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PEAR - Comité spécial

Accords de l'aéroport Pearson (spécial)

 

Délibérations du comité spécial du Sénat sur les

Accords de l'aéroport Pearson

Témoignages


Ottawa, le jeudi 17 août 1995

[Traduction]

Le comité spécial du Sénat chargé d'étudier les accords visant l'aéroport international Pearson se réunit aujourd'hui, à 9 h, pour poursuivre l'examen de toutes les questions relatives aux politiques et aux négociations ayant abouti à la conclusion des accords touchant la mise en valeur et l'exploitation des aérogares 1 et 2 à l'aéroport international Lester B. Pearson et les circonstances entourant leur annulation, et pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: Bonjour, collègues, mesdames et messieurs. Notre premier témoin d'aujourd'hui sera présenté par le conseiller juridique du comité.

M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: Honorables sénateurs, nous avons avec nous aujourd'hui M. Paul Stehelin, associé de Deloitte & Touche. S'il est avec nous, c'est parce que, dans le cadre de l'examen des propositions et de l'évaluation du contrat ultime, il a agi comme conseiller du ministère des Transports à l'égard de diverses questions. En fait, il a présenté un ou deux rapports. Vous voudrez peut-être l'interroger à ce sujet.

Le président: M. Stehelin, vous savez que les témoins que nous entendons sont assermentés?

M. Paul Stehelin, Deloitte & Touche: Oui.

(M. Paul Stehelin, assermenté:)

Le président: Monsieur Stehelin, je pense que vous avez une brève déclaration préliminaire.

M. Stehelin: Je n'ai qu'une brève déclaration préliminaire.

Ce matin, je vous ai remis, et je m'excuse de ne l'avoir fait que ce matin, une brève déclaration assortie de quelques documents qui, au moment où je passais mes dossiers en revue, m'ont paru utiles.

Au début de janvier 1993, Deloitte & Touche a répondu à une demande de propositions émise par le ministère des Transports. Vous en trouverez une copie dans les documents. Notre réponse à la demande y figure également: on y précise la nature du travail qui, selon notre compréhension, était attendu de nous à ce propos.

Au sein du cabinet, je suis l'associé qui a été saisi de ce dossier. C'est moi qui ai été quotidiennement mêlé au dossier.

En janvier, en février et en mars, depuis le moment où nos services ont été retenus, on s'est concentré sur la viabilité financière de la transaction. Après nous être familiarisés avec la transaction proposée, nous en sommes venus à la conclusion qu'elle ne pouvait être financée à l'entière satisfaction des parties.

En 1993, le marché immobilier du Grand Toronto connaissait probablement ses moments les plus sombres depuis la dépression des années 1930. Outre ce problème grave en lui-même, le marché était fort méfiant à l'endroit de l'industrie aérienne dans son ensemble. Au Canada et à l'étranger, un certain nombre de compagnies aériennes éprouvaient de sérieuses difficultés financières, ou avaient vu leur cote de crédit passer sous surveillance.

L'incertitude entourant la nature de la transaction exacerbait également le problème. Il était impossible d'obtenir des engagements fermes de la part des institutions financières sans que ces dernières comprennent parfaitement la nature de la transaction.

On a discuté du moyen d'attester la viabilité financière. Vous trouverez ci-joint un petit plan, l'espèce de schéma de décision que, au départ, nous avons utilisé pour tenter de cerner l'approche qu'il convenait d'adopter à propos de l'ensemble de la question de la viabilité financière. Le premier...

Le sénateur Kirby: Puis-je simplement demander..

Le sénateur Jessiman: Nous n'avons pas de copie.

Le sénateur Kirby: Je m'excuse. Je ne suis pas le seul à ne pas avoir en main une copie du schéma de décision.

Oh! Il fait peut-être partie des documents. Est-ce possible?

Le sénateur Lynch-Staunton: David a en main une trousse complète.

Le sénateur Kirby: S'agit-il de votre document manuscrit?

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Tkachuk: Dites-moi où le document se trouve. Je serai peut-être capable d'en extraire une copie et de la faire circuler.

Le sénateur Kirby: Je ne voulais pas vous interrompre, mais j'ai pensé...

Le sénateur Tkachuk: Sénateur Kirby, je suis simplement venu tôt et j'ai mis la main sur le document.

Le sénateur Kirby: Oh. Il est là-dedans?

Le sénateur Tkachuk: Je ne sais pas très bien de quel document il s'agit. Il y en a beaucoup, ici. Je n'ai pas eu l'occasion de...

Le sénateur Gigantès: Vous voulez dire que vous vous êtes emparé des documents et que vous nous les avez cachés?

Le sénateur Tkachuk: Non, non.

Le sénateur Kirby: Est-ce celui-là?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Kirby: Je viens tout juste de le trouver au milieu de ce... je ne sais pas si tout le monde l'a reçu. Avez-vous reçu une grosse pile de... oui, voilà.

Le président: Monsieur Stehelin, combien de copies avez-vous apportées avec vous ce matin?

M. Stehelin: Six.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, nous allons nous en partager une. C'est bon.

M. Stehelin: À un certain point, il s'agissait d'un joli document tout en couleur.

Tout le monde a-t-il une copie?

Le président: Le premier document auquel vous avez fait référence, monsieur Stehelin, est le...

M. Stehelin: La demande de propositions. Puis vous avez notre réponse. Ensuite, vous avez la confirmation de notre contrat. Enfin, vous devriez avoir ce petit plan, ce que j'ai appelé le "schéma de décision", c'est-à-dire le petit plan que, je crois, tout le monde a maintenant trouvé. Si tous sont satisfaits, je poursuivrai, maintenant.

Les stades initiaux avaient pour but principal de nous rassurer quant à la capacité financière de Paxport. Pour ce faire, nous avons communiqué avec les divers auteurs d'une proposition ainsi qu'avec Wood Gundy, conseillers financiers de Paxport. Nous avons eu aussi des contacts directs avec les institutions financières. Avec l'entrée en scène de Claridge, l'optique a changé.

Le prochain jalon, je crois, a été la période de mars à juin 1993. En avril, mai et juin, les discussions se sont déroulées rondement, et notre participation au dossier, particulièrement la mienne, a crû.

À l'examen des dossiers, je me suis dit que le document le plus approprié qui donne une idée des enjeux négociés par les parties est une note de service datée du 21 juin 1995. Vous en avez une copie. Elle a trait aux questions en suspens toujours présentes sur la table de négociation. La plupart de ces enjeux avaient ou auraient un impact sur la capacité financière.

En juillet et en août, notre participation active au dossier a atteint son point culminant, ainsi que le montre notre lettre du 17 août 1993, que vous trouverez ci-jointe. Nous avons tenté de régler un certain nombre d'enjeux auxquels le ministère nous avait demandé de nous attacher. Tout au long des négociations, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les employés des ministères des Transports et des Finances.

Parce que cela m'est apparu utile, j'ai aussi annexé un document que vous n'avez jamais vu, même si vous avez passé en revue tous les documents, parce que je viens tout juste de le mettre au point. Il s'agit d'un tableau indiquant le taux de rendement sur les capitaux propres obtenu par les services publics et les monopoles en 1993-1994.

Je serai maintenant heureux de tenter de répondre à vos questions.

Le président: Sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk: Bonjour, monsieur Stehelin, comment allez-vous?

Je risque de répéter certaines choses. Je veux simplement que certaines données soient inscrites au compte rendu. Même si elles font partie de vos documents, je vous interrogerai à leur sujet.

Pouvez-vous me dire à quelle date ou à quel moment vos services ont été retenus par le gouvernement, par le ministère des Transports?

M. Stehelin: La date exacte, nous avons eu quelques rencontres très préliminaires vers la fin décembre, je crois. Au début de janvier, la demande de propositions a été émise. Nous avons répondu le 6 janvier, et je crois que la lettre de confirmation qui figure dans le petit dossier que je vous ai remis est datée du 14 janvier 1993.

Le sénateur Tkachuk: Qui a retenu vos services?

M. Stehelin: Vous voulez savoir à qui nous avions affaire?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Stehelin: Je pense que nos rencontres initiales ont été avec M. Jolliffe. John Cloutier y était aussi mêlé, et le sous-ministre adjoint était... ici, je vais avoir besoin d'aide.

Le sénateur Tkachuk: Le sous-ministre adjoint des aéroports?

M. Stehelin: Je pourrai trouver le renseignement dans la reliure que j'ai ici.

Le sénateur Tkachuk: Et M. Jolliffe?

M. Stehelin: M. Jolliffe relevait des Aéroports. Il a participé à la réunion.

Le sénateur Tkachuk: Qui était la troisième personne, celle dont vous dites qu'elle était sous-ministre adjoint des Aéroports? Au gouvernement, il y a de très nombreux sous-ministres adjoints. Était-ce M. Barbeau?

M. Stehelin: Barbeau. Tant de sous-ministres adjoints ont été mêlés au dossier qu'il arrive parfois qu'on ne s'y retrouve plus.

Le sénateur Tkachuk: Il arrive qu'on ne s'y retrouve plus. Qui était la troisième personne?

M. Stehelin: À l'origine, John Cloutier a été mêlé au dossier.

Le sénateur Tkachuk: Je sais que vous avez joint une copie du contrat, mais peut-être pourriez-vous expliquer brièvement, aux fins de l'enquête, en quoi consistait votre tâche.

M. Stehelin: Pour dire les choses simplement, on nous a confié deux mandats. L'un avait trait à l'examen et à l'évaluation de toute la question de la capacité financière, et l'autre, ainsi qu'on l'indique dans la demande de propositions, concernait toutes les formes d'aide dont le ministère pourrait avoir besoin à l'égard de la transaction.

Le sénateur Tkachuk: Il s'agissait donc d'un contrat d'experts-conseils qui devait s'étendre, devait-il s'étendre du début du contrat en janvier jusqu'à son achèvement ou jusqu'à ce que le gouvernement décide de ne pas aller de l'avant? Est-ce bien ce dont il s'agit?

M. Stehelin: Selon les modalités initiales, le contrat devait être exécuté par phases. Dans les faits, il n'a fait que croître. Il a débuté par la question de la capacité financière, puis il est passé à d'autres enjeux touchant la capacité financière. De mars jusqu'à la fin du mois de juin, je me suis consacré essentiellement à ce dossier.

Le sénateur Tkachuk: Au bout du compte, vous étiez donc presque devenu un conseiller?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Un conseiller financier.

M. Stehelin: Je n'irais pas, foncièrement, j'ai tenté d'apporter une contribution utile là où on m'a demandé de le faire.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque je demande... au gouvernement, c'est toujours difficile, à ce que je constate, mais, au ministère, releviez-vous de quelqu'un, de quelqu'un qui aurait signé le contrat, qui vous aurait fait parvenir une lettre de directives, ou la situation s'apparente-t-elle à celle à laquelle j'ai été confronté au cours du dernier mois?

M. Stehelin: J'ignore à quoi vous avez été confronté au cours du dernier mois, mais...

Le sénateur Tkachuk: Je vous le dirai dans un instant.

M. Stehelin: Le contrat a été émis par la personne qui, au ministère, signe les contrats.

Le sénateur Tkachuk: Tout juste.

M. Stehelin: À l'origine, je pense que nos relations de travail directes, si vous tentez de soulever la question de l'imputabilité, nous étions, à l'origine, comptables à Ran Quail, qui dirigeait les négociations.

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Stehelin: À partir de là, les choses ont évolué à mesure que d'autres personnes se sont vu confier la responsabilité des négociations.

Le sénateur Tkachuk: Vous dites dans votre semaine 1, sur le plan de travail proposé que vous avez distribué ce matin, la semaine 1, il n'y a pas de document parce que cela fait partie des choses que vous avez distribuées ce matin, "nous exécuterions", je cite votre plan de travail:

...nous exécuterions quatre opérations grâce auxquelles nous pourrons procéder à une évaluation préliminaire.

Que deviez-vous évaluer?

M. Stehelin: Pour pouvoir apporter une contribution utile, nous devions examiner et comprendre la nature de la transaction proposée. Nous devions donc comprendre ce qu'on s'efforçait de faire ici, particulièrement la question de savoir si la transaction pouvait être financée ou non.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. Est-ce ce dont rend compte votre premier rapport du 2 mars? Quel a été le résultat de cette démarche?

M. Stehelin: Les choses ont évolué au fil des jours. Comme vous êtes probablement en mesure de le comprendre, il s'est agi en quelque sorte d'un processus dynamique.

Le sénateur Tkachuk: Si je comprends bien, vous tentiez de conseiller le gouvernement, et vous expédiiez des renseignements et des notes de service à mesure que vous progressiez.

M. Stehelin: En raison du processus lui-même, on ne pouvait pas tracer commodément des lignes dans le sable et dire: "Il convient maintenant de dire A, B ou C." Au départ, il n'y avait que Paxport. Puis, Claridge est entré en scène, et d'autres problèmes se sont alors posés.

Dans les documents que vous avez en main, nous nous étions efforcés d'aborder les questions auxquelles il nous paraissait pertinent de nous attaquer dans un premier temps, particulièrement du point de vue du financement, puis les choses ont évolué.

Le sénateur Tkachuk: Dans votre document du 2 mars 1993, qui porte le numéro 00291 et est daté du 2 mars 1993, on lit, à la première page: "Nous constatons qu'il semble y avoir un écart entre l'approche de l'aménagement prévue dans la demande de propositions et celle que Paxport a soumise."

Que vouliez-vous dire?

M. Stehelin: De façon générale, me semble-t-il, on croyait qu'il s'agissait d'une transaction de 850 millions de dollars et que quelqu'un, comme par magie, allait pouvoir apposer un timbre d'approbation attestant la bonne marche des choses et déclarer: "Oui, ils ont 850 millions de dollars." La situation était tout autre. On avait affaire à un financement de projet, et non à une opération clés en main d'un type idéal. Les choses allaient évoluer sur une période de huit à dix ans. Aucune institution financière, personne, n'allait, quoi qu'il advienne, engager 850 millions de dollars garantis.

Le sénateur Tkachuk: Pour qui que ce soit.

M. Stehelin: Pour qui que ce soit. La question de savoir de qui il s'agissait aurait peu importé. Il fallait donc, vous savez, tenter de disséquer la transaction.

Je pense que quelqu'un s'était dit: "Eh bien, si le gouvernement n'est pas en mesure de libeller un chèque de 850 millions de dollars, il doit bien se trouver quelqu'un qui en soit capable. Il suffit de le trouver et de l'amener à dire qu'il libellera le chèque." C'est impossible. Ce n'est pas la réalité.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce ce qu'on a laissé entendre dans la demande de propositions, ou s'agissait-il plutôt des attentes du ministère?

M. Stehelin: Je ne sais pas. Je n'ai pas été mêlé au processus de demande de propositions ni à l'évaluation.

Le sénateur Tkachuk: C'est juste.

M. Stehelin: Il ne fait aucun doute que, du moins, je crois qu'on s'imaginait que quelqu'un, comme par magie, allait déclarer: "Oui, je vais libeller un chèque de 850 millions de dollars." Dans la réalité, les choses ne se passent pas ainsi.

Le sénateur Tkachuk: C'est juste. Nous le savons tous, mais la proposition de Paxport et la proposition concurrente précisaient toutes deux comment les promoteurs entendaient obtenir du financement.

M. Stehelin: Eh bien, je suppose que oui. Je ne me souviens pas de tous les détails.

Le sénateur Tkachuk: Aucun d'entre eux n'a...

M. Stehelin: Une demande de propositions.

Nous avons reçu une demande de propositions. Nous y avons répondu. Au bout du compte, ce que nous avons fait n'a pas nécessairement été conforme à tous les points et à tous les "i" contenus dans la demande. Il s'agissait du financement d'un projet. Au bout du compte, voilà à quoi les choses allaient se ramener. On avait affaire à un aéroport animé, vivant, à un risque énorme, et on ne pouvait procéder que de cette façon. Il appartenait à chacun de préciser par quel moyen il entendait y arriver.

Le sénateur Tkachuk: À la page 2 de votre rapport, vous présentez T3LPCO Investment Inc. comme l'un des participants au projet. S'agit-il du groupe Claridge?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: L'avez-vous appris pendant que vous travailliez au dossier, ou s'est-il simplement agi d'une sorte de...

M. Stehelin: Comme la plupart des gens, je l'ai appris lorsqu'on en a fait l'annonce.

Le sénateur Tkachuk: Au milieu du rapport du 17, vous étiez au courant de la participation de cette société, mais vous n'en étiez pas certain.

Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit.

M. Stehelin: La lettre du 2 mars...

Le sénateur Tkachuk: Oui, la lettre du 2 mars.

M. Stehelin: Le 2 mars, tous et chacun savaient qu'une entente avait été conclue entre Paxport et Claridge, que, faute de mieux, j'appelle Claridge, parce que j'ai toujours eu du mal à dire T3LPCO.

Le sénateur Tkachuk: Oui, c'est ce que je fais, moi aussi. Cela sera très utile.

M. Stehelin: Une entente avait été conclue. J'avais lu l'entente, j'avais lu la lettre d'intention, si bien que je connaissais les modalités générales de l'entente entre Paxport et Claridge.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque vous évoquez la possibilité de financer le projet total d'entrée de jeu, c'est-à-dire les 850 millions de dollars, je suis quelque peu dérouté parce que, si on avait eu les 850 millions de dollars, on aurait tout construit, mais nous savons que cela aurait été très difficile, car il aurait fallu, pour ce faire, fermer toute une section de l'aéroport. Est-ce donc ce que... c'est que je suis simplement un peu... si vous pouviez simplement démêler un peu les choses, parce que vous étiez vraiment très bien parti.

M. Stehelin: Regardez le schéma de décision. Il s'agit de l'approche la plus simple que nous ayons pu produire.

D'abord, on pose la question suivante: pouvez-vous financer 850 millions de dollars? Si la réponse est oui, vous savez, c'est très simple. À supposer qu'il se trouve quelqu'un qui dit: "Oui, je connais une personne ou des gens qui libelleront un chèque de 850 millions de dollars, allons-y", il n'y a pas de problème. Si la réponse est non, l'opinion de Wood Gundy et, je crois, l'opinion de tout autre conseiller financier que le comité invitera à témoigner sera que personne, si vous vous tournez vers le marché et tentez de lever ces fonds, ne vous accordera un financement garanti de 850 millions de dollars.

Voilà qui nous amène à la deuxième possibilité, celle selon laquelle le projet peut être financé en partie, qu'on retrouve dans le cercle figurant sous "NON". Si le gouvernement offre des garanties, vous pouvez revenir à "OUI".

Dans l'hypothèse où le gouvernement aurait été disposé à garantir la transaction, mon opinion aurait été différente. La position du gouvernement était la suivante: "Non, nous n'allons nullement contribuer à ce financement, c'est-à-dire que nous n'allons pas fournir de garantie." Voilà qui nous ramène à la question de savoir si le projet pouvait être financé en partie. Oui. Nous étions d'avis que cela était possible, c'est-à-dire qu'on pourrait procéder à une construction par étapes.

Si la réponse est oui, c'est-à-dire qu'il est possible d'aller de l'avant grâce à un financement partiel du projet, quels sont les enjeux et que faut-il faire pour aller d'où nous sommes aujourd'hui, c'est-à-dire en 1993, jusqu'en 1996?

Selon la ventilation initiale à laquelle nous avons abouti, leur projet reposait, jusqu'en 1996, sur un endettement de 285 millions de dollars, ainsi que sur des capitaux propres de 60 millions de dollars. Si on reporte plus loin, ils allaient devoir contracter une dette additionnelle de 330 millions de dollars et mobiliser des capitaux propres de 40 millions de dollars de plus.

Pour leur permettre de franchir le premier obstacle, c'est-à-dire la première phase du petit schéma de décision, la dette de 285 millions de dollars et les capitaux propres de 60 millions de dollars, il fallait s'attaquer à la question du calendrier de la remise en valeur de l'aérogare 1. Il fallait s'attaquer à ce problème. À moins que l'on ne soit en mesure de préciser exactement comment on allait démolir des installations et les mettre en valeur tout en gardant l'aéroport ouvert, aucun bailleur de fonds n'allait se sentir en confiance, puisqu'il s'agissait là d'une composante importante de la première phase. Il fallait composer avec les usagers, c'est-à-dire Air Canada, de l'aérogare 1, les principaux usagers, les principales sources de rentrées.

Voulaient-ils que le marché soit conclu? Étaient-ils disposés à signer un nouveau bail? Le cas échéant, étaient-ils disposés à payer, puisque cela aurait des répercussions sur la capacité financière?

Il fallait aussi composer avec la question de la main-d'oeuvre. Il fallait s'occuper des rendements garantis. Comment allait-on s'assurer que les employés, aux stades un et deux, fourniraient le rendement qu'ils s'étaient engagés à fournir? Et il fallait se protéger, le "se" désignant la Couronne. Que ferait-on si les promoteurs faisaient défaut à leur obligation? Voilà les grandes questions auxquelles il allait falloir s'attaquer.

Passons maintenant à la deuxième tranche de 330 millions de dollars et aux 40 millions de dollars de capitaux propres qu'il allait falloir mobiliser. L'ensemble de la transaction était structuré autour d'un endettement de 75 p. 100 contre des capitaux propres de 25 p. 100, ce qui n'est pas déraisonnable dans ce genre de transaction. Nous sommes d'accord? Pour passer au deuxième stade, ils devaient donc obtenir des capitaux propres de 40 millions de dollars. Nous sommes toujours d'accord?

Au premier stade, le rendement devait donc correspondre aux prévisions. Aucun prêteur n'allait risquer 330 millions de dollars de plus si les promoteurs n'avaient pas fait ce qu'ils s'étaient engagés à faire au premier stade. En vertu des deux scénarios, les bailleurs de fonds, en effet, seraient vraisemblablement les mêmes. D'accord?

La croissance du trafic. En cas de recettes insuffisantes, les prêteurs n'auraient pas investi 330 millions de dollars de plus, ce qui aurait empêché les promoteurs de respecter le ratio emprunts/capitaux propres de 75-25.

Une constante avait trait à l'incertitude qui entourait l'avenir de l'industrie aérienne en général, non seulement au Canada, mais dans le monde entier. On en a donc conclu que si la question des 285 millions de dollars pouvait être réglée, il devenait possible de financer le projet. Nous sommes d'accord?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Stehelin: Si les promoteurs fournissent un bon rendement et qu'on s'attaque aux autres questions, la croissance. Personne ne veut d'un autre Mirabel, le secteur privé et les bailleurs de fonds encore moins que tout autre. Alors, oui, vous pouvez passer à la phase suivante.

Voilà donc l'approche adoptée. Voilà comment on a tenté d'expliquer aux gens pourquoi, dans le monde réel, il était impossible d'obtenir 850 millions de dollars garantis à 100 p. 100.

Le sénateur Tkachuk: Les promoteurs, et j'utilise le pluriel parce que nous avons ici affaire aux deux, vous avez fait référence à la participation de Wood Gundy et d'autres associés. Eux-mêmes, ils comprenaient qu'ils devaient financer l'accord et qu'ils devaient surmonter certains obstacles avant de passer à l'étape suivante.

M. Stehelin: "Ils" désignant les promoteurs?

Le sénateur Tkachuk: Les gagnants et les perdants, qui étaient maintenant...

M. Stehelin: Les sociétés Claridge et Paxport étaient conscientes des problèmes. On n'a pas affaire ici à des enfants d'école, et toutes deux savaient ce qu'elles devraient faire pour obtenir le financement, c'est juste.

Le sénateur Tkachuk: À mesure que le temps a passé et que vous êtes allé à... je remarque que, le 17 août, vous avez adressé une autre note de service à M. Rowat à propos des possibilités de financement. Le ton est différent, mais il fallait tout de même avancer puisque, de toute évidence, on allait donner suite au contrat. Sous "possibilité de financement", on retrouve:

À notre avis, la transaction telle que présentée dans les projections financières de Mergeco du 23 juillet 1993 peut être financée.

Est-ce parce que, au cours de l'été, ils avaient entrepris des négociations, ou qu'ils avaient éliminé certains des problèmes, ou encore qu'ils avaient accepté l'idée d'un aménagement par étapes? Je comprends vos réticences initiales parce que, au départ, le contrat n'a donné lieu à aucune négociation, mais nous sommes maintenant en août. En votre qualité de conseiller, étiez-vous convaincu que le marché pouvait être conclu, pour peu que certaines conditions énoncées à la page 4 soient remplies?

M. Stehelin: Vous me demandez si, à mon avis, le marché pouvait être conclu?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Stehelin: Je n'aime pas beaucoup qu'on extraie quelque chose d'une lettre sans tenir compte de ce qui précède.

À condition que tous les problèmes énoncés dans la lettre aient été résolus dans les accords finaux, la transaction pouvait être financée.

Le sénateur Tkachuk: Oui, je comprends que vous aviez, que, en votre qualité de conseiller, vous ayez soulevé des questions qui devaient être résolues.

M. Stehelin: Tenons-nous-en à la réalité. Nous sommes maintenant en 1995.

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Stehelin: Si le projet avait débuté en 1993, un débat ferait rage aujourd'hui quant à savoir s'il convient de passer à la phase suivante puisque, à Pearson, l'achalandage revient aujourd'hui seulement à, il ne correspond pas à ce que tous prévoyaient pour 1995-1996. À supposer que l'achalandage ait augmenté de façon générale comme on le prévoyait, et, dans ce domaine, la boule de cristal des uns valait bien celle des autres. L'industrie n'a pas fait mieux que Transports Canada, et vice versa. À supposer que l'achalandage ait augmenté, l'un des problèmes est que l'achalandage n'a pas augmenté comme chacun l'avait escompté. Seuls ont crû les trafics transfrontalier et international. Si l'achalandage avait augmenté et qu'on avait réalisé les aménagements, oui, le projet aurait été viable à condition qu'il puisse obtenir l'argent; mais, si l'achalandage était demeuré exactement au même point qu'en 1993, on se serait un jour interrompu en disant: "C'est tout. Nous allons attendre que le projet se justifie du point de vue économique."

Le sénateur Jessiman: Puis-je poser une question pour nous aider à comprendre?

Vous avez dit que les capitaux propres étaient de 25 p. 100, et les emprunts, de 75 p. 100.

M. Stehelin: En gros, oui.

Le sénateur Jessiman: En gros, il s'agit donc de capitaux propres de 212 500 et d'emprunts de 637 500. Je viens tout juste d'examiner le ratio emprunts/capitaux propres ici, et dans un cas, il s'agit d'emprunts de 82 p. 100 et de capitaux propres de 17 p. 100, et dans l'autre, d'emprunts de 89 p. 100, et de capitaux propres de 10,8 p. 100. Comment aboutit-on à la proportion de 75-25?

M. Stehelin: L'écart s'explique par ce qui allait être considéré comme des capitaux propres sur leur bilan d'activités.

Le sénateur Jessiman: Cet argent...

M. Stehelin: Il s'agit d'une somme qu'ils allaient devoir lever, faute de quoi quelqu'un allait devoir leur faire un chèque.

Lorsqu'on examine la transaction finale, l'une des principales préoccupations que soulevait la deuxième phase était que, selon leurs projections, les promoteurs n'allaient pas disposer des capitaux nécessaires à la deuxième transaction les obligeant à contracter une dette élevée. Voilà donc pourquoi la transaction exigeait une réserve de caisse.

Le sénateur Jessiman: Ce sont les 5 millions de dollars?

M. Stehelin: De 5 millions de dollars.

Le sénateur Jessiman: Comment aboutit-on à 28 millions de dollars?

M. Stehelin: Utilisez les intérêts composés. Investissez 5 millions de dollars par année et prenez les intérêts. Ils n'étaient pas autorisés...

Le sénateur Jessiman: Oh, de l'argent est investi chaque année.

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Jessiman: Lorsque j'ai fait le calcul des intérêts, je n'ai pas abouti à 28 millions de dollars, je n'ai pas eu à être...

Le sénateur Kirby: J'ai eu le même problème. Je faisais le calcul dans ma tête.

M. Stehelin: Pour le meilleur ou pour le pire, cela a été l'une de mes meilleures idées.

Le problème, c'est que les projections ne portaient que sur trois ans. Le bilan n'avait pas l'air bien fameux, et il ne l'était pas. Vous savez, on nous demandait de dire si les institutions accepteraient de financer la transaction. À l'examen des chiffres, nous avons conclu que le financement allait poser un problème. Nous sommes d'accord?

On peut aborder le problème d'un certain nombre de façons. On peut obtenir une garantie. On peut obtenir une lettre de crédit. On peut mettre de l'argent de côté. On peut contraindre les dividendes. On peut faire un grand nombre de choses. En fait, un grand nombre de ces choses se produisent dans les transactions finales... ma position était la suivante: "Lorsqu'ils en seront là, je tiens à savoir qu'ils ont en main l'essentiel de ces 40 millions de dollars." D'accord? Voilà le compromis auquel nous avons abouti.

Le sénateur Jessiman: Où sont les 84 millions de dollars que Claridge a avancés, ici, quelque part?

M. Stehelin: Les 84 millions de dollars font partie du bilan de l'aérogare 3. C'est la dette que Claridge a contractée lorsque l'aérogare 3 a été construite.

Le sénateur Jessiman: Pour Claridge, il s'agit donc d'une dette?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Jessiman: Je vois.

Le sénateur Kirby: C'est ce que je comprends. Je n'ai jamais vu la documentation.

Le sénateur Jessiman: Et ils avaient des mouvements de trésorerie positifs, et leur bilan était relativement bon?

M. Stehelin: L'aérogare 3 a toujours eu des mouvements de trésorerie positifs. Même en 1992-1993, elle a eu des mouvements de trésorerie positifs.

La Couronne avait garanti une marge de crédit. Je pense qu'elle était de l'ordre de 20 millions de dollars. On n'y a jamais eu recours. L'aérogare 3 s'est donc relativement bien tirée d'affaire.

Le sénateur Jessiman: Vous avez bien dit "la Couronne"?

M. Stehelin: Oui, dans la transaction relative à l'aérogare 3.

Le sénateur Jessiman: Je ne le savais pas. Dans ce cas-ci, cependant, le gouvernement refusait de le faire.

M. Stehelin: Non. Le gouvernement n'était pas disposé à le faire. Il n'y avait pas de garantie.

Le sénateur Jessiman: Ainsi donc, l'autre transaction a été supérieure de ce point de vue aussi.

M. Stehelin: Même compte tenu de la situation dans laquelle Canadien se trouvait à l'époque, l'aérogare 3 a toujours eu des mouvements de trésorerie positifs.

Le sénateur Jessiman: Très bien. Merci.

Je m'excuse, mais cela clarifie la situation pour moi. J'espère au moins qu'il en sera de même pour certains autres.

Le sénateur Tkachuk: Il ne me reste qu'une question. Monsieur le président, je reviendrai sur ce point. Il est possible que mon temps soit écoulé, mais je tiens à soulever un dernier point.

À la page 6, je m'excuse. À la page 8 de la note de service du 17 août, à laquelle j'ai déjà fait allusion, vous concluez qu'un taux après impôt de... et je tiens pour acquis qu'il s'agit du rendement sur les investissements... de 12 à 16 p. 100 est raisonnable.

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Comment en êtes-vous venu à cette conclusion? Je sais que cela figure dans la documentation, mais j'aimerais que le compte rendu en fasse état. Je pourrais peut-être le lire, mais je n'y tiens pas vraiment, parce que je crois que vous pouvez récapituler. Vous soulevez là un certain nombre de points.

M. Stehelin: À propos du rendement sur les investissements, nous pourrions entrer dans une discussion considérable, profonde et complexe.

Le sénateur Tkachuk: Je suis certain que nous le ferons aujourd'hui.

M. Stehelin: Il n'y a pas de comparaison possible. Dans le monde entier, la seule transaction comparable est la British Airports Authority, c'est-à-dire une société dont les titres ont fait l'objet d'un appel public à l'épargne. Elle est inscrite à la bourse du Royaume-Uni.

Le sénateur Jessiman: Toutes les actions ont-elles été maintenant vendues, ou le gouvernement détient-il encore un certain nombre d'entre elles?

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Jessiman: Elles ont toutes été vendues?

M. Stehelin: La British Airports Authority est entièrement passée dans le domaine public. Elle fait l'objet d'un examen tous les cinq ans. Intéressons-nous d'abord à elle.

Le sénateur Jessiman: D'accord.

M. Stehelin: Le rapport suivant est publié, et vous pourrez le lire si vous avez le goût de vous ennuyer. Il s'agit du document que publie tous les cinq ans la commission des monopoles et des fusions chargée de l'examen du cas de la British Airports Authority.

Le sénateur Jessiman: Votre firme internationale y est-elle mêlée?

M. Stehelin: Non.

La commission des monopoles et des fusions est un organe gouvernemental. L'examen a pour but d'évaluer les taux fixés par la British Airports Authority.

Le taux de rendement... il est ici question de 1991. Le taux de rendement autorisé, s'il était appliqué au même titre qu'il le serait au Canada en situation de monopole, serait de 16 p. 100.

Le sénateur Jessiman: Après ou avant impôt?

M. Stehelin: Après impôt.

Ils attirent maintenant des capitaux. Ils exécutent de grands projets. Aux yeux de la commission britannique des monopoles, il s'agit d'un taux de rendement raisonnable.

Le sénateur Jessiman: Nombre d'entre nous considérons qu'il s'agit d'un taux élevé de rendement, mais il s'assortit de risques élevés. Ce que je veux dire, c'est qu'on n'obtient pas ce genre de taux de rendement...

M. Stehelin: Une fois de plus, nous pourrions consacrer toute la journée à cette discussion.

La British Airports Authority et la commission des monopoles chargée de cela considèrent... c'est intéressant. Elles considèrent que le risque n'est ni faible ni élevé. Je ne sais pas bien ce que cela veut dire. Si elles agissent de la sorte, c'est parce qu'un certain pourcentage des recettes, comme cela se serait produit à Pearson, comme cela se produit à Pearson, sont des recettes de type monopolistique. D'accord? Une bonne partie du rendement versé aux bénéfices nets est assortie de risques. Combien d'argent une personne dépense-t-elle pendant son séjour à l'aéroport? À Heathrow, le chiffre est énorme. Chaque personne qui passe par l'aéroport dépense quelque chose comme 25 livres. Voilà ce que les gens dépensent à l'aéroport. Cela n'a rien à voir avec le reste. D'accord?

Le sénateur Jessiman: Je croyais que ce chiffre se situait entre 2 et 7 $.

M. Stehelin: Non, il en coûte de 2 à 7 $ pour les compagnies aériennes.

Le sénateur Kirby: Il fait référence à l'argent dépensé dans les boutiques.

Le sénateur Jessiman: Très bien.

M. Stehelin: Il s'agit simplement de l'argent que les gens dépensent dans les boutiques hors-taxe, où ils achètent une cravate, une chemise, un ourson en peluche ou une bague de diamants. C'est un chiffre énorme, vraiment énorme. Soit dit en passant, les prix sont les mêmes que ceux qu'on pratique à Londres. D'accord? Un facteur de risque s'y rattache donc puisque l'argent que les gens dépensent est fonction de la perception qu'ils ont d'eux-mêmes et de l'état de l'économie.

Quoi qu'il en soit, la British Airports Authority... il s'agit d'un document déroutant mais, si on essaie d'établir une base de comparaison commune, la British Airports Authority n'examinera aucun nouveau projet non susceptible de lui rapporter un rendement après impôt de 18 p. 100. Ils n'entreprendront pas la construction d'une nouvelle aérogare ou quoi que ce soit si un rendement après impôt de 18 p. 100 ne leur est pas assuré.

DS Marcil a réalisé une étude que vous avez peut-être aperçue dans les documents qui vous ont été remis. On dit que 14,5 p. 100 constitue un taux de rendement raisonnable. D'accord? Il s'agit de l'étude concernant les pistes. Si quelqu'un allait financer ce projet et investir, voilà ce qu'on considère comme un taux de rendement raisonnable. D'accord?

Je vous ai remis un petit tableau. Il s'agit de la dernière page de la trousse. Ce n'est pas moi qui traite avec les organismes de réglementation et comparaît à tout moment devant eux. C'est un associé de notre bureau de Toronto qui s'est occupé de cela.

Dans ce tableau, on retrouve ce qui s'est produit dans les services publics canadiens ou dans le secteur des industries réglementées entre 1993 et 1994. D'accord?

Maintenant, la position adoptée par Wood Gundy en 1993 était que les services publics bénéficiaient d'un taux de rendement de 11,5 à 12,3 p. 100. Selon cette firme, voilà le taux de rendement qu'un monopole pur aurait recherché et aurait été autorisé à obtenir. Il s'agit toujours de chiffres après impôt puisqu'on ne peut jamais déterminer de façon précise ce que, l'impôt est un chiffre qui varie selon la structure de l'entreprise, les droits de propriété et toute une série d'autres facteurs, par exemple, l'importance de la dette, et cetera. Voilà pourquoi la plupart des gens qui s'intéressent à cette question utilisent des chiffres après impôt.

Le sénateur Jessiman: D'accord.

M. Stehelin: Vous pouvez parcourir la liste.

Ce qui est aussi intéressant à ce propos, c'est qu'on peut se faire une idée des capitaux propres dont disposent ces monopoles et du rendement qu'ils recherchent. Si on prend la commission des services publics de la Colombie-Britannique, B.C. Gas, on constate que le taux de rendement sur les investissements est de 10,75, et celui de Pacific Northern, 11,5 p. 100. Ce chiffre fluctuera selon la situation générale des marchés financiers. Jusqu'à un certain point, voilà une conséquence du raisonnement qui amène les gens à se demander s'ils pourraient obtenir plus en investissant leur argent ailleurs. Car, en effet, on s'efforce sans cesse d'attirer des capitaux. Les taux de rendement varient donc, mais, de façon générale, ils varient entre 11 p. 100, 12,25 p. 100, 12,5 p. 100, et cetera.

Comme nous le savons, les taux d'intérêt ont diminué à la fin de 1993 et au début de 1994, ce qui aura des répercussions sur les taux de rendement.

Pour vous donner une idée de ces répercussions, les taux de rendement étaient, dans les années 1980, de 14 à 17 p. 100, parce que les taux d'intérêt étaient plus élevés.

Le ratio emprunts/capitaux propres a aussi un rôle à jouer. En d'autres termes, plus les capitaux propres sont élevés, et moins le taux de rendement a à être élevé, n'est-ce pas? Théoriquement, il s'agit d'un investissement plus sûr, parce que les risques portent d'abord sur les capitaux propres. Voilà qui vous donne une idée de ce qui s'est produit au sein du marché.

Dans les années 1980, les taux de rendement étaient, je l'ai dit, de 14 à 17 p. 100. Si on préparait le même tableau pour la période qui s'étend du milieu jusqu'à la fin des années 1980, on aboutirait à des résultats de cet ordre. Comme je l'ai dit, tout dépend des taux d'intérêt. Si on le faisait aujourd'hui, les taux de rendement seraient probablement plus élevés de trois quarts de point ou de un point, ou quelque chose du genre, parce que les taux d'intérêt sont plus élevés. Comme point de comparaison, on utilise toujours les obligations du gouvernement du Canada d'une durée identique. Voilà pourquoi on entend toujours les gens dire combien il leur en coûte de plus que pour des obligations du gouvernement du Canada d'une durée de 10, 20 ou 30 ans.

Le président: Sénateur Tkachuk, le sénateur Jessiman et vous avez à vous deux utilisé 30...

Le sénateur Jessiman: J'ai posé une question.

Le président: Vous en avez posé plus d'une.

Le sénateur Jessiman: Excusez-moi. Je n'ai même pas commencé.

Le président: Quelque 34 ou 35 minutes se sont déjà écoulées. Combien de temps vous faudra-t-il encore?

Le sénateur Tkachuk: Mon dernier point est... je veux revenir, mais je tiens à réfléchir à propos de ce qu'il a dit. Ma demi-heure est presque terminée, et je ne veux pas attaquer la suivante. Je vais en rester là, ce qui vous permettra de passer au suivant. Je reviendrai peut-être. Je n'en suis pas certain, cependant.

Le président: Sénateur Kirby, vous avez 35 minutes.

Le sénateur Kirby: Je me suis rendu compte que son temps était écoulé, mais cela ne m'a pas gêné. C'est bien.

Le sénateur Tkachuk: Cela m'a gêné, moi, Michael.

Le président: Votre première ronde de questions, sénateur Kirby. Nous pourrons revenir.

Le sénateur Kirby: Je ne vais pas procéder dans l'ordre parce que je veux revenir sur un point soulevé par le sénateur Tkachuk et au sujet duquel vous avez fait des commentaires.

Étant donné les données, le tableau que vous nous avez remis, comme vous dites, la moyenne était de 11 à 12,3 p. 100... je crois que vous avez dit de 10,5 à 12,3 p. 100. Le chiffre de 14 p. 100 auquel vous avez abouti dans votre rapport du 17 août est supérieur à cette fourchette, il est clairement supérieur à cette fourchette, mais le considérez-vous comme extrêmement élevé ou tout juste un peu supérieur à la fourchette?

M. Stehelin: Non. Compte tenu des facteurs de risque associés à la transaction et de l'importance des capitaux propres en jeu, et les facteurs de risque qui sont des choses comme... quiconque croit qu'un aéroport constitue un monopole pur ne comprend rien aux aéroports. Ils sont sujets aux fluctuations des marchés. Nous sommes d'accord?

Le sénateur Kirby: Étant donné la garantie relative au déroutement des passagers, il s'agissait de fait d'un monopole visant jusqu'à 33 millions de passagers.

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Kirby: En ce sens que l'aéroport de Hamilton n'aurait pu être agrandi et que celui de Pickering n'aurait pu être aménagé.

M. Stehelin: Non. "Monopole" signifie qu'on peut refiler tous les coûts à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Kirby: Oh. Vous utilisez donc le mot "monopole" dans un sens différent.

M. Stehelin: J'utilise le mot "monopole" au sens financier uniquement.

Le sénateur Kirby: D'accord.

M. Stehelin: D'un point de vue politique, votre définition du mot est probablement différente de la mienne.

Le sénateur Kirby: Non, mais vous voulez dire par "monopole" que le consommateur n'a absolument aucun autre choix.

M. Stehelin: Pour dire les choses de façon un peu plus définie, le monopole, l'entité, a toujours la capacité de refiler à d'autres 100 p. 100 de ses coûts. D'accord? Dans une véritable situation de monopole, Ontario Hydro, si ses coûts augmentent, a la capacité, cela risque de déplaire aux consommateurs...

Le sénateur Kirby: Parce qu'il s'agit d'un service essentiel.

M. Stehelin: ...mais la société a la capacité de refiler à d'autres 100 p. 100 de ses coûts.

Dans cette situation, la British Airports Authority, pour prendre un autre exemple, ne pourrait refiler que... si on s'en tient aux coûts du financement, restons-en là pour le moment, elle ne peut refiler que 75 p. 100 de ses coûts. Voilà probablement où on aurait abouti. Il y a donc un seuil au-delà duquel le marché dira oui ou non. Si vous exigez 14 $ pour un hot-dog, le marché a la possibilité de dire non. D'accord?

Le sénateur Kirby: Pour calculer le taux de rendement, qui repose manifestement sur les gains réalisés par les investisseurs, tenez-vous compte du fait que divers frais leur sont peut-être versés, frais de gestion, honoraires d'experts-conseils, et tout le reste? Cela fait-il partie de leur taux de rendement, ou s'agit-il d'un rendement qui ne fait pas partie intégrante du TRI?

M. Stehelin: Il s'agit de tout autre chose. Vous faites maintenant allusion à la question de 84 millions de dollars, et vous abordez les frais qui seront versés aux diverses parties à la transaction.

Le sénateur Kirby: Exact.

M. Stehelin: Il y a deux composantes. Permettez-moi d'abord de faire certains commentaires à propos des 84 millions de dollars. À propos de cette somme, les paiements d'intérêt ou les sommes affectées au remboursement de la dette ne font pas partie des 14 p. 100.

Le sénateur Kirby: D'accord, c'est ce que je m'étais dit.

M. Stehelin: Il s'agit de dettes contractées à l'occasion de la construction de l'aérogare 3. La seule façon d'arriver à ce chiffre et de dire qu'il ne vous plaît pas consiste à affirmer que l'aérogare 3 ne valait pas 600 millions de dollars, ou qu'importe, tout en tenant pour acquis qu'il ne fait pas partie des 14 p. 100.

L'autre enjeu a trait aux sommes que les parties concernées toucheront en sus du rendement sur leur investissement? D'accord?

Le sénateur Kirby: C'est juste.

M. Stehelin: Très bien. Foncièrement, nous avons eu affaire à trois types, je pense qu'il y avait effectivement trois types de choses. Il y avait les frais de construction. Ce sont les frais versés aux personnes qui se sont occupées de l'aménagement et de la construction. Ils ne font pas partie des 14 p. 100. D'accord?

Le sénateur Kirby: D'accord.

M. Stehelin: Si vous vous intéressez aux accords de partenariat conclus entre les parties et aux petits caractères des documents relatifs à la transaction finale, vous constaterez que la façon dont on s'est attaqué à ce problème, la façon dont tous ont tenté de s'attaquer au problème que représentent ces frais, particulièrement Claridge... il est probable que cette question préoccupait Claridge plus que tout autre, et que les frais imposés devaient correspondre à la juste valeur marchande. Ainsi donc, si les frais de construction normaux...

Le sénateur Kirby: Du point de vue de la construction.

M. Stehelin: À propos de la construction.

Le sénateur Kirby: Qu'en est-il des honoraires d'experts-conseils?

M. Stehelin: Le mot d'ordre que se sont donné les parties à la transaction et que tous se sont efforcés de respecter et de transposer dans l'entente était que les honoraires devaient correspondre à la juste valeur marchande. Vous savez, c'est toujours un problème. Comment établit-on la juste valeur marchande? Voilà comment on a cherché à s'attaquer au problème.

Le sénateur Kirby: Par exemple, des honoraires d'experts-conseils de 350 000 $ par année pour dix ans devaient être versés à l'une des sociétés du groupe Matthews. Quant à Paxport International Inc., elle devait recevoir 4 millions de dollars au minimum pour faire la promotion de l'expertise canadienne en matière de développement. D'autres frais de gestion de l'ordre de quelques millions de dollars devaient être versés à la Pearson... à une société de gestion. Tous ces frais étaient-ils inclus, ou s'ajoutaient-ils au taux de rendement de 14 p. 100?

M. Stehelin: D'accord, on doit maintenant diviser ces frais en deux types. Certains d'entre eux étaient destinés à... lorsqu'on examine les projections et qu'on se plonge dans les chiffres, on constate que certains de ces frais visaient à couvrir les dépenses de l'aéroport que la direction avait assumées. Retenons d'abord le plus simple à comprendre. Le système de comptabilité en place allait être éliminé. Le système gouvernemental allait être mis au rebut, mais on avait besoin d'un système de comptabilité. Il devait être intégré à celui mis en place pour l'aérogare 3. Il y aurait un système, et, à ce titre, des frais allaient être imposés aux aérogares. D'accord? Dans ce cas, on substituait une dépense à une autre, et elle était enterrée sous un chiffre rangé dans la rubrique "frais de gestion". Voilà donc l'une des composantes.

Les autres types de frais auxquels vous faites allusion, par exemple, les frais de construction ou les 350 000 $, ne sont pas inclus. Ce sont des dépenses non habituelles. Elles n'étaient pas liées à l'exploitation de l'aéroport, ni directement, ni au moment où elles étaient engagées.

Le sénateur Kirby: Par conséquent, c'étaient des sommes que les investisseurs auraient touchées en sus du taux de rendement?

M. Stehelin: Dans certains cas, oui.

Le sénateur Kirby: Par conséquent, jusqu'à un certain point, vos chiffres sous-estiment, je ne dis pas que vous ayez tort. Du point de vue de la comptabilité, je comprends exactement ce que vous avez fait, mais, de façon générale, vos chiffres sous-estiment de façon marquée les sommes qu'auraient touchées les investisseurs.

M. Stehelin: Eh bien, je ne dirais pas "sous-estiment de façon marquée".

Le sénateur Kirby: Je me ferais un plaisir de retirer les mots "de façon marquée".

M. Stehelin: Il y a certaines choses... les documents relatifs au partenariat étaient structurés de telle manière que l'intention entre les associés... ne perdez pas de vue que, à ce moment, certains des associés qui, au départ, occupaient une position proéminente se retrouvaient, au bout du compte, avec la portion congrue.

Le sénateur Jessiman: Il n'y avait pas non plus de lien de dépendance.

Le sénateur Kirby: Non, les honoraires d'experts-conseils n'étaient pas sans lien de dépendance.

Le sénateur Jessiman: Bien sûr que oui.

Le sénateur Kirby: Excusez-moi. Ils n'étaient pas sans lien de dépendance. Ils étaient tous... ceux à propos desquels j'ai...

Le sénateur Jessiman: Ils l'étaient.

Le sénateur Kirby: En toute justice, ceux à propos desquels j'ai posé des questions précises...

Le président: Ça suffit.

Le sénateur Kirby: Tout ce que je dis, monsieur le président... il a dit que les honoraires d'experts-conseils étaient sans lien de dépendance. Tout ce que je dis, c'est que les transactions conclues avec Matthews Investment Inc., Paxport International Inc., Pearson Airport Management Inc., et cetera, ne sont pas sans lien de dépendance. C'est tout ce que j'ai dit.

Le sénateur Jessiman: Avec Claridge, ils l'étaient.

Le sénateur Kirby: Oh, avec Claridge. Excusez-moi. Je ne vous ai pas entendu faire cette précision.

Le sénateur Jessiman: Claridge devait les approuver.

M. Stehelin: La seule réponse que je puisse vous donner à ce propos est qu'on doit aborder la transaction du point de vue de tous les accords de partenariat conclus, depuis le sommet jusqu'à la base. Si vous n'abordez pas la transaction dans son ensemble, tout paragraphe des ententes peut être démoli. On peut le faire si on prend chaque élément séparément.

Le sénateur Kirby: En fait, je me suis efforcé d'éviter de le faire.

Tout ce que j'essayais de dire, c'est que, à la page 6 de votre lettre du 17 août... je veux simplement m'assurer que je comprends ce que la phrase suivante veut dire. Vous écrivez:

Certains frais de gestion liés à la construction versés au groupe Matthews en cours de développement et d'autres honoraires d'experts-conseils versés à d'autres membres du groupe pour des services divers n'ont pas été pris en considération dans le calcul du TRI, établi à 14 p. 100.

Je voulais simplement m'assurer de bien comprendre la question des frais.

Soit dit en passant, vous ajoutez que vous allez faire rapport à ce sujet et présenter une analyse sous pli séparé. L'avez-vous fait?

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Kirby: Vous ne l'avez pas fait. D'accord, parce que nous ne l'avions pas. D'accord.

Ross, puis-je revenir dans ce cas au début de mon document C?

En fait, je vais vous remettre un document, histoire simplement de vous faciliter la vie, mais je l'ai numéroté de façon à pouvoir le remettre sans mal à mes collègues.

Il s'agit du rapport d'une conversation téléphonique que vous avez eue avec Donald Matthews, le 11 février 1993. Je dois avouer que vous n'avez pas votre pareil pour résumer les conservations téléphoniques. Le texte est facile à comprendre, ce qui est bien parce qu'il s'agit d'une transaction complexe.

Après votre conversation avec M. Matthews, le rapport de votre conversation téléphonique établit clairement que vous tentiez de comprendre d'où les 20 millions de dollars de capitaux propres allaient provenir, et il vous a dit qu'il avait conclu des ententes distinctes... je cite votre rapport:

MGL...

Matthews Group Limited...

...a conclu des ententes distinctes avec l'une de ses filiales pour le financement des 20 millions de dollars qui doivent être versés au moment de la cession.

À la lecture du reste du texte, il apparaît clairement qu'il ne vous a pas vraiment dit d'où les 20 millions de dollars allaient provenir, n'est-ce pas?

M. Stehelin: Vous avez raison.

Le sénateur Kirby: Pourquoi ne l'a-t-il pas fait? À votre avis, quelle en est la raison?

M. Stehelin: À l'heure actuelle, je pense que tout le monde sait d'où l'argent allait provenir. Je pense... vous pourriez être totalement machiavélique et dire qu'il n'a pas voulu me le dire parce qu'il s'agissait de quelque secret sombre et profondément enfoui. Si vous lisez l'entente conclue avec Allders... il avait conclu avec Allders une entente en vertu de laquelle cette société s'engageait à financer les 20 millions de dollars.

Le sénateur Kirby: Il a conclu cette entente en juin 1992, et nous sommes en février 1993, de sorte qu'il savait... l'entente visant les 20 millions de dollars avait été conclue beaucoup plus tôt.

M. Stehelin: Eh bien, répondre à cette question exigerait beaucoup de temps.

Le sénateur Kirby: Je voulais simplement mentionner la date, c'est tout. L'entente avait été conclue longtemps auparavant.

M. Stehelin: L'entente parle d'elle-même.

Le sénateur Kirby: D'accord.

M. Stehelin: Il avait conclu une entente avec une autre partie. Je lui ai demandé d'où les 20 millions de dollars allaient provenir. À sa décharge, je pourrais préciser qu'il n'était pas autorisé à divulguer cette information sans le consentement d'Allders. En réalité, c'est Allders, et non Matthews, qui m'a remis le document.

Le sénateur Kirby: C'est intéressant.

M. Stehelin: Parce qu'il s'agissait d'un document qui, en ce qui les concernait... j'ignore s'ils nourrissaient des inquiétudes à l'endroit des autres associés. Je ne suis pas en mesure de porter un jugement sur ce point.

De toute évidence, mon travail consistait à vérifier que les 20 millions de dollars étaient disponibles, et, je suis désolé, mais le simple fait que quelqu'un me dise qu'il a 20 millions de dollars ne suffit pas.

Le sénateur Kirby: Cela n'est pas très utile.

M. Stehelin: Nous nous en sommes donc occupés, et nous avons établi d'où les 20 millions de dollars allaient provenir.

Le sénateur Kirby: Je pense qu'il faudrait demander à M. Matthews pourquoi il ne voulait pas...

M. Stehelin: Je ne peux me permettre aucune insinuation.

Le sénateur Kirby: J'ignore si cela est par la suite apparu au grand jour.

Permettez-moi maintenant de vous demander où cela nous mène puisque, maintenant qu'on a les 20 millions de dollars... les actions de Paxport détenues par Matthews auraient été données en garantie contre au moins une portion de ces 20 millions de dollars, n'est-ce pas?

M. Stehelin: C'est juste.

Le sénateur Kirby: Ici, vous allez devoir m'aider, parce que je suis dérouté par de telles transactions commerciales. Si Matthews avait échoué et qu'Allders s'était retrouvé avec les actions, quel est le pourcentage qui aurait été laissé... dans les faits, Allders aurait pris le contrôle de T1T2, se serait retrouvé en position de commande, n'est-ce pas? J'ai trouvé ce renseignement... je vais vous dire où je l'ai trouvé.

Il s'agit d'un tableau, c'est-à-dire du document F. C'est simplement un tableau que vous avez tracé pour tenter... vous l'avez fait, Dieu merci, parce que j'avais tenté d'y parvenir sans ce document. Dans le tableau, vous vous efforcez de montrer les actions de Paxport détenues par les divers intéressés. Si Allders était entré en possession des actions de Matthews dans l'hypothèse où cette dernière aurait fait défaut à ses obligations, Allders se serait retrouvé avec plus de 50 p. 100 des actions. Ai-je raison?

Le sénateur Jessiman: De Paxport ou de Pearson?

Le sénateur Kirby: De Paxport.

Le sénateur Jessiman: Il s'agit du premier marché.

Le sénateur Kirby: C'est juste.

M. Stehelin: Si Matthews avait fait défaut à ses obligations et qu'Allders était entré en possession des actions, Allders se serait retrouvé en position de commande.

Le sénateur Kirby: Allders est-elle une société canadienne? Le savons-nous?

M. Stehelin: Allders appartient à... il s'agit d'une société contrôlée par des Canadiens. À 49 p. 100, c'est... Allders PLC est une société avec actions émises dans le public.

Le sénateur Kirby: Au Royaume-Uni.

M. Stehelin: Au Royaume-Uni, et je crois qu'elle détient 49 p. 100 des actions d'Allders Canada.

Le sénateur Kirby: C'est ce que disent vos documents.

Vous pensez donc que... cela est compliqué. J'essaie de comprendre, parce que... et Agra détient le reste des actions, c'est-à-dire 51 p. 100, n'est-ce pas?

M. Stehelin: C'est juste.

Le sénateur Kirby: Agra est-elle une société contrôlée par des Canadiens?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Kirby: Dans le cadre de cette enquête, on constate que, même dans les situations où l'on se retrouve à 49 contre 51, il arrive parfois que le contrôle véritable ne soit pas exercé par le détenteur de la majorité des actions. Savez-vous qui contrôle effectivement Allders Canada? Vous n'aviez pas à regarder... je vais vous dire pourquoi la question se pose. Dans la demande de propositions, on a précisé de façon extrêmement explicite que la société avec qui le marché serait conclu devait être contrôlée par des Canadiens. En vertu de ce scénario, j'essaie de comprendre ce qui se serait produit si Matthews avait fait défaut à ses obligations et qu'Allders s'était retrouvé en situation de commande. Dans ce cas, le contrôle de l'opération aurait-il pu se retrouver aux mains d'une société qui, en vertu de la demande de propositions, n'était pas admissible?

M. Stehelin: Je pense que la réponse à cette question est que personne ne le savait, mais je vous dirai dès à présent...

Le sénateur Kirby: Personne ne le savait.

M. Stehelin: ...cet enjeu est devenu très important, en ce sens qu'on n'était pas disposé, dans le cadre de la transaction finale, à autoriser un tel montage.

Le sénateur Kirby: Excusez-moi. Cet enjeu est devenu important auprès de...

M. Stehelin: Dans le cadre des négociations, parce que la Couronne n'acceptait pas de se retrouver dans une situation en vertu de laquelle un important locataire aurait exercé le contrôle de l'aéroport, et je ne parle même pas du contrôle par une compagnie canadienne.

Je peux vous le dire, cette question a été difficile et longuement débattue. Lorsque cet enjeu s'est retrouvé sur la table, ma cote de popularité n'était pas à son plus haut. Ce que je veux dire, c'est que personne n'était heureux qu'il s'agisse d'un problème aussi grave.

Avec l'entrée en scène de Claridge, le problème ne se posait pratiquement plus puisque tout l'aspect de la prise de contrôle avait disparu: en effet, Claridge détenait 50 p. 100 des actions et ils détenaient 50 p. 100 des actions. La possibilité n'existait tout simplement plus.

La façon dont on a aussi réglé le problème entre... les actionnaires ne pouvaient détenir plus de 15 p. 100 des actions s'ils n'étaient pas sans lien de dépendance, et deux...

Le sénateur Kirby: Personne ne pouvait détenir plus que combien?

M. Stehelin: Quinze pour cent.

Le sénateur Kirby: Un, cinq. C'est ce que j'avais cru entendre.

M. Stehelin: L'autre aspect était que, en attendant que tout le processus soit terminé, on ne pouvait faire étalage de son intérêt. Il s'ensuivit des journées de pourparlers et de négociations à propos de ces enjeux. À ce moment, il s'agissait d'une question fort importante puisqu'on s'était aperçu que le scénario que vous avez décrit aurait pu se réaliser.

Le sénateur Kirby: Mais le scénario que j'ai décrit aurait pu se réaliser, je comprends comment vous avez pu contourner le problème au moment de l'entrée en scène de Claridge. Avant, c'est-à-dire lorsqu'on examine la réponse de Paxport à la demande de propositions, à l'époque où Claridge ne faisait pas partie de Mergeco et que Paxport faisait cavalier seul, il aurait pu se réaliser. Dans ces circonstances, la réponse à la... il aurait fallu déclarer Paxport inadmissible du simple fait que la société aurait pu échapper au contrôle des Canadiens.

M. Stehelin: Je ne vois pas comment vous pouvez passer de cette possibilité au fait de juger irrecevable une réponse à une demande de propositions. C'était un problème. À l'époque où Claridge n'était pas à la table, c'est-à-dire aux stades initiaux, au moment où tous s'efforçaient de déterminer comment donner suite à tout cela. "Puisque nous ne pouvons nous permettre que les choses évoluent de la sorte, comment pouvons-nous régler le problème?" C'était aussi simple que cela. On ne s'est nullement préoccupé de la conformité à la demande de propositions. Telle n'était pas la question.

Le sénateur Kirby: Plus tard, c'est devenu l'enjeu à régler.

M. Stehelin: "Voilà un problème: nous devons le résoudre."

Le sénateur Jessiman: Mais des Canadiens détenaient 51 p. 100 des actions. Ai-je raison sur ce point? Vous avez dit que les Britanniques détenaient 49 p. 100 des actions.

Le sénateur Kirby: Ce sont des sociétés publiques. On ne sait donc pas à qui elles appartiennent.

M. Stehelin: Allders Canada?

Le sénateur Jessiman: Oui. Aurait-elle pu aussi appartenir à des étrangers?

M. Stehelin: Les actions d'Allders Canada sont réparties à 49 contre 51.

Le sénateur Jessiman: Et les 51 p. 100 des actions appartiennent...

M. Stehelin: Les 51 p. 100 des actions appartiennent à Agra, qui est une société canadienne.

Le sénateur Kirby: Le problème que nous avons, c'est que nous avons vu des marchés... je ne pointe pas celui-ci du doigt, mais nous avons vu des marchés auxquels étaient mêlées des sociétés dont 51 p. 100 des actions étaient, en théorie, détenues par des Canadiens, mais où, en vertu d'une entente entre les intéressés, le contrôle véritable échoit à d'autres. Dans la demande de propositions, on faisait allusion non seulement au titre de propriété, mais aussi au contrôle.

Le sénateur Tkachuk: Je pense que le problème tenait non pas tant au titre de propriété, mais au fait qu'ils étaient d'importants locataires de l'aéroport.

M. Stehelin: Le problème portait sur les deux aspects. Il s'agit d'informations dont personne, jusque-là, ne disposait.

Le sénateur Jessiman: Mais Agra détenait 51 p. 100 des actions en tout temps. Agra est une société canadienne.

M. Stehelin: Au meilleur de ma connaissance.

Le sénateur Jessiman: Et elle détenait 51 p. 100 des actions?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Agra est une société de la Saskatchewan, maintenant établie à Calgary. Je ne cesse de le répéter.

Le sénateur Kirby: Je reviens sur une chose que vous avez dite. En bout de ligne, il s'est agi d'un enjeu important. Essentiellement, sur quoi les discussions portaient-elles?

M. Stehelin: Je pense qu'il s'agissait d'un problème à deux volets. En cas de défaut, on aurait effectivement eu affaire avec Allders. Ce que je veux dire, c'est qu'Allders aurait transigé avec Transports Canada. Cette société est présente dans pratiquement tous les aéroports du pays. Elle exploite toutes les boutiques hors-taxe, et le contrôle de l'aéroport aurait passé aux mains d'un important locataire. À ce moment, la décision était fort simple: "Non, cela ne se fera pas; cela est inacceptable."

On a donc tenté d'en venir... avant que le problème ne disparaisse à la suite de l'entrée en scène de Claridge. Même la société Claridge a convenu qu'elle ne voulait pas d'un conflit dans les ententes de partenariat. Elle ne voulait pas d'un conflit entre un locataire et l'aéroport. Partout où ce problème se posait, on a prévu, dans l'entente de partenariat, une structure permettant d'y faire face.

Il s'agissait donc d'un problème... voilà sur quoi les discussions ont porté, et il y avait toutes sortes de moyens d'y remédier, la société aurait pu réaliser ses actions, diversifier son portefeuille, je veux dire qu'il était possible de négocier toute une série de moyens de remédier au problème.

Comme je l'ai dit, dans les faits, la question des 51 p. 100 a disparu lorsque la société Claridge est entrée en scène. Le problème ne se posait plus. Il y avait trop de problèmes pour qu'on se permette de garder sur la table des enjeux qui n'en étaient plus.

Le sénateur Kirby: Quelle a été la réaction de Paxport à votre premier rapport?

M. Stehelin: Je ne pense pas qu'il leur ait beaucoup plu. Ils pensaient que nous allions simplement apposer un timbre d'approbation disant: "C'est d'accord, vous pouvez y aller."

Le sénateur Kirby: Ont-ils essentiellement mis en doute votre crédibilité ou celle de votre firme?

M. Stehelin: Beaucoup de gens me disent que je ne sais pas ce que je fais, de sorte que cela ne me gêne pas beaucoup.

Le sénateur Kirby: Vous n'êtes pas le seul.

Je me demande si je peux maintenant passer... eh bien, je vais vous dire pourquoi j'ai posé cette question.

Ross, avez-vous le document G?

En fait, il s'agit d'une note de service gouvernementale, mais elle est datée du 12 mars. Elle décrit la réaction de ces gens à votre travail.

Reportez-vous à la deuxième page, où on lit: "Réaction de Paxport". Voici:

Des représentants de Paxport ont rencontré... Mme Labelle...

qui était sous-ministre des Transports...

...et se sont dits outragés par ce qu'ils considèrent comme de l'obstruction bureaucratique.

On ajoute:

Paxport a mis en doute la crédibilité de toutes les parties, y compris Deloitte & Touche.

On lit également:

...Paxport a resserré la pression par l'entremise des ministres et du cabinet du premier ministre.

Pendant les pourparlers, la société Paxport a-t-elle jamais tenté, puisqu'on utilise ici le mot "pression", d'exercer des pressions sur vous par rapport à votre analyse, ou soutenu que vous ne devriez pas accomplir le travail dont vous vous acquittiez?

M. Stehelin: La seule réponse que je puisse vous donner... j'ai eu une rencontre très désagréable avec les représentants de Paxport.

Le sénateur Kirby: À combien de reprises les avez-vous rencontrés?

M. Stehelin: Pendant les négociations, chaque jour, mais, à ce moment et à propos de cette question, c'était: "Si tout cela ne pose aucun problème, donnez-moi simplement ce que vous avez."

Le sénateur Kirby: Je m'excuse, je ne comprends pas.

M. Stehelin: "Si vous êtes mécontent, vous n'avez qu'à prouver que j'ai tort en me fournissant les renseignements que j'ai demandés." Je veux dire, c'est très simple.

Maintenant, je me suis retrouvé avec des gens qui se prétendaient plus importants que moi, et c'est bien, mais, au-delà de cela, au-delà du simple fait qu'ils disaient à tout venant que je ne savais pas de quoi je parlais et que nous ne savions pas de quoi nous parlions, c'est bon. "Trouvez-moi les renseignements; je suis bon prince."

Le sénateur Kirby: De toute évidence, ils ne devaient pas être très heureux lorsque vous avez conclu que leur financement posait problème, n'est-ce pas?

M. Stehelin: Eh bien, nous avons fait part des problèmes que nous avions perçus. Pour nous, il s'agissait de problèmes, et c'est ce que nous savions. Les problèmes devaient être réglés, et c'était à eux de le faire. Il n'appartenait ni à nous ni au gouvernement de le faire. Ils y ont vu un affront, ou je ne sais quoi. Quant à savoir si un ministre quelconque ou quelqu'un d'autre m'aurait téléphoné et aurait menacé de me battre, la réponse est non.

Le sénateur Kirby: Jamais je n'aurais laissé entendre pareille chose. Je voulais simplement savoir quelle avait été leur attitude du point de vue de...

M. Stehelin: Après, ils ont retourné mes appels beaucoup plus rapidement.

Le sénateur Kirby: Le pouvoir à l'oeuvre.

Monsieur le président, j'ai encore un point à soulever, mais je pense que j'attendrai que le sénateur Tkachuk ait terminé, après quoi je reviendrai à la charge. N'ai-je pas pris 27 minutes, ou quelque chose du genre?

Le président: Oui.

Le sénateur Jessiman: J'aimerais que nous allions un peu plus loin parce que je veux m'intéresser à l'annulation de l'accord, mais il y a deux ou trois questions que j'aimerais poser.

Je pense que le sénateur et vous avez convenu que les représentants de Claridge et de Matthews avaient transigé les uns avec les autres, même s'ils sont des associés sans lien de dépendance. Claridge n'allait pas se contenter de donner de l'argent au groupe Matthews. Je fais référence aux honoraires d'experts-conseils. Quoi qu'ils fassent, ils allaient devoir le gagner, n'est-ce pas?

M. Stehelin: Je ne puis me prononcer pour Claridge. De toute évidence, Claridge n'avait pas à gagner son premier milliard de dollars. C'était déjà fait.

Le sénateur Jessiman: C'est juste.

M. Stehelin: Et s'ils y sont parvenus, ce n'est pas, vous savez, en jetant l'argent par les fenêtres et en réalisant des projets frivoles. Vous savez, ce sont des personnes très raffinées. Ils ont employé des personnes très raffinées à ce projet. Lisez les documents, et vous constaterez que cette question les préoccupait. Bien sûr.

Le sénateur Jessiman: D'accord. On a négocié, et c'est ce à quoi on a abouti, n'est-ce pas?

M. Stehelin: Il s'est agi d'un processus dynamique. Vous avez raison.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais poser une question supplémentaire à ce sujet.

Le sénateur Jessiman: Excusez-moi.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai vu beaucoup de chiffres, mais, hormis ceux auxquels nous faisons référence, nous a-t-on remis un document concernant votre participation à la transaction, document qui m'apprendrait simplement, et je vous présenterai une façon simpliste de voir les choses, où les profits sont réalisés, et cetera?

Je me suis prise à imaginer ce dont j'ai parlé il y a deux jours. Imaginons que je construis ou que j'achète une maison, et que je m'entends avec l'entrepreneur sur un prix de 200 000 $. Nous convenons qu'il va réaliser un profit de 10 p. 100, soit 20 000 $. Après coup, je me rends compte qu'il est associé avec son beau-frère pour les tapis et que, là aussi, il réalise un profit. Il est aussi associé avec sa femme, qui s'occupe des rideaux, et cetera. Tous les fournisseurs sont liés à l'entrepreneur. Au bout du compte, je réalise que l'entrepreneur, grâce aux divers mécanismes mis en place pour la maison que j'achète, touche non pas 10 p. 100, mais bien 20 p. 100. Vous me dites, et je me contente de vous rappeler vos propos, vous me dites: "Eh bien, il s'agit d'une pratique commerciale courante."

Eh bien, lorsqu'on nous paie... j'ai aussi été témoin de ce phénomène dans le domaine des télécommunications à Bell Canada. Lorsque vous obtenez un rendement sur vos investissements, plus ils dépensent, plus vous gagnez d'argent. Toutefois, lorsqu'il est question de contrôle des coûts et de la procédure d'appel d'offres, lorsque vous n'êtes pas sans lien de dépendance, parce que, normalement, on passe des marchés pour soi-même et on obtient un rendement. Dans ce marché, savons-nous combien d'argent tous les contrats ont procuré aux parties, qu'il s'agisse de la gestion ou de la construction?

Pour moi, voilà ce qui n'est pas clair. Si vous vendez une maison 3 millions de dollars et que c'est là la juste valeur marchande, mais que, en même temps, vous vous la vendez à vous-même, vous réalisez un profit, un profit correspondant à la juste valeur marchande sur une propriété de 3 millions de dollars, profit qui va tout droit dans votre, et puis, vous réalisez également un profit sur l'investissement.

Voilà donc ce qui n'est pas clair pour moi. Combien d'argent et de profit a-t-on réalisé dans le cadre de la première phase, celle de la construction? Et puis, au fil des ans, dans le cadre de l'exploitation... et puis, on réalise là un profit, et le tout se poursuit année après année à l'égard de l'exploitation ou de la gestion. Et puis il y a un profit pour les investisseurs.

Je ne vois pas le chiffre précis. Peut-être l'avez-vous, et peut-être pouvez-vous le fournir...

Le sénateur Jessiman: Pourriez-vous...

Le sénateur Gigantès: S'il vous plaît. Laissez-la terminer.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je demande qu'on précise parce que vous posez la même question.

Le sénateur Jessiman: Il y a de l'argent, et je suis certain que le témoin sera d'accord. Les investisseurs sont ceux qui avancent l'argent, et ils obtiennent un rendement...

Le sénateur Hervieux-Payette: Puis-je entendre la réponse du témoin? Je posais la question à M. Stehelin.

Le sénateur Jessiman: Quelle est la question?

Le sénateur Hervieux-Payette: La question est la suivante: combien d'argent ont touché l'entrepreneur, l'exploitant et les investisseurs? Ce n'est donc pas une question très difficile. Ce que je dis, c'est qu'on réalise toujours un rendement sur les investissements, mais le contrat en question a procuré plus qu'un simple profit. C'est ce que j'essaie de déterminer. Parce qu'ils n'étaient pas sans lien de dépendance au moment où ils passaient les contrats.

Le président: Très bien. Laissons M. Stehelin prendre son temps et répondre à la question.

M. Stehelin: Je comprends votre question. Y a-t-il un document où se trouverait la réponse? La réponse simple est la suivante: non.

Cela dit, tous ces chiffres et tous ces coûts sont des projections, d'accord, que... habituellement, je parle des projections du 15 août, qui semblent les dernières de la sorte. Vous ne devez pas perdre de vue que les projections ont changé dans le courant des négociations.

Ce que je veux dire, c'est que pendant les négociations, ces chiffres ont défilé chaque soir. D'accord?

Je comprends votre question. Cela peut-il être fait? Oui, c'est possible. Vous pouvez extraire tous ces coûts. D'accord?

S'est-on penché sur ces questions dans le cadre des négociations? Oui. D'accord? Divers groupes ont été touchés parce que divers groupes ayant des connaissances diverses étaient présents. Les gens de la construction prélevaient des frais de gestion de 5 p. 100 sur la construction. Cela est-il raisonnable?

Si vous preniez le temps d'examiner les documents, je pense que vous pourriez obtenir ces renseignements. Le meilleur moyen d'y parvenir consisterait à demander à quelqu'un de les extraire des projections.

Pour vous aider, je précise d'ores et déjà que deux phénomènes se sont produits à l'égard des chiffres. Pendant les dix premières années, les investisseurs n'obtenaient aucun rendement; ils n'obtenaient rien. En fait, si vous tentiez de l'établir, vous aboutissiez pratiquement à un rendement négatif.

Les principales composantes des coûts de la construction et de ces frais étaient comprises. Ces chiffres tiennent compte des frais de gestion de Lockheed. Mais que ce soit Lockheed ou une autre société qui gère l'aéroport, une chose demeure: quelqu'un devra le faire.

Pour revenir à votre analogie de la maison, si, au bout du compte, vous achetez vos tapis non pas du parent de l'entrepreneur, mais d'une autre personne, il n'y aurait rien de changé, à condition qu'il soit généralement de prix équivalent, n'est-ce pas?

Ce qu'il faut faire, dans un premier temps, je pense que vous avez le droit de comprendre ce que sont tous les frais, et je pense que les chiffres peuvent vous l'apprendre. Des coûts ont été supprimés. D'autres ont été ajoutés. Les chiffres ont changé. Diverses choses ont changé. Lorsqu'on commence à injecter des fonds, toutes les équations changent. Sur ce point, on n'a pas produit un document unique.

Au bout du compte, cependant, lorsqu'on examine l'ensemble de la transaction (je vous donne mon point de vue personnel), personne n'allait obtenir le moindre rendement pendant les dix premières années. Voilà les risques élevés associés à la transaction. D'accord?

Les risques étaient élevés pour un certain nombre de raisons, parce que les niveaux d'achalandage étaient cause d'une grande incertitude. L'incertitude était aussi grande à propos de ce qu'on allait pouvoir démolir et de la façon dont on allait procéder. Les avions sont fragiles. Ils ne doivent pas buter contre des obstacles, et on ne doit pas non plus les heurter.

Lorsqu'on examine le taux de rendement pour les années subséquentes, pour l'ensemble des 47 années, la seule anomalie associée à ces projections, anomalie que toutes les parties à l'entente ont tenté de camoufler, c'est que, dans le monde entier, il n'y a pas un seul aéroport ou un seul immeuble qui, 25 ans plus tard, n'exigera pas des investissements comparables au coût de la construction.

Lorsqu'on se penche sur les taux de rendement associés à la transaction, on n'en tient nul compte. Ce qui se produit, c'est que, après 25 ans, la dette est remboursée. Après, le projet donne l'impression d'être une vache à lait, rien d'autre qu'une machine à imprimer de l'argent, n'est-ce pas? Et voilà d'où vient le taux de rendement.

Maintenant, ce taux doit être considérable, parce que lorsqu'on établit la valeur actualisée, plus le taux de rendement met du temps à se réaliser, et plus il doit être important pour vous donner quelque chose à vous mettre sous la dent aujourd'hui.

La lacune contenue dans ces chiffres... à mon point de vue, le risque associé à ces chiffres était que, dans 25 ans, il allait falloir dépenser 800 millions de dollars pour maintenir des installations de classe mondiale. Cela ne faisait pas partie des chiffres. D'accord?

Lorsque vous prenez en considération l'ensemble des données, que vous jouez avec elles et vous examinez les frais de construction de 5 p. 100 et tout le reste, il faut établir un équilibre.

Aussi, si quelqu'un vous fournit ces chiffres, vous devez, pour bien comprendre, tenir compte des autres facteurs. Parce que le marché aurait mis du temps, beaucoup de temps à procurer un taux de rendement important.

Et, vous savez, voilà la nature du problème auquel tous étaient confrontés. Il ne s'agissait pas d'une transaction simple. Ce n'est pas une mince tâche que de reconstruire un aéroport fonctionnel. Peu de gens s'y essaient.

Le sénateur Hervieux-Payette: Mais si on tient compte de tous les coûts engagés pour la construction, depuis les investissements initiaux, aucune procédure d'appel d'offres ne peut garder les constructeurs sans lien de dépendance.

M. Stehelin: Cela faisait partie de l'entente de partenariat.

Le sénateur Hervieux-Payette: En fait, c'est ce que je dis, monsieur le président. Comment peut-on savoir qu'il s'agissait du meilleur prix possible pour le...

Le président: Sénateur, je vous ajouterai à la liste des intervenants, parce que vous avez posé une longue question supplémentaire.

Le sénateur Hervieux-Payette: Eh bien, je n'ai pas pris trop de temps. Je crois avoir obtenu une longue et bonne explication.

Je vous remercie de l'explication.

M. Stehelin: Les renseignements sont là.

Le sénateur Jessiman: Je veux que nous nous intéressions maintenant au moment où M. Nixon a été nommé, au début de novembre ou à la fin d'octobre 1993.

Avez-vous rencontré M. Nixon?

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Jessiman: Lui avez-vous parlé au téléphone, ou vous a-t-il envoyé une lettre ou un autre message quelconque?

M. Stehelin: Quelqu'un m'a téléphoné pour me demander si j'avais mis la main à la pâte, et j'ai répondu que "oui". Et il m'a demandé s'il était possible de me parler. Je lui ai répondu: "Tout à fait, dès que vous voudrez parler...". Puis je n'en ai jamais plus entendu parler.

Le sénateur Jessiman: Il y a donc quelqu'un qui représentait M. Nixon qui a communiqué avec vous?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Jessiman: Bon, maintenant, je sais qu'il y a un rapport de Crosbie & Co. Inc. à l'intention de Robert Nixon. Dans ce rapport, on peut lire:

Depuis que vous nous avez demandé, au début de mois de novembre, de vous fournir des conseils d'ordre financier en rapport avec votre examen de la transaction intervenue entre le gouvernement du Canada et la Pearson Development Corporation pour le réaménagement des aérogares 1 et 2 (le "projet"), nous avons...

Puis il y a une liste de personnes à qui il a parlé. Au troisième point, il dit:

...(iii) [j'ai] eu des conversations avec Deloitte & Touche en leur qualité de conseillers auprès de Transports Canada pour ce qui touche cette transaction...

Puis-je présumer que cela est vrai?

M. Stehelin: Eh bien, la seule conversation que j'ai eue avec qui que ce soit, et je peux vous le dire parce que je croyais que c'était... de toute façon, est-ce que c'était bien moi? Oui. "Est-ce qu'il serait possible de vous parler?" "Oui, tout à fait, dès que vous voudrez parler... D'accord, merci beaucoup, bonjour."

Le sénateur Jessiman: Et c'est tout ce qui a été fait? La personne qui vous a parlé était-elle chez Crosbie & Co.?

M. Stehelin: Je ne sais pas.

Le sénateur Jessiman: Il ne vous l'a pas dit.

M. Stehelin: Tout ce que je peux dire, en regardant le rapport de M. Nixon, c'est que Deloitte & Touche n'est pas mentionné alors...

Le sénateur Jessiman: Avez-vous vu le rapport Crosbie? L'avez-vous vu?

M. Stehelin: Je les ai vus, les deux, oui.

Le sénateur Jessiman: Regardons donc, je veux seulement regarder le rapport Crosbie, et il a insisté sur le taux de rendement. Vous savez, les trois, il a dit, enfin, croire que cela pourrait être considéré comme élevé dans les circonstances. Et il a parlé d'un service public. Puis il parle d'une transaction immobilière, même s'il n'a pas vraiment parlé à des gens de l'immobilier, comme vous le savez, si on a, et vous l'avez lu, n'est-ce pas?

De même, il compare le cas à celui de l'aérogare 3, même s'il apporte une précision: malgré le fait que je dise cela, les gens chez Transports Canada ont dit que ce n'est probablement pas comparable en raison de circonstances qui ne sont pas les mêmes.

J'aimerais simplement que vous me disiez ce que vous pensez de ce que M. Crosbie a affirmé en rapport avec, eh bien, le rapport en entier, ce que vous pensez du rapport en entier et, en particulier, la question du taux de rendement.

M. Stehelin: Parlez-vous du rapport Nixon par opposition au...

Le sénateur Jessiman: Je parle du rapport Crosbie.

M. Stehelin: Je n'ai jamais vu le rapport Crosbie.

Le sénateur Jessiman: Ah, je l'ai ouvert et j'ai demandé, vous ne m'avez peut-être pas entendu.

M. Stehelin: J'ai vu les rapports Nixon, mais je n'ai jamais vu le rapport Crosbie.

Le sénateur Jessiman: Eh bien, je ne peux donc pas vous poser de questions, enfin, peut-être que je peux le faire. Peut-être que je peux.

Eh bien, il est plus difficile pour vous de répondre, mais, ce qu'il dit, il a dit, nous avons examiné, je vais simplement en faire la lecture à voix haute pour que cela figure dans le compte rendu. À ce moment-là, vous l'aurez. Il est dommage que vous n'en ayez pas un exemplaire. Nous devrions peut-être en faire une photocopie pour que le témoin puisse...

M. Nelligan: J'en ai une copie ici.

Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous lui en donner un exemplaire? Nous sommes à la page 4.

Je vais simplement en faire la lecture pour le compte rendu. À la page 4, il nous donne trois exemples:

Nous avons examiné avec la société Deloitte & Touche, conseillers financiers de Transports Canada en rapport avec ce projet, son analyse du rendement exigé sur les investissements dans le secteur des services publics...

Cela est-il juste?

M. Stehelin: Non, ils ne l'ont jamais examiné avec nous. Certainement pas avec moi. Ils l'ont peut-être examiné avec quelqu'un d'autre de cette société, mais je serais étonné. Ils ne l'ont jamais examiné avec moi.

Le sénateur Jessiman: Et si quelqu'un d'autre de votre société avait été interviewé, il vous l'aurait dit, n'est-ce pas?

M. Stehelin: Il n'y aurait qu'une seule autre personne, et j'ai la certitude qu'ils ne l'ont jamais examiné avec lui.

Le sénateur Jessiman: Je vais continuer ma lecture, et vous pourrez suivre mon propos, si vous voulez.

...le genre de rendement que les investissements devraient donner dans le contexte de ce projet. Si nous avons adopté cette approche, c'est que du point de vue du rendement des investissements, il existe certaines similitudes entre les risques financiers associés à un projet de cette nature et ceux qui sont inhérents à un service public. Par conséquent, une analyse du rendement dans le secteur des services publics peut servir de jalon à qui veut évaluer le genre de rendement des capitaux propres auquel on pourrait raisonnablement s'attendre dans le cas du projet qui est proposé, après rajustement des différences relevées entre la nature des entreprises et des différences connexes du point de vue du risque financier.

La société Deloitte & Touche signale que, à ses yeux, le rendement des investissements après impôt pour les services publics de première qualité sur le marché d'aujourd'hui se situe autour de 9 p. 100 ou 10 p. 100. En août 1993, Deloitte & Touche a signalé que le rendement à ce chapitre s'approchait de 10,5 p. 100 à 11 p. 100 et qu'au cours des 12 mois précédents, il variait entre 12 p. 100 et 15 p. 100. Étant donné les taux qui marquaient les marchés financiers à ce moment-là, pour un projet de cette nature, qui comporte des risques supplémentaires par comparaison à un service public de première qualité, Deloitte & Touche étaient d'avis qu'un rendement raisonnable après impôt varierait entre 12 p. 100 et 16 p. 100...

À coup sûr, ils ont lu votre lettre.

...en rajustant ces pourcentages en fonction de la diminution d'environ 1 p. 100 enregistré depuis août 1993 au chapitre du rendement après impôt des services publics, le rendement après impôt varierait entre 11 p. 100 et 15 p. 100 dans l'état actuel du marché. Cela se compare bien au rendement projeté dans le cas du projet, dont il est question plus haut, soit 14,3 p. 100.

Il dit donc, selon vous, que c'est la même chose, à peu près la même chose qu'un service public. Il n'est donc pas en désaccord. Toutefois, il dit ensuite... et je veux... que pensez-vous de ce qu'il dit par la suite?

En outre, ce projet, du point de vue du risque financier qu'il comporte, présente aussi des similitudes avec les grands projets immobiliers producteurs de revenus. Par conséquent, le genre de rendement que doivent obtenir ceux qui investissent dans les grands projets immobiliers producteurs de revenus peuvent donner une idée générale du genre de rendement qu'il faudrait obtenir pour amasser des capitaux propres dans le contexte de ce projet, compte tenu des différences relevées quant à la nature du projet proposé, par rapport à un grand projet immobilier producteur de revenus, du point de vue du risque financier.

À la neuvième année, après l'achèvement des travaux, à la fin de la huitième année, l'encaisse projetée pour l'exploitation devrait, avant le service de la dette, s'élever à quelque 111 millions de dollars. Si on applique un taux de capitalisation de 9 p. 100 à cette encaisse, le projet aurait à la fin de la neuvième année une valeur de 1,23 milliard de dollars, moins la dette.

Maintenant, il choisit d'utiliser le taux de neuf p. 100. Et vous, n'avez-vous pas choisi, dans le cas de ce projet, 10,5 p. 100?

M. Stehelin: Eh bien, il parle tout de même de deux choses différentes. Il parle du taux de capitalisation, et vous, vous parlez du taux d'actualisation.

Essentiellement, il dit que si vous... enfin, la partie importante de la phrase est la suivante:

...bien qu'on puisse débattre du choix du taux de capitalisation...

Il a appliqué un taux de capitalisation de 9 p. 100. Je peux vous dire tout de suite qu'à Toronto, on n'aurait pu convaincre un prêteur d'embarquer à ce taux de capitalisation en 1993 dans un projet immobilier.

Le sénateur Jessiman: Quel genre de taux, selon vous...? Au meilleur de votre connaissance?

M. Stehelin: Ils ne s'intéressaient pas à la valeur capitalisée. Ils s'intéressaient à l'encaisse et au service de la dette.

Le marché immobilier dans son ensemble, surtout en Ontario, et la façon dont les prêteurs l'envisagent ont changé considérablement. Son taux de capitalisation, à mon avis, n'est pas assez élevé, ni pour le marché de l'époque ni même encore pour le marché d'aujourd'hui.

Le sénateur Jessiman: Qu'est-ce que c'est, alors?

M. Stehelin: 1993.

Le sénateur Jessiman: Qu'est-ce que ce serait, selon vous?

M. Stehelin: Si on pouvait convaincre une banque de prêter la somme, c'est simplement l'encaisse qui serait étudiée.

Il est arrivé une chose: on a mâté l'inflation, il n'y avait plus d'inflation, et l'immobilier est devenu un investissement terrible, d'accord? À ce jour, l'immobilier demeure un investissement terrible.

Le sénateur Jessiman: Je sais.

Le sénateur Kirby: Vous avez remarqué qu'il a dit ça avec une certaine passion, n'est-ce pas?

M. Stehelin: De la façon dont les valeurs étaient déterminées par les gens de l'immobilier et par les banques, ayant travaillé chez Trust Royal, je peux vous dire que les taux de capitalisation de 9, 10, 11 et 12 p. 100, ne persuadaient pas du tout les acheteurs. On ne pouvait obtenir même un dollar le pied carré. On peut encore louer de l'espace de première catégorie à Toronto pour 10 $ le pied carré. Quand le phénomène était à son comble, c'était 35 $.

Ce qui est arrivé au cours de cette période (la grande différence, la grande préoccupation que nous avons eue tout le long, et c'est ce qui a mené à la notion de réserves en liquides et à l'idée de s'assurer que les liquidités étaient là, du moins aux stades initiaux) c'est que les taux de capitalisation ont fini par ne plus jouer dans l'équation.

Je crois que son taux de capitalisation n'était pas assez élevé. C'est mon avis.

Le sénateur Jessiman: Je vais simplement lire le reste, pour traiter de l'immobilier... si vous voulez m'interrompre, je vous en prie, s'il y a un propos avec lequel vous êtes en accord ou en désaccord, je vous prie de m'interrompre. Pouvez-vous faire cela?

Vous avez lu la phrase qui dit qu'on pourrait débattre du choix fait.

En présumant que le coût moyen pondéré du capital s'élève à 13 p. 100, la valeur du projet s'établit à 1,23 milliard de dollars à la fin de la neuvième année. De même, compte tenu du nouveau financement projeté, c'est-à-dire 484 millions de dollars, pour parachever le projet au cours des huit années à venir, la valeur actuelle du projet se situerait à 120 millions de dollars. Par conséquent, si l'on prend ces chiffres, la valeur actuelle des 66 millions de dollars investis serait de 120 millions de dollars. Étant donné le coût moyen pondéré du capital, c'est-à-dire 13 p. 100, le rendement des capitaux propres s'élèverait à 20 p. 100, si l'intérêt sur la dette se situe à 8,5 p. 100 et que le ratio d'endettement représente 60:40.

Est-ce qu'il utilise là des chiffres raisonnables?

M. Stehelin: Ce n'est qu'un calcul. La difficulté, c'est d'essayer de faire entrer en ligne de compte l'aspect fiscal. C'est une tâche très, très difficile. Et voilà pourquoi, quand il a été question de services publics et de taux de rendement, que je vous ai donnés... enfin, ce sont mes chiffres réels. Nous avons le grand avantage du recul, plutôt que d'être obligés d'avancer que c'est telle ou telle chose qui devrait arriver à l'avenir. Ce sont les taux de rendement réels. Ils sont toujours calculés après impôt.

Si vous voulez faire entrer cela dans le calcul... nous en parlons dans notre lettre du mois d'août. Essayons d'être raisonnable ici. Si nous voulons utiliser son taux de rendement après impôt, ou avant impôt, calculons notre taux de rendement, celui du gouvernement, de la même façon. D'accord?

C'est se leurrer en quelque sorte: on ne sait jamais ce qui va arriver du côté de l'impôt, comme nous le savons tous. Nous savons certainement que les impôts ne diminueront pas. Cela devient donc un calcul un peu étrange. Je n'ai jamais... à mes yeux, les impôts, enfin, l'impôt ne veut rien dire parce que tout le monde en paie.

Le sénateur Jessiman: Parlons de façon générale... il fait allusion à l'immobilier... vous estimez, enfin, que le projet d'aménagement de l'aéroport ressemble un peu à une transaction immobilière.

M. Stehelin: Il ne fait aucun doute qu'il s'agit, pour une grande part, d'une transaction immobilière. Aucun doute là-dessus. Aucun doute.

Le sénateur Jessiman: Mais pour une certaine part, elle présentait d'autres risques.

M. Stehelin: Il présentait d'autres risques et d'autres garanties. Elle présentait des avantages et des inconvénients. Tout de même, essentiellement, ce qu'il fallait, du moins à l'origine, c'était un financement provisoire en vue des travaux. Et le risque réel était celui que les travaux présentaient. Tout le reste devenait... enfin, s'il faut savoir ce qui se passera dans 20 ans, il n'y a pas une boule de cristal qui serait meilleure qu'une autre.

Le sénateur Jessiman: Je veux seulement reprendre le rapport Nixon là où il dit... et je veux savoir ce que vous en pensez et savoir si vous êtes d'accord. Il y est dit que le taux de rendement du promoteur, entre paranthèses, pourrait très bien être perçu comme étant excessif. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Stehelin: Nous avons donné notre avis. Cela, c'est son avis.

Le sénateur Jessiman: Et vous ne croyez pas que c'est excessif. C'est bien cela? Et que le rendement pour l'État était loin d'être énorme.

M. Stehelin: Je ne suis pas d'accord avec cela. Notre lettre dit bien ce qu'elle dit.

Le sénateur Jessiman: Merci. Je ne suis pas certain d'avoir couvert ceci, mais je vais vous le demander encore.

Vous présumez que le financement se serait fait à 10,5 p. 100. N'est-ce pas?

M. Stehelin: C'était le taux présumé dans toutes les prévisions. Ce n'était pas notre présomption. C'était le taux offert sur le marché à ce moment-là.

Le sénateur Jessiman: D'accord. Pouvez-vous nous dire comment vous en êtes arrivé à ce chiffre? Comment êtes-vous arrivé à 10,5 p. 100?

M. Stehelin: Eh bien, 10,5 p. 100, c'était... je crois que c'était en raison de Wood Gundy. La société Wood Gundy était d'avis que cela lui aurait permis de s'entendre avec les compagnies d'assurance-vie. Il lui fallait parler aux compagnies d'assurance-vie qui s'étaient occupées de l'aérogare 3. Puisque, enfin, les seuls qui avaient vraiment financé cette transaction au départ, c'était les prêteurs dans le dossier de l'aérogare 3, toutes des compagnies d'assurance-vie. Et c'était son idée de l'argent qu'on pouvait obtenir pour 20 ans.

Ce calcul a été appliqué, je crois, à la fois à la dette à long terme et au financement provisoire. C'est ce que donnait le marché à ce moment-là. Ce n'est pas un calcul que nous aurions fait. Enfin, c'est le marché qui le dictait.

Le sénateur Jessiman: M. Crosbie affirme que les frais d'intérêt s'élèveraient à 8,5 p. 100. Il y a donc 200 points de base... quelle différence. On peut en faire beaucoup avec 200 points de base.

M. Stehelin: Je ne sais pas combien d'argent M. Crosbie est déjà allé chercher sur le marché boursier. S'il en sait plus que Wood Gundy et qu'il savait ce que faisait le marché, tant mieux. C'est son avis. Selon Wood Gundy et selon nous... enfin, les bons du trésor du gouvernement du Canada, qui viennent à échéance au bout de 30 jours, se négociaient à un taux que je ne saurais vous dire, mais si vous voulez utiliser l'argent le moins cher possible, voilà le point de repère.

Par coeur, je ne saurais pas du tout vous dire à combien se négociaient les bons du gouvernement du Canada.

Le sénateur Jessiman: Huit virgule cinq pour cent, paraît-il, en 1993.

M. Stehelin: Si les bons du gouvernement du Canada se négociaient à ce taux, M. Crosbie n'est donc pas d'accord avec DS Marcil, il n'est pas d'accord avec Price Waterhouse, il n'est pas d'accord avec Wood Gundy, il n'est pas d'accord avec nous.

Le sénateur Jessiman: C'est tout.

Le président: Sénateur Kirby, vous aviez...

Le sénateur Kirby: Oui, monsieur le président.

J'aimerais qu'on se reporte au document H. Il faut que je dise cela pour que mon aide vous donne le bon document. C'est un document, enfin, c'est une note adressée au premier ministre par Glen Shortliffe, qui était secrétaire du Cabinet à l'époque, en date du 5 mars 1993. C'est donc trois jours après votre rapport.

Et le titre, en haut, autre que Memorandum for the Prime Minister, est Update on the Redevelopment of Terminals...

Vous remarquerez qu'il y a, au bas de la première page, trois points qui sont censés résumer vos conclusions. Je me demande si vous pourriez faire deux choses: d'abord, lire pour le compte rendu le passage qui commence à "mise à jour" et qui se termine au bas de la page. Ensuite, dites-nous simplement s'il s'agit d'un résumé assez exact de ce que... voyons si le BCP est capable de résumer adéquatement vos documents. Comme j'ai déjà travaillé au BCP, je suis toujours curieux de connaître son rendement.

M. Stehelin: Vous voulez que je lise cela pour le compte rendu?

Le sénateur Kirby: Oui, je crois que cela serait utile. Je veux simplement savoir si le premier ministre avait un résumé exact de la situation.

M. Stehelin: La société Deloitte & Touche a examiné le plan de financement de Paxport et écrit au ministère des Transports (voir l'annexe) pour soulever un certain nombre de préoccupations importantes, dont les suivantes:

l'investissement supplémentaire de 61 millions de dollars n'est pas confirmé intégralement: Ellis-Don a retiré son engagement, de l'ordre de 8 millions de dollars. la participation d'Allders International (15 millions de dollars) est conditionnelle, entre autres choses, à ce qu'Allders reçoive le bail pour la vente en franchise que détient actuellement la RAO (il faudra peut-être un certain temps pour obtenir cette condition). La contribution de Matthews Group Limited, 20 millions, sera financée en fait grâce à un prêt d'Allders.

Le point numéro 2:

le financement par emprunt demeure conditionnel en ce sens que le financement par actions doit se confirmer et que Paxport doit s'entendre avec les locataires. Les discussions tenues avec Air Canada, principal locataire de l'aérogare 2, n'ont pas beaucoup avancé jusqu'à maintenant, et il n'y a eu aucune discussion avec les autres locataires.

Deloitte & Touche conclut que "si ces questions ne sont pas réglées, nous ne pouvons garantir à l'État que le projet pourra être financé".

Le sénateur Kirby: Est-ce un résumé exact de votre rapport?

M. Stehelin: Je crois bien. C'est un résumé de la page 3.

Le sénateur Kirby: Vous n'êtes donc pas en désaccord avec eux.

M. Stehelin: Il y a d'autres questions que j'aurais peut-être ajoutées.

Le sénateur Kirby: Voulez-vous alors... je veux simplement m'assurer, en premier lieu, que le premier ministre bénéficiait d'une mise à jour correcte.

Voulez-vous lire pour le compte rendu le paragraphe qui se trouve au haut de la page 2. Je vais vous poser quelques questions au sujet de ce paragraphe en particulier.

M. Stehelin: Le ministère des Transports a rencontré Jack Matthews, de Paxport, le 3 mars pour discuter de l'évaluation de Deloitte & Touche. À ce moment-là, M. Matthews a remis en question la nécessité de démontrer la viabilité financière de la proposition. Il a avancé que l'absence de progrès chez Paxport du point de vue du financement est la faute du gouvernement fédéral, qui n'aurait pas déclaré de façon claire et nette le soumissionnaire retenu à la suite de la demande de propositions. Selon lui, le gouvernement a miné la crédibilité de Paxport et sa position de négociation avec Air Canada. Par conséquent, le transporteur aérien ne négociera pas sérieusement avec Paxport. Il demande que Transports Canada mette de côté la question de la viabilité financière pour entamer immédiatement les négociations portant sur le bail des aérogares.

Le sénateur Kirby: En lisant ce paragraphe, je vois que M. Matthews dit, premièrement, qu'il n'a pas besoin de démontrer la viabilité financière de sa proposition et que, deuxièmement, c'est la faute du gouvernement et non pas la sienne qu'on ne progresse pas vers la résolution du problème. C'est la faute du gouvernement parce qu'il n'a pas déclaré de façon claire et nette qui est le soumissionnaire gagnant, en insistant plutôt sur la nécessité d'établir la viabilité financière. De même, avant que vous ne veniez nous voir, d'autres témoignages ont montré qu'il jette la pierre au gouvernement pour ne pas avoir réglé le problème d'Air Canada.

Croyez-vous vraiment que le problème de la viabilité financière était la faute du gouvernement fédéral? Vous-même, croyez-vous que c'est vrai? C'est ce que M. Matthews disait. Je vous demande...

M. Stehelin: Suis-je d'accord avec les observations de M. Matthews?

Le sénateur Kirby: C'est ce que je vous demande.

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Kirby: Pouvez-vous me dire pourquoi vous n'êtes pas d'accord?

M. Stehelin: Il devait prouver qu'il avait les 61 millions de dollars mentionnés. C'est la première question.

Le sénateur Kirby: Est-ce une demande déraisonnable?

M. Stehelin: À mon avis? Non.

Le sénateur Kirby: À l'évidence, il croit que ce l'est, mais vous ne le croyez pas, vous. D'accord.

M. Stehelin: Bien, nous prenons tous des positions curieuses en essayant de négocier une transaction. Tout de même, il a dit clairement que cela ne devrait pas être un enjeu. Je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Kirby: Est-ce la seule... je m'excuse, vous aviez commencé à dire quelque chose, et je vous ai interrompu. Vous avez dit que la première question consistait à prouver que les 61 millions de dollars étaient là, ce qui ne vous paraissait pas raisonnable. Êtes-vous en désaccord avec autre chose dans ce paragraphe?

M. Stehelin: Je ne crois pas que le gouvernement minait la crédibilité de Paxport face à Air Canada. Air Canada connaît très bien les règles du jeu. J'ai déjà eu affaire à ses négociateurs. Je sais comment ils fonctionnent. Ce sont des négociateurs corsés.

Le sénateur Kirby: Mais professionnels.

M. Stehelin: Ils sont professionnels. Et pourquoi commenceraient-ils à négocier avec quelqu'un avant d'avoir une idée quelconque de la transaction en question et que toutes les cartes soient sur la table? Enfin, cela n'intéressait pas seulement le gouvernement. Cela intéressait tout le monde. Car, en l'absence d'Air Canada, la question de la viabilité financière ferait surface à nouveau. On serait revenu à la case départ.

Le sénateur Kirby: Cela semble faire croire... et d'autres témoignages, pas seulement celui-ci, mais d'autres témoignages invitent à croire que Paxport voyait dans ses rapports avec Air Canada un problème qui incombait pour une grande part au gouvernement. Selon vous, qui avez traité avec des sociétés d'État dans diverses transactions, qui devrait avoir la responsabilité de régler le problème avec Air Canada?

M. Stehelin: Si vous envisagez la question que le gouvernement devait régler, selon vous, par rapport à celles que Paxport devait régler avec... je ne sais pas si vous en avez un exemplaire, mais nous avons présenté un exposé à Mme Huguette Labelle pour lui signaler, essentiellement, qu'il y avait certaines questions qu'elle devait régler et qu'il y avait d'autres questions qu'ils devaient régler. La question d'Air Canada était une de ces questions curieuses qui se situent quelque part entre les deux parce qu'ils devaient négocier leur propre transaction.

Le sénateur Kirby: "Ils" étant Matthews. C'était pour tirer cela au clair. Je voulais seulement dire clairement qui "ils" étaient. La société.

M. Stehelin: Air Canada avait un bail valable jusqu'en 1997, il va sans dire.

Le sénateur Kirby: Oui.

M. Stehelin: Le bail renfermait certaines modalités, et il fallait s'en occuper. Il y était prévu certaines rentrées d'argent et ainsi de suite, et c'était dans les chiffres.

Et la société devait s'entendre avec Air Canada à propos des améliorations qu'Air Canada avait apportées. C'est Air Canada qui avait investi 65 millions de dollars dans l'aérogare 2. Ils devaient s'entendre là-dessus. Il était à présumer qu'Air Canada allait amortir cela sur une période plus longue que trois ans. Ce n'était pas forcément une question gouvernementale.

Le sénateur Kirby: D'accord. C'était une question commerciale.

M. Stehelin: La question gouvernementale qui devait être réglée tenait à une lettre d'accord adressée à Air Canada qui disait, essentiellement, qu'Air Canada pouvait poursuivre pendant une période prolongée, il ne fallait pas s'en faire. C'était la question qui revenait au gouvernement. C'est une question que le gouvernement devait régler parce que le promoteur n'était pas au courant à ce moment-là.

Le sénateur Kirby: Eh bien, les témoignages que nous avons entendus semblent laisser entendre qu'on pourrait en débattre, mais il paraît qu'ils ont dit qu'ils ne l'étaient pas. D'accord.

M. Stehelin: S'ils étaient au courant, ils ne l'ont pas appris de quiconque participait aux négociations. Tout de même la question relevait du gouvernement. Toutefois, Air Canada, le plus important usager, était un élément critique de la transaction. Si on n'arrivait pas à s'entendre d'une façon ou d'une autre... en présumant que les parties agissaient de bonne foi des deux côtés de la table de négociations, il était dans l'intérêt de tous de régler le problème avec Air Canada.

À l'évidence, pour ce qui touchait le nouveau bail, ce qu'ils avaient l'intention de faire, comment l'aménagement allait se réaliser, la Porte 80, la zone des vols transfrontaliers, tout cela, il fallait que le soumissionnaire s'installe à la table de négociations pour le régler avec Air Canada. Il n'appartenait pas au gouvernement de le faire.

Le sénateur Kirby: Y a-t-il d'autres éléments de ce paragraphe que vous voudriez faire ressortir, avec lesquels vous seriez en accord ou en désaccord?

M. Stehelin: Non. Je crois que cela reflète assez bien la situation à ce moment-là.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, pour éviter de rappeler le document encore une fois, je veux faire la lecture de la note manuscrite que Glen Shortliffe a laissée au bas de la page:

Monsieur le premier ministre: j'ai eu au sujet de ce dossier certaines conversations dont je voudrais vous faire part verbalement.

Voilà, c'est inscrit dans le compte rendu, et nous pouvons interroger M. Shortliffe à ce sujet.

Je crois que nous devrions peut-être aussi signaler aux membres du comité que cette note à l'intention du premier ministre est datée du 5 mars. Hier, nous avons eu affaire à un document, le numéro 00189, qui était daté du 4 mars, la journée précédente. Il y était question d'une conversation entre M. Jolliffe et M. Desmarais où on a dit, entre autres:

...le SMA est d'avis que Shortliffe tente d'orchestrer quelque chose, mais il ne sait pas quoi.

J'imagine que c'était au début de ce qu'il orchestrait, mais, de toute façon, nous allons pouvoir aborder la question quand M. Shortliffe témoignera.

Le président: Ce sont des notes de qui?

Le sénateur Kirby: Celle que je citais, celle que j'ai distribuée, c'est une note de M. Shortliffe à l'intention du premier ministre. Le document numéro 00189, qu'on a cité hier, fait état d'une conversation, compte rendu d'une conférence téléphonique entre Driedger, Heed, Desmarais, Barbeau et Jolliffe.

Le sénateur Tkachuk: Puis-je poser une question au sujet de cette note? Quand vous avez commencé à la citer, cela me paraissait très intéressant. C'est une note adressée au premier ministre par M. Glen Shortliffe, le Greffier.

Enfin, en temps normal, ce document ne ferait pas surface. Donc, et je sais que c'était dans les paquets que nous avons reçus, quand je l'ai reçu, je l'ai regardé et j'ai pensé, ah, voilà quelque chose d'assez inhabituel.

Le sénateur Kirby: Le document qui fait état d'un conseil...

Le sénateur Tkachuk: Je ne nie pas le fait que nous l'ayons reçu. Je veux demander au conseiller pourquoi nous avons en mains des notes, rappelez-vous, nous avons eu cette discussion, n'est-ce pas? J'ai déjà parlé d'un conseil. C'est une lettre du greffier à l'intention du premier ministre, et nous l'avons ici? Comment avons-nous obtenu cela?

Le président: Sans qu'il y ait un passage supprimé.

Le sénateur Tkachuk: Il y a un petit passage qui est supprimé.

Le sénateur Kirby: Le conseil qui, je présume que c'est ce que c'est. Je ne sais pas. Qu'est-ce que l'article 23?

M. Nelligan: L'article 23 porte sur les communications entre l'avocat et le client.

Le sénateur Tkachuk: Comment se fait-il qu'une lettre destinée au premier ministre nous soit parvenue?

M. Nelligan: Je ne crois pas qu'il ait été jamais proposé que le premier ministre vienne témoigner. C'est un conseil à l'intention du premier ministre. Cela semble être mis à jour. C'est un compte rendu des faits qui lui a été envoyé simplement pour qu'il soit au courant de la situation à ce moment-là. Et je crois que c'est pour cela que le document a été divulgué à peu près intégralement.

Le sénateur Jessiman: Y a-t-il des notes qui ont été adressées au premier ministre en octobre ou en novembre 1993?

M. Nelligan: S'il y en a, je ne les ai pas encore vues.

Le sénateur Tkachuk: Dites-vous que nous pourriez obtenir des notes qui font état de conseils à l'intention de ministres et de premiers ministres?

M. Nelligan: Je n'ai pas parlé de conseil. Ce n'est pas un conseil.

Le sénateur Tkachuk: Non, non, des notes... qui décide?

M. Nelligan: Eh bien, ce sont les gnomes du ministère de la Justice qui décident de cela.

Le sénateur Jessiman: Si un document comme celui-là peut finir par... enfin, cela a été annulé plus tard. Il doit sûrement y avoir quelque chose par écrit. Le premier ministre y était pour quelque chose. Un des témoins nous a dit qu'il a remis personnellement le rapport Nixon à M. Desmarais. Mais il doit sûrement y avoir quelque chose concernant... entre le premier ministre et probablement, M. Nixon.

Le président: M. Stehelin, quoi qu'il en soit, le comité aura encore... il y a encore un grand nombre de questions à poser. Serait-ce en demander trop que de vous demander de comparaître... c'est ce que nous appelons une journée abrégée. Nous ajournons habituellement à 11 h 30 pour nous réunir à 12 h 30, puis nous suspendrons les travaux à 15 h. Est-il possible pour vous de revenir cet après-midi?

M. Stehelin: Certainement.

Le président: C'est bon. Nous allons pouvoir en juger nous-même.

Le sénateur Tkachuk: Je veux simplement continuer un peu dans la même veine. Est-ce qu'on examine les documents adressés au premier ministre jusqu'au moment où le rapport Nixon a été produit? Est-ce qu'on examine aussi les documents pour voir s'il serait possible de nous les envoyer, qu'ils renferment des conseils ou des renseignements à l'intention du premier ministre du gouvernement en place?

M. Nelligan: Je ne sais pas si cela fait partie de leurs recherches.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que nous pouvons leur demander?

M. Nelligan: Je vais les rencontrer cet après-midi. Je leur demanderai.

Le sénateur Tkachuk: Et le ministre Young?

M. Nelligan: Je ne sais pas si le rapport Desmarais... plutôt le rapport Rowat, auquel nous avons fait allusion hier, en date du 4 novembre, je crois, était destiné au ministre Young. Je n'ai connaissance d'aucun autre document d'information. C'était, d'une certaine façon, un compte rendu des faits qui lui a été donné pour qu'il reste au courant de la situation.

Le sénateur Tkachuk: D'accord.

Le président: Bon, où en sommes-nous?

Le sénateur Kirby: J'ai terminé, monsieur le président.

Le président: D'accord. Sénateur Gigantès?

Le sénateur Gigantès: M. Stehelin, vous êtes un témoin très impressionnant, et je vous en remercie.

M. Stehelin: Merci.

Le sénateur Gigantès: Non seulement vous connaissez manifestement ce dont vous parlez, mais vous parvenez à dire les choses clairement, ce qui n'est pas le cas de tout le monde en ce bas-monde. Je suis très reconnaissant.

Au cours des réunions que vous avez tenues avec les divers soumissionnaires, Paxport, Claridge, Mergeco, y avait-il des lobbyistes présents?

M. Stehelin: Pas que j'aurais reconnus. C'était surtout les gens... j'ai traité avec Spencer et les gens de Claridge.

Le sénateur Gigantès: D'accord. Y a-t-il des lobbyistes qui auraient communiqué avec vous à un moment donné au sujet de cette question?

M. Stehelin: Non. Ils savent bien qu'ils ne doivent pas communiquer avec moi.

Le sénateur Gigantès: Vous n'avez pas levé de roche pour voir s'il y en avait cachés dessous?

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Gigantès: Merci. Je voudrais vous poser rapidement une question au sujet d'une note au dossier de votre part, en date du 9 février 1993, ayant pour objet une conversation tenue avec J. C. Wilson, le 2 février 1993. Le numéro du document... vous allez peut-être vouloir faire une note pour la remettre à M. Lynch-Staunton, qui se préoccupe beaucoup des numéros de document... et au sénateur Tkachuk.

Le numéro du document en question est 00120(J). Selon la note, Hession a engagé M. Wilson pour diriger une équipe chargée de la cession dans le cas de la proposition de Paxport. Puis-je vous faire la lecture d'une partie du troisième paragraphe? On peut y lire:

Jim Loutts, d'Ernst...

Ernst & Young je présume?

M. Stehelin: Oui, Ernst & Young.

Le sénateur Gigantès:

...a participé à l'examen du modèle financier et de diverses autres questions concernant le financement. Le modèle a été réalisé par une société francophone...

C'est tout ce qui est dit.

...et Wilson ne pouvait se rappeler le nom de la société; toutefois, il a signalé que la plupart des experts-conseils participant au programme travaillaient sans garantie, si ce n'est qu'ils pouvaient obtenir les frais et débours divers.

Qu'est-ce que cela veut dire au juste, selon vous, "la plupart des experts-conseils travaillaient sans garantie"?

M. Stehelin: Jusqu'au moment où la proposition a été présentée pour la première fois, en 1992... enfin, ce serait, un certain nombre d'experts-conseils ne touchaient pas d'honoraires parce qu'il n'était pas du tout certain qu'il y aurait des négociations. Ils touchaient des frais et débours divers.

Le sénateur Gigantès: Avez-vous jamais appris les arrangements que ces experts-conseils avaient pris avec Paxport?

M. Stehelin: Non, je n'ai jamais cherché à le savoir.

Le sénateur Gigantès: Et de quelle sorte d'experts-conseils est-il question ici?

M. Stehelin: Eh bien, il y avait des sociétés d'ingénierie, des architectes, des gestionnaires d'aéroport, des fiscalistes, j'imagine, enfin, diverses personnes qui essayaient de mettre au point l'ensemble, la proposition initiale.

Le sénateur Gigantès: Savez-vous s'il y avait des lobbyistes dans ce groupe?

M. Stehelin: Je ne sais pas.

Le sénateur Gigantès: Eh bien, puis-je revenir encore plus loin en arrière? J'aimerais vous parler... ou encore j'aimerais que vous me parliez de la façon dont vous avez été appelé à mettre la main à ce dossier encore une fois. Les documents montrent que vous êtes entré en scène assez tôt. Vous avez déjà dit que c'était le 16 décembre 1992. Il y a eu une réunion avec Peter Strum. Est-ce qu'il appartient à votre société?

M. Stehelin: Oui, c'est un de mes associés.

Le sénateur Gigantès: Barbeau, Farquhar, Cloutier et Jolliffe, le document 00133, qui porte la lettre "A".

Le compte rendu de la réunion montre qu'on a discuté des points suivants:

La façon dont les établissements financiers envisagent le risque a évolué considérablement, particulièrement au cours des six derniers mois ou depuis l'émission de la demande de propositions.

Cette évolution témoigne du fait que l'industrie aérienne connaît des difficultés, ce qui, conjugué à la restructuration de l'empire immobilier [Olympia & York]...

C'est une belle façon de le dire.

...a fait changer les politiques dans les établissements financiers. Le "bâtiment" n'est pas considéré comme étant aussi solide...

Comme vous nous l'avez dit, l'immobilier représente un investissement terrible. Je n'arrive pas à vendre ma maison à qui que ce soit.

...du fait, peut-être, d'une trop grande exposition au risque.

On se préoccupe aussi de savoir jusqu'à quel point les voyageurs sont prêts à payer encore, en sus du coût direct des vols d'avion.

Plus loin, au paragraphe 7, on peut lire:

Tout cela pourrait pousser PAXPORT ou, plus vraisemblablement, ses financiers à demander que le gouvernement fournisse des garanties sous une forme ou une autre. De ce fait, Transports Canada devrait se poser sérieusement la question suivante: "L'entente a-t-elle du sens pour l'avenir, du point de vue économique, est-elle viable?"

Le gouvernement ne devrait pas donner son argent s'il n'obtient pas en échange quelque chose de valeur égale ou supérieure.

Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de tout cela?

M. Stehelin: Certainement. Je ne sais pas qui a rédigé ce compte rendu, mais je me souviens de la réunion. À l'évidence, en décembre 1993, les établissements financiers avaient radié en prêts commerciaux une somme inégalée dans l'histoire des banques. Les provisions pour pertes sur prêts s'élevaient à deux milliards de dollars à la Banque Royale. Le Trust Royal était en grave difficulté. J'y ai passé quatre mois. C'était la pagaille sur le marché immobilier.

Ce n'était pas qu'Olympia & York. C'était Bramalea. C'était Cadillac. C'était tout le monde.

C'était la première fois que cela arrivait au marché immobilier et la première fois qu'une récession (je n'appelle pas ça une récession, j'appelle ça une dépression) avait vraiment touché le marché du Grand Toronto.

Les actionnaires, les conseils d'administration mettaient beaucoup de pression sur les banques pour qu'ils expliquent comment elles s'étaient mises dans un tel pétrin sur le marché immobilier.

Elles cherchaient à limiter leur portefeuille immobilier. Autrement dit, si extraordinaire que la transaction puisse être, elles ne l'envisageraient même pas parce que leur portefeuille était "complet".

Les Lignes aériennes Canadien connaissaient de graves difficultés. Dans le monde entier, l'industrie aérienne avait perdu plus d'argent en deux ans qu'elle n'en avait fait dans toute son histoire.

Plusieurs établissements financiers connaissaient des difficultés, et les signes de ces difficultés commençaient à se faire voir dans plusieurs compagnies d'assurance, qui jouent un rôle important.

Tout le marché avait donc changé, et il avait changé en quelque 18 mois, entre 1991 et 1993.

C'était le fouillis dans l'industrie aérienne. C'était vraiment le fouillis. Les prix étaient peu élevés. La capacité était trop grande. Air Canada et Canadien n'étaient pas prêts à faire face au problème de la capacité.

Voilà qui, étant donné que j'ai personnellement travaillé pour Olympia & York et le Trust Royal et Canadien et à tous ces dossiers...

Le sénateur Gigantès: Et l'édifice de la CBC, à Toronto?

M. Stehelin: Je n'ai pas mis la main personnellement à ce dossier. Mais il était évident que le marché n'était pas le même que ce qu'on avait connu six mois auparavant. C'est vraiment ce que nous avons fait valoir à cette réunion.

Le sénateur Gigantès: Et vous êtes d'accord avec la déclaration selon laquelle le gouvernement ne donnerait pas son argent en échange de quelque chose, à moins que ce soit de valeur égale ou supérieure?

M. Stehelin: En tant que contribuable, je suis toujours d'accord avec l'idée de ne pas donner quelque chose à moins d'en obtenir plus en échange.

Le sénateur Gigantès: Voilà qui vous fait honneur, monsieur.

Dans le rapport du 2 mars 1993, vous dites que vous deviez confirmer ou infirmer que la proposition de 850 millions de dollars pouvait être financée, que les actionnaires de Paxport pouvaient produire 66,5 millions de dollars. Vous nous avez déjà dit cela. Combien de temps avez-vous mis à réunir les renseignements et à préparer ce rapport?

M. Stehelin: Je ne saurais dire le temps réel que j'y ai consacré. Je crois que nous avons commencé vraiment à réunir les renseignements après l'exposé de Wood Gundy, dont je ne me rappelle pas la date, mais je crois que c'était au début du mois de février.

Le sénateur Gigantès: On pourrait donc dire qu'il a fallu six semaines environ...

M. Stehelin: C'est une estimation qui en vaut probablement une autre, oui.

Le sénateur Gigantès: Avec qui vous êtes-vous réuni ou entretenu pour réunir vos renseignements? Des représentants de Paxport? Leurs propres conseillers financiers? Des parties que Paxport aurait suggérées à votre société?

M. Stehelin: Non. Nous avons rencontré Wood Gundy, au début, et à plusieurs reprises par la suite. À l'origine, on croyait que Wood Gundy nous donnerait tout ce qu'il nous fallait. D'accord?

Nous en avons obtenu une partie de Wood Gundy. Nous avons demandé directement aux soumissionnaires de nous présenter leurs états financiers, des renseignements d'ordre financier, une corroboration de la part de leurs banques, enfin, tout ce qui nous donnerait une idée des gens à qui on avait affaire, de quoi ils avaient l'air et du crédit qu'ils avaient à leur disposition, et cetera.

Le sénateur Gigantès: Vous êtes donc convaincu que Paxport avait l'occasion... avait l'occasion de vous fournir tous les renseignements nécessaires?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Gigantès: J'aimerais commencer à la page 3, qui porte sur la viabilité financière du projet dans son ensemble. Auriez-vous l'obligeance de faire la lecture des deux paragraphes, pour le compte rendu, celui qui commence par "Quand la demande de propositions initiale a été émise..."?

Le sénateur Jessiman: De quel document s'agit-il?

Le sénateur Gigantès: Le document numéro 00190.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le premier rapport de Deloitte & Touche.

Le sénateur Gigantès: "La viabilité financière du projet dans son ensemble: Au moment où la demande de propositions initiale a été émise..."

Pouvez-vous lire les deux paragraphes en question, pour le compte rendu?

M. Stehelin:

Au moment où la demande de propositions initiale a été émise et que les réponses ont été reçues, on croyait que PAXPORT allait pouvoir financer son projet entier de lui-même. Selon nous, PAXPORT ne peut financer le projet entier en ce moment.

Cela est implicitement reconnu du fait que l'approche proposée consiste à financer le projet "au fur et à mesure", au fil des étapes du réaménagement.

Le sénateur Gigantès: Pouvez-vous expliquer à quelqu'un qui n'est pas très calé en finances, comme je n'ai pas de finances dont il faudrait que je m'occupe, je n'ai jamais appris. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par "...on croyait que Paxport allait pouvoir financer le projet entier de lui-même..."?

M. Stehelin: Je crois que l'idée de départ était que quelqu'un saurait prouver qu'ils ont 850 millions de dollars à leur disposition pour réaliser ce projet.

Et, dans la réalité, personne n'allait savoir prouver cela. Enfin, Claridge, si c'était sa volonté, pouvait établir un chèque de 850 millions de dollars. Ils l'ont prouvé, par la suite.

Mais personne n'allait, à ce moment-là... il n'était pas réaliste de croire que quelqu'un allait pouvoir établir un chèque de 850 millions de dollars pour cette transaction.

Le sénateur Gigantès: Qui croyait que quelqu'un allait pouvoir établir un tel chèque?

M. Stehelin: Je crois que c'était seulement... enfin, ce n'est que de la conjecture, parce que je n'ai pas participé au processus de demande de propositions. C'est seulement que... ayant été témoin d'autres transactions et ayant vu l'État agir dans d'autres situations, j'ai constaté qu'il y a parfois cette approche simpliste qui prévaut: eh bien, il nous faut nous assurer qu'ils peuvent faire le chèque."

Pour la majorité des transactions, la difficulté réside dans le fait que ce n'est pas le chèque du promoteur en entier; c'est une transaction commerciale. Et je ne crois pas... c'était seulement: nous devons nous assurer qu'ils respectent leurs engagements.

La façon la plus simple de le faire consiste donc à s'assurer qu'ils peuvent faire le chèque. Cela n'a été qu'une suite logique, à mes yeux.

Le sénateur Gigantès: Enfin, pour être réaliste, comme vous l'avez dit plus tôt, ils allaient financer cela "au fur et à mesure".

M. Stehelin: Oui. C'est la seule conclusion à laquelle on pourrait arriver, selon moi.

Le sénateur Gigantès: Le projet, bien sûr, visait le réaménagement des aérogares 1 et 2, et plusieurs témoins nous ont dit que cela devait se faire d'urgence. D'autres n'étaient pas d'accord sur ce point. C'est une autre question.

La proposition prévoyait un réaménagement coûtant 850 millions de dollars et qui, si je comprends bien, se ferait par étapes.

Est-ce bien cela?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Gigantès: Financer cela "au fur et à mesure", cela veut dire que si le financement n'est pas disponible à un moment donné, le réaménagement ne peut se poursuivre.

Est-ce bien cela?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Gigantès: De fait, la proposition ne garantissait aucunement que les 850 millions de dollars seraient investis dans le réaménagement de l'aéroport Pearson. Il n'y avait pas de garanties, cela ne se produirait pas nécessairement?

M. Stehelin: La garantie, c'était que si l'achalandage augmentait et que la demande existait, il serait possible de financer la transaction.

Le sénateur Gigantès: D'accord.

M. Stehelin: Personne ne voulait construire un autre Mirabel.

Le sénateur Jessiman: Y compris Claridge.

M. Stehelin: Surtout Claridge.

Le sénateur Gigantès: Mais, étant donné la structure adoptée, le réaménagement aurait pu cesser à n'importe quel moment donné?

M. Stehelin: Si la demande n'existait pas.

Le sénateur Gigantès: Ils auraient pu l'interrompre.

M. Stehelin: Oui. Sauf que la première étape n'était pas facultative. Cela devait être fait. Et cela concernait les problèmes touchant la Porte 80, la zone des vols transfrontaliers et l'aérogare 1.

Le sénateur Gigantès: "Wood Gundy a aussi fait valoir", je crois qu'on peut le voir ici: "et nous sommes d'accord sur ce point"... je cite votre rapport...

...que la disponibilité des fonds aux étapes ultérieures tiendront au rendement de PAXPORT à l'étape initiale. Et il est difficile sinon impossible, au point où nous en sommes...

C'est encore votre document que je cite.

...de déterminer avec certitude que les divers prêteurs sont bel et bien engagés à consentir des prêts et que PAXPORT saura amasser d'autres fonds.

La phrase suivante se lit comme suit:

Il fallait s'y attendre, au point où nous en sommes.

Est-ce qu'il est question ici des conditions du marché ou...

M. Stehelin: Eh bien, je crois qu'au point où on en était à ce moment-là, personne ne savait à quoi la transaction ressemblerait au bout du compte.

Une chose qui est très difficile à faire, c'est de convaincre quelqu'un de s'engager à vous donner ou à vous prêter une grande somme d'argent sans connaître la nature de la transaction. C'était une des questions en jeu.

Je crois qu'il y avait... enfin, si on s'installait avec les représentants d'une compagnie d'assurance-vie ou d'un important établissement financier, ce que Wood Gundy avait fait, en évoquant, de façon simpliste, ce que la transaction paraissait être aux yeux de tous, cela semblait être raisonnable du point de vue du prêt.

Mais si on ne connaît pas les questions environnementales, si on ne connaît pas les garanties, si on ne connaît pas les critères de rendement, si on ne connaît pas toutes les choses qui peuvent se retrouver dans la transaction, au bout du compte, on ne saura convaincre quelqu'un de s'engager sans réserve. Au mieux, il exprimera son intérêt.

Le sénateur Gigantès: D'accord. Maintenant, à la page 4 de votre note, il y a une catégorie: les questions concernant Paxport. On peut y lire:

À nos yeux, tant et aussi longtemps que les questions suivantes ne seront pas réglées, on ne saurait présumer raisonnablement que la proposition pourra être financée:

Nous avons appris que l'un des participants (Ellis-Don) se retire du consortium et, de ce fait, qu'il y a un manque à gagner de quelque huit millions de dollars, ou 13 p. 100 du total environ, au chapitre des capitaux propres.

Ensuite, il y a les cinq millions de dollars d'Allders, 15 millions de dollars en capitaux propres... quinze millions de dollars en capitaux propres, je présume. Est-ce bien quinze millions de dollars?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Gigantès: Parce que le terme "millions" n'y est pas.

...[cela] tient à ce que Paxport reçoive "les approbations réglementaires nécessaires pour la vente de boissons alcoolisées en franchise par Allders et l'avis de dénonciation (90 jours au maximum) du bail de la RAO".

Auriez-vous l'obligeance de nous expliquer la situation en ce qui concerne Ellis-Don?

M. Stehelin: La société Ellis-Don avait tout simplement signalé qu'elle ne participerait peut-être pas au consortium et qu'elle ne mettrait peut-être pas huit millions de dollars sur la table.

Le sénateur Gigantès: Ce qui a forcé Paxport à aller chercher quelle somme d'argent?

M. Stehelin: Huit millions de dollars.

Le sénateur Gigantès: Maintenant, j'aimerais parler brièvement d'une note datée du 11 février 1993, note au dossier de Paxport, qui traite de conversations ayant eu lieu entre Donald J. Matthews, du Matthews Group Limited ("MGL"), le 11 février 1993, à 10 h 20. Le document porte le numéro 00188 et la marque "C".

Pouvez-vous le lire tout haut? C'est très court.

M. Stehelin: Je ne l'ai pas.

Le sénateur Gigantès: Je vais le lire pour vous:

J'ai téléphoné à M. Mathews [sic] pour discuter de la lettre de Wood Gundy, en date du 9 février 1993. J'ai demandé à M. Mathews s'il avait un exemplaire de la lettre ou si nous pouvions en discuter brièvement, particulièrement en rapport avec mes questions au sujet du paragraphe 3.

Il a signalé qu'il n'avait pas la lettre devant lui et je lui ai fait valoir que le paragraphe dont je voulais parler disait que "MGL" a pris des dispositions distinctes avec l'un de ses affiliés pour financer 20 millions de dollars, qui devront être investis à la date limite."

Est-ce qu'il y a un témoin qui... pouvez-vous expliquer cela?

M. Stehelin: Je n'étais pas convaincu du fait qu'ils avaient 20 millions de dollars à leur disposition.

Le sénateur Gigantès:

M. Mathews a répondu que la question de l'argent avait été réglée, et c'est ce que disait la lettre, de sorte qu'il n'y aurait pas de problème...

Ceci est toujours tiré d'une note de votre part. "J'ai signalé..., vous avez signalé:

...que nous étions appelés à donner notre avis quant à la disponibilité de ces fonds chez Paxport à la date limite par l'entremise du groupe Mathews. J'ai dit...

C'est encore vous qui parlez.

...qu'il devait tenir pour acquis que nous jouions le rôle de vérificateur dans le dossier et que, par conséquent, il importait pour nous d'être convaincu que ces fonds étaient, en fait, disponibles.

M. Mathews a demandé si je ne voulait pas dire qu'il mentait...

Et vous avez répondu:

..."Non, ce n'est pas une question de mentir ou de ne pas mentir, c'est seulement de déterminer en toute objectivité que les 20 millions de dollars sont bel et bien disponibles.

Monsieur, que vous êtes diplomate. "À la suite d'une discussion brève", vous poursuivez:

...j'ai dit, par exemple, "si la Banque Royale, qui a signalé que votre marge de crédit pour exploitation se situait dans les huit chiffres, devait affirmer que 20 millions de dollars étaient disponibles sous réserve que des conditions convenables soient respectées, c'est-à-dire un accord avec la proposition que vous avez faite au gouvernement concernant les aérogares 1 et 2, serait idéal.". Il n'y a pas eu de réponse. Il a noté mon nom et mon numéro de téléphone, et a dit que quelqu'un allait me rappeler.

Dans cette conversation, M. Matthews paraît, selon ce que vous dites, réfractaire à l'idée de vous révéler d'où l'argent proviendrait.

Le lendemain, soit le 12 février, vous allez assister à une réunion avec des représentants de Transports Canada, où vous avez discuté de l'état d'avancement de votre enquête sur la viabilité financière de la proposition. Je porte à votre attention le document numéro 00738 (D), compte rendu de cette réunion.

Sous la rubrique 4, vous avez apparemment signalé ce qui suit:

...rien ne confirme que Matthews Group Limited (MGL) a à sa disposition les 20 millions de dollars en capitaux propres. Don Matthews ne s'est pas montré coopératif à cet égard. Wood Gundy n'a pas vu d'état financier courant pour MGL. Les états financiers accompagnant la proposition de Paxport ont au moins 18 mois, et la situation de MGL a très bien pu varier en raison de l'évolution dans le domaine immobilier.

Fin de la citation.

Dans un autre passage concernant le rôle de Wood Gundy dans le dossier, vous avez fait remarquer:

...un examen de la description qu'a faite Wood Gundy du processus ayant conduit au financement du projet. On a expliqué qu'il était peu vraisemblable que les prêteurs institutionnels s'engagent davantage en ce moment.

Puis, vous continuez:

...Wood Gundy semble hésiter à s'engager directement dans la question de la viabilité financière.

Et encore:

...plusieurs des investisseurs n'auraient pas suffisamment de "substance" sur le plan financier pour sauver le projet au cas où il y aurait des problèmes.

Et la note continue:

Deloitte & Touche écrira de nouveau à Wood Gundy et aux investisseurs pour obtenir d'autres renseignements sur la capacité d'investir 61 millions de dollars, c'est-à-dire se renseigner sur certains investisseurs pour repérer la source des fonds et obtenir des états financiers à jour dans le cas de MGL. Wood Gundy serait aussi appelé à évaluer l'effet de la fusion Paxport-T3LP.

Soulignons aussi le paragraphe suivant, sous la rubrique 6, page 4, qui porte sur la proposition:

W. Power a fait remarquer que Paxport semble essayer de contourner la structure...

Le sénateur Jessiman: La structure officielle.

Le sénateur Gigantès: La structure officielle.

...outre le fait de demander que l'on tienne une réunion, sur le conseil de leurs avocats, les représentants de Paxport communiquent avec des hauts fonctionnaires chargés de la gestion de l'aéroport pour essayer de régler certaines de ces questions.

Le document suivant... avez-vous des objections face à tout ceci? Est-ce bien ce dont vous vous souvenez?

M. Stehelin: Les questions... enfin, les questions qui nous touchent, oui. Enfin, je ne me rappelle pas cette réunion en particulier, mais je me souviens certainement des questions dont nous avons parlé. Nous en étions à ce point.

Le sénateur Gigantès: Merci. J'aimerais maintenant passer à une lettre que vous avez adressée à Victor Barbeau, en date du 22 février 1993. C'est le document 00196(E).

À la page 2, vous résumez les fonds engagés par les divers participants à la proposition de Paxport. Pouvez-vous nous expliquer brièvement le graphique?

M. Stehelin: Pardon, qu'est-ce que vous voulez que je fasse?

Le sénateur Gigantès: Pouvez-vous nous expliquer le graphique? Je vois un graphique intitulé "résumé de la participation au capital..."

M. Stehelin: À la page 2?

Le sénateur Gigantès: Oui.

M. Stehelin: Essentiellement, nous voulons simplement montrer en bref qui investissait et la somme qu'il investissait, d'accord? Et les engagements pris à ce moment-là étaient les 23 950 000 $ de Matthews; pour Allders, le cinq et le dix dont nous avons déjà parlé; 8,6 pour la Bracknell Corporation, et 10 pour CIBC/Wood Gundy. Nous ne savions pas où Ellis-Don en était à ce moment-là.

Le sénateur Gigantès: Ce sont les huit millions de dollars manquants.

M. Stehelin: Indéterminés à ce moment-là. Ce que vous... le premier chiffre en fonction duquel tout le monde travaillait était de 66 millions de dollars.

Le sénateur Gigantès: Et, selon ce tableau, même si on n'envisage que les engagements, il manque huit millions de dollars à ces 66,5 millions. Est-ce la somme qu'Ellis-Don a retirée?

M. Stehelin: C'est le cas d'Ellis-Don. Personne ne savait où Ellis-Don en était à ce point-là.

Le sénateur Gigantès: À cette date, donc, Paxport n'avait reçu que 4,4 millions de dollars?

M. Stehelin: C'est tout ce qui avait été avancé à Paxport à ce moment-là.

Le sénateur Gigantès: Dans le compte rendu de votre réunion initiale, du 15 décembre 1992, avec Transports Canada à ce sujet, (c'est "A") il y a une note:

La date limite pour prouver la viabilité financière est le 15 février 1993... On dit que les travaux pourraient commencer le 30 avril 1993. À quel point est-ce réaliste?

Page 2, point 7.

M. Stehelin: Si c'est le 15 février qui avait été retenu, je crois que c'est en raison d'une lettre qui avait été transmise à Paxport en décembre, il me semble, lettre qui disait essentiellement, si ma mémoire me sert bien... essentiellement: l'évaluation que nous avons faite des propositions reçues fait voir que la vôtre est la meilleure. Nous devons régler toutes sortes de questions. Il y a toutes sortes de choses avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord.

Et, pour ce qui touche la question de la viabilité financière, je crois que la date limite était le 15 février. C'est une date limite qui était imposée, à ce moment-là, pour qu'un certain nombre de questions soient réglées.

Le sénateur Gigantès: Merci. J'aimerais parler maintenant de la capacité qu'avait le Groupe Matthews de contribuer les 20 millions de dollars requis, puisqu'il fallait qu'ils contribuent cela selon l'engagement pris. À la page 3 de la lettre, sous Matthews Group Consolidated, vous dites:

Le 19 février 1993, nous avons reçu un rapport financier consolidé accompagné de calendriers et renseignements financiers concernant Mathews [sic] Group Limited, valable au 30 novembre 1993.

C'était 1992, je présume.

Comme nous allons le voir plus bas, la participation de 20 millions de dollars du Groupe Matthews au capital de "Paxport" à la date limite sera financée par Allders International Canada Limited... compte tenu des renseignements financiers obtenus le 30 novembre 1992, nous ne pouvons déterminer si le Groupe Matthews est en mesure de financer les 20 millions de dollars en question, si ce n'était de son entente avec Allders International Canada.

À lui seul, le Groupe Matthews ne pouvait donc fournir l'argent qu'il s'était engagé à fournir. Selon ce paragraphe, je déduis que c'est l'entente avec Allders International Canada qui venait "sauver" la situation.

Premièrement, quand vous avez demandé à M. Matthews ce qu'il en était des 20 millions de dollars le 11 février, il a dit qu'il les obtiendrait de l'une de ses filiales. Est-ce que la société Allders fait partie du Groupe Matthews, à votre connaissance?

M. Stehelin: J'ai un peu de difficulté à vous suivre.

Est-ce que vous posez des questions et ajoutez des choses au fur et à mesure que vous lisez ma lettre?

Le sénateur Gigantès: Non. Je cite.

M. Stehelin: Revenons donc en arrière. Vous laissez entendre certaines choses qui ne se trouvent pas dans ma lettre, premièrement. Deuxièmement, la lettre dit ce qu'elle dit.

Le sénateur Gigantès: La lettre dit ce qu'elle dit.

M. Stehelin: Tenons-nous en à la lettre.

Le sénateur Gigantès: D'accord. Les 20 millions de dollars en question, à votre avis, Matthews allait-il obtenir d'Allders les 20 millions de dollars en question?

M. Stehelin: À mon avis? C'est un fait. Il existe une entente qui dit que Matthews va financer les 20 millions de dollars. Ce n'est pas mon avis. C'est un fait.

Le sénateur Gigantès: Grâce à Allders. D'accord. Je suis heureux que vous ayez dit cela. Allders, si je comprends bien, exploite une concession hors-taxe à l'aérogare 3. Est-ce bien cela?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Gigantès: À l'époque, la société Allders avait-elle les concessions hors-taxe à l'aérogare 1 ou à l'aérogare 2?

M. Stehelin: Je ne me rappelle pas. Je vais présumer que ce n'était pas le cas, parce que l'une des questions en jeu était le bail de la RAO. La question était du ressort de la province, et le gouvernement fédéral ne pouvait vraiment rien faire à ce moment-là. Parce que l'une des conditions qu'Allders avait imposées dans tout cela, c'est qu'il fallait que, essentiellement, le droit de vendre en franchise les boissons alcoolisées lui revienne. Et je crois qu'il ne l'avait pas à ce moment-là. Et ce n'était pas une question que le ministère des Transports pouvait forcément régler. C'était donc, enfin, une des questions en jeu. C'est pourquoi j'ai dit qu'il ne l'avait pas à ce moment-là.

Le sénateur Gigantès: D'accord. Mais Allders International Canada Limited appartient dans une proportion de 51 p. 100 à AGRA Industries?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Gigantès: C'est une société inscrite à la cote qui appartenait dans une proportion de 49 p. 100 à Allders PLC, société britannique inscrite à la cote?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Gigantès: Bon, la demande de propositions s'adressait seulement aux promoteurs qui étaient canadiens et qui étaient contrôlés, en fait, par des Canadiens. D'ailleurs, nous avons entendu dire que M. Hession a lutté vigoureusement en faveur de cette restriction de façon à exclure la British Airports Authority. Je ne cite pas.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce que vous laissiez entendre par là? Il s'agit d'une société canadienne, qu'est-ce que vous dites? Qu'elle est américaine ou britannique ou quoi encore? Elle est contrôlée, les intérêts majoritaires sont canadiens, à 51 p. 100. Nous avons entendu cela déjà.

Le sénateur Gigantès: Nous approchons de la fin, n'est-ce pas?

Le président: Il me reste deux minutes, et je veux annoncer quelque chose avant la pause.

Le sénateur Gigantès: Voulez-vous l'annoncer tout de suite, puis j'aurai 30 secondes pour...

Le président: Prenez les 30 secondes tout de suite, et je pourrai...

Le sénateur Tkachuk: Pouvez-vous citer telle ou telle chose, sénateur Gigantès, et dire, si vous déclarez quelque chose vous-même, que c'est vous qui faites la déclaration parce que vous semblez tout confondre...

Le sénateur Gigantès: C'est moi qui déclare ce qui suit. D'après ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant...

Le sénateur Tkachuk: Merci.

Le sénateur Gigantès: D'après ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, il semble, à ce stade particulier de la chronologie, que Paxport, donnez-lui le nom que vous voulez, représentait un choix très curieux comme soumissionnaire retenu.

Merci, Monsieur le président.

Le sénateur LeBreton: C'est votre avis.

Le sénateur Gigantès: J'ai dit que c'était là mon avis.

Le président: À l'ordre. À l'ordre.

Monsieur Stehelin, vous êtes pour nous un témoin très, très précieux, et nous sommes enchantés de savoir que vous allez revenir cet après-midi.

M. Stehelin: À quelle heure voulez-vous que je revienne?

Le président: À 12 h 30.

M. Nelligan: Nous terminons à 15 h. Vous pouvez donc planifier le reste de la journée comme bon vous semble.

Le président: Je voulais seulement vous demander, pour préparer le terrain en vue de cet après-midi: vous avez rédigé deux rapports, à toutes fins utiles. Vous en avez rédigé un le 2 mars à l'intention de Mme Labelle, et je présume que les documents que vous nous avez donnés accompagnaient ce rapport, la prétendue lettre. Il est question de Paxport et de sa capacité financière.

Presque toutes les questions posées ce matin portent sur Paxport, mais nous avons aussi affaire à ce qui s'appelle la Pearson Development Corporation, l'union de Paxport et de Bronfman-Claridge.

Votre deuxième rapport, en date du 17 août, s'adressait à M. Rowat. À ce moment-là, vous vous êtes penché sur cette union.

Avez-vous dit aussi que vous étiez au courant de l'entente intervenue entre Claridge et Matthews ou que vous en aviez été le témoin? Je fais toujours... vous avez été témoin de cette entente?

M. Stehelin: De l'entente du 14 janvier entre les deux parties?

Le président: Oui.

M. Stehelin: J'ai vu la lettre d'intention, oui.

Le président: La lettre exprimant l'intention d'établir une société de commandite, en date du 15 janvier.

M. Stehelin: Oui.

Le président: Avez-vous vu l'entente avant que la lettre d'intention ne soit produite?

M. Stehelin: Non. Le premier document que j'ai vu, je crois, c'était la lettre d'intention.

Le président: Je vois. Je croyais que vous aviez dit que vous avez vu les ententes.

M. Stehelin: J'ai vu les ententes définitives qu'ils... la version définitive des contrats de société.

Le président: Puis-je demander au comité, comme nous traitons de la Pearson Development Corporation, quelle était l'organisation qui s'est créée, puis qui a été dissoute. C'est vraiment là-dessus qu'il nous faudrait insister. C'est dans cette voie que nous devons nous engager.

Et votre rapport final sur cette société née de la fusion est daté, comme je l'ai dit, du 17 août.

Pouvons-nous nous concentrer là-dessus cet après-midi?

Le sénateur Gigantès: Monsieur le président, j'ai une objection à cet égard, si vous permettez.

Le président: Je vous en prie.

Le sénateur Gigantès: Voici mon objection. Il s'agit d'un marché public. Il est question de la cession de biens publics à une entreprise du secteur privé.

La qualité de la démarche à toutes les étapes est une question importante. Pour que mes collègues de l'autre côté ne s'énervent pas trop, d'après les témoignages que j'ai entendus, je suis d'avis que le fait de retenir la proposition de Paxport et non pas celle de Claridge représentait un acte important, à mes yeux. Par conséquent, les témoignages que nous avons reçus à propos du premier rapport, celui de M. Stehelin, en date du 2 mars, me paraît pertinent.

Le président: Personne ne laisse entendre que ce n'est pas pertinent. Je dirais que la raison pour laquelle M. Stehelin a accepté de revenir, c'est pour traiter de l'étape finale de la démarche. Il n'y a pas qu'une étape, et vous avez fait valoir de très bons arguments.

Le sénateur Gigantès: Monsieur le président, il est tout à fait juste qu'il vienne traiter de la dernière étape, mais, tandis que je lis les témoignages, je vois que les fonctionnaires, sous l'impulsion de leurs maîtres politiques, ont fait un "cadeau" à Paxport. Puis...

Le sénateur Jessiman: Ce n'est pas vrai.

Le sénateur Tkachuk: Quel témoignage dit cela?

Le sénateur Gigantès: C'est mon interprétation des témoignages. Je parle pour moi-même.

Le président: Je ne vais pas m'engager dans cette voie. Il n'y a pas de preuve à cet égard. Nous suspendons les travaux jusqu'à 12 h 30.

Le sénateur Kirby: Puis-je faire une observation?

Le président: Oui.

Le sénateur Kirby: Je veux simplement que les choses soient claires. Premièrement, les questions du sénateur Tkachuk portaient sur les documents datés du 17 août. La plupart des miennes, aussi. Mais vous laissez entendre... tout ce qui me heurte, c'est l'idée que, d'une façon ou d'une autre, vous commenciez à contrôler les documents au sujet desquels les gens peuvent poser des questions. Je pourrais interpréter... je comprends pourquoi vous avez dit ce que vous avez dit. Mais vous semblez laissez entendre que les gens ne devraient pas poser de questions au sujet de, par exemple... je n'ai plus de questions à poser de toute façon, mais vous me semblez laisser entendre...

Le président: Je n'ai jamais, depuis que ce comité exerce son mandat et depuis que j'assure la présidence, je n'ai jamais muselé qui que ce soit. Je suggère que, pour le compte, tout au moins, de la presse ou des gens qui écoutent nos audiences à la télévision, que nous abordions maintenant quelque chose de très important, c'est-à-dire les idées de M. Stehelin à propos de la société fusionnée qui est apparue au bout du compte. Enfin, c'est pour cela que nous sommes ici.

Le sénateur Kirby: Je croyais, pour être juste envers le sénateur Tkachuk et moi-même, que nous avions discuté de cela...

Que nous avions répondu, vous-même et moi-même, à ce critère. Mais peut-être que nous ne l'avons pas fait.

Le comité suspend ses travaux jusqu'à 12 h 30.


Ottawa, le jeudi 17 août 1995

Le comité spécial du Sénat chargé d'étudier les accords visant l'aéroport international Pearson se réunit aujourd'hui, à 12 h 30, pour poursuivre l'examen de toutes les questions relatives aux politiques et aux négociations ayant abouti à la conclusion des accords touchant la mise en valeur et l'exploitation des aérogares 1 et 2 à l'aéroport international Lester B. Pearson et les circonstances entourant leur annulation, et pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: Très bien, collègues, à l'ordre, s'il vous plaît. Encore merci, monsieur Stehelin. D'abord, une question de clarification par M. Nelligan.

M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: Monsieur Stehelin, on vous a demandé ce matin si vous aviez lu le rapport Nixon, et vous avez répondu que vous aviez lu les deux rapports. Par la suite, vous avez dit ne pas avoir lu le rapport Crosbie. Auriez-vous l'obligeance d'expliquer ce que vous vouliez dire en déclarant avoir lu deux rapports?

M. Paul Stehelin, Deloitte & Touche: J'ai lu deux rapports préparés par M. Nixon.

M. Nelligan: Très bien. Un rapport figure à l'onglet O de notre reliure principale, et il s'agit du rapport public. Je me demandais si quelqu'un pourrait montrer ce document au témoin.

Le sénateur Gigantès: Le texte est en 18 points.

M. Nelligan: Tout à fait. Trouvez le document à l'onglet O, monsieur?

M. Stehelin: Oui.

M. Nelligan: S'agit-il de l'un des rapports que vous avez lus?

M. Stehelin: C'est le rapport que j'ai, oui. C'est l'impression que j'ai, sans lire tout le texte.

M. Nelligan: Avez-vous eu l'occasion de lire un autre rapport préparé par M. Nixon?

M. Stehelin: Oui, j'ai lu un autre rapport.

M. Nelligan: En quoi est-il différent de celui que vous avez maintenant sous les yeux?

M. Stehelin: Certaines de ses conclusions sont différentes.

M. Nelligan: Savez-vous à quelle date l'autre rapport a été produit?

M. Stehelin: Je n'en ai pas de copie. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

M. Nelligan: Savez-vous s'il est antérieur ou postérieur à celui qui est daté du 29 novembre?

M. Stehelin: Je ne suis pas en mesure de vous le dire de mémoire. Je n'ai pas prêté attention aux dates précises.

M. Nelligan: Le rapport était-il présenté de la même façon?

M. Stehelin: Oui, pour l'essentiel.

M. Nelligan: Merci. C'est tout ce que j'avais.

Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, ne devrions-nous pas poser la question au ministère de la Justice? Ne s'agit-il pas là d'un renseignement qui pourrait être important pour nous? Ce matin, nous abordons des questions qui n'ont véritablement rien à voir avec les décisions que nous sommes appelés à prendre ici, et j'aimerais que le conseiller juridique essaie de déterminer si le comité a droit ou non à ce rapport.

M. Nelligan: Je rencontre des représentants du ministère cet après-midi.

Le président: Très bien. Nous avons décidé, en raison de la situation terriblement incommode dans laquelle nous avons placé M. Sinclair, de l'ATAC, dont nous avons sommairement, dont j'ai sommairement annulé le témoignage de cet après-midi, et nous avons décidé que M. Sinclair restera ici et que nous l'entendrons cet après-midi, peut-être pas pour une très longue période. Tout dépendra des progrès réalisés avec M. Stehelin, mais nous tenterons de faire une place pour M. Sinclair. Sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk: Monsieur, bonjour. Pour faire suite à ce que nous avons dit ce matin, je souhaite passer au document 002081, daté du 17 août 1993, auquel j'ai déjà fait allusion ce matin, mais je tiens à l'examiner en détail cet après-midi, parce qu'il nous rapproche de la conclusion de l'accord et que tous les acteurs sont en place.

Le sénateur Jessiman: Il s'agit de la lettre de Deloitte & Touche.

Le sénateur Tkachuk: Il s'agit de la lettre adressée par Deloitte & Touche à Transports Canada, à l'attention de M. William Rowat. Avez-vous cette lettre en main, monsieur?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Vous commencez par... la transaction est présentée le 23 août, les projections financières indiquent que Mergeco peut être financé. Pourquoi ne passerions-nous pas en revue les conditions, je ne devrais peut-être pas parler de conditions, mais bien plutôt d'hypothèses générales que vous posez et commentez. Je pense que nous pouvons sauter l'état de la dette par rapport à l'avoir. Pour voir ce qui a été accompli, faisons comme s'il s'agissait d'une liste de contrôle. Je tiendrai certaines choses pour acquises puisque nous avons déjà entendu des témoignages. Vous pouvez être d'accord ou non avec moi.

Deuxièmement, la question d'Air Canada est abordée. Cette question était donc réglée?

M. Stehelin: Oui. Une lettre d'entente avait été signée à propos des modalités du nouveau bail.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. Il ne restait plus qu'à obtenir l'approbation du conseil d'administration d'Air Canada ce qui, au moment où l'accord a été mené à bien et signé en octobre, avait été fait?

M. Stehelin: Je n'en ai pas la certitude, mais je suppose que oui.

Le sénateur Tkachuk: Dans ce cas, je ne poserai pas cette question. D'après ce que je sais, cela était fait. L'injection de capitaux de 61 millions de dollars?

M. Stehelin: D'après ce que je sais, cela a été fait.

Le sénateur Tkachuk: Nous ne savons rien à propos du quatrième élément, qui a trait à la phase de construction...

Le sénateur Jessiman: Sénateur Tkachuk, puis-je poser une question à ce sujet?

Le sénateur Tkachuk: Certainement.

Le sénateur Jessiman: La première phase exigeait des capitaux propres de 61 millions de dollars?

M. Stehelin: Essentiellement, ils devaient investir leurs capitaux propres, mettre les choses en branle, puis emprunter, obtenir un financement provisoire.

Le sénateur Tkachuk: Tous les associés ont investi leur argent?

M. Stehelin: Les 61 millions de dollars ont été investis, oui.

Le sénateur Jessiman: Et l'aérogare 1, celle que Transports Canada souhaitait voir aménagée, et Pearson, ou la Pearson Corporation, n'était pas inquiète. Cela allait permettre de... Pearson s'était engagée à consacrer 15 millions de dollars à cette tâche, selon ce que je crois comprendre.

M. Stehelin: Ils devaient effectuer des travaux de réfection immédiats à l'aérogare 1, et cela faisait partie de la transaction à conclure.

Le sénateur Jessiman: Hier, on nous a dit, je ne sais si vous le savez ou non, mais je vais vous le préciser parce que cela fait partie des témoignages que nous avons entendus, le gouvernement évaluait le coût des travaux à 11 millions de dollars, et Pearson assumait la responsabilité de 15 millions de dollars. Le gouvernement n'a pas pensé, il y avait donc un coussin de 4 millions de dollars, et le gouvernement devait assumer un tiers de toute somme excédant 15 millions de dollars. Étiez-vous au courant?

M. Stehelin: Cela me semble familier. Mais je n'arrive pas à me rappeler où ces données se trouvent dans les accords.

Le sénateur Jessiman: Merci beaucoup. Je voulais simplement clarifier ce point.

Le sénateur Tkachuk: L'élément numéro 5 a trait à la constitution du fonds de 5 millions de dollars, en cours de négociation. Il s'agissait de sommes mises de côté pour garantir la disponibilité de capitaux propres en vue du stade deux.

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Cela a été fait?

M. Stehelin: Cela a dû être fait.

Le sénateur Jessiman: Il y a eu une entente?

M. Stehelin: Il y a eu une entente. Cela fait partie de l'entente générale.

Le sénateur Jessiman: La Pearson Corporation a été obligée de dégager ces fonds?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: À l'élément 6, il est question des dividendes et des paiements d'intérêts, qui sont pour l'avenir, mais il y est aussi question du manque à gagner de 38 millions de dollars, du manque à gagner entre... ou d'un éventuel manque à gagner entre l'an quatre et l'an huit. Cela fait-il partie du manque à gagner prévu, celui sur la foi duquel vous avez affirmé que la société ne gagnera pas d'argent et ne réalisera aucun profit net pendant les dix premières années?

M. Stehelin: Non, l'argent et le profit représentaient deux choses différentes. Comme je l'ai dit auparavant, pendant une certaine période, je crois que, en gros, c'était entre l'an trois et l'an quatre, les aérogares 1 et 2 ne généreraient aucun mouvement positif de trésorerie. En réalité, il s'agissait d'un effet du passage au nouveau bail foncier d'Air Canada. Il avait fallu financer certaines dépenses à l'égard desquelles des emprunts avaient été contractés parce que, une fois la phase un terminée, ils ont cessé de pourvoir en capital et de dépenser. À l'époque, les capitaux étaient plutôt rares à l'égard des aérogares 1 et 2.

Le sénateur Tkachuk: Excusez-moi. J'ai parfois de la difficulté à entendre, et c'est pourquoi je vais mettre ces écouteurs. Voilà ce que c'est que d'avoir 50 ans, je suppose.

Le sénateur Jessiman: Comme je vous comprends.

Le sénateur Gigantès: J'ai 72 ans.

Le sénateur Tkachuk: Heureux homme. Quand vous parlez, avez-vous remarqué, sénateur, que je les retire?

Le sénateur Gigantès: Lorsque vous prenez la parole, c'est ce que je fais pour me préparer à dormir.

Le sénateur Tkachuk: C'est ce que vous avez fait.

Le président: Ne vous refusez pas un avantage naturel.

Le sénateur Tkachuk: Si nous passons au septième élément (maintenant, c'est trop fort), si nous passons au septième élément...

...sera considéré favorablement par les bailleurs de fonds et facilitera le financement de la transaction. À supposer que le rendement soit de façon générale conforme aux projections, nous avons le sentiment que la participation de Claridge est très positive du point de vue de la capacité financière.

Je pense que ce passage parle de lui-même.

Quant aux éléments huit et neuf, une fois de plus, je pense que l'élément numéro neuf parle de lui-même: "est accepté, sous réserve que cela soit effectué à la satisfaction de Claridge, qui s'occupera du financement". Est-ce parce que Claridge est l'associé majoritaire?

M. Stehelin: Ici, on fait référence au fait que l'auteur de la proposition tenait à ce que le bail, le bail foncier, s'assortisse des clauses d'inexécution prévues par le plan de financement de l'aérogare 3.

À l'origine, le gouvernement ou le ministère des Transports a utilisé comme point de repère les baux fonciers des AAL, qui avaient été mis en place à Vancouver et dans divers autres centres et la position soutenue était que, je pense que c'est essentiellement ce que tout le monde disait, puisqu'on allait probablement s'adresser aux bailleurs de fonds déjà présents dans le dossier de l'aérogare 3, il était tout à fait sensé de s'adresser à ceux qui savaient comment traiter ce genre de projet. En outre, les modalités relatives à l'inexécution, les redressements que les bailleurs de fonds étaient autorisés à faire et n'étaient pas autorisés à faire devraient être identiques aux dispositions prévues pour l'aérogare 3.

Le gouvernement n'était pas disposé à consentir à certaines modifications ou à certaines choses à seule fin d'établir des modalités identiques, et cela est devenu un enjeu. On disait simplement... pourquoi les bailleurs de fonds accepteraient-ils une clause d'inexécution ou des clauses de redressement moins favorables que celles qui existent déjà pour l'aérogare 3? Voilà tout le problème qui se posait.

Le sénateur Tkachuk: Nous passons au dixième élément, qui a trait à la clause relative au déroutement des passagers, dont le seuil était fixé à 33 millions, ainsi qu'à l'utilisation éventuelle de dispositions visant à accorder certaines assurances aux bailleurs de fonds préoccupés par la possibilité d'un déroutement catastrophique. Histoire de clarifier les choses, ici, parce que nous avons entendu des témoignages sur ce point, le gouvernement pouvait en tout temps dérouter jusqu'à 1,5 million de passagers. Cela figurait-il dans l'accord?

M. Stehelin: Je ne parviens pas à me souvenir de la clause précise, mais le chiffre de 1,5 million me semble juste, oui.

Le sénateur Tkachuk: Et les bailleurs de fonds exigeaient des locataires une certaine forme de protection contre les déroutements. Est-ce pourquoi cette question est si importante, à la fois pour...

M. Stehelin: Je pense que vous êtes... d'entrée de jeu, je ne me braquerais pas sur le chiffre de 1,5 million.

Le sénateur Tkachuk: Je ne me braque pas.

M. Stehelin: Le véritable enjeu était... dans mon esprit, tout au moins... je comprends les préoccupations des bailleurs de fonds, tout comme je comprends celles du gouvernement.

On essayait simplement de prévenir la catastrophe, et, du point de vue de Pearson, la catastrophe à laquelle on fait ici allusion est que, 11 ans après la conclusion de la transaction, le gouvernement décide que le terrain de Pickering lui appartient toujours, puisqu'il ne l'a jamais vendu. Le terrain lui appartient toujours en totalité. Qu'advient-il s'il décide de construire un aéroport à Pickering et que, soudain, on se retrouve avec deux importantes aérogares internationales, et que le nombre de passagers à l'aéroport Pearson chute à 22 millions, tandis que vous venez tout juste de compléter un investissement de 800 millions de dollars? Voilà quel était le noeud du problème et la question sur laquelle tous se penchaient.

Il ne s'agissait pas de savoir si le chiffre devait être de 33 millions, de 29 millions ou de 35 millions de passagers, ou de quelque autre ordre que ce soit. La question était de savoir ce qu'il adviendrait si, dans dix ans, on construisait l'aéroport de Pickering et drainait 10 millions de passagers.

Le sénateur Tkachuk: En d'autres termes, donc, le locataire craignait que le propriétaire, sachant que la location des trois aérogares lui procurait tout cet argent, allait décider de se concurrencer lui-même?

M. Stehelin: Cette question nous entraîne dans tout un ensemble d'enjeux, parce que le gouvernement soutenait que nous devions conserver une marge de manoeuvre à l'égard de l'avenir de la grande région métropolitain du sud-ouest de l'Ontario, et cetera.

L'autre problème qui entrait en ligne de compte ou que chacun s'efforçait de régler avait trait au fait que, tous le reconnaissaient, il était possible d'agrandir l'aéroport, une fois les aérogares 1, 2 et 3 en place, sur ce qu'on désignait comme les terrains de l'aérogare 4, ce qui ne faisait pas partie de la demande de propositions initiale. Au cas où la capacité se révélerait insuffisante, et on se disputait ferme pour tenter d'établir si ça allait se produire à 30 ou à 35 millions de passagers. Réunissez deux spécialistes dans la même pièce et vous obtiendrez deux points de vue différents, mais le chiffre se situait entre 30 et 35 millions de passagers. La capacité de contrôler l'aménagement de l'aérogare 4 et les terrains correspondants n'a jamais été mise sur la table dans le cadre des négociations, d'accord?

Les auteurs de la proposition souhaitaient qu'on le fasse pour se donner une marge de manoeuvre. Du point de vue des coûts, la solution logique consisterait à s'attaquer aux terrains de l'aérogare 4 dans l'hypothèse où le chiffre de 33 millions de passagers serait dépassé. On avait alors tout l'entrepiste, ce qu'on appelait l'entrepiste, qui se compose du territoire compris entre les... entre, je suppose, les pistes nord-sud, où je ne sais trop quoi.

La question des 33 millions de passagers est devenue extrêmement importante parce qu'on ne voulait pas que le gouvernement construise l'aéroport de Pickering. La position du gouvernement était la suivante: pourquoi le ferions-nous? Vous nous versez un loyer. Plus vous gagnez d'argent, et plus le loyer augmente, et cetera, et nous avons les terrains réservés pour l'aérogare 4, et nous avons l'entrepiste, et il serait plus rentable d'agrandir l'aéroport de la sorte que de construire à Pickering. Voilà quel était le problème.

De notre point de vue, il s'agissait d'une question liée au financement puisque les banques et les institutions prêteuses, nous sommes d'accord, allaient déclarer, après avoir étudié l'accord: qu'arrivera-t-il si le gouvernement ouvre un aéroport à Pickering? De leur point de vue, nous pouvions comprendre pourquoi il y avait là un problème. Et c'est... dans l'accord, on a retenu ce qui constituait probablement la solution la plus équitable et la meilleure possible.

Le sénateur Tkachuk: Vous tirez votre propre conclusion, et je m'apprête simplement à... lorsque nous distribuons des documents, cela ne signifie pas pour autant qu'ils soient consignés aux fins du compte rendu. Voilà pourquoi, monsieur, je vais le dire. Vous dites:

Nous avons le sentiment que la transaction peut être financée. Toutefois, nous soulignons que, en bout de ligne, la volonté des bailleurs de fonds de s'engager à long terme pour le financement des phases ultérieures sera fonction du rendement de Mergeco, particulièrement pendant les quatre premières années du projet.

Avez-vous quelque chose à ajouter, ou devrais-je lire la suite?

M. Stehelin: Je n'ai pas grand-chose à ajouter.

Le sénateur Tkachuk: Passons à la valeur de la transaction pour la Couronne, ce qui est relativement complexe, mais vous faites référence à l'évaluation réalisée par Price Waterhouse en 1992, évaluation qui a été remise à la Couronne, et je me demandais simplement si vous pourriez expliquer les écarts auxquels vous faites implicitement allusion ici et si vous pourriez comparer les deux valeurs?

M. Stehelin: Nous tentions d'établir une comparaison avec le document préparé en juillet 1992 par Price Waterhouse.

La conclusion de base, je pense, est la suivante... quatre points sont énumérés ici, mais les principaux écarts ont manifestement trait au taux d'escompte et, sur une période prolongée, un demi-point fait toute une différence. Pour l'avenir, on ne prévoyait pas une génération de revenus équivalente. Ils ne parvenaient à la leur qu'en se fondant sur une valeur actualisée nette dans 20 ans. Et, une fois de plus, plus on s'éloigne, et tout le reste.

Comme dans les phases initiales de tout projet de construction, ils avaient des mouvements négatifs de trésorerie marqués qui, outre l'écart entre l'an trois et l'an quatre, c'est-à-dire le chiffre négatif de 38 millions de dollars, ne correspondaient pas aux chiffres contenus dans l'accord tel qu'il existait à ce moment et tel que chacun le comprenait. Il y avait donc des écarts importants entre la transaction et la façon dont les fonds et les revenus allaient être générés.

Le sénateur Tkachuk: Si nous passons à vos conclusions quant à la valeur de la transaction pour la Couronne, j'aimerais m'intéresser à des considérations moins tangibles.

Le sénateur Jessiman: Page?

Le sénateur Tkachuk: Page 5. Et si je veux en venir à ces considérations, c'est parce qu'en lisant ces pages, je me suis rendu compte que la Couronne bénéficiait d'une assez bonne protection, ou de ce qui me semble être une très bonne protection, et ces choses devraient être répétées. Voilà pourquoi je vais les lire l'une à la suite de l'autre, et vous pourrez commenter après chacune. D'accord?

Je vais commencer par la première.

...au cas où la société ferait défaut à ses obligations aux stades initiaux du réaménagement, il est probable que la Couronne obtiendrait les titres sur les aérogares 1, 2 et 3 (c'est-à-dire que le contrôle de l'aéroport tout entier, y compris l'aérogare 3, reviendrait à la Couronne). Dans un tel cas, il est difficile d'évaluer quelle serait la valeur de l'aérogare 3. Cependant, le fait d'avoir le contrôle sur l'ensemble des installations procurerait des avantages certains.

Le texte parle de lui-même, mais avez-vous des commentaires, ou pouvez-vous présenter un scénario de... cela aurait-il pu se produire en tout temps? Si la société avait fait défaut à ses obligations au stade un, bingo, on obtient tout, la Couronne obtient tout?

M. Stehelin: Nous ne disons pas que c'est ce qui se produirait, que la Couronne obtiendrait tout, mais les probabilités à cet égard étaient plutôt bonnes. Ce qu'on avait, c'était les propriétaires de l'aérogare 3. Il allait falloir financer les aérogares 1 et 2. Ils relevaient maintenant de la même personne morale, pour ainsi dire, et, en cas de difficulté aux aérogares 1 et 2, ils devraient corriger le tir, faute de quoi les bailleurs de fonds leur tomberaient dessus à bras raccourcis.

Étant donné la façon dont la transaction était structurée, les bailleurs de fonds, dans l'hypothèse où les entrepreneurs feraient défaut à leurs obligations, devaient intervenir et mener à bien la phase amorcée. Ils avaient la possibilité de le faire, faute de quoi le gouvernement pouvait récupérer les titres.

En cas de problème véritable, dans l'hypothèse où les bailleurs de fonds auraient été incapables de mener à bien la phase amorcée ou de trouver quelqu'un pour corriger les problèmes, le gouvernement aurait probablement récupéré tout l'aéroport.

Le sénateur Jessiman: Puis-je poser une question, sénateur?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le sénateur Jessiman: Les 84 millions de dollars avancés par Claridge pour l'aérogare 3, le titre à bail était-il grevé d'une première hypothèque?

M. Stehelin: Non. Selon ce dont je me souviens de ce montant, l'aérogare 3 était grevée par une série d'obligations de première hypothèque. Je pense que les 84 millions de dollars venaient tout juste après la première série de...

Le sénateur Jessiman: En cas de défaut à leurs obligations, les entrepreneurs n'auraient donc pas perdu leurs 84 millions de dollars? Connaissez-vous la réponse à la question?

M. Stehelin: Tout aurait dépendu de la valeur des aérogares 1, 2 et 3 à ce moment.

Le sénateur Jessiman: Ils avaient contracté une deuxième hypothèque auprès de certains autres prêteurs?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Jessiman: À l'égard de ce titre?

M. Stehelin: Ils avaient contracté une deuxième hypothèque auprès des compagnies d'assurance-vie. Ils étaient actionnaires des compagnies d'assurance-vie.

Le sénateur Jessiman: D'accord. Merci.

Le sénateur Tkachuk: Histoire de bien se comprendre, le deuxième élément avait naturellement trait aux investissements de capitaux propres. Il n'y avait pas de garantie gouvernementale ni quoi que ce soit de ce genre. Les promoteurs et les locataires investissaient leurs propres capitaux et, en cas de défaut à leurs obligations, ils ne perdaient pas que l'aéroport. Ils couraient le risque de perdre l'aéroport ainsi que tout leur argent. Le gouvernement n'avait donc pas à éponger la facture?

M. Stehelin: Pour dire les choses simplement, on avait la certitude d'obtenir des améliorations d'une valeur de 61 millions de dollars parce qu'ils allaient investir cette somme. En cas de défaut, vous obteniez manifestement... tenons-nous-en à la première phase. On aurait récupéré les installations rénovées grevées de l'hypothèque du prêt hypothécaire de construction financé à l'interne et remboursable, quel qu'en soit le montant.

S'ils faisaient défaut à leurs obligations dans le cadre de la première phase, s'ils ne résolvaient pas les problèmes immédiats, le scénario le plus défavorable aurait été le suivant: ils auraient dépensé 61 millions de dollars, et on aurait récupéré l'aéroport. Voilà qui était de loin préférable à la situation en vigueur à l'époque. C'est tout ce qu'on essaie de dire ici.

Le président: Le gouvernement se trouvait dans la position d'un homme qui serait à la fois vétérinaire et taxidermiste, dans un cas comme dans l'autre, vous récupérez votre chien.

M. Stehelin: C'est une façon de voir les choses. J'aurais dû y avoir recours dans la lettre.

Le sénateur Hervieux-Payette: Monsieur le président, je pense que l'immeuble du réseau anglais de Radio-Canada constitue un meilleur exemple que Toronto. Le gouvernement a récupéré l'immeuble et les dettes connexes, je suppose.

Le président: Je m'excuse, sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk: C'était bon. Vous pouvez récidiver.

Le sénateur Kirby: La semaine touche à sa fin. Nous pouvons nous permettre quelques libertés.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez raison. Passons au troisième élément:

Dans le cadre de la présente transaction, les risques associés à chacune des phases de l'aménagement sont assumés par Mergeco et les bailleurs de fonds. À l'égard des phases ultérieures, les risques sont toujours assumés par la Couronne.

Qu'entendez-vous par là?

M. Stehelin: Ce qu'on dit ici, c'est essentiellement qu'une fois une phase amorcée, Mergeco était de toute évidence lié, étant donné la façon dont la transaction était structurée. En effet, la société avait obtenu un contrat pour mener la tâche à bien. En cas d'incapacité de mener la phase à bien, le prêteur pourrait être tenu de le faire.

Si la société, une fois que le prêteur investit son argent, n'accomplit sa tâche qu'à moitié et fait défaut à ses obligations, le prêteur a un grave problème sur les bras, puisqu'il peut ou bien choisir de renoncer et de tout arrêter, ou bien de mener le projet à bien à seule fin de respecter les modalités du contrat de tenure à bail.

Si, une fois la phase terminée, la société fait défaut à son obligation, disons le lendemain, c'est-à-dire avant le début de la phase suivante, c'est au tour du gouvernement de se retrouver avec un problème. Le gouvernement aurait alors à s'en charger.

Le sénateur Tkachuk: Passons au quatrième élément: "la Couronne ne serait pas tenue d'emprunter sur les marchés pour financer le projet de réaménagement". Aucune garantie gouvernementale n'est donc exigée, ni pour l'émission des obligations ni pour l'argent en banque?

M. Stehelin: Non, il devait s'agir d'une transaction autonome et viable sur le plan commercial. Le gouvernement n'accordait ni garantie, ni provision, rien du tout.

Le sénateur Tkachuk: Nous passons au cinquième élément, qui est intéressant, parce qu'on l'a analysé, mais pas aussi bien que vous ne le faites ici. Outre la valeur de la transaction pour la Couronne, vous faites une déclaration au numéro cinq de la page 6 du même document. L'impôt brut versé aux gouvernements fédéral et provincial par Mergeco pour la durée du bail est de 3,808 millions de dollars, n'est-ce pas?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: On lit:

Le scénario de référence relatif aux aérogares 1 et 2 préparé par le service des finances de Transports Canada ne tient pas compte des paiements d'impôt, et la valeur actualisée de la part du gouvernement fédéral ajouterait à la valeur des contrats fonciers établis par Mergeco. À 8,5 p. 100, la valeur actualisée de ces paiements peut être évaluée à 197 millions de dollars au titre de l'impôt fédéral et à 114 millions de dollars au titre de l'impôt provincial, si on pose comme hypothèse que la valeur de la transaction sera de 1,6 milliard de dollars pour la Couronne fédérale.

Cela est-il toujours valable?

M. Stehelin: Il s'agit d'un chiffre combiné. Il tient compte des impôts et de la valeur actualisée des paiements de loyer.

Le sénateur Jessiman: Voilà un accord plutôt attrayant.

Le sénateur Tkachuk: Ainsi donc, il semble que les impôts... le gouvernement, bien entendu, ne s'impose pas lui-même, mais il gagne néanmoins avec le bail et, si la société tire bien son épingle du jeu au chapitre de la gestion des propriétés, il gagne avec les impôts qu'il prélève. En d'autres termes, mieux la société se tire d'affaire, et plus elle paie d'impôt?

M. Stehelin: C'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Dans ce cas, la conclusion est la suivante:

Compte tenu des renseignements disponibles et de l'importance du rendement obtenu par la Couronne, nous considérons qu'un bail foncier d'une valeur actualisée de 800 millions de dollars à 900 millions de dollars correspondrait, pour la Couronne, à la juste valeur du marché.

Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Tkachuk: Ce qui, à 10 ou 20 millions de dollars près, représente le chiffre qui est ressorti de la quasi-totalité des évaluations menées.

M. Stehelin: Je ferais deux mises en garde. Plus tôt, j'ai dit que lorsqu'on examine les taux de rendement et ce genre de choses, on fait abstraction des impôts, des 14 p. 100, et cetera. Il est très difficile d'effectuer un calcul, particulièrement dans ce cas-ci, parce qu'on savait que ces gens allaient avoir accès à des frais d'immobilisation considérables. Le recouvrement de cet impôt s'assortit d'une dimension chronologique. C'est la première mise en garde, d'accord?

Mais, un beau jour, ce n'est pas comme le taxidermiste et l'entrepreneur en pompes funèbres, mais la mort et l'impôt sont peut-être deux choses certaines, d'accord? Un jour, il faut passer à la caisse.

Le sénateur Gigantès: C'est vrai pour les personnes.

M. Stehelin: C'est aussi vrai pour les sociétés. Je ne suis pas de votre avis. Voilà une mise en garde. Ces impôts s'assortissent d'une dimension chronologique. La structure de cette transaction pose un problème de nature structurelle. On ne sait pas quand les impôts ont pu être payés, ni sur quelle base. Voilà la première mise en garde. Il y a certaines hypothèses arbitraires.

L'autre commentaire que j'aimerais formuler est que le service des finances a consacré beaucoup de temps à l'établissement de modèles pouvant permettre d'établir la valeur de la transaction pour la Couronne. Je le sais pour en avoir parlé avec ses représentants, et ils ont procédé à leurs propres analyses, et nous en avons discuté. Nous avons vu leur scénario de référence et nous le connaissions. Le ministère des Transports avait établi son propre scénario de référence.

Lorsqu'on prend ces éléments en considération et qu'on les trie, la conclusion à laquelle tous ces gens en sont venus... on peut se disputer à propos de 50 millions de dollars ici ou là, mais cela est inutile. Tout bien considéré, il s'agit d'un accord avantageux pour la Couronne.

D'autres mises en garde s'imposent, mais, cela dit, compte tenu de ce que tous savaient à ce moment, nous n'étions pas les seuls à envisager ce chiffre. Beaucoup de gens le faisaient aussi.

Le sénateur Hervieux-Payette: Puis-je demander des éclaircissements? Suivant votre modèle, à quel moment se situe-t-on puisque nous parlions toujours d'un accord d'une durée de 57 ans?

M. Stehelin: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Et, bien entendu, vous disiez qu'après 25 ans, certains nouveaux investissements devraient être consentis, de sorte que, de toute évidence, quelque chose manque à l'égard de ce qui se produira à l'avenir, mais tenons-nous-en aux 25 premières années. Lorsque vous faites allusion aux impôts, vous vous référez à une période de 57 ans. Quand commenceront-ils à payer des impôts?

M. Stehelin: Une fois de plus, il est difficile de le dire en raison de la structure, mais ils paieraient probablement, pour dire les choses simplement, il y aurait un décalage en raison de l'importance des taux de frais d'immobilisation par rapport aux taux d'amortissement. Il y aurait probablement un décalage de... cela évoluerait parce qu'ils commenceraient à le prendre comme ils ont pris les premiers 160, et cela se déplace, de sorte qu'ils commenceraient à payer de l'impôt de plus en plus. Probablement de six à huit ans.

Le sénateur Hervieux-Payette: Avant qu'ils ne commencent à payer des impôts à la Couronne?

M. Stehelin: C'est probablement le chiffre le plus précis qu'on puisse obtenir.

Le sénateur Hervieux-Payette: Après le premier jour d'exploitation, ou après le début, parce qu'on aura eu recours à un financement provisoire?

M. Stehelin: Après novembre 1993.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ils auraient donc entrepris leurs activités et ils auraient commencé à payer des impôts de six à huit ans plus tard?

M. Stehelin: Leurs frais d'immobilisation auraient probablement été suffisamment élevés pour leur permettre de ne pas payer d'impôt avant sept à huit ans.

Le sénateur Tkachuk: Ce matin, je me suis intéressé au taux d'imposition des rendements, et je pense que le témoin a fourni des réponses relativement exhaustives.

Je l'ai interrogé sur les 12 à 16 p. 100, ainsi que sur le caractère raisonnable de ces chiffres. Je crois avoir fait cela ce matin. Je crois donc que ces questions ont été abordées. Je n'ai rien à ajouter sur ce point.

Le président: Sénateur Jessiman?

Le sénateur Jessiman: Avec votre permission, j'aimerais revenir sur le deuxième rapport. À quel titre l'un ou l'autre rapport vous aurait-il été envoyé? Le savez-vous?

M. Stehelin: Je m'excuse, mais où sommes-nous?

Le sénateur Jessiman: Le rapport Nixon. Le rapport Nixon est daté du 29 novembre. Le rapport Crosbie est daté du 26 novembre.

Je n'arrive pas à croire qu'un autre rapport ait pu être produit après celui-ci, mais s'agit-il pour vous d'une possibilité? Y a-t-il un autre rapport après celui-ci, ou avons-nous maintenant sous les yeux le dernier? Le savez-vous?

M. Stehelin: Le seul rapport que j'avais vu jusqu'à il y a six mois est celui qui accompagnait le communiqué de presse.

Le sénateur Jessiman: Lequel est-ce? Celui du 29 novembre?

M. Stehelin : Je ne connais pas les dates.

Le sénateur Jessiman: À quel titre avez-vous vu le deuxième rapport?

M. Stehelin: J'ai vu le deuxième rapport.

Le sénateur Jessiman: Vous a-t-il été remis officiellement?

M. Stehelin: Non.

Le sénateur Jessiman: Donc, vous n'étiez pas... mais vous l'avez vu?

M. Stehelin: Je l'ai lu.

Le sénateur Jessiman: Et vous ne pouvez pas vous rappeler s'il était antérieur ou postérieur au 29 novembre?

M. Stehelin: Je n'en voulais même pas de copie. Merci beaucoup.

Le sénateur Jessiman: Je sais que vous n'en vouliez pas, mais vous a-t-il été envoyé par un client? Le savez-vous?

M. Stehelin: Je n'en dirai pas plus que ce que j'ai déjà dit. J'ai vu le rapport.

Le sénateur Jessiman: Vous a-t-il été envoyé par la poste?

M. Stehelin: Je ne vais pas en parler. Vous aurez beau me poser toutes les questions que vous voudrez. J'ai vu deux rapports, point. Point à la ligne. Je n'en ai qu'un.

Le sénateur Jessiman: Vous en avez vu deux.

M. Stehelin: Mais je n'ai en main que la copie de l'un d'eux.

Le sénateur Jessiman: Vous ne l'avez pas obtenu par la voie officielle en votre qualité de comptable agréé agissant pour le compte de Transports Canada. Savez-vous qui vous l'a fourni?

M. Stehelin: Mettez-moi en prison. Je refuse même d'en parler.

Le sénateur Tkachuk: On croirait entendre un journaliste.

M. Stehelin: Je parlerai de tout le reste. Je ne parlerai pas de cela. Je ne peux pas le faire. Ce serait inapproprié.

Le sénateur Jessiman: Vous a-t-on fait promettre de garder le secret?

M. Stehelin: Non. J'ai simplement dit à quelqu'un que je n'en dirais rien. Lorsque je dis à quelqu'un que je ne dirai rien, je tiens promesse.

Le sénateur Jessiman: Il ne fait aucun doute que ce rapport était différent de celui que vous aviez lu?

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous pourrez poser la question à M. Nixon. M. Nixon comparaîtra.

Le sénateur Tkachuk: Vous citez des notes de service émanant de toutes sortes de personnes que les témoins n'ont jamais vues et dont ils n'ont jamais entendu parler.

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous avons vu un document. Nous poserons la question à M. Nixon.

Le sénateur Tkachuk: Je vais interroger tous les témoins à propos de ce deuxième rapport.

Le sénateur Jessiman: Avant que M. Nixon ne comparaisse devant nous, je pense que nous aurons certainement l'occasion de voir tous les rapports. Peut-être n'y en a-t-il qu'un. Peut-être y en a-t-il quatre. Je ne sais pas. Le témoin en a vu deux.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur Goldberg, cela est-il suffisant? Je veux dire, je n'en sais rien.

Le président: Sur un autre sujet, je vous prie.

Le sénateur Jessiman: C'est tout ce que j'avais.

Le sénateur Hervieux-Payette: Une petite question à propos de la page 2 du rapport. Votre page 2. Vous dites:

Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport antérieur, il importe de régler la question d'Air Canada. Notre opinion selon laquelle la transaction peut être financée repose sur l'hypothèse selon laquelle la lettre d'entente du 21 juillet 1993 conclue entre Mergeco et Air Canada sera approuvée par le conseil d'administration d'Air Canada et que, au moment opportun, un bail énonçant les modalités générales contenues dans la lettre sera conclu entre les parties.

Votre rapport a été présenté le 17 août, et le bail n'avait pas été signé? À ce moment, le bail d'Air Canada n'était pas signé, l'accord n'avait pas été conclu avec Mergeco, et le tout n'avait pas été mené à bien?

M. Stehelin: À ce moment, il y avait une lettre d'intention qui, je pense, comprenait quatre pages. Je n'ai pas vu la lettre depuis un certain temps, mais la seule réserve dont elle s'assortissait était qu'elle devait être approuvée par le conseil d'administration d'Air Canada.

M. Nelligan: Peut-être puis-je vous venir en aide. Par pur hasard, au moment où le groupe d'Air Canada était ici, j'ai mis la main sur un extrait du procès-verbal d'une réunion du conseil d'administration qui a eu lieu vers la mi-août, précisément sur ce point, et j'ai également vu une note télécopiée à M. Rowat sur ce point le 4 octobre. Il s'agissait de l'une des conditions préalables à la répartition des contrats. Je sais que des témoins antérieurs ont pu vous remettre cela, mais je ne pense pas que nous ayons posé la question.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si je pose la question, c'est parce que, pendant la pause, je discutais d'immobilier, de la règle de base habituelle selon laquelle le financement d'une transaction exige la signature du locataire-clé, faute de quoi on ne peut emprunter un sou à la banque. Dans ce cas-ci, il doit s'agir d'un locataire important, du locataire-clé.

C'est pourquoi j'ai relevé l'importance (et il s'agit peut-être d'un paragraphe de cinq lignes), mais je tiens à souligner que, à la mi-août, soit quelques mois seulement avant que ne soit conclue la transaction globale, aucune entente ou aucun loyer n'avait encore été conclu avec Air Canada.

M. Nelligan: Je pense qu'une entente avait été conclue. Le conseil d'administration ne l'a confirmé qu'aux alentours du 15 août. La copie certifiée du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration n'a été remise à M. Rowat que le 4 octobre. Le dossier figure peut-être dans les documents fournis par M. Rowat. Je n'en suis pas certain.

Le sénateur Hervieux-Payette: En ce qui me concerne, nous n'avons pas vu ce bail et une lettre d'intention... j'en ai vu des douzaines à l'époque où je travaillais pour la firme d'ingénierie, et elles aboutissent à la conclusion d'une transaction une fois sur cinq, si bien que la présence d'une lettre d'intention ne signifie pas que la transaction a pour ainsi dire été conclue. Une lettre d'intention signifie qu'on a l'intention de faire quelque chose, mais la transaction ne se matérialise pas toujours.

M. Nelligan: Cela a été fait le 15 août.

Le sénateur Hervieux-Payette : D'accord. Merci.

Le président: D'accord. Monsieur Nelligan?

M. Nelligan: Monsieur Stehelin, auriez-vous l'amabilité de passer maintenant au rapport Crosbie, s'il vous plaît? En avez-vous un exemplaire sous les yeux?

M. Stehelin: Je n'en suis pas certain. Oui, j'en ai un.

M. Nelligan: Il s'agit du rapport daté du 26 novembre. Reportez-vous à la question de la durée du bail... il s'agit d'une analyse par M. Crosbie des effets de la durée du bail. Pourriez-vous lire ce paragraphe pour vous-même, histoire d'accélérer le processus, et nous dire si vous êtes d'accord ou non avec le point de vue qu'il exprime à propos des possibilités de financement à court terme?

Le sénateur Hervieux-Payette: Quelle page?

M. Nelligan: Pardonnez-moi. C'est à la page 8 du rapport Crosbie. Autres considérations, durée du contrat.

M. Stehelin: Quelle était votre question?

M. Nelligan: Il laisse entendre que, aux fins des possibilités de financement, une durée de 57 ans n'était pas nécessaire. Selon lui, on aurait pu envisager une durée plus courte. Nous avons entendu d'autres témoins à ce propos, et je me demandais si vous aviez une opinion à formuler.

M. Stehelin: Selon ce qu'il affirme ici, il semble que cela aurait été possible. Oui, cela aurait peut-être bien été possible. Tout est possible. La vérité, c'est qu'à ce moment, un certain nombre d'institutions financières... laissez-moi vous donner un exemple.

Le siège social de la Banque de Nouvelle-Écosse, à Toronto, est loué. Le bail foncier est d'une durée de 100 ans. Le gros et charmant immeuble que M. Campeau a construit est visé par un contrat foncier. Depuis dix ans, on tente de vendre l'immeuble, mais on en est incapable à cause du bail foncier. En règle générale, les baux fonciers ne sont guère attrayants pour les bailleurs de fonds. Plus la durée du bail est longue, et plus les bailleurs de fonds sont séduits ou rassurés. Tout est possible. Je ne le conteste pas.

Je pense que les garanties ou la question de la durée du bail nous ramènent à la clause concernant les installations de classe mondiale qui figurait dans toutes les ententes. Je n'ai rien de plus à ajouter.

M. Nelligan: Ma deuxième question a trait au rapport du ministère de l'Industrie dont nous avons parlé plus tôt, celui de Mme Connie Edlund. À l'époque où vous travailliez pour le ministère, avez-vous eu l'occasion d'examiner ce rapport?

M. Stehelin: À l'époque où je travaillais pour le ministère, non.

M. Nelligan: Avez-vous eu depuis l'occasion de le lire?

M. Stehelin: Non, je ne l'ai pas examiné en détail.

M. Nelligan: J'aimerais simplement que vous commentiez un paragraphe précis, sans perdre de vue que le rapport est daté du mois de novembre 1992 et qu'il porte essentiellement sur la proposition initiale de Paxport. On lit:

Dans ses prévisions de fonctionnement, ATDG a tenu pour acquis que les frais de gestion compteraient pour 15 p. 100 des frais totaux de main-d'oeuvre, ce qui est raisonnable. Quant aux prévisions de Paxport, elles révèlent une hausse constante des frais de gestion, si bien que, en l'an 2003, ces frais seront responsables d'un pourcentage renversant de sa masse salariale, soit 42 p. 100.

Étiez-vous au courant du fait que les frais de gestion avaient donné lieu à ce genre de calcul, et vous étiez-vous vous-même formé une opinion à propos de l'aspect de la proposition de Paxport touchant les frais de gestion?

M. Stehelin: Il existe deux moyens de calculer les frais de gestion. Elle a abouti à un chiffre fondé sur la masse salariale. Je crois que c'est ce que vous venez tout juste de dire, n'est-ce pas?

M. Nelligan: Oui.

M. Stehelin: Selon toutes les projections effectuées en vertu du modèle et tous les chiffres utilisés, les frais de gestion sont établis en pourcentage des recettes brutes. La plupart des frais de gestion sont imputables aux recettes. Si on utilise les frais de gestion imputés aux recettes brutes et qu'on les établit par rapport aux seuls salaires, oui, on aboutira à un pourcentage plus élevé. Je suppose que c'est ce qu'elle a fait, mais je n'en sais rien.

M. Nelligan: Elle fait référence à un pourcentage de la masse salariale.

M. Stehelin: Je ne vois pas en quoi cela est pertinent. Si vous avez recours à un gestionnaire pour s'occuper de votre édifice à bureaux, il vous fera payer un pourcentage de vos recettes brutes. Il ne vous obligera pas à verser un pourcentage donné de votre masse salariale.

M. Nelligan: Selon votre expérience, l'imputation des frais de gestion à la masse salariale est-elle une pratique comptable?

M. Stehelin: Je n'établirais pas les frais de gestion sur cette base. Normalement, on les établit en tant que pourcentage des recettes brutes.

M. Nelligan: Dans ce cas, avez-vous songé au caractère raisonnable des frais de gestion proposés par les deux soumissionnaires, ou, dans le cas contraire, excusez-moi, vous êtes-vous intéressé uniquement à Paxport?

M. Stehelin: Les frais de gestion correspondent à quatre, quatre et demi ou cinq pour cent des recettes brutes.

M. Nelligan: Comment cela se compare-t-il aux normes en vigueur au sein de l'industrie?

M. Stehelin: C'est normal.

M. Nelligan: Merci. C'est tout ce que j'avais.

Le sénateur Kirby: J'aimerais simplement poser une brève question. Je reviens à ce que vous avez dit à propos de l'autre version du rapport Nixon que vous avez reçue. Comment savez-vous que le rapport a été écrit par M. Nixon?

M. Stehelin: Il ne l'a peut-être pas été.

Le sénateur Kirby: Je vous demande pardon?

M. Stehelin: Il ne l'a peut-être pas été. Il était imprimé sur son papier, mais il ne l'a peut-être pas écrit.

M. Nelligan: Monsieur, quel nom figurait sur ce rapport? Pourquoi avez-vous dit qu'il s'agissait d'un rapport de M. Nixon?

M. Stehelin: Il avait l'air identique à celui que vous avez reçu.

Le président: Identique sur le plan de la forme, mais non...

M. Stehelin: Il avait l'air identique à celui que vous avez reçu.

Le président: Il avait l'air identique, mais vous avez dit qu'il était différent?

M. Stehelin: Il contenait certaines différences.

Le président: Il contenait certains mots différents?

M. Stehelin: Oui.

Le président: Monsieur Stehelin, vous avez été un témoin fort utile. Nous vous remercions beaucoup.

Le sénateur Kirby: Un comptable compréhensible. Quel changement rafraîchissant.

Le président: Notre témoin suivant est M. Sinclair, de l'ATAC.

Le sénateur Kirby: Pourquoi ne pas dire l'Association du transport aérien du Canada?

Le président: M. Nelligan présentera notre prochain témoin.

M. Nelligan: Sénateurs, nous comptons aujourd'hui parmi nous M. Gordon Sinclair qui, pendant une longue période, a été à la tête de l'Association du transport aérien du Canada. Ce n'est que récemment qu'il a pris sa retraite.

Nous connaissons déjà certaines des lettres qu'il a adressées à divers fonctionnaires à propos de la question des contrats visant l'aéroport international Pearson, et il est maintenant disposé à répondre aux questions que nous pourrions avoir à ce sujet.

Le président: Monsieur Sinclair, je tiens à vous présenter mes excuses. J'ai pris sur moi de demander à M. Stehelin de revenir et, pour toutes sortes de raisons pratiques, d'annuler votre comparution. Je le regrette, parce que je sais que vous avez interrompu vos vacances pour être avec nous... et, quoi qu'il en soit, vous êtes ici et je vous en remercie beaucoup. Maintenant, comme vous le savez, nous avons l'habitude d'assermenter nos témoins.

(Gordon Sinclair, assermenté:)

Le président: Avez-vous une déclaration liminaire à faire, monsieur Sinclair?

M. Gordon Sinclair, Association du transport aérien du Canada (à la retraite): Un très bref commentaire, sénateur. J'ai fourni un curriculum vitae au personnel du comité, mais je pense que les membres du comité, au cas où ils ne l'auraient pas lu, devraient savoir que, pendant les neuf années qui ont précédé 1985, j'ai été sous-ministre adjoint du ministère des Transports. Les trois dernières années pendant lesquelles j'ai été au service du ministère, j'ai agi à titre d'administrateur de l'Air, responsable des groupes de l'aviation et des aéroports.

À l'automne 1985, j'ai quitté le gouvernement. J'ai par la suite joint les rangs de l'Association du transport aérien du Canada, association industrielle regroupant des exploitants de lignes aériennes commerciales du pays. Parmi les membres de l'association, on retrouve Air Canada et Canadien, tous les grands affréteurs, bon nombre de petits affréteurs, bon nombre d'exploitants de service de transport par hélicoptère à l'époque, quelque 40 aéroclubs répartis dans tout le pays, divers exploitants spécialisés, pour un total d'environ 120 exploitants membres de l'association, en plus de 100 membres associés qui vendent des fournitures et des services à l'industrie de l'aviation commerciale.

Les membres de l'association génèrent plus de 95 p. 100 des revenus de l'aviation commerciale au Canada, et environ 98 p. 100 des passagers-milles payants ou des passagers-kilomètres transportés par les exploitants canadiens.

À l'égard de cet aspect de vos tâches, ma participation est plutôt minimale. À cette époque, les principales activités que je menais à l'égard de Toronto avaient trait aux projets d'aménagement de pistes. Je connais à fond l'aéroport de Toronto et son fonctionnement. Merci.

Le président: Merci. Sénateur Kirby?

Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, monsieur Sinclair. Nous avons fait connaissance à l'époque où nous faisions tous deux partie de la bureaucratie. Histoire de faciliter les choses, monsieur le président, j'aimerais essentiellement que le témoin lise certains passages de quelques-unes des lettres qu'il a en sa possession, et je me tournerai maintenant vers mes adjoints. J'utiliserai les lettres B, C, D et E. Il vaut peut-être mieux distribuer les quatre, B, C, D et E.

Pour vous faciliter la tâche, monsieur Sinclair, j'ai des copies pour vous et pour mes collègues des deux côtés de la table. Puis-je vous poser une question? Lorsque l'ATAC adopte une position (comme vous l'avez dit, vous représentez 95 p. 100 des passagers-milles payants transportés au Canada), la position élaborée par l'association est celles des véritables utilisateurs de l'aéroport, c'est-à-dire les compagnies qui utilisent l'aéroport par rapport aux passagers, n'est-ce pas?

M. Sinclair: Vous avez raison.

Le sénateur Kirby: Dans les documents auxquels je vais faire référence (et je passerai aux extraits précis dans une minute), aurais-je raison d'affirmer qu'ils traduisent une position relativement ferme de la part de l'association, et non... ce que j'essaie de dire, je pense, c'est que nos décisions en matière de politique se prennent parfois à 51 contre 49... dans vos lettres, vous adoptez un ton relativement décisif, si bien qu'elles reflètent une position assez ferme de la part de l'association?

M. Sinclair: L'association tente toujours de dégager des points de vue consensuels. Quel que soit le sujet, on n'obtient jamais une unanimité 100 p. 100, mais il existe toujours un consensus considérable à l'égard de la plupart des questions sur lesquelles nous prenons position. S'il existe des divergences marquées, l'association ne prend pas position.

Le sénateur Kirby: À 51 contre 49, vous ne prendriez pas position. Nous sommes d'accord.

Votre première lettre est datée du 6 septembre 1991. Les documents ont-ils été distribués à mes collègues? Cette lettre est désignée par la lettre B, mais, quoi qu'il en soit, elle est datée du 6 septembre 1991. Je me demandais si, aux fins du compte rendu, vous accepteriez de la lire à partir de la dernière phrase du premier paragraphe, c'est-à-dire: "En outre, nous croyons comprendre...", jusqu'à la fin du paragraphe suivant?

M. Sinclair: Oui. Je lis la lettre?

Le sénateur Kirby: Oui, simplement parce que c'est ainsi qu'on procède pour la faire inscrire au compte rendu. C'est tout.

M. Sinclair: Je cite la lettre:

En outre, nous croyons comprendre que certains promoteurs privés, qui voient là une occasion de s'enrichir, sont à l'origine de cette initiative.

L'ATAC tient à affirmer sans équivoque que l'initiative n'est pas motivée par une demande émanant de l'industrie du transport aérien. Transports Canada et Air Canada mettent actuellement la dernière main à des projets de réfection et d'agrandissement de l'aérogare 2, projets d'une valeur approximative de 150 millions de dollars et qui assureront une capacité suffisante pour les quelques prochaines années. Aux yeux du public, il serait ridicule d'annoncer que Transports Canada sollicite des propositions visant le réaménagement et la réfection d'une aérogare qui vient tout juste d'être mise à niveau. À l'heure actuelle, un tel projet n'est nullement justifié.

Le sénateur Kirby: Maintenant, pourriez-vous lire le dernier paragraphe de la page 2: "Nous ne croyons pas...", s'il vous plaît?

M. Sinclair: Je cite la lettre:

Nous ne croyons pas que l'industrie du transport aérien ait pour le moment besoin de ces projets de réfection des aérogares. De tels projets ne se justifient tout simplement pas. De plus, nous ne sommes pas d'accord pour dire que l'aménagement et l'exploitation des aérogares par des promoteurs privés soient dans notre intérêt ni dans celui des consommateurs qui, au bout du compte, auront à faire les frais de tout ce qui aura été mis en place.

Le sénateur Kirby: En haut de la page suivante, je pense que c'est le deuxième paragraphe de la page suivante, vous écrivez et je cite:

... nous croyons que l'initiative des promoteurs privés n'est ni opportune ni appropriée. Nous ne la soutenons pas parce que le volume des passagers ne justifie pas de tels projets;

Au dernier paragraphe, vous ajoutez que vous avez proposé une solution de rechange réfléchie au problème actuel.

En 1991, avant même que la demande de propositions ne soit émise, vous étiez en fait... il s'agit d'affirmations passablement fortes, claires et sans équivoque. Essentiellement, vous déclariez de façon catégorique que, à votre avis, il n'était pas nécessaire d'aménager... excusez-moi, d'aménager les aérogares 1 et 2?

M. Sinclair: C'est juste.

Le sénateur Kirby: Compte tenu de votre évaluation de la demande à l'aéroport?

M. Sinclair: C'est juste. Vous vous rappellerez que nous étions alors au beau milieu d'une très grave récession. Vous vous rappellerez aussi que l'industrie aérienne était en proie à une agitation considérable en raison du conflit opposant Air Canada à Canadien.

En 1991, le volume des passagers à Pearson était en chute de 15 p. 100 par rapport au sommet atteint en 1989 et 1990. Au sortir de la récession, la reprise était incertaine. À l'époque, la situation était tout simplement trop incertaine pour justifier quelque autre conclusion que ce soit.

Le sénateur Kirby: Voilà pourquoi deux mois plus tard, soit le 12 novembre, votre conseil d'administration a adopté une résolution qui a alors été expédiée au ministre des Transports. Une fois de plus, nous sommes le 20 novembre... vous avez fait parvenir ceci au ministre le 29 novembre 1991. En fait, il s'agissait d'une résolution adoptée à l'occasion de l'assemblée générale annuelle du 12 novembre 1991. Je citerai maintenant l'essentiel de la résolution:

Il est résolu que l'ATAC intervienne vigoureusement et immédiatement auprès du ministre des Transports et du gouvernement du Canada pour qu'ils sursoient à tout projet de réaménagement de l'aérogare 1 de Toronto jusqu'à ce que le taux de reprise du trafic de passagers soit établi et suspendent tout projet de réaménagement de l'aérogare 2 jusqu'à ce que les transporteurs utilisant cette aérogare définissent un besoin en ce sens.

Ai-je raison d'affirmer que cette résolution constitue d'une certaine façon un vote officiel pris à l'occasion de votre assemblée annuelle, si bien que c'est votre conseil d'administration ou votre assemblée générale qui dicte les points (tous les "attendu que" que comprend la résolution), les points, donc, soulevés dans votre lettre de septembre, n'est-ce pas?

M. Sinclair: C'est juste.

Le sénateur Kirby: Vous avez fait parvenir cette lettre à M. Corbeil. Avez-vous jamais obtenu une réponse?

M. Sinclair: Je pense que j'ai eu une réponse au mois de mai suivant.

Le sénateur Kirby: Au mois de mai suivant?

M. Sinclair: Je crois.

Le sénateur Kirby: Six mois plus tard? Excusez-moi. C'est simplement une curieuse façon de s'occuper de sa correspondance. S'agissait-il d'une réponse substantielle ou, en mai, s'est-on contenté d'accuser réception de la lettre que vous aviez expédiée six mois plus tôt?

M. Sinclair: On accusait réception de ma lettre de septembre, d'une autre lettre accompagnée d'une résolution expédiée en novembre, et d'une dernière lettre que j'avais envoyée au début du mois de mars.

Le sénateur Kirby: On se contentait d'accuser réception des lettres, mais on n'a nullement tenté de répondre aux objections que vous aviez soulevées?

M. Sinclair: Non, monsieur.

Le sénateur Kirby: L'autre lettre à laquelle vous avez fait référence est donc, je suppose, celle du 5 mars 1992 que vous nous avez donnée?

M. Sinclair: C'est juste.

Le sénateur Kirby: Je me demandais si vous auriez une fois de plus l'obligeance de lire la première phrase?

Commencez par disons, la première phrase du deuxième paragraphe, celle qui débute par: "Cette initiative...", et pourquoi ne liriez-vous pas aussi les deuxième et troisième paragraphes? Cela faciliterait les choses.

M. Sinclair: Les deuxième et troisième paragraphes?

Le sénateur Kirby: De la lettre du 5 mars.

M. Sinclair: À compter de: "Il y a quelques années..."?

Le sénateur Kirby: Non, le paragraphe débute... il s'agit de la lettre du 5 mars. Le paragraphe débute par: "Cette initiative n'est pas soutenue par..."

M. Sinclair: Je cite la lettre...

Le sénateur LeBreton: Quel est le numéro du document?

Le sénateur Kirby: J'ai désigné le document par la lettre D, mais, si cela vous facilite les choses, il s'agit du document 00301.

Le sénateur LeBreton: Mars?

Le sénateur Kirby: 1992.

M. Sinclair: Je cite la lettre:

Cette initiative n'est pas soutenue par l'industrie aérienne du Canada parce que, pour le moment, elle n'est pas nécessaire. Les aérogares utilisées par les passagers ne constituent pas une entreprise distincte. Elles ne sont pas des centres commerciaux. Elles font partie intégrante de la chaîne de service à laquelle le consommateur a accès lorsqu'il achète un titre de transport auprès d'une compagnie aérienne ou d'un agent de voyages. Confier à un exploitant privé un tel monopole, c'est commettre une injustice flagrante envers le public voyageur.

Il y a quelques années, le gouvernement a, en ce qui concerne l'aérogare 3, suivi une procédure prévoyant un accord financier qui visait à assurer à Transports Canada le meilleur arrangement financier possible. Les éventuels soumissionnaires savaient qu'ils pouvaient escompter l'argent des consommateurs parce que, en cas de succès, ils se retrouveraient en situation de monopole.

Le sénateur Kirby: Puis-je vous demander d'expliquer ce que vous entendez par là? Je sais ce qu'est une situation de monopole. Qu'y a-t-il derrière cette phrase?

M. Sinclair: À l'époque où on a procédé à l'appel d'offres pour l'aérogare 3, on a établi un processus à deux volets, le premier ayant pour effet de permettre à certains soumissionnaires de passer au deuxième, ce qui ne posait pas de problème. Le dernier volet constituait dans les faits le stade financier. En réalité, le projet avait été évalué principalement sur la foi du rendement financier qu'il procurait à Transports Canada et au gouvernement du Canada.

En d'autres termes, les promoteurs pouvaient présenter une soumission relativement élevée, sachant qu'ils allaient se retrouver en situation de monopole par rapport aux transporteurs devant faire appel à l'aérogare. Ils recouvreraient de la sorte les sommes qu'ils avaient présentées comme des coûts à Transports Canada. Ils pourraient récupérer ces sommes auprès des transporteurs aériens et du public voyageur.

Le sénateur Kirby: Voilà essentiellement ce qu'a fait Paxport dans sa réponse à la demande de propositions?

M. Sinclair: Exactement. C'est pourquoi nous nous sommes opposés à ce type de démarche, qui fait qu'un promoteur privé ne peut pas perdre. En fait, il soumissionne sur la foi de l'argent de quelqu'un d'autre. À l'occasion de notre assemblée générale annuelle de 1989, nous avons décidé de demander au ministre de l'époque d'autoriser les transporteurs aériens à construire, exploiter et financer leurs propres aérogares, pour peu qu'un transporteur donné bénéficie d'un volume de passagers suffisant. Transports Canada s'est opposé fortement à ce projet pour des raisons que je n'arrive pas à comprendre.

Le sénateur Kirby: Vous a-t-on jamais dit quelles étaient ces raisons?

M. Sinclair: Ils se sont contentés de nous dire qu'ils n'étaient pas d'accord et qu'ils n'agiraient pas en ce sens. La seule raison qu'ils ont exprimée est qu'ils ne voulaient pas que les transporteurs aériens prennent le contrôle de l'aéroport.

Le sénateur Kirby: Dans les aéroports des États-Unis, cela se produit-il?

M. Sinclair: Certainement.

Le sénateur Kirby: Un peu partout, il s'agit d'une pratique courante?

M. Sinclair: Certainement.

Le sénateur Kirby: Pourtant, Transports Canada a rejeté la politique en vertu de laquelle les compagnies du secteur privé, ce que sont les compagnies aériennes, à l'exception d'Air Canada, pouvaient être propriétaires des aérogares, mais, par ailleurs, le ministère était disposé à laisser d'autres personnes du secteur privé prendre possession des aérogares?

M. Sinclair: Oui.

Le sénateur Kirby: Cela me paraît illogique. Quelqu'un a-t-il déjà tenté de vous fournir une explication?

M. Sinclair: Personne n'a jamais pu me fournir d'explication. Outre un refus catégorique, la seule justification qu'on ait jamais avancée avait trait au fait que le ministère ne voulait pas que les transporteurs aériens puissent contrôler un aéroport. La réponse était que nous n'avions pas l'intention de contrôler l'aéroport. Tout ce que nous voulions, c'était contrôler nos propres activités à l'intérieur de l'aérogare, ce qui fait partie intégrante de l'entreprise qui consiste à faire monter les passagers à bord de l'avion, à les faire descendre, ainsi qu'à faire partir et arriver les appareils.

Le sénateur Kirby: Comme vous le dites, il s'agit d'une pratique répandue. Je sais que c'est le cas aux États-Unis, et le même phénomène se retrouve peut-être ailleurs, mais, aux États-Unis, il s'agit certes d'une pratique courante.

M. Sinclair: Oui. Il s'agit d'une pratique courante à de nombreux endroits.

Le sénateur Kirby: À la page 2 de la même lettre, au début du deuxième paragraphe complet, vous écrivez ce qui suit:

À Toronto, le projet qui consiste à augmenter la capacité des pistes constituait de loin la priorité.

Le sénateur Tkachuk: Puis-je poser une question supplémentaire? Aux États-Unis, le gouvernement fédéral est-il propriétaire des aéroports?

M. Sinclair: Non.

Le sénateur Tkachuk: D'accord.

Le sénateur Kirby: Oubliez le mot "fédéral" et vous obtiendrez une réponse toute différente.

Le sénateur Tkachuk: Tout ce que je demande, c'est si, aux États-Unis, le gouvernement fédéral est propriétaire des aéroports.

Le sénateur Kirby: Aux États-Unis, d'autres gouvernements sont propriétaires d'aéroports, par exemple la New York Port Authority et d'autres. Ai-je raison?

M. Sinclair: Certains sont propriétaires; d'autres, non.

Le sénateur Tkachuk: Ici, des administrations municipales sont aussi propriétaires d'aéroports.

M. Sinclair: Dans les aéroports des États-Unis, il existe divers types d'administration gouvernementale. Le gouvernement fédéral est peut-être propriétaire de deux ou trois d'entre eux, mais pas des grands aéroports ou des aéroports d'envergure moyenne.

Le sénateur Tkachuk: D'accord.

Le sénateur Kirby: Monsieur, je viens tout juste de lire une phrase qui dit que selon votre association, l'augmentation de la capacité des pistes constituait une question plus importante que la réfection des aérogares. Une fois de plus, vous êtes mieux placé que quiconque pour l'affirmer, puisque vous représentez l'industrie qui utilise ces installations. Cette information figure dans la lettre que, le 5 mars, vous avez adressée à M. Corbeil. Vous a-t-on jamais répondu? Pourquoi s'est-on attaqué aux aérogares, si ce sont les pistes qui représentaient le principal problème?

M. Sinclair: Ils n'ont pas choisi de privilégier l'un par rapport à l'autre. L'évolution du projet relatif aux pistes n'a pas été freinée, si bien que je n'ai aucune plainte à formuler à cet égard. Ce qui me préoccupait, c'était que l'introduction, à cette époque, d'un important projet d'aérogare constituerait une complication superflue dans le contexte des audiences environnementales relatives au projet d'augmentation de la capacité des pistes, qui devaient débuter aux alentours du 1er décembre, à Toronto.

Le sénateur Kirby: En quel sens s'agissait-il d'une complication superflue?

M. Sinclair: Dans le contexte des audiences environnementales, nous étions essentiellement confrontés à un groupe d'activistes locaux qui souhaitaient freiner toute forme d'aménagement à l'aéroport. Le projet relatif à la capacité des pistes progressait rondement. Transports Canada avait déposé un énoncé des incidences environnementales auprès de la commission d'évaluation environnementale. Nous ne voulions pas que les environnementalistes puissent retarder le projet ou les audiences en obligeant Transports Canada à revenir en arrière et à apporter une modification majeure à l'énoncé des incidences environnementales, en présentant en détail l'ensemble des projets liés aux aérogares, ce qui aurait eu pour effet de retarder l'ensemble du processus pour une période indéterminée.

Le sénateur Kirby: Comme les pistes constituaient pour vous un enjeu plus important, la parachèvement de ce projet était critique.

M. Sinclair: Réaliser le projet relatif aux pistes par le truchement de la procédure d'audiences environnementales constituait de loin la priorité de l'industrie aérienne.

Le sénateur Kirby: Pour en finir avec cette lettre, pouvez-vous, aux fins du compte rendu, lire l'avant-dernier paragraphe, qui se trouve à la page 3?

M. Sinclair: Je cite l'avant-dernier paragraphe de la page 3 de la lettre:

À court et à moyen termes, monsieur le ministre, l'aérogare 2, qui vient tout juste d'être remise à niveau, sera suffisante. Nous croyons que l'initiative des promoteurs privés n'est ni opportune ni appropriée. Elle n'emporte pas notre adhésion du simple fait que le volume de passagers à court terme ne justifie pas la mise en oeuvre de tel projet pour le moment. Nous croyons qu'une telle entreprise se révélerait indûment onéreuse. Transports Canada, en consultation avec les usagers de l'aéroport, devrait décider quand une nouvelle aérogare 1 appartenant à l'État devrait entrer en activité.

Le sénateur Kirby: Une fois de plus, il s'agit d'un passage d'une lettre adressée à M. Corbeil, lettre à laquelle, si je comprends bien, on n'a jamais répondu de façon substantielle. Si je comprends bien toujours, vous avez un jour obtenu une réponse, mais on n'a pas tenté d'expliquer pourquoi le ministère ou le gouvernement adoptait, à l'égard de l'aménagement de l'aéroport Pearson, un ensemble de priorités non conformes à celles de l'industrie qui, après tout, se compose des principaux utilisateurs de l'aéroport.

M. Sinclair: Nous avons reçu une lettre raisonnablement substantielle de la part du ministre. Ce dernier nous disait qu'à son avis, il fallait aller de l'avant avec la planification et l'aménagement des aérogares de l'aéroport parce que, à ce moment précis, les prévisions relatives au nombre de passagers le justifiaient. En d'autres termes, il a adopté une position toute différente de la nôtre.

Le sénateur Kirby: Le gouvernement avait donc le sentiment d'être plus près de la vérité. "J'appartiens au gouvernement, et je suis là pour vous aider." Était-ce là le sens de l'intervention du ministre?

M. Sinclair: Sénateur, je répugne à présenter les choses de cette façon parce que, à l'égard du projet relatif aux pistes, à Toronto, les consultations avec Transports Canada s'étaient très bien déroulées. À mon avis, ce projet a constitué un exemple du genre de consultation que le gouvernement et l'industrie devraient tenir à l'égard des projets d'aménagement d'envergure. Les usagers ont été associés au projet dès le départ. On s'est efforcé de connaître nos vues. Nos préoccupations ont été prises en considération. Transports Canada a également mis ses préoccupations et ses problèmes sur la table.

Pendant quatre ans, nous avons travaillé en coopération et nous avons abouti à un projet d'aménagement des pistes réalisable sur les plans opérationnel et technique, acceptable sur le plan environnemental et viable sur le plan financier. Nous avons été très déçus de constater que pour les aérogares, on n'avait pas recours au processus de consultation qui avait été mis en place et avait donné de bons résultats.

Le sénateur Kirby: Comme il s'agissait du même aéroport, pourquoi a-t-on eu recours à un processus totalement différent? Quelqu'un vous a-t-il expliqué pourquoi, pour les aéroports, on avait eu recours à un processus différent de celui qu'on avait utilisé pour les pistes?

M. Sinclair: Non.

Le sénateur Kirby: Enfin, examinons la lettre que vous avez adressée au ministre actuel des Transports le 8 décembre... le 8 décembre 1993. Je veux être clair quant à l'année. Voilà la lettre que vous avez adressée à M. Young. Aux fins du compte rendu, pouvez-vous lire les deux premiers paragraphes? Le deuxième paragraphe, je crois, traite en réalité du processus que vous aviez privilégié.

M. Sinclair: Les deuxième et troisième paragraphes... les premier et deuxième paragraphes de la lettre du 8 décembre 1993?

Le sénateur Kirby: Les premier et deuxième paragraphes.

M. Sinclair:

La décision prise par votre gouvernement à l'égard de l'aménagement des aérogares de l'aéroport Pearson sera bien reçue par l'industrie du transport aérien.

Une telle décision donne à toutes les parties l'occasion de participer à la planification rationnelle de l'aménagement futur des aérogares de l'aéroport Pearson. À cet égard, il existe un processus modèle. Je fais particulièrement référence au processus axé sur la participation adopté par Transports Canada dans le cadre de la planification de l'accroissement futur de la capacité des pistes. Dans le cadre de ce processus, les usagers ont participé à la planification et ont été heureux de mettre à profit leurs compétences opérationnelles et commerciales parce qu'il était dans leur intérêt de le faire. En ce qui a trait à l'aménagement des aérogares, nous aimerions qu'un processus analogue soit mis en place.

Le sénateur Kirby: Par conséquent, l'industrie a donc approuvé l'annulation des contrats visant les aérogares 1 et 2?

M. Sinclair: Oui.

Le sénateur Kirby: Un dernier commentaire. Si, après vous avoir entendu et avoir lu vos lettres, je devais résumer vos propos, voici, en gros, ce à quoi j'aboutirais:

Premièrement, la propriété d'installations aéroportuaires par des entreprises du secteur privé se traduit généralement par l'imposition de coûts plus élevés au public voyageur, ainsi que le démontre l'aérogare 3; deuxièmement, ce sont les pistes qui constituent la priorité, et il est insensé d'entreprendre le réaménagement des aérogares 1 et 2 avant d'avoir établi une politique à l'égard des pistes; troisièmement, il était inutile, en raison de la récession, d'accroître la capacité des aérogares 1 et 2; quatrièmement, vous craigniez que la mise en branle du projet de réaménagement des aérogares 1 et 2 ne mette en péril la procédure environnementale liée aux pistes, qui, pour vous, constituaient la priorité; et, enfin, cinquièmement, vous aviez apprécié le processus suivi à l'égard de l'aménagement des pistes, et vous déploriez que, à l'égard des aérogares 1 et 2, on n'ait pas eu recours à un processus de consultation qui, même de loin, s'apparenterait au premier. Du point de vue de la procédure, vous vous opposiez donc aussi à ce qu'on avait fait.

Pour toutes ces raisons, vous étiez donc opposé à l'aménagement des aérogares 1 et 2. En fait, vous avez même été heureux que le projet soit annulé. Est-ce là un résumé juste du contenu des lettres?

M. Sinclair: C'est un bon résumé, à un détail près. Air Canada avait quelques préoccupations à propos de l'aérogare 2 et de certains projets que la compagnie souhaitait voir réaliser, particulièrement dans les domaines du transport ou du trafic international. Comme nous l'avons dit dans ces lettres, on devrait laisser au locataire-clé de l'aérogare le soin de prendre les décisions à l'égard de l'ampleur de ces projets et du moment où ils devraient être réalisés.

Le sénateur Kirby: Et à aucun moment ne vous a-t-on expliqué de façon satisfaisante pourquoi le gouvernement, au vu des éléments que je viens d'énumérer, a choisi d'aller de l'avant en remettant les aérogares 1 et 2 à des intérêts privés?

M. Sinclair: Non, monsieur.

Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président.

Le sénateur Hervieux-Payette: Une question supplémentaire à propos de ces trois questions. Dans vos deux lettres précédentes, celle (je tiens simplement à mentionner la date exacte) adressée à M. Corbeil, la première, celle du 6 septembre 1991, et la deuxième, celle du 5 mars 1992... vous avez fait parvenir des copies au sous-ministre, au ministre d'État, aux ministres de la région de Toronto et aussi à M. Barbeau, dans les deux cas. En ce qui concerne la lettre adressée à M. Young, le 8 décembre, seuls le sous-ministre et le sous-ministre adjoint ont obtenu une copie. Pouvez-vous expliquer pourquoi? Auparavant, vous envoyiez une copie à tous les ministres de la région de Toronto et, dans ce cas-ci, vous ne l'avez pas fait.

M. Sinclair: Sénateur, la décision, à ce moment, avait déjà été prise. L'association n'avait rien d'autre à faire à cet égard, si bien que nous avons laissé au ministre Young le soin d'informer ses collègues de notre position.

Le sénateur Hervieux-Payette: Merci.

Le président: Monsieur Sinclair, je comprends les responsabilités que vous avez eues à assumer au cours des années qui ont précédé votre départ à la retraite. En 1956, j'ai moi aussi été président d'une association professionnelle nationale (je crois avoir fait votre connaissance à l'époque), et il était toujours difficile d'obtenir un consensus entre nos membres. En ce qui concerne vos membres, qui, comme vous l'avez dit, comportent les deux principaux transporteurs, les gens du secteur des hélicoptères, les aéroclubs et les affréteurs, des gens de ce secteur, il est difficile de savoir où commencer.

Le sénateur Kirby a vu un problème dans le fait que le ministre Corbeil a mis du temps à répondre à votre lettre.

Le sénateur Kirby: Je n'y ai pas vu de problème. J'ai simplement demandé au témoin de dire s'il avait obtenu une réponse.

Le président: Avez-vous obtenu une réponse à la lettre que vous avez adressée à M. Young, lettre dans laquelle vous déclariez:

En ce qui a trait à l'aménagement des aérogares, nous aimerions qu'un processus analogue soit mis en place.

Vous le félicitez d'avoir pris la décision d'annuler le projet de réaménagement de l'aéroport Pearson, et vous dites:

Dans le cadre de ce processus, les usagers ont participé à la planification et ont été heureux de mettre à profit leurs compétences opérationnelles et commerciales parce qu'il était dans leur intérêt de le faire. En ce qui a trait à l'aménagement des aérogares, nous aimerions qu'un processus analogue soit mis en place.

Avez-vous obtenu une réponse?

M. Sinclair: Pas que je me souvienne.

Le président: Vous n'avez pas obtenu de réponse du tout?

Le sénateur Jessiman: On ne parle jamais que de deux ans.

M. Sinclair: Je ne me rappelle pas avoir reçu une réponse du ministre Young.

Le président: Revenons au fait que vous n'avez pas obtenu de réponse de la part de M. Corbeil, ou que la réponse de ce dernier a tardé, n'avez-vous reçu aucun accusé de réception de la part de son ministère? Voici Berigan and Heed, le 12 décembre 1991. Si nous comprenons bien, le cabinet du ministre a envoyé à votre bureau la réponse proposée à la lettre du 6 septembre de M. Sinclair, où elle sera retenue jusqu'à ce qu'une décision soit prise à l'égard de la demande de propositions, et cetera. N'avez-vous reçu aucune lettre à cet égard?

M. Sinclair: Je pense que nous avons eu la réplique habituelle, celle qui dit: "Le ministre a reçu votre lettre et y réagira en temps opportun." Seulement un accusé de réception d'une lettre.

Le président: Oui. Eh bien, dans ce cas, en 1991, au moment où vous avez écrit à M. Corbeil, vous avez dit, pour résumer les lettres, qu'un tel projet ne s'imposait nullement. À l'époque, l'aérogare 3 avait été aménagée et était en activité.

M. Sinclair: Oui.

Le président: Pour en revenir aux commentaires que nous avons formulés plus tôt à propos des difficultés mutuelles que nous éprouvions à dégager un consensus parmi nos membres, avez-vous dit qu'Air Canada et Canadien avaient tous deux, à ce moment, adopté une résolution concernant leur opposition au projet de la Pearson Development Corporation, ou au projet mis de l'avant en vertu d'une demande de propositions?

M. Sinclair: Non, je n'ai rien dit de tel.

Le président: Je croyais que vous aviez fait allusion à une résolution du conseil d'administration.

M. Sinclair: Il s'agissait d'une résolution de l'assemblée générale annuelle de l'association annexée à la lettre que nous avons fait parvenir au ministre Corbeil en novembre.

Le président: En d'autres termes, vous bénéficiiez de l'appui complet de vos membres?

M. Sinclair: La résolution a été adoptée à l'occasion de l'assemblée annuelle des membres, oui.

Le président: C'est stupéfiant. Je n'ai jamais obtenu ce genre de réaction unanime. Qui assistait à la réunion? Vos gens étaient-ils tous présents, tous et chacun, les représentants d'Air Canada, les représentants de Canadien, et cetera?

M. Sinclair: Oui. Des représentants des deux principales compagnies aériennes assistaient à l'assemblée. La plupart de nos membres étaient représentés.

Le président: Eh bien, hier, nous avons entendu des représentants d'Air Canada. À la page A-6 des témoignages, ils déclarent:

Idéalement, il aurait fallu entreprendre le réaménagement de l'aérogare 2 en 1993, tandis que le nombre de passagers était en baisse. Construire autour d'installations existantes ne constitue jamais une solution idéale, mais les inconvénients subis par le public voyageur auraient été substantiellement réduits par rapport aux répercussions qu'un tel projet aurait aujourd'hui et aura à l'avenir.

Puis, M. Lamar Durrett ajoute:

Les travaux que nous exécutons maintenant sont moins importants en volume et en étendue que les travaux initiaux qui auraient déjà été réalisés, à supposer que le projet de la Pearson Development Corporation se soit déroulé comme prévu. Du strict point de vue des installations, notre situation est loin d'être aussi avantageuse. Nous ne sommes pas aussi bien préparés pour l'ouverture des espaces aériens et l'expansion des activités internationales. Voilà ce qu'il y a de désavantageux au fait que le projet n'ait pas été exécuté.

Puis, on leur a posé la question suivante:

Mais vous étiez convaincus...

La question est adressée à Air Canada.

...que les accords signés en octobre 1993 auraient grandement aidé Air Canada à répondre aux demandes auxquelles la compagnie est maintenant confrontée selon un échéancier beaucoup moins exigeant que celui avec lequel vous devez actuellement composer?

Et Durrett répond:

La haute direction d'Air Canada et le conseil d'administration d'Air Canada ont tous deux approuvé une entente visant à faire précisément cela, entente qu'Air Canada a exécutée.

M. Sinclair: Monsieur le président, je pense que vous ne devez pas perdre de vue que mes lettres et mes interventions sur ce point remontent à la fin de 1991 et au tout début de 1992. Il ne fait aucun doute qu'Air Canada avait arrêté des projets d'aménagement précis pour l'aérogare 2 et qu'ils y donnaient suite. Je n'ai aucunement participé aux délibérations relatives à l'appel d'offres qui ont eu lieu au printemps de 1992. À partir de ce moment, Air Canada a, comme il se doit, fait cavalier seul parce que la compagnie constituait de loin le principal locataire de l'aérogare 2.

Si notre proposition de 1989 avait été retenue par Transports Canada, celle qui aurait permis aux transporteurs aériens d'aménager leurs propres aérogares, je pense qu'Air Canada aurait eu une longueur d'avance suffisante même par rapport au moment où... par rapport à la situation dans laquelle ils se trouvaient à la fin de 1991 ou au début de 1992. À ce moment, nous étions toujours au plus profond de la récession. Vous vous rappellerez peut-être les problèmes considérables qu'éprouvaient Air Canada et Canadien dans leurs relations. À ce moment, l'horizon était très incertain... on ne connaissait ni l'ampleur ni la durée de la récession.

Le moment venu de s'engager envers des projets d'immobilisations, on faisait preuve d'une très grande prudence. Parce qu'Air Canada louait environ 85 p. 100 de l'aérogare 2, la compagnie se trouvait dans une situation unique et a agi comme il se devait de son propre chef. L'association n'a plus pris position après le printemps 1992, soit peu de temps après ma dernière lettre au ministre.

Le président: Quand avez-vous quitté l'Association du transport aérien du Canada?

M. Sinclair: À la fin du mois de mars 1994.

Le président: Qui vous succède à ce poste?

M. Sinclair: Mon successeur est John Creighton, qui était auparavant avec First Air.

Le président: Est-ce que M. Creighton, s'il était ici ou qu'on lui demandait - a-t-il été invité? Le conseiller juridique m'apprend qu'il a décliné notre invitation à comparaître.

M. Nelligan: Un mot d'explication, si vous le permettez. J'ai parlé à M. Creighton, et il m'a indiqué que, au moment où ces négociations avaient cours, il n'était pas mêlé aux affaires de l'association, Depuis qu'il a succédé à M. Sinclair, l'association n'a pris aucune part aux questions relatives à l'aéroport Pearson. Dans ces circonstances, j'ai convenu avec lui que sa comparution était inutile.

M. Sinclair: C'est juste.

Le président: Si on l'obligeait à venir témoigner, il ne ferait pas le même témoignage que...

Le sénateur Gigantès: Vous n'en savez rien. C'est de la pure spéculation.

Le sénateur Tkachuk: Puis-je obtenir un éclaircissement? Monsieur Sinclair, parlez-vous au nom de l'Association du transport aérien du Canada?

M. Sinclair: Aujourd'hui?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Sinclair: Non, monsieur. J'ai quitté l'association à la fin du mois de mars 1994.

Le sénateur Tkachuk: Vous êtes ici à titre personnel? Vous ne parlez pas au nom de l'association?

Le sénateur Kirby: En toute justice, précisons qu'il est ici pour commenter des documents déposés qu'il a écrits à l'époque où il était président de l'association au même titre que bon nombre d'autres témoins que nous avons entendus et qui occupent maintenant d'autres postes au sein de l'appareil. Certains, par exemple, formulaient des commentaires même s'ils n'appartenaient plus au ministère des Transports. Nous avons eu...

Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas ce que je demande. Je comprends cela. Tout ce que je veux savoir, c'est s'il parle au nom de l'association. Je veux établir clairement ce point.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il est ici en sa qualité d'ex-président.

Le président: Il serait simplement utile d'entendre un témoignage contemporain. C'est tout. Quoi qu'il en soit, je vais...

Le sénateur Gigantès: Choisi, bien entendu, pour servir vos fins.

Le président: Bien entendu.

Le sénateur LeBreton: Monsieur le président, avant de poser des questions au témoin, et avant que nous ne suspendions nos travaux, j'aimerais poser une question d'éclaircissement à propos d'un témoignage entendu ce matin, mais avec votre permission, monsieur le président, je le ferai lorsque le témoin aura terminé. Cela ne prendra qu'une minute ou deux.

Bienvenue, monsieur Sinclair, et merci de votre comparution. Je ne comprends pas bien la composition de votre organisation. C'est pourquoi j'aimerais que vous (je sais que l'association compte de nombreux membres) mais j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à propos de votre organisation, qui sont ses membres et quels sont ses objectifs et buts. Par exemple, quel est votre mandat?

M. Sinclair: L'Association du transport aérien du Canada est une association industrielle dont les membres se composent principalement d'exploitants de lignes aériennes au Canada. Par "exploitants de lignes aériennes", on entend les lignes aériennes nationales, soit Air Canada et Canadien, toutes les lignes aériennes régionales du Canada, par exemple Air Nova ou Canadien Régional, bon nombre d'autres lignes aériennes indépendantes, par exemple Bearskin Airlines. On y retrouve aussi divers exploitants spécialisés qui s'adonnent à la pulvérisation agricole ou à des travaux agricoles. À l'époque où j'étais en poste, l'association comprenait également quelque 30 exploitants de services de transport par hélicoptère répartis partout au Canada.

L'association compte également une importante catégorie liée aux activités aériennes générales, composée principalement d'environ 40 aéroclubs du Canada qui, en plus de former des pilotes, offrent des services d'affrétage. Dans les derniers moments de mon mandat, l'association comptait environ de 110 à 120 exploitants membres.

Il y a aussi une autre catégorie de membres, que nous appelons les membres associés, c'est-à-dire les sociétés qui fournissent des biens et des services à l'industrie du transport aérien à vocation commerciale. Il s'agit d'un groupe composite, qui comprend les grands manufacturiers comme Boeing Aircraft Company, Airbus, McDonald Douglas, et diverses compagnies d'assurance, compagnies qui jouent un rôle actif dans le domaine de l'aviation. On y retrouvait aussi divers cabinets d'experts-conseils effectuant des travaux dans le secteur. L'association comptait environ 100 membres associés.

Nous représentions à peu près tout le secteur de l'aviation commerciale au Canada, à l'exception des personnes représentées par la Canadian Business Aircraft Association, association professionnelle des utilisateurs d'avion privé du Canada. Nous ne représentions pas non plus les membres de la Canadian Owners and Pilots Association, qui s'occupe essentiellement d'aviation privée au Canada.

Le travail de l'association était essentiellement de nature professionnelle et technique, dans les domaines des opérations aériennes, du génie et de l'entretien des aéronefs, des opérations aéroportuaires et des opérations liées au contrôle de la circulation aérienne. Nous nous adonnions également aux autres activités à caractère plus économique habituellement menées par des associations industrielles, notamment dans le domaine de la fiscalité, diverses choses de ce genre. Nous nous décrivions comme un groupe technique professionnel.

Nous étions probablement le premier groupe auquel Transports Canada s'adressait en ce qui touche les activités aériennes de diverses natures. Je me plais à croire qu'à cette époque nous avons entretenu avec Transports Canada des liens marqués au sceau de la coopération. C'est certainement ce qui s'est produit à l'époque du projet relatif aux pistes, que, comme je l'ai déjà indiqué, nous tenons pour un modèle de consultation efficace et solide entre une industrie et le gouvernement à une époque... il s'agissait d'un problème relativement épineux. Nous avons fait la même chose à propos de l'augmentation de la capacité des pistes à l'aéroport international de Vancouver. Nous avons mené des consultations auprès de Transports Canada, et le ministère a sollicité notre point de vue à l'égard de diverses questions liées à ce que j'appellerais l'aviation technique et professionnelle au Canada.

Nous ne nous considérions pas comme un organisme axé sur la confrontation. Nous nous considérions comme un groupe technique professionnel voué à la sécurité aérienne et à l'efficience des diverses opérations aériennes et intéressé par ces questions.

Le sénateur LeBreton: Il s'agit d'un organisme plutôt considérable et polyvalent. Combien d'employés votre organisation avait-elle à son service?

M. Sinclair: Environ 15.

Le sénateur LeBreton: Quinze?

M. Sinclair: Quinze.

Le sénateur LeBreton: Et, parmi toutes les organisations que vous avez énumérées, que se produisait-il normalement? Une personne de ces diverses organisations figurait-elle sur, disons, votre liste d'envois postaux... ou comment communiquiez-vous avec vos membres? Il s'agit d'une association plutôt importante et polyvalente. Comment communiquiez-vous avec vos membres?

M. Sinclair: Par quelques moyens. Oui, il y avait un représentant officiel désigné qui, parfois, agissait comme courroie de transmission à l'égard des questions à profil très élevé, mais nous avions aussi, comme beaucoup d'associations professionnelles, toute une série de comités chargés de diverses questions techniques, et divers représentants de nos membres étaient recrutés pour participer à ces comités, suivant leurs propres intérêts. Nous avions peut-être, je ne sais pas, environ une trentaine de comités différents composés de membres, et nous avions tendance à faire appel aux spécialistes membres de l'association pour nous aider à faire face aux questions qui se présentaient, selon leur champ d'intérêt, mais principalement dans le domaine technique professionnel.

Le sénateur LeBreton: Combien de personnes siègent au conseil d'administration?

M. Sinclair: Environ une quinzaine, je crois.

Le sénateur LeBreton: Par opposition aux 15 employés? C'était deux groupes différents?

M. Sinclair: Oui.

Le sénateur LeBreton: Le conseil d'administration représentait-il les principales composantes de votre association?

M. Sinclair: Oui.

Le sénateur LeBreton: Aviez-vous des administrateurs provenant d'Air Canada et de Canadien?

M. Sinclair: Oui. La composition du conseil d'administration était établie en fonction de ce qu'on pourrait appeler les segments industriels. Parce qu'Air Canada et Canadien représentaient une partie si importante de nos membres, nous veillions à ce que les deux compagnies soient représentées au sein du conseil d'administration. Il y avait, comme vous le savez, de nombreuses lignes aériennes régionales au Canada, et je crois que cinq sièges étaient réservés à leurs représentants. En nombre, l'industrie aérienne générale bénéficiait d'une représentation substantielle, et trois sièges étaient réservés à ce secteur. De nombreux exploitants d'hélicoptères figuraient parmi nos membres, de sorte que deux sièges leur étaient réservés. Les membres associés avaient un représentant au sein du conseil d'administration. Ces derniers participaient au débat, mais n'avaient pas le droit de vote.

Le sénateur LeBreton: Bien entendu, le Canada compte de nombreuses organisations comme la vôtre. Je siège à un autre comité où nous accueillons des organisations qui, comme la vôtre, bien entendu, représentent l'industrie. Diriez-vous que votre organisation constituait un groupe de pression? Je connais l'étiquette qu'on accole à ces groupes, ce qui est malheureux puisqu'ils ne sont pas tous ainsi, mais diriez-vous que votre organisation constitue un groupe de pression?

M. Sinclair: Tout dépend de la définition que vous donnez à l'expression. Pour répondre en un mot à votre question, je dirais que, oui, probablement, en ce sens que l'association industrielle a été créée pour défendre les intérêts de l'industrie, et, à cet égard, oui, elle se définit comme un groupe de pression. Je ne le contesterai pas.

Je me plais à croire que nous constituions une organisation industrielle très responsable parce que, à de nombreuses reprises, Transports Canada a sollicité nos vues à propos d'initiatives particulières, et nous a consultés avant d'édicter des règlements. Je pense que nous avons été en mesure d'apporter une contribution valable, une contribution technique professionnelle dans le domaine de la sécurité aérienne, qui nous est chère.

À cet égard, je n'aime pas l'expression "groupe de pression" dans le contexte... là où on l'accole à la notion de sécurité aérienne parce que je ne vois pas de correspondance entre les deux. Lorsque nous nous occupons d'intérêts à caractère plus commercial, oui, on pourrait dire que nous constituions un groupe de pression. Je pense que cela ne fait aucun doute. À l'égard d'enjeux économiques, nous exercions des pressions sur le gouvernement au même titre que toutes les autres associations industrielles.

Mais à l'égard des questions techniques et de la sécurité aérienne, je pense que nous sommes plutôt les dépositaires de connaissances techniques valables, axées sur la façon de faire les choses de façon logique plutôt que sur ce qui devrait être fait. Transports Canada nous soumettait un problème, ou je ne sais quoi, et nous travaillions pour déterminer... vous savez, définir s'il s'agissait bel et bien d'un problème. Le cas échéant, nous tentions de déterminer le moyen de le régler de façon logique.

Et je crois que nos consultations étaient précieuses pour Transports Canada en ce sens que nous déterminions le moyen de régler un problème donné de façon logique et sensée, sans faire penser un fardeau indu sur une industrie qui, à cet égard, avait plus que sa part de fardeau.

Le sénateur LeBreton: Avez-vous jamais été enregistrés à titre d'association de lobbyistes?

M. Sinclair: Oui.

Le sénateur LeBreton: Êtes-vous toujours enregistrés à titre d'association de lobbyistes?

M. Sinclair: Oui. Je ne suis plus membre de l'association. À titre personnel, je ne suis pas enregistré à titre de lobbyiste, et je n'ai aucune activité de lobbyiste. Mais, oui, l'association est enregistrée conformément à la loi.

Le sénateur LeBreton: Vous avez travaillé dans tout le pays et avez pris la parole en divers endroits pour représenter l'industrie. Comment l'organisation autorise-t-elle les apparitions publiques de personnes telles que vous?

M. Sinclair: Il n'y a pas de mécanisme d'autorisation. En ma qualité de président-directeur général de l'organisation, j'étais comptable de mes actions au conseil d'administration. Je crois que je bénéficiais de la confiance du conseil parce qu'il m'accordait une marge de manoeuvre considérable quant à ce que je pouvais faire de mon propre chef. Lorsque cela me paraissait approprié, je consultais le conseil à propos des grands enjeux. Lorsque le conseil avait des préoccupations particulières à l'égard de certains enjeux, il m'en informait à l'occasion de ses réunions régulières.

Le sénateur LeBreton: À la lecture de la montagne de documents que nous avons reçus sur toutes ces questions, j'ai eu l'impression, à la lecture de la correspondance (et vous me corrigerez si j'ai tort), mais j'ai eu l'impression que votre organisation souhaite que l'aménagement des aéroports relève ou bien du gouvernement du Canada, ou bien des compagnies aériennes ou des regroupements de compagnies aériennes. Est-ce juste?

M. Sinclair: Pas exactement de la façon dont vous le dites. Si je puis revenir sur l'aménagement des pistes pendant un moment, notre priorité était de faire en sorte que le gouvernement agisse de la façon habituelle. Vers la fin des années 1980 et au tout début des années 1990, les gouvernements, comme tant d'autres organisations, ont éprouvé de la difficulté à lever des capitaux. À l'époque, nous avons mis sur pied diverses initiatives touchant le projet d'aménagement des pistes, initiatives en vertu desquelles l'industrie formerait un conglomérat qui financerait l'aménagement des pistes, conformément aux besoins, et élaborerait et gérerait le projet, obtiendrait le financement et travaillerait avec Transports Canada, peu importe la façon dont les activités seraient menées à partir de ce moment, au point même où nous envisagions de rendre à Transports Canada, par contrat, l'exploitation des pistes.

Cela s'explique par le fait que nous avions fait de l'aménagement des pistes la priorité, particulièrement à l'aéroport Pearson. Donc, oui, nous étions convaincus de la nécessité de faire quelque chose, et l'industrie était disposée à monopoliser ses ressources et ses efforts afin de contribuer à la réalisation d'un projet.

Le sénateur Tkachuk: Une question supplémentaire, monsieur le président. Ma question a trait au secteur privé par rapport au secteur public parce que le sénateur Kirby, il me semble, a posé une question à propos d'une de vos déclarations selon laquelle l'association craignait que les promoteurs privés n'obligent les compagnies aériennes à assumer des coûts supplémentaires.

M. Sinclair: Oui, monsieur.

Le sénateur Tkachuk: Ma question a en quelque sorte deux volets. Prenons, par exemple, un aéroport déficitaire, comme Mirabel. La compagnie aérienne... le gouvernement du Canada subventionne cet aéroport, n'est-ce pas?

M. Sinclair: Non, monsieur, le gouvernement ne subventionne pas cet aéroport.

Le sénateur Tkachuk: Dans ce cas, qui le subventionne?

M. Sinclair: L'aéroport de Mirabel faisait partie d'un groupe de cinq aéroports cédés à des administrations aéroportuaires locales. En ce qui concerne Mirabel...

Le sénateur Tkachuk: Nous parlons d'aujourd'hui, n'est-ce pas?

M. Sinclair: Nous parlons d'aujourd'hui.

Le sénateur Tkachuk: Dorval, et tous les autres.

M. Sinclair: Cela a été fait en 1992.

Le sénateur Tkachuk: Oui. Mais si un aéroport est déficitaire, qu'il soit chapeauté par une administration aéroportuaire ou non... le loyer a été accordé au gouvernement du Canada pour permettre à ce dernier d'obtenir un rendement comparable à celui qu'il avait auparavant, ce qui, pour Mirabel, n'est pas beaucoup. Mais si un aéroport perd de l'argent, comme c'est le cas pour certains aéroports, ne diriez-vous pas que ce sont les contribuables qui subventionnent les compagnies aériennes?

M. Sinclair: Pas nécessairement. Tout dépend de l'achalandage à un aéroport. Plus la taille de l'aéroport est réduite, et moins il y a de chance qu'il fasse ses frais. Quant aux plus petits aéroports, ils n'ont absolument aucun moyen de faire leurs frais. Si on souhaite que des services aériens soient offerts à ces endroits, il est peut-être acceptable que la Couronne subventionne l'exploitation des aéroports concernés. Cela n'est pas un problème. Mais si on tente de faire en sorte que de très petits aéroports soient totalement autosuffisants sur le plan financier, on ne réussira probablement qu'à supprimer le service, parce que c'est impossible.

Le sénateur Tkachuk: Donc, les compagnies aériennes ne voudraient pas exploiter l'aérogare de Saskatoon, disons, ni en être propriétaires?

M. Sinclair: Probablement pas. Mais, vous savez, des installations de la taille de celles de Saskatoon pourraient peut-être, dans des circonstances favorables, être suffisamment importantes pour qu'un conglomérat de compagnies aériennes exploite l'aérogare, à supposer qu'on le veuille.

La préoccupation de Transports Canada (et il s'agit d'une préoccupation légitime), c'est que les compagnies aériennes pourraient fermer la porte à d'autres concurrents. Pour Transports Canada, il s'agit d'une préoccupation appropriée. Voilà pourquoi le ministère doit prendre part au processus pour éviter que ce genre de chose ne se produise.

Le sénateur Tkachuk: En d'autres termes, l'industrie aérienne aimerait être propriétaire des aérogares qui génèrent des revenus, mais ne serait pas intéressée par les aéroports déficitaires?

M. Sinclair: Je pense qu'il s'agit d'une affirmation juste.

Le sénateur Tkachuk: C'est une affirmation juste. Pourquoi s'intéresser à un aéroport déficitaire?

M. Sinclair: Tout dépend des coûts qu'entraîne la prestation des services, sénateur.

Le sénateur Tkachuk: Revenons au promoteur privé à l'oeuvre à l'aérogare 1. Ici, j'essaie simplement de comprendre la logique des compagnies aériennes...

Le sénateur Gigantès: L'aérogare 1 ou l'aérogare 3?

Le sénateur Tkachuk: L'aérogare 1, l'aérogare 2, l'aérogare 3, cela n'a aucune importance. Si une compagnie aérienne construit, remet à niveau ou loue une aérogare (disons "une" aérogare, d'accord?), elle pourrait l'amalgamer à ses propres activités de compagnie aérienne ou en faire une entité distincte, n'est-ce pas?

M. Sinclair: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Pour ce faire, ses investissements devront lui procurer un certain rendement.

M. Sinclair: C'est vrai.

Le sénateur Tkachuk: Ou alors elle agirait comme une société sans but lucratif et ferait ses frais au profit des Canadiens... les actionnaires d'Air Canada n'exigeraient-ils pas plutôt que les capitaux investis dans les aérogares 1, 2 ou 3 leur procurent un certain rendement? N'est-ce pas plutôt ce qu'exigeraient les actionnaires?

M. Sinclair: Non, monsieur, je ne pense pas.

Le sénateur Tkachuk: Vous voulez dire que, en tant qu'actionnaire d'Air Canada, ce n'est pas ce que j'exigerais? J'en doute.

M. Sinclair: Non, non. Vous ne m'avez pas laissé terminer. L'exploitation d'un aérogare par une compagnie aérienne équivaudrait à peu près à l'exploitation d'une base de maintenance. Dans ce cas, il s'agit simplement d'un maillon de plus à la chaîne de production nécessaire pour permettre aux consommateurs de services de transport de passer d'un point A à un point B. Que la compagnie choisisse de former une filiale distincte ou qu'elle opte pour une autre formule, au bout du compte, tout se confond.

Donc, je pense que l'exploitation d'une aérogare ne vise pas la réalisation de profits, si je puis m'exprimer ainsi. En vertu d'une telle exploitation, les compagnies aériennes, pour peu qu'on les autorise à prélever des droits, pourraient faire leurs frais et réaliser des profits ailleurs.

Le sénateur Tkachuk: Je ne comprends pas. On ne peut faire ses frais et tirer ses profits ailleurs.

M. Sinclair: Sénateur, c'est comme posséder une filiale qui s'inscrit dans votre procédé de fabrication. Pour une compagnie aérienne, l'exploitation d'une aérogare n'est rien de plus qu'une étape du procédé de production grâce auquel on peut transporter des passagers. À mon avis, c'est comme exploiter une base de maintenance et comme tous les autres aspects des activités d'une compagnie aérienne.

Le sénateur Tkachuk: Est-il possible que les compagnies aériennes qui exploitent leur propre base de maintenance réparent d'autres compagnies aériennes... je veux dire d'autres avions que les leurs?

M. Sinclair: Oui, monsieur.

Le sénateur Tkachuk: Répareraient-elles ces autres avions à perte?

M. Sinclair: Non.

Le sénateur Tkachuk: Essaieraient-elles de réaliser de petits profits?

M. Sinclair: Certainement.

Le sénateur Tkachuk: Elles ne feraient pas leurs frais.

M. Sinclair: Elles tenteraient de rendre l'entreprise raisonnablement rentable. Sinon, à quoi bon continuer?

Le sénateur Tkachuk: Exactement. Revenons donc à l'aérogare 1. Voyez-vous, je n'aime pas l'insinuation selon laquelle le simple fait qu'un promoteur est (parce qu'il s'agit d'une personne privée), qu'il y a... je veux dire, il y a un rendement sur l'investissement, et la compagnie aérienne, les capitaux propres que la compagnie aérienne investirait, les actionnaires demanderaient la même chose, c'est-à-dire un rendement sur leur investissement. J'essaie donc de comprendre pourquoi il en coûterait plus. Hier, les représentants d'Air Canada nous ont appris que la compagnie paie des montants comparables à ce qu'on trouve partout ailleurs.

M. Sinclair: Il s'agit d'une simple question d'arithmétique. En assortissant l'exploitation d'une aérogare d'un facteur de profit, on ajoute aux coûts. Si on introduit un rendement garanti sur les actifs, on refile d'autres coûts aux consommateurs, à l'autre bout du spectre.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, si Air Canada se présentait ici et déclarait à Transports Canada que la compagnie accepterait d'exploiter une aérogare à titre bénévole, je crois que le ministère serait bien mal avisé de ne pas la prendre au mot. Mais je doute qu'elle le fasse.

M. Sinclair: Sénateur, si Air Canada faisait part à Transports Canada de son intention d'exploiter l'aérogare 2 et que Transports Canada se disait d'accord, je suis d'avis qu'Air Canada sauterait sur l'occasion.

Le sénateur Tkachuk: Parce que, dans ce cas, la compagnie exercerait un monopole sur l'aérogare 2. Elle en profiterait peut-être pour saigner à blanc les autres compagnies.

Le sénateur Jessiman: Mais il y a plus que le simple fait de...

M. Sinclair: Il y a des options. C'est pourquoi on a besoin d'un contrepoids prenant la forme d'une aérogare 1 exploitée par l'État ou par une entreprise indépendante. Les compagnies aériennes ont intérêt à réduire les coûts au minimum. Bon nombre de compagnies aériennes croient que, en exploitant leurs propres aérogares, elles pourraient réduire leurs coûts davantage que si quelqu'un d'autre les exploite à un taux de rendement garanti. C'est une simple question d'arithmétique. C'est pourquoi on le fait aux États-Unis. C'est pourquoi on le fait dans d'autres régions du monde. À condition que le volume le permette.

Le sénateur Tkachuk: Je ne dis pas qu'elles le font ou qu'elle ne le font pas, ni que c'est bon ou mauvais. Tout ce que je dis, c'est qu'elles feront un... elles tenteront de réaliser des profits et d'obtenir un rendement sur leurs capitaux parce que leurs actionnaires l'exigent. C'est tout ce que je dis.

M. Sinclair: Oui, elles tenteront de procurer un rendement à leurs investisseurs, quel qu'il soit. En ce qui concerne la gestion d'une aérogare, leur principal intérêt a trait à la réduction des coûts qu'entraîne l'exploitation d'une aérogare.

Le sénateur Tkachuk: Il s'agit de leur propre intérêt. Je m'excuse.

Le sénateur Gigantès: Un petit point de détail qui n'a rien à voir avec la question débattue. Il s'agit de mon confort personnel. Chaque jour, j'ai un projecteur dans les yeux. Il me fait mal.

Le sénateur Lynch-Staunton: Changez de place. Allez vous asseoir là-bas.

Le sénateur Gigantès: On l'a déplacé hier, et puis... non, non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Venez vous asseoir du côté de la raison.

Le sénateur Gigantès: Je ne voudrais surtout pas qu'un téléspectateur pense que j'appartiens à votre parti.

Le sénateur LeBreton: Nous non plus.

Le sénateur Gigantès: Voilà. Nous sommes tous d'accord. Pourrait-on faire en sorte que les lumières soient rangées de façon à ce que nous n'ayons pas besoin de lunettes lorsque nous sommes ici? Vous n'avez pas de projecteur dans les yeux, monsieur le président. Ils n'ont pas de projecteur dans les yeux.

Le sénateur LeBreton: Moi, oui. Celui-là.

Le sénateur Gigantès: Vous ne regardez pas de ce côté.

Le sénateur LeBreton: Je regarde tout le temps de ce côté.

Le sénateur Tkachuk: C'est peut-être un problème, et il y a des projecteurs partout, sénateur. Je pense cependant que si vous vous assoyez là-bas, ce projecteur ne vous gênerait peut-être pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Peut-être dans l'autre pièce.

Le sénateur Tkachuk: Nous sommes encerclés.

Le président: Sénateur, c'est noté, et j'emploierai toute mon énergie à corriger la situation.

Le sénateur Gigantès: Monsieur, je vous suis très reconnaissant. Étant donné votre générosité et votre courtoisie proverbiales, je n'en attendais pas moins de vous.

Le président: Merci.

Le sénateur LeBreton: Je n'ai pas encore terminé. J'avais encore une question. Par manière de plaisanterie, j'allais proposer que nous ayons aussi recours à de la lumière froide. Quant à être ridicules.

J'ai une dernière question, monsieur Sinclair, et je vous reporterai à une lettre. Il s'agit du document 00224. Elle est datée du 20 septembre 1991. Il s'agit d'une lettre que vous avez adressée à Huguette Labelle, alors sous-ministre des Transports, et signée: "Gordon". Avez-vous cette lettre, monsieur Sinclair?

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous ne l'avons pas.

Le sénateur Kirby: Est-ce l'une de celles auxquelles j'ai fait référence?

Le sénateur LeBreton: Non.

Le sénateur Hervieux-Payette: Pouvons-nous en avoir une copie?

Le sénateur LeBreton: Elle fait partie du paquet.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ils ne l'ont pas. Elle est venue par les voies habituelles.

Le sénateur LeBreton: En fait, j'en ai même une copie additionnelle.

Le sénateur Kirby: Un simple commentaire. De façon générale, nous avons... je ne m'en plains pas. Nous avons tout mis en oeuvre pour tenter d'y arriver.

Le sénateur LeBreton: Vous disposez d'un personnel beaucoup plus considérable que le mien.

Le sénateur Kirby: Ce n'est pas vrai. Je pense que tous les sénateurs sont sur un pied d'égalité. Quoi qu'il en soit, cela n'a pas d'importance.

Le sénateur LeBreton: Cela n'a pas d'importance. La lettre est dans nos documents.

Le sénateur Hervieux-Payette: La dernière fois, on m'a adressé ce reproche. Or je crois avoir droit à un traitement analogue.

Le sénateur LeBreton: En fait, j'ai une copie additionnelle.

Le sénateur Kirby: Allez-y, utilisez la lettre.

Le sénateur LeBreton: Maintenant, je comprends comment Marcia Clarke se sentait. Mon doux...

Le sénateur Gigantès: Qui est Marcia Clarke?

Le sénateur LeBreton: Si vous ne savez pas qui est Marcia Clarke... c'est une de mes héroïnes. Quoi qu'il en soit...

Le sénateur Jessiman: Elle est procureur de la Couronne.

Le sénateur Kirby: Il nous reste une demi-heure.

Le sénateur LeBreton: Dans cette lettre, vous laissez entendre que les compagnies aériennes ont participé au financement de l'aménagement des pistes à Pearson, situation que je trouve quelque peu déloyale, mais, sur la lettre, on retrouve manifestement une note manuscrite. Je vais tenter de la lire même si le dernier mot n'est pas bien lisible:

Victor...

De toute évidence, il s'agit, je suppose, de Victor Barbeau, sous-ministre adjoint (Aéroports).

...à première vue, cela n'est en rien différent de la proposition du conglomérat des compagnies aériennes d'il y a deux ans, proposition qui avait été rejetée dans le premier...

et, comme je l'ai indiqué, je ne sais pas ce qu'est le dernier mot.

J'aimerais vous entendre à propos de cette lettre. Premièrement, avez-vous jamais obtenu une réponse officielle? Ma question directe est la suivante: en votre qualité de chef de ce groupe de pression, n'êtes-vous pas d'avis (voilà comment je vois les choses), faisons le travail et excluons tous les autres? En d'autres termes, si le processus de demande de propositions avait établi clairement que les compagnies aériennes ou les regroupements de compagnies aériennes pouvaient soumissionner ou présenter une soumission prioritaire, votre organisation aurait-elle été en faveur de la modernisation de Pearson?

Premièrement, le ministère des Transports a-t-il répondu officiellement à votre lettre?

M. Sinclair: Je ne m'en souviens pas. À l'époque, le problème avait trait aux possibilités de financement de l'aménagement des pistes à Pearson, à une époque où les ressources se faisaient rares, et, comme vous le savez, la comptabilité gouvernementale exige que les dépenses soient imputées pour l'année où elles sont engagées, contrairement à la pratique en vigueur dans le privé. On s'est demandé si Transports Canada pourrait soutenir ce genre de chose. À supposer que le gouvernement ne puisse agir de la manière traditionnelle, l'industrie se disait disposée, comme autre option possible, à examiner les possibilités d'obtenir un financement privé pour le projet d'aménagement des pistes.

J'y vois (et je pense que vous pouvez en faire autant) une preuve que l'industrie était convaincue de la nécessité de l'aménagement des pistes à Pearson, et j'y vois une preuve de l'engagement de l'industrie en faveur de ce projet. Le projet a débuté en 1989, à la suite de pressions exercées par nous-mêmes et du fait que Transports Canada reconnaissait qu'il fallait accroître la capacité des pistes, et je tiens cette expérience pour un des meilleurs exemples de coopération entre le gouvernement et l'industrie dans le contexte d'une projet d'immobilisation d'envergure. Lorsque le gouvernement a éprouvé des difficultés à financer un projet de cette envergure, nous nous sommes dits disposés à examiner des solutions de rechange, à travailler avec le gouvernement, à faire que le projet se réalise, parce que nous avions foi en lui.

Le sénateur LeBreton: Si le gouvernement vous avait donné une réponse favorable, ma question précise est donc la suivante: votre organisation aurait-elle appuyé la modernisation des aérogares 1 et 2?

M. Sinclair: À l'époque, nous n'étions pas convaincus de la nécessité du réaménagement des aérogares 1 et 2. D'autres avenues pouvaient être explorées. En ce qui touche le réaménagement des aérogares, nous étions également convaincus que l'approche axée sur la consultation adoptée dans le cadre du projet d'aménagement des pistes pourrait et devrait être utilisée.

Le sénateur LeBreton: Lorsque vous dites que vous n'étiez pas convaincus de la nécessité du réaménagement des aérogares 1 et 2, les compagnies aériennes, particulièrement celles qui utilisaient l'aérogare 1, ne s'inquiétaient-elles pas des conditions dans lesquelles elles se trouvaient? Avec des voitures qui n'avaient pas accès au garage? Votre organisation ne se préoccupait-elle pas de cette situation?

M. Sinclair: Au milieu des années 80, oui, la situation en vigueur à l'aérogare 1 en particulier était préoccupante, en raison d'un surpeuplement marqué. En 1991, l'arrivée de l'aérogare 3 a sensiblement atténué ce problème. Plutôt que d'être horriblement surpeuplée comme auparavant, l'aérogare 1 n'a en fait pas été utilisée à sa capacité officielle, pourtant nettement moindre que ce qu'elle avait été auparavant.

Compte tenu de l'ouverture de l'aérogare 3, à un niveau inférieur à celui qui avait été prévu au moment du lancement du projet, ainsi que des incertitudes qui, en 1991, entouraient l'économie dans son ensemble, il nous semblait qu'une démarche précipitée visant à accroître la capacité des aérogares à ce moment, sinon là où Air Canada éprouvait des difficultés à l'aérogare 2 et où certains projets avaient été mis de l'avant, était, à nos yeux, prématurée, et que l'on n'avait pas suffisamment exploré les autres avenues possibles. Je suis certain que l'une des options avait trait à l'agrandissement de l'aérogare 3. Il était également possible d'accroître l'entrepiste, d'en faire une aérogare 4, si vous voulez, ce que Transports Canada ne préconisait pas à l'époque, même si le projet demeurait assurément présent pour le long terme.

Le sénateur LeBreton: Je crois cependant que vous avez évoqué la capacité. L'exercice avait pour but la modernisation des aérogares 1 et 2. De nombreux témoins ont affirmé que l'accroissement de la capacité n'était pas le premier but visé. N'êtes-vous pas d'accord pour dire que l'aérogare 1, même si vous dites qu'il est actuellement sous-utilisé, ne pourra pas faire beaucoup plus que ce qu'il fait présentement?

Cette situation a toujours été confuse. À l'époque, nous parlions de la modernisation de deux immeubles, même si cela aurait constitué un avantage indirect. Mais je n'arrive pas à croire que vos membres (dont deux importants regroupements) les Lignes aériennes Canadien International avaient vu leur problème réglé par l'arrivée de l'aérogare 3, j'en conviens... n'aient pas fait part à votre association de graves préoccupations concernant l'état des aérogares.

M. Sinclair: À titre de locataire de l'aérogare 2, Air Canada avait son propre projet d'aménagement, ce qui est bien normal puisque la compagnie occupait plus de 85 p. 100 de l'aérogare. L'aérogare 1 était sans contredit désuète, mais trois des principaux transporteurs ne souhaitaient pas qu'on y apporte des modifications à ce moment précis puisqu'ils étaient incertains de la tangente qu'allait prendre l'économie.

Le sénateur LeBreton: Il s'agit plutôt d'une politique à courte vue.

M. Sinclair: On peut le soutenir, mais je pense qu'ils souhaitaient être un peu plus certains de l'orientation qu'allaient prendre les choses. Des réductions étaient dans l'air. À la fin de 1991, la situation de l'économie dans son ensemble était fort incertaine. Les gens étaient... certaines de mes lettres indiquent que nous voulions un peu plus de temps pour voir au moins comment les choses allaient évoluer. En effet, nous constations que certaines modifications étaient en cours. Des points de vue fort différents étaient également échangés quant à savoir s'il fallait rénover l'aérogare 1 ou la démolir pour tout reprendre depuis le début. Chacune de ces solutions avait ses partisans.

On était donc confrontés à une grande incertitude qu'il fallait évaluer à la lumière des faits, grâce à de bonnes projections de l'avenir. À l'époque, l'incertitude était grande. Nul n'était disposé à s'engager à long terme. L'industrie canadienne allait peut-être faire l'objet d'un important réalignement. À l'époque, même les Lignes aériennes Canadien International éprouvaient certaines difficultés et avaient entrepris une démarche difficile. Simplement, l'incertitude était considérable, et le fait de consacrer à ce moment plus de 700 millions de dollars au réaménagement des aérogares...

Le sénateur LeBreton: Nous sommes maintenant en 1995 et, comme les représentants d'Air Canada l'ont indiqué hier, il est malheureux que les rénovations n'aient pas... que les travaux n'aient pas été effectués en 1993, ce qui montre bien que l'aménagement des aéroports devrait toujours viser le long terme, et non obéir aux fluctuations de l'économie.

M. Sinclair: Sénateur, je suis d'accord. Mais, à l'époque, soit en 1991, il y avait beaucoup d'incertitude dans l'air. Certes, Air Canada avait une idée raisonnablement précise de ce qu'elle entendait faire de l'aérogare 2, et l'aérogare 2 avait donné lieu à de considérables travaux de réaménagement. À juste titre, les préoccupations de la compagnie avaient trait au trafic international et transfrontalier. Mais, vous savez, la compagnie était disposée à s'attaquer à ce problème de concert avec Transports Canada. En remontant jusqu'à 1989, j'affirmerais que, si on avait mieux répondu aux initiatives mises de l'avant à l'époque, initiatives selon lesquelles les transporteurs auraient pu privatiser les aérogares, par exemple Air Canada et l'aérogare 2, cette compagnie aurait été en bien meilleure posture pour faire face aux années 1990.

Le sénateur LeBreton: En tant que compagnie aérienne particulière.

M. Sinclair: En tant que compagnie aérienne particulière. Et, ailleurs dans le monde, il existe toutes sortes de types d'accords qui permettent de veiller aux intérêts minoritaires liés à une aérogare donnée. Quant à l'aménagement de l'aérogare en fonction de la perception qu'a une compagnie aérienne de ses besoins à venir, une telle mesure aurait fourni de plus grandes certitudes.

M. Nelligan: Monsieur Sinclair, on vous a interrogé plus tôt à propos de la correspondance que vous avez échangée avec le ministre, et je tiens davantage à m'assurer que nous avons en main tous les documents. Avez-vous une copie de la trousse de documents qui nous a été remise?

M. Sinclair: Oui.

M. Nelligan: Tout de suite après votre lettre de septembre 1991, on retrouve une ébauche de lettre qui vous est destinée et qui, de toute évidence, avait été rédigée pour que le ministre y appose sa signature.

M. Sinclair: Oui.

M. Nelligan: Il s'agit du document 00037. Apparemment, la lettre n'a pas été envoyée, mais, si vous examinez le document 614, vous constaterez qu'il s'agit d'une autre ébauche datée du 11 décembre 1991.

M. Sinclair: Je ne semble pas avoir le document.

M. Nelligan: Eh bien, il a trait -

M. Sinclair: Un moment. Je l'ai retrouvé un peu plus loin.

M. Nelligan: Bon, c'est bien. Il s'agit d'une note de service sur papier à en-tête du ministre. On y lit:

Si nous comprenons bien, le cabinet du ministre a renvoyé la réponse proposée à la lettre du 6 septembre de M. Sinclair... cette dernière doit être différée jusqu'à ce qu'une décision soit prise à l'égard de l'émission de la demande de propositions.

Voilà qui établit donc clairement que l'ébauche antérieure n'a pas été utilisée. On y lit aussi:

... et, comme l'objet des lettres actuelles et précédentes de M. Sinclair est très semblable, nous proposons la réponse unique suivante. Puis, on énonce une ébauche de réponse.

Eh bien, monsieur, ma question est la suivante: vous rappelez-vous avoir reçu une lettre dont les termes généraux correspondraient à ceux de l'ébauche de réponse?

M. Sinclair: Non, monsieur.

M. Nelligan: Mais, en bout de ligne, vous avez obtenu une réponse?

M. Sinclair: Oui.

M. Nelligan: Savez-vous à quelle date vous avez obtenu cette réponse?

M. Sinclair: Je crois que la réponse m'est parvenue en mai. La lettre du ministre que j'ai reçue est datée du 21 mai 1992.

M. Nelligan: Très bien. Voilà qui confirme son affirmation selon laquelle il convient de retenir la lettre dans l'attente d'une décision relative à l'émission de la demande de propositions. Mais, monsieur, vous n'avez pas une copie de cette lettre? Nous ne semblons pas l'avoir non plus.

M. Sinclair: Celle du 21 mai?

M. Nelligan: Oui. Fait-elle partie de ces documents? Je ne l'ai vue nulle part.

M. Sinclair: Je l'ai ici. J'ignore si elle fait partie de vos documents ou non.

M. Nelligan: Très bien. Eh bien, je vous serais reconnaissant de bien vouloir la remettre au greffier pour qu'on en fasse une copie, parce que j'aimerais demander pourquoi nous ne l'avons pas reçue dans un premier temps. Merci. C'est tout ce que j'avais.

Le sénateur Hervieux-Payette: Une simple clarification. En annexe à la lettre à laquelle a fait référence le sénateur LeBreton, celle qui est datée du 20 septembre 1991, on trouve un document qui porte sur la proposition du financement des pistes à l'aéroport international Pearson. Puis-je qualifier ce document de proposition spontanée formulée à l'endroit du ministère des Transports?

M. Sinclair: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: D'accord. Vous savez, nous avons parlé des propositions spontanées. Celle-ci compte trois pages. Donc, il s'agissait d'une notion, d'une idée que vous soumettiez au gouvernement de l'époque?

M. Sinclair: Oui, sénateur. En ce qui concerne l'aménagement des pistes à Toronto, notre premier choix était que l'on procède de la façon traditionnelle, c'est-à-dire que le gouvernement finance les pistes et recouvre les coûts engagés par la voie des droits imposés aux usagers. Au cas où cela serait impossible, nous aurions préféré opter pour la voie tracée dans la lettre de septembre: en vertu de cette proposition, l'industrie aurait formé un conglomérat, avec le concours de Transports Canada, aurait établi un mécanisme de financement pour l'aménagement des pistes.

Le sénateur Gigantès: L'aménagement des pistes, mais non l'aménagement des aérogares.

M. Sinclair: C'est juste, sénateur, l'aménagement des pistes.

Le sénateur Hervieux-Payette: Et c'était en 1991. Ai-je raison d'affirmer qu'il s'agit du projet actuellement en cours à l'aéroport Pearson?

M. Sinclair: Oui, sénateur, c'est juste.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce le projet qui, selon les représentants d'Air Canada que nous avons entendus hier, cause certains inconvénients en raison des retards qu'il entraîne? La nouvelle piste? Ou y a-t-il eu depuis un autre projet d'aménagement des pistes? Je n'en connais qu'un. Je suppose qu'il n'a pas encore été achevé.

M. Sinclair: Sénateur, je crois que les représentants d'Air Canada que vous avez entendus hier faisaient référence à certaines réparations et à certains travaux d'entretien actuellement en cours à Pearson, travaux qui ont exigé la fermeture d'une des pistes pour un certain temps. Cela n'a rien à voir avec ce que nous étions...

Le sénateur Hervieux-Payette: La nouvelle piste?

M. Sinclair: Cela n'a rien à voir.

Le sénateur Hervieux-Payette: À votre connaissance, est-elle fonctionnelle?

M. Sinclair: La nouvelle piste?

Le sénateur Hervieux-Payette: Oui.

M. Sinclair: Non, pas encore.

Le sénateur Hervieux-Payette: Quand le projet que vous défendiez en 1991 a-t-il été lancé?

M. Sinclair: Le projet a débuté...

Le sénateur Hervieux-Payette: L'année dernière?

M. Sinclair: Non, c'était à l'automne 1993.

Le sénateur Hervieux-Payette: D'accord. Quand il...

Le sénateur Jessiman: N'a-t-il pas été annulé?

M. Sinclair: Non, il ne l'a pas été.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il a été accompli de la façon habituelle.

M. Sinclair: Il a été accompli de la façon habituelle. Au début, il régnait une certaine incertitude quant à la façon dont, en bout de ligne, il serait financé. À l'époque, on ne l'avait pas établi de façon certaine. Cela n'a été fait que plus tard. Mais le projet a débuté... si je me rappelle bien le projet lui-même, il a débuté à l'automne 1993.

Le sénateur Hervieux-Payette: Et vous diriez que, à ce moment (et je sais que vous n'appartenez plus à l'association), il s'agissait du problème le plus pressant auquel, en 1991, il fallait s'attaquer?

M. Sinclair: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: D'accord. Merci. Ce n'est toujours pas terminé. C'est toujours en cours.

Le sénateur Jessiman: Toujours?

Le sénateur Hervieux-Payette: Je me comprends. L'autre chose, c'est que votre lettre du 6 septembre 1991, suivie par votre lettre du 25 mars 1992, avant l'émission de la demande de propositions, le 11 mars, avez-vous jamais été invité à participer à la préparation de la demande de propositions ou à mettre à profit vos compétences, comme vous l'avez fait dans le cadre du projet d'aménagement des pistes?

M. Sinclair: Non.

Le sénateur Hervieux-Payette: Merci.

Le sénateur LeBreton: Le point de clarification dont j'ai fait mention avant de commencer à interroger le témoin?

Le président: D'accord. Soyez brève.

Le sénateur LeBreton: Monsieur le président et monsieur le conseiller juridique, la question suivante vous est destinée. J'ai eu l'occasion d'examiner avec attention le document 002191, auquel le sénateur Kirby a fait référence ce matin, et, bien entendu, il s'agit d'une note de service du 5 mars 1993 destinée au premier ministre qui portait la mention "Secret" et était signée de la main de Glen Shortliffe.

J'ai eu l'occasion d'étudier la note de service, et il s'agit d'un document tout ce qu'il y a de plus innocent et d'approprié. On n'y offre aucun conseil. On n'y tire aucune conclusion. L'auteur se contente simplement de faire rapport au premier ministre de l'état d'avancement d'une importante initiative de politique du gouvernement. Comme je l'ai mentionné à l'occasion d'un témoignage antérieur, le premier ministre était à l'époque confronté à de nombreux enjeux de la sorte: l'ALÉNA, le Nunavut, les dispositions législatives concernant le harcèlement et aussi l'établissement d'un lien fixe avec l'Île-du-Prince-Édouard.

Soit dit en passant, le sénateur Kirby, à l'occasion d'un point de presse, a déclaré que, à son avis, il était assez inhabituel qu'un premier ministre s'intéresse à une transaction commerciale. Or, il s'agit ici non pas d'une simple transaction commerciale, mais bien d'une initiative de politique du gouvernement. Je me demande si le sénateur Kirby était au cabinet du premier ministre lorsque s'est posé le problème de l'ambassade canadienne à Washington. À mon avis, il s'agissait d'une simple question commerciale, lorsque le premier ministre est intervenu et a accordé le contrat non pas au gagnant du concours, mais à quelqu'un d'autre... c'est une digression.

Comme toutes les notes de service de cette nature (et le sénateur Kirby en a vu de nombreuses à l'époque où il était rattaché au cabinet du premier ministre), elle était signée par un bureaucrate, un dénommé MacGillivray, et signée par le greffier, M. Shortliffe. Comme je l'ai fait remarquer à de nombreuses reprises, tout comme le sénateur Kirby (parce que j'étais rattaché au cabinet du premier ministre, tout comme lui), le greffier a ajouté, pour mémoire, un commentaire précisant certains détails qui, à son avis, n'avaient pas été touchés dans la note de service, à la suite de conversations entre services.

Cette note de service est intéressante parce que, auparavant, nous n'avions vu aucun document transmis par un greffier du Conseil privé au premier ministre. Le conseiller juridique peut-il expliquer au comité si cette pratique est usuelle et pourquoi ce document et d'autres documents de cette nature figurent dans la montagne de documents qui nous ont été remis? C'est la première fois que je vois une note de service secrète adressée par le greffier au premier ministre.

M. Nelligan: Eh bien, je pense que le phénomène s'explique par les raisons que vous avez déjà mentionnées, c'est-à-dire qu'il ne s'agissait pas de conseils confidentiels. Si je comprends bien, l'ex-premier ministre aurait en outre enjoint à l'actuel greffier du Conseil privé de rendre public tout document jugé pertinent, sous réserve des restrictions habituelles concernant les documents confidentiels du Cabinet, et cetera. Je tiens donc pour acquis que le document nous est parvenu par les voies normales parce qu'on l'a jugé pertinent dans le contexte de la présente enquête.

Le sénateur Kirby: Tout cela ne me pose aucun problème. J'allais simplement dire au président... et je ne m'oppose pas à ce que le sénateur LeBreton profite de l'occasion pour réfuter des observations, mais je comprends la question qu'elle soulève à propos du document. Je conviens avec elle qu'il s'agit d'un document relativement normal.

La seule question, c'est qu'on m'a demandé... je n'ai pas cherché à parler aux journalistes. À ma sortie, on m'a demandé, dans le cadre d'un point de presse, si la pratique m'apparaissait habituelle, et j'ai dit exactement ceci: "Selon mon expérience et compte tenu de toutes les autres pressions auxquelles fait face un premier ministre, je trouve extrêmement étonnant que le premier ministre manifeste un intérêt aussi extrême pour cette question." C'est ce que j'ai dit, et je le maintiens. C'était une opinion personnelle.

Tout ce que je dis, monsieur le président, c'est que si nous commençons ici à utiliser le comité pour réfuter ce qu'un autre membre a dit en marge des témoignages des témoins, je pense qu'il vaudrait mieux que nous réservions une demi-heure à la fin de chaque séance. Cela ne me paraît pas très sensé.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce que vous venez de dire l'est encore moins. Pourquoi le premier ministre ne devrait-il pas s'intéresser à un programme de création d'emplois qui aurait pu générer jusqu'à 15 000 emplois dans la communauté urbaine de Toronto à une époque où le taux de chômage atteignait un sommet inégalé?

Le sénateur Kirby: Sénateur, je suis certain que vous pouvez justifier sans mal l'intérêt que M. Mulroney manifestait pour le projet. On m'a demandé si je comprenais la nature de son intérêt, et j'ai répondu que non. J'ai répondu que, selon mon expérience, c'était extrêmement inhabituel. C'est tout ce que j'ai dit.

Le sénateur LeBreton: Que considéreriez-vous comme habituel?

Le sénateur Kirby: Je comprends que vous preniez ombrage de ma remarque, mais il n'en demeure pas moins que c'est ce qu'on m'a demandé et que c'est la réponse que j'ai donnée.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis ravi que le premier ministre Mulroney se soit intéressé au projet. Dans le cas contraire, j'aurais été consterné.

Le sénateur LeBreton: Simplement pour faire état d'une question parue dans le journal d'aujourd'hui, ne trouvez-vous pas extrêmement inhabituel qu'un haut fonctionnaire faisant partie du personnel du premier ministre retire un filet présenté dans l'un des pavillons de l'Exposition d'Ottawa?

Le président: Je suis étonné de constater que l'intérêt du premier ministre soit limité au point que nous n'ayons qu'une note de service.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, nous ne sommes tout simplement pas fixés sur ce point.

Le sénateur Lynch-Staunton: Personne n'a été scandalisé lorsque M. Trudeau s'est montré intéressé par le projet Campeau à Hull.

Le sénateur LeBreton: Aux fins du compte rendu, nous avons en main... fait inhabituel, une note de service adressée au premier ministre grâce au concours de l'ex-premier ministre. Espérons que nous pourrons compter de même sur la coopération de l'actuel premier ministre.

Le président: Avant que nous ne suspendions nos travaux, voici deux ou trois annonces rapides. Nous suspendons ici nos travaux jusqu'au mardi 22. Nos premiers témoins appartiennent au Conseil du Trésor. M. Ran Quayle a été ajouté à la liste des témoins qui seront entendus mardi soir. Sénateur Kirby, vous avez été tenu au courant de toutes ces modifications?

Le sénateur Kirby: Oui. Nous en avons discuté, et c'est d'accord. Je sais que les changements à l'horaire ont été effectués pour accommoder les témoins, et c'est bien.

Le président: Hier après-midi, le sénateur Kirby et moi avons eu un long entretien, et nous nous sommes entendus sur le point suivant: en raison de la confusion et des malentendus qui émergent sans cesse à propos des documents, la présence du conseiller juridique du ministère de la Justice, les autres intervenants, et cetera... le sénateur Kirby et moi avons demandé au conseiller juridique du comité parlementaire de convoquer un témoin du ministère de la Justice, pour établir exactement la procédure adoptée et la façon dont les droits d'un comité parlementaire peuvent être conciliés avec les actions des ministères concernés. Le sénateur Kirby et moi sommes totalement d'accord, et M. Nelligan, cet après-midi, demandera à ce qu'un tel témoin soit convoqué quelque part, j'espère... eh bien, certainement très bientôt.

Le sénateur Kirby: Tout à fait.

Le sénateur LeBreton: Ce sera pendant la première semaine?

Le sénateur Kirby: Tout dépend de l'horaire, mais la réponse est que nous agirons selon les disponibilités. Nous sommes parfaitement d'accord.

Le président: Il s'agit d'une question importante. À défaut d'autre chose, nous devons déterminer si les comités parlementaires ont ou non des pouvoirs.

Autre chose?

Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

Le comité suspend ses travaux jusqu'au 22 août 1995, à 15 h.


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