur le tapis, même si elle était réputée avoir été mise de côté, et elle y demeurerait tant et aussi longtemps que Claridge ne la retirerait pas ou tant qu'un "vainqueur" n'aurait pas été choisi.

Vous avez parlé quelque peu de la question de la capacité financière. Elle était clairement capitale à cette étape et comportait un certain nombre de volets que vous auriez, à mon avis, intérêt à connaître. Tout d'abord, le bailleur de fonds jugerait-il la capitalisation de Paxport suffisante pour accepter de financer le réaménagement? Ensuite, tous les membres du consortium Paxport allaient-ils augmenter leur part de la mise de fond requise pour qu'il y ait capitalisation?

Enfin, quelle était la solidité financière du groupe Matthews étant donné tout ce qu'on entendait dire dans le milieu sur la situation périlleuse dans laquelle se trouvaient les promoteurs immobiliers? La question a pris d'autant plus d'importance que Deloitte & Touche, en la personne de M. Paul Stehelin, que je tiens en très haute considération, a découvert l'existence d'un prêt de 20 millions de dollars consenti à Matthews par Allders, à des fins de capitalisation, peut-on croire, et cela a évidemment soulevé un problème totalement différent qu'il fallait tôt ou tard régler: était-il acceptable qu'Allders, une société ayant un bail pour des magasins hors-taxe à l'aéroport Pearson, et, je crois, dans un grand nombre d'autres aéroports, détienne directement et indirectement une part aussi grande de Paxport? La question devait être réglée, et elle l'a été.

De plus, vu la piètre situation financière de l'industrie du transport aérien, dont vous ont parlé d'autres témoins, est-ce que les compagnies aériennes, surtout Air Canada à cause de sa prédominance à l'aérogare 2, auraient les moyens de payer le loyer ou les charges terminales considérablement plus élevées que Paxport envisageait dans son offre, ou accepteraient-elles de le faire?

Cependant, la situation évoluait de manière à atténuer certaines de ces inquiétudes. Paxport et Claridge, vous le savez, se sont liguées pour former une entreprise appelée Mergeco, et vous avez parlé ce matin des dates de création de cette société. J'ignore comment les deux sociétés en sont arrivées à cette décision. Mais, comme Mme Labelle l'a dit dans son témoignage hier, elle et moi avons assisté à une série de réunions, presque chaque semaine, je crois, dans la salle du conseil de Glen Shortliffe qui, évidemment, était secrétaire du Cabinet et greffier du Conseil privé, auxquelles assistaient des représentants officiels du BCP, en général Bill Rowat, qui a fini par reprendre ce dossier, du Conseil du Trésor, soit Ian Clark ou, plus souvent, Mel Cappe, maintenant sous-ministre. À l'époque, Mel Cappe était sous-secrétaire des opérations. Et je crois qu'il y avait presque toujours un représentant du ministère des Finances, en général Mike Francino, un bon ami à moi.

Dès la première réunion, il était évident que la Couronne avait une stratégie, qui consistait à tirer profit des avantages de l'offre de Paxport, laquelle avait été jugée préférable non seulement pour les avantages monétaires que procurerait un meilleur rendement pour la Couronne, mais aussi pour les qualités plus grandes de la proposition de développement, garantie par "la bourse bien garnie de M. Bronfman", comme l'a dit quelqu'un. Je ne sais pas quels en auraient été les mécanismes. C'était la stratégie de la Couronne, et elle a fonctionné. Je ne veux pas qu'on m'en attribue le crédit.

Je tiens également à souligner que, très peu de temps après cela, je suis désolé de ne pouvoir vous donner de date précise. Je suppose que j'aurais dû tenir un journal, mais j'étais trop occupé pour prendre des notes à la fin de la journée. En compagnie d'un haut fonctionnaire du BCP, Mme Labelle et moi-même sommes allés rencontrer MM. Don Matthews et Charles Bronfman dans un hôtel à Ottawa. Peter Coughlin, de Claridge, y était aussi. Nous nous étions réunis pour tenter de découvrir si la fusion des deux entreprises se produisait réellement, et qui pouvait mieux nous répondre que leurs deux dirigeants? Ils ont confirmé ce que nous avions entendu, et ils ont eu quelques autres commentaires selon lesquels... c'est drôle de voir à quel point certaines choses se fixent de façon permanente dans notre esprit tandis que d'autres s'effacent après quelques années. Mais deux choses m'ont alors frappé, et je crois qu'elles pourraient vous intéresser.

L'une était une remarque faite par M. Charles Bronfman vers la fin de la réunion. Il a dit que, pour lui, le réaménagement de Pearson n'était pas une transaction comme une autre; il voulait que Pearson soit un aéroport où, dans l'avenir, ses petits-enfants pourraient atterrir en étant fiers de cet aéroport qui donne à tant de touristes leur première impression du Canada.

Comme M. Bronfman a la réputation d'être un homme d'affaires intègre et un philanthrope (comme le savent sans doute les membres du comité), ses commentaires m'ont remonté le moral: enfin quelqu'un qui avait une vision du Canada qui dépassait les simples questions matérielles.

L'autre renseignement important dévoilé à cette réunion, d'une nature différente, est venu de M. Don Matthews, qui a parlé au cours d'une discussion à bâtons rompus de la relation avec Air Canada. Essentiellement, il a dit: "Nous avons rencontré les représentants d'Air Canada, mais les résultats n'ont pas été probants. Air Canada a laissé entendre qu'elle était convaincue, étant la principale intéressée, de détenir un droit de veto sur ce projet." Sans reprocher à Air Canada une telle position de négociation, si tant est qu'elle l'eût, il a affirmé que si le gouvernement voulait conclure l'affaire et qu'il lui fallait négocier avec Air Canada, il allait avoir besoin d'aide, parce que, pour le moment, Air Canada ne semblait pas intéressée à traiter avec le gouvernement.

Comme on le sait maintenant, le volet Air Canada devait indubitablement être le facteur déterminant d'une situation extrêmement compliquée.

Un déjeuner avec M. Barbeau a constitué une autre de mes toutes premières réunions d'importance. Il a été très franc avec moi, ce que j'ai beaucoup apprécié. Il m'a dit que, selon lui, on me demandait l'impossible et que j'aurais besoin d'un délai beaucoup plus long pour conclure les négociations que celui qu'on m'avait accordé.

Je l'ai assuré de deux choses: premièrement, je présenterais mes conclusions sans tarder si je me rendais compte qu'il était impossible d'en arriver à un accord; deuxièmement, un problème dont j'ai déjà parlé et auquel je reviendrai avant de terminer, qu'il était hors de question de conclure quoi que ce soit à tout prix. Pour qu'il y ait un marché, il faudrait qu'il soit avantageux, sinon nous allions nous en passer.

Ce déjeuner m'a laissé songeur. Était-il vraiment impossible de réaliser en moins de trois mois ce qui, de l'avis de M. Barbeau, je ne suis pas sûr du chiffre qu'il a dit, mais j'ai 18 mois dans mes notes, mais ce pourrait être un autre chiffre. C'était certainement beaucoup plus de trois mois.

Comme vous le savez, il m'avait été donné de gérer quelques "revirements"; la Commission Spicer, puis la Commission Castonguay-Dobbie, devenue par la suite la Commission Beaudoin-Dobbie. Mais lorsqu'on commence à s'occuper de ces choses, on ne sait jamais comment elles vont tourner, je peux vous le garantir.

Je savais que pour espérer réussir, j'avais besoin d'une petite équipe de gens très compétents et tout à fait dévoués, qui n'hésiteraient pas à y consacrer leur temps et leur énergie. J'avais aussi besoin d'un accès sans réserve à la sous-ministre, de façon à ne pas m'avancer indûment dans les négociations. J'avais également besoin d'une réponse quasi immédiate aux questions posées, surtout de la part du Groupe des aéroports, où se trouvaient les spécialistes des questions très techniques.

Huguette Labelle a accepté toutes mes conditions, m'a installé dans un bureau situé au bout du corridor qui menait au sien, qu'occupait auparavant le sous-ministre associé, Ran Quail. Elle m'a aidé à rassembler mon personnel. Elle m'a donné la permission de l'appeler n'importe quand. Je crois qu'elle conviendrait que nous avons eu d'excellentes relations de travail, et que rien de ce qu'elle a dit hier ne viendrait attester du contraire.

J'ai rassemblé une équipe formidable. Au début, j'ai pensé que M. Wayne Power, qui est déjà venu témoigner ici, devait être mon assistant immédiat étant donné ses fonctions (il était chargé des travaux sur le projet de réaménagement à Toronto), mais il a refusé l'affectation. Je ne lui ai pas demandé pourquoi, alors ne me le demandez pas non plus. Je savais une chose. Je ne voulais pas engager quelqu'un contre son gré, quelqu'un qui n'aurait pas accepté avec enthousiasme de se joindre à notre équipe, mais je dois dire qu'il s'est néanmoins engagé profondément dans les négociations par la suite.

J'ai eu la chance de recruter M. Keith Jolliffe, du Groupe des aéroports, qui a été mon bras droit. Je ne l'avais jamais rencontré auparavant. Il s'était occupé de l'évaluation des propositions et, comme il avait déjà travaillé dans l'entreprise privée et qu'il avait été vice-président à Postes Canada, il m'a aidé à enjamber tous les fossés qui séparent les fonctionnaires des gens d'affaires. Il s'est avéré être un homme plein d'énergie, d'une intégrité irréprochable et d'un grand courage. Il a participé au projet presque du début à la fin, ayant travaillé ensuite pour M. Bill Rowat, qui m'a remplacé dans les négociations. Ainsi, personne ne connaît le projet mieux que lui, du moins à mon avis. Si le comité souhaite me poser plus tard des questions détaillées, j'aurai sans doute besoin de son aide, ainsi que celle d'autres personnes. D'ailleurs, le mieux serait que le comité songe à le convoquer lui-même comme témoin.

M. Don Dixon, de la direction des finances du ministère des Transports, travaillait avec M. Jolliffe. Il travaille maintenant dans un autre ministère, mais je crois savoir qu'il a déjà comparu devant le comité. Il a travaillé en étroite collaboration avec M. Paul Stehelin, de Deloitte & Touche, lui-même solide comme un roc, tout en concevant et en faisant marcher un système pour suivre des problèmes jusqu'à leur résolution parce que, comme je vous l'expliquerai plus en détail dans un moment, les questions dont il fallait s'occuper étaient d'une grande complexité et il nous a fallu mettre sur pied un système complexe pour pouvoir les traiter sans dépasser le délai de 12 mois.

Parmi les autres personnes engagées, on retrouvait Mme Mara Lee McLaren, qui était notre analyste, et Dieu sait qu'il nous en fallait une compte tenu de tous les chiffres qu'il fallait traiter et du nombre de portes qu'il fallait prévoir si l'on faisait ceci ou si l'on faisait cela. Mme Judy Boulay, aussi du Groupe des aéroports, était mon adjointe particulière. Ces personnes, plus une secrétaire nommée Christina Richichi, constituaient le noyau de l'équipe. Je n'aurais pu trouver de meilleurs collaborateurs.

De même, je n'ai que des éloges à faire au sujet des avocats affectés aux Transports par le ministère de la Justice et dirigés pa Me Bob Green et son alter ego, Me Jacques Pigeon. De judicieux conseils en droit commercial nous ont été prodigués presque à temps plein pendant de longues périodes (de concert avec les avocats de la Justice) par Me Gordon Dixon, de Cassells, Brock, auquel s'est joint Me Don Guthrie, c.r., dans les premiers moments critiques.

La stratégie de négociation qu'a acceptée Mergeco consistait à faire avancer les choses en parallèle le plus possible. N'oubliez pas que nous ne pouvions entreprendre des négociations officielles parce qu'il fallait d'abord s'occuper de la capacité financière alors ce que j'appelais les pierres d'achoppement, les éléments qui empêchaient les affaires d'être conclues ou la capacité financière d'être réglée seraient débattues à la table centrale que je présiderais. Mais nous avons constitué en même temps un certain nombre d'autres tables pour discuter des affaires relatives au personnel, aux opérations et à la technique, ainsi qu'aux avantages pour l'industrie, quoique un peu plus tard. Pour gagner du temps, on a pensé que les participants à ces tables feraient avancer les choses le plus possible sans formalité, ce qui constituait en réalité un euphémisme pour décrire les négociations; il leur fallait faire avancer les choses le plus possible sans formalité et renvoyer tous les problèmes insolubles à la table centrale. Évidemment, on voulait qu'au moment d'entamer les négociations officielles, toutes ces choses aient déjà été réglées, ce qui nous permettrait d'aller plus vite.

Nous avons aussi fait une autre chose, qui fera, j'en suis sûr, frémir tous les avocats ici présents: nous avons décidé que la rédaction des textes juridiques se ferait en parallèle. Bien sûr, cela coûtait plus cher, les ressources juridiques sont onéreuses, mais, une fois encore, nous souhaitions faire tout notre possible pour que les choses soient faites à temps.

Pour clore cette partie, permettez-moi de souligner deux choses: premièrement, la stratégie a été efficace; pas parfaite, mais efficace. J'aimerais profiter de l'occasion pour féliciter les gens du groupe chargés des questions de personnel. Ray Hession dit qu'il était de l'autre côté de la table. M. Daniel Paris et son équipe de fonctionnaires des Transports préposés au personnel ont accompli un travail remarquable. Ils étaient l'un des groupes qui ont terminé leur tâche avant l'échéance prévue, malgré quelques questions très difficiles. Les employés chargés des finances et des communications au ministère ont fourni un effort comparable.

De plus, je tiens à exprimer ma gratitude à M. John Desmarais, du Groupe des aéroports, qui ne travaillait pas à temps plein avec le groupe, mais qui a participé aux difficiles négociations, pour ses conseils avisés, sa participation impartiale aux négociations et sa créativité.

J'ai bien fait valoir dès les tout débuts (c'est la troisième fois que je le mentionne) que tout marché conclu devait être au-dessus de tout soupçon et capable de soutenir l'examen le plus minutieux. Certaines des choses que nous avons négociées l'ont été dans cet esprit. Par exemple, à une certaine étape appropriée, j'avais persuadé Pearson Development Corporation de rendre public l'organigramme très complexe qui avait été établi. Ne me demandez pas de l'expliquer. Je ne l'ai jamais compris totalement. La raison pour laquelle je l'avais fait, c'est que la relation qui unissait Claridge, Mergeco et les autres participants de l'aérogare 3 susciterait toutes sortes de questions et que c'était une manifestation de bonne foi de leur part de le publier pour que des membres importants de la communauté financière, ou simplement les gens qui sont amateurs de ce genre de choses, puissent le consulter et faire état de tout problème qu'ils pourraient y voir.

Cela n'était pas attribuable à la seule participation des fonctionnaires. Je pense que si vous en parliez à Paul Stehelin ou à Gordon Dixon, qui ont, comme je l'ai dit, été membres à temps plein de l'équipe durant de longues périodes, je pense qu'ils vous diraient que cette affaire était dans l'intérêt du public.

Le dernier point que nous avions en tête même si, bien franchement, il n'était pas si important, parce qu'il n'a pas changé grand-chose, c'était que le gouvernement souhaitait que toute entente conclue soit transférable à une AAL si le gouvernement en décidait ainsi.

Les développements clés: à ce sujet, comme je l'ai déjà dit, je serai bref. Je vais me contenter de souligner la nature de certains des problèmes les plus épineux qu'il a fallu régler, pour vous donner une idée de ce qui devait être fait. J'ai déjà mentionné celui de la capacité financière. Tandis que Mergeco cherchait à s'organiser, le gouvernement se préoccupait de minimiser l'impact initial sur les compagnies aériennes et d'amener Mergeco à absorber les coûts pendant quelques années au moins. Mergeco était réticente à le faire. Ses représentants disaient: "Si vous voulez favoriser la société aérienne, vous devrez couper sur le loyer au sol." Je leur ai répondu: "Je ne pense pas qu'aucun gouvernement ait envie de faire cela parce qu'il doit être impartial envers les sociétés aériennes et que cela pourrait être considéré comme une quasi subvention à l'une d'entre elles."

En bout de ligne, on a fini par établir une entente complexe qui a permis de résoudre ce problème. Toute la question du volume des passagers, qui...

[Français]

...que vous avez abordé ce matin...

[Traduction]

... vous avez abordé aujourd'hui cette question très complexe. La question de l'achalandage nécessaire à la mise en branle des étapes de développement... parce qu'il est devenu clair que la capacité financière... on ne pouvait bâtir un immeuble, le promoteur ne le voulait pas, à moins d'être capable d'obtenir un certain rendement pour couvrir les dépenses et payer les prêteurs.

L'achalandage acceptable selon Mergeco, puisque c'était Mergeco à cette étape, était plus élevé que selon le ministère des Transports. Cela n'est pas étonnant, je crois. Il n'est pas étonnant non plus que Mergeco ait voulu la garantie qu'un futur gouvernement ne dérouterait pas le trafic vers un autre aéroport, ce qui aurait pour effet de faire chuter le nombre de passagers en-deçà des niveaux prévus, au moment d'entreprendre la dernière phase de l'aménagement; en d'autres termes, que le volume de passagers ne serait pas moindre que prévu et que le trafic ne serait pas détourné.

Il s'agissait là d'une question très épineuse. Et si vous y pensez une minute, vous verrez facilement pourquoi. Vous ne pouvez diminuer le nombre de passagers. Si vous voulez aller de l'avant, peu importe si vous voulez ouvrir un nouvel aéroport ou envoyer quelqu'un à Hamilton, bon Dieu, il vous faut déplacer une société aérienne. Mais elles ne veulent pas que certains de leurs vols décollent d'un endroit et les autres, d'un autre. Alors, la question des chiffres est délicate. D'accord? Cela n'a pas été facile, mais nous avons réussi à trouver quelque chose.

Les préoccupations environnementales et la question de savoir qui serait responsable des vices cachés se sont avérées des problèmes épineux, qui ont traîné encore et encore. On a exigé et obtenu l'assurance qu'une seule personne morale administrant les trois aérogares ne serait pas en butte à la politique de la concurrence. Comme Mme Labelle en a parlé dans son témoignage hier, je ne ferai qu'ajouter quelques commentaires supplémentaires.

Oui, c'est vrai, les parties avaient été invitées à communiquer avec les gens de la politique de la concurrence. Manifestement, en qualité de négociateur en chef, je devais savoir si cela poserait problème. Alors, j'ai téléphoné à notre amie et ex-collègue, Janet Smith, au ministère de la Consommation et des Affaires commerciales, et je lui ai dit: "Je sais que la politique de la concurrence est indépendante, mais pourriez-vous me confirmer les faits suivants: a) quelqu'un s'en occupe; b) quelqu'un s'en occupe rapidement; et c) j'aimerais que quelqu'un me téléphone si cela semble poser problème." C'était là toute mon intervention et, évidemment, les gens de la politique de la concurrence ont fini par me répondre: "Non, tout est correct."

Mes notes écrites n'abordent pas une question qui s'est faite jour, et je serais peut-être mieux d'en parler tout de suite. La question a été soulevée, j'en suis presque sûr, par un membre du groupe des aéroports, qui voulait savoir si les écarts par rapport à la proposition de Paxport, tant en ce qui concerne le fait que Paxport n'était pas le seul soumissionnaire à Pearson, et que Claridge avait aussi présenté une proposition, d'une part, et, d'autre part, que Paxport avait modifié sa proposition, si ces écarts étaient suffisamment importants pour avoir rendu la proposition non conforme. Mme Labelle et moi-même avons soulevé cette question dans une des réunions avec Glen Shortliffe et le Conseil du Trésor, et M. Shortliffe avait ordonné au Conseil du Trésor d'étudier cette question immédiatement, de faire en sorte que les défenseurs de l'impartialité du processus d'octroi des marchés l'étudient. D'après ce que je me rappelle, ils sont venus nous voir, ont étudié la DDP et tout le reste. Et, évidemment, même si je tiens à souligner que ces gens ne prendraient pas la décision à la place du ministre du Conseil du Trésor, ils en sont les conseillers, et quand il y a des questions très techniques comme celle-là, leur avis est, vous savez, normalement respecté. Alors, sur ce plan, ils ont déclaré que la DDP ne posait pas de problème.

Il a fallu s'entendre sur un taux de rendement raisonnable. Et les médias se sont jetés sur cette affaire, vous savez, ce bail très long. À mon humble avis, tout ça est un peu illogique pour les raisons suivantes: Pearson a besoin de réparations dès maintenant. Vous en parliez ce matin. Vous le savez.

Sans être précis, on peut être presque certain que si on l'avait fait, dans 20 ou 25 ans, quelque chose d'autre devra être fait sans quoi vous ne respecterez plus les normes mondiales. Cela suppose, vous le savez, une levée de fonds; il faut décider ce qui sera fait et tout le reste, particulièrement si l'on veut respecter l'engagement de M. Bronfman de faire de l'aéroport Pearson une installation de classe mondiale.

Et j'aimerais ouvrir une parenthèse ici, parce que Charles Bronfman, comme nous tous, ne vivra pas éternellement. Il peut y avoir des changements de propriétaire. Et nous devions prévoir certaines dispositions pour nous assurer qu'un changement de propriétaire ne se traduirait pas par des effets néfastes. Mais comment pouvions-nous garantir cet engagement et l'intégrer aux modalités de ce long bail?

Eh bien, j'ai eu une idée là-dessus. Essentiellement, cela consistait à donner à la Pearson Development Corporation la responsabilité d'embaucher un entrepreneur indépendant, qui aurait les compétences voulues pour établir les normes de ce qui constitue de nos jours une installation de classe mondiale. Nous pouvons tous en imaginer certains éléments: combien il peut y avoir de sièges dans un secteur donné, et ainsi de suite. Ce même entrepreneur, ou un autre entrepreneur indépendant, aurait à vérifier périodiquement le respect des normes. S'il constatait des lacunes, on disposerait du temps voulu pour corriger la situation. L'entrepreneur indépendant, ou les autorités de l'aéroport Pearson par son entremise, devrait mettre à jour périodiquement les normes, parce que ce qui constitue une norme de classe mondiale évolue selon la taille des aéronefs et toutes sortes d'autres modifications matérielles ainsi que selon les attentes des passagers.

Alors, tout cela était théorique, mais nous avions là les fondements de quelque chose de très important.

Je vais vous donner un exemple. Peter Coughlin, de Claridge, manifestait un brin de nervosité à ce sujet parce que, bien franchement, cela coûterait beaucoup d'argent. Jack Matthews s'en est aperçu très vite et lui a dit: "Nous devrions aller de l'avant, Peter", parce qu'il pouvait voir que si, grâce à son aménagement, l'aéroport Pearson pouvait devenir un aéroport de classe mondiale, que cela permettrait de prédire, comme l'a mentionné Ray Hession ce matin, que Claridge pourrait ainsi renforcer sa mise en marché outre-mer pour la construction d'autres aéroports. Et si, en plus, cela vous permettait de dire: "Nous avons des normes que vous pouvez vérifier vous-même pour vous assurer que les gens continuent à administrer l'endroit", cela vous aurait permis de renforcer cet argument de mise en marché, comme vous pouvez le voir. Alors c'est ce que nous avons proposé, avec le soutien de la sous-ministre, dont la position a prévalu sur l'opposition du Groupe des aéroports.

J'espère que mes propos vous donnent une idée de l'ampleur et de la complexité de la plupart des grands problèmes. Je crois savoir que presque tout le fruit des négociations menées durant mon mandat se trouve dans l'entente définitive négociée par Bill Rowat. Je ne pense pas que j'ai eu à refaire quoi que ce soit. Sur certains points, nous avons fait figure de pionnier, mais nous n'avions réellement produit aucun résultat concret et, évidemment, Bill a eu une autre question très difficile à régler qui concernait, bien sûr, Air Canada, et j'y reviendrai.

La question de la capacité financière a fini par se régler à la satisfaction de Deloitte & Touche, de la sous-ministre et de moi-même, des hauts fonctionnaires que nous avions consultés au BCP et, en bout de ligne, des ministres. Je ne dirais pas que nous avions l'accord du Groupe des aéroports pour dire que toutes les inquiétudes préalables avaient été réglées. Nous étions en partie amenés à entreprendre les négociations finales par un autre facteur: la disposition de préavis de 12 mois prévue dans la politique de réaménagement des effectifs du gouvernement. Claridge avait accepté de retirer sa propre proposition, à mon grand soulagement. Cela m'a tiré une épine du pied. C'était là, essentiellement, le processus.

Il y avait une autre dimension à toute l'affaire, et elle mettait en cause Air Canada, et vous avez déjà entendu des témoignages sur certaines parties de cette question. J'étais au travail depuis une semaine ou deux, je suis désolé de ne pouvoir vous donner des dates plus précises, mais peut-être que Bob Green, l'avocat du ministère de la Justice qui est venu me voir, l'a inscrite quelque part. Il m'a annoncé une nouvelle gênante. Remarquez qu'elle est venue de l'avocat du ministère de la Justice affecté aux transports, et non pas d'un haut fonctionnaire du ministère des Transports. La nouvelle gênante concernait le document auquel on a donné le nom de document de principes. Il portait la signature de M. Ran Quail, au nom de M. Glen Shortliffe, en sa qualité de sous-ministre. Il était daté de 1989, du mois d'août, je crois. Mais cela n'est pas important. Ce qui est important, c'est qu'il datait de bien avant les demandes de propositions. Les raisons sont apparues plus clairement un peu plus tard. Je n'en ai pas d'exemplaire, quoique vous en trouverez probablement un dans la pile de documents là-bas, à tout le moins, si vous ne l'avez pas, c'est que quelque chose ne va pas.

Le document comportait au moins 20 points, je crois, mais le plus important, celui sur lequel les avocats ont attiré mon attention, était un engagement ou une entente ou quelque chose du genre visant l'octroi d'un bail de 40 ans à Air Canada pour l'aérogare 2.

Peut-être que vous trouvez ça étonnant. Je n'ai pas d'avis écrit sur la question. J'ai bel et bien demandé l'opinion du ministère de la Justice et du cabinet Cassells, Brock, mais leur réponse était plutôt alarmante. Je ne devrais peut-être pas m'avancer davantage sur ce point, parce que je ne suis pas absolument certain que le document de principes et le bail de 40 ans qu'on y promettait ont été totalement éliminés de la question aujourd'hui, du fait de l'annulation du contrat. Alors peut-être que je ne devrais pas m'étendre davantage sur l'avis du ministère de la Justice.

L'avis qu'on m'a donné, c'est que je devais divulguer la présence de ce document et qu'il fallait régler la question.

Mais voilà, le chien n'a pas aboyé. J'ai trouvé très étrange que si peu de personnes aient posé la question, et je ne parle pas des membres du comité ici présents, je parle des gens d'ailleurs: comment une DDP peut-elle être lancée dans un ministère dirigé par des gens compétents lorsqu'on sait qu'il existe un document où l'on promet de louer la chose que vous tentez de louer à d'autres au moyen de la DDP? Je ne suis pas avocat, mais n'est-ce pas une rupture de promesse?

La Couronne, il y avait des risques des deux côtés. L'un était que, si nous ne parvenions pas à voir clair dans le gâchis d'Air Canada, nous courions le risque que Claridge ou Paxport nous dise: "Eh, nous n'aurions pas répondu à la DDP si nous avions su cela. Que diable voulez-vous faire?" Vraiment, nous avons dû consacrer un temps fou à régler toute cette situation et, en bout de ligne, évidemment, elle n'a pu être résolue tandis que j'étais là.

Ce que nous avons essayé de faire, à vrai dire, la sous-ministre a parlé avec Hollis Harris tandis que je m'adressais pour ma part à Durette Lamar, bien franchement, nous avons tenté de les sonder, sans que transparaisse notre inquiétude, pour voir s'ils souhaitaient se prévaloir de ce document. Et nous étions pris avec le même problème, parce que nous ne voulions pas prendre des mesures s'il n'y avait pas de problème. Cela a pris du temps.

En bout de ligne, on a divulgué la chose aux soumissionnaires. Et j'ai inscrit là-dessus la date du 11 juin; d'après certains documents, je pense que c'était la veille de mon départ, le 16, parce que je suis à peu près sûr qu'ils ont lu la lettre dans le bureau de Mme Labelle.

On espérait que les responsables de Pearson Development iraient voir ceux d'Air Canada pour tirer les choses au clair. Ils ont refusé totalement d'y aller (je parle de Peter Coughlin et de Jack Matthews) et, à vrai dire, cela ne m'a pas surpris. Ce qu'ils voulaient, c'est que le ministère des Transports répare ce gâchis et, comme je l'ai déjà dit, ils ont affirmé qu'ils n'auraient peut-être pas donner suite à la demande de propositions s'ils avaient été au courant de l'existence de ce document, qui contenait un message caché, que je ne crois pas avoir besoin d'expliquer.

Même si un certain nombre d'approches avaient été adoptées, on a décidé en bout de ligne de demander l'émission d'un certificat de préclusion pour le bail en vigueur. Je ne saurais en reconnaître un si j'en voyais un, monsieur le président, mais on m'a dit que ce document permet réellement à la personne qui détient le bail de signer et de dire: "Oui, ce sont là les conditions, et c'est mon bail." Et nous espérions qu'Air Canada le signe, parce qu'ainsi, le problème de la promesse de location aurait été réglé; si elle avait refusé, nous nous serions retrouvés dans le pétrin. Mais c'est ainsi que nous entendions procéder.

Je pensais qu'un certificat de préclusion pouvait se préparer en moins de deux. Peut-être faisais-je preuve d'impatience, monsieur le président. Il a fallu beaucoup plus de temps pour le préparer. Je pense que j'ai un peu harcelé Chern Heed à ce propos, en lui demandant constamment si le document était prêt. Il m'a alors répondu que le certificat était difficile à rédiger parce qu'on ne savait pas comment libeller les renvois aux soumissionnaires; était-ce Mergeco ou Pearson Development Corporation? Ils n'en étaient pas sûrs. Je lui ai dit: "Pour l'amour du Ciel, mettez "à qui de droit"! Il me faut ce document!" En fait, je perdais patience, ce qui n'était pas la chose à faire. J'étais aussi très mal à l'aise.

Il n'a pas fallu longtemps avant que les avocats du ministère de la Justice reviennent et me disent: "Nous avons de graves problèmes, patron, à cause de ce certificat de préclusion." Le bail établi à ce moment-là à Air Canada (le document officiel, d'après ce que j'ai cru comprendre) était daté de 1988, et quatre modifications y avaient été apportées par la suite. Je n'ai jamais vu le document, je ne sais pas si les modifications étaient parafées ou non ni quoi que ce soit, mais il reste qu'Air Canada devait environ 8 millions de dollars de plus au gouvernement, à Transports Canada, dette qui n'avait pas été recouvrée. Le chien n'avait pas aboyé.

Quand j'ai appris cela, j'étais passablement perturbé. Huguette était à l'extérieur, partie faire autre chose (je ne pense même pas lui en avoir jamais parlé), alors j'ai immédiatement téléphoné à Andy MacDonald, qui était contrôleur général, et je lui ai dit: "Vous savez ce que je vais faire Andy? Voilà la situation dans laquelle je me trouve. Ça pourrait être très risqué." J'ai téléphoné au SMA de l'administration financière, principal agent financier du ministère, et je l'ai informé de ce que je savais. En outre, j'ai pensé leur faire une faveur, et j'ai téléphoné au chef de la vérification interne parce que, je suppose, je m'attendais à ce que des vérificateurs internes soient envoyés. Comme je l'ai déjà dit, je ne sais pas si j'ai parlé à Mme Labelle de ces trois appels téléphoniques à l'époque et si cela l'étonnerait si elle devait l'apprendre maintenant. Je pense ne pas lui en avoir parlé parce que, au moment où je lui ai expliqué la situation, elle m'a dit: "Il nous faut parler au SMA des Aéroports", qui, à l'époque, était le SMA intérimaire, M. Farquhar.

Et encore une fois, vous savez, personne n'a rien dit. Personne n'a dit: "Oh, oui, eh bien nous savons cela. Le ministre nous a dit de ne pas leur causer de problème." Personne n'a dit non plus: "Oh, je ne savais pas cela. Bon sang, qu'ont donc fait les gens de Toronto?" vous savez. Rien.

J'ai pensé que cette malheureuse situation donnait peut-être au gouvernement quelques avantages dans la négociation d'un bail de 40 ans. Mais comme vous l'avez vu dans mes notes, M. Farquhar m'a rappelé, à juste titre, qu'en vertu des règles du Conseil du Trésor, une créance devait être recouvrée et il était impossible de négocier des ententes. Encore une fois, le chien n'a pas aboyé. S'il était vrai que le silence était si important, pourquoi a-t-on laissé la dette s'accumuler?

Cela m'a vraiment achevé. Je devais remettre aux ministres un rapport d'étape le 10 juin, je crois, et avant de nous rendre à la réunion, j'ai dit à Mme Labelle: "Huguette, tu sais que j'ai l'impression de ne pas avoir les deux mains libres pour mener le dossier. Le Groupe des aéroports ne m'a pas donné le soutien que j'avais escompté." Elle m'a répondu qu'elle savait ou qu'elle comprenait comment je me sentais, je ne sais plus. Je lui ai dit que je ne supportais pas de travailler dans de telles conditions. Pendant tout le temps où j'avais été en fonction, vous savez, toutes les fois où il y avait un problème et que j'étais allé la voir pour lui en parler (et je puis vous assurer que je ne suis pas allé la voir chaque fois) Mme Labelle a pris les mesures voulues. Elle a parlé à des gens et tenté de régler mon problème. Nous avions vraiment une bonne relation de travail. Elle savait ce qu'un bon fonctionnaire doit faire, ce qu'un sous-ministre doit faire. Elle n'avait pas besoin que je lui dise. Évidemment, je ne l'aurais pas fait. Mais je ne pouvais rester là à constamment me méfier de coups sournois. C'est ce que j'ai dit à Mme Labelle.

Je ne puis vous parler de ce qui s'est dit au cours de la réunion avec les ministres, parce que, vous savez, même si je ne suis plus fonctionnaire, je me considère tout de même lié par le même serment. Je puis cependant vous raconter ce qui s'est produit après la réunion. Glen Shortliffe est venu me voir et il m'a dit: "David, tout ce qu'on raconte à propos de votre démission, ce sont des blagues, n'est-ce pas? Vous savez à quel point on a besoin de vous." Je lui ai répondu: "Non, Glen. Je me vois déjà en train de jouer au golf." Oui, c'était réellement une chose à laquelle j'avais hâte. Mais le golf n'était pas la seule raison de ma démission. Je lui ai dit que j'avais parlé à Mme Labelle, que je lui avais dit que je ne pouvais tolérer les conditions dans lesquelles je devais travailler au ministère des Transports. Il a dit: "Oh!" Je lui ai dit: "Saviez-vous cela?" Il m'a répondu non, et n'a plus fait de commentaires.

Je pense qu'on a prouvé que j'avais raison et que ce qu'il fallait, peut-être dès le mois de janvier, lorsqu'on y pense, c'était quelqu'un qui avait le pouvoir de reprendre la question sans avoir à demander de permission, comme je devais le faire avec les représentants officiels.

J'ai été content qu'on ait choisi Bill Rowat pour me remplacer, parce que Bill connaissait le dossier et qu'il l'a fait avancer. Il a réglé le gâchis d'Air Canada, comme il vous en parlera, j'en suis sûr, un peu au détriment du gouvernement et de la Pearson Development Corporation, mais il a tout de même négocié une entente. C'était la fin. La passation des pouvoirs a été très brève. J'ai invité tout mon personnel à luncher à notre club de golf, John, et nous avons eu beaucoup de plaisir. Et bien sûr, je pensais que cela mettait un terme à l'affaire. Puis il y a eu l'annulation et le rapport de M. Nixon ou, pour être plus précis, son enquête, et on m'a demandé d'aller le voir. Je ne puis vous donner de date à ce sujet; quelqu'un pourrait peut-être. Et je me suis retrouvé là en compagnie de Ran Quail et de Bill Rowat.

Je me rappelle tout particulièrement deux choses de cette réunion. Premièrement, M. Nixon nous a interrogés au sujet du lobbying. Tous les trois, nous avions agi comme négociateurs en chef du gouvernement à diverses époques parmi les périodes les plus importantes, et jamais nous n'avions été approchés par un lobbyiste. En fait, il y en a beaucoup, et je savais qui ils étaient. Mais je n'avais jamais été approché par un lobbyiste, ni les deux autres, et M. Nixon s'est alors étonné: "Mais à quoi donc a servi tout cet argent que les gars ont dépensé?" En d'autres termes, s'ils ne cherchaient pas à vous influencer.

Plus tard au cours de la réunion, M. Nixon a dit: "Vous savez, il aurait été préférable que le marché soit conclu en mai ou vers cette époque, parce que c'était tout juste à la veille des élections." Je lui ai alors demandé de le rencontrer seul à seul, et lorsque les deux autres nous ont quittés, nous nous sommes réunis en tête-à-tête. Je lui ai dit: "Laissez-moi vous dire pourquoi cela ne s'est pas réglé plus tôt." Et, évidemment, je lui ai parlé du problème d'Air Canada parce que j'étais convaincu que si nous avions bel et bien divulgué le document sur le bail de 40 ans ou, devrais-je dire plus à propos, si nous avions éliminé ce problème avant de lancer la DDP (si nous n'avions pas eu ce problème et la complication supplémentaire des 8 millions de dollars en loyers impayés, mais, à vrai dire, le gros problème, c'était le bail de 40 ans), j'étais fermement convaincu que nous aurions conclu l'affaire à des conditions légèrement plus avantageuses pour le gouvernement. On n'aurait pas eu besoin de conclure une deuxième entente avec Air Canada avec des modalités légèrement meilleures pour la Couronne au mois de (je ne sais pas, c'est difficile à dire) fin juin, début juillet, au plus tard. Et je me demande quelle différence cela aurait fait. Mais, à vrai dire, je me suis dit que M. Nixon ne semblait pas croire que l'entente que nous avions négociée était si mauvaise. Je n'essaie pas de lui faire dire de meilleures choses que celles qu'il a dites. Mais la question du moment était importante.

Eh bien, je ne suis ici que pour défendre une chose, et c'est l'entente, dans la mesure où j'ai participé à sa négociation. Et, monsieur le président, je vais terminer en disant la même chose que j'ai dite au début: je pense que l'entente respectait l'intérêt public, sinon je n'y aurais pas participé. Je vous remercie de votre patience, et je tenterai de répondre de mon mieux à vos questions.

Le président: Merci beaucoup. Votre témoignage était très intéressant, monsieur Broadbent. Nous avons trente minutes pour les questions. Sénateur Kirby.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, conformément à nos règles habituelles, la période fait 30 minutes, de façon qu'on puisse en avoir une deuxième ou une troisième, ou autant qu'il nous en faudra pour mener à terme nos débats. Est-ce exact?

Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Broadbent, de votre déclaration liminaire. Vous voudrez bien, monsieur le président, me pardonner si, par erreur, il m'arrive d'appeler le témoin par son prénom. Il se fait que nous avons été collègues au Bureau du conseil privé à la même époque, et il est parfois difficile de respecter le protocole dans ces circonstances.

Le sénateur LeBreton: Puis-je faire la même chose, alors?

Le sénateur Kirby: Absolument.

M. Broadbent: La même période.

Le sénateur Kirby: La même période.

J'aimerais éclaircir un point, monsieur Broadbent. Puisque vous avez commencé et terminé votre allocution par le même point, savoir la qualité de l'entente sur laquelle vous avez travaillé, vous avez dit, au début de vos remarques liminaires (dans la partie de vos commentaires qui n'étaient pas dans les pages que vous venez de distribuer), vous avez fait des observations qui donnaient à croire que les gens qui n'étaient pas d'accord avec vous remettaient en question votre intégrité, du moins en un certain sens. J'aurais pensé qu'une personne qui a assisté à tant de réunions du Cabinet aurait compris que des gens raisonnables et bien intentionnés peuvent fréquemment ne pas être d'accord avec ce qui constitue une bonne affaire, conclue dans l'intérêt public. Et, par conséquent, cette introduction m'a un peu ennuyé. Comme je l'ai déjà dit, cette partie n'est pas dans le mémoire que vous avez distribué, mais cela donne à penser (et vous en avez parlé quelque peu dans votre conclusion) que les gens qui n'ont pas la même opinion que vous quant à la qualité de l'accord qui a été établi se trompent en un certain sens, plus absolu qu'arbitraire, et remettent en question votre intégrité, en un certain sens.

Je ne suis pas certain que c'est l'impression que vous vouliez donner, alors je vous demande si oui ou non c'était là votre intention.

M. Broadbent: Je pense que je peux vous répondre oui et non, Mike. Certains des gens qui ont dit certaines choses sont des gens que je respecte énormément... notre premier ministre, vous savez. Pour être bien franc, je ne crois pas que le premier ministre a été bien conseillé à ce sujet. Maintenant, je suis tout à fait d'accord. Si vous dites: "Non. La seule façon de procéder, c'est de laisser les AAL régler la question", et que vous croyez qu'il s'agit là d'une bonne politique publique, alors manifestement cela ne va pas. Si par contre, vous dites: "Non, jamais on ne devrait laisser les promoteurs du secteur privé bâtir une aérogare. Cela devrait être fait par l'entremise de contrats avec Transports Canada", eh bien, je pense que vous vous trompez également, et que vous vous mettriez probablement en tête d'exproprier l'aérogare 3.

Mais des mots très durs, je le dis respectueusement, ont été utilisés. Je ne parle pas ici de... le mot "scandaleux" n'est-il pas celui qu'a utilisé M. Bandeen?

Je ne veux pas parler de la façon dont il faut présenter la chose. Je ne parle pas de la motivation qui est derrière elle. Je ne parle pas de l'intérêt politique qu'il y a à la mettre de l'avant. Je parle seulement d'une chose: l'entente était-elle bonne pour le Canada? Je pourrais me tromper, mais si c'est le cas, beaucoup de gens se trompent, parce que je veux dire bien franchement, je n'ai parlé à personne et je n'ai pas entendu dire qu'un haut fonctionnaire responsable qui a parlé aux gens du monde des affaires qui avaient connaissance de la question dire qu'il s'agissait d'une mauvaise entente. C'est pourquoi je m'inquiète de la mauvaise opinion qu'on a de moi et de ces fonctionnaires, qui ont bien tenté loyalement de faire en sorte que ça se concrétise.

Si j'ai trop insisté là-dessus, sénateur Kirby, je m'en excuse, mais je crois que si vous étiez à ma place, vous ne seriez pas tellement heureux d'avoir fait tout ce travail pour ensuite...

Le sénateur Kirby: Permettez-moi un commentaire. Comme j'ai négocié un certain nombre d'ententes pour le gouvernement fédéral, je sais ce que vous ressentez parce que on a aussi descendu mes ententes en flammes. Alors je suis peut-être un peu moins sûr de mon propre jugement quant à ce qui est bien ou mal que vous-même.

Monsieur le président, compte tenu des contraintes de temps, je me demande si vous me laisseriez vous proposer quelque chose. Puisque j'ai préparé mes questions par sujet, je serais heureux de prendre une pause, si je le peux, entre chacun d'eux plutôt que de devoir m'interrompre en plein milieu. Alors, chaque fois que j'aurai terminé un sujet, je serais heureux de vous le faire savoir, si cela vous convient.

La deuxième chose est que (et j'en ai fait mention à M. Broadbent avant que nous ne commencions la réunion cet après-midi), conformément à nos discussions ici ce matin à propos des documents, et afin d'être d'une aide quelconque, j'ai demandé à mon bureau au cours de l'heure du dîner de faire des copies des documents que je pourrais utiliser. Si je dois bel et bien faire allusion à un document, mon adjoint en remettra immédiatement un exemplaire au témoin et à tous les sénateurs, ainsi qu'au greffier, de façon que nous ayons tous les mêmes documents au même moment. Je pense que j'ai fait des copies de documents que je n'utiliserai pas, c'est pourquoi je ne les distribue pas tous, si cela ne vous dérange pas.

Le premier sujet dont j'aimerais parler, alors, concerne essentiellement le calendrier ou l'échéancier qui a été établi. Je vous renvoie, je pense... eh bien, je n'ai même pas à vous renvoyer à un document. Dans un certain nombre de discussions que nous avons eues jusqu'à présent, il était clair qu'il y avait un calendrier, un échéancier (quel que soit le terme que vous choisissez) qui proposait tour à tour le 31 mai, le 1er juin, le 15 juin, enfin ce genre d'échéance. J'aimerais savoir d'où viennent ces dates, qui les a choisies et pourquoi. Qui est à l'origine de ce calendrier? Qu'a-t-il de si magique?

M. Broadbent: Eh bien, je vais vous dire ce que j'en sais.

À ma première conversation avec Huguette Labelle, il était manifeste qu'il fallait suivre un certain calendrier pour ce projet. Le calendrier a peut-être été établi en termes plus clair lorsque nous avons rencontré Glen Shortliffe et les autres, dans sa salle du conseil de l'édifice Langevin.

Pourquoi la fin mai? Je n'en sais personnellement rien. Je ne peux que spéculer comme vous le faites, mais je ne pense pas que ce soit le genre de choses sur lequel vous souhaitez vraiment spéculer, mais si vous le voulez, je le ferai.

Le sénateur Kirby: Eh bien, je pense que, dans certains de vos commentaires liminaires, vous faisiez bel et bien des spéculations à propos de... j'ai pensé à deux ou trois choses ou commentaires qui comprenaient un élément de spéculation, alors ça ne me fait rien si vous spéculez.

M. Broadbent: Eh bien, je pense que ce qui me semblait clair, c'est que le gouvernement de l'époque, et particulièrement, probablement le premier ministre de l'époque, souhaitait mettre certaines choses au point avant que des changements ne se produisent. D'après moi, cela... vous savez, notre expérience différait, mais ce n'est pas rare. Les gouvernements laissent généralement des choses en plan. Ils exercent aussi généralement des pressions pour accélérer certaines choses. Vous savez, lorsqu'on dit: "Nous voulons terminer cela avant la fin de notre mandat ou avant un changement de leadership", et ainsi de suite. Je ne trouve pas cela inhabituel. En fait, je sais que ce n'est pas rare parce qu'il m'est arrivé de participer à une autre affaire lorsque j'étais fonctionnaire. Dans la mesure où les choses se font comme il faut, je ne pense qu'il y ait vraiment de problème. Cela peut être fort exigeant pour les fonctionnaires, mais la fonction publique du Canada, vous le savez aussi bien que moi, est habituée à ce genre de pression.

Le sénateur Kirby: Deux questions. Vous n'arrêtez pas d'utiliser le terme "comme il faut", et je crois que cela me pose problème: c'est le genre de problème que j'avais avec mes étudiants lorsque j'enseignais à l'université, mais le terme "comme il faut" m'embête, puisqu'il exprime un jugement de valeur.

M. Broadbent: Je suis désolé. Puis-je me corriger?

Le sénateur Kirby: Vous agissez presque comme si votre ensemble de valeurs était idéal, et cela m'embête.

M. Broadbent: Je suis désolé. Ce n'est pas du tout ce que je voulais faire. Ce que je voulais dire, c'est qu'il fallait que l'affaire soit légitime et non pas illégale. D'accord?

Le sénateur Kirby: D'accord, mais ce n'est pas comme ça que je l'ai compris.

M. Broadbent: Je suis désolé.

Le sénateur Kirby: Dans votre réponse spéculative, vous avez fait un commentaire (je crois comprendre que c'était, selon vous, pure spéculation) selon lequel le premier ministre voulait que le tout soit terminé avant les élections. Lui en avez-vous parlé directement...

M. Broadbent: Non.

Le sénateur Kirby: ...à lui, ou à son sous-ministre?

M. Broadbent: Les deux?

Le sénateur Kirby: Désolé. Je pense qu'à ce moment, M. Shortliffe était son sous-ministre, n'est-ce pas?

M. Broadbent: Oui, c'est exact. En un certain sens, j'aimerais mieux que M. Shortliffe vous réponde lui-même, mais comme j'ai vu ce qui s'est passé lorsque j'étais avec M. Shortliffe, je répondrai, pour aider le comité.

Oui, M. Shortliffe a dit que le premier ministre souhaitait vivement que ce dossier se règle, et qu'il s'informait fréquemment de son état d'avancement. Cependant, s'il y avait de la pression de sa part, elle s'arrêtait à Glen Shortliffe. C'était lui le tampon. Il absorbait la pression. Il n'en faisait aucune sur moi.

Le sénateur Kirby: Je comprends cela.

Nous devrions passer maintenant au document numéro quatre.

Je demanderai à mon assistant Ross Little de remettre le document numéro quatre aux gens, s'il le veut bien.

Tandis qu'il est distribué, monsieur Broadbent, je n'entrerai pas dans les détails techniques. Je m'en tiendrai fondamentalement et strictement au niveau de la politique. Ainsi, si vous souhaitez vous faire aider par quelqu'un de votre personnel, je veux bien, mais je ne crois pas que cela sera nécessaire.

Sénateurs, voici une note de service de Sid Gershberg à Mel Cappe, avec copie conforme à Ian Clark, I.D. Clark, qui est à l'ordre du jour d'une réunion des sous-ministres. Je ne sais pas qui doit (peut-être que c'est à moi ou à vous de le dire) je sais qui sont tous les participants, mais peut-être, monsieur Broadbent, que vous devriez, pour le compte rendu, nous dire qui sont Sid Gershberg, Mel Cappe et Ian Clark.

M. Broadbent: Avec plaisir. Je n'ai pas vu cette note auparavant, alors j'espère...

Le sénateur Kirby: Je ne veux faire allusion qu'à une partie du document, parce que ces noms reviennent plusieurs fois.

M. Broadbent: À cette époque, Mel Cappe était sous-secrétaire des opérations au Conseil du Trésor.

Le sénateur Kirby: La vieille direction générale des programmes.

M. Broadbent: La vieille direction générale des programmes. Il relevait du secrétaire, Ian Clark.

Sid Gershberg était à un niveau plus bas. Je me rappelle qu'il représentait Mel Cappe à l'une de ces réunions, et on peut présumer qu'il s'agit d'un rapport envoyé par Sid à son patron, avec copie conforme au patron de son patron, sur ce qui a transpiré de la réunion.

Le sénateur Kirby: D'accord. Dans les commentaires que vous avez faits plus tôt... eh bien, allons pour le moment au haut de la page 3. Je pense qu'il sera plus facile de procéder ainsi. Êtes-vous au premier paragraphe de la page 3?

M. Broadbent: D'accord.

Le sénateur Kirby: Le sous-titre est "état d'avancement", et il commence ainsi:

Des représentants de Paxport ont déclaré que le ministère des Transports avait réellement "accordé" le contrat à Paxport, et ils s'indignent de ce qu'ils considèrent comme un délai bureaucratique. Nous comprenons que le ministre Corbeil a indiqué à ses représentants qu'il préférait accorder le contrat à Paxport, mais il souhaite y aller selon les règles.

Que voulez-vous dire... désolé. Saviez-vous ce qu'on voulait dire par "y aller selon les règles", ou nous faut-il poser la question aux gens du Conseil du Trésor?

M. Broadbent: Je suis troublé non seulement parce que, non seulement j'ignore ce que cela veut dire...

Le sénateur Kirby: D'accord.

M. Broadbent: ...je ne comprends pas sur quoi cela se fonde, parce que cela n'a réellement aucun lien avec mes souvenirs.

Le sénateur Kirby: Ça va. La seule raison pour laquelle je vous pose la question, c'est que vous avez fait un commentaire au milieu de votre déclaration et, selon les notes que j'ai prises, vous avez dit qu'on vous avait demandé de confirmer (vous ou quelqu'un d'autre) si, étant donné l'ampleur des changements et la fusion des deux partenaires, si cela constituait un changement suffisant pour rendre la transaction... non conforme, c'est le mot que vous avez utilisé.

M. Broadbent: Je ne pense pas que c'est là qu'il veut en venir.

Le sénateur Kirby: D'accord. Alors, c'est très bien.

Je laisse le sujet avec plaisir, monsieur le président. J'y reviendrai quand des représentants du Conseil du Trésor seront présents.

Je me demande, alors, si nous pourrions passer au document numéro cinq. Peut-on distribuer le document numéro cinq? C'est un document envoyé à Jack Matthews par Dale Nankivell, qui a été remis à M. Broadbent le 15 avril 1993.

Je pense que nous savons déjà, aux fins du compte rendu, qui est Jack Matthews. Qui est Dale Nankivell?

M. Broadbent: Je ne... je pense avoir déjà vu ce nom auparavant, parce que, à vrai dire, un exemplaire de cette lettre m'a déjà été envoyé.

Le sénateur Kirby: C'est vrai.

M. Broadbent: Il est employé de Paxport, n'est-ce pas?

Le sénateur Kirby: La page de présentation porte votre nom.

Au bas du premier paragraphe... désolé, le paragraphe du bas de la page 1 de la note de service proprement dite, par opposition à la page de présentation, porte le nom de Wayne. Ai-je raison de présumer que cela désigne Wayne Power, qui a déjà comparu ici?

M. Broadbent: C'est ce que je vois.

Le sénateur Kirby: Je suis désolé, le nom de Wayne Power est inscrit au-dessus. Si je me souviens bien, Wayne Power a comparu ici au cours de la première semaine. Est-ce que je me trompe? Il me semble que son nom était inscrit la première semaine.

M. Nelligan: Oui.

Le sénateur Kirby: Est-ce que Wayne Power travaillait pour vous à l'époque? Faisait-il partie de votre équipe?

M. Broadbent: Non. Je pense avoir dit dans mon témoignage que j'avais fait appel à lui à cause de ses responsabilités. Lorsque je me suis rendu à Toronto pour le rencontrer en même temps que Chern Heed, je lui ai offert de devenir mon bras droit, mais il a refusé.

Le sénateur Kirby: Mail il n'est pas demeuré étranger à l'affaire.

M. Broadbent: Non. Il est venu à Ottawa durant de longues périodes au cours des négociations. C'est un homme dont les compétences et les connaissances techniques sont énormes.

Le sénateur Kirby: Je vais vous citer un passage dans ce paragraphe, qui se lit comme suit:

[...] Wayne a fait certains commentaires intéressants. Il s'est plaint du rythme des négociations et de l'interférence politique qui marquait le processus. Il se plaignait que le gouvernement, après avoir pris une décision à propos de l'avenir des aérogares, ne se soit pas retiré pour permettre aux fonctionnaires de permettre au processus de se dérouler de façon ordonnée "comme il l'a fait pour l'aérogare 3".

Même s'il ne travaillait pas directement avec vous, vous étiez en étroite relation avec M. Power. Avez-vous une idée des plaintes, avez-vous une idée de ce qu'il voulait dire par "interférence politique qui marquait le processus" ou du fait que les politiciens ne voulaient pas laisser les fonctionnaires s'occuper du reste du processus?

M. Broadbent: Il y a un certain nombre de choses auxquelles j'ai participé, et celle-là n'est que l'une d'entre elles. À l'occasion, les organisations ont ce que j'appelle un "joyau de la Couronne". Dans le passé, qu'aurait été une armée sans cavalerie, un marine sans navire de guerre...

Le sénateur Kirby: Nous avons pensé à cela au Canada. Comme je suis Néo-Écossais, je ne puis m'empêcher de vous faire remarquer que je ne suis pas sûr que nous n'ayons pas pensé à une armée sans navire de guerre. Quoi qu'il en soit, veuillez poursuivre.

M. Broadbent: Il y avait certes un sentiment, je ne veux pas donner mon interprétation des opinions, parce qu'elle est fondée sur ce qu'a vu dans sa boule de cristal un haut fonctionnaire qui n'est pas ici pour se défendre, mais je crois qu'il y avait, par exemple, à une occasion, lorsque nous parlions des frais relatifs aux aménagements passagers, de la possibilité de les imposer et ainsi de suite, je me rappelle que Wayne Power a dit: "Parfait, si nous pouvions imposer des frais pour les aménagements passagers, nous pourrions faire le travail nous-mêmes." Alors, selon moi, cela témoigne encore d'un sentiment de propriété. Transports Canada a fait preuve de beaucoup d'engagement envers l'aéroport Pearson. C'est compréhensible, n'est-ce pas? C'est quelque chose que je peux bien comprendre. Je ne pense pas pouvoir vous en dire beaucoup plus.

Je ne crois pas savoir qu'il y ait eu d'interférence politique. Jamais un politicien ne s'est ingéré dans mon travail, et je n'ai jamais moi-même fait d'interférence politique. C'est pour cela que j'ai dit que "certaines personnes pouvaient m'avoir perçu..."

Le sénateur Kirby: Pour être honnête, je ne me rappelle certes pas une séance où quiconque a laissé entendre que vous avez fait de l'interférence politique. Je le disais pour le compte rendu, parce que vous n'avez pas entendu tout ce que nous avons entendu.

M. Broadbent: Merci.

Le sénateur Tkachuk: Puis-je poser une question sur ces documents?

Le sénateur Kirby: Bien sûr.

Le sénateur Tkachuk: Je veux revenir au premier document, celui qui est daté du 2 avril.

Le sénateur Kirby: Une seconde. Oui, allez-y.

Le sénateur Tkachuk: C'est le premier dont vous avez parlé. Avec qui traitiez-vous le 2 avril, monsieur Broadbent?

M. Broadbent: Sénateur, il s'agissait probablement de l'une des réunions, c'est une note de service qui faisait présumément rapport de ce qui avait transpiré d'une des réunions qui ont eu lieu dans la salle du conseil de Glen Shortliffe.

Le sénateur Tkachuk: Oui, mais avec qui négociiez-vous? Avec quelle entreprise étiez-vous en négociation à l'époque?

M. Broadbent: Le 2 avril?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Broadbent: 1993? Était-ce Paxport? Était-ce Mergeco? Était-ce Pearson?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Broadbent: À ce stade de la démarche, Mergeco était en cours de création. C'est à peu près à ce moment-là que nous avons, dont il est question ici, Huguette et moi-même avons eu la réunion avec M. Bronfman et M. Matthews père, M. Don Matthews. Donc, comme je pense que je l'ai dit dans mon témoignage, Mergeco en était à l'étape de la création de l'organisation à ce moment-là.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. C'est simplement que c'est déroutant.

M. Broadbent: Sénateur, c'est très déroutant. Vous n'êtes pas le seul à le croire.

Le sénateur Kirby: Et c'était le document, de toute manière, que vous disiez n'avoir jamais vu auparavant, et j'ai dit "d'accord", qu'on attendrait de voir les représentants du Conseil du Trésor?

M. Broadbent: Oui.

Le sénateur Kirby: Encore une fois, j'essaie de comprendre le délai et de savoir s'il était réaliste de croire que c'était vraiment faisable.

Dans le document que j'ai, celui porte le numéro 6, autre document qui porte sur une réunion de SM à ce sujet, document daté du 29 avril, le premier paragraphe, qui expose l'objet de la réunion, renferme la phrase suivante:

Au BCP, on se préoccupe toujours sérieusement du délai fixé, soit le 1er juin 1993, pour la conclusion d'un accord avec Paxport Inc. ou Mergeco.

Je crois que cela répond à la question du sénateur Tkachuk. Les gens en sont venus au point où ils proposaient deux dénominations sociales parce qu'il était difficile de savoir avec qui on négociait.

Puis, à la page 4, au paragraphe du bas, on peut lire ce qui suit:

Le délai du 1er juin paraît encore extrêmement optimiste. Il faut faire aboutir les négociations avec du personnel délicat et il reste à régler encore des questions financières. Il n'est peut-être pas très prudent de conclure une transaction complexe, qui est visée par un accord de bail à long terme, en si peu de temps.

Est-ce que je me trompe en disant que c'est le Conseil du Trésor qui exprime de sérieuses réserves quant à l'idée de conclure un accord de cette nature, "un accord de cette nature" étant une transaction compliquée en si peu de temps? Avez-vous l'impression que c'est là le message qui est donné ici?

M. Broadbent: Permettez-moi d'abord, sénateur, d'essayer de situer cela dans un contexte quelconque.

Le sénateur Kirby: Je vous en prie.

M. Broadbent: J'y vois, comme vous y avez sûrement vu, sénateur, une note d'information préparée pour Sid Gershberg ou Mel Cappe en prévision d'une réunion, par un analyste à leur service, ce qui n'est pas inhabituel.

Le sénateur Kirby: La façon habituelle de procéder.

M. Broadbent: On fouine, on découvre ce qui se passe, on appelle le patron, il n'y a pas de surprises, et on recommande le point de vue qu'il devrait adopter.

Le sénateur Kirby: D'accord.

M. Broadbent: Ça revient donc à cela.

Le fait est qu'il s'agit maintenant de quelqu'un qui se trouve à quatre ou cinq paliers de la haute direction du Conseil du Trésor (sauf tout le respect que je dois à Mme Carole Swan) et c'est une question de mots et, j'imagine, de la façon dont ils peuvent venir nous hanter plus tard.

Il n'est peut-être pas très prudent de conclure une transaction complexe, qui est visée par un accord de bail à long terme, en si peu de temps.

"Très prudent". À bien y penser, est-ce qu'elle aurait choisi de dire plutôt "il n'est peut-être pas très facile..."

Le sénateur Kirby: Je ne crois pas que nous puissions conjecturer sur ce que les gens ont écrit. Enfin, il faut présumer qu'elle a bien voulu dire ce qu'elle a dit.

Le sénateur LeBreton: Puis-je tirer quelque chose au clair, sénateur?

Le sénateur Kirby: Oui.

Le sénateur LeBreton: C'est donc un document préparé avant une réunion, où figurent le nom des participants et l'ordre du jour possible et ce qui pourrait...

M. Broadbent: Et qui donne des conseils qui n'ont peut-être pas été acceptés. Encore une fois, je ne veux pas qu'on pense que je m'acharne sur Carol Swan parce que selon ce que je me souviens d'elle, c'est une personne très compétente.

Le sénateur LeBreton: ...ou qui n'aurait peut-être même pas été débattu?

M. Broadbent: Qui n'a peut-être même pas été débattu.

M. Nelligan: Pour la sténo, je signale que le document 5 est le 001104, le document 6, le 00269 et, si jamais nous l'utilisons, le document 4, le 001103.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, j'essayais de faciliter la vie à mes collègues. Plutôt que d'utiliser des numéros obscurs à six chiffres, j'essaie d'encercler les chiffres en haut.

M. Nelligan: C'est très bien pour eux, mais je fais cela pour la sténo.

Le sénateur Kirby: Je m'excuse. J'ai compris la préoccupation que le sénateur Jessiman a formulée ce matin, c'est essentiellement en rapport avec cela que je posais la question.

Au cours de cette démarche, je parle des négociations, vous releviez de Huguette, enfin, Mme Labelle était votre patronne.

M. Broadbent: Elle était ma cliente.

Le sénateur Kirby: À ce moment-là, vous travailliez pour elle.

M. Broadbent: Oui.

Le sénateur Kirby: En même temps, avez-vous eu (je vais parler comme s'il s'agissait de négociations internationales) des échanges bilatéraux avec le BCP, par exemple, ou avec le Conseil du Trésor, ou avez-vous en fait... enfin, j'essaie de comprendre comment les choses se sont déroulées par rapport aux organismes centraux, en général, et au BCP, en particulier.

M. Broadbent: D'accord. Comme vous le savez, sénateur, nous tenions des réunions, je crois, presque toutes les semaines.

Le sénateur Kirby: "Nous", étant...?

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M. Broadbent: Glen Shortliffe à la présidence, Huguette, moi-même, le sous-ministre des Finances, David Dodge, à l'occasion, Mike Francino ou quelqu'un d'autre des Finances et un fonctionnaire de rang approprié du conseil.

Le sénateur Kirby: Puis-je avoir un instant pour apporter une précision?

M. Broadbent: Certainement.

Le sénateur Kirby: Je ne veux pas vous interrompre, mais vous venez de dire qu'il y avait des réunions toutes les semaines. Comme j'ai pu, à divers moments, connaître ce qu'est le travail de secrétaire de cabinet pendant bien des années, je suis tout à fait ébahi de savoir que la question avait une si grande importance que le secrétaire du cabinet prenait le temps d'y consacrer une réunion toutes les semaines. Le degré d'importance accordé au dossier est absolument incroyable. Ce n'est pas incroyable. Vous l'avez dit, et je vous crois. C'est simplement que j'ai peine à le croire.

M. Broadbent: Je vous ai peut-être induit en erreur sans le vouloir en parlant de la fréquence de ces réunions. Enfin, on semblait se réunir assez souvent. Si on comptait le nombre de semaines où j'étais là et le nombre de fois où nous nous sommes rencontrés, je suis certain que cela ne reviendrait pas à une fois par semaine, puisque, savez-vous, les choses ont tendance à se concentrer. Mais, oui, je suis d'accord avec vous. Cela dénote l'intérêt vif suscité par le dossier aux échelons de la bureaucratie des organismes centraux et, en partie, sénateur, c'est peut-être, selon moi, parce qu'ils savaient qu'on leur demandait d'accomplir une somme colossale de travail en très peu de temps et qu'ils ne voulaient pas que les choses déraillent.

Le sénateur Kirby: Mais ne seriez-vous pas également d'accord pour dire que, compte tenu de l'expérience que vous avez ailleurs au BCP, que divers éléments de la fonction publique sont souvent appelés à accomplir quelque chose en très peu de temps, mais que la participation d'un organisme central, puisque après tout, la transaction intéressait un ministère axial.

M. Broadbent: Oui.

Le sénateur Kirby: Ce n'était pas une grande question au sens où cela aurait relevé d'une politique officielle. C'était une transaction. Je n'ai certainement jamais été témoin d'un cas où les organismes centraux ont porté (du moins, le BCP et le secrétaire du cabinet, en particulier) un tel intérêt à un dossier.

M. Broadbent: Je n'arrive pas à me rappeler moi non plus une situation comparable.

Le sénateur Kirby: Merci.

Monsieur le président, je suis fidèle à ma parole: je vous avais dit que j'avais divisé mon intervention en "sujets". J'imagine que vous allez me dire, je n'ai pas regardé ma montre, mais je suis sûr d'être assez près de la limite des 30 minutes. J'ai traité de l'un de mes six sujets, mais je suis heureux de faire une pause ici pour revenir à un autre sujet plus tard.

Le président: D'accord.

Monsieur Broadbent, je crois que c'est dans vos observations qui ne faisaient pas partie de l'exposé que vous avez fait allusion à la stratégie de l'État durant les premiers stades de votre mandat. La stratégie de l'État, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, a eu pour résultat la fusion, Mergeco, Pearson Development Corporation.

M. Broadbent: En partie. Je crois avoir "hérité" de deux choses, enfin. D'abord, il y avait cette stratégie de l'État, et comme je l'ai dit, je ne sais pas si elle a été mise à exécution, mais il était assez évident que l'idée était de tirer parti de la proposition de Paxport et aussi de la capacité financière supplémentaire de la société Claridge. C'était la partie I.

La partie II de la stratégie de l'État consistait à persuader ces gens de ne pas en demander trop tout de suite aux compagnies aériennes. Ce sont les deux choses dont j'ai hérité.

Le président: Oui. Eh bien, vous avez répondu à ma question: je voulais savoir si l'offre de Claridge était toujours sur le tapis. Le fait est qu'avant même votre arrivée, l'intention de fusionner avait été annoncée.

M. Broadbent: Oui.

Le président: Et si l'État avait l'intention de faire avancer les choses, ne ferait-il pas avancer les choses dans le sens général de cette fusion? Je ne sais pas si quelqu'un d'autre a parlé d'une instruction selon laquelle il fallait s'entendre avec Paxport Inc. ou Mergeco.

M. Broadbent: Je m'excuse. Je ne sais pas très bien à quoi vous faites allusion, sénateur.

Le président: Je faisais allusion au document numéro 6, je crois. Là où je veux vraiment en venir, il semble y avoir une certaine confusion à propos de ce que vous avez été appelé à faire.

M. Broadbent: Sauf tout le respect que je vous dois, monsieur le président, enfin, je ne veux pas dire au comité comment il devrait conduire son enquête parce qu'il ferait vite de m'en donner des nouvelles si j'essayais de faire cela; c'est cette vaste mission d'information que vous avez entreprise qui donne une note d'information comme celle-là, rédigée par un analyste de troisième niveau au Conseil du Trésor, qui n'assistera peut-être pas à la réunion et qui ne fera peut-être pas circuler cette note d'information. Enfin, nous ne savons même pas si Sid Gershberg l'a reçue. Était-il d'accord? Enfin, c'est une maison de paille: je crois qu'il y a un risque à essayer de fonder quoi que ce soit là-dessus.

Le président: Je vois. D'accord.

Sénateur Jessiman.

Le sénateur Jessiman: Je vais poser quelques questions, si vous le permettez.

Vous avez affirmé, pour répondre à la question du sénateur Kirby, que si la politique du gouvernement consistait à tout transférer à une AAL, une administration aéroportuaire locale, et que c'est la voie du secteur privé qui avait été retenue dans le cas des deux aérogares de cet aéroport, cela avait tout de même du bon sens.

D'abord, si je comprends bien la demande de propositions, il y est dit que le gouvernement aurait le droit d'attribuer l'accord finalement conclu à une AAL, n'est-ce pas?

M. Broadbent: Si ma mémoire ne me fait pas défaut.

Le sénateur Jessiman: Au moment où vous étiez en négociation, y avait-il une disposition semblable prévue dans l'accord à ce moment-là, au moment où vous étiez en négociation, vous en souvenez-vous?

M. Broadbent: Je ne sais pas, sénateur, si nous étions rendus à des choses si détaillées sur le plan juridique parce qu'il s'agit de subtilités juridiques.

Ce que je voulais dire, c'est que nous avons essayé de retenir qu'il fallait toujours que ce soit toujours transférable. Je crois bien que nous avons réussi.

Le sénateur Jessiman: Eh bien, supposons pour l'instant que nous transférons l'aéroport Pearson à une AAL, même s'il ne s'agit pas de Transports Canada, que ses employés n'appartiennent pas à Transports Canada, mais ce sont des représentants nommés par divers ordres de gouvernement. Le gouvernement fédéral, si je comprends bien, y nommera quelques personnes, de même que la province de l'Ontario, les différentes municipalités, la région du Grand Toronto. Ils n'ont pas d'argent, de sorte qu'ils vont devoir, d'une certaine façon, pour construire ces deux aérogares, les biens qu'ils vont acquérir représentent leur seule façon d'obtenir de l'argent. À Vancouver, et on semble s'en être tiré indemne, on a demandé des frais de départ. Des frais de 5 $ pour un habitant de la province, de 10 $ pour un Canadien qui quitte la Colombie-Britannique, et de 20 $, si je comprends bien, pour un étranger qui quitte la province. M. Hession nous a dit aujourd'hui que s'ils allaient choisir cette option, une AAL et rien d'autre, choisir de ne pas faire appel au secteur privé pour obtenir du financement, les frais qui seraient peut-être imposés aux voyageurs se situeraient entre 25 $ et 30 $ par tête.

Là où je veux donc en venir, et c'est la question que je vous pose, le fait que l'AAL n'a vraiment rien à voir... les gens qui dirigent une AAL devraient aussi tenir compte, dans l'intérêt du voyageur, dans l'intérêt des Canadiens, puisqu'il faut aller chercher l'argent quelque part. Si le secteur privé peut investir 66 millions de dollars de ses propres coffres ou 150 millions de dollars, ou enfin, puis faire un appel public à l'épargne, aux investisseurs, aux actionnaires, ce n'est pas du tout la même chose que de demander à tous les contribuables du Canada d'en assumer les frais. Êtes-vous d'accord sur ce point?

M. Broadbent: Toute cette question des AAL, outre le fait que ce contrat et le rôle que j'y joue concernent la possibilité d'un transfert à une AAL, enfin, ce que vous me demandez dépasse largement ma responsabilité. Je ne suis pas spécialiste des AAL. Évidemment, j'ai entendu des choses quand je travaillais pour Transports Canada, des cas fructueux, eh bien, surtout des cas fructueux, je crois. Mais je ne me sens pas vraiment compétent, sénateur, pas vraiment compétent du tout pour ce qui touche la situation des AAL, à part ce que j'ai déjà dit.

Le sénateur Jessiman: Mais, d'après ce que vous savez, êtes-vous d'accord avec moi si je vous dis que les AAL ne sont en vérité que le substitut de Transports Canada.

M. Broadbent: Eh bien, Transports Canada n'abandonne pas tout à fait toutes ses fonctions.

Le sénateur Jessiman: Presque toutes, tout de même. C'est presque, parce qu'il transfère...

M. Broadbent: Il se retire du dossier du point de vue de la gestion, et c'est peut-être une bonne chose à bien des égards.

Le sénateur Jessiman: Oui.

M. Broadbent: L'aéroport Pearson est un cas très particulier. C'est le joyau de la couronne. Il y a presque autant de passagers qui passent par Pearson que par le reste des aéroports confondus, je crois. Il n'y a pas qu'à l'intérieur du Grand Toronto qu'on a intérêt à ce que Pearson soit bien administré. On peut vivre à Winnipeg et se préoccuper beaucoup de l'aéroport Pearson.

Le sénateur Jessiman: Permettez-moi de poser une question. L'accord que vous avez négocié, au moment où vous l'avez négocié, était-il très différent de ce qui était prévu dans l'offre retenue à la suite de la demande de propositions?

M. Broadbent: Je m'excuse. Je ne peux répondre à cette question parce que...

Le sénateur Jessiman: À l'époque où vous...

M. Broadbent: À l'époque où j'ai quitté mes fonctions, j'avais affaire à des choses dont on avait convenu entre profanes. D'accord? Les avocats avaient commencé à mettre les points sur les "i" et toutes ces choses que les avocats adorent faire à un taux horaire exorbitant, mais je n'avais pas vu l'accord définitif. Tout ce que je sais, enfin, Bill Rowat et moi-même en avions discuté informellement. Nous nous étions rencontrés à une réunion mondaine au cours des Fêtes. Enfin, je crois que Bill Rowat l'a qualifié, beaucoup de choses s'étaient faites. Il fallait traiter d'un certain nombre de points, le plus important étant le dossier d'Air Canada, mais je ne crois pas qu'il ait eu à défaire une quelconque chose que j'aurais faite. De ce point de vue, il y a donc eu une certaine continuité, et je crois qu'il a fait fond sur ce que j'avais préparé.

Le sénateur Jessiman: Vous y avez été pendant trois mois?

M. Broadbent: Oui.

Le sénateur Jessiman: Trois mois?

M. Broadbent: Essentiellement, oui.

Le sénateur Jessiman: Mais vous n'avez pas établi le montant en dollars?

M. Broadbent: Pardon?

Le sénateur Jessiman: Vous connaissiez la proposition de Paxport et ce que cela donnerait au gouvernement du Canada.

M. Broadbent: Nous avons étudié... enfin, la situation a changé à plusieurs reprises, sénateur.

Le sénateur Jessiman: Oui.

M. Broadbent: Au cours de la nouvelle négociation, il y aurait eu un échange de bons procédés. Si on tire un peu de ce côté-ci, il faut être prêt à en laisser un peu aller de ce côté-là. Je suis certain que cela ne vous étonne pas. Le taux de rendement et l'argent revenant à l'État étaient donc assez variables.

Le sénateur Jessiman: Au moment où vous aviez fini, vous étiez convaincu, à ce moment-là, que le taux de rendement pour l'État était raisonnable.

M. Broadbent: Ce n'est pas mon champ d'expertise. Je vous dirai que... enfin, surtout quand Peter Coughlin a pris les rênes après que Claridge a pris le contrôle avec l'achat des parts de 13 millions de dollars d'Ellis-Don, il a dit à plus d'une reprise: "Eh, qu'est-ce que tu essaies de faire? Veux-tu que ce soit un service public, David? Veux-tu nous réglementer aussi?" Ils avaient l'impression (et c'était un peu exagéré ici) qu'ils lui forçaient la main.

Je parlais à Gordon Baker ce matin. Il a été très gentil et m'a dit: "Tu sais, notre idée de toi était que tu étais un négociateur dur mais juste." D'accord? Nous les avons poussés. Nous avons essayé d'obtenir la meilleure transaction possible.

Le sénateur Jessiman: Merci.

M. Broadbent: Merci, sénateur.

Le président: Monsieur Broadbent, pour revenir à un sujet que vous pouvez mettre en lumière pour nous parce que nous ne posons peut-être pas les bonnes questions, vous avez quatre choses dans votre exposé, premièrement, vous n'auriez pas décidé de l'inclure sans raison. Vous avez souligné que, selon M. Barbeau, cela allait prendre plus que trois mois. Vous avez mentionné cela. Vous l'avez inclus. Il faut que cela ait du sens, sinon vous n'auriez pas décidé de l'inclure.

M. Broadbent: Oui.

Le président: Deuxièmement, il y avait le fait de ne pas appuyer cette approche. Je parle des normes de vérification, du fait que la sous-ministre était en faveur de votre position, ce qui aurait eu préséance sur le point de vue de la Direction générale des aéroports.

M. Broadbent: J'apporterais simplement une nuance. Pour répondre à votre question, Mme Labelle a dit (et je crois que vous le trouverez dans un document, je l'ai citée) qu'elle n'arrivait à trouver rien de mieux que ce que j'avais trouvé moi-même. C'était mieux que rien, de sorte que nous avons décidé d'aller de l'avant avec cela.

Le président: Mais vous avez dit que cela a eu préséance sur le point de vue de la Direction générale des aéroports.

M. Broadbent: Oui.

Le président: Et, troisièmement, vous tolérez mal les protestations de M. Chern Heed.

Quatrièmement, vous avez dit à la sous-ministre que vous n'aviez en fait pas les mains libres pour traiter ce dossier. Bon, vous l'avez dit de façon très diplomatique, mais vous êtes frustré. Croyez-vous que cela tient au fait qu'un certain nombre de fonctionnaires au ministère des Transports ont une attitude possessive face aux aéroports ou est-ce quelque chose de plus? Est-ce qu'on vous a mis des bâtons dans les roues? Pouvez-vous nous dire comment vous vous sentiez?

M. Broadbent: Sénateur, je crois que vous pouvez comprendre une chose: que je sois d'accord ou non avec certaines des choses qui sont arrivées, je suis très conscient du rôle difficile que doivent jouer les fonctionnaires en ce sens qu'ils ne peuvent répondre eux-mêmes aux accusations portées contre eux. Je suis tout à fait disposé à répondre à la question dans un contexte général, mais je ne veux pas montrer les gens du doigt plus qu'il n'est nécessaire de le faire pour que vous ayez une idée cohérente des problèmes auxquels nous avons dû faire face.

Mme Labelle a dit hier, je crois, que je voulais Chern Heed à mon service à temps plein. Eh bien, c'est tout à fait vrai. Enfin, les choses que nous avons essayé de faire avec l'aide de mon personnel, pour voir s'il n'y aurait pas d'autres, enfin, après tout, Chern Heed doit aussi prendre des vacances, comme tout le monde. S'il tombait malade, si quelqu'un pouvait le remplacer, nous essayions de trouver un autre directeur d'aéroport, qui saurait prendre en charge l'aéroport Pearson pour que nous puissions avoir M. Chern Heed à notre service à temps plein.

Eh bien, nous n'avons pu le faire. À juste titre, et il y a des raisons pour lesquelles cela ne pouvait se faire. Enfin, le fait qu'on n'ait pu avoir accès à ce degré d'expertise cinq ou sept jours par semaine a ralenti les choses.

Si vous permettez, je sais où vous voulez en venir. J'espère que vous jugerez ma réponse satisfaisante.

Le groupe des aéroports exerçait une fonction qui m'était très précieuse: il était à l'affût de problèmes et pouvait critiquer ce qui se passait. C'est une chose très utile, car on veut savoir où on pourrait vraisemblablement faire erreur.

Tout de même, quand il est question d'un projet comme celui-là, il faut plus qu'un exposé des problèmes et une critique du travail des autres. Il faut des gens qui sont capables de trouver des solutions, des gens qui ont l'esprit créateur.

M. John Desmarais a été d'un grand secours quand il était là, mais, dans l'ensemble, pour ce qui est de la deuxième partie de la réponse, l'aspect créateur, l'idée de dire "eh bien, il y a un problème, mais nous croyons que la meilleure façon de le régler ce serait de procéder de telle ou telle façon", c'est cela qui me faisait défaut.

J'espère avoir bien répondu à votre question, monsieur le président. J'espère vous avoir donné suffisamment de renseignements pour que vous ayez une idée générale de la situation, telle que je l'ai décrite.

Le président: Eh bien, je lisais les observations faites par le ministre des Transports, M. Young, et il est bizarre qu'il revienne toujours, il dit, je vais vous donner les dates dès que je les aurai trouvées. Il parle d'un manque de respect pour le caractère impartial des fonctionnaires, quelque chose de tout à fait inacceptable. Puis, encore une fois, un manque d'égards pour le caractère impartial de la fonction publique. Troisièmement, bien souvent, des agissements contraires à la volonté de fonctionnaires, ce qui ne sera pas toléré.

Vous n'êtes pas M. Young, de sorte que vous ne pouvez répondre à la question, mais pourquoi le manque d'égard envers les fonctionnaires prend-il tant d'importance ici? Qui s'est mis sur le dos des fonctionnaires?

M. Broadbent: Eh bien, je ne crois pas que ce soit moi. Je ne connais personne qui l'a fait. Mais, non. enfin, je me trouve dans une position très difficile. Vous dites que je ne suis pas M. Young, et je ne suis pas l'un des conseillers de M. Young.

Le président: Non, mais je m'interrogeais sur cette obsession pour ce qui touche les attaques dirigées contre les fonctionnaires.

M. Broadbent: Écoutez bien, chaque fois qu'un ministre de l'État montre qu'il se préoccupe de la fonction publique, j'écoute. Je ne suis pas forcément d'accord avec ce qu'il dit, mais, trop souvent, la fonction publique est laissée pour compte.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans votre exposé, vous dites qu'on vous a donné pour mandat de négocier un bon accord et vous aviez l'impression de pouvoir y mettre la dernière main en trois mois, alors que tout le monde qui est venu comparaître devant le comité a qualifié la transaction de très complexe, et supposant bon nombre de documents juridiques qui ont certainement, enfin, il y a le transfert de la responsabilité et tous les contrats qui doivent être signés entre le gouvernement et l'entreprise du secteur privé.

Je vous demanderais d'abord si vous avez reçu votre mandat au moment où vous avez été nommé négociateur en chef? Le mandat était-il sous forme écrite et, le cas échéant, pourrions-nous l'obtenir?

Quand vous avez dit que vous n'auriez jamais accepté de conclure un mauvais accord, qu'est-ce qui aurait constitué un mauvais accord? Il est important pour nous de le savoir puisque nous savons maintenant, d'après le témoignage antérieur, que la demande de propositions, la proposition de Paxport et l'accord final ne reposaient pas sur les mêmes modalités. Qui a rédigé le mandat que vous aviez, c'est-à-dire de négocier un bon accord? Enfin, il faut que cela se trouve quelque part. Nous le savons parce que là où il y a une négociation collective, enfin, le négociateur ne va pas négocier n'importe comment un accord au nom de son entreprise ou de son client. Il a un mandat. Qui vous a donné le mandat de conclure un bon accord?

M. Broadbent: Eh bien, ce sont de bonnes questions. Je ne suis pas sûr de pouvoir y répondre de manière satisfaisante, mais je vais essayer.

Enfin, d'abord, faisons une distinction (je suis sûr que vous serez d'accord avec cela) il y a tout un monde de différence entre un mandat pour négocier une convention collective et un mandat pour négocier un contrat de ce genre.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ceci est d'une envergure beaucoup plus grande. La cession de tout cet actif représentait bien plus que la seule négociation d'une convention collective. Les relations de travail faisaient partie de votre mandat puisque le transfert des employés faisait partie du projet.

M. Broadbent: C'est pourquoi je vous ai révélé les stratégies dont j'ai hérité et les stratégies que j'ai mises au point moi-même puisqu'il faut naviguer dans ces lignes directrices très vastes. Quel est donc le critère qui permet de déterminer qu'il s'agit d'un bon accord?

Eh bien, j'imagine que c'est le contraire d'un mauvais accord: je présume que si nous étions sur le point de faire quelque chose, que si quelqu'un, la sous-ministre, un membre de mon personnel, quelqu'un à l'une des réunions de Glen Shortliffe, croyait que ce n'était pas bon pour le Canada, il aurait dit: "Holà! un instant! Que faites-vous là ou pourquoi avez-vous fait cela?" Enfin, on ne travaille pas de façon isolée.

Il y a une proposition de Paxport, mais l'État cherchait à en modifier plusieurs des éléments. Enfin, il y a eu cette fusion, et l'État dit: "Holà! Nous savons que vous, Paxport, allez financer cela en faisant augmenter les frais des compagnies aériennes et ainsi de suite. Nous ne voulons que vous fassiez cela. Ne soyons pas durs pour les compagnies aériennes. C'est une période difficile pour elles. Laissons-leur un moment de répit, le temps de souffler avant de demander des frais, plus tard." Ce sont des choses que l'État voulait faire.

Ce n'est pas comme si on avait dit: "Allez, négociez une convention collective, mais n'acceptez surtout rien de plus que 6 p. 100. Essayez d'obtenir 4 p. 100, mais le maximum absolu est 6 p. 100." Eh bien, à ce moment-là, on sait où on s'en va, mais ce n'est pas du tout ce genre de mandat.

Le sénateur Hervieux-Payette: Aviez-vous pour mandat, du moins, au début, de conclure un accord qui était censé découler de la meilleure offre (l'offre de Paxport) avec la capacité financière de Claridge comme facteur de renforcement?

M. Broadbent: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que c'est l'accord que vous étiez censé négocier?

M. Broadbent: C'est ce que le gouvernement voulait, oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Puis, au moment où vous étiez encore responsable des négociations, avez-vous accompli cela?

M. Broadbent: Oui et non. Enfin, au fil des négociations, ce qui n'est pas inhabituel, la proposition a pris une forme donnée, en partie en raison de l'influence de l'État, en partie en raison d'un changement de conjoncture.

Par exemple, si je ne m'abuse, Paxport envisageait essentiellement de financer en permanence les réaménagements en demandant des "frais d'utilisation" aux compagnies aériennes. D'abord, on leur a demandé de ne pas être trop dur avec les compagnies aériennes. Puis, en raison de tout cela et, pour être franc, nous faisions pression sur eux pour qu'ils se concentrent d'abord sur l'aérogare 1, avec succès. Et il n'y avait pas d'argent là pour un promoteur, voyez-vous, dans la réparation d'un garage infesté de rats. Il n'y avait pas d'argent là.

Le sénateur Kirby: J'aime le terme "rongeur", que le sénateur Tkachuk a utilisé ce matin, car il me paraît plus raffiné.

Le sénateur Tkachuk: Je voulais utiliser "rat", vraiment. Je le voulais. Je le voulais vraiment.

Le sénateur Stewart: Il y a donc des rats et des chiens.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans votre mandat, celui qui vous a été donné à vous, il n'y avait pas d'attributions, sauf que la proposition de Paxport a été acceptée. Les attributions qui vous ont été données au moment où vous avez été nommé, enfin, c'était seulement: "En échange des honoraires que nous vous versons, pour une certaine période, vous devez conclure un accord".

M. Broadbent: Ah, non. Madame, je vous en prie, non. Non, non, non. On ne m'a jamais dit: "Vous devez conclure un accord." C'était clair dans l'esprit de M. Shortliffe, c'était clair dans celui de Mme Labelle, ils étaient d'accord. Enfin, je n'essaie pas d'être plus catholique que le Pape ou plus catholique qu'eux. Si nous ne pouvions parvenir à un accord, il n'y aurait pas d'accord.

Nous voilà revenus au problème qui consiste à savoir ce qu'est un bon accord, et j'ai essayé de le définir par la négative, en quelque sorte. C'est le meilleur accord possible dans la mesure où il ne s'agit pas d'un mauvais accord. Indeed, is it not?

Le sénateur Hervieux-Payette: Le délai de trois mois ne vous ennuyait pas. Vous vous jugiez capable de conclure une transaction de cette envergure pour...

M. Broadbent: Je ne le savais pas.

Je vous dirais une chose. C'était difficile. Si le coefficient de difficulté de mon travail habituel était de "1", je dirais que ce projet représentait "5". Je dirais que les travaux de la commission Spicer représentaient un "10". D'accord? J'ai déjà eu des boulots plus difficiles que celui-là.

Le sénateur Hervieux-Payette: Mais, enfin, il y avait quand même un désaccord au sujet de l'avis de M. Barbeau , selon lequel il faudrait certainement six mois pour conclure la transaction, mais j'avais l'impression que vous estimiez pouvoir la conclure dans les trois mois donnés. J'essaie seulement de déterminer la durée de l'exercice, jusqu'au moment où vous mettez l'accord définitif sur la table et dites à votre patron: "Patron, j'ai conclu l'accord, voilà." Je dirais donc qu'au moment où vous êtes parti, parce que vous n'aviez pas conclu la transaction, à quel stade en étiez-vous quand vous êtes parti? Enfin, étiez-vous rendu à moitié chemin?

M. Broadbent: Il est très difficile de mesurer une chose comme celle-là. Je crois que M. Jolliffe, par exemple, pourrait vous donner une idée de ce qui a été fait pendant que j'étais là et de ce qu'il restait à faire après que je suis parti, mais j'aimerais faire valoir une chose.

Il faut présumer que M. Barbeau, quand il a fait son estimation, parlait de la façon habituelle de faire les choses au gouvernement. Je ne cherche pas du tout à dénigrer sa façon de faire, mais le gouvernement procède habituellement de façon linéaire, une étape à la fois, vous comprenez? Il y a une tactique qui n'est pas rare dans le domaine des négociations: on ralentit les choses, pour qu'ils "aient faim". J'avais donc l'avantage de savoir que le secteur privé désirait conclure cet accord et que le gouvernement le voulait aussi et, par conséquent, que les tactiques d'atermoiement, ce qui est plus important, enfin, même si cela a compliqué la vie de tout le monde, j'ai essayé de décrire une démarche parallèle, dans un cas où les choses auraient normalement été séquentielles. Enfin, c'est ce que j'ai essayé de faire pour économiser du temps.

Le sénateur Tkachuk: Puis-je poser une question supplémentaire, si cela ne vous dérange pas?

M. Broadbent: Je vous en prie, sénateur.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons discuté avec M. Barbeau des trois mois et des 18 mois. Au moment où vous vous êtes entretenu avec lui, M. Barbeau était-il conscient des conséquences d'une erreur en ce qui concerne la prolongation du bail d'Air Canada pendant 40 ans?

M. Broadbent: Quand j'ai dîné avec M. Barbeau, si c'est bien la réunion à laquelle vous faites allusion, sénateur...

Le sénateur Tkachuk: Oui. La même dont elle parlait, les trois mois et les 18 mois.

M. Broadbent: Enfin, à ce stade-là, je ne crois pas, je sais que le conseiller du ministère de la Justice n'était pas venu me voir pour dire "écoutez bien, il y a un problème." Bon, maintenant, je ne sais pas si M. Barbeau était au courant, à ce moment-là, d'un accord de bail de 40 ans.

Le sénateur Tkachuk: Faisons un peu de conjecture. Est-il possible qu'il l'ait su?

M. Broadbent: Eh bien, enfin, il y a toutes sortes de choses qui sont possibles. Vous savez, il y a le chien qui n'a pas jappé. Comment pourrait-on émettre une demande de propositions...

Le sénateur Tkachuk: J'essaie de le déterminer.

M. Broadbent: ...sans qu'un ministre soit mis en garde: "Écoutez, monsieur le ministre, avant que nous émettions cette demande de propositions, il y a un problème à régler. Je m'excuse, nous ne savions pas que cela arriverait. Nous avons signé cela de bonne foi avec Air Canada, mais il faut régler le problème." Je ne sais pas.

Le sénateur Tkachuk: Qu'auriez-vous fait si vous aviez découvert que la personne responsable avait omis de le faire et coûté tout cet argent au gouvernement du Canada?

M. Broadbent: Sénateur, Mme Labelle était ma cliente. Mme Labelle était sous-ministre. J'étais à son service. Nous avons tous des styles de gestion différents.

Je m'excuse. Je vais essayer d'éviter, si je le peux, vraiment, de m'embourber encore: je suis déjà mal à l'aise du fait d'avoir été obligé de dire des choses qui pourraient être interprétées comme étant une critique à l'endroit de ma cliente. D'accord? Je ne veux pas faire cela.

Évidemment, je n'aurais pas tout fait comme Mme Labelle l'a fait, mais cela ne veut pas dire qu'elle avait tort et que j'ai toujours eu raison.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur Broadbent, je comprends cela et je le respecte. C'est seulement qu'il y a ces trois mois et ces 18 mois qui me tracassaient un peu, voyez-vous.

D'abord, permettez-moi de dire que j'ai le plus grand respect pour la fonction publique, mais je sais aussi qu'il y a un quart de million de fonctionnaires, 300 000 fonctionnaires, dont certains sont bons, et d'autres, moins bons. Il me semble que chaque fois qu'il est question de fonctionnaires au cours de ces audiences, Monsieur le président, on entend toujours: "Ah, mon Dieu, s'ils ont dit ceci, ce doit être vrai, s'ils ont dit cela, ce doit être vrai." Mais qui dirige notre pays, en fin de compte?

Ce matin, nous donnons dans la conjecture. Nous parlons de deux citoyens du Canada, MM. Matthews et Bronfman, qui n'ont aucune raison d'avoir honte et qui ont rendu de fiers services au pays, et nous conjecturons au sujet de conspirations criminelles.

Le sénateur Hervieux-Payette: Qui a dit cela?

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, si vous complotez pour établir un contrat (je ne suis pas avocat) en vue de frauder le gouvernement du Canada, je crois que les gens vont peut-être penser qu'il y a là des intentions criminelles.

Monsieur le conseiller, corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que ce serait un cas limite.

De toute façon, trois mois, 18 mois. Je veux seulement que vous soyez un peu plus franc parce que je crois, je sais que vous faites le gentleman. Je comprends cela, mais celui qui a bâclé cette transaction a coûté des sommes absolument colossales d'argent au gouvernement du Canada, aux contribuables.

Le sénateur Kirby: Comment savez-vous cela? Si vous faisiez une déclaration en bonne et due forme, cela ferait mon bonheur.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, je le sais tout comme le sénateur Bryden le sait. Tout ce que je sais, c'est qu'en négociant l'accord, ils ont dû faire des concessions pour régler le problème de l'option de 40 ans, qui ne figurait pas dans le contrat et dont personne n'était au courant.

Le sénateur Kirby: Sénateur Tkachuk, tout ce que je veux dire, c'est que même si cela avait figuré dans la demande de propositions (et je suis d'accord avec vous et j'aimerais savoir pourquoi ce n'était pas le cas), mais même si cela avait figuré dans la demande de propositions, l'argent aurait représenté un coût pour le gouvernement du Canada sous une forme quelconque, de toute façon.

Je remettais seulement en question cette déclaration forte que vous avez faite, c'est-à-dire qu'il y a eu erreur et que cela a coûté beaucoup d'argent au gouvernement du Canada. S'il n'y avait pas eu d'erreur, il y aurait quand même eu un coût, et c'est la différence entre les deux cas qu'il faut aborder, si différence il y a.

Le sénateur Tkachuk: Là où je veux en venir, sénateur, (et je vous prie de ne pas interpréter à tort ce que j'essaie de dire ici), si les gens peuvent tirer des conclusions et inventer des histoires à propos des hommes politiques et des hommes d'affaires sans preuve, toutes ces choses qui font que nous sommes ici aujourd'hui, est-il excessif d'affirmer qu'il est possible qu'à l'intérieur de la bureaucratie elle-même, il y avait peut-être une conspiration qui visait à contrer la volonté du gouvernement du Canada? Est-ce que cela est possible ou encore aussi possible que toutes les autres histoires de complot que j'ai entendues?

M. Broadbent: Heureusement, je ne suis pas spécialiste des histoires de complot.

Le sénateur Tkachuk: Moi non plus, mais je conjecture comme tout le monde maintenant. Je me suis libéré. Je peux conjecturer maintenant.

Est-ce possible?

M. Broadbent: Je ne crois vraiment pas, parce que les gens ont tendance à avoir ce qu'ils méritent au bout du compte. Ils ont tendance à se faire prendre. La vérité a l'habitude de se faire jour.

Le sénateur Tkachuk: C'est pourquoi nous sommes ici.

M. Broadbent: On peut donc s'en tirer indemne une ou deux fois.

Les règles, ce à quoi on s'attend de la part d'un fonctionnaire, sont assez simples aux échelons les plus élevés, mis à part l'ardeur au travail et tout cela. Vous devez à votre ministre ou à votre sous-ministre de lui donner des conseils honnêtes, non seulement ce qu'il voudrait entendre, mais aussi tout ce qu'il doit savoir. À titre de complément, après qu'il a tout pris en considération, vous lui devez d'appliquer toute la diligence possible à mettre à exécution sa décision.

Le sénateur LeBreton: Voilà le problème.

M. Broadbent: Et la fonction publique fait très bien cela d'ordinaire.

À l'occasion, les gouvernements demandent l'impossible ou presque. D'accord? Je ne crois qu'on m'aurait demandé d'intervenir si ce n'était qu'un jeu d'enfant.

Le sénateur LeBreton: Vous ne pensiez pas que c'était impossible?

M. Broadbent: Je ne... j'ai presque dit Marjorie. Je m'excuse. Je ne le savais pas. Je ne le savais pas quand j'ai commencé à travailler pour la commission Spicer ou encore pour la commission Beaudoin-Dobbie.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais terminer mes questions.

Le sénateur Tkachuk: Je m'excuse. Ce sont les trois mois, les 18 mois qui me tracassaient, sénateur. J'essaie seulement de trouver la raison.

M. Broadbent: Je me trompe peut-être; si c'est le cas, je m'en excuse. C'est seulement que le gouvernement... la démarche normale, et il n'y a rien de mal à cela, aurait été plus longue parce qu'elle est linéaire.

Le sénateur Tkachuk: Ce que je voulais dire, c'est que je peux conjecturer à propos des trois mois; je peux conjecturer à propos des 18 mois.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ma question portait tout de même sur le moment choisi, j'ai dû traiter avec l'administration précédente, car je faisais partie, j'ai présenté, au nom de mon entreprise, une proposition d'achat non sollicitée visant CN fibre. À ce moment-là, nous avons suivi la démarche associée à une demande de propositions. Douze sociétés ont fait des propositions. Il y a eu un deuxième volet. Puis, il y a eu l'attribution du contrat. Ensuite, il y a eu la question financière de la période de financement et, enfin, la conclusion de l'accord. Eh bien, il a fallu quatre ans pour mener à bien une transaction qui ne valait pas 50 millions de dollars, et jamais, au grand jamais, et j'ai quitté la société dans l'intervalle. Il y a eu les élections en 1993 et ainsi de suite. La transaction a été parachevée à l'été 1994.

C'est seulement pour dire, monsieur le président, qu'il n'y a jamais personne qui a déclaré, au moment où j'y étais et même après que j'ai quitté la société, que M. Tellier, qui est l'ex-greffier du Conseil privé, se soit traîné les pieds ou qu'il y a eu des retards indus... enfin, c'est la nature même de la démarche. C'est ce que je voulais faire valoir. Enfin, un délai de trois mois me paraît tenir du rêve. Je n'ai jamais vu cela, et je ne crois pas qu'on voie cela jamais dans le cas d'une transaction qui vaut de 700 millions à 1,5 milliard de dollars.

Le sénateur Tkachuk: C'était une longue démarche.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je m'excuse, mais non. Par conclusion et parachèvement, on veut dire que tout est signé et tout est conclu. Lancer les discussions, conclure la transaction et parachever les modalités de financement et tout le reste prendrait, pour un projet de cette envergure, de six mois à un an.

Le sénateur Tkachuk: Cela a pris huit mois.

Le sénateur Hervieux-Payette: Et puis?

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, cela a pris huit mois.

Le sénateur Hervieux-Payette: Eh bien, je m'excuse, mais cela n'a pas été parachevé.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, oui, cela l'a été. C'est le problème du contrat. Cela a pris huit mois. L'annonce a été faite à la fin du mois d'août. Il a fallu huit mois, période que vous avez qualifiée de raisonnable.

M. Broadbent: Puis-je faire une observation qui, je l'espère, vous sera utile, madame.

Il se peut bien que vous ayez raison. Je ne le sais pas, mais à moins d'envisager ce qui suit (enfin, il y a deux situations, trois situations, vraiment). Je suis aussi bien de m'en remettre à un vieux mathématicien qui se trouve à votre droite. On peut écarter quelque chose de tout à fait impossible dès le départ, déterminer ensuite qu'il y a divers degrés de faisabilité puis, à l'autre extrême, aucune difficulté. J'avancerais que les gens qui ont mis la main au dossier avant moi, Huguette Labelle, Glen Shortliffe, qui, même s'il était greffier, avait déjà été sous-ministre aux Transports, que si ces gens avaient placé cela dans la catégorie des projets tout à fait impossibles à réaliser (ou il ne sert même pas de commencer), ils ne se seraient pas tournés vers moi ni vers personne d'autre. Ils auraient dit: "Je m'excuse, Mesdames et Messieurs de l'État, nous avons manqué le bateau. On n'a tout simplement pas le temps de le faire."

Bon, maintenant, ils n'ont pas dit cela. Le gouvernement a gardé ses objectifs, et ils ont dit: "Que pouvons-nous faire pour essayer de faire ce qu'on nous a demandé de faire?"

Je ne dirais donc pas que c'était tout à fait impossible, mais, en même temps, je ne vous dirais pas qu'au moment où j'ai commencé à travailler là-dessus, j'étais tout à fait convaincu que je m'en tirerais, avec l'aide des gens très compétents qui étaient à mes côtés.

Le président: Monsieur Broadbent, les conservateurs parmi les membres du comité ont pris l'habitude de poser la dernière question, dans le cas des témoins précédents. Invariablement, la réponse obtenue était "non". La question que nous leur posons est la suivante: d'après votre expérience, il est question du comité d'évaluation et ainsi de suite, la démarche était-elle déficiente? C'est avec confiance que nous attendons la réponse "non".

M. Broadbent: Je m'excuse, mais la réponse est "oui".

Le président: Non, la démarche était-elle déficiente?

M. Broadbent: Et comment donc!

Le sénateur Jessiman: Dans quel sens?

Le président: Je vous pose donc la question maintenant, sans m'inquiéter de la réponse.

La démarche était-elle déficiente au moment où vous étiez-là?

M. Broadbent: Elle était déficiente dans le sens auquel le sénateur Kirby a fait allusion. La promesse d'accorder un bail de 40 ans, on n'aurait jamais mis cela dans une demande de propositions. Ce serait absurde. On émet une demande de propositions. On veut que les gens trouvent des locataires et, en même temps, on a déjà promis de louer à quelqu'un d'autre? Non. C'était déficient parce que la promesse de louer n'a pas été éliminée du programme, que le problème n'a pas été réglé avec Air Canada avant que la demande de propositions ait été émise. Voilà le chien qui n'a pas jappé.

Le président: Et vous ne pouvez en imputer la responsabilité à un groupe ou à une personne en particulier?

M. Broadbent: J'ai réussi, savez-vous, à me faire une idée générale de la façon dont les choses se font à Transports Canada, mais je n'étais pas là avant que la demande de propositions soit émise ou pendant qu'elle était "en cours". Enfin, nous savons tous qui est responsable au bout du compte. Celui qui est responsable au bout du compte, c'est le ministre, c'est le sous-ministre. On n'a pas à m'accorder de prix pour avoir deviné cela, mais le fait est qu'ils ne peuvent se souvenir de tout. Ils ont besoin de conseillers.

Enfin, quel était l'échelon le plus inférieur où on était au courant de ce bail de 40 ans? Enfin, qui aurait dû y penser ou s'agit-il d'une omission volontaire? Est-ce la bombe à retardement qu'on a laissée tictacquer? Je ne sais pas.

Le président: De combien de temps la démarche a-t-elle été retardée, environ, du fait que l'on ait été obligé de régler cela?

M. Broadbent: Je m'excuse, sénateur. Je ne peux estimer cela. Enfin, pendant que toutes ces autres choses se déroulaient en parallèle, il nous fallait régler le problème d'Air Canada. J'ai essayé de vous décrire brièvement comment Huguette Labelle et moi-même avons essayé, à diverses occasions, de régler le problème après coup, au moment où l'État était dans une situation très vulnérable.

Enfin, je ne saurais répondre à cette question. Ce n'est pas que cela nous a coûté du temps au sens linéaire; c'est que cela nous ajouté un fardeau, nous a compliqué la vie, nous a empêché de faire avancer les choses qu'on aurait voulu faire avancer à l'aéroport Pearson, mais que nous ne pouvions faire avancer parce que nous ne leur avions pas dit encore que nous avions ce problème, ce problème avec ce document.

Le sénateur LeBreton: Monsieur Broadbent, je veux revenir à votre déclaration. Je trouve cela très frustrant et, certainement, comme vous l'avez dit, la vérité finira par l'emporter. Il n'y a personne qui tient à mettre au jour la vérité plus que les membres de ce côté-ci. Je ne crains pas la vérité, comme je l'ai dit ce matin. Je crains qu'il y ait une distorsion...

Le président: Il y a de la vérité des deux côtés.

Le sénateur LeBreton: Tout à fait... eh bien, nous le verrons.

Le sénateur Tkachuk: Laissez-les parler pour eux-mêmes.

Le sénateur LeBreton: Tout à fait. Vous savez, Confucius a dit: "Celui qui lance de la terre perd du terrain", n'est-ce pas?

Soyez clairs donc. C'est plutôt curieux parce que le comité a eu droit à d'amples témoignages, clairement, celui de M. Lewis, l'autre témoignage, ce qui se dit dans la rue, selon lesquels M. Barbeau posait un problème. M. Bandeen nous a révélé que M. Chern Heed se prononçait contre cela, en dernière analyse. Il est très frustrant pour les gouvernements et les politiciens, quelle que soit leur couleur, j'en suis sûr (même si nous en avons une plus grande dose que d'autres), quand les conseils... on parle du rôle des fonctionnaires et de la façon dont ils conseillent le ministre et le gouvernement, puisque, je vous le rappelle, le gouvernement est responsable devant le Parlement et, au bout du compte, devant le public. Malheureusement, il semble y avoir beaucoup de paliers entre les différents fonctionnaires, mais quand les conseils sont donnés et reçus, voilà. La fonction publique met à exécution les décisions prises. Toutefois, quand les conseils sont donnés, mais non pas suivis, c'est comme si le gouvernement avait commis un péché mortel. Puis, il y a les manchettes: "Le gouvernement n'écoute pas ses propres conseillers", et cetera. Enfin, cela devient très, très frustrant.

Je dois revenir à M. Barbeau et au sous-ministre adjoint chargé des aéroports. Vous affirmez ce qui suit à la page 10:

Quand je lui ai dit que j'avais l'impression de ne pas avoir les deux mains libres pour mener le dossier, elle m'a répondu qu'elle me comprenait. Mme Labelle, les ministres et les soumissionnaires tenaient à ce que je reste, mais j'ai déclaré à la sous-ministre que je ne supportais pas de travailler dans de telles conditions car je devais constamment me méfier de coups sournois.

Ayant travaillé moi-même dans le domaine pendant bien des années, je connais bien les coups sournois.

J'ai donc quitté mes fonctions le 17 juin, laissant une équipe déçue [...]

Le sénateur Jessiman: Un passage encore.

Le sénateur LeBreton: Le sénateur Jessiman a signalé que vous avez fait la déclaration suivante:

[...] Je m'étais déjà plaint quelques fois du manque de coopération ou de l'obstruction du Groupe des aéroports.

Je m'excuse. Je voulais le dire. Je n'ai pas parcouru tout le paragraphe.

Votre déclaration me paraissait exceptionnelle. Je crois que tout le monde qui a mis la main à ce dossier y était pour les bonnes raisons et je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que tout le monde, quelles que soient nos actions, nous voulons toujours pouvoir nous regarder dans le miroir. Je ne me rase pas, mais je dois me regarder dans le miroir pour d'autres raisons.

Vous parlez de la réunion que vous avez tenue avec M. Nixon. Si on se fie à votre dernière déclaration, il est tout à fait évident que cette décision avait une motivation politique, c'est pur et simple.

Enfin, vous avez fait ces déclarations, et je voudrais seulement savoir exactement ce que vous avez voulu dire, pour notre cause. Enfin, vous avez dit ces choses. Vous êtes un homme d'honneur. De dire ou d'essayer de dire maintenant que M. Barbeau ne vous posait pas de problème quand, à l'évidence, si vous n'aviez pas, vous êtes manifestement la seule personne dans tout le gouvernement qui n'a pas...

M. Broadbent: Je m'excuse. Je ne pensais pas avoir dit récemment...

Le sénateur Kirby: Je m'excuse, monsieur le président. Il y a quelque chose qui commence vraiment à me troubler. Permettez-moi seulement, je serais heureux d'en discuter même à l'extérieur de la pièce.

On commence vraiment à avoir l'impression que l'idée est de trouver une victime ou de trouver quelqu'un qu'on pourra mettre au pilori.

Le sénateur LeBreton: Non, non.

Le sénateur Kirby: Un instant. Vous avez fait deux ou trois déclarations, dont une, il y a une minute, qui est la goutte qui a fait déborder le vase. Vous avez dit, et je cite, "tout le monde au gouvernement savait que M. Barbeau posait un problème." C'est exactement ce que vous avez dit.

Bon, le fait est que ses deux sous-ministres ont comparu devant nous, c'est-à-dire M. Shortliffe et Mme Labelle, et les deux ont fait valoir expressément en réponse aux questions directes posées de l'autre côté que, selon eux, les gens du Groupe des aéroports et M. Barbeau, en particulier, étaient en fait des fonctionnaires très compétents qui faisaient leur travail. Voilà pour une déclaration.

Je crois qu'il nous faut être plus prudent avant de commencer à dire que tout le monde qui a comparu ici, et ainsi de suite, a cloué quelqu'un au pilori.

La deuxième idée que je veux faire valoir, et c'est le témoin lui-même qui l'ai dit clairement il y a quelques minutes et je trouve qu'il a tout à fait raison sur ce point: il a dit, vers la fin, que la responsabilité quant au fait que la demande de propositions renfermait des erreurs revenait au ministre. Il a dit cela.

Cela commence à ressembler pas mal à l'affaire Al-Mashad en ce sens que l'on essaie d'imputer le blâme à un fonctionnaire. Je crois que nous devrions être prudents avant de nous engager, en tant que groupe, dans cette voie. Si c'est la voie que nous allons prendre, c'est très différent de tout ce que nous avons fait par le passé.

Le sénateur Tkachuk: Sénateur Kirby, il a dit le sous-ministre et le ministre. C'est précisément ce qu'il a dit, voilà.

Ce n'est pas moi qui ai incité le comité à conjecturer et à chercher à savoir qui est responsable de quoi. Ce n'est pas le groupe des conservateurs non plus. Ça se passe ainsi depuis deux ans, et ça se passe encore aujourd'hui. Dès que je laisse entendre qu'il pourrait y avoir un groupe différent qui aurait comploté pour ralentir la démarche et faire quelque chose qui, à mes yeux, est très grave, c'est-à-dire aller à l'encontre de la volonté du gouvernement du Canada, des élus, tout à coup, il y a un problème.

Le sénateur Kirby: Sénateur Tkachuk, je ne suis pas en désaccord avec vous. Je veux être très clair.

Le sénateur Tkachuk: Victor Barbeau m'a dit...

Le sénateur Kirby: Je ne m'oppose à aucune des questions que vous avez posées. Je m'oppose seulement à la déclaration qui a été faite, selon laquelle tout le monde savait qu'une seule personne était la source du problème. Les deux supérieurs de la personne en question sont venus ici et nous dire que ce n'était pas un problème. Je ne m'oppose pas à ce que vous avez dit.

Le sénateur LeBreton: Je ne parle pas de la compétence de M. Barbeau à titre individuel.

Le sénateur Tkachuk: Moi oui. Vous autres, je ne le sais pas, mais moi oui.

Le sénateur LeBreton: Nous avons entendu des témoignages.

Le sénateur Kirby: Pas de témoignage contradictoire.

Le sénateur LeBreton: D'accord, mais j'ai dit "aussi" et j'ai ajouté "ce qui se dit dans la rue", même si je déteste la conjecture, la déclaration de M. Broadbent est on ne peut plus claire. Il cite le sous-ministre adjoint chargé des aéroports.

Le sénateur Jessiman: Le Groupe des aéroports.

Le sénateur LeBreton: Bon, qui est le sous-ministre adjoint chargé des aéroports? Est-ce que je ne suis pas censée nommer Victor Barbeau?

Sénateur Kirby, je ne crois pas avoir besoin de vous pour interpréter ce que j'essaie de dire.

Le sénateur Kirby: Je n'essayais pas d'interpréter ce que vous disiez. Je ne faisais que citer ce que vous avez dit.

Le sénateur LeBreton: Je demandais simplement... toute cette démarche (et je reviens aux questions que nous avons posées à Mme Labelle hier) s'est éternisée, allant du 18 août 1989 à 1992. Puis, diverses personnes commencent à négocier le contrat final. M. Broadbent est appelé à intervenir. Selon tout ce qu'on a pu apprendre, il a accompli un travail admirable, quoiqu'il ait dit, sous serment, avoir eu des réserves très graves en ce qui concerne le ministère des Transports et, plus particulièrement, le sous- ministre adjoint chargé des aéroports. Je dis simplement: que la vérité sorte. M. Barbeau (j'ai posé la question hier) posait-il un problème? Évidemment, c'était le cas puisqu'on l'a retiré du dossier pendant cinq semaines, mais je voulais simplement une réponse directe à ma question.

Pour ce qui est de la conjecture, enfin, on peut imaginer que... nous vous avons permis de conjecturer au sujet des raisons pour lesquelles nous avons eu un délai de trois mois, la période de trois mois, enfin, vous pourriez conjecturer jusqu'à la fin des temps.

Le fait est que c'était la politique du gouvernement. Le gouvernement avait une politique à mettre à exécution. Ne devrait-il pas s'attendre à ce que les fonctionnaires mettent à exécution la politique?

M. Broadbent: Oui.

Le sénateur LeBreton: J'aimerais savoir ce que vous pensez des observations formulées au sujet du sous-ministre adjoint chargé des aéroports et que vous nous parliez aussi des conversations que vous avez eues avec M. Nixon, encore une fois. Enfin, il en est question dans votre déclaration.

M. Broadbent: Permettez-moi d'essayer de répondre d'abord à la première question, sénateurs.

Sénateurs, vous avez toute la viande qu'il vous faut. Vous n'avez pas besoin de me faire faire cela, mais vous me forcez à le faire.

Quand Huguette Labelle m'a appelé pour la première fois (d'accord, ce n'était peut-être pas la première réunion par téléphone), elle m'a dit qu'elle n'avait pas le temps de le faire et que le sous-ministre adjoint chargé des aéroports n'était pas acceptable aux yeux du ministre. Maintenant, je vous regarde, vous, et je regarde le sénateur Kirby et les autres qui ont servi aux échelons supérieurs des administrations provinciales. La fonction publique du Canada est pas mal efficace à bien des égards.

Le sénateur LeBreton: Je suis d'accord avec vous.

M. Broadbent: Il s'est déjà vu des affrontements entre un ministre et un sous-ministre ou encore entre un ministre et le sous-ministre adjoint. Ce qui arrive habituellement (vous l'avez vu, tous les deux), c'est qu'il y a une petite arabesque latérale, discrète, une fois le rideau descendu, puis la personne qui avait de la difficulté s'en va, un nouveau la remplace, et tout le monde vit plus ou moins heureux jusqu'à la fin des temps.

Enfin, quand le chien ne jappe pas, à mes yeux, c'est quand le ministre ne demande pas à un certain fonctionnaire de s'occuper d'un certain dossier et que tout le monde le sait. Pourquoi personne ne dit: "Ce n'est pas juste pour le ministre, ce n'est pas juste pour M. Barbeau. Est-ce qu'on peut faire un petit échange discret?" D'accord? C'est de cette façon que les choses se passent habituellement, selon moi.

Le sénateur LeBreton: Et la responsabilité? Bon, il y a cette surprise d'Air Canada, un "sandwich", comme je crois que quelqu'un l'a qualifié plus tôt. Qui est responsable? Enfin, il y a le sous-ministre et il y a les sous-ministres adjoints. Et la responsabilité? Avons-nous peur de nommer la personne responsable de cet oubli énorme qui vous a manifestement embêté au plus haut point et retardé la démarche? Que vous vouliez le dire ou non, c'est si évident.

M. Broadbent: Sénateur, je crois que la réponse appropriée et convenable à votre question, c'est que le ministre en place à l'époque a été mis au fait de l'erreur au moment où elle a été décelée.

Non, sauf tout le respect que je vous dois, je crois que vous devriez poser la question à M. Corbeil: "Qu'avez-vous fait au moment où vous avez appris cela? Votre demande de propositions ne serait tout simplement plus bonne." D'accord? C'est sa tête à lui qui est en jeu, et vous allez brasser la cage des fonctionnaires. Alors, ne me posez pas de questions auxquelles je ne peux donner de réponses, sinon d'avoir dit ça.

Le sénateur Jessiman: Je voudrais seulement poser la question suivante, si vous le permettez.

Dans cette phrase, "...je m'étais déjà plaint quelquefois du manque de coopération ou de l'obstruction du Groupe des aéroports..." qui fait partie du Groupe des aéroports? De qui s'agit-il?

M. Broadbent: Le Groupe des aéroports est la direction générale...

Le sénateur Jessiman: Qui sont les personnes? Qui sont ceux qui n'ont pas coopéré ou qui vous ont causé de l'obstruction?

M. Broadbent: Le nom de chacun d'entre eux se trouve dans la déclaration que j'ai faite.

Le sénateur Jessiman: Ils sont tous ici?

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M. Broadbent: Oui.

Le sénateur Jessiman: Est-ce qu'ils ont M. Barbeau à leur tête?

M. Broadbent: M. Barbeau était le sous-ministre adjoint.

Le sénateur Jessiman: Et il dirigeait le Groupe des aéroports?

M. Broadbent: Oui.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que ce sont les mêmes gens qui vous ont fait sentir que vous n'aviez pas les deux mains libres pour mener ce dossier?

M. Broadbent: Oui.

Le sénateur Jessiman: Et vous ne pouviez "supporter" de travailler pour ces gens, comme vous l'avez dit?

M. Broadbent: Eh bien, c'était vraiment, ce n'était pas vraiment une question de personnalité. Ce n'était pas du tout une question de personnalité. C'était plutôt: "Écoutez, j'ai déjà été victime de deux coups sournois; à quand le prochain?"

Le sénateur Jessiman: D'accord, mais c'étaient ces gens dont vous parliez, ceux du Groupe des aéroports.

M. Broadbent: C'était le Groupe des aéroports, mais permettez-moi de signaler, sénateur, pas le groupe en entier. D'accord?

Le sénateur Jessiman: D'accord. Bon.

M. Broadbent: J'ai eu droit à un travail très loyal de la part de certaines personnes au Groupe des aéroports, certaines qui se sont jointes à mon équipe et d'autres qui sont demeurées à l'intérieur du Groupe des aéroports.

Le sénateur Jessiman: Mais vous avez dit, je voulais que vous nommiez les personnes, et vous avez dit qu'elles étaient toutes nommées ici.

M. Broadbent: Tous les noms se trouvent dans le rapport.

Le sénateur Jessiman: Mais maintenant vous dites que ce n'était pas chacune d'entre elles. Dites-nous lesquelles ne coopéraient pas, lesquelles (ce sont peut-être pas les mêmes) causaient de l'obstruction, lesquelles vous faisaient sentir que vous n'aviez pas les deux mains libres pour mener le dossier, lesquelles pour qui vous ne pouviez supporter de travailler dans ces conditions. Qui étaient ces gens?

M. Nelligan: Sénateur, puis-je intervenir.

Plutôt que de laisser M. Broadbent répondre à cette question, je rappellerais au comité qu'il nous faut traiter ici de certaines questions bien précises. Le témoin nous a donné une description générale du problème. Je présumerais que vos questions viseraient à savoir si sa frustration avait à sa source le côté administratif ou politique du ministère. Qu'il s'agisse d'une personne en particulier, d'un côté ou de l'autre, je vous soumets respectueusement qu'il n'est pas nécessaire pour nous de nommer des employés individuels du ministère à moins qu'il ne s'agisse d'une question très précise.

Pour être franc, personnellement, je crois que le témoin a décrit très adéquatement les raisons pour lesquelles il avait l'impression que sa mission était frustrée. Je ne sais pas si des précisions à cette étape aideront les sénateurs dans leur enquête. C'est simplement une déclaration générale que je vous adresse. À vous de décider.

Le président: Sénateur Kirby, il y avait un certain nombre de questions secondaires que vous vouliez aborder.

Le sénateur Kirby: Oui, monsieur le président. Je proposerais, étant donné qu'il nous reste cinq minutes et pour être juste envers le témoin, plutôt que de lui poser une seule question sur ce domaine nouveau, je proposerais que nous suspendions les travaux pour les reprendre à 9 h, demain matin.

Le président: Monsieur Broadbent, est-ce que cela vous convient?

M. Broadbent: Je serai à votre disposition, monsieur le président.

Le président: À 9 h donc, monsieur Broadbent. Merci beaucoup.

Le comité suspend ses travaux.


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