Délibérations du comité spécial du Sénat sur les
Accords de l'aéroport Pearson
Témoignages
Ottawa, le jeudi 3 août 1995
[Traduction]
Le comité spécial du Sénat chargé d'étudier les accords visant l'aéroport international Pearson se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour poursuivre l'examen de toutes les questions relatives aux politiques et aux négociations ayant abouti à la conclusion des accords touchant la remise en valeur et l'exploitation des aérogares 1 et 2 à l'aéroport international Lester B. Pearson et les circonstances entourant leur annulation, et pour faire rapport à ce sujet.
Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.
Le président: Chers collègues, monsieur Broadbent, mesdames et messieurs, bonjour. Nous en sommes maintenant au dernier jour de la troisième semaine de nos audiences, et nous ferons relâche la semaine prochaine. La semaine prochaine, il n'y aura aucune audience. Nous reprendrons nos travaux le mardi de la semaine suivante.
À ce stade-ci, je pense qu'il convient d'établir clairement l'objet des présentes audiences. Pour nous acquitter de notre mandat, nous menons une enquête à trois volets. Le premier est le suivant: la politique relative à la privatisation de Pearson avait-elle des assises saines, étant donné les circonstances et les solutions de rechange?
Deuxièmement, le processus s'est-il déroulé correctement? En d'autres termes, les règles du jeu protégeaient-elles l'intérêt du public, et ont-elles été observées par toutes les parties concernées?
Troisièmement, les contrats signés par le gouvernement de l'époque et les promoteurs étaient-ils sains sur les plans financiers et économiques, les intérêts généraux des contribuables canadiens ont-ils été défendus comme il se doit?
Au cours des prochaines semaines, ces trois questions en soulèveront inévitablement une quatrième: sur la foi de quels critères M. Nixon a-t-il recommandé et le gouvernement actuel a-t-il accepté l'annulation des contrats? Voilà le mandat du comité.
M. Broadbent est de retour ce matin, et je demanderai à M. Nelligan de le présenter de nouveau, au cas où cela serait nécessaire.
M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: Sénateurs, je crois qu'il est peut-être superflu de présenter de nouveau un homme que nous en sommes venus à connaître au cours des dernières heures. Nous le connaissons mieux que nous ne le connaissions hier, mais il s'agit d'un ex-sous-ministre. À un stade critique, il a été le négociateur principal du contrat de Pearson, et il est maintenant à la retraite. Il travaille aussi comme expert-conseil.
(M. David Broadbent, témoin déjà assermenté:)
Le président: Monsieur Broadbent, vous êtes assermenté. Aimeriez-vous faire une déclaration liminaire ou simplement reprendre...
M. David Broadbent, négociateur en chef (à la retraite) des accords visant l'aéroport international Pearson: Je ne crois pas, monsieur, non.
Le sénateur LeBreton: Sénateur MacDonald, puis-je invoquer le Règlement avant que nous ne commençions à interroger le témoin?
Le président: Certainement.
Le sénateur LeBreton: Sénateur MacDonald, j'invoque maintenant le Règlement parce que j'entends faire référence au présent document lorsque, plus tard, j'interrogerai le témoin. Mais avant, je vous renvoie au mandat et à l'ordre de renvoi du Sénat concernant le comité. Avec votre permission, j'en ferai la lecture. Il s'agit d'un très court passage. Je citerai l'ordre de renvoi qui concerne la période allant du mercredi 31 mai au jeudi 8 juin. Le passage figure à la page 1-3 des accords visant l'aéroport international Pearson. C'est à ce moment que le comité a été formé. À la première page, on lit:
Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins sous serment, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages selon les instructions du comité;
Puis, monsieur le président, dans vos déclarations liminaires (je pense que c'était à l'occasion de notre deuxième semaine d'audiences), le mardi 25 juillet 1995, à la page 1500-2.
Le sénateur Jessiman: Plus lentement, je vous prie.
Le sénateur LeBreton: 1500-2, je m'excuse.
Le sénateur Jessiman: Le 5 juillet?
Le sénateur LeBreton: Le 25 juillet. Je vous cite, monsieur le président.
Parfois, le comité s'est retrouvé dans une position ridicule, des renseignements qui lui avaient été interdits ayant été rendus publics en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ou dans le cadre de procédures judiciaires. Si cela s'est produit, c'est parce que, me dit-on, différents fonctionnaires s'occupent de différentes demandes d'accès à l'information et, manifestement, interprètent différemment l'application de la règle concernant la confidentialité. J'accepte certes cette explication.
Je me réfère donc à un document qui fait partie de la myriade de documents que nous avons devant nous, nous sommes inondés de documents.
Le sénateur Jessiman: Numéro?
Le sénateur LeBreton: Le document porte le numéro 23555.
Le sénateur Jessiman: Date?
Le sénateur LeBreton: Le document est daté du 13 mai. Il s'agit d'une note de service adressée au sous-ministre adjoint (aéroports) par notre témoin de ce matin, M. Broadbent.
Le sénateur Jessiman: Le 13 mai 1993?
Le sénateur LeBreton: Tout juste, sénateur Jessiman. Il y est question d'éléments déclencheurs et d'administration. Voilà le document. Il débute par les mots: "Thank you for responding" "Merci d'avoir répondu", puis il y a un très long passage, un passage manifestement très long, censuré. Puis, le texte reprend. Au milieu, une autre ligne est censurée, après quoi l'auteur conclut.
Monsieur le conseiller, si je pose la question, c'est simplement parce que, hier, M. Hession, pendant son témoignage, a contesté une partie censurée. Il semble y avoir un grand nombre de documents censurés, et je voulais savoir, monsieur le conseiller, si vous pouvez établir ce qui y était dit, parce que je pense que cela est important dans le contexte de nos discussions de ce matin. Et pourquoi ces passages sont-ils censurés? Pour le moment, je me contente donc de...
M. Nelligan: Puis-je avoir le document, parce qu'ils sont tous annotés de façon différente, et plutôt que de chercher mon propre exemplaire...
Le sénateur LeBreton: D'accord. Certainement. Et je serais heureuse de fournir des copies, mais cela fait partie de notre documentation. Je voulais donc simplement vous demander de vérifier, monsieur le conseiller. Par la suite, j'aimerais pouvoir poser des questions à M. Broadbent à propos de ce document particulier parce que, à mon avis, il est tout à fait pertinent dans le contexte.
M. Nelligan: Puis-je expliquer à quoi tient notre problème? Jusqu'ici, les autorités juridiques semblent indiquer que le comité dispose de très vastes pouvoirs. Normalement, ces pouvoirs ne peuvent s'exercer que sous l'égide du Sénat tout entier.
La procédure consiste à demander à un témoin pourquoi l'information est censurée, après quoi vous vous demandez si le recours aux règles touchant la confidentialité est raisonnable dans les circonstances, et je reconnais que je suis intervenu hier parce que, à mon avis, nous avions commencé à toucher à la réputation de certaines personnes, ce qui n'est pas directement pertinent dans le contexte de la présente audience.
Dans la production de ces documents, le ministère de la Justice a appliqué une règle large et adopté la position de départ selon laquelle tout renseignement à diffusion restreinte en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ne serait pas rendu public. Ce que je vous dis, c'est que si vous avez le sentiment que les renseignements figurant sous diverses rubriques se révèlent nécessaires aux fins de la présente enquête, vous pouvez demander au témoin d'expliquer pourquoi ils sont censurés. Je vous suggère de plus de demander au témoin de divulguer la teneur ou le contenu de tels documents, de manière à porter atteinte le moins possible à la réputation de personnes qui ne sont pas ici pour se défendre.
Dans ce cas particulier, il s'agit, je crois, du paragraphe 19 (1) de la Loi sur l'accès à l'information. Et même si je n'ai pas le texte de loi sous les yeux, je pense qu'il a trait aux renseignements personnels et aux cas où une personne formule des commentaires à l'endroit d'une autre. Si, par exemple, un fonctionnaire formule une critique à propos d'un autre, le passage sera normalement censuré si un journaliste ou qui que ce soit d'autre demande à y avoir accès. Du point de vue de la politique officielle, on peut d'ailleurs voir comment cela serait embarrassant.
Oui, j'ai maintenant sous les yeux le paragraphe 19(1), et on y précise simplement qu'il s'agit de renseignements personnels. À l'alinéa 21g), on indique qu'il convient de supprimer les opinions ou les points de vue formulés par une personne à propos d'une autre.
Il me semble que cette censure précise a trait à cet aspect de la question. Je ne dis pas aux membres du comité qu'ils devraient se sentir liés par cette disposition, mais je vous prie instamment de poser d'abord au témoin toutes les questions appropriées pour vous assurer que personne ne subit un traitement injuste. Mais toutes les références à ce document ont trait à l'article 19, regroupées sous la rubrique "Renseignements personnels".
Le sénateur LeBreton: Malgré tout (et je ne suis pas avocate), ces renseignements n'ont-ils pas été déposés auprès des tribunaux sans passages censurés?
M. Nelligan: Oh, eh bien, voici, le document censuré nous a été communiqué par le ministère de la Justice, qui l'a tiré de ses dossiers.
Le sénateur Jessiman: Sans les passages censurés?
M. Nelligan: Avec les passages censurés.
Le sénateur Jessiman: Avec les passages censurés?
M. Nelligan: Avec les passages censurés.
Le sénateur Jessiman: Mais le sénateur, monsieur, se demande si les parties au litige ont accès à ces renseignements, si elles...
M. Nelligan: Oui.
Le sénateur Jessiman: ...ces renseignements ne devraient-ils pas...
Le sénateur LeBreton: Se trouver devant le comité.
Le sénateur Jessiman: ...se trouver devant nous? Pourquoi les parties à un litige portant sur la même question précise...
M. Nelligan: Eh bien, je vais plus loin que vous, sénateur. Je dis que vous avez droit à ces renseignements, qu'ils aient ou non été rendus publics, qu'ils aient ou non été communiqués aux parties au litige.
Le sénateur Jessiman: D'accord. Eh bien, j'aimerais que vous cherchiez à établir...
M. Nelligan: Si ces renseignements sont disponibles, je n'ai aucune démarche à accomplir. Je pense que je connais la réponse à votre question. Si les renseignements sont disponibles par une autre source, vous y avez droit. Mais je vais plus loin. Ce que je dis, c'est que même si vous n'y aviez pas accès par une autre source, vous pourriez interroger le témoin à ce sujet. Et, s'il a accès aux renseignements, vous pouvez lui ordonner de les divulguer, ou vous pouvez convoquer la personne compétente du ministère et l'obliger à vous les communiquer. Une fois de plus, il vous appartient d'user de votre pouvoir discrétionnaire pour décider si la mesure s'impose dans les circonstances. Si le témoin peut vous donner une idée de l'essentiel du contenu, vous pourrez cerner les détails dont vous avez besoin.
Le sénateur LeBreton: Si nous pouvons agir de la sorte, cela me convient. Je comprends ce que vous dites, et je m'en tiendrai à ces directives.
Parce que, comme je l'ai dit, ce document est très important: en effet, il s'inscrit au beau milieu des travaux menés par M. Broadbent. Je m'en tiendrai donc à ce que vous avez dit.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur le conseiller, j'aimerais simplement poser une autre question à ce propos. Vous avez dit qu'il suffit que des critiques soient formulées à l'endroit d'un fonctionnaire pour qu'on censure un passage?
M. Nelligan: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Eh bien, les mêmes règles s'appliquent-elles lorsque quelqu'un formule des critiques à l'endroit d'une personne n'appartenant pas à la fonction publique?
Le sénateur Lynch-Staunton: On peut citer Stevie Cameron, mais on ne peut citer un fonctionnaire!
Le sénateur Tkachuk: Il suffit donc d'une seule critique à l'endroit d'un citoyen...
M. Nelligan: Ces règles ne s'appliquent pas à la fonction publique en soi. Ce sont simplement des règles générales qui visent à protéger les gens contre ceux qui pourraient rechercher des commérages dans des dossiers ministériels.
Par exemple, quelqu'un peut écrire pour se plaindre à propos de son voisin, et la lettre se retrouve dans un dossier gouvernemental. On n'aime pas que des renseignements non fondés soient par la suite publiés dans les journaux, de façon gratuite, du simple fait qu'ils sont là. Voilà pourquoi la règle existe. Il s'agit d'une règle générale visant la confidentialité des renseignements personnels. Et je l'ai dit dès le début: la règle s'applique au grand public, mais non au comité.
Le sénateur LeBreton: Eh bien, monsieur le conseiller, sur ce point, dans ce cas (comme nous avons affaire à une censure sélective) pourquoi avons-nous hier eu en main un document adressé par une personne du nom de Carole Swan à quelqu'un du Conseil du Trésor à propos d'une réunion dont nous n'avons pas même été en mesure d'établir la tenue, document dans lequel on spéculait sur les éventuels participants, en plus de commenter l'échéancier et tout le reste? Pourquoi ces passages ne seraient-ils pas inclus? De toute évidence, il s'agit du point de vue d'une personne sur une situation. D'autres parties du document sont censurées, mais pas celle-là. J'ai l'impression qu'il s'agit de censure sélective, et je pense simplement que nous sommes ici, vous savez, pour chercher la vérité.
M. Nelligan: Eh bien, en ce qui a trait au document en particulier que nous avons sous les yeux, la plupart des passages ont trait au contenu d'un problème bureaucratique normal.
Le sénateur LeBreton: Oui. Eh bien, la note de service à laquelle je viens tout juste de faire référence, ce matin, ne constitue-t-elle pas un problème bureaucratique normal?
M. Nelligan: Eh bien, la note de service à laquelle vous faites référence a trait aux préparatifs d'un document de stratégie en cours de négociations.
Le sénateur LeBreton: Et il y est question d'une réunion qui a pu ne pas avoir eu lieu.
M. Nelligan: Vous faites référence à un document que je n'ai pas sous les yeux.
Le sénateur LeBreton: Excusez-moi. Il s'agit d'un document déposé hier. Il était adressé à Sid Gershberg par Carole Swan.
M. Nelligan: Puis-je le voir, s'il vous plaît? Il est très difficile de tous se les rappeler.
Le sénateur LeBreton: Mais, je veux dire, le problème est simplement que certaines parties du document sont censurées, tandis que d'autres...
M. Nelligan: Eh bien, voyez-vous, il s'agit d'une règle différente. Maintenant, un mot d'avertissement: la partie censurée à la page 3 de cette note d'information particulière est visée par l'alinéa 69(1)g), qui a trait au document confidentiel du Cabinet; l'alinéa 69(1)g) a trait aux renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada; et l'alinéa c) vise les ordres du jour, les procès-verbaux ou les délibérations ou décisions du Conseil. Et c'est précisément ce dont il est question. De toute évidence, on fait référence à des questions mises à l'ordre du jour du Cabinet.
Maintenant, les questions liées aux renseignements confidentiels du Cabinet constituent un territoire où il est beaucoup plus délicat de s'aventurer.
Le sénateur LeBreton: Oh, je suis d'accord.
M. Nelligan: Et voilà pourquoi ces passages ont été censurés. Vous pouvez contester la pertinence de la suppression de points à l'ordre du jour, mais je pense que, dans le cours normal des choses, nul ne demande d'avoir accès aux discussions du Cabinet, et cetera, et, dans la pratique, le Sénat ne l'a jamais fait. Pour être tout à fait francs, nous avons évoqué la possibilité d'accéder à certains de ces documents, mais, comme on a invoqué l'article 69, même pour des ordres du jour, j'ai eu l'impression qu'il ne s'agissait pas de quelque chose de particulièrement important puisque, à la lecture du document, j'ai constaté qu'il s'agissait manifestement d'une référence: "Et nous allons devoir le soumettre au Conseil du Trésor" ou quelque chose du genre. Je ne pense pas qu'on ait touché au fond de la question, si bien que je n'ai formulé aucun commentaire. Mais on doit consulter la note manuscrite pour comprendre pourquoi les passages ont été censurés.
Les articles mentionnés font toujours référence à la Loi sur l'accès à l'information que j'ai en main et que vous pouvez consulter en tout temps. Je ne me préoccuperais pas trop des références à l'article 69, à moins qu'on ait l'impression de se trouver au coeur d'une question très importante, ou quelque chose du genre, auquel cas on pourra peut-être pousser les choses un peu plus loin.
Le sénateur LeBreton: Non, je ne contestais pas les censures effectuées. Je ne faisais que mettre en doute le fait qu'on confie à des fonctionnaires le soin de déterminer ce qui sera censuré.
M. Nelligan: Non. J'ai plutôt l'impression que les responsables le font d'un point de vue mécanique, juridique... je ne cherche pas à me montrer critique, mais ils agissent comme ils le feraient pour une demande provenant d'un journaliste ou de qui que ce soit d'autre. Ils appliquent les règles sans égard aux documents additionnels dont le comité pourra avoir besoin.
Lorsqu'on est en butte à certaines parties ayant trait, par exemple, aux renseignements personnels à caractère confidentiel, on peut invoquer l'article 69. Je vous suggère de faire preuve d'une plus grande prudence.
Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, je m'adresse au conseiller juridique par votre entremise, le témoin assermenté qui comparaît devant nous a déclaré (et j'aimerais lire le paragraphe) et il s'adresse à Mme Labelle, la sous-ministre: "Je n'ai reçu du groupe des aéroports aucune plainte relative à de l'obstruction ou à un manque de réceptivité."
M. Nelligan: Oui.
Le sénateur Jessiman: Il a également déclaré que M. Barbeau (le destinataire de la note de service) était à la tête du groupe des aéroports. Dans chaque cas, Mme Labelle s'est adressée aux membres du personnel pour tenter de remédier au problème.
J'ai dit à la sous-ministre que j'avais le sentiment d'avoir géré ce dossier avec une main liée derrière le dos. Elle a dit qu'elle comprenait. Même si Mme Labelle, les ministres et les rivaux souhaitent que je demeure en poste, j'ai dit à la sous-ministre que je ne pouvais accepter de travailler dans de telles conditions en me demandant de quel côté le prochain coup allait venir.
M. Nelligan: Puis-je faire une proposition, sénateur?
Le sénateur Jessiman: Oui.
M. Nelligan: Si vous souhaitez associer cette déclaration au document particulier avec...
Le sénateur Jessiman: C'est juste.
M. Nelligan: ...sans avoir à citer de noms, il serait tout à fait correct de dire: "Les paragraphes censurés ont-ils trait au problème énoncé dans votre note de service?"
Le sénateur LeBreton: Oui, exactement.
M. Nelligan: Avec tout le respect que je vous dois, je me permets de souligner que nous ne devrions pas aller plus loin, mais on établit un lien entre l'un et l'autre.
Le sénateur Jessiman: J'ignore s'il s'agit bien d'un fait, mais si le conseiller juridique du comité possède une copie non censurée... et dois-je comprendre que vous êtes en possession d'un tel document?
M. Nelligan: Oui.
Le sénateur Jessiman: D'accord. Au cas où le témoin n'aurait pas une telle copie en sa possession (je suppose que tel sera bien le cas), pourrez-vous alors, en tant que conseiller, lui montrer le document?
M. Nelligan: Bien entendu.
Le sénateur Jessiman: Et nous pourrons ensuite lui poser la question?
M. Nelligan: Oui.
Le sénateur Jessiman: Merci.
Le sénateur Tkachuk: Permettez-moi de poser une autre petite question à ce sujet. Ainsi donc, les conseils du ministre seraient pratiquement...
Le président: Les conseils du ministre ou les conseils donnés au ministre?
Le sénateur Tkachuk: Les conseils donnés au ministre seraient donc, monsieur le conseiller, considérés avec le même sérieux que les conseils donnés au Cabinet, c'est-à-dire qui auraient trait au Conseil du Trésor? J'essaie simplement de clarifier la situation, parce que ce problème s'est posé auparavant.
M. Nelligan: Je m'excuse. J'étais en train de lire la note de service.
Le sénateur Tkachuk: Si nous avons affaire à des conseils donnés au ministre...
M. Nelligan: Oui?
Le sénateur Tkachuk: ...des documents ou des passages censurés ayant trait à des conseils donnés au ministre, la même règle s'appliquerait. Ce que je veux dire, c'est que de tels renseignements sont aussi importants que des conseils donnés au Cabinet...
M. Nelligan: Non, je pense qu'il serait d'un ordre inférieur.
Le sénateur Tkachuk: Voyez-vous, dans ce cas, nous avons affaire à ce document du Conseil du Trésor ou à cette lettre qui est censurée.
M. Nelligan: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Et puis, M. Swain s'est présenté ici avec un document clairement destiné au ministre, dans lequel on critiquait l'ensemble de la démarche du ministère des Transports, document qui nous a été communiqué en entier.
Voilà à quoi je tente d'en venir: si le document qui a remonté jusqu'au ministre Wilson contenait (et la sous-ministre a clairement indiqué que tel était bien le cas) des conseils destinés au ministre, et, selon ce qu'on nous a dit, il s'agissait bien de conseils au ministre, je tiens à ce que les règles appliquées à ce document s'appliquent à tous les documents.
M. Nelligan: Très bien.
Le sénateur Tkachuk: Parce que cela serait rempli de bon sens.
Le sénateur LeBreton: Cela serait juste, n'est-ce pas?
M. Nelligan: J'ai tout simplement laissé entendre que les rapports destinés à un ministre sont d'un ordre différent que ceux qui sont destinés au Conseil privé de la Reine et qu'il y a une différence entre les deux. Si vous voulez poser des questions à l'égard de renseignements destinés au Conseil privé, je pense que vous devriez entendre des juristes de cet organisme avant de pousser plus loin. Mais les rapports...
Le sénateur Tkachuk: Non, mais ce à quoi je voulais en venir...
M. Nelligan: J'essaie simplement d'établir une distinction. Un rapport préparé et soumis au ministre... on m'a dit que nous obtiendrions tous les rapports de cette nature. Nous les obtiendrons donc. Le problème, c'est qu'on commence à y évoquer des réunions du Conseil privé.
Le président: Nous nous écartons du point soulevé.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. Je comprends. J'essaie simplement d'obtenir l'information.
Le président: Votre rappel au règlement, si je comprends bien, et les questions que vous souhaitez poser...
Le sénateur LeBreton: Oui. J'allais conclure, monsieur le président.
Le président: Oui.
Le sénateur LeBreton: Puis, nous irons de l'avant.
Le président: Cela n'a rien à voir avec les documents confidentiels du Cabinet?
Le sénateur LeBreton: Non, non. Je fais simplement référence à ce document, et le conseiller juridique a déjà répondu à ma question. Lorsque j'interrogerai M. Broadbent, un peu plus tard, je m'inspirerai des lignes directrices claires énoncées par le conseiller juridique, et j'apprends maintenant qu'il a en main les deux documents.
Le président: Très bien. C'est noté.
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, je ne tiens pas à prolonger indûment cette discussion, mais je suis quelque peu dérouté quant à la façon dont cette loi est appliquée et à qui elle l'est. Je comprends maintenant que le conseiller juridique a en main ce document in extenso et qu'il est possible que...
Le sénateur Kirby: Excusez-moi, mais qu'avez-vous dit?
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est du latin. In extenso? Totalement, total. Il m'arrive parfois de parler la langue des érudits.
Le sénateur Kirby: En tous cas, c'était impressionnant.
Le sénateur Lynch-Staunton: In toto, qu'en dites-vous.
M. Nelligan: Ab initio.
Le sénateur Lynch-Staunton: Et on a laissé entendre que ce document et d'autres, qui ne sont pas censurés, se trouvent aussi devant les tribunaux, à Toronto. On l'a dit. La question est donc la suivante: Pourquoi le document en question est-il visé? Pourquoi peut-il se trouver devant les tribunaux, mais non devant les sénateurs chargés de l'enquête? Je ne comprends pas.
M. Nelligan: Permettez-moi simplement de préciser que lorsque le tribunal m'a fait parvenir ces documents, j'en ai avisé le ministère de la Justice, par mesure de courtoisie. Je savais que, en vertu des règles judiciaires ontariennes, l'utilisation à des fins autres de documents produits dans le cadre d'un litige est frappée de restrictions. Auprès du ministère de la Justice, j'ai soutenu que, nonobstant les restrictions applicables à toutes les parties ordinaires au litige, le Sénat avait, à mon avis, précisément droit aux mêmes documents que les parties au litige quelle qu'en soit la nature. On m'a demandé de faire parvenir une liste des documents que j'avais reçus, et je me suis exécuté. On vient tout juste de m'aviser (je pense que c'était hier) que les documents ne posent aucun problème, mais ils n'ont pas encore été distribués. Mais je voulais m'assurer qu'aucun problème ne serait soulevé dans le cadre du litige, parce que certaines questions sont sub judice.
Le sénateur LeBreton: Monsieur le conseiller, vous dites donc que vous avez ces documents et qu'ils sont sur le point d'être distribués de sorte que lorsque je...
M. Nelligan: J'étais sur le point de distribuer une liste. Je n'allais pas distribuer les documents.
Le sénateur LeBreton: Oui, une liste. Je pourrai donc obtenir auprès de vous une copie non censurée avant d'interroger M. Broadbent?
M. Nelligan: J'ai le document ici.
Le sénateur LeBreton: Oh, c'est merveilleux.
Le sénateur Lynch-Staunton: Qui a frappé de censure certains documents destinés aux tribunaux? S'agissait-il d'une exigence du ministère de la Justice?
M. Nelligan: Oh, non, non. Simplement pour vous aider à comprendre, je précise qu'il s'agit d'une question de procédure judiciaire. Dans un cas récent fort intéressant, une dame qui intentait une poursuite pour renvoi injustifié a obtenu des documents de son employeur, et elle avait l'intention de poursuivre ce dernier pour diffamation, sur la foi du contenu des dossiers confidentiels. Cette affaire s'est rendue jusque devant la Cour d'appel, qui a statué: "Les documents en question vous ont été soumis dans le contexte d'une poursuite pour renvoi injustifié, et vous ne pouvez les utiliser à d'autres fins." Voilà la règle technique à laquelle je tentais de me conformer. Mais j'ai soutenu que, nonobstant cette règle, les documents donnés aux parties au litige devraient nous être transmis, et on s'est maintenant rendu à mes raisons, de sorte que nous obtiendrons les documents. Seulement, nous aurons reçu les documents censurés avant les autres.
Le sénateur LeBreton: Histoire simplement de clarifier, lorsque je poserai mes questions... vous dites que vous avez en main la version intégrale, non censurée (je ne connais par le jargon juridique), je n'aurai qu'à faire preuve de discernement et de prudence à ce propos, mais je peux demander au témoin s'il peut faire allusion à ces documents sans en quelque sorte...
M. Nelligan: Oui. À titre de courtoisie, je laissais simplement entendre que nous devions éviter d'entrer dans des considérations personnelles, là où il est superflu de le faire.
Le sénateur LeBreton: D'accord. C'est bien.
Le sénateur Kirby: Je suis de plus en plus perdu, mais c'est bien.
Le sénateur Jessiman: Selon ce que je comprends, nous avons un certain nombre de documents (et nous en avons vu un certain nombre hier), dont beaucoup sont censurés.
M. Nelligan: Oui.
Le sénateur Jessiman: Dois-je maintenant comprendre que tous les documents que nous fera parvenir le ministère de la Justice ne seront pas censurés?
M. Nelligan: Oh, non.
Le sénateur Jessiman: Très bien, expliquez.
M. Nelligan: Les quatre mêmes personnes censurent à qui mieux mieux conformément aux directives reçues.
Le sénateur Jessiman: Qui sont ces quatre personnes? Le savez-vous?
M. Nelligan: Il s'agit de quatre avocats que je n'ai pas rencontrés.
Le sénateur Jessiman: Savez-vous s'ils relèvent du ministère de la Justice?
M. Nelligan: Monsieur, je pensais l'avoir expliqué hier aux fins du compte rendu. Ce sont tous des fonctionnaires qui ont prêté le serment d'office et qui tentent d'appliquer les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Jessiman: Il s'agit d'une rumeur, et peut-être connaissez-vous la réponse, j'aimerais le savoir. Dans le contexte de la présente audience, le gouvernement a-t-il embauché des avocats de l'extérieur?
M. Nelligan: Oui. Le ministère a retenu les services d'un conseiller juridique indépendant appartenant au cabinet Scott and Aylen pour lui venir en aide à l'égard des questions juridiques que ce type de problème est susceptible de soulever.
Le sénateur Jessiman: Savons-nous de combien de personnes il s'agit? A-t-on affaire à une seule personne, ou à deux?
M. Nelligan: Eh bien, j'ai rencontré l'associé principal et un autre associé, et tous deux jouissent d'une excellente réputation. Je suis heureux de travailler avec eux. Il est tout à fait compréhensible que le gouvernement se soit adjoint de tels services.
Le sénateur Jessiman: Savez-vous si, outre des avocats, on a retenu les services d'autres personnes?
M. Nelligan: Oui. On a retenu les services d'un cabinet de comptabilité judiciaire (je crois vous l'avoir indiqué hier), qui s'efforce actuellement de coordonner et de cataloguer les documents.
Le président: Et quel est le nom de ce cabinet?
M. Nelligan: Je pense qu'il s'agit de Lindquist and Avey. Il s'agit d'un cabinet reconnu. J'ai eu affaire à eux. Je sais de qui il s'agit. Ils ont une excellente réputation.
Le sénateur Jessiman: Savez-vous combien de personnes y sont mêlées?
M. Nelligan: Je pense qu'ils ont des bureaux aux deux endroits.
Le sénateur Jessiman: Non, je veux savoir combien de personnes sont mêlées à l'affaire?
M. Nelligan: Je n'en ai pas la moindre idée.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je reviens sur ce point. Je suis navré de différer le début de l'audience, mais je pense que cela est essentiel à une meilleure compréhension des enjeux. Les documents mis à la disposition des plaignants à Toronto seront transmis au comité, n'est-ce pas ?
M. Nelligan: Oui. Je pense qu'ils nous seront transmis à mesure qu'ils seront produits. J'ignore combien ils en ont reçus, mais ils nous parviennent à mesure qu'ils sont produits. Oui.
Le sénateur LeBreton: Les documents non censurés?
M. Nelligan: Je vous demande pardon.
Le sénateur LeBreton: S'agira-t-il de documents non censurés?
M. Nelligan: Eh bien, certains passages auront peut-être été censurés en vertu des règles visant les documents confidentiels du Cabinet, je ne sais pas.
Le sénateur Lynch-Staunton: À mesure qu'ils sont mis à la disposition du tribunal, ils seront transmis au comité.
M. Nelligan: J'ai ici la liste de tous les documents que j'ai reçus jusqu'ici. Elle sera distribuée aujourd'hui.
Le sénateur Jessiman: Et, monsieur le conseiller, cela ne se limite pas aux seuls documents déposés devant le tribunal. Qu'importe que chacune des parties au litige, qu'ils aient été ou non déposés devant le tribunal, les deux parties, (je fais référence à la Couronne et aux demandeurs, à Toronto) aient en main certains documents. Il les soumettront ou ne les soumettront pas au tribunal en temps opportun, mais certains d'entre eux l'ont été et certains d'entre eux ont été, je suppose, examinés dans le cadre de l'interrogatoire préalable. Mais allons-nous avoir accès aux documents dont disposent les deux parties au litige? Les responsables de la présente enquête auront-ils accès à ces documents?
M. Nelligan: Eh bien, je déteste être enseveli sous la paperasserie. J'ai simplement demandé qu'on me fasse parvenir les documents pertinents dans le cadre de la présente enquête, car, si je comprends bien, le litige lui-même, pour une large part, porte directement sur d'autres questions, par exemple les dommages et intérêts, et d'autres choses du genre. Je ne pense pas que nous devrions nous mêler de ces questions qui sont sub judice. Ainsi donc, je n'ai demandé qu'à examiner les documents qui, selon moi, se rapportent à cette question. En fait, je dois dire qu'au départ, j'ai laissé entendre aux fonctionnaires du ministère de la Justice que je souhaitais avoir non pas tous les dossiers du ministère des Transports, mais seulement ceux qui étaient pertinents. Naturellement, il est très difficile d'établir ce qui est pertinent, et c'est là l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Le sénateur Jessiman: C'est juste. Au moment où nous nous parlons, qui prend les décisions à ce sujet? Les fonctionnaires du ministère de la Justice?
M. Nelligan: D'abord, ce sont les fonctionnaires du ministère de la Justice.
Le sénateur Jessiman: D'accord.
M. Nelligan: À l'occasion, je trouve dans un dossier une référence qui m'amène à croire qu'il existe peut-être un autre document pertinent, et je demande alors qu'on le cherche pour moi. C'est ce que nous avons demandé. Nous avons écrit à M. Edge, le 12 juin. Nous voulions tous les documents remis à M. Robert Nixon aux fins de l'examen des contrats visant l'aéroport international Pearson. À cet égard, puis-je souligner que l'un des problèmes faisant toujours l'objet de négociations a trait au fait que certains documents semblent avoir été censurés en vertu des règles applicables aux documents confidentiels du Cabinet. Nous négocions toujours l'accès à ces documents, nonobstant l'interdiction.
Le sénateur Jessiman: Ils sont censurés maintenant. L'étaient-ils lorsque M. Nixon les a obtenus?
M. Nelligan: Vous devrez poser la question à M. Nixon, mais je crois comprendre qu'ils ne l'étaient pas.
Le sénateur Jessiman: Ils ne l'étaient pas.
M. Nelligan: Non. En deuxième lieu, nous avons demandé la liste des documents liés aux accords visant l'aéroport international Pearson que le gouvernement a en sa possession et qui ne figurent pas dans les documents relatifs au litige que le tribunal a actuellement en main, parce que nous avions cru comprendre que nous bénéficierions d'un accès immédiat à ces documents.
La réponse que nous avons reçue le 16 juin se lit comme suit:
À la suite de votre lettre du 12 juin 1995, des fonctionnaires ont défini, au meilleur de leur connaissance, les documents que le gouvernement a remis à M. Nixon dans le cadre de la préparation de son rapport. On a jugé que certains d'entre eux étaient des documents confidentiels du Cabinet, qui ont donc été exclus de l'ensemble de documents que vous trouverez ci-joints. Certains autres ont été exclus parce qu'ils sont visés par le secret professionnel de l'avocat.
Nous avons certaines questions à ce sujet.
D'autres ont été exclus en totalité ou en partie parce qu'ils contiennent des renseignements commerciaux à caractère confidentiel.
Nous avons surmonté cet obstacle en obtenant le consentement des parties privées concernées.
Même s'il n'en a pas fait la demande, le comité sera peut-être intéressé par d'autres documents, inclus dans la trousse ci-jointe, ayant trait aux aérogares 1 et 2. Ces renseignements ont été divulgués en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
Naturellement, ces documents ont tous été censurés.
Dans certains cas, les documents ont été exemptés en tout ou en partie, conformément aux diverses mesures contenues dans la loi à cet égard.
Puis, on ajoute:
Le gouvernement ne semble pas avoir en sa possession une liste de documents relatifs aux accords visant l'aéroport international Pearson, outre ceux dont on a dressé la liste dans les documents relatifs au litige. Il est peu probable qu'une telle liste puisse être dressée dans un délai suffisamment court pour répondre aux exigences du comité.
Et c'est là, bien entendu, que réside le dilemme auquel nous sommes confrontés. On trouve là, littéralement, des centaines de milliers de documents, et le processus de sélection, quelque méticuleux qu'il soit, sera fastidieux. C'est pourquoi ces documents nous sont parvenus, comme vous le savez, au compte-gouttes.
Au départ, j'avais espéré que nous pourrions avoir immédiatement accès à tous les documents déposés dans le cadre du litige, mais ils étaient énumérés de telle manière qu'il était difficile de distinguer ceux qui étaient pertinents de ceux qui ne l'étaient pas. Et je sais que le gouvernement dispose d'un procédé informatique qui permet de passer en revue de tels documents, mais il n'a toujours pas été mis à notre disposition. Entre-temps, je reçois d'un certain nombre de sources les documents figurant dans le dossier relatif au litige.
Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, je m'adresse de nouveau au conseiller législatif par votre entremise. Je fais référence aux documents mis à la disposition de M. Nixon. Dans un des témoignages qui nous ont été présentés, on a affirmé que 4 500 pages avaient été mises à sa disposition. On nous a aussi indiqué qu'on allait nous transmettre, pour nous permettre de procéder à une enquête adéquate, 200 000 pages de documents. Maintenant, le fait que ce gouvernement ait fourni en 1993 4 500 pages de documents... je ne comprends pas pourquoi on n'a pas été en mesure de nous remettre, dès le début de la présente enquête, ces 4 500 pages non censurées... s'il a pu, lui, les obtenir sans censure.
M. Nelligan: Eh bien, nous en parlerons en temps opportun avec le greffier du Conseil privé. J'espère qu'on pourra alors répondre à cette question.
Le sénateur Jessiman: D'accord. Parce que, dans ce cas, 30 jours se sont écoulés entre le moment où il a été nommé et celui où il a reçu les documents, les a analysés et a pris la décision. Quant à nous, nous avons été nommés il y a quelques mois, et nous ne les avons toujours pas reçus.
Le président: Puis-je poser une dernière question au conseiller juridique? Il s'agit d'une question relativement essentielle.
J'ai lu la documentation préparée par le conseiller juridique de la Chambre des communes (et vous l'avez tous en votre possession), qui porte sur les pouvoirs d'un comité parlementaire. En résumé, ils sont presque absolus. Dans le cadre d'audiences du comité mixte d'examen de la réglementation, l'auteur du rapport, Madame Diane Davidson, qui accompagnait le sous-ministre de la Justice, confirmait tout ce qu'elle avait écrit dans son document. Je devrais dire qu'elle confirmait presque tout ce qu'elle avait écrit. En fait, elle faisait certaines mises en garde.
Le ministère de la Justice a alors préparé un guide visant à aider les fonctionnaires à répondre aux questions des membres d'un comité parlementaire. Le dernier a été préparé en 1990. Il a depuis été mis à jour. J'ai tenté d'obtenir le rapport à jour auprès du sous-ministre de la Justice. On a refusé d'obtempérer à ma demande, parce que le ministère de la Justice considère que son client est le ministère des Transports, et le document n'a donc pu nous être transmis.
Pourriez-vous donner suite?
M. Nelligan: Je le ferai.
Le président: Vous pouvez procéder.
Le sénateur LeBreton: À des fins de clarification, M. Broadbent, lorsque je commencerai à l'interroger, aura-t-il en main le document que...
M. Nelligan: Je pense que le document est gravé dans son esprit, mais, quoi qu'il en soit, je veillerai à ce qu'il en ait une copie.
Puis-je faire une autre suggestion? Compte tenu de la délicatesse du sujet, me donnera-t-on l'occasion de le parcourir une fois afin d'être en mesure de guider le témoin tout au long de l'interrogatoire?
Le sénateur LeBreton: Certainement.
M. Nelligan: Et puis, si vous avez d'autres questions à poser, vous pourrez le faire, mais j'ai pensé que M. Broadbent et moi pourrions peut-être déterminer jusqu'où on devrait normalement aller.
Le sénateur LeBreton: Je n'y vois aucun inconvénient.
M. Nelligan: Il s'agit d'une simple suggestion.
Le président: Le greffier vient tout juste d'attirer mon attention sur le comité mixte d'examen de la réglementation. M. Wappel, de la Chambre des communes, fait référence au témoignage de Mme Davidson. Cette dernière déclare:
Ce que l'octroi de ces pouvoirs signifie, bien entendu, c'est que les comités...
...les comités parlementaires...
...disposent de pouvoirs quasi illimités lorsque vient le moment d'obliger des témoins à comparaître et d'ordonner la production de documents, à condition que l'enquête menée par le comité concerné ait trait à une question relevant de la compétence du Parlement et de l'ordre de renvoi du comité.
Il pose alors la question suivante au sous-ministre de la Justice:
Êtes-vous d'accord ou en désaccord avec la déclaration?
Ce à quoi M. Thompson réplique:
Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration liminaire, je suis d'accord avec ces propos. J'ai laissé entendre que dans les cas qui ont trait à une demande d'informations, verbales ou écrites, qui soulèvent des questions relatives au secret professionnel de l'avocat, le comité doit se demander si ces renseignements sont bel et bien nécessaires et comment il convient de procéder. Je reconnais que le comité dispose de tels pouvoirs.
Maintenant, je pense que nous avons suffisamment exploré ce filon.
Au moment où le temps qui nous était imparti hier a expiré, le sénateur Kirby, je crois, interrogeait le témoin. Vous pouvez donc maintenant poser d'autres questions à M. Broadbent.
Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président. Pour un profane, il est toujours fascinant d'entendre des avocats discuter de problèmes techniques.
Conformément à ce que je me suis efforcé de faire hier, monsieur le président, afin de faciliter la tâche au témoin et aux membres du comité, je m'intéresserai à quatre questions. Il s'agit de quatre questions touchées dans le cadre des négociations, et je les aborderai une à la fois, de manière à ce que nous puissions disposer de l'une, puis de l'autre. Si le temps dont je dispose est épuisé, nous pourrons passer à quelqu'un d'autre, et j'aurai plus tard l'occasion de revenir sur ce qui n'a pas été touché.
La première question que je voulais aborder a trait aux garanties touchant le déroutement à des passagers, et je me référerai aux documents numérotés 8, 9 et 10, que j'ai en ma possession. J'espère donc qu'ils ont été distribués.
Monsieur Broadbent, pendant qu'on distribue les documents en question, pouvez-vous nous donner une idée de ce que... ou nous expliquer ce qu'était la notion de garantie touchant le déroutement des passagers?
M. Broadbent: Monsieur le président, sénateur Kirby, je vais certainement tenter de le faire. Dans ma déclaration liminaire, j'ai indiqué que j'aurais besoin de l'aide de spécialistes si vous souhaitiez aborder certaines questions. Celle-ci est précisément l'une d'elles. Et permettez-moi de vous donner mon souvenir ou ma compréhension de ce qu'était le problème et de la façon dont nous l'avons résolu.
Pour qu'une société accepte de consacrer de l'argent en masse au réaménagement de l'aéroport, il était de son point de vue tout naturel, me semble-t-il, de vouloir des assurances quant au maintien des volumes de passagers qui avaient justifié la dépense et la prise de mesures visant à permettre le transit du nombre de personnes en question.
Par ailleurs, la Couronne (et en ma qualité de négociateur en chef pour la Couronne, je me suis efforcé de défendre les intérêts de la Couronne, et je crois y avoir réussi) ne pouvait pas lier les mains de gouvernements futurs qui pourraient, pour une raison ou une autre, souhaiter aménager une autre aérogare dans l'entrepiste, aménager de toutes nouvelles installations, vous savez, dans le nord-est de Toronto. Nous ne pouvions lui lier les mains de quelque façon que ce soit. Il s'agissait donc d'une situation difficile, et, selon toute vraisemblance, d'une impasse. Comment garder à un futur gouvernement toute sa marge de manoeuvre et lui permettre de faire ce qu'il croit juste, tout en faisant preuve d'équité à l'endroit d'un promoteur et en évitant qu'il ne constate soudainement, après avoir dépensé de l'argent, que la donne est toute différente. C'était là le point un.
Point deux: les passagers se déplacent non pas en petits nombres, mais bien en grands nombres. On doit déplacer des compagnies aériennes tout entières. Au cas où une nouvelle aérogare ou un nouvel aéroport ouvrirait ses portes, on assisterait à une chute du nombre de passagers. La situation était donc délicate.
Ce que nous avons fini par faire (et d'autres pourront me dire si on a maintenu le cap, mais je crois que oui, étant donné qu'il s'agissait du fruit de quelques cerveaux créateurs) a été de dire: "D'accord, entendons-nous d'abord sur ce qui constitue un volume de passagers raisonnable, dans l'hypothèse où tous les aménagements seraient réalisés." Cette décision a suscité certains débats parce que, de toute évidence, les promoteurs souhaitaient que ce volume soit élevé, tandis que Transports Canada, ce qui est tout naturel, préférait qu'il demeure à un seuil confortablement peu élevé. On s'est donc disputé sur ce point.
Sur cette prémisse (et je peux parler en tant qu'apprenti mathématicien, je peux parler la langue du sénateur Kirby), nous avons abouti à quelque chose qui pourrait ressembler à une courbe en dents de scie. Si un gouvernement décidait de bouger, de faire quelque chose pouvant avoir pour effet de réduire le volume de passagers aux aérogares, ce dernier accorderait une indemnité par le truchement de la Pearson Development Corporation. Nous avons toutefois assorti cette mesure d'une mise en garde, c'est-à-dire que si le volume de passagers s'élevait au-dessus du chiffre magique avant que cela ne se produise, on considérerait que les sommes en jeu reviennent de droit au gouvernement de l'époque, et elles seraient soustraites de tout remboursement exigé par une réduction du volume de passagers.
Voilà plus ou moins, je pense, l'approche générale que nous avons adoptée.
Le sénateur Kirby: Je connais la réponse, mais je poserai quand même la question. Dans la demande de propositions, avait-on prévu l'octroi d'une garantie de la sorte; en d'autres termes, exigeait-on ou proposait-on dans la demande de propositions l'octroi d'une garantie contre le déroutement du trafic?
M. Broadbent: Je ne le crois pas.
Le sénateur Kirby: De toute évidence, la question a donc été soulevée après que certaines personnes eurent présenté une proposition, nous sommes d'accord?
M. Broadbent: C'est ce que je crois, monsieur.
Le sénateur Kirby: Savez-vous qui a soulevé la question, ou quand et comment elle l'a été?
M. Broadbent: Eh bien, je pense que la question a été soulevée dans le contexte des éléments déclencheurs, comme je crois l'avoir expliqué hier. Ce que je veux dire, c'est, au départ, le réaménagement devait se dérouler sans accrocs, et les compagnies aériennes devaient en assumer les coûts de concert avec le bailleurs de fonds, et tout devait aller de l'avant. Mais, comme je l'ai expliqué, le souci de ne pas heurter les compagnies aériennes d'entrée de jeu et d'autres considérations du genre, ainsi que le sens commun, je pense, nous ont amenés vers une situation favorable à l'éclosion de l'élément déclencheur, qui, manifestement, nous mènerait à un nouveau stade de réaménagement. Ainsi, l'aéroport Pearson n'aurait pas été tenu de faire des choses, si la stagnation des passagers s'était maintenue, on s'en serait foncièrement tenu à un processus de réaménagement concentré sur l'aérogare 1, et les problèmes dont vous avez discuté si en détail hier, et on se serait peut-être intéressé au domaine transfrontalier, mais tout aurait été fonction des volumes de passagers observés. On ne doit jamais perdre de vue le témoignage de mon ami Ray Hession, que vous avez entendu hier, et qui se trouvait de l'autre côté de la table, témoignage selon lequel les meilleurs aéroports du monde planifient en fonction de la croissance prévue.
Le sénateur Kirby: Mais il n'en demeure pas moins que certaines personnes ont répondu à la demande de propositions et ont vu leur proposition retenue, sans demander des garanties relatives au déroutement du trafic, qui n'est devenu un enjeu que plus tard.
Soit dit en passant, les exploitants de l'aérogare 3, à l'époque où elle a été aménagée, ont-ils demandé...
M. Broadbent: Je ne connais pas la réponse à cette question.
Le sénateur Kirby: Savez-vous qui pourrait y répondre?
M. Broadbent: Je suppose qu'il y a ici des personnes qui le pourraient.
Le sénateur Kirby: D'accord. Selon ce que je crois comprendre, monsieur le président, l'aérogare 3 a été aménagée sans qu'on exige une garantie de ce genre, et c'est pourquoi je pose la question. Je ne demande qu'à être corrigé, mais c'est...
M. Nelligan: Dans le prochain groupe, il y a peut-être quelqu'un qui pourra vous aider.
Le sénateur Kirby: Merci.
Passons maintenant au document numéro 8. Il s'agit de ma propre numérotation. Il y a aussi un numéro dans le bas, et je crois comprendre que c'est la numérotation que privilégie toujours notre conseiller juridique. Il s'agit du numéro 0020089, mais j'ai inscrit le numéro 8 en haut de mon exemplaire.
M. Broadbent: J'ai en main un document où le numéro 8 figure en haut. Je n'ai pas eu l'occasion de le lire.
Le sénateur Kirby: Non, non, je comprends.
M. Broadbent: Je ne crois pas l'avoir vu auparavant.
Le sénateur Kirby: Oh, c'est parce qu'il faisait partie de l'une des reliures définies comme faisant partie de vos documents, mais je ne sais pas ce que "vos" signifie.
M. Broadbent: Moi non plus.
Le sénateur Kirby: Je comprends. On dit qu'il s'agit de l'annexe D (il s'agit manifestement d'une analyse portant sur une diversité d'enjeux), voilà comment j'interprète son origine.
Le sénateur Jessiman: Sénateur Kirby, savons-nous d'où provient ce document?
Le sénateur Kirby: Non. En fait, je suis heureux que vous ayez posé la question. La réponse est que je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est qu'il faisait partie de l'un des documents contenus dans les reliures qui nous sont parvenues. C'est là que je l'ai trouvé, mais si vous me demandez qui l'a écrit, je dois dire que j'en sais rien.
Le sénateur Jessiman: Si le témoin ne l'a pas vu, je ne sais comment vous pourrez l'interroger, je veux dire s'il ne l'a jamais vu et s'il ne sait pas d'où il provient.
Le sénateur Kirby: D'accord. Sans vous interroger à propos du document, puis-je vous poser la question suivante? Ainsi, je pense que l'on contourne la difficulté liée au document précis.
Le sénateur Tkachuk: Le document 8, sénateur Kirby, qui porte le numéro 002008, se compose-t-il de deux documents?
Le sénateur Kirby: Tout ce que je puis vous dire, c'est la façon dont il a été porté à ma connaissance.
Le sénateur Tkachuk: On dirait qu'il a été en quelque sorte rempli parce qu'à la page 4, les caractères sont différents.
Le sénateur Kirby: Vous en savez autant que moi, et je n'en sais pas beaucoup.
Le sénateur Jessiman: On le désigne comme annexe A. Devons-nous tenir pour acquis qu'il était annexé à quelque chose d'autre?
Le sénateur Kirby: D'accord, je renonce à utiliser le document. Je viens tout juste de l'extraire de la reliure. Permettez-moi donc simplement de poser la question. Je ne suis pas non plus au fait du contexte.
Certains diraient que l'un des problèmes que pose un accord relatif au déroutement du trafic ou des passagers, ou qui milite à son encontre, si vous préférez, est que, dans les faits, un tel accord établit un seuil jusqu'auquel l'exploitant ou le promoteur, comme vous l'avez dit, est affranchi de toute concurrence et, par conséquent (parce que, comme vous l'avez dit, il n'y aurait aucune concurrence jusqu'à ce seuil) et, par conséquent, ce dernier ne serait nullement incité à maintenir un bon service et à tout mettre en oeuvre pour garder les locataires sur place.
Comment réagissez-vous à cet argument, c'est-à-dire que le fait de garantir un seuil minimum supprime les forces de la concurrence et, de fait, élimine tous les incitatifs pouvant pousser un exploitant à exercer ses activités de façon convenable?
M. Broadbent: Ma réponse brève, sénateur, constituerait un non-sens. Voulez-vous que je m'exécute?
Le sénateur Kirby: Pourquoi?
M. Broadbent: Eh bien, parce que je pense qu'il s'agit d'une mesure adéquate... ce qu'on cherche à faire ici consiste essentiellement à protéger le promoteur contre la mauvaise foi ou le mauvais jugement du gouvernement, non pas du présent gouvernement, mais d'un gouvernement dans 15 ou 20 ans d'ici. Si un promoteur investit de bonne foi dans l'aménagement d'installations capables d'accueillir un certain nombre de passagers et que les installations en question sont maintenues à un niveau de classe mondiale, malgré les mesures administratives dont je crois avoir discuté avec vous hier, ce dernier, mettez-vous à sa place, sera enclin à dire, si on réduit de 10 millions le nombre de passagers qui transitent chaque année par les installations: "Non, c'est injuste."
Le sénateur Kirby: Je comprends. Ce qui me semble intéressant, c'est simplement le fait que personne n'y a songé en répondant à la demande de propositions, et que cette mesure n'est venue qu'après coup.
Pouvons-nous parler pendant un moment du nombre? Savez-vous sur quel seuil on s'était finalement entendu?
M. Broadbent: Je suis désolé, mais non. On trouve des chiffres dans ces documents, mais je ne sais pas, je pense que le nombre se situait environ dans les trente et plus.
Le sénateur Kirby: Monsieur le président, je me demande si l'un des témoins à venir pourra aborder cette question. Si je pose la question, c'est parce que le témoin a raison. En examinant les chiffres contenus dans ces documents, on constate que, dans le cadre des négociations, on a avancé un seuil minimal de 33 millions à un seuil maximal de 39 millions de passagers par année, et pourtant les personnes qui connaissent le mieux l'aéroport, c'est-à-dire les personnes (en particulier M. Chern Heed, qui dirigeait l'aéroport) avaient eu le sentiment que l'on devrait s'en tenir aux environ de 30 millions de passagers. Ainsi donc, son opinion était que (et divers documents le démontrent), on rapporte qu'il aurait déclaré que le besoin de nouvelles installations se fera sentir bien avant que l'on franchisse la barre des 33 millions et que, en d'autres termes, tout sera congestionné. Voilà pourquoi je pense qu'il importe que nous comprenions si le seuil a été franchi ou non, d'abord, si le chiffre exact auquel on en est arrivé était en fait si élevé que les passagers auraient été extrêmement incommodés avant même que le seuil ne soit atteint. J'accepte sans réserve les propos de M. Broadbent lorsqu'il affirme qu'il ne s'agit pas de son champ de spécialité, mais j'espère que quelqu'un pourra aborder cette question.
M. Nelligan: Je crois comprendre que monsieur Desmarais et monsieur Jolliffe ont été mêlés aux aspects techniques de la négociation à l'époque où le témoin la dirigeait ainsi qu'à celle où M. Rowat était en poste, de sorte que je crois que vous pourrez obtenir une réponse en posant la question aux prochains intervenants.
Le sénateur Kirby: D'accord, je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Ces documents viennent tout juste de nous être fournis, et l'homme auquel vous avez fait allusion, M. Chern Heed, adresse à M. Barbeau une note de service qui va dans le sens du processus sans accrocs auquel vous avez fait allusion, monsieur Broadbent, puisqu'il écrit:
Apparemment, Paxport...
Nous sommes le 12 mai 1993, document numéro 53118.
Le sénateur Kirby: De quel numéro s'agit-il?
Le président: 53118 ou, en-dessous, 002013.
Le sénateur Kirby: Je vous remercie. Je pense qu'il s'agit de mon numéro 9. Je viens tout juste de numéroter les documents.
Le président: La note de service a été rédigée le 12 mai 1993, longtemps après que la fusion. Vous savez, il s'agit maintenant de la Pearson Development Corporation. Et il dit - M. Heed dit à M. Barbeau:
Apparemment, Paxport a maintenant soulevé la question auprès de Broadbent, et j'ai bien peur qu'il ne soit ouvert à l'idée d'accorder à Paxport une garantie pouvant aller jusqu'à 39 millions de passagers.
J'aimerais que M. Broadbent me dise pourquoi l'auteur de la note de service fait référence à Paxport, et non à la Pearson Development Corporation. J'aimerais aussi que M. Broadbent me dise s'il a effectivement accordé une garantie pouvant s'élever jusqu'à 39 millions de passagers.
M. Broadbent: Pour répondre à la première partie de votre question, je ne sais pas pourquoi il fait référence à Paxport parce que, de toute évidence, il aurait dû faire référence à Mergeco ou à la Pearson Development Corporation. Et je ne puis penser à rien que j'aurais dit ou fait qui aurait pu laisser croire que nous allions donner suite à leur proposition. Je pense qu'ils avaient fait une certaine planification financière sur la foi d'un trafic de 38 millions de passagers et qu'ils s'efforçaient de nous convaincre de nous orienter sur cette voie. Mais nous n'étions pas tombés de la dernière pluie. Je ne sais pas d'où Chern Heed tenait cette idée, et je m'interromps ici.
Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président.
Je m'en tiendrai au principe des garanties touchant le déroutement des passagers plutôt qu'aux chiffres exacts, nous aborderons cette question avec les spécialistes du domaine technique...
Le sénateur Jessiman: Il s'agit d'une note de service adressée à Barbeau, et il dit (Chern Heed dit à Barbeau)... oh, je vois, il parle de Broadbent. D'accord, j'ai le document.
M. Broadbent: Puis-je faire une observation, monsieur le président? Je ne veux pas me mêler de votre débat concernant les documents, mais je m'interroge à propos des mots "a maintenant soulevé la question auprès de Broadbent, et j'ai bien peur qu'il ne soit ouvert". Je me demande si de tels propos pourraient être visés par l'un des critères prévus dans la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur LeBreton: Bonne question, monsieur le conseiller.
M. Broadbent: Si la question avait été soulevée auprès de Huguette Labelle, de Barbeau, ou de qui que ce soit, et que l'auteur avait écrit: "J'ai bien peur qu'il ne soit pas ouvert", le passage aurait-il été censuré?
Le sénateur LeBreton: Bonne question.
Le sénateur Kirby: Pour en revenir au principe des garanties touchant le déroutement des passagers, l'inclusion d'une telle clause avait-elle effectivement pour effet de lier les mains de la Couronne ou du gouvernement en ce qui touche l'éventuel réaménagement à l'aéroport de Hamilton... j'ai appris il y a quelques jours qu'on l'appelle, je pense, l'aéroport de Mount Hope, et peut-être à Buttonville, peut-être dans les îles de Toronto ou peut-être encore à Pickering? En d'autres termes, la garantie relative au déroutement des passagers avait-elle pour effet d'interdire l'aménagement d'un nouvel aéroport, par exemple à Pickering, ou l'agrandissement des aéroports existants, à Hamilton, à Buttonville ou dans les îles de Toronto? Cette garantie avait-elle un tel effet?
M. Broadbent: La réponse rapide est non. J'avais pour but de défendre la marge de manoeuvre des gouvernements futurs et leur capacité de prendre des décisions sensées. Je ne voulais pas que cet accord ait pour effet de leur lier les mains.
Le sénateur Kirby: Vous ne vouliez pas que les gouvernements aient les mains liées une fois le seuil atteint.
M. Broadbent: Oh, non, non, non. Ils pouvaient le faire en tout temps, mais pourquoi un gouvernement souhaiterait-il aménager un nouvel aéroport à Pickering s'il existe une capacité de 10 millions de passagers à Pearson? Vous savez, la réalité est tout autre.
Le sénateur Kirby: Mais tout dépend de... et il vaut mieux que nous nous entendions clairement sur ce que vous entendez par "garanties touchant le déroutement des passagers". Vous avez dit que le gouvernement aurait pu agir sans verser d'indemnité.
M. Broadbent: Non, je n'ai pas dit qu'il aurait pu agir sans verser d'indemnité.
Le sénateur Kirby: D'accord. Donc, dans la mesure où il...
M. Broadbent: Je m'excuse, sénateur, mais pourquoi un gouvernement... je veux dire, je sais qu'il arrive au gouvernement de faire des bêtises, mais il est difficile d'imaginer qu'un gouvernement planifie à long terme au point d'aménager un nouvel aéroport à Pickering lorsqu'il existe une surcapacité de 10 millions de passagers à Pearson.
Le sénateur Kirby: Bon. Parlons de deux aspects précis puisque vous semblez préférer une autre illustration. Parlons des dépenses ou de l'augmentation... tenons-nous-en à l'augmentation du trafic transitant à Hamilton. Dans les faits, les garanties signifient-elles que le gouvernement, à moins qu'il n'ait été disposé à verser des indemnités, ne pouvait prendre de mesures pouvant avoir pour effet d'augmenter le trafic transitant, par exemple, par l'aéroport de Hamilton, à moins que le seuil ne soit atteint? Les garanties avaient-elles cet effet?
M. Broadbent: Lorsque vous abordez des questions précises de ce genre, j'aimerais être très sûr de ce que j'avance, et je préférerais m'en remettre à des personnes qui ont une meilleure mémoire que moi ou qui se sont rafraîchi la mémoire plus que je ne l'ai fait.
Au meilleur de ma connaissance, le but visé était de ne pas lier les mains des gouvernements futurs. Quant à votre question précise...
Le sénateur Kirby: Excepté...
M. Broadbent: Je ne vais pas répondre à cette question parce que je ne suis pas absolument certain de ce que j'avance.
Le sénateur Kirby: Aux fins du compte rendu, je pense que nous devons être clairs. Lorsque vous dites que les mains des gouvernements futurs n'auraient pas été liées, vous voulez dire qu'ils auraient pu agir à leur guise à condition de verser des indemnités. Même s'il ne s'agit pas d'une interdiction à 100 p. 100, il me semble que la mesure avait pour effet de restreindre leur marge de manoeuvre.
M. Broadbent: Essayons...
Le sénateur Kirby: Lorsque vous dites que leurs mains n'étaient pas liées, ai-je raison de conclure qu'ils pouvaient faire certaines choses à condition de verser des indemnités?
M. Broadbent: Oui.
Le sénateur Kirby: D'accord, je ne conteste pas ce que vous dites... nous avons simplement une interprétation différente de ce que l'expression signifie, mais je voulais simplement m'assurer de bien comprendre vos propos, c'est tout.
M. Broadbent: D'accord.
Le sénateur Kirby: D'accord. Ici, la question du chiffre exact devient absolument critique puisque, si on a affaire à un seuil de 39 millions de passagers, tandis que l'aéroport est congestionné à 30 millions, deux problèmes se posent: ou bien les passagers sont traités de façon totalement cavalière, ou bien le gouvernement doit verser des indemnités et, par conséquent, la négociation de ce chiffre devient absolument critique, n'est-ce pas?
M. Broadbent: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Kirby: Et vous n'êtes pas la personne à qui s'adresser à propos du chiffre?
M. Broadbent: Non. Il s'est agi d'un problème très difficile, vraiment très difficile. Mis à part mes dévoués collègues du groupe des aéroports de Transports Canada, M. Paul Stehelin, de Deloitte & Touche a été mêlé à cette question, même si elle n'a pas trait à la comptabilité. Il a joué un rôle exceptionnellement utile au chapitre de la mise sur pied de l'accord et nous a aidés à arrêter une démarche.
Le sénateur Kirby: D'accord. Quoi qu'il en soit, il comparaîtra plus tard.
M. Broadbent: Je suis heureux de l'apprendre.
Le sénateur Kirby: Conformément à ma volonté de conserver une approche structurée, monsieur le président, j'ai terminé ma série de questions à propos des garanties relatives au déroutement des passagers. J'aimerais aborder trois autres questions, mais si vous préférez que je... j'aimerais pouvoir couvrir un sujet in toto, de sorte que je serai heureux de céder la parole aux gens d'en face, selon ce que vous préférerez.
Le président: Vous avez toujours 10 minutes.
Le sénateur Kirby: J'aimerais que le document numéro 13 soit distribué. Soit dit en passant, vous vous demanderez peut-être pourquoi j'ai distribué certains documents sans par la suite y faire référence. Dès que le témoin a affirmé ne pas avoir de connaissances spécialisés quant aux chiffres, je me suis dit: "C'est bon, je ne les utiliserai pas."
La question, monsieur Broadbent, a trait au loyer différé de 33 millions de dollars. Une fois de plus, aux fins du compte rendu, auriez-vous l'obligeance d'expliquer pour nous le concept de loyer différé? Comment le problème s'est-il posé? Une fois de plus, cette question ne faisait partie ni de la demande de propositions initiale, ni de la soumission initiale. Pouvez-vous nous expliquer la notion de garanties relatives au loyer différé?
M. Broadbent: Puis-je jeter un rapide coup d'oeil sur le document?
Le sénateur Kirby: Certainement.
M. Broadbent: Je suis à peu près certain... je ne cherche pas à me défiler, mais je n'ai pas vu ce document.
Le sénateur Kirby: D'accord, c'est bien, j'accepte volontiers de vous interroger sans l'aide du document. Je veux m'intéresser à la notion. Aussi, ne vous préoccupez pas du document.
M. Broadbent: Permettez-moi de dire quelque chose. Je vous renvoie à certaines déclarations que j'ai faites hier. La Couronne tenait à réduire au minimum les contrecoups initiaux subis par les compagnies aériennes, que la proposition de Paxport... ce que je veux dire, c'est que je n'utiliserai pas l'expression "contrecoups initiaux", mais, dans sa proposition, Paxport, en coopération avec d'importants intervenants des compagnies aériennes, faisait part de sa volonté d'assumer les coûts d'un réaménagement qui permettrait aux aérogares d'offrir une qualité de services comparable à celle assurée à l'aérogare 3, en d'autres termes, de respecter des normes de classe mondiale. En raison de la situation consternante dans laquelle se trouvaient les compagnies aériennes (à l'époque leur situation était très difficile), le gouvernement ne voulait rien faire qui puisse avoir pour effet de leur compliquer davantage la tâche. Et je crois avoir mentionné que le but poursuivi était de faire en sorte que Paxport, à l'époque (ou il s'agissait peut-être de Mergeco, à ce moment) absorbe les coûts pendant les trois premières années, après quoi on aurait obligé les compagnies aériennes à effectuer des remboursements, en guise de compensation.
En dernière analyse (ici, vous devrez vous en remettre aux spécialistes, et il est possible que les chiffres aient changé), en dernière analyse, donc, la Couronne a accepté, afin de conclure un marché, de différer le loyer.
Le sénateur Kirby: Aurait-on raison de décrire... permettez-moi d'être clair. La Couronne a accepté de différer un loyer de 11 millions de dollars par année pour trois ans, soit 33 millions de dollars, afin, pour reprendre vos mots d'il y a un instant, de conclure un marché. À la lumière de cette mesure et de ce qu'elle représente, est-il déraisonnable de conclure qu'il s'agit, dans les faits, d'une subvention, ou, pour mieux décrire la situation, d'un prêt consenti par la Couronne?
M. Broadbent: À qui?
Le sénateur Kirby: Aux promoteurs, afin de faire en sorte que le projet soit mis en chantier?
M. Broadbent: Sénateur, je pense qu'on peut voir les choses sous des angles différents. Oui, il est possible de les voir de cette façon. Il est également possible d'y voir une subvention cachée à l'industrie aérienne. Ce que vous devez vous rappeler, c'est que la proposition de Paxport (et son auteur est toujours présent, je crois qu'il se trouve derrière moi), la proposition de Paxport, donc, a véritablement séduit la Couronne parce qu'elle prévoyait le paiement de loyers beaucoup plus généreux que ceux que Claridge aurait versés. C'était là l'un des incitatifs, si vous voulez.
Le sénateur Kirby: Et nous comprenons comment ils entendaient y parvenir, mais poursuivez.
M. Broadbent: En d'autres termes, on passait d'un niveau plutôt élevé...
Le sénateur Kirby: Mais...
M. Broadbent: Je m'excuse, mais laissez-moi terminer, s'il vous plaît. Lorsqu'on examine l'analyse finale, je pense que la Couronne, même en vertu de l'accord révisé, allait tirer de Pearson un loyer plus élevé qu'auparavant. De ce point de vue très étroit, et, pour être tout à fait franc, et vous communiquer un point de vue personnel, l'argent que la Couronne tire de Pearson ne me préoccupe pas du tout. Je ne suis pas certain que la Couronne devrait tirer des revenus importants de Pearson. Je pense qu'elle devrait se contenter d'exploiter un bon aéroport. Mais il était important, dans le contexte, que la Couronne obtienne un loyer optimal. Pour conclure le marché, nous avons dû réduire les sommes en question, mais de ce point de vue très étroit et, à mon avis, quelque peu douteux, la Couronne s'en tirait toujours mieux, c'est-à-dire qu'elle touchait plus d'argent qu'auparavant.
Le sénateur Kirby: En réponse à la demande de proposition, les promoteurs (qu'il s'agisse de Paxport, de Mergeco ou de qui que ce soit d'autre, cela n'a pour le moment aucune importance), les promoteurs, donc (je pense qu'il s'agissait de Paxport), ont proposé un montant donné. En fait, l'entente négociée prévoyait que 33 millions de dollars seraient soustraits du total et, dans les faits, c'est ce qui s'est produit.
M. Broadbent: Je présenterai les choses sous un angle différent...
Le sénateur Kirby: Ma déclaration est-elle correcte sur le plan factuel?
M. Broadbent: Oui. La différence...
Le sénateur Kirby: Les faits sont corrects, nous sommes d'accord.
M. Broadbent: L'angle différent que j'évoquais, c'est que la Couronne insistait pour qu'aucun fardeau additionnel ne soit, à court terme, placé sur les compagnies aériennes et, dans le cadre de la négociation, j'avais reçu des directives à ce sujet. On a ici affaire aux effets d'un volet d'une politique sur un autre, et vous comme moi avons fréquemment été témoins d'un tel phénomène.
Le sénateur Kirby: Vous dites que la Couronne a accepté une proposition qui prévoyait explicitement... la réponse à la demande de propositions prévoyait explicitement que le loyer d'Air Canada allait doubler en l'espace d'un an et que, en bout de ligne, le loyer de ce transporteur allait quadrupler. Cela faisait partie de la proposition, et cela a été accepté par le gouvernement. Puis, vous dites... il s'agit d'un fait. Nous avons des preuves à ce sujet.
M. Broadbent: Qui plus est, l'acceptation du gouvernement reposait sur une évaluation qui a été vérifiée par une tierce partie.
Le sénateur Kirby: D'accord, mais le gouvernement a accepté. Mais, en même temps, vous dites que le gouvernement (je ne sais pas bien de qui nous parlons dans ce cas), que le gouvernement, donc, ne souhaitait pas augmenter le loyer des compagnies aériennes. Ainsi, le gouvernement accepte une proposition qui, d'une part, prévoit que le loyer sera doublé, puis quadruplé, et, dès que la proposition est acceptée, il change son fusil d'épaule et dit: "Eh bien, nous n'allons pas augmenter le loyer des compagnies aériennes, et nous allons le retrancher de la part qui nous revient", c'est-à-dire de la part qui revient au gouvernement. Essentiellement, est-ce bien ce que vous dites?
M. Broadbent: Non, sénateur, je pense que vous n'avez pas tout à fait raison en ce qui concerne la dernière partie de votre affirmation. La Pearson Development Corporation a assumé une part considérable du loyer différé. Comme on peut s'y attendre, la réaction initiale de M. Bronfman, en particulier, a été la suivante: "Si le gouvernement tient à aider les compagnies aériennes, il devrait en assumer les coûts." En bout de ligne, les coûts exigés par la protection des compagnies aériennes ont été partagés.
Soudain, le délai écoulé entre la demande de propositions et le croisement de politiques gouvernementales était de l'ordre d'au moins six mois. Je crois me souvenir (et il s'agit seulement de vagues réminiscences) que c'est durant cette période que la situation des deux principales compagnies aériennes du Canada s'est détériorée. Donc, les situations changent, et je pense que tout gouvernement aurait tort de demeurer campé sur ses positions parce que ce qui convient un jour ne convient pas nécessairement le lendemain.
Le sénateur Kirby: Il s'agit d'un commentaire fascinant puisqu'on nous a déjà dit que le gouvernement, lorsqu'il a d'abord pris la décision de se mêler de l'agrandissement de Pearson, se fondait sur des prévisions concernant le nombre de passagers établies en 1988-1989, à l'époque où on croyait que ce nombre allait continuer de croître. Au moment où la demande de propositions a été acceptée, le nombre de passagers était bien loin d'avoir atteint ce seuil, et il est presque certain que Pearson... la preuve a montré, qu'à ce stade, l'agrandissement de Pearson était loin de s'imposer. Dans ce cas, on nous a dit qu'on a pris la décision d'aller de l'avant et de procéder.
Dans un cas, vous nous dites qu'il est légitime que le gouvernement change d'avis selon les circonstances. Or, on nous a déjà dit que le gouvernement ne pouvait changer d'idée même si l'ensemble des prévisions concernant l'augmentation du nombre de passagers ne tenait plus. Il me semble que le gouvernement... ce genre de position me semble trahir un manque de cohérence assez considérable. Soit dit en passant, vous n'avez rien à y voir. Je ne me prononce que sur la foi des témoignages que nous avons reçus.
Monsieur le président, c'étaient là les seules questions que j'avais à poser sur ce sujet. J'aimerais aborder deux autres questions, et je serais heureux de m'interrompre, parce que je suis convaincu que mes 30 minutes sont terminées. Je reviendrai par la suite sur les deux autres sujets.
Le sénateur Jessiman: Nous serons heureux de vous laisser terminer.
Le sénateur Kirby: D'accord. Le document suivant porte le numéro 15. Il s'agit dans ce cas d'une lettre signée de votre main, et je voulais vous interroger seulement à propos d'un paragraphe. Monsieur Broadbent, si vous allez plus loin dans le document, cinq, six ou sept pages plus loin, vous trouverez une lettre que vous avez adressée à MM. Matthews et Coughlin, en date du 20 mai.
M. Broadbent: Oui, je l'ai.
Le sénateur Kirby: D'accord. Avant que je ne vous interroge à propos d'un aspect précis de la lettre, auriez-vous l'obligeance d'expliquer pour nous la notion d'option prévoyant un démarrage rapide?
M. Broadbent: Si mes souvenirs sont bons, Mergeco proposait deux options prévoyant un démarrage rapide, mais pas dans un premier temps. Ces mesures visaient principalement la réfection de l'aérogare 1 et du garage ainsi que la prise en charge des questions relatives à la santé et à la sécurité. Si je me rappelle bien, l'une des options se chiffrait à environ 47 millions de dollars, tandis que l'autre était de l'ordre de 90 millions de dollars. Ce faisant, on se serait attaqué au secteur transfrontalier qui, selon toutes les informations que j'avais, était le secteur le plus préoccupant du point de vue d'Air Canada, celui qu'elle souhaitait voir amélioré. Hier, des témoins ont déclaré qu'ils devaient attendre pendant une demi-heure dans des 747, et ainsi de suite. De toute évidence, la Couronne tenait à tirer le plus grand profit possible d'un démarrage rapide, et, selon mes souvenirs, l'option à 47 millions était insuffisante, et nous avons cherché à pousser les choses plus loin. Est-ce...?
Le sénateur Kirby: Oui, il s'agit d'une introduction parfaite à la question que je souhaitais vous poser.
M. Broadbent: Me suis-je tendu un piège à moi-même?
Le sénateur Kirby: Non, non, je n'avais nullement l'intention de vous tendre un piège. Dès que vous avez fait mention d'un problème, j'ai cherché à m'éloigner des questions techniques.
Si vous examinez le paragraphe numéro 3, au bas de la page...
M. Broadbent: C'est ce que je viens de dire, n'est-ce pas?
Le sénateur Kirby: Dans la première phrase de ce paragraphe, vos mots exacts sont:
La position de la Couronne est que l'option prévoyant un démarrage rapide d'une valeur de 47 millions de dollars est insuffisante du point de vue technique (en raison des besoins des transporteurs)...
Tout comme vous l'avez dit...
...et sur le plan politique.
Pourquoi l'option était-elle insuffisante sur le plan politique? Que vouliez-vous dire par "et sur le plan politique"?
M. Broadbent: Je me demande ce que je voulais dire. Les mots "sur le plan technique" signifient non pas que la proposition était foncièrement inadéquate du point de vue de l'ingénierie, mais plutôt qu'il fallait tenir compte des besoins des transporteurs.
Pour ce qui est des mots "sur le plan politique", laissez-moi aller un peu plus loin dans ma lecture pour voir si j'arrive à comprendre ce que vous voulez dire.
Tout ce dont je suis à peu près certain (je veux dire que je n'en suis pas convaincu), c'est qu'il ne s'agissait pas de la politique avec un grand "P". Mes propos n'étaient pas partisans. Je voulais dire ...
Le sénateur Kirby: Je suppose... c'est d'accord.
M. Broadbent: Je suis très gêné de ne pouvoir vous éclairer sur ce que je voulais dire.
Le sénateur Kirby: Ces mots m'ont frappé... pour être tout à fait franc, je ne comprenais pas. J'essayais simplement de comprendre exactement...
M. Broadbent: Oh, je vais vous le dire. Cela me revient maintenant. Je pense que cela avait peut-être trait à la politique. Je pense que c'est possible. De toute évidence, mes souvenirs ne sont pas parfaits, mais il est possible (d'autres pourront peut-être confirmer mes dires ou les corriger), mais il est possible que les dirigeants politiques, au moment où ils ont entendu parler de ces mesures, aient jugé qu'elles étaient inadéquates au point de ne pas être acceptables sur le plan politique.
Le sénateur Kirby: Pour en finir avec les options prévoyant un démarrage rapide, on avait l'intention, si je comprends bien (et laissez tomber la distinction entre l'option à 47 millions de dollars ou à 96 millions de dollars, puisqu'on a brandi un certain nombre de chiffres) de retenir une option à démarrage rapide et de procéder à de futurs réaménagement, selon le volume de passagers. Est-ce essentiellement correct?
M. Broadbent: Oui.
Le sénateur Kirby: Ai-je raison de dire que, à moins que les niveaux de passagers n'aient été négociés avec le plus grand soin, les promoteurs auraient pu obtenir un bail de 57 ans et ne rien dépenser au-delà de l'option initiale prévoyant un démarrage rapide, les points déclencheurs n'ayant pas été atteints? Cela aurait-il été possible?
M. Broadbent: Si les négociateurs de la Couronne avaient été stupides et incompétents, ou que la croissance du nombre de passagers à Pearson avait pu demeurer parfaitement stagnante, oui.
Le sénateur Kirby: Eh bien, l'imputation d'un degré d'intelligence à diverses personnes ne m'intéresse nullement. Ai-je raison de dire que si le niveau de passagers était demeuré relativement (il n'avait pas même à demeurer stagnant), si les points déclencheurs n'avaient pas été atteints, ai-je raison de dire que les promoteurs n'auraient pas eu à dépenser plus d'argent?
M. Broadbent: Vous avez raison, et on n'aurait pas procédé au réaménagement. Sénateur, la négociation du point déclencheur revêtait une importance capitale.
Le sénateur Kirby: D'accord. Et je crois comprendre que vous n'êtes pas en mesure de dire si les points déclencheurs sur lesquels on s'est entendu étaient adéquats.
Monsieur le président, mon dernier sujet, et je tiens pour acquis que je peux aller de l'avant... nous avons pour ainsi dire perdu le président. Mais c'est bon.
Le dernier sujet que je voulais aborder a trait aux redevances d'installation passagers.
M. Broadbent: Oui.
Le sénateur Kirby: Une fois de plus aux fins du compte rendu, et particulièrement parce que M. Hession s'est longuement expliqué hier sur les raisons de sa ferme opposition à de telles redevances, pouvez-vous nous expliquer la notion de redevances d'installation passagers?
M. Broadbent: Les redevances d'installation passagers sont directement imputées aux passagers. Si vous passez par Vancouver, vous achetez un billet que vous devez remettre. Il s'agit d'un billet distinct de celui que vous devez vous procurer pour monter à bord de l'avion.
Les compagnies aériennes, comme vous le savez, payent des frais de location pour l'utilisation des aérogares. Normalement, leur loyer fait partie du prix du billet. En bout de ligne, c'est toutefois le passager qui paye.
Il existe deux moyens de financement. Le premier consiste à s'entendre avec les compagnies aériennes. Ces dernières, plutôt que de payer 2,38 $, comme l'avait fait Air Canada à l'aérogare 2, payeront maintenant 8,60 $ comme Canadien à l'aérogare 3. L'augmentation sera progressive. Voilà l'une des façons de procéder. Bien entendu, l'autre a trait à l'imposition de redevances d'installation passagers, et je pense que M. Hession a montré hier certaines des difficultés qu'une telle mesure poserait dans le contexte de l'exploitation mixte de l'aérogare 3, d'une part, et des aérogares 1 et 2, d'autre part.
Le sénateur Kirby: Dans le cadre de ces négociations, vous avez néanmoins négocié des redevances d'installation passagers, n'est-ce pas?
M. Broadbent: De ce point de vue, ce que j'ai obtenu (mais tout a pu changer plus tard, et je ne suis pas certain que la situation n'a pas changé pendant que j'étais en poste), dans le cadre de la première ronde, tout au moins, c'est qu'aucune demande de redevances d'installation passagers ne serait présentée avant, je pense, 1996.
Le sénateur Kirby: L'année prochaine.
M. Broadbent: Oui, l'année prochaine par rapport à cette année, mais vous savez, sénateur, c'était il y a deux ans. Nous parlons maintenant de l'année 1993, si bien qu'il s'agissait d'une période de trois ans, c'est-à-dire d'une période critique. Une demande visant des redevances d'installation passagers n'a pu être présentée au gouvernement et, bien entendu, ils auraient peut-être dû s'adresser, à ce moment, à une AAL. La question avait donc été remise à plus tard.
Le sénateur Kirby: Eh bien, elle n'avait pas été remise à plus tard dans la mesure où vous leur avez donné... pardonnez-moi, je ne voulais pas vous viser personnellement, mais l'accord leur permettait d'accéder à des redevances d'installation passagers.
M. Broadbent: Sénateur, je parle maintenant de ce que j'ai négocié au départ. Je pense que toute la question des redevances d'installation passagers a été modifiée, et d'autres...
Le sénateur Kirby: Je parle de l'époque où vous étiez en poste.
M. Broadbent: L'accord initial que j'ai obtenu à ce propos était qu'aucune demande de redevances d'installation passagers ne serait présentée avant 1996. Maintenant, comme je l'ai dit, je pense que tout a changé.
Le sénateur Kirby: Je vous propose une analyse, et vous me direz si j'ai raison. On a accordé des garanties visant le déroutement des passagers qui, dans les faits, interdisaient à ces derniers de quitter Pearson et d'aller ailleurs, tandis que, du même souffle, on permettait aux compagnies aériennes d'imposer, à compter de 1996 ou d'une autre date, des redevances d'installation passagers. Ce faisant, n'a-t-on pas placé le public voyageur dans une situation impossible? D'une part, les voyageurs ne peuvent aller ailleurs parce que le gouvernement n'autorise pas le déroutement du trafic et, d'autre part, les compagnies ont effectivement le droit d'imposer une "taxe" (je mets le mot entre guillemets parce qu'il ne s'agit pas d'une taxe officielle), mais elles ont le droit d'imposer des redevances. Comment a-t-on tenu compte des intérêts du consommateur dans tout cela?
M. Broadbent: Sénateur, vous avez déclaré un peu plus tôt (et je vous parle comme à un ami) que vous n'étiez pas avocat, mais il me semble que c'est là le genre d'argument que je m'attendrais à retrouver dans la bouche d'un procureur agissant pour le compte de la poursuite ou pour celui de la défense. Je vais essayer de situer les choses dans un contexte plus neutre et objectif...
Le sénateur Kirby: Soit dit en passant, le fait d'être associé à un avocat a toujours, dans mon esprit, constitué un inconvénient plutôt qu'un avantage, vous devriez le comprendre. Poursuivez, et je m'excuse.
M. Broadbent: On doit envisager les redevances d'installation passagers dans leur contexte parce que même après 1996, si je me souviens bien, les promoteurs ne pouvaient présenter une demande au gouvernement à cet égard que s'ils avaient essuyé une fin de non-recevoir auprès des compagnies aériennes. Pourquoi les compagnies aériennes se seraient-elles montrées réticentes à cette idée si elles étaient convaincues que des améliorations s'imposaient, et que des rénovations étaient effectuées? Nous donnions donc au gouvernement une position de repli grâce à laquelle, s'il se retrouvait dans une situation analogue, et que les compagnies aériennes disaient: "Comme les temps sont durs", ou quoi que ce soit du genre, il aurait pu, à supposer que, pour une raison ou pour une autre, il soit convaincu de la nécessité de nouveaux aménagements, invoquer la mesure et dire: "Présentez-nous une demande de redevances d'installation passagers parce que nous l'approuverons. Nous savons mieux que quiconque que le projet devrait aller de l'avant, mais il devra suivre le cours normal des choses."
Pour situer les choses dans le contexte le plus vaste possible, les installations de classe mondiale (et c'est ce que M. Bronfman entendait faire, c'est-à-dire M. Charles Bronfman, et c'est ce dont nous avons cherché à nous assurer), si les compagnies aériennes sont convaincues que leurs besoins sont satisfaits, et leurs besoins sont satisfaits lorsque le public voyageur est heureux. Les compagnies aériennes ne gagnent rien à traiter leurs clients comme du bétail. Elles en avaient l'habitude, mais elles ne le font plus maintenant. Les passagers peuvent changer de compagnie, et ils peuvent le faire à Toronto. S'ils préfèrent l'aérogare 3, ils y recourront. Il ne s'agit donc pas d'une question de...
Le sénateur Kirby: N'est-ce pas là le rôle des forces du marché? J'avais l'impression que tout l'exercice avait pour but d'exclure les forces du marché et la concurrence de tout le secteur. Pourquoi les passagers ne devraient pas avoir d'autres options que Pearson? Pourquoi les passagers ne pourraient-ils pas éviter des redevances d'installation passagers, et pourquoi n'auraient-ils pas la possibilité de rechercher un meilleur service, plutôt que de se retrouver coincés dans une situation de monopole? Je suis 100 p. 100 derrière M. Hession lorsqu'il affirme que la situation de monopole était absolument contraire aux intérêts des consommateurs. Je suis tout à fait derrière lui.
M. Broadbent: Eh bien, les passagers ont un choix. J'ignore combien d'entre eux le font encore, mais on pouvait se rendre à Buffalo et obtenir un vol à bon marché.
Le sénateur Kirby: Mais en vertu du système dont on parle, il n'aurait pu se rendre à Hamilton, ni à Buttonville, parce que le gouvernement n'était pas autorisé à y dérouter des passagers. On décrirait peut-être mieux la situation en affirmant qu'il ne pouvait prendre aucune mesure politique susceptible d'entraîner un déroutement.
M. Broadbent: Je ne veux pas donner l'impression de plaisanter, mais la pensée d'un 747 qui décollerait de Buttonville à destination de Hong Kong...
Le sénateur Kirby: Pour ceux d'entre nous qui se rendent périodiquement à Newark, Hamilton ne semble pas une si mauvaise solution de rechange.
Vous avez conclu votre déclaration liminaire par un commentaire qui m'a quelque peu intrigué, parce qu'il se trouve que je suis d'accord avec vous. Il y a toutefois un détail que je ne comprends pas. Essentiellement, vous avez dit (je pense que je l'ai noté quelque part) que toute négociation obligeait à jeter du lest pour réaliser des gains. C'est ce qui se produit dans les ententes négociées, je le comprends parfaitement.
En vous écoutant ce matin et en lisant les documents, j'ai eu l'impression que nous avions accordé les garanties visant le déroutement des passagers pour leur assurer un monopole visant à les protéger; nous leur avons accordé un loyer différé, nous leur avons accordé des redevances d'installation passagers. Qu'avons-nous obtenu?
M. Broadbent: Nous avons obtenu un réaménagement qui se serait effectué selon certaines modalités et qui aurait connu un début rapide, ce qui nous aurait permis de régler certains des problèmes les plus critiques présents à Pearson, c'est-à-dire que nous aurions pu, dans une grande mesure, agir en fonction de l'augmentation prévue du volume des passagers et éviter que ne se répète la terrible période au cours de laquelle, pendant les années 1980, l'aérogare 1 accueillait deux ou trois fois plus de passagers qu'elle aurait dû. En ce qui me concerne, nous avons conclu un bon accord. Sur le plan du contenu, s'entend.
Le sénateur Kirby: Mais nous avons fait des concessions... je suppose que nous aurions pu obtenir tout ce que vous avez mentionné en acceptant la proposition. Ce que je veux dire, c'est que si je comprends bien, vous avez, en cours de négociations, fait de nombreuses concessions après avoir reçu la proposition, des concessions qui étaient manifestement dans l'intérêt de la société, dans l'intérêt du promoteur. Nous avions déjà tout ce que vous avez défini comme étant en notre faveur puisque tout cela figurait dans la proposition.
M. Broadbent: Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, je pense que vous devez ici faire preuve de prudence. Du point de vue financier, tout cela relève d'un projet d'envergure de la Couronne. Vous savez, vous pouvez octroyer un contrat pour l'achat de nouveaux sous-marins, pour de nouveaux avions de chasse ou pour quoi que ce soit d'autre à la faveur d'une proposition, mais lorsqu'on en arrive... s'il s'agissait simplement de dire: "Très bien, merci beaucoup, rédigez le contrat et dites-moi où je dois signer", ce genre de chose serait rapidement conclu. À la suite de l'acceptation d'une proposition et de la déclaration d'un gagnant, je pense qu'il ne s'est jamais vu que, en cours de négociations, on n'aborde pas d'importantes questions pour en venir à la passation d'un marché. C'est ce qui s'est produit ici, et cela ne me surprend guère.
Le sénateur Kirby: Tandis que nous pouvons pointer du doigt les modifications précises clairement en faveur du promoteur, nous ne pouvons définir celles qui sont en faveur du gouvernement. Est-ce...?
M. Broadbent: Je comprends ce que vous tentez de faire et, si j'étais à votre place, je ferais probablement la même chose. Je pense que nous avons abouti à un résultat équilibré. Le promoteur n'a pas obtenu tout ce qu'il voulait, je puis vous en donner l'assurance.
Le sénateur Kirby: Je n'en doute pas.
M. Broadbent: Nous pourrions établir la liste des écarts entre sa position initiale et ce qu'il a obtenu en bout de ligne. Il me semble que vous avez clairement montré que le contrat était sensiblement différent de la proposition de Paxport, et je l'ai reconnu, puisque les deux sociétés ont formé un conglomérat et que la situation a changé, parce que le gouvernement souhaitait que des modifications soient apportées.
Le sénateur Kirby: Une dernière question à propos d'Air Canada parce qu'une de vos déclarations d'hier a piqué ma curiosité. Dans les pourparlers que vous avez eus avec M. Shortliffe, avant que vous n'entriez en fonction ou tout juste après votre entrée en fonction, a-t-il été question des principes directeurs provenant d'Air Canada, vous savez, ceux qu'on a découverts après coup?
M. Broadbent: Il en a certainement été question.
Le sénateur Kirby: Dès le départ?
M. Broadbent: Non, parce que je ne sais pas si... je ne sais pas pourquoi. Je pense que vous savez à quoi ressemble le travail du greffier.
Le sénateur Kirby: Pensez-vous qu'il aura été au fait des principes directeurs?
M. Broadbent: Je suis sûr que oui, sûr que oui. Ils ont été signés en son nom par le sous-ministre associé de l'époque, et il les aurait sûrement vus.
Le sénateur Kirby: Ainsi donc, les principes directeurs établis à l'époque où il était sous-ministre... M. Shortliffe était le sous-ministre...
M. Broadbent: Soit dit en passant, puis-je prendre...
Le sénateur Kirby: ...principes directeurs qui sont demeurés égarés jusqu'à ce que le ministère de la Justice les retrouve? Ai-je raison, ou je pense que vous avez dit que c'est le ministère de la Justice qui les a retrouvés.
M. Broadbent: C'est ainsi... quelle autre conclusion aurais-je pu tirer? C'est un avocat du ministère de la Justice qui les a portés à mon attention, et non quelqu'un du ministère.
Le sénateur Kirby: À cette époque, même le secrétaire du Cabinet, qui ne travaillait plus au ministère, connaissait l'existence des principes directeurs parce qu'il était sous-ministre au moment où ils ont été signés.
M. Broadbent: Oui, et Mme Labelle m'a dit qu'elle les avait vus, à un moment ou à un autre.
Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président, j'ai terminé.
M. Nelligan: Seulement un point de clarification. Dans le document 8, qui vous a été remis par le sénateur Kirby, on trouve une page portant, en bas, le numéro D-1-35. Je crois comprendre qu'il s'agit d'un extrait de la proposition de Paxport. Leur nom figure en bas.
M. Broadbent: C'est certainement ce qu'il me semble.
M. Nelligan: Je suppose que la page y a été glissée parce qu'elle énonce l'une des hypothèses clés ayant trait aux questions qui vous ont été posées. Il s'agit du premier paragraphe.
M. Broadbent: Pardonnez-moi, mais vous m'avez perdu.
M. Nelligan: Monsieur, je vous prie de bien vouloir examiner le document.
M. Broadbent: Vous voulez que j'examine le paragraphe 4.4?
M. Nelligan: Oui.
M. Broadbent: Je vois pourquoi vous avez tenu à attirer mon attention sur lui et je vous en suis fort reconnaissant, monsieur le conseiller.
M. Nelligan: Maintenant que vous l'avez lu, avez-vous un commentaire à formuler? Il s'agit de la page 529676.
M. Broadbent: Si j'ai induit le comité en erreur, je m'en excuse. De toute évidence, Paxport, dans sa proposition, s'était penché sur la question relative aux déroutements et à tout le reste à laquelle le sénateur Kirby s'est intéressé.
M. Nelligan: Il s'agissait donc de l'une des hypothèses clés de la proposition?
M. Broadbent: C'est certainement ce qu'il me semble, oui. Je pense...
M. Nelligan: Bon, si je puis me permettre, pour aider les sénateurs...
M. Broadbent: Excusez-moi. Il me semble que si le sénateur Kirby, vous et moi savons que...
M. Nelligan: Oui. Voudriez-vous lire le paragraphe, je vous prie, et expliquer...
M. Broadbent: Voudriez-vous le faire, monsieur le conseiller? Je n'ai rien à expliquer. J'aimerais bien pouvoir m'arrêter quelques instants pour examiner d'autres documents.
M. Nelligan: Lisez le paragraphe et dites-moi ce que, à votre avis, il signifie.
M. Broadbent: Oh, excusez-moi, je pensais que vous alliez en faire la lecture aux fins du compte rendu.
M. Nelligan: Je vous proposais de le faire vous-même. Je m'en chargerai volontiers.
M. Broadbent: Cela me procurera un répit.
Le sénateur Tkachuk: Je vais le lire. Quelqu'un peut-il lire ce passage?
Le sénateur Kirby: Je ne sais même pas quel paragraphe nous allons lire.
M. Broadbent: 4.4.
M. Nelligan: On lit:
Toutes les projections sont fondées sur l'hypothèse selon laquelle l'aéroport international Lester B. Pearson demeurera, pour toute la durée du bail foncier ainsi que pour tout renouvellement de celui-ci, le principal aéroport international du sud de l'Ontario. Jusqu'à ce que tous les immeubles aéroportuaires et toutes les pistes ne soient exploitées à capacité, le gouvernement du Canada ne mettra en oeuvre aucune mesure ayant pour effet de dérouter le trafic aérien de l'aéroport. Une fois l'aéroport exploité à capacité, seul le trafic excédentaire sera dérouté vers d'autres aéroports.
M. Broadbent: Je tiens sincèrement à vous remercier d'avoir soulevé ce point. Nous avons négocié autour de ce point, mais le principe avait été établi dans la proposition.
M. Nelligan: L'autre question, permettez-moi de vous orienter, a trait à la note de service adressée à Mme Labelle, et je ne suis pas certain du numéro du document, mais il s'agit de la note de service que vous lui avez fait parvenir assez tard la nuit, je crois, en mai.
M. Broadbent: Excusez-moi, mais je n'ai pas en main de copie de ce document.
Le sénateur Kirby: Et je ne sais pas de quoi nous parlons.
M. Nelligan: Il s'agit de la note de service dont nous avons parlé hier.
Le sénateur Kirby: Voilà qui ne nous est d'aucun secours, puisque seule Marjory avait le texte en main. Je ne sais pas de quoi il s'agit.
M. Nelligan: La note de service a déjà fait partie des documents. Il s'agit, je pense, de la page 23554 dans l'ordre.
M. Broadbent: Le greffier pourrait-il...
M. Nelligan: Pourriez-vous nous faire parvenir votre copie. Je ne vais pas lire le document aux fins du compte rendu.
Le sénateur Kirby: Je comprends.
Le sénateur LeBreton: J'ai en main des copies additionnelles.
M. Broadbent: Ici, je suis un peu perdu. J'ai en main un document qui est parvenu au comité par les voies normales du ministère de la Justice.
M. Nelligan: Oui.
M. Broadbent: Vous avez en main, monsieur le conseiller, une version non censurée du document.
M. Nelligan: C'est vrai, et je pensais qu'on venait tout juste de vous en faire parvenir une copie.
M. Broadbent: Non, je n'ai que la version censurée.
M. Nelligan: Auriez-vous l'amabilité de donner au témoin la...
Le sénateur LeBreton: Ce qui manque m'intéresse vivement.
M. Broadbent: Monsieur le conseiller, avant que vous ne commenciez, je vois, le document porte donc lui aussi un numéro. Puis-je en demander la source?
M. Nelligan: Le document est issu des procédures judiciaires, monsieur.
M. Broadbent: Il provient des procédures judiciaires?
M. Nelligan: Oui, et il nous a été communiqué par le ministère de la Justice.
M. Broadbent: Merci. Je comprends, monsieur.
M. Nelligan: On dirait qu'il s'agit dans les deux cas du seul et même document, à quelques parenthèses près.
M. Broadbent: Oui.
M. Nelligan: Tout ce que je vous demande, monsieur, c'est d'examiner l'original et de nous dire si les parties censurées renvoient d'une façon ou d'une autre aux frustrations que vous avez évoquées hier devant le comité.
M. Broadbent: Monsieur le conseiller, je vais vous laisser m'interroger à ce sujet sans faire de commentaires. La réponse est oui.
M. Nelligan: Oui. Vous avez expédié une copie de cette note de service à Mme Labelle?
M. Broadbent: Non.
M. Nelligan: Vous ne l'avez pas fait parvenir à Mme Labelle?
M. Broadbent: Non.
M. Nelligan: Examinez la page de garde. Faites-le, monsieur.
Le sénateur Jessiman: Vous voyez, on lit: "copie à Huguette Labelle, sous-ministre".
M. Broadbent: Voici ce qui s'est produit. J'ai rédigé cette note de service à la maison, un soir, vers 23 h. À la première heure, je me suis rendu dès le lendemain chez Mme Labelle, je lui ai montré la note de service et je lui ai demandé de la lire. Puis, je lui ai dit: "Huguette, je ne vais pas expédier cette note, mais voilà comment je me sens." Elle a dit: "Merci, David, je comprends", et il n'en a plus été question. De toute évidence, la note s'est retrouvée dans les dossiers, tout se retrouve dans les dossiers. Je me sens très mal à l'aise. J'ai répondu à vos questions sans faire de commentaires... j'ai tenté d'accomplir quelque chose et voilà que je me trouve exposé à la vue de tous.
M. Nelligan: Tout ce que je vous demande, monsieur, c'est de me dire quand vous avez eu cette conversation avec Mme Labelle?
M. Broadbent: Le lendemain matin.
M. Nelligan: C'est-à-dire le 14 mai?
M. Broadbent: À peu près à cette époque. Je ne peux le préciser.
M. Nelligan: Avez-vous par la suite abordé avec qui que ce soit le contenu de ce rapport?
M. Broadbent: De ce rapport?
M. Nelligan: Oui, c'est-à-dire les frustrations que vous avez évoquées dans le rapport.
M. Broadbent: Je m'excuse, monsieur le conseiller. Faites-vous référence à ce document-ci?
M. Nelligan: Oui.
M. Broadbent: De toute évidence, un des membres de la petite équipe dont je disposais a vu le document, mais, vous savez, il y a des photocopies. Je ne sais pas ce qui s'est produit.
M. Nelligan: Quoi qu'il en soit, avez-vous discuté des frustrations auxquelles vous faites référence dans le rapport avec une personne occupant un poste plus élevé?
M. Broadbent: De toute évidence, j'en ai parlé avec Mme Labelle.
M. Nelligan: Quelqu'un d'autre?
M. Broadbent: Je ne faisais pas partie de la hiérarchie. Mme Labelle était ma cliente.
M. Nelligan: Excusez-moi. Je serai direct. En avez-vous parlé avec M. Shortliffe?
M. Broadbent: Oui.
M. Nelligan: Combien de temps après que vous en avez parlé avec Mme Labelle?
M. Broadbent: Oh, je ne saurais vous dire. Pour être tout à fait franc, je ne suis même pas certain - attendez un moment. Oui, je pourrai vous dire ce que j'ai fait parce que j'ai ici certains de mes propres dossiers. Il s'agit d'une page de garde. "De David Broadbent à Bill Rowat" (c'est écrit de ma main), "Bill, à titre d'information pour toi et pour Ian et Glen, voici 12 pages y compris celle-ci. Je laisse le tout à votre discrétion." C'est l'un des documents que j'ai fait parvenir à M. Rowat, et M. Rowat était le cadre du BCP chargé du dossier.
M. Nelligan: Très bien, d'accord.
M. Broadbent: Je ne sais donc pas si M. Shortliffe a vu ceci ou non, et je ne cherchais qu'à mettre le BCP au courant de la situation et des problèmes auxquels nous étions confrontés. Il s'agissait non pas de questions personnelles, mais de problèmes à résoudre.
M. Nelligan: Exactement. À quel moment a-t-il été expédié par rapport à celui où M. Barbeau a été muté du ministère?
M. Broadbent: Je ne m'en souviens pas. Je pense qu'on vous a dit que M. Barbeau était en "congé de jardinage".
M. Nelligan: Oui.
M. Broadbent: En ce qui me concerne, il s'agit d'un détail accessoire.
M. Nelligan: Je n'ai plus de questions.
Le sénateur LeBreton: Lorsque mon tour viendra de poser des questions, pourrais-je poser des questions à M. Broadbent sur ceci?
M. Nelligan: Ce que je dis, c'est que vous en savez déjà assez et que vous n'avez pas à poser plus de questions.
Le sénateur LeBreton: Parce que j'ai fait parvenir le document à M. Broadbent par votre entremise, je n'ai pas eu la chance... je n'ai pas ceci.
M. Broadbent: Je ne cherche pas à vous compliquer indûment la vie, mais la censure de paragraphes tout entiers (et je peux bien comprendre), peut-être y a-t-il une règle du ministère de la Justice... non, c'est impossible puisqu'ils ont omis de censurer mes remerciements. Au milieu de ce premier paragraphe, on trouve un commentaire entre parenthèses que je lis aux fins du compte rendu: "Au moment où j'ai accepté cette affectation, la sous-ministre et moi nous étions entendus pour que des accords particuliers soient conclus pour que les employés puissent nous assurer un soutien exceptionnellement rapide". Fin de la parenthèse, fin de la citation.
Je ne crois pas que ce passage ait quoi que ce soit à voir avec qui que ce soit.
Le sénateur LeBreton: C'est juste.
M. Broadbent: Monsieur le conseiller, vous avez lu ceci.
M. Nelligan: Monsieur, tout ce que je vous demande, c'est si vous pensez qu'il y a autre chose de non personnel, ou aimeriez-vous aborder ceci maintenant?
M. Broadbent: Non, je ne le crois pas, parce que, monsieur le conseiller, je ferai preuve d'une prudence tout aussi grande. Vous êtes vous-même un spécialiste de la Loi sur l'accès à l'information, la protection de la vie privée, toutes choses excellentes, ou vous pouvez compter sur les services de spécialistes, et je connais les pièges, les champs de mines dans lesquels on peut s'aventurer. Comme vous avez une source, nommément la section du contentieux, qui vous a fourni ce document, et une autre source, qui vous a fourni la version censurée, le comité peut sans aucun doute s'adresser à une partie indépendante et aguerrie (un autre membre du club de golf Royal d'Ottawa, Bruce Phillips, si vous voulez, quelqu'un) et dire: "Cela est-il admissible? Est-il légitime d'exclure ce document aux fins de la protection des renseignements personnels?"
Le sénateur LeBreton: Voilà la question que je posais ce matin.
M. Broadbent: Je m'empresse d'ajouter qu'on trouve, dans la conclusion du document, une phrase qui pourrait être interprétée comme une critique personnelle adressée par moi à M. Barbeau. À mon avis, ce passage répondrait au critère, mais pas ce qu'on retrouve plus haut dans le paragraphe.
M. Nelligan: Poursuivez.
Le président: Sénateur Kirby, votre adjoint a laissé ce document. Il est daté du 18 mai 1993. Le numéro 13 figure en haut. Cela vous aide-t-il; 828. Y avez-vous fait allusion?
Le sénateur Kirby: Le document a trait à une question technique relative aux chiffres, que le témoin s'est dit incapable d'aborder. En fait, j'avais distribué deux ou trois documents, et je n'y ai pas fait référence de façon précise parce qu'ils avaient trait à des questions dont le témoin avait dit... je ne sais pas ce qu'est le numéro 13, je vais y jeter un coup d'oeil pour voir ce qu'est le numéro 13, mais je n'ai pas fait référence à tout...
Le président: Monsieur Broadbent, vous voulez dire?
Le sénateur Kirby: Oui.
Le président: Nous y voilà. Il s'agit de l'article 23, si je comprends bien...
Le sénateur Kirby: Je vois. Si vous voulez savoir si j'ai fait appel à ce document, la réponse est non.
Le président: J'attendais que vous fassiez allusion au document parce que j'allais dire que nous n'allions pas même l'accueillir. Il est entièrement censuré; un paragraphe sur deux est censuré en vertu de l'article 23, qui a trait, si je comprends bien, au secret professionnel de l'avocat. Pourriez-vous nous fournir une explication à ce sujet?
M. Nelligan: Je ne peux vous en fournir aucune, mais je peux me renseigner auprès du ministère.
Le président: Cela est... très bien.
Le sénateur Kirby: La réponse est que je n'y ai pas fait appel.
Le président: Sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur Broadbent, je veux seulement vous poser un certain nombre de questions à propos de la période où vous avez été en poste, et je vais tenter de le faire en tenant compte de ce qui a été dit aujourd'hui. Vous êtes pour nous un témoin important. Nous sommes confrontés à ce problème et, avant de débuter, je tiens à le passer brièvement en revue.
En 1985, nous assistons à la déréglementation de l'industrie du transport. Il s'agit d'un document de politique du gouvernement fédéral. Nous assistons également aux premiers balbutiements, comment dire, du recours aux promoteurs privés dans le domaine de la politique aéroportuaire avec l'émission d'une demande d'expression d'intérêt pour l'aérogare 3. La politique aéroportuaire la plus récente a été adoptée en 1987. En octobre 1990, le gouvernement a annoncé son intention de solliciter la participation du secteur privé. La demande de propositions est venue en mars 1992, soit 17 mois plus tard. En décembre 1992, on a annoncé que Paxport avait présenté la meilleure proposition, sous réserve de certaines modalités.
Si je répète tout cela, c'est pour mes propres raisons, ainsi que pour celles d'autres personnes. Je cherche à montrer qu'il s'est agi d'un processus évolutif, et que personne ne s'est levé un beau matin en disant: "Voici ce que je vais faire", et c'est pourquoi nous sommes tous ici.
Nous nous sommes donc retrouvés en décembre, et nous avons discuté avec M. Hession et avec vous... M. Hession nous a parlé de Paxport, et vous nous avez parlé du contrat, qui, dans ce processus, revêt une très, très grande importance, ou de la négociation avec le gagnant, dirons-nous, ou le dernier soumissionnaire.
Hier, vous nous avez dit que l'accord que votre équipe et vous avez négocié à l'époque où vous étiez en poste était irréprochable (au-delà de tout soupçon, avez-vous dit, je pense), qu'il s'agissait d'un bon accord pour les Canadiens, et vous l'avez dit non sans une certaine émotion. Vous avez ajouté que le seul retard était imputable aux données critiques retenues par les hauts fonctionnaires de Transports Canada, et qu'aucun politicien ni lobbyiste ne rôdait autour de vous pour tenter d'influencer votre décision. De mon point de vue personnel, de mon point de vue personnel subjectif, je pense que c'est ce que vous avez dit.
M. Broadbent: À un détail près. Je pense que votre compte rendu est exact dans l'ensemble, mais la correction que j'apporterai, sénateur (et je pense que vous en conviendrez volontiers), c'est que nous avons éprouvé des difficultés avec le document promettant un bail d'une durée de 40 ans.
Le sénateur Tkachuk: C'est ce à quoi je faisais allusion.
M. Broadbent: Il y avait d'autres problèmes, mais j'étais en mesure de les régler. Celui-ci a toutefois entraîné un retard, parce qu'on a pu le démêler.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. Je crois comprendre que vous êtes mathématicien, et le sénateur Kirby est mathématicien. Quant à moi, je ne le suis pas, de sorte que je vais tenter de clarifier certaines des questions abordées ici.
Avant de commencer, je tiens à clarifier un autre détail pour être certain que nous nous comprenons bien. L'enquête, la présente enquête découle en partie de l'entrée en scène de la politique. Vous savez, le groupe Matthews constituait 35 p. 100 du groupe Paxport, puis il y avait un certain nombre d'autres parties: Allders, la CIBC, Wood Gundy, Ellis-Don, Bracknell, AGRA, NORR et Sunquest Vacations. Je ne connais pas leurs allégeances politiques, mais, comme toutes les personnes présentes ici, je connais celles de Claridge et, mon Dieu, je constate que, au moment des négociations, Claridge et Matthews Group comptaient pour 17,6 p. 100, je pense, de la société en nom collectif que constituait la nouvelle société de développement des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Pearson, Claridge détenant la participation majoritaire. Et le gouvernement ne semble avoir offert aucune résistance à la présence de ce groupe au sein du conglomérat. On a même insinué dans les journaux que le gouvernement avait contribué à leur inclusion.
On ne peut faire une chose et son contraire. On ne peut accorder un contrat à l'un de ses alliés politiques, mais non à... pourquoi l'accorderaient-ils à l'un et pourquoi ne diraient-ils pas: "Oh, non, nous ne voulons pas de la présence des autres parce qu'ils sont libéraux." Si on veut jouer à ce jeu, je pense qu'on doit le faire avec une certaine constance.
Je voulais simplement soulever quelques-uns de ces points, et je vais revenir sur quelques-uns d'entre eux. Je sais que j'ai fait une sorte de long préambule, ce qui est inhabituel pour moi, mais j'essaie de récapituler parce que nous abordons une nouvelle étape. Nous en sommes maintenant au stade de l'octroi d'un contrat à certaines conditions et aux négociations entourant ce contrat, ou encore, la proposition a été retenue, et nous assistons maintenant à la négociation du contrat, ce qui n'est pas inusité, c'est ce qui se produit normalement, n'est-ce pas, après une demande de propositions? C'est oui?
M. Broadbent: Oui, excusez-moi, oui.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. Je tiens à m'intéresser à la question du loyer différé parce qu'on a presque laissé entendre que... je pense que vous avez clairement indiqué pourquoi cette mesure avait été prise. Le gouvernement tenait à une construction immédiate; il voulait que les problèmes soient résolus tout de suite, sans égard au calendrier envisagé au départ, et il tenait à protéger les compagnies aériennes. Mais disons les choses clairement: un loyer différé n'est qu'un loyer différé. La société de développement devait rembourser le gouvernement, n'est-ce pas?
M. Broadbent: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Il s'agissait donc non pas d'un cadeau, mais bien plutôt... eh bien, c'était ce qu'on dit dans le monde des affaires: on a différé le loyer pendant un certain temps. La même chose s'applique lorsque quelqu'un s'installe dans un immeuble: "Eh bien, nous allons différer le loyer pendant les trois premiers mois, et nous vous imposerons un loyer plus élevé plus tard." Ai-je raison? N'est-ce pas ce qui s'est produit ici?
M. Broadbent: Sénateur, je pense que l'analogie est raisonnablement exacte, comme les analogies le sont habituellement.
Le sénateur Tkachuk: Pour un non-mathématicien, ce n'est pas mal du tout.
Et des intérêts étaient imputés sur ce loyer différé, n'est-ce pas?
M. Broadbent: Je crois que oui.
Le sénateur Tkachuk: Savez-vous quel était le taux d'intérêt imposé?
M. Broadbent: Non, je ne le sais pas, mais des spécialistes des questions techniques s'y intéresseront.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. Je voulais simplement établir clairement qu'il s'agissait non pas d'une subvention, mais bien plutôt d'un loyer différé, à charge pour le locataire de rembourser plus tard.
Je voulais aussi parler brièvement de la concurrence et des redevances, des redevances d'installation passagers. Le contrat conclu entre la Pearson Development Corporation et le gouvernement repose sur certaines hypothèses, n'est-ce pas? Par exemple, on tient pour acquis que des avions voleront.
M. Broadbent: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Et les hypothèses sont habituellement énoncées dans la demande de propositions?
M. Broadbent: C'est bien le cas.
Le sénateur Tkachuk: Dans ce cas-ci, on a affaire à une location. Lorsque le soumissionnaire retenu veut... c'est assez difficile pour une période de 37 ou de 50 ans de faire... on ne sait même pas ce qui va se passer dans deux ans, et encore moins ce qui va se passer dans 50 ans. Mais le sénateur Kirby s'est déjà intéressé aux redevances d'installation passagers. Pourquoi a-t-on fait cette concession? Craignait-on qu'Air Canada ne fasse faillite ou que personne ne soit preneur?
M. Broadbent: Si mes souvenirs sont bons (j'ai bien peur de me répéter ici), à ce stade des négociations (je suis presque certain que les choses ont quelque peu changé), mais, du point de vue des principes, nous avions le sentiment de devoir nous protéger contre une situation où les compagnies aériennes, pour quelque raison que ce soit (cela ne me paraît pas improbable), auraient dit: "Non, nous n'avons pas les moyens de payer." En d'autres termes, passer par notre système de billets pour le prochain stade de développement, auquel cas Pearson aurait eu la possibilité de s'adresser au gouvernement pour faire approuver les redevances d'installation passagers. À ce moment, le gouvernement de l'époque aurait eu le droit de dire oui ou non.
Je souligne qu'il s'agissait, vous savez, d'une position de repli parce que, dans une situation normale, il existe une communauté de vues entre le propriétaire-gestionnaire des aérogares et les compagnies aériennes. Du point de vue des bonnes pratiques commerciales, vous savez, ils ont tous intérêt à bien servir le public voyageur. Ils bénéficient de conditions favorables susceptibles d'inciter les gens à utiliser leur aérogare, leur compagnie aérienne. Au cas où des améliorations s'imposeraient, les bases de la coopération étaient jetées. Dans des circonstances normales, on ne s'attendait pas à ce que des problèmes émergent. Dans ce cas, des problèmes se sont posés en raison d'une multitude de facteurs extérieurs liés à la situation d'Air Canada.
Le sénateur Tkachuk: Dans un contrat, on essaie naturellement de régler le plus de questions possibles pour éviter de se retrouver au beau milieu d'un bataille de rue 10 ans plus tard. On essaie d'organiser sa vie pour les 30 ou 40 prochaines années, ou pour une autre période.
M. Broadbent: On essaie d'assortir le contrat de dispositions capables de garder le tout en bon état de marche, c'est juste.
Le sénateur Tkachuk: La Pearson Development Corporation aurait-elle pu de sa propre autorité imposer des redevances d'installation passagers? Si elle avait été en place, aurait-elle pu un beau matin dire: "Eh bien, nous allons imposer 10 $ à chaque passager." Aurait-elle pu le faire?
M. Broadbent: Non, sénateur, elle n'aurait pas pu le faire.
Le sénateur Tkachuk: Que devait-elle faire?
M. Broadbent: Je le réitère une fois de plus, mais je pense que toute cette question a été modifiée dans le cadre des négociations ultérieures. Mais jamais je n'aurais envisagé cette possibilité, qui n'aurait jamais été acceptable, ni pour Transports Canada, ni pour le gouvernement. Il était toujours question d'une politique des redevances d'installation passagers.
Le sénateur Tkachuk: Qu'en est-il de l'aéroport de Vancouver?
M. Broadbent: Eh bien, le cas de l'aéroport de Vancouver était quelque peu différent parce qu'il était placé sous le contrôle d'une AAL.
Le sénateur Tkachuk: Ainsi donc, les autres AA (ah! ces acronymes), les autres administrations aéroportuaires locales pouvaient simplement imposer de telles redevances, n'est-ce pas? Elles n'avaient pas à obtenir la permission du gouvernement.
M. Broadbent: Non, certainement. Du point de vue du gouvernement, l'avantage d'une AAL, une fois les pouvoirs transférés, c'est que si quelque chose cloche, c'est non pas le gouvernement fédéral, mais bien l'administration locale qui se retrouve dans l'eau chaude.
Le sénateur Tkachuk: Ce sont les politiciens locaux.
M. Broadbent: Oui.
Le sénateur Tkachuk: En exigeant que le gouvernement autorise l'imposition de redevances, on recherchait une forme de responsabilité politique. Si un gouvernement s'avisait d'autoriser une telle mesure, il aurait à payer un prix politique à supposer qu'elle n'ait pas l'heur de plaire aux gens.
M. Broadbent: Sénateur, on ne doit jamais perdre de vue qu'il s'agissait simplement d'une position de repli.
Le sénateur Tkachuk: C'est juste.
M. Broadbent: Dans des circonstances normales, on s'attend à ce que les intérêts et les besoins des compagnies aériennes et de Pearson coïncident.
Le sénateur Tkachuk: En ce qui concerne les passagers, je pense que le conseiller juridique s'est intéressé au problème du déroutement des passagers, mais je vais poser deux ou trois questions à ce sujet.
Si je comprends bien leur proposition, les sociétés privées étaient convaincues de pouvoir faire transiter 38 millions de personnes par Pearson, même si, plus tard, on a soutenu, devant le gouvernement, que cela était impossible. Mais le gouvernement disposait de certaines possibilités au chapitre du déroutement du trafic, n'est-ce pas?
M. Broadbent: Oui. Permettez-moi d'abord de préciser que leur position initiale se situait dans les environs de 30 millions de passagers. On n'a pas affaire à des néophytes vous savez.
Le sénateur Tkachuk: Je comprends.
M. Broadbent: Ils n'ont pas d'entrée de jeu mis leur position finale sur la table, pas plus que nous.
Le sénateur Tkachuk: Revenons au premier point que j'ai soulevé. Le gouvernement du Canada avait la possibilité de dérouter le trafic, n'est-ce pas, sans avoir de permission à demander et sans égard aux garanties ou à quoi que ce soit d'autre?
M. Broadbent: Nous devons au sénateur Kirby de préciser que, dans certaines circonstances, la Couronne aurait alors des coûts à assumer.
Le sénateur Tkachuk: Si je comprends bien, cependant, le gouvernement pouvait dérouter 1 million, ou 1,5 million de passagers sans qu'il en coûte un sou à la Couronne.
M. Broadbent: Eh bien, je pense qu'il vaudrait mieux réserver la question pour mon ami et collègue Bill Rowat. C'est lui qui a négocié l'accord final.
Le sénateur Tkachuk: Je vois, très bien. Eh bien, je poserai la question à M. Rowat.
Lorsque quelqu'un loue quelque chose et que le propriétaire l'oblige à faire quelque chose, la plupart des baux commerciaux s'assortissent de certaines garanties. Au chapitre des revenus, les seules garanties que nous avons ici tiennent à la présence de passagers. Par exemple, si le gouvernement lie la Pearson Development Corporation à un contrat de location et que, le lendemain, il affirme: "Nous allons maintenant développer Pickering" ou "Nous allons faire de Hamilton la nouvelle plaque tournante, un intervenant majeur"... comment aurait-il pu trouver du financement sans ces garanties? Aurait-il pu obtenir de l'argent de la banque? Aurait-on pu même conclure un accord?
M. Broadbent: Sénateur, il s'agit d'une question rhétorique, n'est-ce pas. Ce serait très difficile.
Le sénateur Tkachuk: Oui. On n'aurait pu conclure une entente.
M. Broadbent: Eh bien, je suppose qu'on aurait toujours pu. théoriquement, on aurait pu conclure une entente, mais quant à savoir si une personne sensée comme... je suis certain que les gens qui travaillent pour Charles Bronfman ne sont pas stupides. Ils ne seraient pas allés de l'avant.
Le sénateur Tkachuk: Ni la Banque Royale, ni toute autre institution prêteuse.
M. Broadbent: Manifestement, il aurait été extrêmement difficile d'y parvenir.
Le sénateur Tkachuk: La même règle s'applique aux administrations aéroportuaires locales. Ne bénéficient-elles pas d'un rayon protégé?
M. Broadbent: Non. D'après ce que je sais, elles ont une aire de compétence. Je ne suis pas spécialiste (j'allais dire à l'égard des administrations aéroportuaires locales), mais, en réalité, la même chose s'applique à presque tout ce qui touche les aéroports.
Le sénateur Tkachuk: Eh bien, je dirais que si l'administration aéroportuaire locale de Vancouver a besoin d'argent, la banque posera les mêmes questions, je crois. Mais je n'en suis pas certain. J'aurais dû lui poser la question. J'en avais la possibilité, mais je ne savais pas que toutes ces questions allaient se poser.
M. Broadbent: Je pense que la simple logique impose la réponse.
Le sénateur Kirby: Sénateur Tkachuk, puis-je éclairer un point pour vous? Je pense que vous avez probablement raison en ce qui concerne Vancouver, mais, en l'occurrence, il y a une analogie plus pertinente. En effet, on trouve à Edmonton deux aéroports (à Vancouver, il n'y en a qu'un) en fait, la compétence de l'AAL ne s'applique explicitement pas à l'aéroport municipal d'Edmonton. En fait, les deux ont été initialement tenus distincts.
Le sénateur Tkachuk: Mais c'est là l'accord qu'on a conclu. C'est l'accord qu'on a conclu.
Le sénateur Kirby: C'est juste.
Le sénateur Tkachuk: L'un appartenait à l'administration municipale, l'autre, au gouvernement fédéral.
Le sénateur Kirby: Tout ce que je dis, c'est qu'un monopole n'existe pas forcément partout où une AAL a été créée. C'est tout ce que je dis.
M. Broadbent: Et si je comprends bien, un problème analogue se pose en ce qui concerne l'aéroport des îles de Toronto.
Le sénateur Tkachuk: Oui. C'est juste. Même à Edmonton, je suis certain qu'on ne pourrait construire un autre aéroport, outre les deux qui existent déjà.
Le sénateur Tkachuk: J'en suis convaincu.
Je veux simplement consacrer une minute à l'organisation entourant le contrat auquel vous travailliez. Vous avez dit avoir constitué une équipe. Vous avez dit avoir constitué certaines tables, qui se sont elles-mêmes organisées et qui ont suivi tout le processus relatif au contrat. Qu'avez-vous accompli pendant que vous étiez en poste?
M. Broadbent: J'aurais peut-être dû m'intéresser à cette question dans ma déclaration liminaire. Je m'excuse de ne pas l'avoir fait. Je ne peux en parler qu'en termes génériques parce que cette question concerne le Cabinet.
Le sénateur Tkachuk: Oui, c'est bien.
M. Broadbent: Essentiellement, le 10 juin, nous avons présenté au Cabinet ce qu'on a appelé une entente de principe qui énonçait tout ce dont on avait convenu, même si les textes juridiques restaient à produire. On y précisait également, en termes très abondants, ce qui restait à faire. Il s'agissait, si vous voulez, d'un état de l'avancement des travaux.
Le sénateur Tkachuk: Et vous avez dit avoir résolu... la question relative au personnel était-elle résolue lorsque vous avez terminé?
M. Broadbent: Eh bien, vous avez entendu Ray Hession dire qu'il était de l'autre côté de la table, et vous m'avez entendu chanter les louanges des fonctionnaires de Transports Canada. Les membres de ce groupe non seulement ont respecté le calendrier, mais aussi ont terminé en avance. De plus, ils ont obtenu un bon accord pour les employés de Transports Canada, je puis vous en assurer.
Le sénateur Tkachuk: Il y avait une question ici, si vous pouvez seulement me donner une minute pour la chercher... auriez-vous l'amabilité de prendre la parole, monsieur le président.
M. Broadbent: Oui.
Le président: Pendant qu'ils discutent, j'aimerais vous faire part d'une suggestion.
Nous interromprons nos travaux à 11 h 30, et le sénateur Jessiman et le sénateur LeBreton tiennent à poser quelques brèves questions, et M. Nelligan souhaite conclure. Puis, nous avons rappelé M. Hession pour lui demander de clarifier un problème soulevé hier en réponse à une question posée par M. Nelligan. On devra s'en tenir à cette question seulement, à l'exclusion de toute autre, et M. Hession m'assure qu'il ne lui faudra pas plus de cinq minutes.
Le sénateur Jessiman: Je n'ai rien d'autre à demander.
Le sénateur Tkachuk: Je vais conclure immédiatement. Il s'agissait du mot "régie". Vous avez utilisé le mot "régie". De quoi s'agissait-il?
M. Broadbent: Ce dont je parlais (et j'ai tenté de l'expliquer quelque peu dans ma déclaration liminaire), vous vous rappellerez que j'ai raconté comment Charles Bronfman m'a parlé de ses grands-enfants, de fierté, et tout le reste. Il n'est pas immortel et il ne sera pas toujours autour de la table. Or, il s'agit d'un long accord. Par conséquent, nous voulions quelque chose qui donnerait à la Couronne certaines garanties pouvant lui donner l'assurance que l'engagement évoqué par M. Bronfman avec tant d'éloquence allait se maintenir à l'avenir. Et nous avons tenté d'intégrer quelque chose, soit l'élaboration, la prescription et l'actualisation de normes pouvant nous assurer les meilleures garanties possibles (du point de vue de la procédure, les être humains ont une grande capacité de production), des garanties selon lesquelles des normes de classe mondiale seraient atteintes et maintenues.
Le sénateur Tkachuk: Il a été difficile de le faire?
M. Broadbent: Je pense que je sais ce que vous avez lu, sénateur.
Le sénateur Tkachuk: Non, avez-vous eu de la difficulté à le faire avec les entrepreneurs, les promoteurs?
M. Broadbent: Oh, non. Je crois vous avoir dit hier que, au départ, Peter Coughlin de Claridge était quelque peu effarouché en raison des coûts que, à l'évidence, il allait falloir assumer, mais Jack Matthews a assez rapidement constaté que cette mesure, malgré les coûts, serait très utile à Paxport International qui, comme M. Hession l'a dit, allait se lancer dans l'aménagement d'aéroports à l'étranger. Quiconque peut dire: "Nous disposons d'un mécanisme, mis au point par un groupe indépendant, qui nous dit ce que sont des normes de classe mondiale", en plus d'un système de vérification et d'une méthode d'actualisation, a manifestement amélioré sa position concurrentielle.
Le sénateur Tkachuk: Et les gens de Transports Canada ont dû être transportés de joie à l'annonce de cette nouvelle.
Le président: Je pense que vous avez dit qu'il s'agissait de la première manifestation d'une expertise qui pourrait être exportée.
M. Broadbent: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Eh bien, les gens de Transports Canada ont dû être transportés de joie à l'annonce de cette nouvelle. J'essaie de maintenir une attitude très positive... vous êtes à même de constater, monsieur Broadbent, que je suis aujourd'hui très positif.
M. Broadbent: Eh bien, oui, certains d'entre nous pensaient qu'il s'agissait d'une très bonne idée.
Le sénateur Tkachuk: Mais certains fonctionnaires n'ont pas bien reçu cette idée?
M. Broadbent: Nous avons reçu de certains fonctionnaires une véritable douche d'eau froide.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi?
M. Broadbent: Parce que rien n'avait été fait. Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'on avait déployé des efforts pour y parvenir. Il s'agit d'une preuve anecdotique, nous sommes d'accord?
Le sénateur Tkachuk: Cela n'aurait rien à voir avec l'une de ces réprimandes voulant dire: "Je n'ai pas obtenu d'accord semblable à l'aéroport de Vancouver, ni à celui de Montréal."
M. Broadbent: Eh bien, examinez les dispositions des accords relatifs aux AAL. Je crois comprendre qu'on prévoit que Transports Canada procédera à une vérification, mais qu'il n'y a pas de critère, vous savez, qui est acceptable. C'est un peu comme un commandant de bataillon qui porte des gants blancs, je suppose. Vous vous promenez, vous humez l'air du temps et vous vérifiez si tout est en règle. Nous tentions d'élaborer des critères.
J'ai entendu dire que Transports Canada avait tenté de faire la même chose, et la preuve peut être hypocotyle, mais on m'a aussi dit que lorsqu'ils ont constaté le genre de critères auxquels ils devraient satisfaire, ils ont constaté qu'ils allaient prêter le flanc au vérificateur général, parce que jamais ils ne seraient en mesure d'y répondre. Et l'idée s'est estompée.
Le sénateur Tkachuk: Pour permettre à d'autres de poser des questions, je pense que je m'interromprai ici. Je ne sais si je reprendrai la parole parce que d'autres aborderont peut-être les questions que j'entendais poser. Quoi qu'il en soit, je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Le président: Sénateur LeBreton.
Le sénateur LeBreton: Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Broadbent, et de nouveau bonjour.
Juste avant de poser mes... je n'ai que deux ou trois brèves questions de clarification à poser, j'aimerais dire quelques mots.
Au début de votre déclaration d'hier, vous avez eu recours à l'analogie du miroir dans lequel vous deviez toujours pouvoir vous regarder. Eh bien, ce matin, je me suis livrée au même exercice. Je me suis dit: "Tiens-t'en aux faits, tiens-t'en à la vérité. Fais fi des attaques non fondées lancées contre tes anciens collègues. Fais fi des accessoires et de l'esbrouffe. Laisse à d'autres le soin de faire la manchette en faisant des allégations parfaitement étrangères à la vérité. Ne pose que des questions qui découlent de la preuve présentée et des déclarations des témoins", parce que je crois vraiment que la recherche de la vérité est notre but commun. Je suppose que je suis naïve, mais je cheminerai avec cet objectif en tête. Je dois dire que je trouve des plus étrange de constater que la réputation et l'intégrité de certaines personnes soient abordées dans le cadre des présentes audiences sur la foi des opinions d'un journaliste ou d'un chroniqueur. Pourtant, lorsque je soulève des questions relativement à la preuve amplement suffisante dont dispose le comité à propos du rôle de certains fonctionnaires, on m'interrompt.
On peut lancer les attaques les plus virulentes qui soient contre des personnes dont la participation, ainsi que la preuve l'a montré, n'allait pas au-delà de ce qui est habituel dans les circonstances, mais si on s'avise de poser des questions à propos d'un questionnaire clé responsable des dossiers, c'est l'anathème!
D'entrée de jeu, je précise que j'ai le plus grand respect pour les fonctionnaires, et vous, monsieur Broadbent, venez en tête de liste. J'ai travaillé avec vous et bon nombre de fonctionnaires du Bureau du Conseil privé. Vous êtes des travailleurs acharnés et compétents qui, en tant que groupe, ne méritez pas les pierres et les flèches qu'on vous décoche régulièrement.
Hier, je cherchais simplement à faire la lumière sur les relations de travail que vous entreteniez avec la SMA (aéroports). D'autres témoins se sont également intéressés à cette question. Grâce à la discussion que nous avons eue ce matin, je crois que nous avons établi les faits pertinents, à moins que vous n'ayez d'autres commentaires à formuler à propos de cette note de service en particulier. Je crois que vous avez convenu que la partie censurée ne méritait pas de l'être, mais j'essaierai de déterminer avec l'aide du conseiller juridique si le passage en question pourra un jour être lu aux fins du compte rendu.
Ainsi donc, je n'ai que quelques questions, monsieur Broadbent. En réponse aux questions que vous a posées hier le sénateur Kirby, au moment où il vous demandait de spéculer à propos du délai qui vous était imparti pour mener à bien votre tâche, j'ai une question précise à poser, après quoi je m'intéresserai à votre réponse. Votre contrat ne portait-il que sur une période de trois mois? Votre contrat n'était-il valable que de mars à juin, ou en allait-il tout autrement?
M. Broadbent: Non. Mme Labelle jouit d'une vaste expérience. Sagement et prudemment, je pense, elle a demandé au responsable des contrats d'assortir la présentation au Conseil du Trésor d'une somme et d'un délai beaucoup plus important et beaucoup plus long que ce qui m'apparaissait nécessaire. Le contrat approuvé par le Conseil du Trésor était techniquement valide, je pense, jusqu'à la fin du mois de septembre.
Le sénateur LeBreton: Dans les faits, vous aviez donc jusqu'à ce moment pour mener votre travail à bien. D'autres facteurs ont pu intervenir, mais cela était prévu dans votre contrat?
M. Broadbent: Théoriquement, oui.
Le sénateur LeBreton: En réponse à cette question... je suis heureuse que vous ayez clarifié ce point à propos de la durée du contrat. Je n'ai pas le compte rendu exact... en fait, je l'avais. J'espère que vos transcriptions sont exactes, Edison, parce que, ce matin, je vais me fier à des citations tirées d'elles. Il apparaît clairement que M. Mulroney souhaitait mener à bien certains dossiers avant son départ. Ce sont les mots que vous avez employés hier, n'est-ce pas?
M. Broadbent: Je pense que oui.
Le sénateur LeBreton: Puis, vous avez dit que M. Shortliffe avait déclaré que le premier ministre manifestait un vif intérêt pour ce dossier et s'informait fréquemment de son état d'avancement. Ce sont les mots de M. Shortliffe, n'est-ce pas?
M. Broadbent: Eh bien, il s'agit de propos rapportés plutôt que d'une citation directe, mais c'était bien le sens de ses propos.
Le sénateur LeBreton: Oui. C'est juste. Puis, vous avez également déclaré n'avoir subi aucune forme d'ingérence politique. Vous avez ajouté: "Il ne fait aucun doute dans mon esprit (je reprends vos mots) qu'il fallait en venir à une entente à tout prix. Puis, vous avez dit: "Il fallait en venir à une bonne entente, faute de quoi il n'y aurait pas d'entente". Et cela, bien entendu, est exact, comme il se doit.
Est-il inhabituel qu'un premier ministre manifeste un vif intérêt pour des dossiers dont s'occupe son gouvernement? On ne peut en dire autant de tous les premiers ministres de toute allégeance à propos de l'ensemble des politiques de leur gouvernement.
M. Broadbent: Je suis tenté de répondre par un simple "oui", mais les circonstances, la course à l'investiture et l'élection ont fait une différence. Dans mon expérience, il n'est toutefois pas inhabituel que, dans ces circonstances, un premier ministre manifeste un vif intérêt pour certains dossiers qu'il souhaite voir menés à bien avant que ne se produisent certaines choses.
Le sénateur LeBreton: Oui, c'est vrai.
M. Broadbent: C'est la vie.
Le sénateur LeBreton: Absolument. Aux fins du compte rendu, je citerai quelques autres politiques pour lesquelles le premier ministre manifestait un vif intérêt: l'ALÉNA, qui a été adopté le 27 mai et a reçu la sanction royale le 23 juin. Puis, il y a eu la Loi visant à modifier le Code criminel et la Loi sur les jeunes contrevenants, ce pourquoi il a exercé sur moi et d'autres de fortes pressions, et les dispositions législatives relatives au harcèlement, qui ont été adoptées le 10 juin et ont reçu la sanction royale le 23 juin. Il y a eu aussi les deux lois établissant le territoire du Nunavut et réglant l'ensemble des revendications territoriales relatives au Nunavut, qui ont été adoptées le 4 juin et ont reçu la sanction royale le 10 juin, c'est-à-dire, dans tous les cas, avant qu'il ne quitte son poste. Bien sûr, le vif intérêt qu'il manifestait à l'égard de ce dossier était tout naturel. Bien sûr également, l'intérêt est demeuré même après son départ.
Je voulais simplement dire cela aux fins du compte rendu, monsieur Broadbent.
Le sénateur Tkachuk: L'intérêt est toujours vif.
Le sénateur LeBreton: Et l'intérêt est toujours vif, comme en témoigne notre... je voulais seulement que vous nous disiez si, selon votre longue expérience en tant que fonctionnaire de carrière exceptionnel, s'il est inhabituel qu'un premier ministre s'intéresse aux dossiers et aux politiques de son gouvernement.
M. Broadbent: Non, la question est rhétorique. Ce n'est pas inhabituel.
Le sénateur LeBreton: Merci.
Le président: Monsieur Nelligan.
M. Nelligan: Monsieur Broadbent, je voulais simplement clarifier les circonstances qui ont entouré la phase terminale du contrat. Vous nous avez dit...
Le sénateur Bryden: "Terminal", dans le contexte, le mot est particulièrement bien choisi.
M. Nelligan: Je faisais plutôt référence à la fin de votre contrat. Malheureusement, tout cela est loin d'être "terminé".
Vous avez dit que votre contrat est prévu pour une plus longue durée. Auriez-vous l'amabilité de nous dire quand vous avez cessé de travailler à ce dossier?
M. Broadbent: Seulement parce que j'ai pu mettre la main sur la date de la dernière facture. C'était le 17 juin.
M. Nelligan: Très bien. Et pouvez-vous me dire, s'il vous plaît, quand M. Rowat a été nommé SMA?
M. Broadbent: Je crois que c'était le 15 juin. C'est confirmé.
M. Nelligan: Oui. Donc, il est arrivé juste avant que vous ne partiez.
M. Broadbent: Nous avons procédé à une sorte de passation des pouvoirs, oui.
M. Nelligan: Merci. Y a-t-il autre chose que vous vouliez ajouter à ce propos?
M. Broadbent: Non.
M. Nelligan: Non? Merci beaucoup. C'est tout.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Broadbent.
M. Broadbent: C'est terminé?
Le président: Vous nous avez été fort utile.
M. Broadbent: Je vous remercie beaucoup. Je souhaite au comité tout le succès voulu dans sa défense des intérêts du Canada.
Le président: Merci. Monsieur Hession, s'il vous plaît.
(Raymond Hession, témoin déjà assermenté:)
M. Hession: Merci, monsieur le président. Puis-je commencer?
M. Nelligan: Puis-je expliquer la situation aux sénateurs?
M. Hession: Certainement.
M. Nelligan: M. Hession a demandé à comparaître de nouveau devant le comité à propos du paragraphe que j'ai lu, vous vous en souviendrez, aux fins du compte rendu à la fin de son témoignage, qui semble-t-il avait été supprimé dans les documents originaux du ministère de la Justice. En relisant le texte avec un peu de recul, il en est venu à la conclusion qu'il aimerait formuler certains commentaires à propos de la signification du paragraphe.
Le sénateur Kirby: Aux fins du compte rendu, monsieur le président, je tiens à apporter une précision, même si vous savez que, de notre côté, nous ne voyons aucune objection à tout cela. Mais le président, vous et moi avons eu une conversation au terme de laquelle nous en sommes venus à la conclusion que M. Hession, par souci d'équité envers les autres témoins, ne pouvait s'intéresser qu'à cette question seulement, à l'exclusion de toute autre.
M. Nelligan: Cela a été expliqué au témoin, et il comprend.
Le sénateur Kirby: D'accord. C'est bon. Aux fins du compte rendu, nous comprendrons pourquoi il ne s'est intéressé qu'à un seul sujet.
Le président: D'accord, monsieur Hession.
M. Raymond Hession, Hession, Neville & Associates: Merci, monsieur le président. Cela est inhabituel. J'apprécie le fait que le président et le comité aient eu la courtoisie, dans l'intérêt de la justice et de l'équité des procédures, de m'autoriser à réagir à un échange survenu à la fin de mon témoignage d'hier, au moment où le conseiller juridique réagissait à une plainte formulée par moi. En particulier, ma plainte... vous rappellerez que j'ai soulevé hier matin un point fondamental, que je continue de juger fondamental pour l'efficacité de la présente enquête, c'est-à-dire que toutes les preuves que j'ai déposées, soit les documents que j'avais en ma possession, n'ont pas été censurées par souci d'ouverture et de transparence. Ils ont été déposés dans cet esprit. Je me plaignais du fait qu'on a fourni de très volumineux documents qui se distinguent par le nombre de paragraphes censurés qu'on y retrouve.
J'ai fait référence à un document en particulier. J'aimerais pouvoir dire que je l'ai choisi au hasard, mais tel n'est pas le cas. Si je l'ai pointé du doigt, c'est parce qu'il a trait à une préoccupation centrale du comité. Il a trait à la réunion qui a eu lieu le 15 décembre 1992, soit huit jours après l'attribution du contrat, à propos de la lettre dans laquelle on m'annonçait que notre société avait été retenue. Dans la lettre, on énonçait une condition, c'est-à-dire que le projet devait pouvoir être financé. J'ai explicitement posé au sous-ministre adjoint (aéroports) la question suivante: "Que devons-nous faire pour vous rassurer à ce sujet?" Comme tous les membres du comité le savent, on venait tout juste d'assujettir notre capacité de réaliser ce projet aux évaluations les plus rigoureuses qui soient. Moins de deux mois auparavant, la firme Richardson Greenshields s'était notamment concentrée sur la question de la capacité financière.
Le sous-ministre adjoint (aéroports), en réponse à ma question, a déclaré: "Je ne vous le dirai pas. En temps opportun, nous embaucherons plutôt un conseiller financier. En ce qui a trait aux préoccupations non définies relatives à la capacité financière, nous nous fierons à ces opinions."
Le conseiller juridique (et je l'en remercie) a donné suite aux préoccupations que j'avais soulevées à propos de la note de service. À la fin de l'audience d'hier, il a lu la lettre aux fins du compte rendu, et, pour être tout à fait franc, monsieur le président, j'étais à ce moment si perplexe, la rencontre étant effectivement terminée, que je me suis mis à réfléchir de nouveau à ce qu'on avait dit à propos du paragraphe censuré. C'est pour cette raison que j'ai demandé à prendre la parole aujourd'hui.
Sénateurs, permettez-moi de vous rappeler ce qui a été censuré et de le lire maintenant aux fins du compte rendu. Il s'agit d'un document qui porte sur la réunion du 15 décembre. De fait, il s'agit du procès-verbal de cette réunion. M. Barbeau a indiqué que... voici maintenant le contenu du paragraphe censuré:
Les ministres se sont dit préoccupés par le financement du projet dans le contexte des incertitudes qui caractérisent actuellement l'industrie aérienne, d'où la nécessité pour Paxport Inc. de faire la preuve de sa capacité de le financer.
Je tiens à relever la référence précise et explicite aux "incertitudes qui caractérisent actuellement l'industrie aérienne", parce que si nous prenions le temps (et, avec la permission du Sénat, je serai heureux de le faire) de faire les recherches qui s'imposent ici pour l'ensemble de la période de demande de propositions, les préparatifs qui y ont mené, la demande elle-même, les propositions, leur évaluation, nous constaterions que la structure de l'industrie aérienne, Air Canada et Canadien, suscitait de profondes préoccupations au pays. Canadien, en particulier, se distinguait par ses apparentes difficultés financières, ainsi que par les questions entourant une éventuelle association avec American Airlines.
Nous le savons tous, le nombre de passagers passant par Pearson et desservis par l'industrie aérienne dans son ensemble a connu une baisse, une baisse, je m'empresse de l'ajouter, très temporaire. Pendant toute cette période, les ministres et les hauts fonctionnaires (indépendamment des questions entourant la taille des aérogares 1 et 2 et de la demande de propositions) se sont passionnés pour l'industrie aérienne. C'était la raison, la seule raison. C'est pour cette seule et unique raison que la question de la capacité financière a été soulevée. Cela n'avait rien à voir avec la situation financière de l'une ou l'autre des parties associées à Paxport, ni avec la capacité totale des actionnaires de Paxport et des fonds totaux très considérables à leur disposition de respecter cette exigence.
Si j'avais su que cette question tournait seulement autour des incertitudes entourant en ce moment l'industrie aérienne et que les principes directeurs dont il a été ici question ad nauseam modifiaient de façon fondamentale le point de vue d'Air Canada à l'égard de la capacité financière, les expériences et les activités qui ont suivi la réunion du 15 décembre auraient été tout à fait différentes. Et je pense (voilà ce que je dis aux sénateurs en les mettant au défi de s'attaquer à cette question dans un souci d'équité) que si vous aviez connu la teneur de ce paragraphe censuré, certains d'entre vous, je crois, n'auraient pas conclu à l'existence de maquignonnage entre les parties qui allaient finir par former Mergeco.
Voilà ce qui me déplaît à propos des documents censurés. Et je pose la question suivante au comité: si nous voulons faire toute la lumière, combien d'autres documents, combien d'autres informations cachées allons-nous mettre au jour si nous contestons chacun des paragraphes censurés contenus dans ces volumineux documents? De notre côté, nous sommes à la recherche de l'équité, de l'honnêteté et de la vérité, et je vais répéter pourquoi on a censuré ce paragraphe en particulier de manière à ce que ni les sénateurs ni le grand public ne puissent comprendre pour quel motif la question de la capacité financière avait été soulevée: c'était parce que les compagnies aériennes du pays éprouvaient des difficultés.
En terminant, monsieur le président, on m'a posé hier la question suivante dans le contexte de tout le problème de la capacité financière. Ainsi, on m'a demandé si, à mon insu, quelque chose avait pu se tramer en coulisse. J'ai répondu à la question. J'ai répondu que rien de tel n'avait cours. Dans le journal d'aujourd'hui, j'ai lu qu'on croyait à l'existence d'une sorte de conspiration ou d'imposture. Cela n'est rien d'autre que de la basse politicaillerie.
Le sénateur Bryden: Monsieur le président, avez-vous...
M. Hession: Cela n'est rien d'autre que de la basse politicaillerie, et la basse politicaillerie n'est pas acceptable pour nous, hommes d'affaires canadiens, qui avons relevé ce défi de façon responsable. Je vous remercie, monsieur le président.
M. Nelligan: Y a-t-il des questions à ce sujet?
Le sénateur Jessiman: Non, il en a dit assez.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Hession.
M. Hession: Merci, monsieur le président.
Le comité suspend ces travaux jusqu'à 12 h 30.
Ottawa, le jeudi 3 août 1995
Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui à 12 h 30 pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, et pour faire rapport à ce sujet.
Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.
Le président: La séance est ouverte.
J'espère que vous avez tous eu un déjeuner long et agréable.
Nous accueillons cet après-midi plusieurs témoins très importants. De fait, ils sont tellement importants que nous espérons, à cause des retards que nous avons encourus cette semaine, pouvoir les accueillir à nouveau pendant toute la journée du mardi 15 août, après la pause de la semaine prochaine.
Je ne sais pas si l'on vous a expliqué les raisons des modifications apportées à l'ordre de comparution mais je tiens à vous dire que votre témoignage est trop important à nos yeux pour que nous puissions l'achever complètement cet après-midi, d'autant plus que nous allons lever la séance à 15 heures. J'espère en conséquence qu'il vous sera possible de vous joindre à nous pendant toute la journée du 15 août.
M. John Desmarais, conseiller spécial du sous-ministre adjoint, Groupe des aéroports, Transports Canada: J'aurais peut-être un problème à ce sujet. Comme je l'ai dit plus tôt à votre conseiller, je dois participer ce jour-là à l'enquête préliminaire relative au litige entre T1T2 Limited Partnership et la Couronne. Je vais essayer de prendre d'autres dispositions mais tout dépendra du degré de coopération de la partie adverse.
Le sénateur Jessiman: Se pourrait-il que le litige soit réglé d'ici là?
M. Desmarais: Pas de commentaire.
Le président: Très bien. M. Nelligan va nous présenter les témoins.
M. John Nelligan, c.r., conseiller du comité: Nous accueillons aujourd'hui une équipe qui a participé au processus de négociation. Le chef d'équipe est M. William Rowat, actuellement sous-ministre des Pêches et Océans, ce qui l'amène maintenant à s'intéresser plus au saumon et à la morue qu'aux aéroports. Comme on vous l'a dit ce matin, on lui avait confié le poste spécial de sous-ministre associé en juin 1993, ce qui l'a amené à superviser la dernière série de négociations.
Il est accompagné de M. Desmarais, qui était alors négociateur en chef à Transports Canada et qui occupe depuis mars 1992 le poste de conseiller principal (aéroports) du sous-ministre adjoint.
Le sénateur Jessiman: Quel est le prénom de M. Desmarais?
M. Nelligan: Veuillez m'excuser, c'est John.
Nous avons également M. Keith Jolliffe, qui occupait au moment crucial le poste de directeur de la Planification ministérielle et des projets spéciaux pour le Groupe des aéroports et qui est aujourd'hui conseiller financier sur le projet de commercialisation du système de la navigation aérienne (et nous avons déjà eu l'honneur de le rencontrer à ce titre) pour la société qui tiendra sa première assemblée officielle demain matin.
Les témoins pourront nous donner des précisions sur les négociations qui sont tenues entre la mi-juin et octobre; en outre, M. Desmarais et M. Jolliffe pourront nous parler également des étapes antérieures de la négociation car, si j'ai bien compris, ils se sont occupés de tous les aspects du processus, jusqu'à sa conclusion.
Je crois comprendre que M. Rowat fera une brève déclaration liminaire lorsque les témoins auront tous prêté serment.
(M. William Rowat, assermenté:)
(M. John Desmarais, assermenté:)
(M. Keith Jolliffe, assermenté:)
Le président: Monsieur Rowat vous avez la parole.
M. William Rowat, sous-ministre, Pêches et Océans: Merci, monsieur le président.
Comme l'a dit le président, je m'appelle Bill Rowat et j'occupe actuellement le poste de sous-ministre des Pêches et Océans. Je suis fonctionnaire fédéral depuis 22 ans.
En ce qui concerne le réaménagement de l'aéroport Pearson, les fonctions pertinentes que j'ai occupées sont les suivantes: de janvier 1991 au 15 juin 1993, secrétaire adjoint, Politique du développement économique régional, au Conseil privé; du 15 juin 1993 au 9 mai 1994, sous-ministre associé, Transports Canada.
Au Conseil privé, mon personnel et moi-même étions chargés, entre autres choses, de surveiller l'évolution du projet de réaménagement de l'aéroport Pearson. À ce titre, j'étais chargé d'informer le greffier lorsqu'il y avait des événements importants. J'ai également participé à diverses discussions avec d'autres cadres supérieurs, à diverses étapes du processus et j'ai aussi organisé des séances d'information à l'intention de ministres.
Lorsqu'on m'a confié le poste de sous-ministre associé au ministère des Transports, le 15 juin, l'une de mes premières fonctions a été celle de négociateur principal du projet de réaménagement de l'aéroport Pearson. J'ai ainsi pris la direction de l'équipe très compétente de M. Broadbent, dont deux des membres m'accompagnent aujourd'hui. John Desmarais, Keith Jolliffe et Wayne Power sont les principaux fonctionnaires qui m'ont appuyé pendant la série de négociations dont je me suis occupé.
Je bénéficiais également à l'époque du soutien de Maralee McLaren, de Don Dickson, notre conseiller financier, de Chern Heed, directeur de l'aéroport Pearson, et de Judy Boulay. L'équipe comprenait également deux représentants du ministère de la Justice, soit Bob Greene, conseiller ministériel, et Jacques Pigeon.
Finalement, de l'extérieur de la fonction publique, nous avions Gordon Dickson, de Cassels Brock, et Paul Stehelin, conseiller financier chez Deloitte & Touche.
C'est donc sous la direction du ministre et avec l'aide de cette équipe (ainsi qu'avec le soutien du Groupe des aéroports, de Transports Canada) que j'ai entrepris pendant l'été de 1993, en consultant les organismes centraux du gouvernement, de négocier l'accord avec la société de réaménagement de l'aéroport Pearson.
Lorsque j'ai pris la relève de M. Broadbent, les principaux éléments de l'accord avaient déjà été négociés ou étaient sur le point d'être réglés. L'une des questions pendantes les plus difficiles concernait l'entente avec Air Canada, mais elle finit elle aussi par être réglée.
Une entente de principe avec Pearson Development Corporation fut annoncée le 30 août 1993 mais il fallut un mois de plus pour rédiger les textes définitifs. Les documents furent signés par des représentants de Pearson Development Corporation le dimanche 3 octobre 1993, et par Jean Corbeil, au nom du gouvernement du Canada, le lundi 4 octobre 1993, pour être entiercés jusqu'au 7 octobre.
Le 7 octobre, j'ai signé en présence de représentants de la Pearson Development Corporation et de conseillers juridiques de Cassels Brock, entre autres, le document de libération de ces documents, après avoir vérifié devant témoins que certaines conditions avaient été respectées.
Suite à l'élection du nouveau gouvernement, le 25 octobre, M. Nixon fut chargé d'examiner les accords de l'aéroport Pearson, et mon équipe et moi-même lui avons donné notre pleine coopération à ce sujet.
C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président.
Le président: Merci.
Sénateur Bryden.
Le sénateur Bryden: Merci.
Vous venez déjà de répondre à plusieurs des questions que je voulais vous poser. Il m'en reste cependant une, concernant les réunions des sous-ministres. Y a-t-il eu de temps à autre des réunions de sous-ministres des divers ministères et organismes concernés par ce dossier?
M. Rowat: Pendant quelle période?
Le sénateur Bryden: Pendant que vous occupiez votre poste au Bureau du Conseil privé.
M. Rowat: Oui, pendant mes deux années et quelques mois au Conseil privé, il y a eu plusieurs réunions à ce sujet.
Le sénateur Bryden: En règle générale, les participants représentaient quels ministères?
M. Rowat: Il s'agissait généralement des sous-ministres des organismes centraux, puisque le dossier était surtout d'ordre financier. Autrement dit, cela intéressait surtout, du point de vue financier, le ministère des Finances et le Conseil du Trésor. Normalement, le Bureau du Conseil privé participait aux réunions et même, dans bien des cas, les convoquait, à la demande du sous-ministre des Transports.
Le sénateur Bryden: Qui était normalement le président de séance?
M. Rowat: Ce fut à plusieurs reprises le sous-ministre des Transports, mais aussi, dans d'autres cas, le greffier, Glen Shortliffe.
Le sénateur Bryden: Avez-vous participé à toutes ces réunions, ou à certaines d'entre elles?
M. Rowat: En 1993, j'ai participé à la plupart, voire à la totalité.
Le sénateur Bryden: Je vais maintenant évoquer plusieurs documents qui portent tous un numéro du gouvernement.
Je vais essayer d'aller le plus vite possible pour poser toutes les questions qui me paraissent importantes. Je tenterai d'être bref dans mes questions et vous déciderez vous-même de la longueur de vos réponses.
Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, le sénateur a-t-il l'intention de faire comme son collègue de ce matin, c'est-à-dire de nous remettre les documents?
Le sénateur Bryden: J'aimerais bien le faire mais je n'ai pas eu le temps de tout photocopier. Je peux cependant vous donner les références précises et vous les trouverez tous dans les classeurs. Je vais essayer d'être aussi juste que possible... Vous préférez que je vous appelle M. Rowat ou Rowat?
M. Rowat: Rowat.
Le sénateur Bryden: Je disais ce matin à quelqu'un que Rowat, ou rameur, serait préférable puisque vous êtes maintenant dans le poisson. C'est la seule plaisanterie que je voulais faire aujourd'hui.
Le président: Vous êtes désopilant.
Le sénateur Bryden: J'ai cependant eu plus de succès que vous ce matin.
J'attire votre attention sur le document 001105, si ma photocopieuse était...
Le sénateur Jessiman: De quelle date?
Le sénateur Bryden: Du 10 mai 1993. C'est une note adressée par Carole Swan à Sid Gershberg, avec copies à M. Clark et à M. Cappe, des représentants du Conseil du Trésor si je ne me trompe. On y trouve une liste de participants, que je ne vais pas vous lire, mais vous y figurez.
Voici ce que je lis au bas de la page:
M. Broadbent diffusera probablement un aide-mémoire faisant le point sur les diverses questions. Il nous est encore très difficile de suivre l'évolution de ce dossier puisque M. Broadbent traite de manière bilatérale avec des cadres supérieurs du BCP. En outre, les informations disponibles sont limitées et les gens du ministère des Transports qui travaillent avec M. Broadbent ne sont pas habilités à discuter des questions en jeu.
Pourriez-vous nous donner des précisions sur cette affirmation, même si je sais qu'il s'agit d'un document du Conseil du Trésor?
M. Rowat: C'est exact. Je crois que vous auriez avantage à poser votre question à des représentants du Conseil du Trésor.
Il s'agit d'un document préparé pour Sid Gershberg ou Mel Cappe en vue, je suppose, d'une réunion à venir.
Le sénateur Bryden: Oui.
M. Rowat: Je suppose que la personne ayant rédigé le document soulevait certaines questions en vue de cette réunion. Si je comprends bien, elle avait quelque difficulté à obtenir des informations du personnel de M. Broadbent. Je ne saurais cependant ajouter quoi que ce soit là dessus.
Le sénateur Bryden: Vous ne pouvez sans doute pas vérifier dans votre agenda, puisque vous ne l'avez pas avec vous, mais vous souvenez-vous d'avoir participé à cette réunion?
M. Rowat: Il est vrai que je n'ai pas mon agenda avec moi mais je suppose que j'ai participé à la réunion car je sais que j'étais à Ottawa à cette époque.
Le sénateur Bryden: Voici ce que je lis plus loin:
Trois questions seront probablement abordées durant la réunion:
- Mergeco (qui s'appelle aujourd'hui Pearson Development Corporation);
- les problèmes de personnel
- des questions relatives au projet de réaménagement et à des affaires connexes.
Je ne m'intéresse pas du tout aux questions de personnel.
Je voudrais cependant vous lire un paragraphe qui figure sur cette page, et je vous demanderai si vous vous souvenez que cette question a été discutée pendant la réunion.
- L'accord de partenariat prévoit que la proposition de Claridge sera retirée avant que le gouvernement annonce le lancement des négociations officielles. Nous croyons comprendre (officieusement) que le ministère des Transports a effectivement reçu cette semaine une lettre de Claridge retirant sa proposition d'origine. Cela atténue un élément de risque que le conseiller juridique du Conseil du Trésor avait identifié relativement à d'éventuelles poursuites juridiques.
Lors de cette réunion, du 10 mai, Claridge venait donc tout juste de retirer sa proposition.
M. Rowat: Je pense que oui.
Le sénateur Bryden: Cela a donc probablement été discuté pendant la réunion.
Celle-ci a également porté sur le projet de réaménagement et sur des affaires connexes.
Je vais vous lire la partie 3 de la page 4:
- La question la plus importante concerne peut-être l'ampleur des différences entre ce que l'on propose aujourd'hui pour le réaménagement de T1 et de T2 et la proposition d'origine de Paxport (de plus de 600 millions de dollars). À l'heure actuelle, on envisage deux options, avec un investissement immédiat de:
1. 47 millions de dollars - concernant essentiellement l'agrandissement des installations de Rapadair à T2, selon le voeu d'Air Canada, avec des aménagements essentiels mais minimes à T1, qui serait fermé au bout de deux ans; ou de
2. 96 millions de dollars - concernant la même option que précédemment mais en y ajoutant d'autres aménagements aux installations de transbordement de T2, encore une fois selon le voeu d'Air Canada. Cette deuxième option comprend également la fermeture de T1 au bout de deux ans et le paiement immédiat par les transporteurs d'une redevance de 1 $ par passager.
Vous souvenez-vous si cela a été discuté pendant la réunion?
M. Rowat: Je ne me souviens plus des détails de la réunion mais je sais que l'option de 96 millions de dollars et le report des loyers ont été abordés pendant au moins deux si ce n'est trois réunions de sous-ministres. Il est donc tout à fait probable, puisque ce document visait à préparer la participation du Conseil du Trésor à la réunion, que cette question a été discutée.
Le sénateur Bryden: Comme vous vous êtes occupé du dossier jusqu'à votre transfert au ministère des Transports, quelle a été la décision finale? A-t-on choisi l'option de 47 millions de dollars ou celle de 96?
M. Rowat: On a choisi l'option de 96 millions de dollars avec report des loyers, comme on l'a dit ce matin. Le report des loyers représentait une somme de 11 millions de dollars par an pendant la deuxième, la troisième et la quatrième années, la période de remboursement ayant été fixée aux 10 années suivantes avec un taux d'intérêt égal au taux préférentiel plus 2,5 p. 100.
Le sénateur Bryden: On dit entre parenthèses dans cette note que la proposition d'origine de Paxport représentait une dépense de plus de 600 millions de dollars. Si je me souviens bien de la réponse faite à la Demande de propositions, les 96 millions de dollars représentent une baisse spectaculaire par rapport aux 600 millions. Quelle est l'explication?
M. Rowat: Je ne sais pas si le chiffre de 600 millions de dollars est juste. Quoi qu'il en soit, les 96 millions ne concernaient que la première étape du projet de réaménagement.
Le sénateur Bryden: Dans la proposition de Paxport, envisageait-on également un réaménagement par étapes?
M. Rowat: Je vais demander à M. Desmarais de vous répondre. De fait, nous avons un document utile à ce sujet, que nous pourrions peut-être distribuer aux membres du comité, avec l'accord du président.
M. Desmarais: Dans sa proposition d'origine, Paxport avait fait une offre de démarrage rapide de 47 millions de dollars, sans garanties de construction au-delà. Ensuite, elle a fait une deuxième proposition, pour un projet complet de 686 millions de dollars, qui devait être mis en oeuvre par étapes en fonction de l'accroissement du nombre de passagers et d'ententes avec les compagnies aériennes.
Le projet qui a finalement été retenu, de 96 millions de dollars, visait à garantir le lancement rapide de la première étape, après quoi il devait y avoir une deuxième, une troisième et une quatrième étapes en fonction de l'accroissement du nombre de passagers.
Le sénateur Bryden: L'accord final comportait donc un budget total pour toutes les étapes?
M. Desmarais: Il s'agissait de 686 millions de dollars en dollars constants, soit environ 740 millions de dollars en dollars actuels.
Le sénateur Bryden: Bien. Merci.
Je voudrais maintenant aborder le document 001107. Encore une fois...
Le sénateur Jessiman: De quelle date?
Le sénateur Bryden: Du 19 mai 1993. C'est un document concernant la réunion des sous-ministres du mercredi 19 mai au sujet des aérogares 1 et 2.
Encore une fois, votre nom figure sur la liste des participants. L'auteur du document évoque les décisions prises lors de la réunion précédente, du 10 mai. Voici ce qu'il dit:
Lors de la dernière réunion des sous-ministres, une position de négociation finale sur les principales questions financières a généralement été acceptée, visant à demander à Mergeco:
1) de lancer l'option de lancement rapide des travaux de 96 millions de dollars... dans le cadre de l'étape 1...
que M. Desmarais vient juste d'expliquer...
2) d'assumer la totalité du risque de financement de l'option de 96 millions de dollars sans redevance de 1 $ par passager...;
3) d'accepter que l'aérogare 1 reste ouverte jusqu'à ce que la troisième étape du réaménagement soit sur le point de commencer, pour garantir la disponibilité de... portes;
Tout cela a-t-il été accompli? Je sais que l'étape des 96 millions de dollars l'a été, on vient de l'expliquer.
M. Rowat: S'agit-il à nouveau d'un document du Conseil du Trésor?
Le sénateur Bryden: C'est un document de Sid Gershberg à Mel Cappe. J'espère qu'ils pourront venir répondre eux-mêmes aux questions mais, en attendant, je voudrais comprendre votre rôle.
M. Rowat: Comme je l'ai dit plus tôt, cette question a fait l'objet de discussions lors des deux ou trois réunions qui se sont tenues pendant cette période. Je dois donc supposer que ce document du Conseil du Trésor exprime l'opinion de ce dernier au sujet de la décision prise lors de la réunion précédente.
Pour ce qui est des 96 millions de dollars, je suppose que les sous-ministres étaient alors arrivés à la conclusion que cela était la bonne option.
Pour ce qui est d'assumer la totalité du risque de financement, je ne saisis pas très bien ce que cela veut dire. Peut-être s'agit-il des 11 millions de dollars sur 10 ans, à un taux d'intérêt égal au taux préférentiel plus 2,5 p. 100, mais je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Bryden: En ce qui concerne ma prochaine question, je ne sais pas qui est le mieux placé pour y répondre. À vous de décider. Selon l'une des propositions de Mergeco, le projet de 96 millions de dollars devait comprendre une redevance de 1 $ par passager. Quand il a été finalement décidé de ne pas percevoir de redevances par passager mais de reporter le loyer de 11 millions de dollars pour les années deux, trois et quatre, à partir de quand la somme devait-elle commencer à être remboursée?
M. Rowat: À partir de la quatrième année et pendant 10 ans.
Le sénateur Bryden: Vous avez donc...
M. Rowat: Veuillez m'excuser, à partir de la cinquième année.
Le sénateur Bryden: ... retiré 33 millions de dollars de loyer dès le départ?
M. Rowat: C'est cela.
Le sénateur Bryden: Dont le paiement était reporté à la cinquième année, avec un taux d'intérêt égal au taux préférentiel plus un certain pourcentage.
M. Rowat: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Deux et demi.
Le sénateur Bryden: Deux et demi, devant être remboursés sur 10 ans.
M. Rowat: C'est cela.
Le sénateur Bryden: Peut-on considérer qu'il s'agissait là du compromis accepté suite à l'élimination des redevances par passager?
M. Rowat: Je le pense.
John, je crois bien qu'il n'y avait pas de redevances par passager, n'est-ce pas?
Le sénateur Bryden: Je sais qu'il n'y en avait pas.
M. Desmarais: L'un des problèmes, sénateur, est que la proposition de Paxport, qui était celle faisant l'objet des négociations, reposait sur l'hypothèse d'une renégociation d'un bail d'Air Canada la première année. Dans la Demande de propositions, on exigeait que tous les baux soient respectés, et la proposition de Paxport n'était donc pas conforme à cette exigence puisqu'elle supposait que le bail d'Air Canada serait renégocié dès le départ. Nous avons exigé que la société respecte les baux jusqu'en 1997, ce qui veut dire qu'elle n'aurait pas pu renégocier avec Air Canada pour obtenir des liquidités. Les redevances de 1 $ par passager visaient à compenser ce manque-à-gagner et c'est lorsque cette proposition fut refusée qu'apparut l'idée d'un report des loyers.
Le sénateur Bryden: De toute façon, même si vous ne pouviez pas les obliger à respecter le bail d'Air Canada jusqu'en 1997, rien ne prouve qu'ils auraient pu le renégocier, n'est-ce pas?
M. Desmarais: Ils auraient pu essayer.
Le sénateur Bryden: Certes. N'envisageaient-ils pas dans leur proposition de doubler, au minimum, le loyer d'Air Canada?
M. Desmarais: Je ne sais pas exactement combien d'argent ils espéraient obtenir d'Air Canada à ce moment-là. Keith pourra peut-être vous le dire.
M. Keith Jolliffe, ex-directeur de la Planification ministérielle et des projets spéciaux, Groupe des aéroports, Transports Canada: Oui, ils avaient l'intention de doubler le loyer d'Air Canada la première année. C'était ce qu'il y avait dans leur proposition.
Le sénateur Bryden: Autrement dit, ou le loyer augmentait ou les redevances augmentaient?
M. Jolliffe: C'est cela.
Le sénateur Bryden: Vous souvenez-vous de combien, M. Jolliffe?
M. Jolliffe: Non.
Le sénateur Bryden: Bien.
Comme le temps passe, je vais maintenant parler du document 00266. Il s'agit d'une lettre du 20 mai 1993 adressée par David Broadbent à M. Jack Matthews, de Paxport, et à M. Peter Coughlin, de T3LPCO Investment Inc. Je vous en parle parce que je vois que vous faisiez partie de ceux qui en ont reçu une copie. On indique en bas qu'il s'agissait d'une transmission confidentielle (je suppose que c'est ce que B.C.C. veut dire) à Glen Shortliffe, BCP; Ian Bennett, BCP; Bill Rowat; Sid Gershberg, Conseil du Trésor; Gordon Dickson, Cassels, Brock, et Blackwell; Bob Greene, Justice; Michele Lelay, Transports; C. Bernier, SM suppléant; Victor Barbeau; Chern Heed; Paul Gauvin; Rhoda Barrett; David Wightmen; et Shirley Wight. Voici ce qu'on dit au bas de la première page, au paragraphe 3:
Financement du projet "Quickstart" [démarrage rapide]. La position du gouvernement est que le projet "Quickstart" de 47 millions de dollars est inadéquat sur le plan technique [...] et sur le plan politique. Il faut accorder beaucoup d'attention à [...]
la proposition. Cette lettre est donc celle correspondant au rejet officiel du projet de 47 millions de dollars, qui a ensuite été remplacé par celui de 96 millions, n'est-ce-pas?
M. Rowat: Cela semble correspondre à la conclusion des sous-ministres.
Je devrais peut-être préciser que je ne lisais pas à l'époque tous les documents dont on m'adresse une copie, et que je ne le fais pas encore aujourd'hui, puisque...
Le sénateur Bryden: Je ne comprends pas ça.
M. Rowat: ...ce sont mes collaborateurs qui les lisent, avec instruction de me signaler les éléments importants.
Le sénateur Bryden: J'évoque ces documents essentiellement pour établir les preuves documentaires, comme font les comptables.
Le document suivant est le 00832, du 18 juin 1993. Il est adressé au gouvernement, représenté par le ministre des Transports. On voit alors apparaître un nouveau joueur. Le document est signé par Jack Matthews pour Pearson Development Corporation, au nom de T1T2, et il est accepté par Mme Labelle, sous-ministre des Transports. Il semble s'agir (et vous le savez très certainement) d'une lettre confirmant qu'une entente a été conclue. Connaissez-vous ce document?
M. Rowat: Oui.
Le sénateur Bryden: Ce qui me préoccupe, à ce sujet, c'est qu'on y trouve tellement peu de détails. Il n'y a pas de détails sur l'origine des fonds qui serviront à financer le projet, sur l'origine des liquidités qui permettront de payer le loyer, et sur la manière dont le projet de réaménagement sera mis en oeuvre. J'aimerais donc comprendre le but de ce document. Ce n'est certainement pas une entente exécutoire, et il y avait déjà eu un document d'acceptation des propositions. Pourquoi ce document a-t-il donc été produit?
M. Rowat: C'est probablement parce qu'il paraissait évident à l'époque qu'il y aurait un changement de gouvernement, avec un nouveau chef et un nouveau Cabinet. Il y avait donc beaucoup...
Le sénateur Bryden: Un changement de premier ministre.
M. Rowat: ...d'incertitude au mois de juin.
À mon sens, l'objectif de ce document était de faire le point sur les négociations, en demandant aux deux parties de confirmer qu'elles étaient d'accord à ce sujet.
Autre facteur d'incertitude, le négociateur en chef, M. Broadbent, venait juste de décider de partir. On voulait donc faire le point, du point de vue des deux parties.
Normalement, lorsqu'un nouveau premier ministre arrive, le ministre des Transports peut changer. Dans ce cas, ce n'est pas arrivé, M. Corbeil ayant été reconduit dans son poste.
Le document visait donc essentiellement à faire le point sur les négociations, afin que les deux parties puissent poursuivre le processus à partir des mêmes bases.
Je crois d'ailleurs que l'on indique dans la lettre la procédure qu'il faudra suivre à l'avenir, mais en précisant aussi très clairement, si je me souviens bien, à la toute dernière page, et c'est même la dernière phrase, que cela "ne constitue pas une entente légalement exécutoire entre les parties" car, lorsqu'un nouveau premier ministre arrive, c'est en fait un nouveau gouvernement qui prend les choses en mains.
Le sénateur Bryden: Oui. J'ai encore trois choses à mentionner. On dit que les documents définitifs pourront être signés à un certain moment, sous réserve de certaines conditions, concernant notamment les fonds à fournir lors de la signature du contrat et la divulgation au public.
Les parties T1 T2 auront remis au ministre de manière opportune, pour permettre des consultations, un document intitulé "Structure et règles".
En ce qui concerne le compte en capital:
Les parties T1 T2 fourniront au ministre une preuve satisfaisante qu'une somme de 61 millions de dollars a été déposée dans un établissement financier, au moins deux semaines avant la date de ratification...
Il s'agissait donc là d'une condition à respecter. Je suppose qu'elle l'a été.
M. Rowat: Ces deux éléments sont des conditions qui avaient été acceptées à ce moment-là.
Le sénateur Bryden: À ce moment-là?
M. Rowat: Il y en a peut-être eu d'autres après mais, pour ce qui est du versement de 61 millions de dollars, je pense que cela a été fait.
M. Desmarais: Les 61 millions de dollars ont été déposés, mais pas dans le délai de deux semaines réclamé. La preuve nous a été fournie la veille de la ratification.
Le sénateur Bryden: Bien.
J'ai maintenant le rapport d'une autre réunion, avec la liste des personnes l'ayant reçu. Ce sont généralement les mêmes qu'auparavant. Il se peut que certaines aient changé mais les postes sont sans doute restés les mêmes. On y trouve des représentants du Conseil du Trésor, de la Justice et de tous les autres. C'est le document 001711, du 22 juin 1993. Il s'agit des notes relatives à une réunion et concernant le statut des négociations T1/T2. Voici la première ligne:
Bill Rowat a convoqué une réunion pour mettre les organismes centraux au courant de l'évolution du projet T1/T2.
C'était donc votre réunion.
M. Rowat: Oui. À ce moment-là, j'occupais le poste de négociateur.
Le sénateur Bryden: Et, pendant cette réunion, vous avez fait le point sur l'évolution de la situation, comme auparavant.
À la page 2 de cette note, même si les mots sont un peu difficiles à lire, je crois comprendre que l'on parle de "questions de financement".
Dans l'ensemble, les fiches de modalités sont terminées, mais il reste plusieurs questions en instance:
Voici le titre:
des RIP...
il s'agit de redevances d'installation passagers...
...sont inévitables:
Et l'on ajoute en dessous:
- Mergeco a l'option d'introduire des RIP dans deux ans, mais AC...
je suppose qu'il s'agit d'Air Canada...
...a obtenu l'assurance que son bail actuel serait respecté jusqu'en 1997;
Quelle est la politique concernant la mise en oeuvre des RIP?
- Quels mécanismes de contrôle va-t-on appliquer pour veiller à ce que les RIP servent uniquement à financer la construction et non pas le remboursement des loyers reportés, les frais d'exploitation et d'entretien, etc.?
Et, au paragraphe suivant:
- Quelqu'un a-t-il réfléchi aux questions pertinentes (p. ex., l'incidence sur T3...)?
Il y a autre chose ensuite... non.
Quel est votre souvenir de la discussion de ces questions et des décisions qui ont été prises?
M. Rowat: Je suppose que c'est un autre document du Conseil du Trésor.
Le sénateur Bryden: Non, c'est... c'est un document de D.G. Dickson.
M. Rowat: Don Dickson.
Le sénateur Bryden: Qui est-ce? Que faisait-il à ce moment-là?
M. Rowat: M. Dickson était mon conseiller financier, au sein de l'équipe de Transports Canada s'occupant du dossier T1T2.
Le sénateur Bryden: C'est donc quelqu'un qui travaillait sous votre direction et qui adressait cette note aux personnes mentionnées sur la liste de distribution?
M. Rowat: Pourriez-vous me donner une seconde pour y jeter un coup d'oeil?
Le sénateur Bryden: Certainement.
M. Rowat: Sa note semble être datée du 5 juillet, où il dit que:
...plusieurs des annexes des classeurs qui vous ont été remis le 25 juin 1993. Ces mises à jour comprennent les remarques reçues jusqu'au 29 juin 1993.
Voyez-vous, je me demande si ce document du 22 juin a été produit par Don. Je sais que celui du 5 juillet vient de lui puisqu'il l'a signé.
Le sénateur Bryden: Bien. Donc, vous ne savez pas si la liste de distribution qui figure au dos... on a peut-être joint deux documents dans le classeur.
M. Rowat: Je me demande si ces documents ont été correctement intégrés au classeur.
Le document de Don Dickson me frappe par... attendez, je vais d'abord faire le point sur le processus, pour que les choses soient claires.
Quand j'ai pris la relève, j'ai demandé qu'on prépare ce qu'on a fini par appeler le "livre noir". Il s'agissait d'un classeur comprenant une stratégie de négociation et la position ultime du gouvernement, qui avait été formulée par Broadbent, ainsi que des documents sur l'état des négociations. L'objectif était de me mettre à jour sur le dossier. En outre, il s'agissait de nous permettre d'entreprendre des discussions avec les autres organismes centraux et avec les autres ministères pertinents pour leur faire approuver la position ultime sur chaque question devant être négociée.
Cela peut vous paraître un peu compliqué mais ma position était la suivante: lorsque j'entreprendrais des négociations sur chacun de ces éléments, je devais avoir l'appui non seulement de mon équipe et de mon ministre mais aussi du reste du gouvernement. Nous avons donc organisé des rencontres avec les organismes centraux en leur donnant des exemplaires de ces livres noirs et en leur disant: "Voici ce que nous pensons, en tant qu'équipe de négociation, de chacune des questions pendantes. Exprimez vos réserves immédiatement ou ne dites plus rien ensuite." J'ai donc encouragé les autres parties concernées à exprimer leur point de vue sur chacune de ces questions.
Voilà donc peut-être l'origine du document de Don du 5 juillet.
Vous trouverez en annexe une mise à jour de plusieurs des annexes...
de ce livre noir...
...des classeurs qui vous ont été remis le 25 juin 1993. Ces mises à jour comprennent les remarques reçues jusqu'au 29 juin 1993.
Si vous avez d'autres commentaires ou questions...
prenez contact avec Keith ou avec Don.
Cela dit, je ne...
Le sénateur Bryden: Cela pourrait expliquer pourquoi la date de couverture est différente...
M. Rowat: Exactement.
Le sénateur Bryden: ...car il s'agit ici d'un rapport du 22 juin.
M. Rowat: C'est cela.
Le sénateur Bryden: Si je continue la lecture du rapport du 22 juin, je vois à la page 3 l'expression suivante: "les paramètres de risque/rendement de l'accord ne sont toujours pas bien compris".
Nous soupçonnons que le promoteur assume peu de risque mais obtient un rendement élevé:
- garantie du gouvernement quant aux volumes
- seuils confortables de déclenchement du réaménagement
- RIP automatiques
- covenants conjoints et individuels des compagnies aériennes sur les baux (?)
Comment le gouvernement défendra-t-il cet accord si Air Canada et (ou) les passagers défendent leur cause?
Cela se trouve dans le document du 22 juin 1993 et je crois comprendre que les approbations préliminaires ont été données en août.
M. Rowat: Oui.
Le sénateur Bryden: Pouvez-vous me dire quelles décisions ont été prises au sujet de ces paramètres de risque et de rendement?
M. Rowat: Je vais devoir demander à mes collègues de m'aider. Avant cela, puis-je vous donner quelques précisions sur le processus?
Je crois que ce document a été préparé dans l'un des organismes centraux suite à la réunion que j'avais convoquée le 22. Vous pouvez comprendre parfaitement maintenant pourquoi j'avais préparé le livre noir et pourquoi je l'avais fait remettre à tous les autres organismes centraux. En effet, ceux-ci ont pu nous adresser leurs préoccupations et nous avons pu en tenir compte pour modifier nos positions de négociation s'il y avait lieu. C'est comme cela que nous avons agi.
Si je me souviens bien, après la version finale des livres noirs, il n'y a plus eu aucun doute chez mes collègues des organismes centraux; aucun n'a en tout cas été porté à mon attention. Nous pouvions donc négocier au nom du gouvernement du Canada en sachant que nous avions l'appui de tous nos collègues des organismes centraux. Voilà comment nous avons abordé les négociations.
Le sénateur Bryden: Bien.
M. Rowat: En ce qui concerne les éléments que vous venez de mentionner, je ne vois pas très bien ce qu'il veut dire. Par exemple, aucune RIP automatique n'a été négociée.
Le sénateur Bryden: Il n'y en a pas eu dans le contrat?
M. Rowat: Non, aucune RIP automatique.
Certes, Pearson Development avait la possibilité de demander des RIP, mais seulement dans certaines circonstances, à savoir si son client principal, Air Canada, tombait quasiment en faillite, puisqu'il occupait entre 70 p. 100 et 75 p. 100 de T1 T2. C'était le seul cas envisagé, et il était très hypothétique. C'est peut-être pour cette raison que M. Broadbent a eu quelque difficulté avec la question ce matin. La disposition que nous avons négociée à ce sujet était beaucoup plus contraignante qu'à l'origine, grâce à l'aide de certains de mes collègues. Elle était en tout cas plus contraignante que celle qu'avait envisagée M. Broadbent à l'origine.
En ce qui concerne les autres éléments, je vais demander à John de m'aider. Je ne vois pas très bien ce qu'il veut dire par "seuils confortables de déclenchement du réaménagement". Tout dépend de la définition de l'adjectif "confortable", je suppose.
M. Desmarais: Je ne vois pas très bien non plus ce qu'il entend par là.
Les seuils de déclenchement du réaménagement étaient relativement rigoureux. À partir du moment où la capacité des aérogares devenait insuffisante, il fallait faire quelque chose.
Le sénateur Hervieux-Payette: Puis-je demander une précision?
Si je vous comprends bien, vous avez probablement été plus exigeant que le négociateur précédent. Qui vous avait donné l'instruction d'être plus exigeant? Si je reviens à l'analogie que je faisais hier, c'est un peu comme lorsqu'un employeur négocie avec des syndicats. Les négociateurs reçoivent un mandat de la direction de l'entreprise. De votre côté, lorsque vous avez fixé vos positions de négociation ultimes, celles-ci vous avaient-elles été communiquées par le ministre, par le Conseil du Trésor? Qui fixait les limites à ne pas dépasser?
M. Rowat: C'est le ministre qui donne ses instructions au négociateur en chef. Lorsque j'ai fait préparer le livre noir faisant le point sur toutes les questions qui devraient être abordées pendant les prochaines négociations avec Pearson Development Corporation, comme avec n'importe quelle autre partie d'ailleurs, j'ai demandé des instructions au ministre, et je les ai reçues.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous ne vous êtes pas adressé à Mme Labelle mais directement au ministre?
M. Rowat: Le livre noir a été préparé après le départ de Mme Labelle. La nouvelle sous-ministre était Jocelyne Bourgon.
Certes, je collaborais avec la sous-ministre, mais à titre de sous-ministre associé. Les différences ne sont peut-être pas évidentes mais je puis vous dire qu'un sous-ministre adjoint n'est pas la même chose qu'un sous-ministre associé. Au fond, le sous-ministre associé est un sous-ministre spécial relevant du sous-chef du ministère. Laissez-moi préciser que ce n'est pas inhabituel. Je crois qu'il y en avait déjà eu un ou deux dans le passé au ministère, ce qui est généralement le cas dans les grands ministères. À l'époque, le ministère des Transports était très important puisqu'il avait 20 000 employés et qu'il s'occupait de questions extrêmement complexes et nombreuses.
Mon rôle était donc normalement d'informer le ministre sur certaines questions, mais normalement en présence de la sous- ministre. En règle générale, la sous-ministre et moi-même discutions de ces questions avant d'aller en parler au ministre, mais j'avais toute latitude en ce qui concerne la gestion de mon portefeuille, c'est-à-dire de ce dossier.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous y alliez donc étape par étape?
M. Rowat: C'est cela.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez demandé de nouvelles instructions sur chaque élément devant encore faire l'objet de négociations?
M. Rowat: Exactement. En fait, à cette époque-là, j'estimais que nous pourrions probablement obtenir un peu plus de l'autre partie sur certaines des questions en jeu.
Le sénateur Hervieux-Payette: Très bien. Merci.
Veuillez m'excuser de vous avoir interrompu.
Le sénateur Bryden: Je voudrais maintenant passer à une note de service que vous avez signée, puisque j'y vois la mention "signé par", et je crois lire "Rowat". C'est le document 00294. J'y trouve également la mention manuscrite (ce n'est pas moi qui l'ai portée, c'était comme cela dans le livre) "Note au ministre 30/6/93".
M. Rowat: Je trouve que ces classeurs sont difficiles à manipuler.
Le sénateur Bryden: J'ai travaillé avec jusqu'à minuit hier soir.
Reconnaissez-vous ce document?
M. Rowat: Oui, j'ai l'impression que c'est un document du 30 juin 1993.
Le sénateur Bryden: C'est cela. Encore une fois, je veux simplement établir la preuve documentaire.
On y parle du "Projet de réaménagement T1T2", et j'attire votre attention sur le dernier paragraphe de la première page:
Air Canada ne partage pas votre optimisme quant à la croissance du trafic aérien. La société estime que ses besoins en matière de travaux supplémentaires de réaménagement des aérogares ne sont plus urgents et qu'elle pourra attendre jusqu'à la reprise de l'économie, à son avis après 1997.
Je vais lire tout ce que j'ai à lire et vous pourrez faire vos remarques ensuite. Le troisième paragraphe, à la page suivante, se lit comme suit:
Mergeco a exposé les incidences financières de la proposition (sans tableaux détaillés)...
c'est du 30 juin 1993...
...à Air Canada et la conclusion a été qu'Air Canada estime que Mergeco fait assumer trop de coûts aux transporteurs aériens.
Allons maintenant deux paragraphes plus loin:
Ce qu'il faut conclure, c'est que, pour Air Canada, le loyer que l'on propose de payer au gouvernement dans la proposition de Mergeco est trop élevé.
Le dernier paragraphe se lit comme suit: "Vous voudrez sans doute rencontrer vos collègues du cabinet le plus tôt possible pour faire le point sur ce projet et pour revoir la situation de l'AAL en vue de la poursuite des négociations."
Avez-vous un commentaire à faire là-dessus?
M. Rowat: Tout d'abord, le dernier paragraphe que vous venez de lire a été masqué sur ma copie du document.
Le sénateur Jessiman: Vous n'êtes pas le premier à qui cela arrive.
Le sénateur Bryden: Je dois certainement recevoir des enveloppes anonymes. Voulez-vous voir ma copie?
M. Rowat: En outre, cela semble être un document donnant un avis à un ministre, ou à moi.
Le sénateur Bryden: S'il vous plaît, ne pinaillons pas là-dessus.
Le sénateur Jessiman: S'agit-il du document intitulé "Projet de réaménagement T1/T2 30/6/93"?
Le sénateur Bryden: Oui.
Le sénateur Jessiman: Et les premiers mots de la page de couverture sont: "Le but de cette note est de..."
Le sénateur Bryden: "...vous donner un bref..."
Le sénateur Jessiman: La dernière page semble être la même que la première. On a reproduit la première page à la fin.
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous avons demandé à notre personnel de faire des photocopies à la bibliothèque et il se peut que des erreurs aient été commises, par nos gens ou par les vôtres.
Le sénateur Tkachuk: Vérifions le document d'origine.
Le sénateur Jessiman: Nous avons essayé mais ça n'a pas été possible. La première page semble correcte mais pas la dernière.
Le sénateur Bryden: Je pourrais aussi bien vous montrer le texte complet de votre note.
M. Rowat: Je ne suis pas convaincu d'en être l'auteur.
M. Nelligan: Dans les classeurs, il semble que la page 1 de la note du 30 juin soit reproduite à la page 2. Le sénateur Bryden a la bonne page 2. Il y a manifestement eu un problème à la photocopie.
Le témoin a reçu le classeur officiel, et le dernier paragraphe de sa copie de la page 2 a été masqué conformément à l'article 69 de la Loi sur l'accès à l'information. Vous avez donc apparemment obtenu votre document d'une autre source.
Le sénateur Hervieux-Payette: De vous.
Le sénateur Jessiman: Sénateur Bryden, dites-nous d'où vient votre copie?
Le sénateur Hervieux-Payette: De votre bibliothèque.
Le sénateur Bryden: C'est mon assistant qui me l'a remise, et je suppose qu'il l'a eue à la bibliothèque mais je ne saurais en jurer.
M. Nelligan: La copie de la bibliothèque a été censurée.
Le sénateur Bryden: Je vous demanderais donc, monsieur l'avocat, de faire une enquête à ce sujet.
M. Nelligan: Je vais faire une enquête pour voir ce qui s'est passé car je pense que ce paragraphe, comme le témoin l'avait dit, est soumis aux dispositions de l'article 69. Je ne pense pas qu'il soit particulièrement révélateur mais cela nous montre qu'il semble y avoir deux sources pour les mêmes documents.
Le sénateur Tkachuk: Nous avons fait face au même problème, monsieur le président, au sujet d'un livre dont nous avons discuté la première ou la deuxième semaine. J'ai toujours pensé qu'il était possible que quelqu'un du ministère des Transports ou du BCP diffuse des documents que nous ne recevons pas. Je ne sais pas si c'est la même chose ici. Je ne sais pas ce qui s'est passé mais il ne devrait pas être très difficile, monsieur Bryden, de demander à votre assistant où il a obtenu ce document.
Le sénateur Bryden: Puis-je vous demander, monsieur l'avocat, d'où viennent les numéros qui figurent sur ces documents? Qui les inscrit?
M. Nelligan: Les numéros sont apparemment apposés par les services documentaires du ministère de la Justice, et on nous remet ensuite les documents dans ces classeurs pour que nous en fassions des photocopies à l'intention de tous les sénateurs.
Le sénateur Bryden: Puis-je terminer?
Donc, ces numéros font partie d'une série qui a été réservée pour les documents produits devant ce comité?
M. Nelligan: C'est exact. Je pense que le numéro du document est apposé avant que le comité ne reçoive son exemplaire et avant l'examen relatif à loi sur l'accès à l'information. Le numéro doit donc figurer sur chaque copie, qu'une partie en ait été masquée ou non.
Le sénateur Bryden: Écoutez, puisque cela semble causer des problèmes, je ne ferai plus référence à ce document.
Le sénateur Tkachuk: Non, monsieur le président, c'est très important car, si c'est arrivé dans un cas, c'est sans doute aussi arrivé dans d'autres. Il peut y avoir des centaines ou des milliers de versions expurgées ou non expurgées. Si nous devons tous travailler à partir des mêmes documents, je veux que son assistant nous dise... est-il présent?
Le sénateur Bryden: Non.
Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous lui demander de venir? Demandez-lui simplement d'où vient le document, après quoi nous pourrons continuer.
Le sénateur Hervieux-Payette: Veuillez m'excuser, j'ai donné mon document; c'est exactement le même. Mon assistant vient de me remettre une table des matières en me disant que le document vient de la bibliothèque centrale.
La question est donc de savoir d'où vient le document de M. Rowat, puisque notre exemplaire à nous vient du ministère de la Justice. À mes yeux, il n'y a aucun doute quant à l'origine de ces documents mais c'est peut-être ceux de M. Rowat qui viennent d'ailleurs.
Le sénateur Tkachuk: Vérifions alors avec le bureau du greffier.
M. Rowat: Je voudrais apporter une précision.
Voici la copie que vous m'avez remise, dont une partie du bas est masquée, et elle est différente de celle de votre collègue.
Le sénateur Bryden: Quoi qu'il en soit, je ne veux pas travailler avec un document que les autres n'ont pas. Je suis tout à fait prêt à remettre mon exemplaire à l'avocat du comité pour qu'il puisse voir ce qui s'est passé. Cela dit, puisqu'il y a confusion, je n'en parlerai plus.
M. Nelligan: Nous avons maintenant les originaux. Je crois tout d'abord qu'il y a eu une erreur lorsque le sénateur Jessiman a reçu sa copie. Je crois qu'on a fait par inadvertance une deuxième copie de la première page au lieu de la deuxième.
La deuxième page que vous avez reçue du ministère de la Justice est la même que celle du témoin, dont le dernier paragraphe a été masqué conformément aux alinéas 69(1)g) et a), concernant une information confidentielle du cabinet. Par conséquent, il semble que votre propre exemplaire provienne d'une autre source.
Le sénateur Bryden: Je vais aider l'avocat à faire le point sur cette question.
M. Nelligan: C'est quelque chose que le greffier vient juste de me signaler.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce qu'on peut en trouver des copies à La Baie? Ce ne sont quand même pas des documents que l'on trouve n'importe où. Si vous pouviez me dire où je peux me les procurer, je m'adresserai au même endroit.
M. Nelligan: Bien. Je vais vous donner le nom. C'est ce que j'allais faire.
L'index figurant en couverture des classeurs officiels porte le nom des témoins; vous voyez le nom de M. Rowat en haut. Je suppose que c'est ce qu'il a. C'était le deuxième classeur d'une série de 2. Il y a des numéros à côté. Ce sont tous des numéros LA, ce qui veut dire Lindquist Avey, les comptables chargés de la préparation des documents. Apparemment, les numéros ont été apposés par l'équipe de Lindquist Avey.
Le sénateur Bryden: Je m'excuse si j'ai entre les mains un document que vous n'avez pas.
Le sénateur Jessiman: S'agit-il des comptables judiciaires dont nous parlions plus tôt?
M. Nelligan: Oui.
Le sénateur Jessiman: Et nous avons eu la moitié d'un document.
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous avons déjà dit que le même document revient parfois plusieurs fois dans plusieurs classeurs parce qu'il concerne plus d'une personne. Nous avons déjà vu cela à plusieurs reprises.
M. Nelligan: Le problème est qu'on m'a donné l'assurance que tous ces documents sont censurés avant d'être remis à Lindquist Avey. Donc, lorsque Lindquist Avey appose son numéro, je suppose que c'est sur des documents sous forme finale. Je n'arrive pas à expliquer ce qui s'est passé ici.
Le sénateur Bryden: Je vous dis de faire une enquête. Moi, je posais mes questions comme si tout allait bien.
M. Nelligan: Bien sûr.
Le sénateur Bryden: Avant que le président ne me rappelle à l'ordre pour me dire que je n'ai pas tout l'après-midi à ma disposition, je vais vous parler d'un dernier document. Si je comprends bien les indications du président...
M. Rowat: Si vous me permettez de vous interrompre, sénateur, je précise que je n'ai aucune difficulté à répondre à la question que vous aviez posée. Je ne vais pas le faire en me fondant sur cette note de service, puisqu'elle ne porte même pas ma signature et que je ne sais pas si elle était adressée au ministre. Je ne sais pas qui en est l'auteur, et je ne sais pas si quelqu'un l'a rédigée en mon nom.
Il n'en reste pas moins qu'à la fin du mois de juin, alors que je n'occupais mes fonctions de négociateur que depuis relativement peu de temps, j'ai rencontré (je crois que c'était le 28 ou le 29 juin) des représentants d'Air Canada et de Mergeco dans la même pièce, à titre d'observateur. Je crois me souvenir que Mme Labelle en a parlé l'autre jour.
Suite à cette réunion, j'ai tiré certaines conclusions mais je ne suis pas sûr qu'on les retrouve dans ce document.
Les rencontres que j'ai eues avec les représentants d'Air Canada m'ont fait penser que la société contestait les prévisions de Transports Canada. Lors de cette réunion, j'étais accompagné de Chern Heed, qui avait préparé ces prévisions avec son personnel. Air Canada invoqua la situation financière de l'industrie du transport aérien, ainsi que ses propres difficultés, pour dire qu'elle ne pourrait pas assumer de hausse des droits, notamment jusqu'à la fin de son bail, en 1997. Ses représentants exprimèrent des préoccupations au sujet du niveau élevé des coûts après 1997, ce qui ne saurait surprendre dans un tel contexte. Ils exprimèrent aussi des inquiétudes au sujet des coûts élevés de T1T2, c'est-à-dire du risque que les coûts de T1T2 par passager ne soient trop élevés par rapport à ceux des sociétés concurrentes utilisant d'autres aérogares. Finalement, ils soulevèrent le problème de l'administration aéroportuaire locale et dirent qu'ils s'attendaient à en rencontrer les représentants ou qu'ils avaient déjà prévu une réunion avec eux.
Voilà ce dont je me souviens de ces discussions bilatérales et ce que j'aurais indiqué dans un rapport adressé au ministre. J'aurais rapporté les faits et non pas donné une opinion.
Le sénateur Bryden: La date, vers la fin du mois de juin, est relativement correcte?
M. Rowat: Oui, c'était vers la fin du mois de juin.
Le sénateur Bryden: J'aurais peut-être dû vous écouter plus attentivement au début, monsieur le président, comme je le fais presque toujours, mais je ne me souviens plus si vous avez dit que les trois témoins reviendront une journée complète devant le comité.
Le président: Oui, toute la journée du 15 août.
Le sénateur Bryden: Dans ce cas, je n'aborderai pas le gros document qui suit, car il est trop détaillé. Je pourrai le faire plus tard.
Je vais donc passer maintenant à la signature du contrat, le 7 octobre. J'attire votre attention sur le document 00092, qui est un message adressé par télécopieur à B. Rowat, sous-ministre associé des Transports. Nous allons attendre que vous le trouviez.
Le sénateur Jessiman: Le 7 octobre 1993?
Le sénateur Bryden: Oui, 1993.
L'avez-vous trouvé?
M. Rowat: Un instant. Oui, 00092.
Le sénateur Bryden: C'est un message que vous télécopie J. Bourgon, sous-ministre, avec copie à M. Shortliffe, à M. Tait et à l'honorable J. Corbeil. En voici le texte:
1) Le premier ministre, la très honorable Kim Campbell, a donné à M. Glen Shortliffe l'instruction d'assurer la signature des documents juridiques restants concernant le transfert de T1/T2 cet après-midi à 14 heures.
2) Le ministre, l'honorable Jean Corbeil, a été informé de cette décision, qu'il approuve.
3) Vous êtes donc autorisé à signer les documents pertinents au nom de la Couronne.
4) Après avoir examiné ce qui précède, M. Shortliffe a confirmé que ce message correspond aux instructions explicites du premier ministre.
Vous avez reçu ce message.
M. Rowat: Oui.
Le sénateur Bryden: Est-il normal que le premier ministre donne directement l'instruction de signer un contrat?
M. Rowat: La situation n'était pas normale. Dans un cas normal, non, ce n'est pas comme cela que les choses se feraient.
Le sénateur Bryden: Qu'est-ce qui était différent?
M. Rowat: Une élection était en cours et cette question suscitait de vives controverses. Après en avoir discuté avec la sous-ministre, Jocelyne Bourgon, celle-ci était parvenue à la conclusion, et moi aussi, que je devrais avoir des instructions parfaitement explicites si je devais signer ces documents à ce moment-là, à titre de haut fonctionnaire. Je suppose que c'est elle et Glen Shortliffe qui ont décidé de la manière dont ces instructions seraient communiquées, et à qui.
Le sénateur Bryden: Croyez-moi, je pense comprendre la situation dans laquelle vous vous trouviez et je ne voudrais pas trop insister. Cela dit, n'aurait-il pas été suffisant que ces instructions explicites vous soient adressées par votre ministre?
M. Rowat: J'avais soulevé le problème avec le sous-ministre, en lui laissant le soin de prendre la décision, et je crois qu'il serait préférable que vous lui posiez directement la question lorsqu'elle se présentera devant le comité.
Le sénateur Bryden: On mentionne M. Shortliffe aussi bien dans le texte du message que comme destinataire d'une copie, et il viendra témoigner devant nous.
Merci, monsieur le président. Je n'ai rien d'autre pour le moment mais j'aurai d'autres questions à poser aux témoins lors de leur prochaine comparution, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Merci.
Le président: Sénateur Jessiman.
Le sénateur Jessiman: Vous nous avez dit avoir pris la relève dans ce dossier vers la fin de juin 93.
M. Rowat: Le 15 juin.
Le sénateur Jessiman: Bien. Pourriez-vous nous dire où en étaient les négociations à ce moment-là, et avez-vous une liste des choses qu'il restait alors à négocier?
M. Rowat: Certainement. En fait...
Le sénateur Jessiman: Pendant que vous cherchez le document, puis-je vous demander si vous étiez déjà bien au courant du dossier au moment où vous avez pris la relève?
M. Rowat: Oui, je l'étais. C'était l'un des dossiers dont j'étais responsable au Bureau du Conseil privé. À ce moment-là, j'étais secrétaire adjoint chargé de la politique économique et ce dossier faisait clairement partie du très grand nombre de questions relevant de ma compétence.
J'allais vous renvoyer à un document du classeur mais je n'arrive pas à le trouver.
Le sénateur Jessiman: Vous avez donc le même problème que nous.
M. Rowat: Pour décrire le degré d'avancement des négociations à l'époque, je reviendrai sur ce que disait ce matin David Broadbent au sujet des questions qui étaient en grande mesure réglées, le démarrage rapide du projet de 96 millions de dollars avec report des loyers; le seuil de détournement; la date d'ouverture de T1 et les circonstances financières, et cetera. Et quand je dis que...
Le sénateur Jessiman: À l'époque, vous...
M. Rowat: Je parle du moment où j'ai pris la relève dans ce dossier. En fait, le gouvernement avait alors fixé sa position sur toutes les questions pendantes.
D'autres questions, si elles n'étaient pas complètement réglées, avaient aussi fait l'objet de négociations déjà bien avancées, notamment celles-ci: les mesures environnementales, c'est-à-dire la responsabilité du gouvernement fédéral en la matière par rapport à celle de Mergeco; l'actif du locataire; la question des redevances d'installation passagers. En ce qui concerne le contrat du personnel, les choses étaient réglées.
Le sénateur Jessiman: Réglées?
M. Rowat: Oui, à toutes fins pratiques.
Les dernières questions dont je viens de parler exigeaient encore d'autres négociations mais les choses étaient dans l'ensemble sur le point d'être réglées, si je puis m'exprimer ainsi.
La seule question qui restait vraiment pendante, comme mon prédécesseur vous l'a clairement indiqué, si je ne me trompe, était l'accord avec Air Canada, et c'est une question dont j'allais clairement devoir m'occuper.
Le sénateur Jessiman: Ce qui m'amène à ma deuxième question. C'est donc vous, négociateur en chef du gouvernement, qui alliez devoir régler ce problème?
M. Rowat: C'est exact.
Le sénateur Jessiman: Avez-vous été satisfait de la solution que vous avez fini par négocier?
M. Rowat: Avec Air Canada?
Le sénateur Jessiman: Oui.
M. Rowat: Disons que j'ai conseillé le ministre à ce sujet. L'accord négocié avec Air Canada répondait aux critères que nous avions établis, c'est-à-dire que l'accord final... si c'est ce que vous demandez...
Le sénateur Jessiman: Oui.
M. Rowat: ...garantissait au gouvernement fédéral un meilleur rendement que la meilleure autre solution envisageable. Le taux de rendement global que souhaitait à l'origine Pearson Development Corporation avait été réduit. Par cet accord, Pearson Development Corporation acceptait également de réduire le taux de capitalisation pour les compagnies aériennes, ce qui était une autre concession importante de sa part.
J'ai sans doute oublié d'autres éléments mais ceux-là étaient sans doute les plus importants.
Au fond, je pourrais dire que tout le monde a accepté de mettre un peu d'eau dans son vin pour parvenir à une entente.
Le sénateur Jessiman: Pourriez-vous nous parler de l'accord concernant le report des loyers? Quelle est l'origine de cette clause, et celle-ci faisait-elle partie intégrante de l'accord final?
M. Rowat: La clause de report des loyers?
Le sénateur Jessiman: Oui.
M. Rowat: Les 11 millions de dollars sur trois ans?
Le sénateur Jessiman: C'est cela.
M. Rowat: Pour le gouvernement, cela faisait partie intégrante de l'accord. Il s'agissait d'une des questions les plus importantes pour le gouvernement. Considérant tous les facteurs qui peuvent entrer en jeu dans un dossier comme celui-là, le gouvernement estimait que cette clause devait faire partie intégrante de l'accord, pour plusieurs raisons.
Le sénateur Jessiman: Merci. Abordons maintenant la lettre d'origine; j'en ai des exemplaires pour tout le monde.
J'attire l'attention du sénateur Bryden sur le fait que j'ai pris la peine de faire des copies.
M. Rowat: Puis-je revenir en arrière un instant?
Le sénateur Jessiman: Certainement.
M. Rowat: L'autre élément de compromis dont je parlais plus tôt était que Pearson Development Corporation acceptait également de fournir aux compagnies aériennes 10 p. 100 de ses revenus nets de concessions. Je crois pouvoir présenter les choses ainsi. C'était un autre volet important de l'accord, que John vient de me rappeler.
Le sénateur Jessiman: Merci. Parlons maintenant de la lettre du 7 décembre 1992 adressée à Ray Hession, président de Paxport. Je sais que vous n'aviez pas encore pris la relève à ce moment-là, mais on y parle de choses dont vous avez dû vous occuper pendant les négociations.
Monsieur,
Nous vous remercions de la proposition que vous nous avez adressée en réponse à la Demande de propositions concernant le projet de réaménagement de l'Aéroport international Lester B. Pearson.
Le comité d'évaluation a conclu que votre proposition est "la meilleure réponse globale acceptable" aux objectifs et exigences figurant dans la Demande de propositions.
On trouve cependant dans votre proposition plusieurs dispositions qui préoccupent le gouvernement et que celui-ci ne peut accepter, en tout ou en partie. En voici quelques exemples:
1. l'option de démarrage rapide;
2. les restrictions concernant le détournement du trafic;
3. l'attribution des droits d'atterrissage et des privilèges de portes;
4. le mécanisme de financement relatif au plan de transfert des employés;
5. les modalités à intégrer aux divers accords.
De plus, l'évolution de la situation financière de l'industrie du transport aérien suscite plusieurs autres préoccupations au sein du gouvernement, notamment en ce qui concerne les possibilités de financement de votre proposition.
Nous sommes prêts à entreprendre des négociations pour parvenir à une entente dans le contexte général de la Demande de propositions...
Et les deux mots qui suivent sont soulignés,
...à condition que
1) certaines exigences du ministre soient intégrées à votre proposition pour répondre aux préoccupations du gouvernement, et que
2) vous parveniez à prouver au gouvernement, d'ici au 15 février 1993, que votre proposition peut être financée dans le contexte actuel.
Le ministère des Transports devrait avoir reçu au plus tard le jeudi 10 décembre 1992 à 17 h HNE votre confirmation que vous acceptez les conditions susmentionnées.
Veuillez agréer ... Victor W. Barbeau.
Vous aurez constaté que le problème du financement est directement relié aux difficultés des compagnies aériennes.
Pourriez-vous nous dire comment ces conditions ont été prises en compte dans le contrat final? Comment la société a-t-elle répondu aux préoccupations du gouvernement?
M. Rowat: Je vais commencer par le premier point, l'option de démarrage rapide.
Je ne me souviens plus de la nature exacte de cette option mais John pourra peut-être m'aider. Quoi qu'il en soit, la position du gouvernement était que l'option de démarrage rapide de 96 millions de dollars, avec le report approprié des loyers de 11-11-11 sur les 10...
Le sénateur Jessiman: Remboursable au taux d'intérêt préférentiel plus deux?
M. Rowat: ...au taux d'intérêt préférentiel plus deux et demi constituait une solution satisfaisante. Voilà quelle était la position du gouvernement.
En ce qui concerne les restrictions relatives au détournement du trafic, je saisis mal ce que Victor voulait dire par là.
M. Desmarais: Si vous vous souvenez des discussions de ce matin, la société demandait dans sa proposition la garantie qu'il n'y aurait aucun détournement de trafic de Pearson jusqu'à ce qu'un certain niveau d'utilisation ait été atteint, soit 36 millions de passagers, et non pas 39 comme on a dit ce matin. Pour le gouvernement, c'était une exigence inacceptable.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je voudrais demander une précision. Comme vous parlez d'un document du 7 décembre 1992 signé par M. Barbeau mais peut-être rédigé en partie par M. Desmarais, puisque M. Rowat n'était pas encore au ministère, je crois qu'il serait utile de savoir pourquoi vous avez mis cela dans le document et comment les choses ont été réglées ensuite. En effet...
Le sénateur Jessiman: Je ne sais pas si ce que vous dites est exact. Le 7 décembre, ce témoin avait d'autres...
Le sénateur Hervieux-Payette: Certes, M. Desmarais faisait partie de l'équipe chargée d'examiner les analyses financières ou le plan d'activité...
M. Desmarais: M. Jolliffe faisait partie du groupe d'évaluation du plan d'activité et je faisais partie du groupe d'évaluation du plan de réaménagement.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous étiez donc tous les deux au courant de ces restrictions et c'est pourquoi je pense que nous devrions d'abord traiter de ce qu'il y a dans votre lettre, puis ensuite de la manière dont les choses se sont réglées, afin d'aborder les choses dans l'ordre chronologique, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Le sénateur Jessiman: Je n'ai aucune objection à ce qu'on procède de cette manière. Cela dit, je ne pensais pas que les deux témoins se présentaient devant nous en équipe.
Le sénateur Hervieux-Payette: Si, ils sont ensemble.
Le sénateur Jessiman: Bien. Je n'ai aucune objection.
M. Rowat: De fait, madame le sénateur, je pense que John devrait répondre à la question puisqu'il était parfaitement au courant des deux conditions.
M. Desmarais: Mais je ne me souviens pas de tout.
Comme je l'ai dit plus tôt, l'option de démarrage rapide était une option de 47 millions de dollars proposée par le promoteur. Si je me souviens bien, celui-ci avait proposé de prendre le contrôle complet des aérogares, d'effectuer la tranche de travaux correspondant à 47 millions de dollars puis, plus tard, d'entreprendre d'autres travaux de construction. Cette option de démarrage rapide était inacceptable. Elle faisait partie de la proposition globale évaluée à environ 686 millions de dollars, mais nous ne voulions pas l'envisager.
Le sénateur Jessiman: Et la question a été réglée à la satisfaction...
M. Desmarais: Elle a réglée par la négociation puisqu'on a finalement accepté une option de démarrage rapide de 96 millions de dollars, représentant une première phase de réaménagement.
La deuxième condition était qu'il n'y ait aucun détournement de trafic de Pearson tant que l'on n'aurait pas atteint 39 millions de passagers, auquel cas on ne pourrait de toute façon détourner que les passagers supplémentaires. Vous vous souviendrez que M. Hession nous a dit hier que ce n'était pas possible. Lorsqu'on veut détourner des passagers, on doit le faire globalement, compagnie par compagnie.
Nous n'avons donc pas accepté le seuil de 39 millions ni le fait que seuls les passagers supplémentaires seraient transférés. Nous avions donc des problèmes avec cette partie de la proposition.
Le sénateur Jessiman: Et quelle a été la décision finale?
M. Desmarais: On a finalement choisi l'option de transfert de passagers après 33 millions de dollars [sic], et nous pourrons y revenir en détail plus tard.
Le sénateur Jessiman: Je comprends maintenant pourquoi vous faites équipe. Je n'allais pas vous poser la question suivante mais je vais le faire quand même. Je crois comprendre que vous connaissez également la situation de T3...
M. Desmarais: Oui, mais pas aussi bien que celle de T1T2. Je me suis occupé des premières études concernant T3, mais pas directement.
Le sénateur Jessiman: On a dit ce matin qu'il n'y avait pas de disposition de ce genre dans l'autre contrat.
M. Desmarais: Dans celui de T3? La seule disposition acceptée dans le bail de T3 était que l'aéroport continuerait d'être un aéroport international.
Le sénateur Jessiman: N'y avait-il pas aussi une garantie d'un tiers du trafic?
M. Desmarais: Non. Il y avait une entente à l'amiable mais pas d'accord ferme.
Le sénateur Jessiman: Que pouvez-vous nous dire de la garantie de prêt de 70 millions de dollars?
M. Desmarais: On avait établi une provision de 70 millions de dollars que l'on pourrait utiliser si les liquidités étaient insuffisantes, avec un maximum de 8 millions de dollars par an et de 70 millions de dollars en tout.
Le sénateur Jessiman: Je vois. Y avait-il une garantie de prêt pour les promoteurs de T1 et T2?
M. Desmarais: Non.
Le sénateur Jessiman: Bien. Veuillez m'excuser, je n'aurais pas dû vous interrompre.
M. Desmarais: Je ne vois pas ce que l'auteur du document veut dire au sujet de l'attribution des droits d'atterrissage et des privilèges de portes. Évidemment, je suppose qu'il s'agissait de répartir les droits d'atterrissage entre les compagnies aériennes qui accepteraient d'utiliser les aérogares, et que ces compagnies auraient des droits d'utilisation privilégiés. Je dois cependant dire que cela n'était pas envisagé par le gouvernement. Celui-ci attribue les droits d'atterrissage à Pearson dans le cadre de négociations bilatérales, ou selon toute autre méthode qui lui convient, et il conserve le droit de répartir le trafic comme il l'entend entre les aérogares 1/2 et l'aérogare 3.
Le sénateur Jessiman: Cela a donc été éliminé?
M. Desmarais: Exactement.
Le sénateur Jessiman: Et le quatrième point?
M. Desmarais: Le mécanisme de financement du plan de transfert des employés? Je ne suis pas sûr de ce que cela veut dire.
Keith, vous vous en souvenez?
M. Jolliffe: Non.
M. Desmarais: Moi non plus. Cela a été rayé de la liste des problèmes soumis au comité d'évaluation...
Le sénateur Jessiman: Comme M. Barbeau doit comparaître à nouveau, est-ce à lui que nous devrions poser la question, ou quelqu'un d'autre pourrait-il y répondre?
M. Rowat: Je pense que le problème était de savoir qui paierait les frais du plan de transfert des employés. À l'origine, la société considérait que ces frais devraient être assumés par le gouvernement fédéral. Dans l'accord final, cependant, il a été décidé que la société les paierait s'ils étaient reliés au plan de gestion. Je suppose que c'était là le problème.
Le sénateur Jessiman: Le gouvernement semble s'être très bien sorti des négociations.
Cinquièmement, les modalités devant être intégrées aux divers accords.
M. Desmarais: Cela touche toute une liste de...
Le sénateur Jessiman: J'entends bien. Comme je voudrais parler plus tard des accords, nous allons peut-être tout de suite passer à autre chose.
Venons-en en effet aux changements exigés par le ministre pour répondre aux préoccupations du gouvernement. Comme vous avez finalement obtenu le contrat, je suppose que ces changements ont été apportés.
M. Rowat: Exact.
Le sénateur Jessiman: Et qu'en est-il de la preuve qu'il fallait fournir au gouvernement, au plus tard le 15 février 1993, que la proposition pouvait être financée?
Je crois comprendre que cette date limite a été reportée à mars.
M. Desmarais: Non, elle a été reportée au 28 février, et les données pertinentes ont été fournies à cette date-là.
M. Stehelin, qui témoignera plus tard devant vous, avait posé des questions à ce sujet et les réponses ont été fournies. Je crois que la question a été réglée vers la mi-mars.
Le sénateur Jessiman: Très bien, j'en ai terminé avec ce document. Je vais maintenant en aborder un autre, dont j'ai également fait des copies à l'intention de chaque sénateur, de l'avocat et du témoin.
J'ai eu un moment d'inquiétude en constatant que j'en avais deux copies. La première était en français mais, hélas, c'est une langue que je ne parle pas.
Ce que je vous distribue maintenant, c'est une copie certifiée d'un décret du conseil. Je vais en lire le texte.
Il s'agit du numéro de référence 5700-1.35/P1-13, puis 1-1-#0092, C.P. 1993-1761, 27 août 1993 (C.T. Rec. 820536).
Sur recommandation du ministre des Transports et du Conseil du Trésor, il plaît à Son Excellence le Gouverneur général en conseil:
a) en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi sur les immeubles fédéraux, d'autoriser le ministre des Transports, au nom de Sa Majesté du chef du Canada, de conclure avec T1T2 Limited Partnership un bail foncier;
b) en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi sur les immeubles fédéraux, d'autoriser le ministre des Transports, au nom de Sa Majesté du chef du Canada, de conclure avec 2922797 Canada Inc. une entente avec option de location;
c) en vertu du l'article 61 de la Loi sur la gestion des finances publiques, d'autoriser le ministre des Transports, au nom de Sa Majesté...
Je ne sais pas pourquoi, il n'y a pas "the" en anglais, mais je continue:
...du chef du Canada, de conclure avec T1T2 Limited Partnership un contrat de vente pour les biens transportables décrits à l'annexe " A " dudit contrat;
d) d'autoriser le ministre des Transports, au nom de Sa Majesté du chef du Canada, de conclure avec T1T2 Limited Partnership une entente de services et de gestion.
Je répète qu'il s'agit d'une copie certifiée conforme sous le sceau du greffier du Conseil privé. Je suis sûr que vous connaissez ce document.
M. Rowat: Oui.
Le sénateur Jessiman: Et les cinq documents qui y sont mentionnés sont les principaux documents que vous étiez chargé de négocier, n'est-ce pas? Je crois comprendre qu'il y en a eu en tout une paire de centaines.
M. Desmarais: Il y a environ 65 documents juridiques, faisant en tout près de 2 000 pages.
Le sénateur Jessiman: Je vois, mais ceux-ci sont ceux qui ont été autorisés le 27 août.
M. Desmarais: C'est cela.
Le sénateur Jessiman: Monsieur Rowat, c'est vous qui aviez négocié tout cela, n'est-ce pas?
M. Rowat: C'est exact.
Le sénateur Jessiman: Et il est vrai que vous avez dit aux négociateurs de l'autre partie que, s'il devait y avoir des changements notables à ces documents, vous seriez obligé d'obtenir une nouvelle approbation du Trésor, du Conseil du Trésor?
M. Rowat: Qu'est-ce que j'aurais dit?
Le sénateur Jessiman: Selon ce que j'ai compris, après que ces documents aient été signés, les représentants de l'autre partie ont parlé de la possibilité d'y apporter des modifications, ou de l'éventualité de certaines modifications, et vous leur auriez répondu que vous seriez obligé de retourner devant le Conseil du Trésor si vous considériez que ces modifications étaient importantes.
M. Rowat: C'est exact.
Le sénateur Jessiman: Mais vous n'avez pas dû retourner devant le Conseil du Trésor?
M. Rowat: Non.
Le sénateur Jessiman: Est-ce exact?
M. Rowat: C'est exact.
Le sénateur Jessiman: Il n'y a donc eu aucune modification notable entre le 27 août et la date où les documents ont été effectivement ratifiés, le 7 octobre.
M. Rowat: Il y a eu des changements mais, selon les membres de mon équipe et selon les collègues des autres organismes centraux, ce n'était pas des changements importants qui eussent exigé une nouvelle autorisation du Conseil du Trésor.
Le sénateur Jessiman: Et les autres documents... nous venons de parler de cinq mais vous avez dit qu'il y en avait 65.
M. Desmarais: Oui, c'est ce que j'ai dit.
Le sénateur Jessiman: Il y en a donc 60 autres. On vient de me dire que ce sont des documents plus ou moins standard, si je puis utiliser ce terme. Très bien. Ces documents ont donc été simplement ratifiés parce qu'ils ne posaient aucun problème?
M. Desmarais: En effet, car nous savions quelle était leur teneur, mais je ne dirais pas que c'était des documents standard. Il s'agissait de l'accord de réaménagement, de l'accord de gestion et d'exploitation, et de deux ou trois autres accords importants, mais aucun n'avait d'incidence notable sur le document de bail pour lequel ce genre d'approbation était nécessaire.
Le sénateur Jessiman: Vous n'aviez donc pas à demander l'autorisation du Conseil du Trésor à ce sujet? Je parle des 60 autres documents.
M. Rowat: Vous avez parfaitement raison. Le ministre avait le pouvoir d'aller de l'avant à ce sujet.
Le sénateur Hervieux-Payette: Monsieur le président, il n'y a pas de numéro sur le document dont on vient de parler. Je ne voudrais pas causer de difficulté mais, comme on s'interroge parfois sur l'origine de certains documents, le fait que celui-ci n'ait pas de numéro...
Le sénateur Jessiman: Je vais demander d'où il vient.
M. Nelligan: Je pense que c'est un document public.
Le sénateur Jessiman: Veuillez m'excuser, il y a un numéro sur la version française, au verso - 523589. Je m'excuse car, dès que j'ai vu...
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous avons le même problème. Il y a un numéro sur une page mais pas sur l'autre. Sur le plan pratique, cela risque de vous induire en erreur, et nous aussi.
Le sénateur LeBreton: Mais il ne manque aucun paragraphe.
Le sénateur Jessiman: Ni aucune page. Franchement...
Le président: Très bien. Restons-en là.
Le sénateur Jessiman: Quand un sénateur de l'autre parti utilise un document complet et que personne de notre côté n'en a de copie, c'est tout à fait différent.
Le sénateur LeBreton: De toute façon, comme il s'agit d'un décret du conseil, c'est un document public.
Le sénateur Jessiman: Et je viens de le lire.
Monsieur Rowat, connaissez-vous les chiffres relatifs à l'actif de la société et à l'endettement? Je pose cette question pour comparer la proposition de Claridge Lockheed à celle de Mergeco. Êtes-vous familier avec les deux?
M. Rowat: Je dirais que oui.
Le sénateur Jessiman: Si je vous indique les chiffres, pourriez-vous...
M. Rowat: Je m'en remets à ces deux messieurs.
Le sénateur Jessiman: S'il y a un doute, vous pourrez certainement vérifier. Selon les documents dont je dispose, Claridge indiquait dans sa proposition qu'elle allait capitaliser la société à hauteur de 227,5 millions de dollars, et qu'il y aurait un endettement de 530,7 millions de dollars, pour un total de 758,2 millions de dollars.
En ce qui concerne Mergeco, le total était de 742 millions de dollars, soit 258 millions de dollars de capital et 484 millions de dollars d'endettement. Autrement dit, Mergeco fournissait 30,5 millions de dollars de capital en plus et devait avoir 46,7 millions de dollars d'endettement en moins.
Cela vous paraît-il exact?
M. Jolliffe: Oui, dans l'ensemble.
Le sénateur Jessiman: Pour ce qui est du rendement pour la Couronne, il s'agissait de 642 millions de dollars pour la première offre de Claridge et de 843 millions de dollars pour Mergeco, soit 201 millions de dollars de plus. Est-ce exact?
M. Jolliffe: C'est également exact.
Le sénateur Jessiman: Je n'ai pas d'autres questions.
Le président: Le sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk: Messieurs, je vais essayer le plus possible d'éviter d'aborder des questions financières. Je sais que c'est cela qui est important, à cette étape du processus, mais je dois dire que c'est plus le processus lui-même qui m'intéresse.
Quand vous avez pris la relève de M. Broadbent, comment vous êtes-vous organisé? Avez-vous réparti les divers domaines de négociation entre...
M. Rowat: Lorsque j'ai pris la relève de M. Broadbent, j'ai obtenu son équipe, qui était très restreinte et qui comprenait déjà des spécialistes juridiques, des spécialistes financiers et des négociateurs.
À la différence de M. Broadbent, cependant, je n'ai pas pensé qu'il était nécessaire de répartir le tout en tables différentes, devant faire rapport à une table globale. J'ai pensé qu'on était tellement près de la conclusion sur la plupart des questions que l'on pouvait poursuivre le tout avec une seule et même équipe. Je n'ai donc, si je me souviens bien, désigné personne comme mon bras droit. L'équipe se réunissait pratiquement tous les jours pour discuter de l'évolution du dossier, car celui-ci avançait très rapidement et je pensais qu'il était important que tout le monde soit au courant de tout.
Le sénateur Tkachuk: Sans vouloir vexer personne, qui étaient les principaux membres de l'équipe?
M. Rowat: J'ai donné les noms dans ma déclaration liminaire. Si je reprends la même liste, il s'agissait de Wayne Power, de Maralee MacLaren...
Le sénateur Tkachuk: Quelles étaient les responsabilités de Wayne Power?
M. Rowat: Il assumait de nombreuses responsabilités différentes, comme ces deux messieurs, selon la nature des urgences.
Par exemple, lorsqu'on parlait des portes de chargement, c'est Wayne qui nous conseillait car c'est lui qui connaissait le mieux la question puisqu'il venait de l'aéroport. Lorsqu'il s'agissait de la clause de détournement du trafic, d'autres membres de l'équipe avaient plus d'expérience.
J'ai donc essayé d'exploiter le mieux possible l'expérience de chaque membre de l'équipe. Cela dit, tous les membres discutaient entre eux de l'ensemble des problèmes pour établir nos positions collectives.
Le sénateur Tkachuk: Il s'agissait donc plus d'un travail d'équipe que d'un travail individuel?
M. Rowat: Exactement, sauf en ce qui concerne les juristes et les financiers.
Le sénateur Tkachuk: Qui dirigeait vos conseillers financiers?
M. Rowat: Don Dickson était le principal responsable ministériel des questions financières, et nous avions aussi les services de Paul Stehelin, de Deloite & Touche.
Le sénateur Tkachuk: Qu'en est-il des juristes? Aviez-vous un représentant du gouvernement ou...
M. Rowat: Oui, nous avions le conseiller juridique du ministère des Transports, nommé par le ministère de la Justice, ce qui est la procédure habituelle. Notre conseiller juridique était Bob Green, appuyé par Jacques Pigeon. De fait, c'est Jacques qui s'est chargé de la majeure partie du travail dans les dernières étapes.
Le sénateur Tkachuk: Faisait-il partie du ministère ou venait-il de l'extérieur?
M. Rowat: Il faisait partie du ministère. C'est un avocat du ministère des Transports. Notre juriste extérieur était Gordon Dixon, de Cassels, Brock.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit qu'il n'y avait pas beaucoup de questions pendantes lorsque vous avez pris la relève. Dans votre esprit, et selon les membres de votre équipe, quelles étaient les principales questions qu'il restait à régler pour parvenir à un accord? Vous avez dû en discuter lors de la première réunion de votre équipe.
M. Rowat: Comme je l'ai déjà dit, la question la plus importante était celle d'Air Canada. Les autres, qui étaient sur le point d'être réglées, étaient probablement les mesures environnementales, l'actif du locataire, les redevances d'installation passagers, la situation avec Allders et un problème de bail avec Bitove. Pour ce qui est du contrat du personnel, la question était largement réglée à ce moment-là.
Bien que le gouvernement ait déjà fixé sa position au sujet du report du loyer et du seuil de détournement, je voulais la revoir dans l'espoir de trouver une amélioration. Quoi qu'il en soit, la grosse question était celle d'Air Canada.
Le sénateur Tkachuk: Dont Pearson Development Corporation s'occupait directement avec Air Canada, ou étiez-vous impliqué aussi?
M. Rowat: Au moment où j'ai pris la relève, la position du gouvernement fédéral était qu'il appartenait à PDC ou à Mergeco de traiter directement avec Air Canada pour négocier les accords nécessaires, puisque c'était leur principal client à l'aéroport.
Quand je suis... veuillez m'excuser, puis-je terminer ma réponse?
Le sénateur Tkachuk: Je vous en prie.
M. Rowat: Quand je suis arrivé, et vous vous souviendrez de ce que disait Mme Labelle à ce sujet l'autre jour, il y avait beaucoup de confusion sur la durée du bail d'Air Canada. Était-ce un bail de 20 ans ou de 40 ans? Les deux parties, Air Canada et Mergeco, avaient adopté des positions semblant exclure toute possibilité d'accord.
En arrivant, nous avons décidé qu'il serait utile d'essayer de rapprocher les parties, c'est-à-dire de les réunir en notre présence.
De fait, après en avoir discuté avec Mme Labelle, j'ai indiqué aux parties que j'assisterai à leur réunion, à titre d'observateur, ce qui s'est fait le 28 juin. La réunion s'est donc tenue entre les deux parties, mais sans aucune participation active de ma part.
Le sénateur Tkachuk: Et comment s'est-elle déroulée?
M. Rowat: Il y a eu une discussion franche et ouverte des questions pertinentes et les parties se sont entendues pour poursuivre la discussion sur un certain nombre de problèmes.
Le sénateur Tkachuk: Quand il y a eu un accord avec Air Canada, en avez-vous été satisfait?
M. Rowat: C'est une question que vous devriez poser aux ministres, puisque ce sont eux qui décident. Je puis cependant vous dire que le ministère et le gouvernement étaient satisfaits du résultat.
Comme je l'ai dit plus tôt, l'accord offrait manifestement au gouvernement un meilleur taux de rendement que toutes les autres solutions envisagées.
En outre, le taux de rendement de Pearson Development avait été réduit. La société avait accepté de partager les recettes de ses activités commerciales... veuillez m'excuser, de partager ses recettes, c'est-à-dire d'en céder 10 p. 100. J'ai oublié quel était l'autre avantage.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé plus tôt, en réponse à d'autres questions, de l'accès que vous aviez au ministre.
M. Rowat: C'est juste.
Le sénateur Tkachuk: Vous aviez reçu... ou plutôt, quels étaient les principes approuvés par le gouvernement pour la tenue des négociations?
M. Rowat: Le premier principe était que le gouvernement ne devrait pas s'en sortir plus mal, sur le plan financier, qu'avec n'importe quelle autre option, par exemple en continuant d'exploiter lui-même les aérogares. Le loyer final reflétait le loyer final pour le gouvernement.
Le deuxième principe était que l'aéroport devait rester compétitif, particulièrement sur le continent nord-américain mais aussi, je suppose, sur le plan international. La compétitivité se mesure au coût par passager. Troisièmement, la solution retenue ne devait pas imposer un fardeau trop onéreux aux compagnies aériennes ou aux passagers, puisque je suppose que les coûts des compagnies aériennes sont finalement assumés par les passagers.
Le sénateur Tkachuk: Vous vous souviendrez que j'avais demandé à M. Hession combien Air Canada payait par passager, puisque la société se plaignait de son bail. Il s'agissait de savoir si le montant était de 1,50 $ ou 2 $ par passager. Si je me souviens bien, vous ne connaissiez pas la réponse à la question. La connaissez-vous aujourd'hui?
M. Desmarais: Je crois que c'était 2,84 $.
Le sénateur Tkachuk: Pardon?
M. Desmarais: Deux dollars quatre-vingt-quatre cents par passager.
Le sénateur Tkachuk: Cette question a-t-elle finalement été réglée ou...
M. Desmarais: C'est ce que payait Air Canada en vertu du bail existant.
Le sénateur Tkachuk: Et à la fin des négociations?
M. Desmarais: Sept dollars soixante cents, je crois, à terme.
Le sénateur Tkachuk: À terme. La somme allait donc monter progressivement? Et que payait Canadien à l'aérogare 3?
M. Desmarais: Je n'ai pas le chiffre en tête mais je pourrais le trouver. Je crois que le montant devait être comparable à celui d'Air Canada, à quelques cents près.
Le sénateur Tkachuk: Pour égaliser les règles du jeu?
M. Desmarais: C'est cela.
M. Rowat: Si vous examinez les chiffres pour la 20e année, vous verrez qu'il s'agissait en gros de 8 $ à l'aérogare 3, ou de peut-être un peu moins, et de près de 9 $ à l'aérogare 1 et à l'aérogare 2. C'était de cet ordre-là.
Le sénateur Tkachuk: Quand vous meniez les négociations sur le contrat... je n'ai pas l'habitude de ces documents. J'en ai un ici sur Vancouver: 001704.
Nous avons une lettre du 13 juillet 1993 de Bill Rowat à Peter Coughlin. En voici un extrait:
Merci de votre lettre du 12 juillet 1993. Comme je vous l'ai dit lors de notre réunion, nous souhaitons que les dispositions relatives à l'hypothèque sur propriété louée à bail soient très proches de celles du document de l'AAL de Vancouver.
Ce que vous essayez de dire par là, c'est qu'il y a un précédent pour guider vos négociations avec Pearson Development.
M. Rowat: Tout à fait. À ce moment-là, le groupe Pearson comprenait Claridge, qui s'occupait de l'aérogare 3.
Il y avait pour l'aérogare 3 des dispositions jugées très attrayantes par la société. Depuis l'aménagement de l'aérogare 3, nous avions négocié selon des principes différents avec l'AAL de Vancouver. Au fond, nous voulions aboutir à un résultat qui soit le plus proche possible des nouveaux principes adoptés dans ce contexte, étant bien entendu que certaines caractéristiques de l'accord concernant l'aérogare 3 imposeraient probablement certaines variantes. Tel était cependant notre objectif général.
Le sénateur Tkachuk: Voici le deuxième paragraphe de la lettre:
Les ministres tiennent beaucoup à ce qu'on ne s'écarte pas trop des principes de l'AAL dans ce contexte, ce qui limite considérablement mes possibilités de résolution créative du problème. J'espère que vous pourrez inviter vos représentants juridiques à en tenir compte.
Quel était le problème? Ils voulaient avoir les mêmes...
M. Desmarais: Ils voulaient les mêmes clauses que dans le bail l'aérogare 3.
Le sénateur Tkachuk: Et dans celui de l'AAL?
M. Desmarais: Comme je l'ai dit, nous voulions nous en tenir aux dispositions du bail de l'AAL car la situation avait changé depuis la négociation des accords sur l'aérogare 3. Je veux dire par là que nous avions négocié des accords d'AAL avec de nouvelles dispositions de bail (veuillez m'excuser, d'hypothèque) et nous voulions en rester le plus proche possible, et ne pas nous inspirer du modèle de T3.
Le sénateur Tkachuk: Où en suis-je dans mes questions? Veuillez me donner un instant, monsieur le président, je ne voudrais pas revenir sur des sujets qui ont déjà été abordés.
Passons au document 00278, qui est l'étude de Deloitte & Touche. Si je comprends bien, vous avez reçu cette étude le 5 août 1995.
Je sais que cette firme viendra témoigner devant le comité mais je voudrais pour le moment vous demander si vous étiez satisfait de la méthodologie qu'elle a employée pour effectuer l'étude.
M. Rowat: Je l'étais, tout comme mon conseiller financier du ministère. Cette documentation avait également été fournie aux organismes centraux.
Le sénateur Tkachuk: Et vous avaient-ils adressé des objections?
M. Rowat: Aucune.
Le sénateur Tkachuk: Quand vous parlez d'organismes centraux, vous voulez dire...
M. Rowat: Le Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le Bureau du Conseil privé.
Le sénateur Tkachuk: Il me semble...
M. Rowat: Si je puis vous interrompre, je voudrais poursuivre l'explication.
Le sénateur Tkachuk: Bien sûr.
M. Rowat: Notre propre agent financier chargé du dossier m'avait adressé ses propres conseils à ce sujet, qui allaient généralement dans le même sens. J'ajoute qu'il avait lui aussi consulté les analystes des organismes centraux, c'est-à-dire des Finances et du Conseil du Trésor, pendant tout le processus. À mon avis, dans ce genre de dossier, il est très important qu'une tierce partie corrobore les analyses internes.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. Revenons-en au début des négociations. Vous avez fait le point sur les questions pendantes et vous avez organisé votre équipe. En juillet et août, vous négociez l'accord.
Avez-vous rencontré des problèmes importants? J'ai le sentiment que tout s'est passé relativement en douceur. Nous n'allons pas voir apparaître soudain dans les documents des notes exprimant un avis contraire?
M. Rowat: Quand vous dites " en douceur ", je vous réponds: par rapport à quoi? Certes, pour l'équipe qui travaillait directement avec moi, les choses sont allées en douceur, et j'ai bénéficié d'un soutien exceptionnel. Comme je l'ai dit plus tôt, lorsque nous avons dû nous adresser directement au Groupe des aéroports, celle-ci aussi nous a fourni les informations dont nous avions besoin.
C'est essentiellement John qui jouait le rôle d'intermédiaire à cet égard. Il venait évidemment directement de ce groupe.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, je voudrais reprendre la parole plus tard sur tout cela, car j'en ai fini avec les questions que j'avais préparées. Je dois dire que la chose est beaucoup plus complexe que je ne l'avais pensé. J'ai donc terminé pour aujourd'hui et j'aurai quelques jours pour poursuivre mon examen du dossier, jusqu'à mardi.
Le président: Sénateur Kirby?
Le sénateur Kirby: Monsieur le président, le sénateur Hervieux-Payette est prête à poser ses questions mais, comme les témoins doivent revenir le 15 et comme la semaine a été longue et pénible, nous sommes prêts à faire comme le sénateur Tkachuk et à attendre le 15.
Le président: Monsieur Nelligan voudra aussi poser des questions, je crois.
Le sénateur Kirby: Sinon, nous allons commencer mais nous ne pourrons pas finir. Comme les témoins doivent revenir la semaine prochaine, je préférerais...
M. Nelligan: Je me permets de préciser que l'un des témoins risque de ne pas être là la prochaine fois, ou plutôt, qu'il risque de n'être là qu'une seule journée. Si vous avez des questions à poser à M. Desmarais, je vous recommande de les lui poser le 15 car il ne sera pas là le lendemain.
Le sénateur Kirby: J'entends bien. Parfait.
Le sénateur Hervieux-Payette: J'aurais deux questions à poser à M. Desmarais aujourd'hui.
Le sénateur Kirby: Mais il sera là le 15.
M. Nelligan: Mais seulement ce jour-là.
Le sénateur Hervieux-Payette: Très bien.
Le président: Nous allons donc pouvoir lever la séance un peu plus tôt que prévu.
Le sénateur Bryden: Si vous vouliez mettre cette question aux voix, vous auriez sans doute, chose assez rare, un résultat unanime.
Le président: Très bien. J'ai une dernière chose à mentionner. Comme il y a eu une certaine confusion, de l'irritation et des frustrations, c'est évident, auriez-vous la gentillesse de demander au chercheur qui vous a fourni ce document d'adresser une lettre à M. Nelligan avant la réunion du 15 pour nous en dire l'origine?
Le sénateur Kirby: Absolument.
Le sénateur Bryden: Pas de problème.
Le président: Merci.
La séance est levée.