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PEAR - Comité spécial

Accords de l'aéroport Pearson (spécial)

 

Délibérations du comité spécial du Sénat sur les

Accords de l'aéroport Pearson

Témoignages


Ottawa, le mercredi 13 septembre 1995

[Traduction]

Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords de réaménagement et d'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, ainsi que pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Finlay Macdonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: Bonjour, chers collègues. Hier, nous avons entendu un témoin très important, soit le porte-parole du groupe Bronfman/Claridge, et aujourd'hui nous en entendons un autre représentant le groupe Matthews/PAXPORT.

Monsieur Matthews, je vous souhaite la bienvenue.

M. Donald Matthews, président, Matthews Construction Canada Inc.: Bonjour, monsieur le président.

Le président: Monsieur Baker.

M. Gordon R. Baker, c.r., Weir & Foulds, et conseiller juridique principal du groupe Matthews: Bonjour, monsieur le président.

Le président: Sans plus tarder, je demanderai à M. Nelligan de nous présenter les témoins.

M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: Sénateurs, nos témoins sont bien connus: M. Don Matthews, président du conseil de Matthews Group; M. Gordon Baker, associé de Weir & Foulds, à Toronto, et conseiller juridique principal de Matthews Group.

Je crois savoir que M. Matthews a une déclaration à faire, mais nous n'en avons pas actuellement de copie.

M. Baker: Monsieur le président, je commencerai par faire une déclaration, suivie de celle de M. Matthews. Quand devons-nous prêter serment, monsieur?

Le président: Tout de suite.

[Assermentation de M. Donald Matthews]

[Assermentation de M. Gordon R. Baker]

Le président: Monsieur Baker, êtes-vous prêt à faire votre déclaration?

M. Baker: Oui, monsieur le président.

Mon entrée en matière est plutôt longue, monsieur le président, car je participe à ce processus depuis quelque temps déjà. Je ferai donc appel à votre patience.

Monsieur le président, nous nous réjouissons de pouvoir prendre la parole devant le Sénat aujourd'hui et nous vous sommes reconnaissants de nous en avoir fourni l'occasion, certes inouïe quand on pense au peu de cas que fait le gouvernement des droits des citoyens canadiens, comme en témoigne le dépôt du projet de loi C-22.

Comme vous le savez, le projet de loi C-22 a pour objectif de nier à des particuliers et à des entreprises du Canada le droit de porter une affaire devant les tribunaux pour défendre leur nom, leur réputation et leurs biens. Simultanément, il accorde l'immunité à ceux qui ont participé à l'annulation des accords relatifs à l'aéroport Pearson.

Le projet de loi C-22, intitulé Loi sur certains accords concernant l'aéroport Pearson, est une mesure vraiment draconienne et sans précédent visant à légitimer la violation et la répudiation, par le gouvernement libéral, des accords conclus relativement à l'aéroport, sans raison légale, et à dégager de toute responsabilité ou obligation ceux qui y ont participé.

Le projet de loi C-22 nie le versement de dommages-intérêts équitables parce que la population serait outrée d'apprendre que la décision politique délibérée d'annuler les contrats coûtera au contribuable, selon les prévisions, entre 500 millions et deux milliards de dollars, d'après ce qu'a dit M. Rowat à M. Nixon et ce qu'il a écrit dans sa note d'information au ministre Young. Une telle loi, proposée dans le rapport Nixon, vient en fait d'une idée avancée par Jean Chrétien durant la campagne électorale.

Les témoignages que vous avez entendus jusqu'ici contredisent de manière accablante ce qu'a écrit M. Nixon, dans son rapport.

J'ai écouté les témoignages sous serment de 49 personnes, telles MM. Rowat et Desmarais, qui contredisent toutes les affirmations défavorables du rapport Nixon. Par ailleurs, un tribunal a rendu un jugement sommaire en faveur de PAXPORT à la suite de la répudiation injustifiée de l'accord concernant l'aéroport, et la Cour d'appel de l'Ontario a rejeté l'appel consécutif interjeté par le gouvernement.

M. Matthews a demandé qu'on fasse enquête; les sénateurs conservateurs aussi. Le gouvernement a refusé de tenir une enquête judiciaire indépendante. Nous sommes donc reconnaissants au Sénat de nous permettre de participer à ce que le sénateur John Lynch-Staunton, leader des conservateurs au Sénat, a qualifié de pis-aller, c'est-à-dire à cette enquête du Sénat.

La raison pour laquelle il s'agit d'un pis-aller, c'est que, comme nous l'avons vu ici, on a produit les documents relatifs aux témoins tard, les documents étaient truffés d'omissions, et on n'a pas laissé aux témoins le temps de se documenter. Parfois, lorsqu'ils viennent témoigner ici, on leur tend une véritable embuscade.

Quoi qu'il en soit, nous sommes convaincus que l'enquête permet de mettre à jour les faits et que ceux-ci prouvent ce que disait notre consortium, soit que le 7 octobre 1993, s'est conclu un excellent marché pour le gouvernement du Canada, le public voyageur et les compagnies aériennes. Ce marché laisse tout de même aux investisseurs un rendement équitable, qui ne se concrétisera cependant pas pour neuf ou dix ans. Ils sont disposés à patienter.

Je suis ici comme témoin parce que je suis le seul fiduciaire du trust Matthews/PAXPORT dont les quatre sociétés ont investi un peu plus de 21 millions de dollars, le 7 octobre 1993, dans l'acquisition d'un intérêt de 14,4 p. 100 dans T1T2 Limited Partnership et Terminal 3 Limited Partnership. C'est également moi qui agit comme conseiller juridique de Matthews Group depuis 1986 dans de nombreux dossiers, y compris celui qui est à l'étude, bien que mon rôle dans cette transaction particulière ait été plutôt minime. Il avait trait à son organisation et à des conseils concernant le financement jusqu'à ce qu'on annonce la proposition qui l'emportait.

Il serait peut-être utile de vous donner certains détails sur ma carrière. J'ai un diplôme de premier cycle en économie de l'Université McMaster, une maîtrise en économétrie et en économie spécialisée en mathématiques de l'Université Western Ontario et j'ai terminé mes études de droit, en 1970, à l'Université Queen's. Je me spécialise surtout dans le droit fiscal et le droit des affaires, habituellement dans l'organisation et la négociation de transactions. J'ai présidé la sous-section de l'impôt de la division ontarienne de l'Association du Barreau canadien (ABC) pendant plusieurs années et, pendant plusieurs années également, j'ai fait partie du comité mixte de l'ABC et de l'Ontario Institute of Chartered Accountants chargé d'étudier les lois sur l'impôt. J'ai par ailleurs été membre de la division ontarienne

du comité sur l'impôt de l'Association du Barreau. Ma clientèle compte des entreprises canadiennes, américaines et internationales.

Lorsque j'ai pour la première fois travaillé pour Matthews Group Limited, que j'appellerai dorénavant Matthews Group, j'étais l'avocat du consortium qui a aménagé les aérogares Vista Cargo à l'aéroport Pearson. J'ai agi pour le compte de Matthews et de ses entreprises connexes dans le cadre de la proposition concernant l'aérogare 3 (qui a été rejetée). J'ai donné des conseils de nature générale à Matthews Group en ce qui concerne sa proposition relative aux aérogares 1 et 2, bien que le travail effectué par PAXPORT Management Inc. et PAXPORT Inc. dans le cadre des propositions spontanées du 25 septembre 1989 et du 13 juillet 1992 soit essentiellement l'oeuvre de Lang Michner, puis de Blake, Cassels & Graydon.

Lorsqu'on a annoncé, le 7 décembre 1992, que PAXPORT Inc. avait soumis la meilleure proposition globale, j'ai agi comme avocat durant les négociations avec le groupe Claridge en vue d'une fusion et j'ai aussi agi pour PAXPORT durant les négociations avec le gouvernement du Canada.

Il vous serait également utile, peut-être, de savoir à quels grands dossiers j'ai travaillé. Certaines des observations et des opinions que j'exprimerai aujourd'hui viennent de mon expérience en tant qu'avocat spécialisé dans l'organisation et la négociation d'une foule de transactions au cours des 23 dernières années. Je regrette que le sénateur Grafstein ne soit pas présent aujourd'hui, car j'ai négocié avec lui et j'aurais pris grand plaisir à discuter de la transaction à l'étude avec lui.

La première transaction engageant un bail foncier à laquelle j'ai pris part, transaction dont Peter Coughlin a parlé hier, dans son témoignage, était un contrat d'aménagement et de financement au début des années 70: le projet de la First Canadian Place à Toronto dont l'ampleur, même aujourd'hui, égalerait celle de la transaction à l'étude.

En ce qui a trait à l'aéroport, j'ai travaillé au bail foncier, comme je l'ai dit, des aérogares Vista Cargo et de l'aérogare 3. J'ai aussi travaillé à une autre transaction fondée sur un bail foncier, bien qu'elle ait porté en réalité sur des appareils: il s'agissait de la proposition de la société de Havilland dans le cadre de laquelle, soit dit en passant, les terres occupées par de Havilland sont louées à bail de la Couronne. Par conséquent, à de nombreux égards, la nature de la documentation et des questions en jeu dans la privatisation de l'aéroport Pearson avait déjà été analysée et documentée à fond.

Aussi, lorsque les négociateurs chargés du dossier des aérogares 1 et 2 se sont rencontrés, ceux du gouvernement et ceux de notre côté traînaient déjà tout un bagage d'expérience et de savoir-faire, particulièrement en ce qui a trait à la privatisation de Pearson et à l'aéroport local.

On s'est posé des questions au sujet des parties.

Contrairement à l'énoncé fait à la page 11 du rapport de M. Nixon -- je cite: «La non-divulgation de l'identité complète des parties à cet accord [...] éveille inévitablement la méfiance du public» -- la fusion des groupes PAXPORT et Claridge a été annoncée le 1er mars 1993. Vous trouverez à l'annexe 1 de la présente déclaration copie d'une des coupures de presse. Toutes les parties projetées y sont décrites, à savoir Claridge, Lockheed, Matthews Group Limited, Allders International, Bracknell Corporation, Agra Industries, NORR Partnerships Limited, Sunquest Vacations, CIBC, Wood Gundy et Ellis-Don.

En guise de conclusion, je précise que les deux seules entreprises qui se sont retirées de la co-entreprise décrite dans la coupure de presse de mars sont CIBC/Wood Gundy Capital et Ellis-Don Inc. L'intérêt de Sunquest Vacations était détenu par le principal actionnaire de la fiducie familiale de Sunquest, soit M. Pat Brigham. Une partie des intérêts de Matthews Group était détenue par l'intermédiaire d'une fiducie établie au bénéfice des actionnaires de Matthews Group. Le fait que ces entités se soient servies de filiales pour détenir leurs intérêts est sans rapport et sa divulgation n'aurait rien appris à la population. La diffusion de renseignements utiles, comme le nom des entités que connaissent les Canadiens, était beaucoup plus pertinente que de savoir, par exemple, que 1046498 Ontario Limited, un des holdings, détenait un intérêt.

À mon sens, la diffusion de renseignements est utile si ceux-ci signifient quelque chose. C'est pourquoi je n'entrerai pas dans le détail des nombreuses filiales qui ont pris part aux activités en tant que parties. Le résumé de l'annexe 2 en fait la liste. Je me consacrerai plutôt aux principales sociétés mères que le public connaît. On trouvera à l'annexe 2 le nom des parties membres du groupe Claridge et du groupe PAXPORT, de même que leurs intérêts respectifs et les entités auxquelles ils étaient associés à l'annonce de mars 1989 et à celle du 7 octobre 1993.

Dans les tableaux, vous trouverez un organigramme qui montre bien les groupes et les intérêts détenus dans diverses entités. Ainsi, on trouvera l'organigramme du groupe Claridge et de toutes les entités qui en relèvent, ainsi que du groupe PAXPORT. Des détails suivent sur les intérêts détenus dans la co-entreprise, soit en fin de compte après la fusion, pour bien montrer qu'à ce moment-là, les deux groupes y participaient à parts égales. Par la suite, les participations ont évolué comme vous pouvez le voir dans le tableau suivant, qui montre en détail les intérêts détenus par PAXPORT. Les intérêts détenus par le groupe Claridge sont partagés entre Lockheed et Claridge Holdings. Vous pouvez aussi voir l'intérêt de 34,21 p. 100 détenu par le groupe PAXPORT dans T1T2 Limited Partnership dans le diagramme au bas de la page et vous constaterez que l'intérêt détenu par le groupe Claridge est de 65,79 p. 100.

Hier, vous avez entendu le témoignage de Peter Coughlin, du groupe Claridge, et vous avez également appris que Lockheed entretenait des liens avec le groupe Claridge. Celui-ci est représenté surtout par la famille Bronfman de Montréal, une famille canadienne établie de très longue date.

Quant aux membres du groupe PAXPORT, ces renseignements se trouvent dans la proposition faite par PAXPORT le 17 juillet 1992 et diffusée par communiqué de presse, en mars. Les renseignements ont aussi été rendus publics par la suite. En effet, des communiqués de presse ont été diffusés durant -- le ministre a diffusé un communiqué de presse le 31 août 1993, et ces renseignements ont de nouveau été rendus publics lorsque le marché a été conclu. Peter Coughlin l'a mentionné hier.

Toutefois, afin que l'on se comprenne bien, je vous donnerai un bref aperçu des principales sociétés mères du groupe PAXPORT: Matthews Group est un groupe d'entreprises d'aménagement et de construction canadien qui exécute des travaux au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Son activité d'aménagement se concentre surtout à London, en Ontario, et dans la grande région de Toronto, de même qu'aux États-Unis. La construction, tant ici qu'à l'étranger, lui rapportait durant les années 1980 jusqu'à 400 millions de dollars approximativement par année. Le président du conseil depuis 1967 est Donald Matthews, assis ici à côté de moi.

Le 7 décembre 1993, Matthews Group et les entreprises qui en relèvent employaient environ 700 personnes. Par ailleurs, ils achetaient les services de consultants, d'ingénieurs, d'architectes, de comptables, d'avocats, de courtiers en immobilier et d'experts-conseils financiers. Le 7 octobre 1993, le groupe comptait approximativement 800 personnes à son emploi. Il se réjouissait à l'idée de jouer un rôle dans le réaménagement des aérogares 1 et 2.

Matthews Group était aussi un des promoteurs d'origine de la proposition gagnante présentée pour l'installation de postes de péage sur l'autoroute 407 et il poursuivait d'autres travaux d'infrastructure au Canada et à l'étranger. L'annulation, par le gouvernement du Canada, des contrats relatifs à l'aéroport lui a coupé l'herbe sous les pieds. Il a dû laisser aller ses employés. Aujourd'hui, M. Matthews en est le président, mais il ne reste plus d'employés.

Par ailleurs, Agra Industries dont les actions sont cotées à la Bourse de Toronto et dont la renommée en tant que deuxième société d'ingénierie au Canada n'est plus à faire, était un des investisseurs dans le projet du promoteur.

De plus, Bracknell Corporation, également cotée à la Bourse de Toronto, est le chef de file dans le domaine de la construction, de la maintenance et de la prestation de services spécialisés auprès de clients industriels, commerciaux, collectifs et gouvernementaux.

Par surcroît, Allders International fait partie de la deuxième exploitation en franchise de droits du monde. Elle a apporté au consortium une expertise internationale dans le secteur de la vente au détail.

NORR Group Consultants était membre du groupe de conception et d'architecture aéroportuaire le mieux connu du Canada.

Patrick Brigham, dont la fiducie familiale détient un intérêt indirect dans la co-entreprise, n'est peut-être pas bien connu, mais la plupart des Canadiens connaissent certes sa principale entreprise, Sunquest Vacations, connue partout dans le monde des charters.

La proposition de PAXPORT incluait deux autres membres, soit CIBC/Wood Gundy Capital, une co-entreprise économique de Wood Gundy et de la Banque canadienne impériale de commerce, et Ellis-Don Inc., une entreprise privée de construction bien connue au Canada. Ces entités, c'est-à-dire les deux dernières, ont décidé de se retirer lors des négociations avec le gouvernement du Canada.

Voilà donc le nom des sociétés qui ont participé au processus. Cependant, leur nom ne rend pas compte des milliers de personnes anonymes qui, en tant qu'ayants droit de fonds de pension qui investissent dans certaines de ces entreprises, ou plus directement, en tant qu'actionnaires et employés, ont été touchés par la décision de privatiser et par l'annulation des accords. Ils se comptent par milliers.

Je vous ai dit plutôt que j'étais le fiduciaire d'un trust dont les bénéficiaires incluent tous les actionnaires de Matthews Group. J'aimerais vous faire lecture d'extraits d'une lettre

que j'ai reçue en cette capacité. Afin de protéger son identité, j'éviterai de donner le nom de l'auteur. Cette lettre qui accompagnait une autre lettre commence par: «Cher Don», soit Donald Matthews.

«Comme vous le savez, en tant qu'ex-employé de Matthews Contracting, je faisais confiance à la direction du groupe. J'ai donc investi toutes mes économies et mon fond de retraite dans le groupe Matthews en achetant autant d'actions que je le pouvais.

Comme je suis la seule source de revenu de la famille, mon épouse demeurant au foyer pour prendre soin de Jennifer, je ne puis faire autrement que de m'inquiéter des conséquences qu'aura le règlement intervenu entre Pearson Development Corporation et le gouvernement fédéral.

À une assemblée des actionnaires qui a eu lieu plus tôt cette année, Gordon Baker a expliqué...»

Ici se termine la citation.

Voilà une des nombreuses personnes anonymes qui a été touchée par cette annulation: certains ont perdu leur emploi, d'autres, leurs économies. Ils ont dû néanmoins continuer de s'acquitter de leurs obligations. Ce sont eux qui veulent aller au fond des choses. Nous avons entendu ces témoins. Nous nous efforçons toujours de savoir ce qui s'est produit. Où M. Nixon a-t-il trouvé les renseignements que, de toute évidence, les témoins qui sont venus ici ne lui ont pas fournis et qui ont servi à rédiger les conclusions de son rapport? Voilà, sénateurs, ce que bien des gens aimeraient savoir à la fin de ces audiences. J'espère que vous pourrez le leur apprendre.

Pourquoi sommes-nous ici? Arrêtons-nous un instant aux accusations. Les premières ont été faites à la Chambre des communes, en mars 1992, par M. Jean Chrétien, alors chef de l'Opposition, qui reprochait au gouvernement de s'empresser d'émettre une demande de propositions pour prendre soin de ses amis et de pratiquement leur donner un bien public d'une valeur de 100 millions de dollars. Bien sûr, toutes ces accusations étaient alors fausses, tout comme elles le sont maintenant et qu'elles l'étaient lorsqu'a été faite la demande de propositions. Néanmoins, voyons comment évolue ce thème avant les élections, dans le rapport Nixon et par après.

Tout d'abord, arrêtons-nous à la rhétorique de Jean Chrétien durant sa campagne électorale. Dans l'édition du mercredi 6 octobre du Financial Post, on peut lire:

?«Je mets la première ministre au défi de mettre fin à cet accord dès maintenant. Les Canadiens ont le droit d'en connaître le contenu.»

Le même jour, le Toronto Star publie un article selon lequel:

?«On ne conclut pas une entente comme celle-là, dans laquelle des centaines de millions de dollars sont en jeu, à trois semaines des élections. Le chef du Parti libéral, Jean Chrétien, affirme que cette entente est «immorale».

M. Chrétien a déclaré que, s'il est élu, il ordonnera la tenue d'une enquête en bonne et due forme. D'après lui, «on ne peut conclure une telle entente sans connaître tous les faits. Les Canadiens ont le droit de connaître tous les faits avant d'en assumer les conséquences».

Le lendemain, jeudi 7 octobre, on pouvait lire dans le Globe and Mail:

?«M. Chrétien juge très cynique de signer un accord de 57 ans avec des entreprises entretenant des liens avec le Parti conservateur durant les «derniers jours du régime». Il a promis la tenue d'une enquête indépendante sur le projet de réaménagement de l'aéroport Pearson, allant beaucoup plus loin que les autres fois où il se contentait de demander que soit retardée la privatisation. «Que tous le sachent: si nous sommes élus, cette entente fera l'objet d'un examen et, s'il le faut, nous adopterons une loi [de résiliation du contrat].»

Le lendemain, soit le vendredi 8 octobre, on pouvait encore lire dans le Globe and Mail:

?«Prendre des décisions d'une aussi grande importance après que le bref [d'élection] a été émis est indécent.»

Par ailleurs, d'après le Ottawa Citizen du vendredi 29 octobre:

?«Jean Chrétien a fait appel à l'un des membres les plus ferrés du Parti libéral pour l'aider à traverser le premier champ de mines politique de son nouveau gouvernement. Il a déclaré que M. Nixon examinerait tous les facteurs liés à cette entente complexe, y compris la raison pour laquelle on s'est empressé de la signer durant les derniers jours du régime Campbell.

M. Nixon est un libéral de longue date et un chaud partisan de M. Chrétien. C'est lui qui était à la tête du Parti libéral de l'Ontario durant les années 1960 et 1970 et qui, vers la fin des années 1980, a assumé la fonction de trésorier au sein du régime de David Peterson.»

Le même jour, soit le vendredi 29 octobre, on pouvait lire dans le Toronto Star de Toronto:

?«M. Nixon a déclaré, lors d'une entrevue accordée hier: «Ce qu'il veut, c'est une personne...»

-- il parle ici de M. Chrétien --

?«...ce qu'il veut, c'est une personne en qui il a confiance qui pourra lui dire s'il s'agissait d'une bonne entente pour toutes les parties. Il voudrait entre autres savoir pourquoi le contrat a été signé à toute vapeur durant la campagne électorale.»

Le mardi 30 novembre 1993, le Ottawa Citizen publiait:

?«Le premier ministre Jean Chrétien a reçu, lundi, le rapport de l'ex-trésorier de l'Ontario Bob Nixon qui durant 30 jours s'est enfermé derrière des portes closes pour examiner le contrat.

Le rapport de M. Nixon a atterri sur le pupitre de M. Chrétien au moment même où le caucus libéral menace de manière à peine voilée de se révolter si le contrat n'est pas annulé.»

On peut aussi lire dans l'édition du vendredi 3 décembre 1993 du Ottawa Citizen:

?«La décision prise par le Cabinet jeudi dernier devait être annoncée aujourd'hui. Au cours des deux dernières semaines, le premier ministre Jean Chrétien a subi de plus en plus de pressions de la part de ses propres députés en vue d'annuler le contrat, qui a reçu le sceau d'approbation du régime conservateur antérieur durant les derniers jours de la campagne électorale.»

Après l'élection, M. Nixon dépose son rapport, le 29 novembre 1993, un rapport de 14 pages qui ne comporte qu'une seule conclusion:

?«Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable. Je vous recommande donc de l'annuler.»

Dans une autre version du rapport Nixon -- je suppose qu'il s'agit d'une ébauche -- en date du 30 novembre 1993, on peut lire:

?«Bref, valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, manifestement, après manipulation politique grossière, serait inacceptable aux yeux des citoyens et des contribuables canadiens.»

Nous devrons patienter avant de connaître la conclusion du rapport Nixon dont a parlé M. Stehelin, même s'il nous tarde de savoir s'il s'agit d'une conclusion différente. Certes, quand on compare les deux versions du rapport connues, quand on compare leur fond et leur forme, il y a lieu de s'interroger, particulièrement maintenant que les faits ont été rétablis par les 51 témoins entendus jusqu'ici, y compris aujourd'hui.

J'aimerais simplement faire observer que, contrairement à ce que je viens de lire, la première page du deuxième rapport produit par le gouvernement, sous -- quand il l'a enfin produit... M. Stehelin a mentionné l'existence possible d'une autre version -- revenons-en à la page 1 du premier paragraphe entier, sous le point numéro un, et je cite: «L'accord de privatisation accroît nettement le revenu net qui revient au gouvernement du Canada par opposition à ce que Transports Canada en tire actuellement». C'est exactement le contraire de ce qu'affirme M. Nixon dans le rapport qui a été rendu public.

Au paragraphe suivant, on peut lire: «Autre avantage de taille de la privatisation, le bailleur doit trouver et investir 700 millions de dollars de capitaux au cours des dix prochaines années dans l'aménagement et l'expansion des aérogares 1 et 2. Cela veut dire que le coût d'immobilisations ne se greffe pas au déficit canadien, particulièrement durant une période où la politique d'État consiste à resserrer le crédit».

Il est difficile de réconcilier la première page avec la dernière.

Je propose que l'on compare toute cette rhétorique avec la preuve soumise par les 49 témoins que vous avez entendus sous serment. Passons en revue les faits saillants de ces témoignages encore une fois, en nous rappelant ce que dit le rapport Nixon -- les «derniers jours», l'«empressement», la «loi», «immoral» -- ils semblent avoir été les thèmes et ils ne venaient pas forcément de M. Nixon.

Dans l'annexe du mémoire de M. Young, qui a continué sa rhétorique après l'élection, on trouve aussi une autre citation, si je puis la retrouver. Voilà, je l'ai. Le 1er mars 1995, l'honorable Doug Young affirme, durant une entrevue à l'émission Newsworld de CBC: «C'est l'un des accords les plus ignobles qu'ait jamais signés le Canada, mais il s'agit-là d'une autre paire de manches. Nous ne ferons pas comme eux et nous n'engraisserons pas des amis du régime que la majorité conservatrice au Sénat tente maintenant de protéger». En fait, la rhétorique n'a jamais cessé.

Cependant, les faits la contredisent.

Je vous demanderais de comparer ces déclarations avec la position adoptée par le gouvernement dans une poursuite devant les tribunaux. Selon l'avocat de la Couronne: «La Couronne n'a pas à justifier la pertinence des accords ni à donner les raisons, contractuelles ou autres, de leur répudiation».

Nous savons que le gouvernement libéral ne s'attendait pas de devoir comparaître devant un juge pour défendre ses décisions. Le projet de loi C-22 devait empêcher une telle éventualité. Lorsqu'il s'est présenté devant le juge, le gouvernement n'avait pas d'argument à invoquer pour sa défense. Nous savons que le gouvernement ne s'attendait pas à la tenue d'une enquête judiciaire parce qu'il était maître du processus.

Le gouvernement a tardé à donner suite à nos demandes d'accès à l'information. Nous sommes tous au courant de ce que le gouvernement qualifie de privilège du Cabinet et d'épuration de documents, au moyen desquels les renseignements pertinents sont retranchés ou effacés avant que le gouvernement ne les produise. Nous savons que le gouvernement ne s'attendait pas à ce qu'on fasse un examen réel de l'accord de privatisation et de son annulation: nul n'aurait à témoigner sous serment en raison du projet de loi C-22. Le gouvernement libéral a été obligé de céder et de tenir cette enquête parce que des personnes de principe ont refusé de cautionner la violation des droits constitutionnels des Canadiens, parce qu'elles l'ont obligé à se prêter, bien à contrecoeur,

à un pis-aller, non pas à une enquête judiciaire, mais à une enquête du Sénat où il pourrait peut-être trafiquer la preuve et, par conséquent, changer le cours de l'enquête. Voilà ce qui reste de la promesse de Jean Chrétien: «La population a le droit de connaître tous les faits». Je rétorque que la population a effectivement le droit de connaître tous les faits.

Comparez ce qui a fini par paraître dans le rapport Nixon avec le témoignage des 49 personnes entendues jusqu'ici durant 16 jours d'audience -- je crois qu'il s'agit du nombre exact de jours -- peut-être ai-je oublié la journée d'hier. La documentation a établi quels renseignements avaient été remis à M. Nixon et à ses conseillers, MM. Crosbie et Goudge. Comparez l'intégrité du processus avant, durant et après la publication de la demande de propositions, avec le manque d'intégrité du processus d'examen de M. Nixon: réunions secrètes, tractations politiques inconnues -- souvenez-vous des citations et de la liste des personnes qu'a rencontrées M. Nixon -- absence de témoins assermentés, absence ou rareté de comptes rendus des rencontres de M. Nixon avec ces témoins -- contre-interrogé, M. Desmarais en a témoigné -- manque de possibilités de contre-interroger, le fait que l'on n'ait pu répliquer, que l'on n'ait pu parler aux témoins-clés tout en étant fort conscients de leur existence.

M. Stehelin, de Deloitte & Touche, a pu, durant quelques minutes, s'entretenir avec M. Crosbie au téléphone. Personne n'a parlé à M. Simke. La firme Richardson Greenshields n'aurait pas été approchée. Donald Matthews non plus. Otto Jelinek n'en a jamais entendu parler. Personne n'a approché les lobbyistes. Nul n'a approché, non plus, les hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor. Je crois que les hauts fonctionnaires des Finances ont affirmé ne pas avoir été approchés; il se peut que je fasse erreur, mais je crois que c'est ce qu'ont dit les témoins de ces deux ministères. Toutes ces personnes possédaient des renseignements pertinents contraires aux affirmations et aux conclusions du rapport.

Des 51 témoins entendus jusqu'ici, y compris notre groupe, qui ont tous participé au processus, M. Nixon n'a communiqué qu'avec quelques-uns d'entre eux et bon nombre de ceux-ci ont affirmé que leur rencontre n'avait duré que quelques minutes, non pas des heures. C'est M. Coughlin, je crois, qui a dit hier que la rencontre avait duré une heure et qu'après celle-ci, il croyait qu'il passerait beaucoup de temps avec M. Nixon et ses conseillers à revoir la transaction et à l'expliquer. Cela ne s'est jamais produit. Fait plus important encore, le témoignage écrasant de ces gens contredit et répudie les affirmations faites dans le rapport Nixon.

Jusqu'à maintenant, vous n'avez pas pu, pas plus que nous, apprendre de tous ces témoins la source des allégations faites dans le rapport de M. Nixon, sauf peut-être le dossier Edland

qui peut facilement être contredit. Je ne suis même pas certain qu'il l'avait en main. On me corrigera si je fais erreur, mais je ne crois pas que l'on ait affirmé durant les témoignages que ce rapport avait été remis à M. Nixon. Par contre, il a reçu le rapport de Deloitte & Touche.

Comme vous le savez, les témoins ont fourni, sous serment, beaucoup plus d'information à M. Nixon que celui-ci ne le révèle dans son rapport. En fait, tous les renseignements pertinents fournis par les témoins semblent avoir été marginalisés ou omis d'une autre façon du rapport Nixon. Ce n'est pas parce que M. Nixon et ses conseillers n'ont pas reçu tous les renseignements pertinents ou qu'ils n'ont pu rencontrer les personnes en cause; il semble plutôt qu'on ait délibérément omis des renseignements pertinents et qu'on en ait utilisé d'autres de manière à tromper.

Lorsqu'on prend connaissance de tous les témoignages, il est difficile de ne pas conclure, comme John Gedded, du Financial Post, qui a écrit dans un article intitulé «Project's outcome had little to do with Merit», le 9 juillet 1994: «Même si le plan comme tel était sensé, les Libéraux étaient résolus à se servir de leur pouvoir nouvellement acquis pour éliminer de vieux ennemis».

Ce qui nous amène à la question suivante: Quelle responsabilité M. Nixon et ses conseillers avaient-ils à l'égard du premier ministre, auquel a été remis le rapport, des parties à la privatisation, y compris des membres de T1T2 Limited Partnership, des tiers partis entrepreneurs et de la population, pour laquelle a été rendu public le rapport? De plus, le gouvernement avait-il l'obligation d'évaluer l'exactitude, la validité et l'intégrité du rapport Nixon avant de le rendre public?

Nous n'avons pu confirmer quel était le mandat ou les attributions de M. Nixon en ce qui a trait à la preuve et à la rédaction de son rapport. Cela ne figure pas dans son contrat. Dans une lettre du 29 novembre 1993 adressée au premier ministre Chrétien, M. Nixon jette un peu de lumière sur la question, cependant, en confirmant que: «Vous m'avez demandé d'examiner le dossier de la privatisation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson de Toronto et de vous faire rapport de mes constatations, opinions et recommandations au plus tard le 30 novembre». Nous savons donc, au moins, qu'il tenait ses instructions du premier ministre.

En tant que mandataire du gouvernement conscient que ses conclusions seraient en fin de compte adoptées, comme en témoignent les déclarations faites dans la presse et les déclarations faites par l'actuel premier ministre, M. Nixon avait l'obligation d'être équitable et honnête, c'est-à-dire d'évaluer de manière équitable et honnête la situation et les preuves qui lui ont été remises. C'est une question de gros bon sens: assurément, la population et nous étions en droit de nous attendre à un examen objectif qui cernerait tous les faits pertinents de la privatisation des aérogares 1 et 2 et à un rapport faisant état de tous les faits, sans omission qui donnerait, autrement, une fausse idée de la situation.

Fait encore plus remarquable, en acceptant les conclusions de M. Nixon et en y donnant suite, le gouvernement avait aussi l'obligation d'être équitable à l'égard de la population canadienne et de faire en sorte que les décisions prises, quelles qu'elles soient, tiennent compte de la vérité et des circonstances qui ont entouré la privatisation de l'aéroport Pearson.

Je ne me souviens plus de la date, mais, dans le hansard, le ministre Young a confirmé avoir assisté à une séance d'information préparée à son intention, le 4 novembre 1993, par MM. Rowat, Desmarais et Powers. Je parle ici de la version non expurgée et de la version mise à jour de la séance d'information tenue le 29 octobre 1993 à l'intention de M. Nixon. On y décrit les transactions et leur nature. Ces versions révèlent le processus et les rapports; elles révèlent aussi le fait que, contrairement aux allégations voulant qu'il y ait eu favoritisme, l'accord conclu avec PAXPORT rapportait au gouvernement du Canada le double de ce que lui rapporte actuellement ces aérogares. Je ne tiens pas ces renseignements des documents produits en vertu de la Loi sur l'accès à l'information; ce que j'ai obtenu par ce moyen est un tableau illustrant combien Claridge a offert par opposition à l'offre de Paxport qui a été produit plus tard durant le processus judiciaire, une simple feuille décrivant et comparant les deux soumissions: tous les chiffres en ont été effacés.

Le sénateur LeBreton: Vous n'êtes pas le seul!

M. Baker: C'est exactement, si j'ai bien compris, ce qu'a obtenu votre comité au début. M. Nelligan m'a appelé et j'ai offert -- il m'a dit qu'il obtenait des documents censurés et j'ai offert de remettre au comité la documentation que j'avais en main; en fait, j'avais parmi ces documents la version du 4 novembre non censurée. Je les ai remis à votre comité et, en fait, à un autre comité du Sénat, soit au comité des affaires juridiques et constitutionnelles avant la parution d'un rapport en deux volumes du 28 mars 1995 qui incluait -- je l'ai ici -- les documents qui ont été remis à M. Nixon et les rapports dont il n'a jamais fait état -- en réalité, les renseignements en rapport avec cette transaction.

On se serait attendu, à tout le moins, que M. Nixon respecte la norme fixée par M. Chrétien le mercredi 6 octobre 1993 dont faisaient état Patrick Doyle et Bruce Campion Smith, dans le Star de Toronto. M. Chrétien a déclaré que, s'il était élu, il ordonnerait «une enquête en bonne et due forme pour examiner

la transaction». Le chef libéral a aussi déclaré: «On ne peut conclure un tel accord sans disposer de tous les faits. La population a le droit de connaître tous ces faits avant d'en assumer les conséquences».

Je crois, monsieur le président, que la population a le droit d'avoir tous les faits en main avant d'annuler l'accord. Ces faits étaient à la disposition de M. Nixon; or, ils ne figurent pas dans son rapport.

C'est à vous, monsieur le président, et aux membres de votre comité de décider. J'oserais dire qu'il appartient aussi aux Canadiens de décider si M. Chrétien et M. Nixon ont tenu les promesses qu'ils ont faites aux Canadiens. Y a-t-il eu enquête en bonne et due forme? Le rapport Nixon a-t-il révélé tous les faits? La population a-t-elle été mise au courant de tous les faits le 3 décembre 1993? Le processus et le rapport Nixon représentent-ils une évaluation équitable et honnête de tous les renseignements fournis? Quiconque a entendu les témoignages faits jusqu'ici sait que la réponse est un «non» retentissant à chacune de ces questions.

Où, dans son rapport, M. Nixon révèle-t-il les preuves qui lui ont été fournies comme en ont témoigné MM. Rowat, Desmarais, Powers et Jolliffe? Où, dans son rapport, M. Nixon discute-t-il des rapports de Price Waterhouse, de Deloitte & Touche, de Raymond Chabot et des notes d'information du 29 octobre? Non seulement ces documents ne sont pas examinés, ni leur rapport avec la privatisation, mais on ne les mentionne même pas. Ils brillent par leur absence. Chacun de ces documents prouve, indépendamment des autres, que l'accord de privatisation des aérogares 1 et 2 était avantageux pour les Canadiens et que le processus avait été intègre; ou, comme l'a déclaré dans les journaux un des membres du comité de sélection, composé de membres indépendants, «au-dessus de tout soupçon».

M. Nixon a non seulement ignoré tous ces faits, mais il n'en a même pas mentionné l'existence. Au dos de son rapport, on peut voir une liste de ceux qu'il a rencontrés, sans noms. Est-ce là le processus transparent auquel la population était en droit de s'attendre ou auquel nous avions le droit de nous attendre? Peter Coughlin a déclaré hier qu'il s'attendait à un traitement juste et équitable. Il s'attendait à un examen juste et équitable après sa -- après ses entretiens avec M. Rowat. En quoi l'examen a-t-il été juste et équitable? Les rencontres étaient secrètes.

Il existe d'autres questions que j'aimerais soulever ici et qui portent sur le fardeau de la preuve, questions dont on n'a pas encore parlé et qui ont leur importance, car il n'a pas été uniquement question de préjudice civil, mais aussi d'acte criminel. Sans de telles accusations, comment le gouvernement aurait-il pu justifier le projet de loi C-22 au sein d'une société démocratique?

En ce qui a trait au fardeau de la preuve, le Sénat a fixé par motion le mandat du comité, qu'il a tenu: «d'étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords de réaménagement et d'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, ainsi que pour en faire rapport».

Votre comité est devenu dans les faits un tribunal dont les fonctions et les responsabilités sont proportionnelles à son mandat. Plus précisément, il a l'obligation d'étudier la question et de faire rapport de ses conclusions avec la plus grande objectivité, après avoir soigneusement pesé la preuve qui lui a été soumise.

Pour s'acquitter de cette charge, je proposerai avec tout le respect que je vous dois de vous laissez guider par le juge Cartwright, de la Cour suprême du Canada, qui a écrit:

?«La nature qualitative et quantitative de la preuve doit être telle qu'elle porte le tribunal, qu'il s'agisse d'un juge ou d'un jury, après l'avoir évaluée avec le plus grand soin à conclure que l'acte a effectivement été commis.

Avant de débattre de la preuve proprement dite et de la charge contraignante de la preuve imposée au gouvernement, lequel doit prouver des allégations non fondées, je ferai quelques remarques préliminaires au sujet de l'ordre dans lequel les témoins ont comparu devant cette commission d'enquête. Dans l'ordre de comparution, c'est l'accusateur qui devrait comparaître avant l'accusé. Autant que je sache, M. Nixon est le seul accusateur qui témoignera sous serment, ultérieurement. En conséquence, dans ce cas précis, les accusés se retrouvent dans une situation inhabituelle, puisqu'ils doivent témoigner avant l'accusateur. C'est habituellement l'inverse qui se produit au civil autant qu'au criminel. Cette question est importante.

La Charte canadienne des droits et libertés de 1982 constitutionnalise la présomption d'innocence à l'alinéa 11(d). Si on veut prétendre qu'une disposition légale portant inversion de la charge de la preuve oblige M. Matthews et d'autres à prouver leur innocence, je ferai remarquer qu'une disposition légale portant inversion de la charge de la preuve devrait, à son tour, répondre à certaines exigences de la Charte. Il n'existe pas de disposition légale portant inversion de la charge de la preuve dans les circonstances actuelles et, dans le cas contraire, comme l'a déclaré le juge Dickson dans l'affaire R versus Oakes:

Une disposition légale portant inversion de la charge de la preuve qui oblige un accusé à s'acquitter de la charge de la preuve selon la prépondérance des probabilités est invalide, lorsque la loi présume l'existence d'un fait que l'on ne peut pas raisonnablement déduire à partir des faits prouvés, cela équivalant à une dénégation de la présomption d'innocence.

Toutefois, comme je le disais plus tôt, nous sommes heureux d'avoir la possibilité d'innocenter certaines personnes. J'aimerais que le président nous permette de comparaître de nouveau -- le président a quitté la pièce -- en tant que derniers témoins de cette enquête. M. Matthews est l'un de ceux qui ait été le plus calomnié et diffamé par ce qui s'est passé et il semblerait opportun de présenter la dernière réfutation.

Au criminel, comme au civil, certains principes sous-jacents définissent la charge de la preuve dans les cas où celle-ci incombe à un accusateur. Le premier principe fondamental c'est que, en général, c'est à la partie qui présente une question ou une allégation particulière qu'il incombe d'appuyer son affirmation; en d'autres termes, quiconque fait l'allégation doit être prêt à la défendre.

Le deuxième principe, c'est que l'on doit présenter son argumentation et ses preuves. Comme l'a indiqué la Cour fédérale dans le procès civil de CNCP Telecommunications versus CACAW:

Pour que la partie à laquelle incombe la charge de la preuve sorte gagnante, la balance doit pencher de son côté. De même, il s'ensuit habituellement que la partie à laquelle incombe l'ultime charge de la preuve présente en premier ses preuves et son argumentation...

En ce qui concerne l'imputation de la charge de la preuve, le principe général est le suivant: dans tous les cas, la charge de la preuve signifie essentiellement que celui qui fait valoir une prétention doit la démontrer et la prouver et ce n'est pas à l'autre partie de la réfuter.

Monsieur le président, c'est au gouvernement et à M. Nixon de prouver les allégations qu'ils ont soulevées. Ils ne l'ont pas fait au tribunal devant le juge Borins, ni devant la Cour d'appel. En fait, le gouvernement n'a pas présenté d'allégations au tribunal, sans doute parce qu'il ne disposait pas des preuves nécessaires pour les appuyer. En bref, les allégations faites dans le rapport Nixon et dans les médias n'ont pas été présentées devant les tribunaux, en raison du caractère sacré du processus judiciaire qui exige que l'accusateur présente des preuves concrètes à l'appui de ses prétentions.

Quelle est la charge de la preuve imputée à l'accusateur dans ce cas précis? Je prétends respectueusement que le degré de probabilité nécessaire pour s'acquitter de la charge de la preuve devant cette commission d'enquête est défini par le juge Denning, avant qu'il ne devienne Lord Denning, dans l'affaire Miller versus le ministre des Pensions:

Ce degré est bien connu. Ce doit être un degré raisonnable de probabilité, qui ne soit toutefois pas aussi élevé que celui exigé dans une cause criminelle. Si la preuve est telle que le tribunal peut dire: «Nous pensons que cela est plus probable que non», on s'acquitte de la charge de la preuve, mais si les probabilités sont égales, on ne s'en acquitte pas.

Comme proposition générale, on peut alors dire que tout ce qu'affirme une partie doit être prouvé par une prépondérance de la preuve. En termes plus simples, dans l'affaire Continental Insurance Company, la Cour suprême du Canada a accepté que le degré de preuve requis dépende de la gravité des allégations et que la prépondérance des probabilités signifie que le juge des faits doit croire que les allégations sont, et je cite, «plus vraies que non vraies» -- et je répète, «plus vraies que non vraies».

Monsieur le président, vous étiez sorti je crois, lorsque j'ai demandé s'il était possible de revenir à l'ordre convenable de comparution des témoins et de réfuter après la comparution de M. Nixon. Normalement, c'est l'accusé qui a le dernier mot, ainsi que j'ai -- vous êtes sorti de la pièce et j'ai lu, et vous pouvez parler à votre conseiller, M. Nelligan et...

Le président: M. Nelligan vous fera part de la décision du comité à ce sujet.

M. Baker: Merci, monsieur le président.

Je reviens à ce que je disais, la Cour suprême du Canada a également fait une remarque importante: le degré de preuve exigé de l'accusateur augmente en fonction de la gravité des questions en jeu. Les questions de réputation et de biens en jeu sont certainement importantes. Citant Lord Denning, le juge en chef Laskin s'est exprimé en ces termes:

Il est vrai qu'en vertu de nos lois, la norme de preuve est plus élevée dans les causes criminelles que dans les causes civiles, dans la mesure où il n'existe pas de norme absolue pour ces causes. Dans les causes criminelles, l'inculpation doit être prouvée hors de tout doute raisonnable, mais cette norme peut comporter divers degrés de preuve. Beaucoup de juges réputés ont déclaré que plus le crime est grave, plus la preuve doit être claire. La même chose s'applique aux causes civiles. La cause peut être prouvée selon la prépondérance des probabilités, mais cette norme peut comprendre plusieurs degrés de probabilité. Le degré dépend du contenu. Dans le cas d'accusation de fraude, un tribunal civil exigera naturellement un degré plus élevé de probabilité qu'en cas d'accusation de négligence. Il n'adopte pas un degré aussi élevé qu'un tribunal criminel, même lorsqu'il examine une inculpation criminelle, mais il exige un degré de probabilité proportionné à la cause.

Les mots du juge en chef Laskin ont été également repris dans la cause administrative Canada Packers Inc.:

Les arbitres s'entendent en général pour dire qu'en cas d'allégation de conduite criminelle, on ne se dégage de la charge de la preuve que si la preuve est «claire et convaincante». Cela ne suggère pas un changement de norme de preuve entre la norme civile d'une prépondérance de preuve et la norme criminelle d'une preuve hors de tout doute raisonnable, mais repose plutôt sur l'opinion généralement acceptée que, plus la conduite alléguée est grave, plus il importe que la conduite soit démontrée par une «preuve proportionnelle à la gravité des allégations», pour reprendre le langage de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Continental Insurance...

En vertu de ces lignes directrices, remarquez la gravité et la nature non prouvées de la conduite alléguée par le gouvernement et le rapport Nixon et l'énorme importance du contenu et des conséquences qu'en subissent les parties en cause. En particulier, remarquez la nature grave et préjudiciable des allégations formulées par des politiciens qui tentent de juger cette affaire dans les médias.

Constatez la gravité des allégations dans le rapport de M. Nixon et des conséquences qui en découlent, l'annulation d'un méga-projet d'infrastructure de 700 millions de dollars, ainsi que les dommages-intérêts indirects pour une multitude de sociétés canadiennes, ainsi que des milliers d'employés et d'employés potentiels.

Voyez les dispositions législatives que M. Chrétien a menacé de prendre, sur recommandation de M. Nixon, qui sont devenues le projet de loi C-22, qui ont dénié le droit d'accès aux tribunaux et accordé l'immunité aux mis en cause.

Toutes les allégations faites par le gouvernement dans le projet de loi C-22 reviennent à traiter les parties comme s'il s'agissait de criminels, puisqu'on leur retire leurs biens et qu'on leur dénie tout droit. Ces allégations et ces mesures exigent un degré élevé de preuve, certainement en haut de l'échelle de la prépondérance de la preuve en matière civile.

En fait, monsieur le président, j'irais jusqu'à dire que la charge de la preuve imputée au gouvernement dans cette affaire est presque égale à la norme criminelle, notamment à la lumière des allégations de complot criminel faites publiquement par le sénateur Bryden. L'ancien juge en chef Dixon de la Cour suprême du Canada a expliqué pourquoi l'État doit prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable en matière criminelle, et je propose qu'une norme semblable soit adoptée dans le cas qui nous occupe. Le juge Dickson s'est exprimé en ces termes:

La présomption d'innocence est un principe consacré

qui se trouve au coeur même du droit criminel...La présomption d'innocence a pour effet de sauvegarder la liberté fondamentale et la dignité humaine de toute personne que l'État accuse d'une conduite criminelle. Un individu accusé d'avoir commis une infraction criminelle s'expose à de lourdes conséquences sociales et personnelles, y compris la possibilité de privation de sa liberté physique, l'opprobre et l'ostracisme de la collectivité, ainsi que d'autres préjudices sociaux, psychologiques et économiques. Vu la gravité de ces conséquences, la présomption d'innocence revêt une importance capitale. Elle garantit qu'un accusé est innocent tant que l'État n'a pas prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Voilà qui est essentiel dans une société qui prône l'équité et la justice sociale. La présomption d'innocence confirme notre foi en l'humanité; elle est l'expression de notre croyance que, jusqu'à preuve du contraire, les gens sont honnêtes et respectueux de la loi.

J'aimerais de nouveau souligner les conséquences des allégations faites à l'égard de M. Matthews et de ceux qui ont participé à cette transaction, et certainement montrer que de telles allégations les ont exposés à de lourdes conséquences sociales et personnelles entraînant l'opprobre et l'ostracisme, ainsi que des préjudices économiques.

Les mesures que le gouvernement a prises dans cette affaire sans aucune preuve d'acte illicite victimisent et continuent de victimiser les citoyens canadiens, des sociétés canadiennes ainsi que les milliers de leurs actionnaires et de leurs employés, et ce à des fins politiques. J'ai traité de la victimisation et des conséquences des mesures prises par le gouvernement dans le cadre du rapport que j'ai présenté au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles le 28 mars 1993 et qui figure à l'annexe 5.

Je vous dirai franchement, monsieur le président, qu'il était difficile de décider de la structure de cette déclaration, compte tenu de tous les témoignages entendus jusqu'ici. J'ai essayé de présenter le contexte dans lequel ces questions devraient être jugées. Le devoir de prudence et la charge de la preuve. Après avoir écouté le témoin, on pourrait à juste titre en conclure qu'il est inutile que nous comparaissions. M. Matthews et moi-même avons déjà comparu devant le Comité des transports de la Chambre des communes, à dominance libérale, et avons témoigné le 31 mai 1994. J'ai fait plusieurs présentations au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, notamment mon rapport en deux volumes que je vous ai montré plus tôt et qui renferme une analyse de la plupart des documents écrits importants que nous avons réussi à obtenir en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et grâce aux procédures judiciaires; M. Nixon n'en a pas tenu compte dans son rapport. Vous avez entendu les auteurs de la plupart de ces rapports.

Paul Stehelin, président de Deloitte & Touche a effectué pendant neuf mois une analyse de la transaction, ce qui lui a permis de conclure que le projet avait une valeur loyale et marchande pour le gouvernement du Canada, qu'un rapport raisonnable était garanti à l'investisseur et que le projet pouvait être financé. John Simke, de Price Waterhouse, a également témoigné de l'intégrité du processus de demande de propositions; Raymond L'Abee, de Raymond, Chabot, a aussi témoigné de l'intégrité du processus, a parlé de la note de Transports Canada, datée du 29 octobre 1993 et révisée le 4 novembre 1993, ainsi que de la note du 8 novembre 1993, appuyée par le témoignage du sous-ministre adjoint des Transports de l'époque, M. William Rowat, John Desmarais, Keith Joliff et, à une autre occasion, Wayne Power.

Mon analyse de 35 pages est assez importante, monsieur le président, en ce qui concerne la réfutation du rapport Nixon du 29 novembre 1993 et l'exposé de notre position sur plusieurs de ces questions. Elle ne traite pas de l'ébauche du rapport Nixon du 30 novembre 1993 qui a été présentée ici dans le cadre de cette enquête.

Je suis prêt à lire l'analyse aux fins du procès-verbal à moins que, monsieur le président, le comité ne préfère la considérer comme ayant été lue et l'insère textuellement dans la transcription.

Le président: Nous l'intégrerons à la transcription.

M. Baker: Merci, monsieur le président.

Le président: Comme annexe.

(Pour le texte du rapport, voir l'annexe Pearson_18_APE)

M. Baker: Je disais dans ce rapport qu'il est temps que le public se voit divulguer complètement, véritablement et simplement tous les faits, sans omission substantielle ou erreur importante.

Je vais maintenant passer au roman-fleuve de l'aéroport Pearson, ainsi que je l'appelle, et aborder plusieurs des questions soulevées chronologiquement, même si elles ont déjà été traitées comme il le fallait par beaucoup des témoins qui nous ont précédés.

Pour commencer, nous aimerions aborder la question des soumissions spontanées. Tout d'abord, parce que Nixon fait mention d'une seule soumission spontanée, alors qu'il savait qu'il y en avait plus. Deuxièmement, parce que le ministre Doug Young a attaqué l'intégrité de M. Matthews à propos de la soumission spontanée, lorsqu'il a de nouveau présenté le projet de loi C-22 à la Chambre des communes. Il y avait cinq soumissions spontanées. La première était celle de la Airport Development Corporation que Huang et Danczkay ont présentée le 10 mars 1989 à Shirley Martin, ministre d'État aux transports; ils l'ont présentée aux hauts fonctionnaires de Transports Canada le 29 mars 1989 et, par la suite, à l'honorable Benoit Bouchard le 19 avril 1989.

La proposition de la Airport Development Corporation a été de nouveau présentée à l'honorable Doug Lewis après que, je crois, Claridge ait pris l'affaire en main le 17 juin 1990. Il s'agit du document 001181.

La deuxième proposition était la proposition Paxport du 25 septembre 1989, jointe à une lettre adressée à l'honorable Benoit Bouchard, document 00386, et présentée par la suite à Lewis le 26 février 19909. Document transports 00383.

La troisième proposition est celle de Canadian Airports Limited British Airports Authority, présentée à M. Doug Young par J.J. Robinette, l'un des grands avocats du Canada dont je suis sûr vous avez tous entendu parler. Document

00425.

La quatrième était une proposition d'Air Canada assortie d'un bail de 80 ans avec options. Elle a été présentée par Pierre J. Jenniot, président directeur général d'Air Canada, à l'honorable Doug Lewis; document 00484.

La cinquième proposition était celle d'Air Canada, présentée par Pierre Jenniot d'Air Canada, à l'honorable Doug Lewis, qui englobait un plan Paxport appuyé par Air Canada. Document 00263. Il est difficile d'en lire le numéro exact.

Pour ce qui est de la nature publique des soumissions, la British Airport Authority a annoncé publiquement en Grande-Bretagne qu'elle allait faire une soumission. La proposition Paxport a également été rendue publique et M. Chrétien a fait mention d'une maquette à la Chambre lorsque la proposition de demande de propositions -- la demande de propositions a été annoncée. Apparemment, il l'avait vue.

Toutes ces soumissions spontanées sont pertinentes, puisqu'elles montrent bien l'intérêt qu'a suscité le réaménagement des aérogares 1 et 2, avant que la demande de propositions ne soit faite. En outre, ainsi que vous l'avez entendu auparavant au cours du témoignage de M. Simke, de Price Waterhouse, et de M. Hession, presque tout le monde savait que T1, T2 seraient privatisés et qu'une demande de propositions serait faite; par conséquent, les parties sérieusement intéressées par de tels aménagements avaient la possibilité de se préparer pour la demande de propositions. Paxport ne bénéficiait pas d'avantages importants par rapport à ces autres parties intéressées.

Toutes ces propositions dissipent également le mythe voulant que M. Matthews ou Paxport ait fait la seule soumission spontanée. Vous devriez remarquer que cette soumission vise également l'aérogare 2, non les aérogares 1 et 2.

On a fait toute une histoire du grand avantage que cette proposition spontanée aurait donné au groupe Paxport dans le processus de demande de propositions qui a suivi. Je cite M. Nixon:

Comme la demande de propositions ne comportait qu'une seule phase et obligeait leurs auteurs à entreprendre la définition de projet et à présenter leurs offres, le tout dans un délai de 90 jours, l'un d'entre eux s'est trouvé fortement avantagé, à mon avis, du fait qu'il avait déjà fait une proposition pour la privatisation et l'aménagement des aérogares T1 et T2. Les autres sociétés de gestion et de construction qui n'avaient pas trempé dans le magouillage antérieur à la demande de propositions n'avaient aucune chance de faire assez vite pour préparer leur offre dans le bref délai imparti.

Comme les projets de construction et d'aménagement se faisaient rares, d'autres sociétés auraient dû être invitées à présenter des propositions et se voir accorder à cette fin un délai raisonnable.

Nous savons que cette déclaration est fausse, par inférence et quant aux faits. Je répète, toutes les parties intéressées savaient qu'une demande de propositions serait faite, leur donnant ainsi la possibilité de préparer leur proposition. Avant la publication de la demande de propositions, pas moins que cinq soumissions spontanées avaient été présentées au gouvernement.

Plus important encore, j'imagine qu'il y avait une différence énorme entre la soumission spontanée et la proposition Paxport. Voici la soumission spontanée qui ne compte pas beaucoup de pages. En fait, je ne pense pas qu'elle soit plus volumineuse que le résumé de Vaughan inclus dans la proposition Paxport. Voici la proposition réelle, sept volumes, 2 000 pages et près de 80 livres.

Aucune comparaison n'est possible. On ne peut pas parler de gros avantage, d'avantage énorme. Les deux propositions sont complètement différentes. J'ai pensé vous les apporter de manière que nous puissions simplement voir la différence en matière de contenu.

Enfin, il faut souligner que d'après les témoignages,

Transports Canada a cherché plusieurs proposants et les a interviewés. Il y a eu des rencontres avec la Airport Development Corporation contrôlée par Claridge, et la Canadian Airports Limited, alliée à la British Airport Authority, ainsi qu'avec les représentants Paxport. Les témoignages devant cette commission d'enquête prouvent donc que la déclaration de M. Nixon est fausse et trompeuse.

La publication de la demande de propositions le 11 mars 1992 était le principal événement qui a suivi, je ne l'ai pas modifié. Cela m'amène à l'allégation de complot. J'en ai un peu parlé par la suite. Je vais aborder ce que la demande de propositions visait véritablement. On en a parlé hier soir, il s'agit de la différence qui existe entre le concept d'agrandissement et celui de modernisation.

Il semble y avoir un malentendu quant à l'objet de la demande de propositions. La demande de propositions visait le réaménagement de T1 et T2; il faut toutefois examiner le concept d'agrandissement par rapport à celui de modernisation. Certains ont formulé des critiques, prétendant que l'agrandissement des aérogares de Pearson n'était pas nécessaire en raison de l'excédent de capacité qui apparemment existait en 1993; par conséquent, le projet de réaménagement de l'aérogare n'était pas nécessaire. Si ces personnes ont raison, et si bien sûr l'on suppose que l'on pourra disposer de la capacité différentielle sans retard au moment voulu, hypothèse qu'Air Canada a complètement réfutée lorsque ses représentants sont venus témoigner ici, elles omettent un élément important de l'un des objectifs du projet et je cite: «la modernisation anticipée et l'agrandissement opportun des aérogares.»

Il y a actuellement 53 portes aux aérogares T1 et T2. Selon le plan Paxport, après avoir dépensé 687 millions de dollars, les aérogares T1 et T2 auraient eu 55 portes. De toute évidence, si l'on s'en tient au nombre de portes, il ne s'agit pas d'un agrandissement important. Trois portes -- deux portes, désolé. Où Paxport allait-elle affecter les fonds? Tout simplement à la modernisation.

Parmi les autres éléments du plan Paxport, citons, premièrement, l'amélioration de la sécurité des installations qui devaient répondre aux normes actuelles. Deuxièmement, la reconfiguration des secteurs de trafic pour mieux répondre aux besoins opérationnels des transporteurs aériens. Troisièmement, la fourniture d'une gamme plus complète de services et d'équipement pour répondre aux exigences variables des voyageurs. Quatrièmement, l'amélioration de l'efficacité opérationnelle, soit l'augmentation de la capacité des portes. Cinquièmement, la fourniture de salles d'attente et de passerelles flexibles afin de s'adapter aux horaires variables des transporteurs aériens et à leur type de flotte. Sixièmement, l'installation de systèmes modernes et efficaces de construction.

Il ne s'agissait pas vraiment d'un projet d'agrandissement, mais d'un projet de modernisation. La seule partie moderne des aérogares 1 et 2 est la partie réservée au trafic intérieur qu'Air Canada avait modernisée au coût de 125 millions de dollars et qui faisait partie des principes directeurs; c'est ce qu'on appelle le «sandwich Air Canada», selon la formule consacrée entendue à de nombreuses reprises ici. Le gros de cet argent devait permettre d'amener les aérogares à un niveau international, mondial, et non d'augmenter la capacité.

Par financement du projet, on entend habituellement le capital d'emprunt mobilisé pour financer un projet particulier. Les prêteurs évaluent le risque bancaire à partir des mérites du projet lui-même, et non nécessairement à partir de la capacité financière des promoteurs du projet. Les prêteurs prennent en compte les sources suivantes de remboursement: premièrement, les sources primaires, les liquidités produites par les opérations en cours du projet. Deuxièmement, les sources secondaires, soit la liquidation des éléments d'actif; et troisièmement, une source tertiaire garantie par les promoteurs du projet. Étant donné qu'il n'y a habituellement pas de source externe de remboursement, les prêteurs fixent de strictes clauses financières qu'il faut respecter. Ces clauses comprennent le ratio maximum d'autonomie financière, le taux minimum d'endettement, la restriction minimum de solde liquide qu'il faut conserver avant distribution aux promoteurs.

Dans le cas du projet de réaménagement de l'aéroport, le

modèle financier préparé par KPMG a utilisé les normes de l'industrie aéroportuaire pour les clauses ci-dessus et dans chaque cas, les états financiers types répondaient aux exigences respectives ou les dépassaient.

Paxport avait l'intention de financer le projet de réaménagement en plusieurs phases et le 3 décembre 1993, avait reçu une offre de souscription du financier du projet pour la phase 1A et la phase 1B. Ce prêt, combiné à la participation et les bénéfices non répartis des partenaires, aurait suffi à financer les trois premières années et demie de construction qui, d'après le témoignage de M. Coughlin hier soir, correspondent à 350 millions de dollars; 350 millions de dollars de construction.

Avant l'achèvement de la phase 1B, la Pearson Development Corporation aurait entamé des négociations au sujet du financement du projet requis pour les phases 2 et 3. Un financement de rachat à long terme aurait été convenu de la même façon que le financement à long terme actuellement prévu à l'aérogare 3, et en fait, des discussions entre Mergeco et les obligataires de l'aérogare 3 avaient déjà débuté. Toutefois, si tôt dans le processus, aucun engagement financier n'était recherché, étant donné que le financement à long terme n'était pas nécessaire pour une durée d'au moins trois ans et demi.

La fusion. En ce qui concerne la question de la fusion, j'aimerais donner quelques renseignements généraux. Matthews avait déjà un intérêt dans les aérogares Vista Cargo à Pearson et sa soumission relative à l'aérogare 3 n'avait pas été retenue. L'intérêt que portait Matthews pour l'aéroport n'était un secret pour personne.

Nous savons tous que Paxport et Claridge ont convenu de fusionner et d'aller de l'avant avec la proposition Paxport, telle que définie dans la lettre d'accord du 14 janvier 1993.

Certains des avantages importants de la fusion de l'opération de gestion et du réaménagement sont: premièrement, la gestion des risques; deuxièmement, les économies en matière de réaménagement; troisièmement, la sécurité des voyageurs et la réduction des inconvénients pour ceux-ci; quatrièmement, la souplesse des rapports avec les lignes aériennes; cinquièmement, les économies pour les lignes aériennes; sixièmement, les économies de gestion; septièmement, d'autres considérations.

Compte tenu de tout ceci, était-il légal pour les parties de se rencontrer et de débattre de ces questions à ce moment-là? La réponse est oui. La fusion constituerait-elle une nouvelle proposition dans le cadre de la demande de propositions? La réponse est non. L'entité découlant de cette fusion satisferait-elle aux exigences relatives à la Loi sur la concurrence dans la demande de propositions et à la Loi sur la concurrence en général? La réponse est oui.

Certaines de ces questions semblent s'être imposées au cours de l'enquête, mais pas dans le rapport Nixon; je pense qu'il faudrait les examiner de manière systématique. En ce qui concerne la gestion des risques, comme cela l'a été prouvé à l'enquête, Transports Canada a finalement avoué que la question de capacité financière se rapportait à l'état financier de l'industrie aéronautique, et en particulier à la situation financière d'Air Canada.

Hier soir, Peter Coughlin a indiqué qu'il s'inquiétait de la situation financière de Canadian Airlines, qui présentait donc un risque pour l'aménagement de cet aéroport ou de n'importe quel autre aéroport. Cela a bien entendu entraîné une question accessoire. Si Air Canada n'était pas en mesure de payer son loyer, quel impact cela aurait-il sur le réaménagement à court et à long termes? De quelles ressources doit disposer le proposant pour amortir un tel impact?

Tout d'abord, plaçons Air Canada en perspective. Air Canada est le premier transporteur aérien de passagers au Canada. C'est le principal locataire de l'aérogare 2, par conséquent, tout réaménagement serait considérablement à l'avantage d'Air Canada et répondrait à ses exigences. Aux États-Unis, l'expérience relative à Eastern, Reliance, Branff et Pan-Am s'est faite dans les aéroports dominés par ces sociétés; très simplement et rapidement, on a assisté à une restructuration conformément à la législation sur la faillite; d'autres lignes aériennes les ont remplacées et dans une grande mesure ont pris leurs locaux, lorsque ces lignes aériennes ont connu des difficultés financières.

Nous n'avons pas pensé qu'Air Canada pouvait interrompre instantanément ses vols et que ses passagers ne pourraient plus prendre l'avion. Dans une grande mesure, les passagers pourraient continuer à prendre l'avion, d'abord parce que selon nous, il était improbable qu'Air Canada ferme complètement ses portes sans passer d'abord par une restructuration ou une procédure de faillite. Il y aurait eu une restructuration CCAA ou une restructuration de faillite. Aucune grande société ne claque la porte aujourd'hui. Il y a toujours un processus de restructuration.

Nous ne pouvions pas concevoir que le gouvernement canadien permettrait que de tels ravages s'abattent sur l'économie du pays sans prendre des mesures de prévention. À notre avis, l'impact aurait été à court terme. Le véritable risque, c'était le loyer non payé, les comptes débiteurs. L'industrie aurait présenté une solution en raison de l'existence des passagers. Les ressources étaient là. Ce sont les actionnaires et les prêteurs, ainsi que certains employés de la ligne aérienne, qui essuieraient le plus gros d'une telle catastrophe. Bien entendu, il peut y avoir une diminution de l'utilisation des locaux et des portes, ainsi qu'une perte de loyer, mais la partie importante de l'industrie ne disparaîtrait jamais. Toronto est le centre économique de l'Ontario. Pearson est la porte de Toronto et du sud de l'Ontario.

Par conséquent, si un autre transporteur se présentait ou si Air Canada était rachetée, ce serait toujours l'aérogare 2 qui serait utilisé. Le fait que Canadian Airlines pourrait obtenir certaines des lignes et pourrait souhaiter faire passer le trafic par l'aérogare 3 représenterait un autre risque. Ce risque serait diminué par une fusion si l'entité globale disposait toujours du trafic de passagers; il s'agit de notre entité.

En outre, Paxport avait l'intention d'adopter le modèle de bail compensatoire T3 de façon que le risque présenté par Air Canada soit absorbé par les autres lignes aériennes au T2, tout comme à l'aérogare 3.

Dans sa proposition, Paxport avait pris suffisamment de dispositions et était consciente de ce risque éventuel. Comme dans de nombreuses circonstances, il vaut mieux avoir plus que pas assez. Le fait d'avoir plus de capitaux propres diminuerait les risques présentés par Air Canada et par l'amortissement de tout coût majoré, étant donné que les lignes aériennes n'assument pas les coûts majorés. Les coûts majorés sont le risque que court le propriétaire, élément qui ne semble pas avoir été reconnu à sa juste valeur. Les coûts majorés proviennent des capitaux investis, à moins qu'il ne s'agisse d'une autorité aéroportuaire locale qui ne dispose pas de capitaux propres et qui, par conséquent

ne voit pas ses redevances d'installation passagers augmenter; ce sont les voyageurs qui les absorberaient.

Une fusion se traduirait par la combinaison de l'avoir des actionnaires de l'aérogare 3 et du groupe Paxport. L'avoir final des actionnaires atteignait près de 250 millions de dollars. En outre, malgré la récession, il y avait toujours un mouvement positif de trésorerie pour l'aérogare 3 et ce mouvement serait disponible pour l'entité fusionnée.

En résumé, la capacité financière de Mergeco ne présentait absolument pas de problème. Comme l'indiquait Peter Coughlin hier soir, on supposait et on s'attendait à ce que Paxport mobilise ses capitaux. En fait, au cours de nos négociations au sujet de Mergeco, la question de capacité financière ou de savoir si un partenaire Paxport ne remettrait pas ses avoirs n'a pas été débattue. Il y a eu des formules relatives aux futures dilutions, mais le fait est que personne n'a vraiment soulevé sérieusement la question de capacité financière de quelque membre du consortium que ce soit.

En résumé, il y a eu une ou deux sociétés qui se sont retirées pour des motifs propres à elles, et leurs contributions en matière de capital ont été remplacées. Les autres entités ont répondu à leurs engagements en matière de liquidités, tel que le prévoyait la proposition du 13 juillet 1992. Par conséquent, Mergeco s'est retrouvée non seulement avec les 61 millions de liquidités, comme

cela l'avait été présenté dans la proposition, mais aussi avec des dépenses de près de 32 millions de dollars pour les travaux préliminaires, afin de répondre au délai fixé pour le début de la construction, un mois après la conclusion de l'entente. Cela n'avait pas été prévu et, en janvier 1993, on avait seulement prévu que six millions de dollars seraient affectés à la conclusion de l'entente.

L'investissement des partenaires équivalant à 150 millions de dollars pour l'aérogare 3 a été également disponible grâce à une garantie et des clauses relatives à l'inexécution dont a parlé M. Desmarais, je crois, et qui représentaient l'un des avantages importants pour le gouvernement car, en cas d'inexécution, la participation au capital aurait été dépensée pour l'aménagement des aérogares si bien que le gouvernement aurait récupéré les trois aérogares. Il s'agit d'un avantage particulièrement important pour les Canadiens et pour le gouvernement, en cas d'inexécution.

En fait, on disposait de quasiment un quart de milliard de capitaux pour ce projet. La question de la capacité financière d'Air Canada et du groupe Paxport était en grande partie une tempête dans un verre d'eau déclenchée par les négociateurs du gouvernement pour, en réalité, améliorer l'avoir des actionnaires. Air Canada prend de l'expansion et a de grandes exigences; elle n'a jamais cessé ses paiements de location et existe toujours; ses représentants ont d'ailleurs témoigné devant vous. Ils voulaient les installations prévues dans la proposition Paxport et celle-ci était conçue pour répondre aux besoins d'Air Canada. En fait, lorsque le problème du «sandwich Air Canada» s'est posé le 16 juin 1993, Air Canada a convenu le 21 juillet de signer un bail à long terme pour que le réaménagement se fasse. Air Canada a obtenu ce qu'elle voulait et nous avons avancé d'un cran.

Paxport savait ce qu'elle voulait. Il y a encore aujourd'hui près de 78 millions de dollars dans la caisse en liquidités ou quasi-liquidités.

En ce qui concerne les synergies ou le rendement à l'époque de la fusion, nous avions prévu d'importantes économies en matière de réaménagement. La démolition et le remplacement de l'aérogare 1 en une seule étape, 16 millions de dollars d'économies résultant de l'élimination des installations temporaires, comme les tunnels et les plate-formes permettant de séparer le public du chantier, et par là améliorer la sécurité et ne pas avoir à payer de nouveaux systèmes temporaires électriques, de climatisation et autres. En outre, on aurait économisé 23 millions de dollars de coûts en capital en échelonnant le réaménagement de l'aérogare 2, puisque l'on aurait pu achever le nouvel aérogare 1 en une seule phase et déplacer temporairement certaines lignes aériennes à l'aérogare 3. Treize millions de dollars en capital au total seraient économisés si la construction du nouvel aérogare 1 se faisait en une seule étape au lieu de deux sur une longue période de temps.

Ces économies de près de 50 millions de dollars se seraient également traduites par des économies de quatre millions de dollars en coûts de financement immobilisés et de six millions de dollars par an en réduction d'intérêt des frais d'installation imposés aux lignes aériennes; elles auraient également permis de réaliser une économie directe supplémentaire de l'ordre de 10 à 14 millions de dollars à l'avantage des lignes aériennes installées à l'aéroport Pearson.

Troisièmement, il y avait une économie annuelle des coûts d'exploitation de l'ordre de 4,3 millions de dollars; M. Coughlin en a fait mention hier soir.

La sécurité en général et celle des passagers en particulier étaient un facteur important. On avait pensé que la fusion avec l'aérogare 3 et la capacité de déplacer le trafic sur l'aérogare 3, ainsi que le réaménagement de T1, T2, diminueraient les inconvénients, les risques de sécurité et de blessures auxquels auraient été autrement confrontés les voyageurs. Certains d'entre vous se rappellent peut-être que pendant les travaux de construction à l'aéroport d'Ottawa, il fallait passer par de nombreuses palissades et passerelles. Dans le cas de toute construction, il faut prendre de très grandes précautions pour protéger le public, compte tenu surtout du volume de trafic d'un aéroport.

Parallèlement à ces importantes précautions en matière de sécurité, la sécurité et le confort des voyageurs auraient été accrus si le public n'avait pas eu accès au chantier de construction.

Les lignes aériennes tirent également profit du mouvement plus efficace entre aérogares; dans les trois aérogares, il devenait dans l'intérêt du promoteur de dispenser d'agir en conformité des clauses des baux des lignes aériennes relatifs à l'aérogare 3, empêchant les lignes aériennes de se déplacer entre aérogares. Sans cet intérêt commun, les lignes aériennes ne pourraient pas, en raison des clauses des baux, se déplacer entre l'aérogare 3 et les aérogares 1 et 2, et seraient probablement empêchées de le faire en raison du coût élevé de transition qu'aurait entraîné la renégociation de tous ces baux. Bien entendu, chaque exploitant d'aérogare n'aurait pas intérêt à autoriser la réaffectation ou le déplacement d'une ligne aérienne dans un autre aérogare, étant donné qu'un tel déplacement déplacerait également les revenus provenant du stationnement et des ventes de détail générés par les passagers de la ligne aérienne.

Sans coentreprise, les lignes aériennes desservant l'aéroport Pearson ne pourraient pas faire d'économies d'échelle ni non plus conclure d'ententes de partage des réservations. Cela pourrait nuire à la compétitivité de l'aéroport Pearson et des lignes aériennes, notamment les transporteurs canadiens desservant cet aéroport. La coentreprise permettrait également une utilisation plus efficace des portes, des ponts, des aires de trafic et du matériel de servitude au sol.

Le développement international présentait un autre grand avantage. Le réaménagement aurait pu donner aux promoteurs et aux sociétés canadiennes participantes une occasion unique d'acquérir l'expertise nécessaire pour mieux percer le marché mondial de l'aménagement et de la gestion d'aéroports. En 1993, les prévisions relatives au marché mondial d'aménagement d'aéroports pour les dix prochaines années oscillaient entre 90 et 166 milliards de dollars. Les chiffres relatifs aux États-Unis seulement indiquaient un marché de 77 milliards de dollars pour ces dix années.

Les anciens pays du Pacte de Varsovie avaient d'immenses besoins à cet égard. Dans le monde entier, l'investissement public avait pris du retard par rapport aux besoins croissants en matière d'infrastructures aéroportuaires jusqu'au point où la plupart des gouvernements ne pouvaient plus se permettre de faire les dépenses en capital requises. Paxport et ses filiales essayaient de décrocher des marchés à Vancouver, Austin, Chicago, Détroit, Punte del Este, Berlin, Sofia, Prague, Hong Kong, Kuala Lumpur, Surabaya, Bangkok et en Chine. En avril 1993, Paxport et ses filiales avaient dépensé près de deux millions de dollars pour leur programme de développement international des marchés. La crédibilité était toutefois essentielle pour réussir à percer le marché mondial de l'aménagement d'aéroports.

Une fois réaménagé, l'aéroport Pearson aurait témoigné de la réussite de toutes les sociétés qui auraient participé à l'aménagement des aérogares 1 et 2, ainsi que de celle de leurs sociétés connexes, prouvant ainsi leur capacité de concevoir, construire et exploiter une installation internationale de classe mondiale.

En ce qui concerne la compétition, beaucoup de bruit a été fait pour les quelques pages de la proposition; je crois en fait qu'il ne s'agit que d'une seule page. M. Hession a répondu aux questions qui lui ont été posées à ce sujet. George Addy, directeur du Bureau de la concurrence, a également utilisé l'expression «rivalité d'affaires». Il ne s'agit pas ici de savoir exactement comment les gens d'affaires envisagent la concurrence. Bien entendu, les aérogares pourraient se faire concurrence jusqu'à un certain point, mais quelles sont les véritables réalités économiques et juridiques d'un environnement concurrentiel? Y a-t-il compétition efficace et à quel niveau? Je me propose de mettre cela en perspective brièvement, même si vous en doutez. Je souligne le mot brièvement, Michael.

Les produits et services offerts à l'aéroport sont, premièrement, les installations des lignes aériennes; deuxièmement, les magasins de détail; troisièmement, les services de stationnement et de transport. Il suffit d'examiner ces trois catégories pour conclure, à l'instar du Bureau de la concurrence, que les installations des lignes aériennes aux T1 et T2 sont des marchés différents que les installations de T3. Le réaménagement, y compris la création de la coentreprise, n'entraînerait donc pas d'augmentation de la part de marché ou de la puissance commerciale et n'amoindrirait pas non plus la concurrence entre ces aérogares.

Les lignes aériennes situées au T1 et au T2 bénéficiaient d'un important pouvoir de négociation. Le promoteur n'aurait pas été en mesure de financer l'aménagement s'il n'avait pas respecté les clauses des baux d'Air Canada, à la satisfaction des lignes aériennes.

Il était indispensable d'obtenir la coopération et l'accord des lignes aériennes pour réaliser le réaménagement. Vous avez entendu de nombreux témoignages au sujet de l'impact du «sandwich Air Canada»; vous savez donc que tout aménagement dépend essentiellement des lignes aériennes. Une fois les clauses des baux du transporteur aérien fixées, les dispositions obligatoires, non discriminatoires et relatives au règlement des différends permettent de garantir que toutes les lignes aériennes profitent des avantages découlant des clauses négociées par la ligne aérienne la plus puissante.

Je soulignerai également que les clauses du bail d'Air Canada avaient été fixées avec Air Canada le 21 juillet 1993; le financement et le réaménagement dépendaient de ces clauses. Le gouvernement conservait le plein pouvoir de déterminer les compagnies aériennes qui desserviraient l'aéroport Pearson et l'aérogare qui leur serait assignée. De plus, si la promoteur et la compagnie aérienne n'arrivaient pas à s'entendre sur les modalités du bail du transporteur aérien, Transports Canada ne permettrait pas à ce désaccord d'influer sur le trafic aérien à l'aéroport Pearson et exercerait son pouvoir afin de régler la question. Je pense d'ailleurs que Peter Coughlin a mentionné hier l'entente de maintien des opérations et les conditions qui y sont prévues en matière d'exploitation.

Il s'agit également d'une condition primordiale des conditions de l'IATA, qui sont intergouvernementales. Les prix demandés par le promoteur pour les installations des lignes aériennes à l'aéroport Pearson se trouveraient de plus en plus régis par la concurrence provenant d'autres aéroports. Les promoteurs considèrent les passagers en correspondance comme une importante source d'augmentation du volume et des recettes.

Le prix des installations des lignes aériennes aux aérogares 1 et 2 seraient compétitifs afin de permettre au promoteur de conserver les opérations plaque tournante existantes et d'en attirer d'autres.

Selon les modalités du bail du transporteur aérien, les frais des installations des lignes aériennes seraient basés sur une structure de bail compensatoire qui alignerait l'intérêt

économique des promoteurs sur celui des sociétés aériennes. Comme les recettes provenant des installations aéroportuaires sont limitées selon la réforme du recouvrement des coûts, un promoteur est porté à accroître le volume total de passagers pour augmenter les recettes provenant des concessions de vente au détail et du stationnement.

En ce qui concerne les concessions de vente au détail, les aérogares 1, 2 et 3 forment des marchés distincts pour ce qui est de l'espace réservé aux lignes aériennes et des produits et services de vente au détail. On peut se demander pourquoi il existe des marchés distincts. Le fait est que si vous devez prendre l'avion à l'aérogare 3, il est peu probable que vous alliez manger ou magasiner aux aérogares 1 ou 2.

En ce qui concerne le stationnement et le transport, les passagers qui vont prendre l'avion à l'aéroport Pearson utilisent différents modes de transport pour s'y rendre. Les installations de stationnement sur place à l'aéroport Pearson font concurrence aux taxis, limousines, autobus de l'aéroport et installations de stationnement à l'extérieur de l'aéroport et, surtout, aux amis et parents qui conduisent les passagers à l'aéroport Pearson. Le gouvernement continuerait à réglementer directement l'accès des taxis, des limousines, des autocars hors ville, des services de navette et des autobus faisant la navette entre les aérogares et l'octroi des permis à cet égard. Les passagers qui utilisent ces modes de transport terrestre, qui sont déposés par des amis ou que des amis viennent chercher et ceux qui retournent une voiture de location à l'aéroport Pearson n'auraient pas l'occasion d'utiliser le stationnement exploité par le promoteur.

Le stationnement à l'extérieur offre une plus grande capacité de stationnement que l'aérogare 3 et dans certains cas est plus près des aérogares 1 et 2 que de l'aérogare 3 et offre un service de navette plus pratique et fréquent vers les aérogares 1 et 2 que l'aérogare 3. Quant au coût du stationnement libre-service, il est 43 p. 100 moins élevé qu'à l'aérogare 3. Par conséquent, la fusion n'entraînerait pas une accaparation du marché, ni une diminution de la compétitivité au niveau des services de stationnement et de transport.

Le gros de ces renseignements est tiré d'un mémoire de 116 pages présenté au Bureau de la politique de la concurrence le 26 avril 1993, et d'un mémoire pratiquement aussi volumineux présenté le 14 mai en réponse à une demande de renseignements supplémentaires, accompagné de nombreuses pièces à l'appui. Le Bureau de la concurrence a accepté ces mémoires.

Y a-t-il eu une nouvelle proposition? Certains ont laissé entendre que la fusion du groupe Paxport et Claridge équivalait à une nouvelle proposition et que cela portait en fait atteinte à l'intégrité du processus de demande de proposition et obligeait le gouvernement à annuler la transaction ou à lancer une nouvelle demande de proposition afin de laisser à d'autres parties la possibilité de soumissionner.

Pour analyser cette question, il faut pouvoir consulter la demande de proposition, la proposition, les critères établis en matière de sélection, l'évaluation des divers critères en fonction de leur importance pour les associés, la question des fonds, c'est-à-dire la viabilité financière du projet, la lettre du 7 décembre 1992 de Victor Barbeau annonçant la sélection de l'offre de Paxport comme la meilleure offre globale et les questions que le gouvernement ne jugeait pas satisfaisantes, en particulier la viabilité financière, qui était une question concernant la société aérienne.

L'entente de fusion du 14 janvier qui a débouché sur la structure finale de la transaction du 7 octobre 1993. Le témoignage des parties: M. Broadbent, selon qui il s'agissait toujours de la proposition de Paxport; M. Cappe, selon qui la question avait été examinée et M. Rowat selon qui la proposition traitée avait toujours été la proposition de Paxport. La note de service de M. Rowat adressée à M. Shortliffe mentionnant la proposition de Paxport le 25 mai 1993. Le mémoire présenté par M. Broadbent sur la proposition de Paxport et par d'autres responsables du Conseil du Trésor.

Monsieur le président, si l'on se fie au bon sens et à la loi, l'ajout de nouveaux investisseurs ou actionnaires n'élimine ni ne modifie les droits des parties sauf indication expresse du contraire, et dans ce cas il n'y avait aucune indication expresse du contraire.

Quand le gouvernement du Canada s'est-il trouvé lié par cette transaction? C'est une question qui semble avoir été soulevée hier et auparavant. Le rapport Nixon donne l'impression que le gouvernement du Canada s'est trouvé lié uniquement lorsque le premier ministre Kim Campbell a autorisé Bill Rowat, le sous-ministre adjoint des Transports, à retirer les documents des mains des tiers. C'était le 7 octobre 1993. Il s'agissait en fait uniquement d'une question de délai et il n'y a rien à y redire.

D'après les témoignages entendus par le Comité sénatorial des questions juridiques et constitutionnelles, le gouvernement a le pouvoir d'exécuter des documents pendant une élection. Ces deux questions, soit celles des délais et de l'autorisation donnée par Kim Campbell, ne servent qu'à brouiller les pistes. Le gouvernement du Canada avait déjà pris un engagement avant le déclenchement des élections, conformément aux procédures établies et aux précédents jurisprudentiels.

Quant à savoir s'il existe bel et bien un contrat, il faut déterminer si les parties s'étaient entendues sur les principales modalités de la transaction et si des approbations avaient été obtenues.

Il est possible qu'il existe un accord exécutoire sur le plan juridique dont certaines conditions n'ont pas encore été remplies et qui, une fois qu'elles le seront, lieront les parties. C'est exactement ce qui s'est passé le jour de la signature. La documentation pertinente ou la demande de proposition, l'acceptation, le 7 décembre 1992, de la proposition de Paxport, la lettre d'entente du 18 juin 1993 laquelle, bien qu'elle déclare qu'elle n'est pas exécutoire, énonce effectivement le cadre d'établissement d'ententes exécutoires, y compris le règlement des modalités des ententes de principe destinées à être présentées au Conseil du Trésor le 18 août 1993, l'addendum au document d'information de M. Rowat le 23 octobre 1993 et le 4 novembre 1993 ainsi que les approbations du Conseil du Trésor et du Cabinet.

Sont également importants les témoignages de MM. Rowat et Desmarais selon lesquels les principales conditions des ententes qu'il restait à remplir avant la signature avaient été satisfaites au moment où le Cabinet a donné son approbation. Il s'agissait du 26 ou du 27 août. De plus, la date de signature proposée qui en juillet 1993 avait été fixée au 7 octobre 1993, avait été reconfirmée immédiatement après l'approbation du Cabinet.

La lettre du 18 juin prévoyait dans ce cadre les approbations appropriées du gouvernement. Par conséquent, d'après les preuves dont on dispose, le 26 octobre 1993, toutes les conditions principales prévues par l'ensemble des documents avaient été remplies. On avait obtenu l'approbation du Conseil du Trésor. On avait obtenu l'approbation du Cabinet. La date de signature avait été fixée. Il existait des ententes exécutoires entre la Couronne et les parties le 26 août 1993. Elles existaient peut-être auparavant mais il n'est pas nécessaire de le prouver ici. Je pense qu'il ne fait aucun doute que le 26 octobre 1993, il existait des ententes exécutoires renfermant certaines conditions qui devaient alors être remplies.

Comme l'a indiqué M. Rowat dans son témoignage, toutes les conditions ont été remplies et le gouvernement du Canada était obligé de conclure la transaction. En ce qui concerne toutes les ententes devant être terminées après le 26 août, comme l'a indiqué M. Rowat, les principales modalités qui y étaient prévues avaient déjà été réglées au 26 août.

La Cour d'appel de l'Ontario s'est penchée sur la question dans l'affaire Battico Investments Inc. et Colonel Popcorn's Ltd.

Lorsque les parties s'entendent sur toutes les dispositions essentielles devant être incorporées dans un document officiel avec l'intention que leur entente devienne alors exécutoire, elles auront rempli toutes les conditions nécessaires à la formation d'un contrat. Le fait qu'un document officiel par écrit à cet effet doive par la suite être préparé et signé ne modifie d'aucune façon la valeur exécutoire du contrat original.

Le 7 octobre, selon les témoignages entendus, toutes les conditions étaient remplies et le gouvernement du Canada était obligé de conclure la transaction le 7 octobre 1992. Une société en nom collectif aurait pu alors intenter des poursuites contre le gouvernement pour rupture de contrat si ce dernier n'avait pas conclu la transaction. À propos de la conclusion de la transaction, M. Coughlin a témoigné que le gouvernement voulait conclure la transaction et que nous l'avons conclue.

Vous constaterez que dans l'action en justice intentée pour rupture et désaveu des contrats, le gouvernement n'a rien dit pour sa défense et a reconnu qu'il y avait eu rupture et désaveu de contrat. La cour s'est prononcée contre la Couronne et sa décision a été maintenue par la Cour d'appel dans les dix minutes qui ont suivi la fin de la plaidoirie.

La Couronne n'était pas en meilleure position le 7 octobre 1993, ni après le 26 octobre 1993, si elle avait refusé d'honorer les contrats ou n'avait pas négocié de bonne foi.

Malheureusement, ici au comité, après que la séance ait été levée, certaines allégations déplacées ont été faites, dans le feu de l'action je le concède, par le sénateur Bryden à propos de l'imposture de la transaction ou d'une collusion. J'allais vous lire ces allégations mais je crois que c'est inutile puisque le sénateur Lynch-Staunton en a fait mention hier.

En ce qui me concerne, de ce que je connais de la transaction, une allégation de complot ou d'imposture est complètement fausse. M. Matthews, je crois que vous pouvez confirmer cette déclaration, n'est-ce pas?

M. Matthews: Oui, elle l'est.

M. Baker: C'est exact. La prochaine question que j'aborderai est celle du favoritisme. Il n'existe aucune indication de favoritisme dans le rapport Nixon, ni dans le cadre de cette enquête. L'allégation de favoritisme faite par Robert Nixon doit s'appuyer sur plus que de simples soupçons.

Comme j'en ai discuté plus tôt en ce qui concerne le fardeau de la preuve, le simple bon sens permet de constater que le favoritisme ne consiste pas à choisir la meilleure proposition, soit celle présentée par Paxport, d'une valeur de 604 millions de dollars ou plus, soit près du double de la proposition qui a été rejetée.

La transaction finale, après les ajustements proposés pour Air Canada et le démarrage rapide proposé par Transports Canada, représentait une valeur nette de 843 millions de dollars, soit 30 p. 100 de plus que la proposition de Claridge et même davantage si la proposition de Claridge avait été ajustée en fonction de la proposition "sandwich d'Air Canada. Elle aurait alors peu être trois ou quatre fois plus élevée.

Notre proposition est passée de 1,24 milliard de dollars je crois à environ 843 millions de dollars, soit une différence d'environ 400 millions au cours des négociations. Si l'on retranche la somme de 400 millions de dollars des 640 millions de l'offre de Claridge, on tombe à 240 millions. Comparez ce chiffre à 843 millions de dollars. La proposition de Paxport était nettement plus avantageuse pour le gouvernement du Canada et cela n'est assurément pas du favoritisme.

En ce qui concerne la protection de l'intérêt public, on s'est demandé comment le processus et la transaction réelle avaient influé sur l'intérêt public. Je pense qu'il faut examiner le processus, l'un des processus les plus rigoureux qu'il m'ait été donné de suivre, et qu'il faut regarder également les témoignages, la transaction, les conditions financières et les conditions prévues en cas de manquement. On a toutefois omis d'examiner un document qui n'a, je crois, d'ailleurs pas été présenté au comité. Il s'agit du mémoire préparé par Gordon Dickson pour Cassel Brock,

les avocats de Transports Canada dans les négociations, et remis à Stephen Goudge sur la façon dont l'intérêt public était protégé. Corrigez-moi si je me trompe, M. Nelligan, mais je ne crois pas qu'on en ait fait mention.

Ce mémoire n'est pas mentionné dans le rapport de M. Nixon, ni dans la note de service de Robert Vineberg adressée à M. Nixon et dont on a parlé hier. C'était un autre rapport à l'intention de MM. Goudge et Nixon sur la protection de l'intérêt public, qui renfermait une analyse détaillée.

On a fait grand cas du coût pour le contribuable. Le coût pour le contribuable -- on part du principe qu'il est coûteux de se conformer à la loi après la rupture délibérée et injustifiée de contrats par le gouvernement libéral. On en évaluait le coût, avant cette déclaration préméditée, entre 500 millions de dollars et deux milliards de dollars. C'est donc l'argument invoqué pour justifier l'abrogation des droits des Canadiens. Ce sera coûteux pour les Canadiens. C'est digne d'«Alice aux pays des merveilles» ou plutôt de «L'archipel du Goulag». Cela revient à dire que la victime doit payer. Les Canadiens devraient rejeter cette manoeuvre politique. Comment peut-on justifier pareille chose compte tenu des faits se rapportant à la transaction, des témoignages entendus ici, de la position du gouvernement devant les tribunaux, du caractère anticonstitutionnel du projet de loi C-22, du rapport Nixon, d'où étaient délibérément absents des renseignements pertinents qui auraient incité tout homme raisonnable et prudent à tirer une conclusion différente? Les renseignements fournis par MM. Rowat et Desmarais à M. Nixon sur les coûts de l'annulation; le ministre Young en avait été également informé. Je suppose qu'il a dû à son tour informer ses collègues au Cabinet.

Rien dans le document d'information préparé par M. Rowat ne laisse entendre que les mesures du gouvernement étaient légales. Il semble implicite dans ce document qu'en fait elles ne l'étaient pas puisqu'on proposait une loi rétroactive et que l'on avait rejeté l'option de l'expropriation.

À mon avis, la seule conclusion à en tirer, c'est que le gouvernement libéral -- étant parfaitement au courant des coûts en jeu et sans aucune justification légale, sur la foi d'un rapport, le rapport Nixon dont les conclusions auraient été jugées non fondées par toute personne raisonnable connaissant les renseignements dont disposaient le gouvernement et M. Nixon -- envisageait d'adopter un projet de loi et a pris sciemment le risque d'annuler le contrat malgré les coûts que cela comportait.

C'est la justification politique d'une position intenable, indépendamment des coûts. Le gouvernement a joué avec l'argent du contribuable, les promoteurs n'ont rien fait de mal, des gens ont perdu leur emploi. Il s'agit ici d'un véritable cas de manque d'intégrité gouvernementale.

Que doit-on faire maintenant? Nous avons examiné en détail le processus, la transaction et dans une grande mesure, le rapport Nixon. Quelles sont les prochaines étapes? Interroger quelques témoins et M. Nixon lui-même. Nous arrivons à la dernière étape de l'examen de l'annulation du contrat par le comité. Il reste encore beaucoup de questions sans réponse. Pourquoi cette transaction a-t-elle été annulée malgré les preuves dont disposaient le gouvernement et M. Nixon? S'agissait-il simplement d'une revanche politique envers un vieil ennemi?

De toute évidence, rien ne permet d'arriver à une autre conclusion. Qui a été responsable de cette infâme violation de droits civils à des fins politiques? Cette affaire est pire que l'affaire Roncarelli et Duplessis, où un témoin de Jéhovah à Québec a été victime d'une oppression injustifiée. Or, la conduite du premier ministre Duplessis pâlit auprès des agissements dont il est question ici. Qui a pris le risque de faire payer aux contribuables la somme de 500 millions à deux milliards de dollars pour justifier des promesses électorales?

On ignore encore ce qui s'est passé à partir de la date des élections, soit le 25 octobre 1993, jusqu'au 3 décembre de la même année. Nous savons que rien dans les lois du Canada ne justifie les mesures qui ont été prises. Le gouvernement l'a admis en cour. Nous savons que le gouvernement était prêt à violer les droits juridiques des parties intéressées, ce qu'il a d'ailleurs fait et qu'il cherche maintenant à violer leurs droits constitutionnels. Il s'est livré à une campagne oppressive de diffamation pour tenter de faire adopter un projet de loi qui assurerait l'immunité à tous les mis en cause.

Pour un gouvernement qui a fait campagne en vantant son intégrité, qu'est devenue cette intégrité? Qu'en a-t-il fait le 3 décembre 1993?

Ma conclusion aujourd'hui ne diffère pas tellement de celle que j'ai communiquée au comité de la Chambre des communes lorsque j'ai comparu devant lui le 31 mars 1993, sauf que nous disposons maintenant de nouvelles preuves accablantes qui appuient ces conclusions et nous permettent d'aller plus loin. L'omission délibérée de documents et de preuves pertinentes par M. Nixon, de même que tous les témoignages de ceux qui ont comparu jusqu'à présent n'offrent aucune preuve, et encore moins une prépondérance de la preuve, susceptible d'appuyer les conclusions ou les allégations présentées dans le rapport Nixon ou par le gouvernement. À mon avis, il n'a fait preuve ni d'équité, ni d'honnêteté. Par conséquent, je recommande, monsieur le président, que dans son rapport le comité préconise le retrait immédiat du projet de loi C-22 afin que les Canadiens ne soient pas privés

de leurs droits juridiques et qu'ils jouissent au moins des mêmes droits en ce qui concerne leurs biens que ceux dont jouissent les Mexicains et les Américains au Canada dans le cadre de l'ALENA, ce dont M. Chrétien a d'ailleurs convenu le jour même où il a annoncé l'annulation de ce projet.

Vous devez conclure, en fonction des témoignages que vous avez entendus et des documents qui vous ont été présentés, qu'il n'existe aucune preuve établissant le bien-fondé des allégations de favoritisme, de processus vicié ou de mauvaise transaction.

Je vous remercie, monsieur le président. Je vous remercie de votre patience.

Le président: Merci, monsieur Baker.

Monsieur Matthews, votre présentation sera-t-elle aussi succincte que celle de M. Baker? Si vous me donniez une idée du temps qu'il vous faudra, je demanderai au comité s'il préfère entendre votre présentation pour que l'on puisse commencer à interroger les deux témoins.

M. Matthews: Comme j'ai moins à dire que mon prédécesseur, ma présentation devrait prendre une vingtaine de minutes.

Le président: Le comité aimerait-il entendre M. Matthews avant...

Les sénateurs: Oui.

Le président: D'accord. Vous avez la parole, monsieur Matthews.

M. Matthews: L'homme qui comparaît devant vous aujourd'hui est un Canadien enthousiaste et engagé, un entrepreneur, un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale, un constructeur, un ingénieur, un employeur, un père et un grand-père. L'homme qui comparaît devant vous est également quelqu'un qui a consacré une bonne partie de sa vie à essayer de faire du Canada un meilleur endroit où vivre et où élever une famille.

Au cours des ans, j'ai créé des milliers d'emplois, j'ai été actif dans les milieux politiques -- comme certains d'entre vous probablement -- j'ai présidé un groupe de travail de la SCHL -- et j'ai d'ailleurs versé toute la rémunération à des oeuvres de bienfaisance une fois mon mandat terminé -- j'ai travaillé comme président chargé de l'organisation en Ontario du groupe de travail Pépin-Robarts sur l'unité nationale -- toujours sans aucune rémunération. Vous vous souviendrez que j'avais été nommé à ce poste sous le gouvernement libéral.

J'ai également été président pour l'Ontario du Conseil pour l'unité canadienne pendant une huitaine d'années.

Parmi les choses dont je suis le plus fier, je mentionnerai la société que j'ai fondée en 1953 avec un prêt de 4 000 $ de mon père, qui avait dix enfants. Il a hypothéqué sa maison pour me prêter les 4 000 $. La société a par la suite construit des milliers de maisons, de tours de bureaux, d'hôtels, d'immeubles industriels, de barrages, de routes, de ponts, de chemins de fer et d'aéroports au Canada et partout dans le monde. Nous nous sommes faits une réputation d'intégrité, de travail assidu, de respect des échéances et de rentabilité. En 40 ans, nous n'avons essuyé aucune perte. Nous avons pris des risques; nous avons gagné, nous avons perdu, notre entreprise a prospéré dans ce milieu concurrentiel et c'est ainsi que ça se passe dans l'entreprise privée. Il n'y a pas de formule magique, tout simplement du travail acharné par des gens dévoués, compétents, bien formés et habiles.

La personne qui comparaît devant vous voulait participer à la construction de l'aérogare la plus moderne, la plus efficace et la plus conviviale au monde à l'aéroport Pearson et s'en servir comme exemple du savoir-faire des professionnels canadiens auprès de tous les pays du monde qui ont besoin d'aérogares modernes. De plus, la personne qui comparaît devant vous veut remettre les pendules à l'heure. Ma réputation a été ternie tout simplement parce qu'il se trouve que je suis un homme d'affaires ayant choisi d'être actif au sein de l'appareil politique.

Après des semaines d'audiences, pas un seul témoin n'a fourni de preuve à l'appui des allégations et des insinuations malveillantes contenues dans le rapport Nixon ou faites par des politiciens. Ce règlement de compte politique non seulement m'a coûté cette transaction mais a détruit mon gagne-pain et m'a obligé, à l'âge de 69 ans, de recommencer à zéro, ce que je suis en train de faire. Ce que je trouve encore plus déplorable, ce sont les répercussions dont ont été victimes les employés du groupe Matthews et nos sous-traitants.

À ceux qui n'y ont vu qu'une participation politique abusive, je déclare qu'ils se sont complètement trompés. Non seulement ont-ils causé du tort à mes associés et à moi-même, ils ont causé du tort au Canada et aux dizaines de milliers de professionnels et d'entrepreneurs canadiens qui auraient participé à la construction d'aéroports au Canada et partout dans le monde. Le jugement de l'histoire n'épargnera pas ceux qui sont responsables de l'annulation du contrat.

Ils ont également causé du tort à des centaines d'hommes et de femmes et à leurs familles dont la carrière et le gagne-pain dépendent du groupe Matthews Limited. Gordon vous a d'ailleurs lu une lettre que nous avons reçue à cet égard.

Le présent comité a été constitué parce que le gouvernement libéral du Canada a décidé d'annuler les contrats de l'aéroport Pearson et de nuire à la réputation des parties au contrat ou de ceux qui se seraient opposés à la volonté du gouvernement.

Le gouvernement libéral a présenté un projet de loi qui le dégagerait de ses obligations contractuelles susceptibles d'être évaluées par les tribunaux et empêcherait les Canadiens d'exiger satisfaction de ces personnes dont les remarques intempestives sont insultantes, désobligeantes et complètement inacceptables dans une société respectueuse des lois. S'ils estiment que leurs remarques sont justifiées, qu'on laisse alors aux tribunaux le soin d'en juger le bien-fondé.

Je me suis lancé en affaires en 1953. J'ai bâti une organisation qui compte des milliers d'employés et dont le chiffre d'affaires annuel est de plus de 400 millions de dollars. Ce groupe se composait d'environ 130 sociétés dont la valeur nette était supérieure à 200 millions de dollars. C'était une organisation familiale qui appartenait également aux employés. Notre croissance était prudente et constante et nous étions fiers de dire à tous les intéressés que nous réalisions des profits chaque année.

Il y a longtemps que nous participons à des projets d'aménagement aéroportuaire. En 1985, nous avons construit l'installation Vista Air Cargo à Pearson. Cette aérogare était considérée comme ce qui se fait de mieux dans le domaine et avait suscité l'intérêt de la communauté internationale.

En 1986, le ministère des Transports a demandé des expressions d'intérêt pour la conception, la construction et la gestion de l'aérogare 3. Nous avons constitué un consortium et préparé une proposition. Cette proposition n'a pas été acceptée. L'exercice nous a coûté deux millions de dollars ce qui témoigne des risques que l'on doit prendre dans ce genre d'entreprise.

En 1989, nous nous sommes joints à Air Canada pour présenter une proposition afin de concevoir et de reconstruire l'aérogare 2. Notre proposition a une fois de plus été rejetée. Malgré les risques élevés que comportaient les projets d'aménagement aéroportuaire, les débouchés à l'échelle mondiale, comme Gordon l'a indiqué, évalués entre 90 et 166 milliards de dollars au cours des dix prochaines années, étaient intéressants. Il existait manifestement un créneau qui nous permettrait de faire notre entrée sur le marché international. Les Canadiens possédaient les 200 aptitudes nécessaires pour concevoir, construire et exploiter des aérogares de passagers et nous avions la capacité de les réunir.

Notre plan, tel qu'il figurait dans la proposition que nous avons présentée, consistait à mettre sur pied un consortium bien financé, que nous appellerions Paxport International, et d'investir des fonds dans l'exploitation de l'aéroport Pearson. Cette société était pleinement opérationnelle après le 7 décembre 1992 et aurait permis aux Canadiens d'être aujourd'hui au premier plan du développement aéroportuaire partout dans le monde si le projet de réaménagement de l'aéroport Pearson n'avait pas été annulé par le gouvernement libéral du Canada. Je le répète, il s'agit d'une énorme perte pour le Canada et pour les Canadiens.

Nous avons confié la direction de Paxport à Ray Hession. Il a fait un travail remarquable, en mettant à profit ses compétences sur les plans commercial, organisationnel et technique pour constituer une équipe de professionnels dévoués, capables de faire de Paxport International l'un des meilleurs concepteurs, constructeurs et exploitants d'aéroports au monde. Je le répète, lorsque le contrat de l'aéroport Pearson a été annulé, c'est une possibilité dont nous avons été privés, et dont ont été privés des milliers de Canadiens et le Canada.

Dans le cadre de son mandat, Ray Hession a rendu visite aux principaux chefs de file des milieux politiques, des milieux d'affaires et des milieux du travail. Pratiquement toutes les personnes contactées appuyaient la privatisation de l'aéroport Pearson. Quelqu'un m'a recommandé que l'on rende visite à M. Jean Chrétien. Paul LaBarge, qui nous représentait à Ottawa, a par la suite organisé une rencontre entre M. Chrétien, Jack Matthews et lui-même. M. Jean Chrétien, comme pratiquement tout le monde, appuyait la privatisation de l'aéroport Pearson.

Au cours de 1990, 1991 et 1992, nous avons bâti la société Paxport en élargissant le consortium, en augmentant l'avoir des actionnaires et en établissant une source de fonds d'actions qui nous garantirait le financement dont aurait besoin le soumissionnaire choisi suite à l'annonce de la privatisation des aérogares 1 et 2.

À cette fin, nous avons pris des dispositions pour emprunter vingt millions de dollars d'Allders. Il s'agissait d'une partie de la contribution du Matthews Group Limited. En mars 1992, le gouvernement a lancé la demande de propositions. Nous avons préparé la nôtre avec soin et célérité et l'avons soumise le 13 juillet 1992. Cet exercice coûteux a exigé la participation d'une armée de professionnels triés sur le volet. La bataille était de taille, nous en étions conscients et nous étions déterminés à la gagner.

Le 7 décembre 1992, le ministre des Transports a annoncé que la proposition de Paxport avait été jugée la meilleure proposition globale. Nous exultions. Dans les jours qui ont suivi -- je crois que c'était le 9 décembre -- j'ai communiqué avec Charles Bronfman, le principal instigateur de la proposition de Claridge; je l'ai rejoint à sa résidence en Floride. Si je lui ai téléphoné, c'est qu'au cours de la période de préparation et d'évaluation de la proposition beaucoup de choses qui avaient été dites par les deux parties devaient être mises de côté au nom de l'harmonie entre les exploitants des aérogares 3 de même que des aérogares 1 et 2.

Lorsque j'ai parlé à M. Bronfman, je l'ai félicité, lui et son groupe, de leur proposition. Il m'a répondu que la nôtre devait être meilleure vu que nous avions remporté la palme. Je lui ai alors dit que la lutte avait dû être serrée étant donné que le gouvernement avait mis cinq mois pour rendre sa décision.

Après avoir parlé de choses et d'autres, M. Bronfman m'a laissé savoir qu'il aimerait me rencontrer et je lui ai dit qu'il en allait de même pour moi. Il m'a aussi signalé que lui et sa famille partaient pour un mois en Afrique le jeudi suivant, le 17 décembre. Je lui ai alors dit que rien ne pressait et que nous pourrions nous voir à son retour. Il m'a alors répondu que j'avais été très aimable de l'appeler et qu'il voulait me rencontrer avant son départ pour l'Afrique.

Le 16 décembre nous nous sommes rencontrés à l'hôtel Swiss à l'aérogare 3. Cinq personnes ont assisté à cette réunion: Charles Bronfman, le sénateur Léo Kolber, Peter Coughlin, Jack Matthews et moi-même bien sûr. Après avoir discuté d'une collaboration possible pendant la période de reconstruction éminente des aérogares 1 et 2, nous sommes convenus que Peter Coughlin et Jack Matthews poursuivraient la discussion et feraient des rapports d'étape au sénateur Léo Kolber ainsi qu'à moi-même.

Dans les jours qui ont suivi on m'a informé que le travail en synergie avec Claridge était attrayant et que les discussions devraient également porter sur la possibilité d'une fusion. J'ai accepté, sans toutefois m'engager.

Le reste est bien documenté dans la courte lettre d'entente du 14 janvier 1993 qui établit les principes de l'accord.

Cette nouvelle entité sociale a été approuvée par l'équipe de négociation du gouvernement qui était heureuse d'avoir la valeur de l'actif de l'aérogare 3 qui se chiffrait à quelque 150 millions de dollars en plus des 66 millions comptants que devait investir Paxport. Paxport et Claridge étaient partenaires de plein droit.

À la fin du mois de février, on m'a signalé que la sous-ministre, Mme Huguette Labelle, mettait en doute la nouvelle structure corporative et que cela retardait les négociations. Une réunion a été organisée à Ottawa avec Charles Bronfman, Peter Coughlin, Jack Matthews et moi-même afin de rencontrer avec Mme Labelle et M. David Broadbent, le négociateur en chef.

On s'est vite aperçu que Mme Labelle n'appréciait pas complètement la transaction -- c'est-à-dire la fusion. Je lui ai fait parvenir une note lui expliquant que nous étions partenaires. En fait, j'ai précisais que nous étions mariés; on m'a dit de ne pas utiliser ce mot car il ne convenait pas. Vous pouvez en comprendre la raison, monsieur le sénateur.

J'ai signé cette note et l'ai transmise à Charles Bronfman qui l'a signée également. Je l'ai ensuite fait parvenir à Mme Labelle. Elle a compris la réalité après l'avoir lue. C'est la seule fois où j'ai communiqué avec Mme Labelle. Aux alentours du mois d'août 93, Wood Gundy -- c'était peut-être plutôt -- m'a informé qu'étant donné les changements exigés par Transports Canada à l'offre de Paxport de même que la chute du rendement des investissements qui en découlent, cela ne les intéressait plus de maintenir leur participation au consortium. Ellis-Don s'étant également retiré, nous avons dû trouver un autre investisseur. Claridge a accepté de fournir les capitaux requis. Nous aurions pu trouver très facilement nous procurer autrement ces capitaux, mais nous avons accepté l'offre de Claridge.

Permettez-moi de dire ceci: dans un premier temps, nous avons travaillé de bonne foi avec le gouvernement du Canada et nos partenaires. Dans un deuxième temps, nous avons soumis la meilleure proposition, ce que tous les fonctionnaires qui ont comparu devant vous ont clairement établi.

L'équité et l'impartialité du processus qui a mené à la sélection de Paxport est bien documentée. D'après notre contrat, le gouvernement recevait au total 7,54 milliards pour le bail foncier, la valeur actuelle se situant aux environs de 850 millions de dollars; il faut ajouter à ce montant 3,43 milliards de dollars en impôt sur les sociétés. Si vous comparez ce montant avec ce que le Canada s'attend à recevoir, ou a prévu recevoir de l'administration aéroportuaire locale, on parle de deux milliards.

Toute une différence.

Au cours des quatre années qui ont précédé le 14 janvier 1993, nous avons consacré au total 212 268 $ aux services de conseillers en relations gouvernementales; environ 50 000 $ par an. Nos concurrents ont dépensé beaucoup plus. Le rapport Nixon critique l'ampleur du lobbying et cite mon nom sans pour autant donner ceux de Huang et Danczkay, de Charles Bronfman, de Robert Bandeen, des deux administrations aéroportuaires locales, de Claude Taylor d'Air Canada, de l'administration aéroportuaire British par l'entremise de Canadian Airports Limited, d'autres compagnies aériennes, de l'Association des transports aériens, des chambres de commerce et ainsi de suite. Tous ces groupes de pression actifs, pas seulement moi.

M. Nixon n'a fourni aucune norme ni ligne directrice objective en ce qui a trait à son évaluation subjective; il n'appuie sur aucun fait ses prétentions en ce qui a trait à un lobbying inapproprié. Monsieur le président, s'il l'avait fait, je suis convaincu que son affirmation aurait été trouvée sans fondement. «Si l»'on se fie aux témoignages entendus ici, on pourrait croire que les pressions que nous avons exercées, de même que celles de n'importe qui d'autre, ont été particulièrement inefficaces.

Contrairement à ce que dit M. Nixon dans son rapport, Otto Jelinek n'a jamais été directeur de quelque compagnie Paxport. Il ne nous a donné aucun conseil en ce qui concerne Pearson.

Le gouvernement libéral du Canada avait l'occasion de faire valoir ses arguments devant un tribunal et il a publiquement reconnu qu'il n'avait aucune défense. Il n'a allégué ni inconvenance ni méfait, ni fraude ni collusion devant un tribunal lorsqu'il en a eu l'occasion et c'est la raison pour laquelle il n'y en a pas eu.

Monsieur le président, étant donné l'engagement qu'avaient pris les Libéraux pendant la campagne électorale de revoir le contrat et l'assentiment que nous avons donné au report du roulement des aérogares afin de permettre au gouvernement de procéder à son examen, nous nous étions attendus à une analyse impartiale, apolitique de la validité et de la solidité financière du projet assortie des justifications pertinentes à l'égard de tout résultat et ce, de façon objective. Nous espérions plus que des allégations sans fondement et hâtives de même qu'à une caractérisation négative non basée sur des faits. Nous espérions une évaluation honnête, impartiale et équitable. C'est tout l'opposé que nous avons obtenu.

J'encourage fortement le gouvernement à retirer le projet de loi C-22. Le Canada devient la risée sur les marchés financiers mondiaux. Qui voudrait faire affaire avec un pays qui prend des décisions politiques lorsqu'il s'agit de déterminer qui paiera et à quel moment? Une telle de mesure législative arbitraire et spoliatrice est injustifiée dans notre société démocratique à moins d'être légalement justifiée.

Pendant qu'il annulait les contrats de l'aéroport et menaçait de confisquer et de refuser le droit d'accès aux tribunaux, le gouvernement Chrétien a enchâssé dans l'Accord de libre-échange nord-américain les droits suivants: les voix de droit régulières, la compensation équitable et le paiement à temps. Monsieur le président, les Mexicains et les Américains jouissent de droits dont le gouvernement libéral essaie de priver les Canadiens. Il bafoue la citoyenneté canadienne.

Nous voulons un traitement équitable devant la loi. Je le répète, il n'est nullement question dans le rapport Nixon d'activités illégales ou inopportunes et il n'y est donné aucune raison légitime d'annuler les contrats Pearson.

Monsieur le président, avant de terminer, il y a trois questions relativement au projet de l'aéroport Pearson que vous et vos collègues de ce comité de même que les députés du Parlement et les médias qui s'intéressent au sujet n'ont pas abordées jusqu'à maintenant. Premièrement, le dommage causé par ceux qui s'amusent à attaquer la réputation et les motifs d'un homme d'affaires en recourant impudemment à des étiquettes partisanes. Quels dirigeants d'entreprise au Canada voudront compromettre leur réputation et leur avenir économiques si, du fait qu'ils appuient tel ou tel parti politique, les médias et les autres partis les accusent, aussi subtilement soit-il, d'être dépourvus de spiritualité/de moralité?

En ce qui me concerne, malgré les arguments solides favorisant l'intérêt public dans l'exemple Pearson, mon nom n'est presque jamais mentionné à l'égard du projet sans référence à mes allégeances politiques. Je suis mieux connu dans le contexte Pearson comme l'ancien président du Parti progressiste-conservateur du Canada, fonction que j'ai exercée il y a plus de 20 ans comme le président le sait, ou en tant qu'ancien solliciteur de fonds ou beau-père de l'ancien premier ministre libéral de l'Ontario, plutôt qu'en tant que celui qui a exposé à d'énormes risques son entreprise, sa fortune personnelle et, dans une certaine mesure sa famille pour offrir de construire l'aéroport le plus moderne du monde sans qu'il en coûte un sou aux contribuables et, pour reprendre les propos de M. Nixon dans son rapport du 30 novembre où il disait que l'accord de privatisation augmente le revenu net du gouvernement du Canada comparativement à ce que rapportait Pearson à Transports Canada. M. Nixon ajoute plus loin dans son rapport que la privatisation comporte aussi l'énorme avantage d'exiger du détenteur du bail qu'il investisse plus de 700 millions et que ce capital ne s'ajoute pas à la dette canadienne.

Pourquoi, monsieur le président, les gens d'affaires canadiens voudraient-ils appuyer le processus politique légitime dans ce pays si on le traite de la sorte? Certains prétendent que le plus grand défi de la démocratie, c'est l'apathie. Pas étonnant.

La deuxième question sur laquelle il faut se pencher c'est le fait que la crédibilité et le prestige du gouvernement canadien à l'internationale sont, je crois, marqués en permanence lorsque des contrats d'aménagement d'infrastructure importante sont annulés à tort? Annulés, monsieur le président, non pour motif ou manquement aux engagements, mais curieusement pour marquer des points politiques et multiplier les partisans en qualifiant de louche et d'immoral le processus ou le comportement de participants du secteur privé. Ceci à un moment où un nouveau gouvernement essaie de paraître un modèle de vertu tout en sacrifiant l'intégrité nécessaire des relations d'affaires de bonne foi.

Comment un tel comportement arbitraire et imprévisible peut-il profiter au Canada? Les gouvernements, monsieur le président, devraient être dignes de confiance, non arbitraires, lorsqu'il

s'agit de la conduite de leurs affaires.

Troisièmement, et qui plus est, il y a les employés et leurs familles qui n'ont eu d'autre choix que de déclarer faillite ou de se réorganiser par suite de l'annulation. Certaines de ces personnes ont perdu toutes leurs économies de même que leur carrière et un grand nombre d'entre elles n'ont toujours pas d'emploi. D'après une évaluation conservatrice, 750 personnes auraient perdu leur emploi, mais on parle d'une perte possible de 14 000 emplois. Il s'agit là des véritables victimes du geste posé par le gouvernement. Les victimes qu'oublient sans cesse le gouvernement et les médias.

Nous avons tous travaillé de bonne foi avec le gouvernement du Canada en vue de construire le plus bel aéroport du monde, une infrastructure dont le Canada et les Canadiens pourraient être fiers. Moi-même et certaines de mes compagnies ont dû déposer leur bilan, victimes de fausse partisanerie. Sept cent soixante-quinze personnes ont perdu leur travail, sept cent cinquante familles sont sans revenu dans le Matthews Group.

Ce que je cherche est fort simple. Je veux, j'exige que justice soit faite. Laissons les tribunaux décider des dommages et cessons de palabrer.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Matthews. Comme vous pourriez vous y attendre, les questions seront probablement semblable à...

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, je veux faire remarquer que, dans le cadre de son témoignage, M. Matthews a déclaré que M. LaBarge avait organisé une rencontre entre Jack Matthews et Jean Chrétien et, qu'au cours de cette dernière, celui-ci avait manifesté son appui à la privatisation de Pearson.

Comme vous le savez, le premier ministre a catégoriquement nié cette allégation. Il y a une personne, Paul LaBarge, qui est disposé à comparaître et à témoigner devant ce comité relativement à la date et à l'objet de cette réunion.

Le sénateur Lynch-Staunton: Plus d'une personne; deux personnes.

Le sénateur Bryden: Il ne peut le faire...

Le sénateur Jessiman: Trois personnes; convoquez-les toutes.

Le sénateur Bryden: Il ne peut le faire que si M. Matthews est disposé à renoncer au privilège du secret professionnel en ce qui concerne cette affaire.

Êtes-vous disposé à le faire, monsieur Matthews?

M. Matthews: Je suis désolé, je n'ai pas pu vous entendre lorsque vous avez parlé au président.

Le sénateur Bryden: Vous n'aviez pas votre écouteur.

M. Matthews: Vous avez raison. Je vais le mettre.

Le sénateur Bryden: Je vais répéter exactement, le plus fidèlement possible, ce que je viens tout juste de dire au président à savoir que vous avez déclaré que M. LaBarge avait organisé une rencontre entre Jack Matthews et Jean Chrétien et que ce dernier avait alors manifesté son appui à la privatisation de Pearson.

M. Matthews: C'est exact.

Le sénateur Bryden: Ce que j'ai dit au président c'est que M. LaBarge est disposé à comparaître devant ce comité en sa qualité d'avocat et officier de la justice et à nous dire sous serment à quelle date la rencontre a eu lieu et ce dont il se souvient être l'objectif de cette dernière et ce qui en a transpiré, au meilleur de sa connaissance. Il ne peut le faire que si vous êtes prêt à renoncer au privilège du secret professionnel relativement à cette affaire.

Êtes-vous prêt à faire cela?

M. Nelligan: Puis-je placer un mot, monsieur le sénateur? Selon moi, le secret professionnel en ce qui a trait à un témoignage portant sur ce qui s'est passé à une réunion avec un tiers n'intervient pas. Je ne pense donc pas qu'il soit nécessaire de renoncer à ce dernier. C'est une question de droit, et s'il s'agit tout simplement de comparaître en tant que témoin à une conversation à laquelle un tiers a assisté, il ne peut être question de secret professionnel vu qu'un tiers était présent.

Je ne pense donc pas qu'il s'agisse là d'un empêchement.

Le sénateur Bryden: Aux fins d'éclaircissement, je crois comprendre que M. LaBarge était alors le procureur de Matthews Group of Companies, faute d'une meilleure expression, ou l'un des avocats, et qu'il avait donc un lien avec ce groupe. La question une fois de plus -- je ne suis pas sûr d'être d'accord avec le conseiller...

M. Matthews: J'ai compris votre question, monsieur le sénateur, et ma réponse est oui.

Le sénateur Bryden: Vous êtes d'accord? Formidable.

Pourrais-je demander au conseiller de communiquer avec M. LaBarge...

Le sénateur Lynch-Staunton: Un petit moment, je crois que nous sommes sur le point d'ajouter des témoins, nous ne ferons pas cela ici. Nous ne sommes pas ici pour choisir des témoins. Nous pouvons le faire après la pause.

Le sénateur Bryden: D'accord. Tout ce que je demande...

Le sénateur Tkachuk: Quand avez-vous commencé messieurs à vous embarrasser de scrupules en ce qui concerne ces réunions avec tiers témoin? Vous procédez de la sorte depuis ces foutus trois mois de séances.

Le sénateur Bryden: Auriez-vous l'obligeance alors, monsieur le président et monsieur le conseiller, de songer à la possibilité d'inviter M. LaBarge, lorsque cela lui conviendra, à comparaître devant le comité pour y témoigner?

Le sénateur Jessiman: Et M. Jack Matthews.

Le sénateur Tkachuk: Et M. Matthews alors.

Le sénateur LeBreton: Et peut-être tous les autres partenaires de Lang Michener.

Le sénateur Jessiman: Êtes-vous d'accord là-dessus; les trois parties?

Le sénateur Bryden: J'ai demandé une chose. J'ai déjà assez de mal à m'occuper de mes...

Le sénateur Tkachuk: Une fois que la porte est ouverte, il faut l'ouvrir complètement et discuter des autres questions qui ont été abordées au cours de cette rencontre et qui n'ont pas été rendue publiques.

Le président: À l'ordre.

Le sénateur Tkachuk: Je demande, monsieur le président...

Le président: J'étais tout à fait prêt...

Le sénateur Tkachuk: Il a soulevé la question.

Le président: ... si M. Matthews avait fait une déclaration dont on aurait largement fait état au cours des derniers mois, et ainsi de suite, en ce qui a trait à ce qui s'est passé à cette soi-disante réunion, j'étais prêt à décider de ne pas accepter cette déclaration et à la déclarer irrecevable. Je ne croyais pas que M. Matthews avait dépassé les bornes. J'étais prêt à utiliser mon marteau, s'il l'avait fait.

Toutefois, sénateur, vous avez jeté le loup dans la bergerie.

Le sénateur LeBreton: Tout à fait. Bravo.

Le président: Nous consulterons -- voulez-vous que le comité s'ajourne maintenant?

Le sénateur Bryden: Bien sûr, mais avant que le comité s'ajourne...

Le sénateur Tkachuk: Je veux poser une question.

Le sénateur Bryden: ... Je veux préciser un point, ce que je veux dire c'est que j'avais cru comprendre que le procureur en cause était prêt à comparaître devant le comité et à nous dire sous serment ce dont il se souvenait de la rencontre et que la décision en revient au président de même qu'au conseiller et finalement, je suppose, au comité tout entier. Mais ce que je demande maintenant c'est que vous, a titre de président, et le conseiller, après avoir entendu ma demande, déterminent si cela est approprié et quelles personnes il convient de convoquer devant le comité. Mais je ne vous demande pas que cela se fasse aujourd'hui.

Le sénateur Tkachuk: Une fois que M. LaBarge sera devant nous, je veux que vous compreniez bien qu'il n'y aura aucune limite aux questions que nous pourrons lui poser. Nous poserons à M. LaBarge des questions se rapportant à ses activités en tant que solliciteur de fonds pour le Parti libéral ainsi qu'aux personnes qui lui ont peut-être donné de l'argent dans le cadre de ce processus. Et je veux que vous compreniez bien que c'est exactement ce qui va se passer.

Le président: Ce comité ne peut se pencher que sur les questions que lui a confiées le Sénat et on en trouve la liste -- voulez-vous qu'on vous rafraîchisse la mémoire à ce sujet?

Le sénateur Tkachuk: Je sais exactement ce qu'il en est monsieur le président.

Le président: C'est mon problème. Je vais aller demander conseil avant de rendre une décision à ce sujet.

M. Nelligan: Puis-je poser une question à M. Matthews pour que nous puissions nous en servir dans notre décision.

À quelle date, approximativement, a eu lieu cette réunion monsieur?

M. Baker: Monsieur le président et monsieur le conseiller, je crois que cette question n'intéresse pas M. Donald Matthews, mais M. LaBarge et M. Jack Matthews. Si vous vous souvenez, M. Jack Matthews a écrit tant au comité de la Chambre des communes qu'à celui du Sénat et a dit qu'il s'agissait d'une question de crédibilité dont on ne pourrait parler que sous serment. Et M. Jack Matthews, je crois comprendre, est tout à fait disposé à venir ici et à en parler sous serment.

M. Nelligan: J'essaie seulement de déterminer quelle est la pertinence avec ces audiences et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé la date.

M. Baker: La déclaration, en ce qui a trait à la pertinence, c'est que M. Chrétien a été consulté en ce qui concerne Pearson.

M. Nelligan: À quelle date?

M. Baker: En ce qui concerne la proposition spontanée. Je ne suis pas tout à fait au courant de cette date. Je crois comprendre, d'après les documents que j'ai vus, que c'était un peu avant qu'il annonce sa candidature à la direction du parti.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, il a dit qu'il n'a pas ces renseignements. Il est certain que si nous avions les deux personnes ici...

M. Baker: Ils peuvent témoigner à ce sujet.

Le sénateur Bryden: ... alors ils peuvent nous dire la date exacte de la réunion et, au meilleur de leur connaissance, ce dont ils se souviennent de son objet. Il n'y a pas de règles fixes, pas de problème.

M. Nelligan: Ce qui m'embarrasse c'est qu'une conversation ou une réunion ne peut avoir de rapport avec l'accord qui a été annulé parce qu'il ou qu'elle a apparemment eu lieu avant que la demande de proposition soit lancée et par conséquent je soulève simplement cela pour que les sénateurs en établissent la pertinence avec les questions sur lesquelles nous nous penchons ici.

M. Baker: Je crois, monsieur le conseiller, que cette question a été soulevée par M. Nixon et que c'est la proposition spontanée dont il a parlé; je crois comprendre que c'est la bonne époque.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le conseiller, la pertinence c'est la pertinence. Je veux dire par là que nous avons eu ici des documents rédigés par des auteurs inconnus, par des bureaucrates inconnus, des feuilles de papier pleines de gribouillis. Je veux dire par là que ce comité a reçu des bribes d'information de toutes sortes qui ont toutes été jugées pertinentes.

Si une personne qui devient chef du Parti libéral a souscrit à un certain moment à l'idée de privatiser l'aéroport Pearson, et qu'un avocat était présent à cette occasion, nous ne nous limiterons pas, dans le cadre d'une discussion à lui demander ce qui s'est passé au cours de cette conversation. Peut-être voudrons-nous interroger M. LaBarge sur sa participation à cet accord. Je sais qu'il a ramassé des fonds et qu'il a travaillé avec le sénateur Colbert, qui a également sollicité des fonds à Montréal, et qu'ils étaient très liés avec d'autres compagnies qui ont participé à tout ce processus. M. Nixon est tombé dans un guêpier lorsqu'il a mentionné que M. Matthews s'était occupé de la collecte des fonds pour le Parti conservateur et a dit que c'était une raison pour annuler le contrat.

Je vous dis donc que si vous le convoquez, il vaut mieux pour lui qu'il réponde sou serment à toutes nos questions.

Le président: Je veux simplement répéter, que j'essaie de présider un comité qui va remettre au Sénat un rapport qui se fonde sur les témoignages que nous avons entendus. Le comité est lié par l'ordre de renvoi que lui a confié le Sénat le jeudi 4 mai et ne peut s«,en éloigner; celui-ci dispose qu'un comité spécial du Sénat soit chargé d'examiner toutes les questions relatives aux politiques et aux négociations ayant abouti à la conclusion des accords touchant la mise en valeur et l'exploitation des aérogares 1 et 2 à l'aéroport international Lester B. Pearson et les circonstances entourant leur annulation, et de faire rapport à ce sujet.

Si le comité peut établir le bien-fondé de ce qu'on avance ou en appeler de toute décision que je peux donner, je m'en remets à vous.

Le sénateur Tkachuk: Mais M. Chrétien est -- je veux dire que le nom de M. Mulroney a été mentionné parce qu'il était premier ministre lorsque ce contrat a été passé et celui de Kim Campbell lorsque le contrat a été signé. M. Chrétien était en poste lorsque le contrat a été annulé. Je veux dire, nous pouvons parler au sujet de M. Chrétien, je ne vois pas de mal à cela, et nous pouvons parler de toutes les personnes en cause avec lui et de la façon dont ils s'y sont pris avec ce contrat, et j'aimerais que nous le fassions. J'aimerais parler des personnes qui sont maintenant à son bureau et qui étaient associées avec dans ce cabinet juridique; j'aimerais parler du rôle qu'ils ont joué dans tout ceci.

Le sénateur LeBreton: Tout à fait.

Le sénateur Tkachuk: Et quel a été leur rôle au moment de la signature? J'aimerais savoir quel a été leur rôle.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, je suis tout à fait disposé à ce que vous et votre conseiller rendent une décision sur ce que vous pensez être équitable et je m'y conformerai, comme je le fais toujours.

Le sénateur Tkachuk: Moi aussi, sénateur Bryden.

Le président: Je pense que nous aurons besoin d'un peu plus de temps. Nous devions lever la séance à midi. Je crois qu'il est maintenant temps que le comité s'ajourne. Nous reprendrons à 13 h 30.

Le sénateur Lynch-Staunton: Puis-je seulement demander au sénateur Bryden, s'il fait seulement une distinction en ce qui a trait à l'interprétation à donner à l'appui de M. Chrétien à la privatisation, est-ce que cela signifie qu'il accepte le fait, comme l'a dit M. Matthews, que toutes les personnes qu'a rencontrées Hession ont souscrit à la privatisation? Ce n'est que l'interprétation qu'il donne en ce qui a trait à M. Chrétien qu'il met en doute. M. Matthews nous a dit que M. Hession et d'autres, je crois, ont rencontré diverses autorités provinciales, municipales de même que de la région de Toronto, toutes les parties, et quiconque a participé à ces réunions en est reparti avec l'impression que l'idée recevait l'appui général, à quelques exceptions près.

M. Matthews: C'est exact.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est exact. Et cela incluait -- M. Chrétien était alors en pratique privée...

M. Matthews: C'est assurément ce qu'on m'a dit.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et cette interprétation est contestée par le sénateur Bryden, est-ce exact?

Le sénateur Bryden: Non, cela est nié par le premier ministre, et ma position est que -- je n'ai pas la réponse -- l'un des avantages d'être sénateur, sénateur Lynch-Staunton,

c'est que nous sommes à l'abri de vos questions.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je veux simplement préciser l'objectif. Je ne m'oppose pas à convoquer qui que ce soit ici. Je veux simplement être sûr que nous savons où nous allons lorsque ces personnes seront devant nous.

Le sénateur Bryden: J'avais cru comprendre que ceci, ce que l'on pourrait considérer comme une question non pertinente, n'allait pas vraiment être soulevée. Elle l'a été. Le président a dit qu'il ne croyait pas qu'elle dépassait les bornes, parce qu'il n'était pas fait mention de dons et de chose du genre, mais il a été question de quelque chose que le premier ministre a nié catégoriquement et je ne pouvais laisser passer cela sans au moins dire, que si nous convoquions un témoin indépendant et je ne sais pas...

Le sénateur Tkachuk: Il n'est pas indépendant.

Le sénateur Bryden: Je ne sais pas. Je n'ai jamais rencontré M. LaBarge.

Le sénateur Tkachuk: Moi non plus, mais je sais qu'il n'est pas un témoin indépendant. Il est un associé de M. Chrétien.

Le sénateur Bryden: De toute façon, je suis désolé, je ne veux pas ergoter.

Le sénateur Tkachuk: M. Chrétien était-il un lobbyiste à ce moment ou un avocat, lorsqu'il a eu cet entretien?

Le sénateur Bryden: Je ne sais pas.

Le président: La question est de savoir s'ils se sont bel et bien rencontrés. Il semble que ce soit le point que vous faites ressortir.

Le sénateur Jessiman: Monsieur le président, on a rapporté qu'à un certain moment au cours de cette réunion de trois personnes, la personne dont vous parlez, l'avocat que vous voulez que nous convoquions comme témoin, a quitté la pièce et que M. Jack Matthews et M. Chrétien sont restés seuls. N'est-ce pas la vérité?

Le sénateur Bryden: Je n'en ai aucune idée. C'est la raison pour laquelle je dis que si nous convoquons une personne, nous devrions convoquer les deux.

Le président: D'accord. La séance est levée jusqu'à 13 h 30.


Le comité suspend ses travaux jusqu'à 13 h 30.

Ottawa, le mercredi 13 septembre 1995

Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui à 13 h 30 pour examiner tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, et d'en faire rapport.

Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

Le comité directeur du comité ici réuni se compose du sénateur Kirby et de moi-même. Nous avons, pendant l'heure du déjeuner, eu une réunion avec le conseiller juridique du comité, Me Nelligan, et avec le greffier du comité, M. O'Brien. J'ai bien pris note de la question soulevée par le sénateur Bryden et je ne tarderai pas, après m'y être penché un petit peu plus ce soir, à rendre ma décision là-dessus.

Le premier intervenant pour la séance de cet après-midi est le sénateur Jessiman, qui sera suivi du sénateur Bryden et du sénateur LeBreton.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, j'aurais à poser quelques questions qui, je le pense, pourraient vous être utiles aux fins de votre décision. Je ne suis pas trop certain de ce qui s'est passé ici ce matin, mais, si j'ai bien compris, le sénateur Bryden a dit vouloir que l'autre témoin comparaisse. S'il aimerait que l'autre témoin comparaisse c'est à cause de contradictions dans les déclarations de M. Matthews et du premier ministre. J'aimerais tout simplement savoir quelles sont ces contradictions.

Le président: Je pense, sénateur, avec tout le respect que je vous dois, que cette question a été mise de côté jusqu'à ce que... vous pourrez y revenir.

Le sénateur Tkachuk: J'y reviendrai, monsieur le président, mais par suite de ce qu'il a dit et de certaines déclarations qui ont été faites, j'aurais... pendant que vous vous penchez là-dessus, le conseiller juridique pourrait réfléchir à quelques questions que j'ai, en plus de celles que je voulais poser à M. Bryden. Je suis prêt à attendre pour cela.

Ce que j'aimerais savoir c'est ceci -- et peut-être que le conseiller juridique pourra m'aider: lorsqu'un gouvernement est défait -- et, dans ce cas-ci, les élections ont eu lieu le 25 octobre -- le gouvernement qui était au pouvoir, si j'ai bien compris, le demeure jusqu'à ce que les membres du nouveau gouvernement prêtent serment. Le nouveau gouvernement n'est légalement au pouvoir qu'à partir de ce moment-là. Je ne suis pas certain de ce que j'avance, mais il me semble que dans l'intervalle, certaines décisions sont prises par le gouvernement «en attente». Dans le cas qui nous occupe, des décisions ont été prises. M. Nixon a été nommé. M. Nixon a préparé un document et il a reçu des documents du gouvernement, documents qui, j'imagine, ont été reçus de la part de l'équipe de transition qui s'occupait des affaires du nouveau gouvernement. Nous savons que l'assermentation du nouveau gouvernement a eu lieu le 4 novembre, et hier on nous a dit que c'est le 3 novembre que M. Coughlin a rencontré M. Nixon. J'aimerais donc savoir si les documents de l'équipe de transition sont disponibles et s'il s'agit de documents protégés en vertu d'un avis ministériel ou de documents non protégés.

Si j'ai bien compris, nous avons un mandat. Je vais vous en lire la dernière phrase du premier paragraphe: «...de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question». Tous ces événements ont eu lieu pendant cette période.

J'aimerais par ailleurs obtenir d'autres renseignements. D'après ce que j'ai compris, le contrat n'a pas encore été annulé, car cela exigerait qu'une loi soit adoptée par le Parlement. Je demande par conséquent de la documentation et ma requête pourrait même viser la comparution de témoins, relativement à l'élaboration du projet de loi C-22 et de tous les documents y afférent.

Le contrat n'ayant pas été annulé, la période visée commence aux élections de 1993, comprend l'assermentation du gouvernement et se poursuit jusqu'à ce jour, le projet de loi C-22 n'ayant pas encore été annulé...

Le sénateur Jessiman: Adopté.

Le sénateur Tkachuk: N'ayant pas été adopté. De ce fait, le contrat lui-même n'a pas encore été annulé.

Monsieur le conseiller juridique, c'est sur ces points que je vous demande conseil quant à la marche à suivre relativement à ces questions, car je pense qu'elles sont toutes pertinentes.

Ce n'est pas moi qui ai soulevé la question ce matin. Elle l'a été par mon ami le sénateur Bryden. Il a soulevé la question de la comparution d'un témoin qui, je pense, devrait venir, et celle d'une contradiction. J'ai néanmoins examiné les réponses données par le premier ministre aux questions qui lui ont été posées à la Chambre des communes, et il n'y a aucune contradiction, car le premier ministre n'a jamais nié qu'il n'appuyait pas la privatisation. Il ne peut donc pas y avoir contradiction à moins qu'il n'ait chuchoté en même temps autre chose à quelqu'un d'autre sans en avoir parlé publiquement. En effet, publiquement, ou en tout cas à la Chambre, en réponse aux questions qu'on lui a posées, il n'a jamais dit cela.

Il y a d'autres questions auxquelles il a fourni des réponses pour lesquelles des contradictions subsistent. Je sais que vous tiendrez compte de tout ce que j'ai à dire dans votre réflexion ce soir sur l'éventuelle comparution de M. Labarge et peut-être d'autres témoins encore dont les propos ont été contredits par des tiers, car ce n'est pas la première fois que cela se passe. L'on a vu cela tout au long des audiences, mais c'est la première fois que la question est soulevée.

Je pense que c'est tout ce que j'avais à dire là-dessus. J'aimerais savoir si mes hypothèses sont justes. Pourriez-vous me le dire tout de suite ou bien vous faudra-t-il un petit peu de temps pour y réfléchir?

M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: Eh bien, je ne vois pas très bien quel genre de documents seraient selon vous utiles au comité.

Le sénateur Tkachuk: Il me semble que le ministère de la Justice ressort des documents qu'il juge pertinents dans le cadre du processus lui-même et de la décision prise par le gouvernement ainsi que du processus de signature de contrat jusqu'à ce moment-là. Après cela, il y a un mur.

Ce que je dis, c'est qu'il y a des décisions qui n'ont été prises par aucun gouvernement mais plutôt par une équipe de transition, un gouvernement qui n'en était pas encore un mais qui a pris en main ce processus, car Nixon fut nommé alors que le gouvernement était toujours un gouvernement conservateur. M. Nixon n'a pas été nommé par la première ministre Campbell mais par l'équipe de transition et le nouveau premier ministre. Il aurait fallu que ceux-ci... ils ont dû disposer d'une certaine documentation sur le mandat conféré à M. Nixon dans le contexte de ce que le premier ministre ou l'équipe de transition voulait voir ressortir de ce rapport. Il a au moins dû y avoir une certaine enquête interne pour voir si la rhétorique de la campagne collait avec certains des sentiments qu'ils avaient. Je pense que cette documentation est pertinente et, le contrat n'ayant pas encore été annulé, nous sommes censés discuter des «circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question».

Il y a tout un tas de circonstances qui ont entouré l'annulation de ce contrat. Tout cela est intervenu après l'assermentation du gouvernement le 4 novembre. C'est pourquoi tous les documents pertinents du ministère de la Justice, de celui des Transports, du Cabinet du premier ministre, du Bureau du Conseil privé qu'on a pu rassembler pour couvrir la période allant jusque-là devraient être trouvés pour la période menant jusqu'à aujourd'hui.

M. Nelligan: D'après ce que j'ai compris cela a été fait ou est en train de l'être.

Je devrais vous dire que dans le cadre de mes discussions avec M. Hunter, celui-ci m'a dit qu'ils avaient, dans leurs premières recherches, provisoirement décidé de rassembler les documents couvrant la période se terminant à la fin de l'année 1993. Il n'a jamais été dit que la date limite correspondait au changement de gouvernement.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, ils ne sont pas en train de lire le même paragraphe que moi. Je lis ici: «...de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question».

M. Nelligan: Si vous me permettez de poursuivre, je lui ai dit que l'annulation faisait intervenir la préparation du projet de loi C-22 et tout le reste.

Je lui ai demandé de veiller à ce que ses recherches portent jusqu'en l'an 1994 pour couvrir le même genre de notes de services aux fins d'information adressées au ministre ou au premier ministre que celles qui auraient été diffusées avant le changement de gouvernement et toute information concernant le rapport Nixon et son intégration subséquente au projet de loi. Il m'a assuré que leurs recherches visaient précisément cela. Je n'en ai pas encore les résultats, mais ce travail se poursuit.

Le sénateur Tkachuk: Très bien. Tant que le ministère de la Justice... car je ne peux avec le ministère de la Justice et ses hauts fonctionnaires que procéder par précédent. Par précédent, un témoin arrive un petit peu avant que n'arrivent les documents, voyez-vous? Par conséquent, lorsque Nixon arrive, alors tous les autres documents qui suivront le rapport Nixon vont arriver et nous n'aurons personne à interviewer. Il est donc très important que tout cela nous parvienne... Ils ont eu beaucoup de temps, vous savez. Je n'aime pas les excuses qu'on nous sert. Il ne devrait manquer aucun document, car ils ont eu juin, juillet, août et septembre et ils savaient, en plus, que cette enquête allait venir. Ils devaient être prêts. D'autre part, ils avaient préparé ces documents pour leurs experts juridiques... pour leur affaire devant les tribunaux et ils avaient manifestement préparé cela... mais peut-être pas... mais ils disent que c'était pour M. Nixon. Toute cette documentation ne peut donc pas... vous savez, vous n'acceptez de vous faire dire qu'ils sont très occupés et que c'est difficile qu'un nombre limité de fois, car ils sont des milliers de gens là-bas.

Ici, nous sommes sept et le conseiller juridique et certains de nos adjoints essaient de nous aider à éplucher tout cela. Par conséquent, monsieur le conseiller... vous devriez exiger qu'on nous fournisse cela d'ici une date bien précise, afin que nous puissions nous préparer.

M. Nelligan: Nous avons eu des discussions là-dessus hier et on m'a garanti qu'on recevrait de la documentation aujourd'hui. Il a été question de documents confidentiels relativement aux questions en litige qui devaient être tirées au clair aujourd'hui, et nous sommes censés les obtenir. Il y a d'autres documents dont le gouvernement ne disposait pas mais que possédaient certains des adjoints de M. Nixon et que nous allons maintenant obtenir également. On n'en aurait normalement pas disposé, mais on va nous les fournir. J'espère que nous aurons tout cela en main d'ici la fin de la semaine. Nous sommes sensibles à vos préoccupations et nous obtenons ce que nous pouvons.

Le sénateur Tkachuk: Et l'équipe de transition. Ils ont peut-être oublié cela, mais il me semble qu'il faudrait le leur rappeler.

M. Nelligan: Eh bien, il s'agit là de documents concernant la nomination de M. Nixon, et nous avons clairement fait savoir que nous tenions à disposer de tous les documents relativement aux instructions données à M. Nixon, etc.

Le sénateur Tkachuk: Très bien. Merci, monsieur le conseiller.

Le président: Je suis certain, sénateur Tkachuk, que vous ne voudriez pas laisser l'impression que ce contrat n'a pas été annulé. Il a été annulé. Tout nouveau gouvernement a le droit d'annuler n'importe quelle décision prise par un gouvernement antérieur.

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le président: C-22... et de subir les conséquences d'une telle annulation.

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le président: Le projet de loi C-22, qui a été adopté par la Chambre des communes, cherchait à limiter la compensation devant être versée par suite de cette décision. Le projet de loi C-22 a été retardé, mais on ne revient pas tout à fait en arrière. Nous ne voudrions pas que ce soit là l'impression donnée. Le contrat a été annulé. L'on se penche ici sur les politiques gouvernementales qui ont abouti, entre autres choses, à cette annulation.

Le sénateur Tkachuk: Oui, mais le texte dit bien: «...de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question», et ce que j'essayais de dire c'est que s'il va y avoir une date limite, j'ignore laquelle ce serait à l'heure actuelle, car nous ne vivons pas dans une société dans laquelle un décret peut annuler un contrat. Il y a un processus démocratique à suivre et, malheureusement, cela demande du temps dans toute société démocratique. Ce processus n'est pas encore terminé. Ce n'est pas de ma faute. Nous vivons dans la société que nous connaissons et c'est ainsi que les choses se déroulent. Peut-être, donc, qu'en tant que comité nous pourrions décider quand cette annulation a pris effet, ou peut-être que le comité directeur pourrait en discuter, afin de savoir quelle est cette date pour que ce ne soit pas le ministère de la Justice qui prenne cette décision mais bien nous. Voilà ce que je voulais dire. Ce n'est peut-être pas très clair, mais je veux bien recommencer.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais poursuivre le point soulevé par le sénateur Tkachuk, dont nous avons tous fait état, en tout cas de notre côté de la table, à savoir que nous n'obtenons pas la documentation que nous voulons. Nous recevons la documentation que le gouvernement pense que nous devrions avoir. Il y a un certain filtrage qui s'opère ici, soit directement, soit par l'intermédiaire de la bande qui a été embauchée par l'autre cabinet d'avocats. Je pense -- je reviendrai là-dessus plus tard à un moment plus opportun -- mais je pense qu'il y a une certaine manipulation au niveau de la documentation qui nous est fournie.

Si la documentation jugée nécessaire par le sénateur Tkachuk en vue de faire une meilleure évaluation du mandat et celle que j'ai moi-même demandée ne sont pas mises à notre disposition au bout d'un certain temps, et si le comité ne parvient pas, en exerçant les pouvoirs qui lui reviennent, à les trouver, alors je ferai en sorte qu'après la reprise des travaux du Sénat le 26 septembre il y ait une motion ordonnant au gouvernement du Canada ou à quelqu'un d'autre, selon la formule que l'on voudra employer, de fournir ces documents.

Il est insensé qu'un comité du Parlement du Canada soit si entravé, si retardé, si découragé dans la poursuite d'objectifs respectables d'un gouvernement qui a une responsabilité envers tous ses citoyens. C'est inouï. Aucun comité de la Chambre des communes n'a été traité de la sorte et le Sénat du Canada est en train d'être traité comme un parent pauvre. M. Nixon a eu droit à toute la documentation qu'il voulait, qu'elle soit confidentielle, secrète...

Le sénateur LeBreton: Il ne l'a pas lue pour autant.

Le sénateur Lynch-Staunton: ...à un point tel que l'on ne nous a même pas dit à quel genre de documentation il a eu droit. On demande depuis des mois d'être traité comme l'a été une personne qui a été embauchée par le chef de l'opposition de l'époque;

or, nous sommes une Chambre du Parlement, et des deux côtés de la table nous sommes d'accord avec cette enquête, mais voici que tout d'un coup on nous barre la route et on nous décourage dans notre poursuite de...

Le sénateur Stewart: Ne dites pas que vous n'avez pas été averti.

Le sénateur Lynch-Staunton: Par qui?

Le sénateur Stewart: Par moi-même au Sénat.

Le sénateur Lynch-Staunton: Y parliez-vous au nom du gouvernement?

Le sénateur Stewart: Non. Non. Je...

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Fairbairn, le Leader du gouvernement au Sénat, a dit: «Nous accorderons notre entière collaboration au comité». Je suis convaincu qu'elle était sincère, mais certains de ses collègues vont à l'encontre de son engagement. Vous devriez en avoir honte.

Le sénateur Stewart: La question que j'ai soulevée était celle du pouvoir d'un comité parlementaire, qu'il s'agisse d'un comité du Sénat ou de la Chambre des communes, d'imposer un serment passant outre à certaines autres obligations. Vous savez, les comptes rendus montrent que -- il me faut éviter certains termes que n'aime pas le sénateur MacDonald -- certaines de mes préoccupations ont été balayées par les gens de votre parti.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne voudrais pas qu'on se lance dans une discussion là-dessus.

Le sénateur Stewart: Sénateur, on ne parle pas ici d'un problème imprévu.

Le sénateur Lynch-Staunton: Les deux partis étaient d'accord avec cette enquête. Les deux se sont engagés à mener une enquête exhaustive, quel qu'en soit le résultat. Voici maintenant qu'on constate que le parti au pouvoir refuse de coopérer, répand des documents et en produit d'autres qui sont irrecevables. Je reviendrai là-dessus si le sénateur Kirby produit un autre document. Je le dirai le moment venu.

Vous avez tous les avantages, mais vous exagérez. Nous, nous avons tous les désavantages, et nous essayons de les surmonter. Nous essayons de faire en sorte que le terrain de jeu ici soit égal.

Le sénateur Tkachuk aimerait qu'on lui fournisse certains documents de base afin de pouvoir comprendre. Nous aussi. Qu'a utilisé M. Nixon pour pondre ses un, deux ou je ne sais trop combien de rapports? Nous en avons reçu deux jusqu'ici. Voyez-vous? C'est tout ce que nous voulons. On ne parvient pas à les obtenir. Lui, il les a reçus au bout de quelques jours seulement. Quelques jours je vous dis! Le gouvernement est élu fin octobre. Il est nommé quelques jours plus tard et quelques jours après cela il obtient tous les renseignements nécessaires pour faire en l'espace de 30 jours ce que nous avons été dans l'impossibilité de faire en trois mois. Qu'a-t-il donc eu? Quelle baguette magique lui a-t-on remise pour qu'il puisse parvenir à ses conclusions alors que nous, nous n'avons même pas pu prendre de décision? C'est tout ce que nous voulons. Nous voulons bénéficier de l'avantage dont il a, lui, bénéficié, mais le gouvernement refuse. C'est pourquoi je vais dire... je vais le répéter car j'y ai beaucoup réfléchi. Nous ne supporterons pas cela pendant longtemps encore. S'il nous faut une motion du Sénat ordonnant à telle ou telle personne de produire ce qui manque, nous ferons le nécessaire le moment venu.

Le sénateur Stewart: Vous auriez dû réfléchir à tout cela il y a plusieurs mois déjà.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous avions pensé à l'époque que la parole du sénateur Fairbairn suffisait.

Le sénateur LeBreton: Monsieur le président, puis-je demander un éclaircissement?

Lorsque nous avons monté toute cette structure de comité au tout début en mai ou en juin et lorsque nous avons tenu notre réunion d'organisation, nous, c'est-à-dire le comité, avons décidé que vous-même et le vice-président, le sénateur Kirby, alliez ensemble constituer le comité directeur. Vous avez déclaré au début de la présente séance que vous alliez réfléchir aux questions dont nous avons discuté tout à l'heure et rendre une décision ce soir.

Nous avons également convenu, je pense -- ou plutôt, je sais -- qu'en cas de mésentente ou de questions litigieuses à résoudre, le comité plénier se réunirait et en discuterait.

Tout ce que j'aimerais dire, monsieur le président, c'est que j'espère que lorsque vous-même et le sénateur Kirby vous retrouverez pour discuter de cette question fort importante, nous serons consultés et qu'en cas d'impasse, le comité plénier sera convoqué pour discuter du problème.

Le président: Sénateur LeBreton, je regrette de ne pas pouvoir vous donner une telle garantie.

Au départ, si le comité directeur n'a été composé que du sénateur Kirby et de moi-même, c'était pour veiller à ce qu'il ne soit pas surchargé de Conservateurs. Le sénateur Kirby et moi-même devions nous entendre sur toutes les questions liées aux travaux du comité, à la comparution de témoins, etc., dont, je m'empresse de le signaler, la liste a été approuvée à l'unanimité.

Dans le cas d'une décision prise par le président, votre seul recours est d'en appeler.

Le sénateur LeBreton: Dans ce cas, c'est ce que je vais faire.

Le président: Mais vous présupposez la teneur de la décision.

Le sénateur LeBreton: Eh bien, monsieur le président, je ne suis pas très confiante qu'une question soulevée tout d'un coup par l'autre côté va être décidée par deux personnes et que les autres membres du comité vont a) en être informés ou b) avoir leur mot à dire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, soyons très clairs quant à ce dont il est question ici.

Le sénateur Bryden a suggéré, avant la pause-déjeuner, qu'un avocat comparaisse devant le comité pour appuyer quelque chose. Il a ensuite été suggéré qu'il vienne accompagné de son client. C'est là-dessus qu'on s'est arrêté. Le sénateur Bryden a fait cette recommandation devant le comité dans son entier. J'ose espérer que la décision d'accepter ou non ne sera pas prise unilatéralement, la recommandation ayant été faite devant nous tous. Il faudrait au moins que nous soyons consultés ou que les intéressés soient consultés relativement à la comparution d'autres témoins, si besoin est.

À quel genre de jeu va-t-on jouer ici? On lance des choses et on essaie de marquer des points sur le tableau politique. Vous savez, «Chrétien n'a pas dit cela; qu'on fasse venir l'avocat». Et tout d'un coup on décide que non, on ne va pas faire venir l'avocat. Mais n'empêche que Chrétien n'a pas dit cela.

Ne nous adonnons pas à ce genre de jeux. Soit que cette personne vient sur la recommandation du sénateur Bryden avec ou sans son client, soit pour une quelconque raison déclarée devant le comité, lui-même et son client ne sont pas invités. Mais vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux, monsieur le président. Vous ne pouvez pas lancer la suggestion publiquement, puis prendre une décision en privé.

Le président: Je suppose que c'est le désir du comité de demander à M. Matthews et à M. Baker s'ils seront disponibles demain matin car je ne voudrais pas...

Le sénateur Lynch-Staunton: Ou ce soir.

M. Donald Matthews, président, Matthews Construction Canada Inc.: Monsieur le président, je me permets de vous rappeler que dans mes remarques liminaires je vous ai dit que j'étais en train de monter une nouvelle entreprise et que je ne dispose pas de beaucoup de temps. Je me mettrai néanmoins bien sûr à la disposition du comité.

Je suis très heureux que vous-même et tous les sénateurs aient décidé de lancer cette enquête. Celle-ci est très importante pour le Canada et pour moi. Je serai donc ici, mais si l'on pouvait boucler cela aujourd'hui, ce serait formidable.

Le président: Eh bien, nous verrons, mais ce n'est que... merci beaucoup.

La période de questions de cet après-midi sera ouverte par le sénateur Jessiman, qui sera suivi par le sénateur Bryden et le sénateur LeBreton.

Pensez-vous que l'on puisse s'en tenir, pour le premier tour, à 30 minutes?

Le sénateur Jessiman: Certainement. J'espère même prendre moins de temps que cela.

Le sénateur Bryden: Je suis prêt à faire de mon mieux pour m'en tenir à cela, à condition de pouvoir m'arrêter à un moment logique dans mon interrogation. J'ai beaucoup de questions à poser, monsieur le président. Comme cela a déjà été dit ici, je peux contrôler la durée de mes questions, mais non celle des réponses données. Je n'ai pas pu contrôler le fait qu'on ait eu un monologue de deux heures ce matin et que près d'une heure de plus ait été accaparée par la suite.

Je suis prêt à collaborer de mon mieux pour que chacun puisse intervenir, mais j'ai une série de questions à poser. J'en ai beaucoup, et j'espère qu'on m'autorisera à les poser toutes à moins que le comité ne vote en faveur d'une décision visant à me couper la parole.

Le sénateur Tkachuk: Mais il pourra reprendre plus tard, n'est-ce pas, monsieur le président? Cela a été la pratique jusqu'ici.

Le sénateur Bryden: C'est ce que je dis, David. Je m'arrêterai au bout d'une heure ou peut-être même de 25, 35 ou 40 minutes, si cela arrive à la fin d'une série de questions donnée, pour ensuite reprendre.

Le sénateur Jessiman: Parfait. C'est très bien.

Le sénateur Bryden: J'aimerais tout simplement pouvoir boucler une série de questions.

Le président: Cela me paraît juste.

Sénateur Jessiman.

Le sénateur Jessiman: Merci, monsieur le président.

Monsieur Matthews et monsieur Baker, vous savez tous les deux qu'un aspect de votre offre dont il a été beaucoup question était celui de la capacité de la financer. Il y a la capacité de financer l'offre, puis il y a la viabilité de la situation financière de Paxport Inc. et de ses différents joueurs, y compris le Matthews Group Limited, Allders International, CIBC Wood Gundy Capital, Ellis-Don, Bracknell Corp., Agra Industries Limited, NORR Partnership Limited et Sunquest Vacations Limited.

La question dont j'aimerais qu'on traite en premier est la suivante: il y a deux dates, deux périodes. Il y a une date entre le 7 décembre 1992, lorsqu'on vous a dit que vous aviez la meilleure proposition acceptable d'ensemble, et le 15 mars lorsqu'on a reçu le premier rapport de Deloitte, et il y a l'autre date entre août et septembre 1993 lorsqu'intervient un deuxième rapport de Deloitte.

J'aimerais tout d'abord que l'un ou l'autre de vous se prononce sur la question de la viabilité financière de Paxport dans le contexte du projet. Je ne parle pas de votre proposition et de la capacité de la financer, mais de la situation financière des membres du groupe Paxport Inc. Je demande à l'un ou l'autre de vous de passer cela en revue pour nous, car il y a beaucoup de gens qui disent que le Matthews Group Limited en particulier connaissait de réelles difficultés.

M. Gordon R. Baker, c.r., Weir & Foulds, et avocat général du Matthews Group: Sénateur, je répondrai tout d'abord à la question facile, celle portant sur le Matthews Group Limited.

M. Matthews: Allez-y.

M. Baker: Dans la proposition, le Matthews Group Limited a pris un engagement. Il s'est engagé à contribuer 20 millions plus 2 millions de dollars aux coûts de développement, en échange d'une participation de 35,67 p. 100 à Paxport.

Ces 2 millions -- et je pense qu'il s'agissait en fait de 2 850 000 -- faisaient partie des 5,5 millions de dollars consacrés à la préparation de la proposition. Ces 2 850 000 dollars ont été fournis en 1992. Les 20 autres millions de dollars devaient être versés à la conclusion de la transaction. Des arrangements avaient été pris par le Matthews Group pour fournir ces 20 millions de dollars, et ils l'ont bel et bien été à la conclusion de la transaction.

Par ailleurs, le 4 janvier 1993, Paxport a réservé 5 970 000 dollars au titre du coût total des négociations du bail foncier à cette date, et ces négociations... mais, à cette date, Matthews avait déjà versé une avance de 583 000 dollars au titre de sa participation à ces coûts. À un moment donné au printemps 1993, Matthews avait avancé... ou plutôt suravancé plus de 1 million de dollars au titre de sa part au fur et à mesure que le consortium Paxport faisait son chemin.

Matthews a rencontré ou dépassé ses engagements à l'égard de ce projet pendant la durée du projet et à sa conclusion. À sa conclusion, il s'est engagé à verser 20 millions de dollars. Il a versé 21 millions -- un tout petit peu plus que 21 millions -- et il a également payé le reste de son engagement à l'égard de coûts de pré-développement qui se sont avérés dépasser les 30 millions de dollars et il a versé 5 103 507 dollars de ce montant pendant cette période.

Le groupe Matthews a donc pleinement respecté ses obligations financières envers le consortium Paxport pendant le processus et à sa conclusion.

Le sénateur Jessiman: Mais les 20 millions du montant que vous avez cité... les 2,85 millions et quelque ont été reçus sous la forme d'un prêt consenti par Allders.

M. Baker: C'est exact, et Allders... il s'agissait d'une transaction commerciale avec Allders, et cet argent a été emprunté auprès d'Allders. C'est Allders qui a fourni cet argent. Allders a également lui-même investi 10 millions de dollars supplémentaires dans l'affaire.

Ce n'était pas... Allders n'était pas un partenaire-risque pendant l'examen de la proposition et jusqu'à la conclusion des négociations. Il n'a versé... l'entente prévoyait qu'il ne risquerait de l'argent qu'à la conclusion des négociations, et c'est ce qu'il a fait.

Le sénateur Jessiman: Et cela a été fait sur une base commerciale.

M. Baker: Oui.

Le sénateur Jessiman: Selon des conditions commerciales.

M. Baker: Oui.

Le sénateur Jessiman: Et tout ce qu'ils ont demandé...

M. Baker: Ce prêt est toujours en cours et les versements se font comme prévu.

Le sénateur Jessiman: Tout intérêt...

M. Baker: Les intérêts ont été payés.

Le sénateur Jessiman: Qu'en est-il des autres parties à... on nous a dit que... qu'en est-il de la viabilité de tous les autres?

M. Baker: Agra a payé sa part. Sunquest a payé sa part, et...

Le sénateur Jessiman: Bracknell?

M. Matthews: Tous les partenaires ont chacun payé leur part.

M. Baker: Tous sauf Ellis-Don et CIBC Wood Gundy Capital Inc., qui se sont retirés et qui ont été remplacés.

Le sénateur Jessiman: Mais étant donné qu'en même temps...

M. Baker: En même temps...

Le sénateur Jessiman: ...soit le 7 décembre...

M. Baker: C'est exact.

Le sénateur Jessiman: ...étaient-il tous partie de l'affaire?

M. Baker: Ils étaient tous partie.

Le sénateur Jessiman: Et ils ont ensuite pris une décision après les négociations.

M. Baker: Mm.

Le sénateur Jessiman: Et est-il vrai que la CIBC Wood Gundy s'est retirée à cause des négociations portant sur la réduction du rendement pour les investisseurs?

M. Matthews: Ed King, qui est le président de Wood Gundy, CIBC Wood Gundy, m'a téléphoné et m'a dit que parce que le rendement avait été sensiblement réduit, il n'estimait pas que c'était un investissement approprié pour eux.

M. Baker: Wood Gundy, le 26 ou le 29 avril -- je pense bien que c'était le 26 -- a fait une présentation avec nous sur Mergeco et la capacité de financer le projet. À l'époque, donc, notre interprétation était qu'il jugeait le projet «finançable». En fait, à une autre occasion, on était allé voir Wood Gundy avant de fusionner le 14 janvier: en effet, moi-même et Jack sommes allés rencontrer Ed King à Wood Gundy pour discuter de la fusion et savoir si selon eux cela viendrait rehausser la capacité de financement du projet. Leur réponse avait été que oui.

Le sénateur Jessiman: Allders est-elle considérée comme une société canadienne?

M. Baker: Oui. Vous verrez cela dans le tableau que j'ai fait distribuer ce matin, qui est le tableau sur la conclusion -- c'est toujours celui-là que l'on a eu: Allders appartient à 51 p. 100 à Agra Industries Limited et c'est toujours ce que nous avions compris. Agra Industries, comme le sénateur Tkachuk le rappelle souvent au comité, a vu le jour en Saskatchewan et a fini par s'installer à Calgary.

Le sénateur Jessiman: En cas de manquement de paiement pour le prêt de 20 millions, il n'y avait donc pas à craindre qu'une société étrangère contrôle Paxport?

M. Baker: Non, nous n'avions aucune crainte du genre.

Le sénateur Jessiman: Je pense que vous êtes tous les deux au courant du rapport Edlund, Mme Edlund...

M. Baker: Oui.

Le sénateur Jessiman: ...a préparé un rapport pour Industrie Canada à la demande du ministre Michael Wilson. Dans ce rapport, Mme Edlund dit que les frais de gestion de Paxport étaient supérieurs à 40 p. 100. Pourriez-vous, je vous prie, expliquer cela?

M. Baker: Eh bien, je pense que M. Stehelin a expliqué cela lorsqu'il a dit que vous ne compariez pas des torchons... j'essaie de me rappeler ses mots exacts. Vous ne compariez pas des torchons et des serviettes. Vous prenez un poste sur un graphique sans le contexte... car elle n'a jamais contacté Paxport.

Elle n'a jamais contacté Matthews. Toute interprétation de la signification des chiffres ou des frais de gestion et du nombre d'employés qui travaillaient peut-être pour les compagnies de gestion, y compris Schipol, qui relevait de la compagnie de gestion, et la question de savoir si Lockheed était là-dedans... je ne pense pas qu'elle ait compris ce poste budgétaire. Ray Hession a dit, lorsqu'il a comparu, que les frais de gestion étaient le résultat d'un calcul à 3 et à 6 p. 100. Trois p. 100 du brut et 6 p. 100 des profits nets, si je me souviens bien. C'est ce qui a été établi à partir des normes au niveau de l'industrie, et c'est donc là le chiffre.

Le sénateur Jessiman: Pourriez-vous également nous parler de la conclusion à laquelle est arrivé le sénateur Kirby, après avoir entendu le témoignage de Mme Edlund, soit qu'il s'agissait d'une offre préparée par des gens qui ne se préoccupaient guère de l'argent qu'ils arrachaient aux compagnies aériennes ou au public voyageur à condition qu'ils obtiennent pour eux-mêmes et pour le gouvernement un bon taux de rendement? Qu'auriez-vous à nous dire là-dessus?

M. Baker: Pourriez-vous répéter votre question, je vous prie?

Le sénateur Jessiman: Certainement. Le sénateur Kirby a dit qu'il s'agit d'une offre qui a été préparée par des gens -- vous-mêmes -- qui n'étaient guère préoccupés par l'argent qu'ils arracheraient aux compagnies aériennes ou au public voyageur, tant et aussi longtemps qu'ils obtiendraient un bon taux de rendement pour eux-mêmes et pour le gouvernement.

M. Baker: Eh bien, je ne suis pas d'accord. Tout d'abord, notre offre était la meilleure offre d'ensemble. D'après ce que j'ai compris, le taux de rendement prévu dans la proposition Claridge était supérieur. Le gouvernement avait, je pense, consulté Richardson Greenshields, qui estimait que le taux de rendement à ce niveau était acceptable, et je pense que cela a été accepté par le ministère des Finances. L'entente finale s'est avérée être quelque peu différente, avec un taux de rendement d'environ 13,5 p. 100. Encore une fois, il s'agit là d'un taux tout à fait acceptable dans le milieu.

M. Coughlin a déclaré qu'en ce qui concerne la British Airport Authority, pour un projet de ce genre, le taux de rendement acceptable en Grande-Bretagne est de 18 p. 100. Nous demandons 18 et demi. Il faut bien que quelqu'un paye pour des améliorations d'une valeur de 700 millions de dollars.

Le sénateur Jessiman: Et on a négocié pour ramener les 18,5 p. 100 à 14 p. 100.

M. Baker: Les 18 et demi p. 100 ont été négociés à la baisse. Il faut que quelqu'un paye. Rien n'est gratuit. Le gouvernement du Canada a décidé qu'il n'allait plus financer les améliorations à partir des revenus. Il faut bien que quelqu'un les paye. Par conséquent, cette idée que l'on prend trop aux compagnies aériennes... en fait, notre marge est bien moins grande. Nous n'avions aucunement la capacité de prendre trop aux compagnies aériennes.

Comme l'a dit M. Coughlin lorsqu'il a comparu hier, le principe qui sous-tend la proposition de Paxport est que nous entamerions des négociations avec Air Canada qui serait, en fait, une force compensatrice dans les négociations. Ils négocieraient ce qu'ils voudraient. Ils ont opté pour cette proposition et ils ont signé une entente de location en juillet 1993. L'entente de location, pendant les négociations, a résulté en une transaction en vertu de laquelle, à cause du report du loyer et du démarrage rapide et du choix du gouvernement -- et de nos ristournes aux compagnies aériennes pour des concessions, etc., dans une location par passager, c'est extrêmement -- sensiblement inférieur... est en fait très favorable au départ et augmente par la suite.

J'ai d'ailleurs un graphique. Ce graphique compare T3, T1T2 et donne une estimation -- M. Coughlin a parlé d'une redevance d'installation par passager de 15 dollars. Ceci a été préparé sur la base d'une redevance d'installation par passager de 8 et demi à partir de l'année 1997, sur la base d'une prise en main par une administration aéroportuaire locale (AAL).

Autant que je vous en donne des copies, ce qui vous permettra de mieux saisir les faits.

M. Matthews: Je pense, sénateur, que la réponse à la position énoncée par le sénateur Kirby est qu'aujourd'hui à l'aérogare 3, le coût par passager facturé à la compagnie aérienne -- qui doit bien sûr répercuter ce coût sur le passager -- est d'environ 7 dollars et quelques cents. À l'aérogare 2, le montant facturé aujourd'hui à Air Canada pour ses passagers est, je pense, d'environ 2,50 dollars, soit environ le tiers... pas tout à fait le tiers. Par conséquent, au cours des années à venir, conformément à l'entente négociée avec Air Canada, ces frais, si je ne m'abuse, passent à environ 6 dollars ou 6,50 dollars.

Le sénateur Jessiman: Et c'est échelonné. C'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Matthews: Je pense que c'est légèrement échelonné, mais je ne peux pas vous dire de combien il s'agit. En tout cas, c'est sensiblement inférieur.

La semaine dernière, j'étais à Vancouver. Je voulais me rendre à Victoria. Pour quitter l'aéroport, j'ai dû verser 5 dollars devant servir à l'exploitation de l'aéroport de Vancouver. Je suis revenu, j'ai repris l'avion pour Vancouver et je suis ensuite rentré sur Toronto.

Le sénateur Jessiman: Dix dollars.

M. Matthews: Dix dollars. Ils m'ont pris 15 dollars à titre de contribution aux coûts d'exploitation de l'aéroport.

Si j'avais pris mon avion à Toronto... viennent s'ajouter à ces frais, à ces 15 dollars, les frais des compagnies aériennes.

Le sénateur Jessiman: Oui, je comprends cela.

M. Matthews: Les frais que paie le passager ne s'arrêtent pas là. C'est une surtaxe.

M. Baker: C'est également le loyer que paient les compagnies aériennes.

M. Matthews: Qui doit être répercuté sur les passagers.

Le résultat est que cela coûte beaucoup moins cher de prendre l'avion et d'atterrir à Toronto que de prendre l'avion et d'atterrir à Vancouver.

Ce que Peter Coughlin expliquait hier soir c'est que pour que l'administration aéroportuaire locale puisse financer les travaux de construction dont l'aéroport de Toronto a désespérément besoin si l'on veut qu'il ressemble à un aéroport international... pour ce faire, il estime que la surtaxe par passager devra se chiffrer à environ 15 ou 20 dollars. Il me semble que c'est cela qu'il vous a dit hier soir.

Nous n'avions aucune surtaxe. Il n'y avait aucune surtaxe d'envisagée dans notre proposition, et dans le cadre du contrat passé avec le gouvernement, l'entente était que si le gouvernement décidait d'exiger certaines choses, il avait le droit de les insérer et nous nous occuperions de la perception, mais ce ne serait pas pour que nous empochions l'argent. Cela devait bénéficier au gouvernement du Canada.

M. Baker: Cela devait bénéficier à un projet qui, autrement, ne pourrait pas être financé à même les revenus des compagnies aériennes.

Le sénateur Jessiman: Permettez-moi d'aborder une autre question. Une partie de ma question intéresse M. Matthews personnellement, mais l'un ou l'autre des témoins pourrait peut-être répondre à la première partie.

En mars 1992, Deloitte Touche a produit un rapport disant que l'ensemble du projet ne pourrait pas être financé. Vous n'avez pas forcément dit quelle partie vous alliez tenter de financer... la première partie, mais ce n'était pas clair. Ce n'était pas aussi... ce n'était pas en mars le feu vert que c'était en août.

M. Matthews: En mars 1993 ou...

Le sénateur Jessiman: 1992. Excusez-moi, mars 1993.

M. Baker: S'agit-il du rapport dans lequel il ne dit pas que ça ne peut pas être financé? Il dit qu'il lui faut davantage de renseignements.

Le sénateur Jessiman: Non, il a dit lors de sa comparution... et j'en ai lu le compte rendu hier encore... tout le projet. Mais la Demande de propositions n'envisageait pas, comme nous l'a expliqué M. Stehelin, que quelqu'un allait se présenter et écrire une chèque pour 850 millions de dollars. La Demande de propositions prévoyait que vous alliez faire cela par étapes.

M. Matthews: C'est exact.

Le sénateur Jessiman: Et vous alliez dépenser un montant initial au départ. Au début, vous alliez vous lancer avec 100 millions de dollars. Vous vous étiez engagé pour un autre 250 millions à la fin. Dans une partie de la correspondance entre M. Stehelin et vous-même, monsieur Matthews, et que nous avons vue, M. Stehelin craignait que vous ne disposiez pas vraiment de ces 20 millions de dollars. Comme vous venez de nous le dire, vous saviez que vous alliez obtenir cet argent auprès de Allders, mais vous ne le lui avez pas dit à l'époque. Ma question est la suivante: pourquoi ne lui avez-vous tout simplement pas dit que vous aviez négocié cet arrangement?

M. Matthews: Il me faut vous dire que je sais qu'on m'accuse d'avoir refusé de lui donner ces documents, mais, que je sache, je n'ai jamais parlé à M. Stehelin.

Le sénateur Jessiman: Vraiment?

M. Baker: J'imagine que c'était Jack Matthews.

Le sénateur Jessiman: Je vois. Très bien. Vous pensez donc que c'était Jack?

M. Matthews: J'ajouterais qu'à l'époque, monsieur le président, mon rôle était très périphérique. En tant que président, j'étais le chef de bande, mais j'avais beaucoup de bons soldats. Je les ai certainement laissés foncer et faire ce qu'ils avaient à faire.

Soit dit en passant, j'étais très occupé avec toutes sortes d'autres choses, notamment organiser Paxport International et lui donner l'impulsion nécessaire.

Le sénateur Jessiman: Lorsque M. Stehelin parlait de M. Matthews, il parlait donc de M. Jack Matthews?

M. Matthews: J'imagine que oui.

Le sénateur LeBreton: Il nous faudra lui poser la question.

Le sénateur Jessiman: J'arrive bientôt à la fin, mais on a souvent entendu dire que sans Claridge, sans l'argent des Bronfman, vous seriez mort. Vous étiez sorti de l'eau. Vous n'auriez pas pu y arriver.

Supposons que vous n'aviez pas fait cet appel téléphonique ou que, ne l'ayant pas fait, il n'avait pas suggéré que vous vous entendiez, car lors de leur comparution hier ils nous ont dit que c'était à leur avantage et qu'ils craignaient que vous trouviez quelqu'un d'autre. Dites-nous ce que vous-même, à l'époque... et on parle maintenant décembre 1992, plus précisément aux environs du 9 décembre, date à laquelle, je pense, vous avez fait l'appel... étiez-vous convaincu que sans cela vous n'alliez pas pouvoir obtenir le financement nécessaire au projet?

M. Matthews: On est en décembre 1992.

Le sénateur Jessiman: Oui.

M. Matthews: En fait, nous avions des engagements pour les 61 ou 62 millions de dollars, et quant aux personnes qui ont fourni l'argent, à l'exception des deux qui...

Le sénateur Jessiman: Sont sortis par la suite, mais à cette époque-là, ils étaient toujours dans la partie.

M. Matthews: Ils y étaient toujours et Wood Gundy -- c'était CIBC Wood Gundy qui nous avait dit tout cela et qui avait établi le modèle de financement. J'ai pour ma part une grande confiance dans leur talent dans ce domaine. Oui, ils ne s'étaient pas attendus à ce que ce soit facile, mais ils avaient dit que ce serait financé.

Le sénateur Jessiman: Et cela vous satisfaisait.

M. Matthews: J'étais très satisfait.

À l'époque, donc, ce n'était pas ma première préoccupation.

Le sénateur Jessiman: Je vois. J'imagine que cette occasion vous a apporté un autre avantage; vous avez obtenu un bout de l'aérogare 3 en même temps.

M. Matthews: Tout à fait.

Le sénateur Jessiman: Très bien. N'est-il pas vrai qu'aujourd'hui encore vous détenez toujours un morceau de l'aérogare 3?

M. Matthews: C'est vrai.

Le sénateur Jessiman: Merci.

Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: C'est pas mal. Cela ne vous a pris que 25 minutes.

Le sénateur Bryden: Ce qui me laisse cinq minutes de plus.

Le président: Oui.

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, vous êtes président et directeur général de Paxport.

M. Matthews: Je ne pense pas que j'étais directeur général. J'étais président.

Le sénateur Bryden: Qui en était le directeur général?

M. Matthews: J'imagine Ray Hession, puis Jack Matthews.

Le sénateur Bryden: Je pense avoir posé la même question à M. Hession qui ne disait pas, lui non plus, être directeur général. Aviez-vous un directeur général?

M. Matthews: Je ne sais pas. Ils avaient des fonctions bien précises et le type que vous avez devant vous n'attache pas beaucoup d'importance aux titres. Ils ont des tâches à faire. Ils sont censés les exécuter.

Le sénateur Bryden: Je comprends cela. Croyez-moi, ma question n'était pas censée être un piège. Je pensais que ce serait une bonne entrée en matière, mais je pense qu'il y a un communiqué de presse... je ne l'ai pas apporté avec moi. Si j'avais su qu'on n'était pas au courant, je l'aurais apporté... il me semble qu'à l'époque Jack Matthews a été nommé président.

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Le communiqué de presse dit également, il me semble, que vous demeuriez président-directeur général, soit président et directeur général.

M. Matthews: J'étais président. Pour le reste, je ne sais pas, mais je n'ai certainement pas agi en tant que président-directeur général.

Le sénateur Bryden: Très bien. Qui donc a agi en tant que président-directeur général?

M. Matthews: Ray Hession, jusqu'à ce qu'il passe à autre chose, après quoi c'est Jack qui a pris la relève.

Le sénateur Bryden: Êtes-vous le principal actionnaire de plusieurs des compagnies qui sont regroupées sous le nom Matthews Group?

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Si j'ai bien compris, en réponse à une lettre... je ne sais trop si c'était une lettre. C'était peut-être une invitation à comparaître, faite par le conseiller juridique?

M. Matthews: J'ai, certes, reçu une lettre.

Le sénateur Bryden: J'ai ici une lettre, et c'est en fait la seule chose que j'aie. Elle a été envoyée par le greffier du comité. Elle s'adresse à M. Baker et elle commence: «Monsieur Baker». Elle est datée du 23 août 1995.

Comme vous le savez, il est prévu que des représentants du groupe Matthews comparaissent devant le Comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson le mercredi...

Il est critique, étant donné son mandat, que le comité dispose de tous les documents pertinents détenus par le représentant du groupe Matthews et se rapportant au réaménagement des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson.

La lettre poursuit en disant ceci: «étant donné qu'il y a suffisamment de temps, vous êtes prié de nous les faire parvenir le plus tôt possible».

Lorsque j'ai vu que des représentants du groupe Matthews devaient comparaître en tant que témoins aujourd'hui, j'en avais déduit qu'il s'agirait, comme cela a été le cas hier avec le groupe Claridge, de personnes ayant une connaissance personnelle directe et détaillée -- comme ce fut le cas de M. Coughlin hier -- de toutes les questions que nous avons été chargés, en vertu de notre mandat, d'examiner, y compris les «...accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2... de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question...»

Or, vous venez tout juste de dire, en réponse au sénateur Jessiman, que votre rôle est plutôt périphérique.

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Dans ce cas, il me faut poser la question suivante: y a-t-il quelqu'un qui soit en mesure de comparaître au nom du groupe Matthews et de nous renseigner sur le rôle du groupe Matthews et de Paxport avec autant de précision que le représentant qui a comparu devant nous hier au nom du groupe Claridge?

M. Matthews: Oui, je comprends votre problème. C'est dommage que vous n'ayez pas su quel était mon poste au sein du groupe Matthews, mais Gordon Baker agit en notre nom depuis... sans doute peu après le septième jour de décembre 1992. Il est donc très au courant de la période de négociation. Il n'est cependant pas très au courant, et en tout cas pas plus que quiconque d'autre du groupe Matthews, de ce qui s'est passé après le commencement de l'examen de M. Nixon. Nous ne sommes pas du tout au courant de cela.

Le sénateur Bryden: Non, et on reviendra là-dessus. M. Nixon va comparaître et je suis certain qu'il...

M. Matthews: Mais il ne peut pas lui non plus parler au nom du groupe Matthews.

Le sénateur Bryden: Pardon?

M. Matthews: M. Nixon ne peut pas parler au nom du groupe Matthews. Il ne m'a jamais parlé.

Le sénateur Bryden: Puis-je vous demander simplement... je ne voulais pas vous interrompre, mais je ne dispose que d'une demi-heure.

M. Matthews: Je vois. Très bien.

Le sénateur Bryden: En quelle qualité M. Baker a-t-il agi pour le compte du groupe Matthews?

M. Matthews: En ce qui concerne le groupe Matthews, il est intervenu en tant que principal avocat.

Le sénateur Bryden: Comment?

M. Matthews: C'est lui qui dirige notre équipe de juristes.

M. Baker: Comme je l'ai dit tout à l'heure, sénateur, je suis intervenu dans la transaction de fusion et je suis intervenu pour Paxport Inc. dans le cadre des négociations avec le gouvernement du Canada.

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, tout cela demeure très étrange. J'aurais pensé que Claridge aurait eu toute une batterie d'avocats, y compris des avocats dirigeants.

M. Matthews: Ouais.

Le sénateur Bryden: J'imagine que la quasi-totalité des autres participants à cet arrangement fort complexe ont été représentés par... ce sont sans doute les avocats qui ont le plus profité financièrement de tout cela.

M. Matthews: Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Bryden: Je sais de quoi je parle.

J'étais avocat autrefois, même si cela ne m'a jamais rapporté d'argent.

Aucun des autres témoins que nous avons entendus, aucun autre intervenant important, aucune partie importante, qui est venu accompagné des personnes les mieux en mesure de répondre aux questions du comité, ne s'est fait représenter par son avocat.

M. Matthews: Je comprends, mais permettez-moi de vous rappeler que Ray Hession a, me semble-t-il, comparu devant vous pendant une journée entière.

Le sénateur Bryden: En effet.

M. Matthews: Ray Hession était le président et il jouait le rôle de directeur général même s'il ne l'était pas. Je pense qu'il l'était, mais je n'en ai pas la certitude. C'est lui qui a dirigé la compagnie jusqu'au 7 décembre 1992 et c'est Jack Matthews, qui se propose de comparaître ultérieurement devant vous, qui a pris la relève. Vous aurez amplement l'occasion de discuter avec lui et j'imagine que vous avez sur ce plan exploité au maximum votre rencontre avec M. Hession.

Le sénateur Bryden: Je n'utiliserai pas le terme «exploité», mais à bien des...

M. Matthews: Je ne voulais aucunement donner un sens péjoratif à ce terme. C'était plutôt un compliment.

Le sénateur Bryden: Mais si je reprenais la transcription, monsieur Matthews...

M. Matthews: Comment?

Le sénateur Bryden: ...la transcription du témoignage de M. Hession...

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: ...il y a plusieurs occasions où il a dit très clairement qu'il était un employé...

M. Matthews: Ouais.

Le sénateur Bryden: ...un employé important, on en convient, mais si les réponses à certaines questions allaient être données, il fallait bien poser ces questions aux principaux intervenants.

M. Matthews: Si vous avez ces questions, je me ferai un plaisir d'essayer d'y répondre, car Ray ne s'en remettrait pas à moi pour répondre à une question s'il jugeait que cela n'était pas approprié.

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, dans ses déclarations... j'avance un peu trop vite. Il y a un grand nombre de notes de service adressées à vous et à Jack Matthews ainsi qu'à d'autres. Ces autres, ils changent de temps en temps.

M. Matthews: Bien sûr.

Le sénateur Bryden: À ma connaissance, M. Baker n'a jamais figuré parmi ces «autres». Et si vous regardez les pièces fournies par M. Hession, il en ressort qu'il a continuellement et régulièrement communiqué avec vous.

M. Matthews: J'ignore comment vous interprétez «continuellement» et «régulièrement», mais Ray Hession et moi-même... je ne sais pas combien de fois nous avons discuté ensemble. Il est vrai que Ray écrit des notes de service pour dire qu'il est parti au Venezuela pour discuter avec des gens là-bas d'un aéroport à Caracas ou qu'il est parti en Floride pour discuter avec quelqu'un là-bas d'un aéroport. Vous savez, c'était un homme très occupé. Il m'écrivait des notes pour me dire où il allait, mais je ne surveillais pas ce qu'il faisait.

Le sénateur Bryden: Les notes de service qui m'intéressent ici ne concernaient pas des voyages au Venezuela. Il s'agissait de réunions avec des ministres du Cabinet et autres. Je ne voudrais pas parcourir...

M. Matthews: Un instant. Vous parlez des ministres du Cabinet, mais je ne suis pas certain que cette expression soit juste. Il a peut-être rencontré le ministre des Transports, mais je ne voulais pas qu'il sillonne la ville pour parler aux politiques... au gouvernement.

Le sénateur Bryden: Par conséquent, lorsque Ray Hession a dit au Comité des transports de la Chambre des communes qu'il a été embauché dans le but d'obtenir ce contrat pour Paxport -- c'est une abréviation, mais je l'ai citée plusieurs fois -- et lorsqu'on lui a demandé comment il allait s'y prendre, sa réponse a été en faisant du lobbying auprès du ministre des Finances, du ministre des Transports, du ministre de... du premier ministre, des chefs de cabinet, des bureaucrates, etc.

M. Matthews: Il me faudrait voir cela.

Le sénateur Bryden: Voulez-vous dire par là...

M. Matthews: Avez-vous la transcription, sénateur?

Le sénateur Lynch-Staunton: Avez-vous en main les mêmes choses que moi?

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

Le sénateur Jessiman: Vous ne pouvez pas prendre cela et...

Le sénateur Bryden: Oui, je le peux, car cela a été déclaré publiquement.

M. Matthews: Puis-je, s'il vous plaît, en avoir une copie? J'aimerais en voir une copie.

Le sénateur Bryden: Je vous en donnerai une copie demain.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, aujourd'hui. C'est aujourd'hui que le témoin comparaît.

Le sénateur Bryden: Le témoin sera également là demain.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il n'est pas sur notre liste. Il est ici aujourd'hui. Vous lui parlez d'un document que vous n'avez même pas. Ce n'est pas bien. Vous ne pouvez pas agir ainsi. Vous ne pouvez pas lui dire que vous avez lu quelque chose quelque part. Il vous demande: «Pourriez-vous me montrer le document pour me rafraîchir la mémoire»? Et vous lui répondez: «Je m'excuse, mais je ne l'ai pas; je vous le donnerai demain». Vous ne pouvez pas faire cela. Vous ne devriez pas faire cela. C'est ce que l'on appelle faire des allusions, faire des insinuations malveillantes à l'égard de quelqu'un. C'est un «nixonisme». C'est choquant.

Le sénateur Bryden: Je me reportais à la transcription des témoignages entendus par le Comité des transports de la Chambre, qui est également contenue -- et je la trouverai -- dans les rapports du comité ici réuni, qui a été citée en comité, comme ceux et celles qui assistent régulièrement aux réunions le savent, et je fournirai certainement cela. Mais ce n'est pas après cela que je veux courir.

Voici ce qui me préoccupe: je m'étais attendu à pouvoir aujourd'hui poser une série de questions concernant tout le dossier du groupe Matthews et du groupe Paxport, du début à la fin, conformément à notre mandat. Ce qui m'intéresse, ce sont les négociations, l'élaboration de l'entente et tout ce qui s'est produit jusqu'à et y compris son annulation.

M. Matthews: Il vous faut comprendre que personne du groupe Matthews ne sait ce qui s'est passé entre le moment où le nouveau gouvernement a été élu et l'annulation.

Le sénateur Bryden: Je vous promets que je ne vous poserai aucune question là-dessus. Ce qui m'intéresse...

M. Matthews: Je pense que le comité devrait s'y intéresser.

Le sénateur Bryden: Je recommence. Je viens de lire la lettre du greffier et, si je la comprends bien, l'une des choses qu'on vous a demandées c'est de fournir au comité tous les documents pertinents. Vous avez fait état...

M. Matthews: Ils sont là.

Le sénateur Bryden: Vous avez parlé plus tôt de M. Ray Hession. Et je lui avais demandé... et si la transcription de cet échange vous intéresse, il s'agit de la transcription de la séance du 2 août 1995, page 0945-23-24. De toute façon, je l'interroge sur les documents qu'il avait.

M. Matthews: Je vois.

Le sénateur Bryden: Le sénateur Bryden a dit:

Jusqu'à décembre 1992, la lecture de vos documents montre qu'ils couvrent assez clairement les événements. Mais de décembre 1992 à mars 1993 -- et vous avez continué à un titre ou à un autre en 1993 -- il n'y a rien.

Par conséquent, après 1992, il n'a pas eu de documents. Il n'a déposé aucun document auprès du comité.

M. Hession: Aucun?

Le sénateur Bryden: Il n'y a pas de documents couvrant la période...

M. Hession: Sénateur, il y a des documents entre cette période... qui rempliraient la moitié de cette salle.

Et c'est encore une fois à la même heure dans les procès-verbaux.

Le sénateur Jessiman: Quelle page?

Le sénateur Bryden: Le 2 août 1995, page 0945.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il a les bleus, et vous, vous avez le produit fini.

Le sénateur Jessiman: J'ai le document officiel.

Le sénateur Bryden: Ne me dites pas que j'ai encore une fois le mauvais document. J'ai les bleus. Vous avez raison là-dessus. C'est 23-24.

Le sénateur LeBreton: Il n'a pas les bleus, il a les rouges.

Le sénateur Bryden: Vous avez, selon votre conseiller juridique, apporté 80 livres de documents qui sont intervenus dans l'élaboration du contrat. Paxport ou le groupe Matthews ne détiennent-ils pas d'autres documents que ceux-là correspondant à la période pendant laquelle vous poursuiviez ce projet, de 1989 à 1993 -- disons, octobre 1993 -- et qui seraient pertinents dans le contexte de l'examen du comité?

M. Baker: Je pense, sénateur, que je vais répondre à cette question. Il y a beaucoup de documents qui sont pertinents. Il y a le bail foncier, il y a l'entente de réaménagement, etc. Aimeriez-vous réexaminer ces choses-là dans le détail? Si vous aimeriez les parcourir page par page, je vais les sortir de la boîte qui se trouve là-bas.

Je vous en lirai chaque page, si vous le voulez, sénateur. J'ignore quels documents vous aimeriez avoir. Le gouvernement dit qu'il a 80 à 100 000 documents. Nous avons tous les documents qui sont, je pense, pertinents, d'après ce que j'ai pu voir. Le gouvernement a remis à M. Matthews ce qu'il a, lui, jugé pertinent. Il y a eu d'autres documents qui ont été produits pendant tout cet exercice par le gouvernement, et dont certains ont été censurés et comportent maintenant des trous. Fort heureusement, j'ai pu fournir à M. Nelligan les versions non censurées de ces documents. Pourriez-vous me préciser exactement quels documents selon vous pertinents manquent toujours?

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, d'après ce que j'ai compris, en réponse à la demande de M. O'Brien, les personnes qui ont comparu devant le comité lui ont fourni des documents jugés par eux être pertinents dans le contexte de l'étude du comité. C'est en tout cas ce qu'a fait M. Hession. Ils n'ont pas demandé aux membres du comité d'aller dire lesquels étaient pertinents. J'aimerais tout simplement...

Le sénateur Lynch-Staunton: Le gouvernement devrait nous traiter aussi bien. Il nous oblige à faire une sélection.

Le sénateur Bryden: Sénateur, vous êtes très sélectif. Le comité a... ce sont des pouvoirs qui appartiennent au comité. Ce n'est pas moi qui les ai rédigés.

M. Matthews: À qui est adressée la lettre, l'invitation dont vous avez lu un passage? À qui cette invitation était-elle adressée?

Le sénateur Bryden: La lettre était adressée à Gordon Baker.

M. Baker: Et je suis ici.

M. Matthews: Et il est ici.

Le sénateur Bryden: Vous avez choisi de ne pas fournir d'autres documents que ces 80 livres de papiers qui sont là.

M. Baker: Quels documents aimeriez-vous lire? J'ai une boîte ici. Deux volumes. Nous avons le bail foncier.

Le sénateur Tkachuk: Je ne me souviens pas d'un autre témoin qui soit venu ici avec davantage de documents.

M. Baker: Sénateur Bryden, je pense que j'ai apporté davantage de documents que tout autre témoin, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Bryden: Combien de volumes de documents ont jusqu'ici été inscrits au registre du greffier?

Le sénateur Lynch-Staunton: Quel registre? Le registre officiel ou le vôtre?

Le sénateur Bryden: Le sait-on, monsieur Nelligan?

M. Nelligan: Nous avons d'innombrables classeurs qui nous ont été fournis par le ministère de la Justice. Je ne parlerai pas de volumes, car il arrive souvent que nous mettions quatre volumes dans un seul classeur. Quoi qu'il en soit, nous en avons un très grand nombre. Nous avions demandé au gouvernement de nous fournir des documents pertinents, ayant convenu qu'il ne nous fallait pas les 180 000. Nous avons jusqu'ici accepté la définition de «pertinent» donnée par le gouvernement.

En ce qui concerne les témoins indépendants, il est arrivé, à l'occasion, qu'un témoin ait apporté un ou deux documents jugés par lui être pertinents.

Je préciserai, sénateur, que le texte de la lettre dit, en anglais «pertinent» plutôt que «relevant» pour ce que cela vaut. C'est en tout cas le cas du texte d'une des lettres que j'ai vues.

Le sénateur Bryden: Vous avez sans doute raison. Cela dit bien «pertinent». J'ignore quelle différence il peut y avoir entre les deux termes.

M. Nelligan: En ce qui concerne M. Vineberg, lorsqu'il a reçu la lettre il m'a répété qu'ils avaient des pièces remplies de documents. Je l'ai rassuré en lui disant que nous accepterions son estimation de ce qui pouvait être pertinent. C'est une question de jugement.

Je pense que M. Baker a abordé la chose de la même façon. Selon moi, M. Baker, ne sachant pas quelles autres questions vous pourriez lui poser, a apporté avec lui un certain nombre de documents. Il n'en a cependant pas fait faire chaque fois 20 copies pour le comité car j'imagine qu'il ne les jugeait pas pertinents. Quoi qu'il en soit, il les a apportés avec lui au cas où vous vouliez voir quelque chose.

Il est très difficile dans un cas comme celui-ci d'avoir tout sous la main, mais je sais que dans le cadre de tout le processus de litige, des définitions ont été données. Je pense que le gouvernement a obtenu auprès du groupe Matthews la plupart des documents qu'il juge pertinents et qu'il nous les avait fournis avant même que M. Baker ne témoigne.

Le sénateur LeBreton: Un petit éclaircissement, monsieur le conseiller juridique. Ai-je raison de dire que ces deux volumes ont été fournis à tous les membres présents lors de la séance du Comité permanent de la justice et des questions juridiques? Que ces deux volumes ont été fournis à tous les sénateurs? Les deux volumes que vous avez devant vous, vous les aviez déjà au Comité de la justice.

M. Baker: Je pense qu'on les avait au comité. J'ignore si une version abrégée...

Le sénateur Bryden: Je suis certain qu'ils étaient là, mais...

Le sénateur Lynch-Staunton: Que voulez-vous? Qu'est-ce qui vous manque?

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, nous sommes en train de mener une enquête. Je suis certain que M. Matthews, qui occupe un poste équivalent à celui de M. Bronfman...

Le sénateur LeBreton: Il n'est pas ici.

Le sénateur Tkachuk: Il n'est pas ici, mais M. Matthews est ici en tant que propriétaire des compagnies. Il avait des administrateurs, tout comme M. Bronfman. M. Coughlin était ici. Nous avons déjà rencontré l'un des administrateurs, M. Hession. Nous espérons recevoir mardi ou la semaine prochaine, ou en tout cas bientôt, M. Matthews, à qui vous pourrez poser toutes ces questions.

Je veux dire... je n'ai pas discuté aujourd'hui avec M. Matthews des raisons pour lesquelles il est ici. J'imagine qu'il est ici parce que M. Nixon a jugé bon de faire figurer son nom partout dans le rapport et qu'il est ici pour défendre sa réputation. Alors posons donc nos questions et ne parlons pas de bribes de documents qui sont peut-être là, peut-être pas.

Le sénateur Bryden: J'ose espérer...

M. Baker: Monsieur le président, ai-je raison de dire que M. Matthews a reçu une lettre lui demandant de venir comparaître en tant que témoin?

Le président: M. Jack Matthews?

M. Baker: M. Donald Matthews.

Le président: Oui.

Le sénateur Jessiman: Et pourquoi pas Bronfman?

M. Baker: On m'a demandé à moi aussi.

Le sénateur LeBreton: Et on n'a pas demandé la même chose à M. Bronfman?

M. Baker: Je ne vois pas très bien quel est le problème du sénateur Bryden. C'est le comité qui décide des témoins qu'il veut entendre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si vous me permettez, monsieur le président, le problème est que M. Matthews et M. Jelinek sont les deux seules personnes qui font l'objet de remarques très peu flatteuses, c'est le moins qu'on puisse dire, dans le rapport Nixon. Et si M. Matthews est venu ici uniquement pour se défendre, alors il est le bienvenu. Qu'il se défende bien ou non, ce sera à nous de juger.

M. Nixon, dans son rapport officiel, après avoir fait une description du rôle de M. Matthews, dit que cela, ajouté à un processus imparfait, peut peut-être nous amener à craindre que le favoritisme ait joué un rôle dans tout cela. MM. Matthews et Jelinek et d'autres ont été accusés d'avoir recouru au favoritisme pour obtenir un contrat.

Dans l'autre rapport, l'ébauche qui, soit dit en passant, est datée... du lendemain de la date de dépôt du rapport officiel, mais l'on s'en remettra à M. Nixon pour qu'il tente de nous expliquer cette approche biscornue. Il dit que Donald Matthews, le principal administrateur de Paxport Inc., avait été président de la campagne d'investiture de Mulroney en 1983, président du Parti conservateur et que l'agent de financement en chef, Otto Jelinek... etc. Cela laisse inévitablement l'impression qu'il y a eu faveurs politiques.

Ce que dit M. Nixon, c'est que parce que vous êtes lié au Parti progressiste-conservateur du Canada cela laisse inévitablement l'impression qu'il y a eu favoritisme. Le nom, la réputation et la famille de M. Matthews ont été mis en cause et il nous a, je pense, fait ce matin un exposé très réfléchi et très chargé sur ses préoccupations quant à l'incidence qu'ont eu sur lui-même, sa famille et ses anciens employés les propos qui ont été tenus ici et ailleurs, ici signifiant les rapports Nixon et ailleurs la Chambre des communes, où l'on a entendu des ministres et d'autres. Pour cette seule raison, il est le bienvenu ici et il a le droit de défendre son nom.

Sénateur Bryden, au lieu d'ergoter sur le nombre de livres de documentation que vous avez, M. Baker devrait prendre le rapport Nixon, s'il y croit, et dire à M. Matthews: «Monsieur Matthews, je crois ce que dit Nixon. Si vous ne croyez pas ce que dit Nixon, monsieur Matthews, merci d'être venu, d'avoir dénoncé les mensonges contenus dans son rapport ou ses rapports». Mais arrêtez de tourner autour du pot et de dire: «Vous n'avez reçu que 50 livres ou 14 volumes ou autre». Cela est sans importance aucune.

M. Matthews a été calomnié dans le rapport Nixon, qui a été diffusé d'un bout à l'autre du pays et dont on parle depuis un an et demi et, Dieu soit loué, le Sénat du Canada lui a donné la possibilité, ainsi qu'à d'autres, de venir se défendre.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, puis-je poursuivre?

Le président: Oui.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, j'aimerais renvoyer le comité au mandat que nous avons reçu et qui dit qu'un comité sénatorial spécial a été chargé d'étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, et de faire rapport à ce sujet.

Si j'ai bien compris, il est de mon devoir, en tant que membre du comité, de poursuivre ce travail.

Le sénateur Lynch-Staunton: Bravo! Bravo!

Le sénateur Bryden: Je ne vois nulle part dans le texte du mandat la moindre mention du fameux rapport Nixon.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est sous-entendu lorsqu'on parle de l'annulation, les événements ayant mené à l'annulation des accords.

Le sénateur Bryden: Bien sûr.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous forcez vraiment les choses, John.

Le sénateur Bryden: Je perds également beaucoup de temps à cause de vos interruptions.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vous donnerai tout le temps qui m'est alloué. Si vous allez être aussi épouvantable, je ne pourrai pas faire mieux. Vous n'aurez qu'à prendre le temps qui me revient.

Le président: À l'ordre. À l'ordre.

Le sénateur Bryden: Par chance, en photocopiant l'ordre du jour des débats du Sénat contenant le mandat du comité chargé d'examiner les accords relatifs à l'Aéroport international Pearson, je suis tombé sur des observations faites par le sénateur Lynch-Staunton au sujet de la création du comité, et j'aimerais ne vous en citer qu'une phrase:

Nous devons cependant tous être conscients du fait que nous allons convenir de nous engager dans une activité de comité tout à fait différente de ce dont nous avons l'habitude, soit une activité qui pourrait se comparer au travail que ferait une commission d'enquête judiciaire, voire une commission royale.

Je serais porté à partager cet avis. Et étant donné qu'au Comité des transports, un membre du groupe Matthews a dit préférer qu'une commission d'enquête judiciaire ou qu'une commission royale soit chargée d'enquêter là-dessus...

Le sénateur Jessiman: Tout comme nous.

Le sénateur Bryden: Précisément. Et dans une telle situation, les personnes comparaissant dans le cadre d'une enquête de ce genre qui ressemble, comme l'a dit le sénateur Staunton, à la nôtre, seraient censées fournir un maximum de renseignements... et si, en fait, nous n'avons pas accès... Vous avez parlé d'une citation à fournir des documents. Nous ne pouvons pas faire de citation. Nous ne pouvons pas faire ce que peut faire une commission d'enquête; en d'autres termes, si nous craignons de ne pas disposer de tous les documents pertinents, nous ne pouvons pas demander une citation ou un mandat ni envoyer quelqu'un fouiller vos bureaux ou votre résidence ou autre. Je n'entends pas perdre ma peine et mon temps. Ce que je tente de faire ici c'est d'utiliser le temps à ma disposition pour obtenir un maximum de renseignements sur des faits.

M. Matthews: Sénateur, permettez-moi de vous interrompre un instant. Je ne voudrais pas que vous pensiez que je suis venu ici uniquement pour déplorer mes circonstances personnelles. Je pensais vous fournir des renseignements plutôt intéressants relativement à certaines activités qui ont eu lieu, car le comité a passé beaucoup de temps à discuter avec des gens qui ne savaient pas ce qui se passait, et je songe ici tout particulièrement à la discussion avec Charles Bronfman et al visant l'organisation de Mergeco.

Je vous ai expliqué comment les choses se sont déroulées en ce qui me concerne. Les seules personnes au courant avec lesquelles vous en avez parlé avant aujourd'hui, ce sont celles que vous avez vues hier et qui vous ont présenté les choses selon leur perspective. Vous avez maintenant deux récits de deux perspectives différentes et ces récits sont plutôt compatibles.

Cela devrait apaiser les craintes que vous pouviez avoir.

Quant à la question de la capacité de financement, je pense...

Je voulais tout simplement expliquer que l'on a discuté d'un certain nombre de choses intéressantes aujourd'hui et que notre discussion pourrait être utile à ceux qui cherchent une solution au problème qui est survenu. D'une façon ou d'une autre, la fonction publique estime et est convaincue que le processus suivi a été bon et qu'elle a retenu et négocié un bon contrat et que pour des raisons qu'on ne cerne pas très bien il y a eu des difficultés. Il est très important pour l'avenir du pays que nous sachions pourquoi les choses se sont déroulées ainsi.

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, je ne conteste pas ce que vous dites. Vous avez traité d'un certain nombre de choses intéressantes ce matin et je vous ai écouté très attentivement. L'un de vous m'a demandé quels documents j'aimerais avoir. Eh bien, on a demandé à M. Hession s'il avait gardé un journal pendant cette période et il a répondu que oui. Il nous a remis son journal pour 1990, 1991, 1992 et 1993. Son journal a été très librement barbouillé de liquide correcteur blanc, mais nous l'avons néanmoins en mains. Il était votre employé.

M. Matthews: C'est exact.

Le sénateur Bryden: Avant que je ne vous interroge au sujet...

Le président: Lorsque vous dites qu'il a été barbouillé de liquide correcteur, vous devriez expliquer pourquoi.

Le sénateur Bryden: Me voilà de nouveau en difficulté. La question qui a été posée à M. Hession était, quelles que soient ses fonctions... je pourrai vous trouver la référence ici quelque part. C'est le 2 août 1995, 0945-45. J'ignore s'il s'agit des bleus ou de la version finale, mais c'est l'un ou l'autre. Je lui demandais s'il tenait un journal.

Si oui, êtes-vous prêt à fournir au comité des exemplaires de ces agendas et de ces carnets... laissez-moi finir. Vous pourriez en vérifier le contenu en toute confidentialité avec le conseiller juridique du comité afin d'en retirer toutes les références personnelles ou non reliées à cette question.

Et en passant, monsieur Nelligan...

M. Nelligan: Cela a été fait. On m'a fourni les originaux tels quels. Je les ai fait examiner par mon greffier et nous sommes convaincus que n'ont été supprimées que les déclarations d'une nature purement personnelle et que toutes les entrées liées aux affaires de l'auteur du journal ont été photocopiées et remises au greffier du comité.

Le sénateur Bryden: Je voulais tout simplement en être certain, car je vais... puis-je poser la question suivante: si vous avez un journal intime, et si Jack Matthews était le président ou le principal responsable, et s'il a un journal intime, seriez-vous... pour cette période, seriez-vous prêt à le fournir au comité dans les mêmes conditions?

M. Matthews: Je ne sais pas. Je ne peux pas me prononcer au nom de Jack Matthews. Il devra lui-même se prononcer là-dessus. Je ne tiens pas de journal du genre.

Le sénateur Bryden: Très bien.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je me demande si M. Nixon en tient un.

Le sénateur Bryden: Je ne sais pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous devrions nous renseigner. Bonne idée. Il en existe peut-être deux versions.

Le sénateur LeBreton: Ou trois.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pour les années bissextiles et non bissextiles.

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, vous avez évoqué cela ce matin... je tiens à préfacer mes remarques, car sur certains plans nous ne sommes pas si dissemblables que cela, étant donné que nous sommes tous deux pères et grand-pères et que nous en avons gagné et que nous en avons perdu. Nous avons fait de l'argent et perdu de l'argent, etc. Une autre de nos caractéristiques communes est que les gens se souviennent de nous à cause de nos allégeances politiques, et ce, quoi que nous fassions. Les questions que je vais donc maintenant poser...

M. Matthews: J'ai, voyez-vous, une perspective différente. Peu m'importe quelle perspective politique a une personne; ce qui compte, c'est qu'elle en ait une.

Le sénateur Bryden: C'est la même chose pour moi.

M. Matthews: Je respecte tout le monde, y compris vous, même si nous ne jouons pas toujours le même jeu.

Le sénateur Bryden: Permettez-vous que je passe un peu tout cela en revue? Vous étiez président du Parti progressiste-conservateur dans les années 1970, n'est-ce pas?

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Certains de ces renseignements sont peut-être contenus dans votre déclaration, mais je n'écris pas assez vite pour pouvoir tout suivre.

Le sénateur Tkachuk: Quelle année?

M. Matthews: J'ai été élu à l'automne 1971, il me semble, et j'ai été défait au printemps 1974.

Le sénateur LeBreton: Et vous étiez un très bon président.

M. Matthews: Merci beaucoup.

Le sénateur Bryden: Avez-vous également été vice-président du Fonds PC du Canada?

M. Matthews: C'est exact.

Le sénateur Bryden: À quelle époque?

M. Matthews: Le premier ministre a fait appel à moi en 1983, et j'ai occupé ce poste jusqu'en 1989.

Le sénateur Bryden: Et dans le cadre de ce poste, vous leviez des fonds pour le Parti progressiste-conservateur?

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela est bien choquant. Vous avez fait cela? Vous avez levé des fonds pour un parti politique et vous avez favorisé le processus démocratique? Quelle honte. Et pour les Tories, par-dessus le marché. C'est épouvantable.

Le sénateur Bryden: Cela ne vous semble-t-il pas...

Le sénateur Lynch-Staunton: Rien d'étonnant à ce que M. Nixon l'ai nommé dans son rapport.

Le sénateur Jessiman: Nous poserons les mêmes questions à M. Nixon.

Le sénateur Bryden: Cela ne ressemble-t-il pas à une enquête judiciaire?

Le sénateur Lynch-Staunton: Oh la la. C'est choquant. Je suis heureux que toutes ces révélations émergent au grand jour.

Le président: Collègues, j'ajoute du temps à la période allouée au sénateur Bryden à chaque interruption.

Le sénateur Lynch-Staunton: Donnez-lui tout mon temps, je vous en prie. Il nous aide.

Le sénateur Bryden: Pour terminer, vous vous êtes présenté aux élections pour les Progressistes-conservateurs en 1968 et en 1972, mais sans succès.

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Vous connaissiez, ou plutôt vous connaissez personnellement Brian Mulroney, car ce n'est pas une activité passée?

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Quand avez-vous pour la première fois rencontré Brian Mulroney?

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, que cela a-t-il à voir avec ce qui nous occupe?

M. Matthews: Il était plutôt jeune.

Le sénateur Lynch-Staunton: Tout cela est irrecevable.

M. Matthews: Dans les années 60.

Le sénateur Bryden: Dans les années 60.

Le sénateur Tkachuk: La rencontre a-t-elle eu lieu à un bal ou quelque chose du genre?

M. Matthews: C'était un congrès du PC.

M. Matthews: Quelques petites choses, étant donné qu'on parle vie personnelle ici. Premièrement, j'aimerais vous féliciter sur votre succès au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Bryden: Merci. Je ne peux pas faire ce genre de choses, mais je peux diriger une campagne électorale.

M. Matthews: La deuxième chose que j'aimerais que vous sachiez est que j'ai été pendant deux ans président du CCF Club à l'université Queen's.

Le sénateur Lynch-Staunton: Sénateur Stewart.

Le sénateur Stewart: C'est choquant d'un bout à l'autre.

Le président: Je ne sais pas ce que vous avez tous mangé au déjeuner.

Le sénateur Kirby: C'était mieux que ce qu'on a eu pour le petit déjeuner, monsieur le président.

Le sénateur Bryden: Le voyez-vous régulièrement en société?

M. Matthews: Non.

Le sénateur Bryden: Une fois par an, deux fois par an?

M. Matthews: Non.

Le sénateur Bryden: L'avez-vous jamais vu en société lorsqu'il était premier ministre?

M. Matthews: En société uniquement dans le sens... il m'invitait de temps à autre au 24 de la rue Sussex. Le plus petit groupe là... ce que je veux dire, c'est que je n'ai jamais déjeuné en tête à tête avec lui, mais j'étais là et il y avait peut-être une vingtaine d'autres personnes.

Vingt, c'était le plus petit groupe, mais je pouvais tout aussi bien être entouré de milliers d'autres personnes.

Le sénateur Bryden: Avez-vous jamais discuté du rapport Paxport avec M. Mulroney?

M. Matthews: Je n'ai jamais discuté d'un quelconque aspect de l'aéroport Pearson avec le premier ministre, et il n'en a jamais discuté avec moi.

Le sénateur Bryden: Très bien. Avez-vous présenté M. Hession à M. Mulroney?

M. Matthews: Oh la la. Je ne peux pas vous dire cela.

Le sénateur Bryden: Très bien.

Le sénateur LeBreton: M. Hession était un fonctionnaire ici.

M. Matthews: Je ne pense pas, mais je ne peux pas l'affirmer.

Le sénateur Bryden: Vous souvenez-vous de la soirée de levée de fonds du 22 avril 1992, tenue dans un hôtel de Mississauga, au cours de laquelle vous avez subi un passage sur le gril?

M. Matthews: Ce n'était pas une soirée de levée de fonds pour le Parti conservateur. C'était une activité organisée à l'intention d'un organisme de charité à Mississauga.

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, vous souvenez-vous si le premier ministre Mulroney était là?

M. Matthews: Non, il n'était pas là. Non, je ne le pense pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: En passant, que cela a-t-il à voir avec l'aéroport Pearson? Ai-je manqué quelque chose?

M. Matthews: Si ma mémoire est bonne, il n'était pas là, mais je n'en suis pas certain.

Le sénateur Bryden: Je pense que cela est raisonnablement pertinent. Il y a certains indices voulant que la main de M. Mulroney ait d'une façon ou d'une autre dirigé toute cette affaire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ah bon? Bien.

Le sénateur Bryden: Et pour revenir, sans pouvoir le citer, au...

Le sénateur Lynch-Staunton: Précisément.

Le sénateur Bryden: Rapport Nixon...

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est fondé que sur des ouï-dire.

Le sénateur Bryden: Si l'on vous accuse -- il me semble que c'est l'expression qu'a employée Lynch-Staunton -- d'avoir bénéficié de favoritisme grâce à vos relations avec le premier ministre, ce doit être jusqu'à un certain point pertinent si relations il y a. Et vous avez justement dit que vous êtes amis.

M. Baker: Avant que M. Matthews ne réponde à la question, sénateur, cela vous ennuierait-il de nous fournir, à M. Matthews et à moi-même, une copie de ces preuves?

Le sénateur Bryden: Quelles preuves?

M. Baker: La preuve que la main de M. Mulroney -- je ne sais trop comment vous avez dit cela -- est intervenue là-dedans. Je veux parler de la déclaration que vous avez faite.

Pourriez-vous nous fournir ces éléments de preuve maintenant afin que nous puissions les passer en revue avant de répondre? Je voudrais bien pouvoir voir le document, sénateur. C'est très important.

Le sénateur Bryden: Les preuves ont été déposées. Certaines preuves ont été déposées hier.

M. Baker: Où sont les preuves? J'aimerais les voir, sénateur.

Le sénateur Bryden: Je vais vous les fournir. Nous pouvons reporter la question. Si je dis cela c'est que cela figure dans une liste de documents qui a été très soigneusement compilée et que j'ai ici, en vue de pouvoir en fournir des copies à tout le monde au fur et à mesure. Si l'ordre est défait, alors je ne saurai pas comment faire pour les retrouver. Quoi qu'il en soit, les preuves sont là. Et elles seront fournies. Vous n'êtes pas tenu de répondre à la question tant que je ne les ai pas retrouvées, mais au rythme où vont les choses, ce pourrait bien n'être que la semaine prochaine.

Connaissez-vous M. Don Edwards, qui était candidat à la chefferie? Connaissez-vous Jim Edwards, qui était le candidat pour...

M. Matthews: Oh, Jim Edwards, oui. Oui, je le connais.

Le sénateur Lynch-Staunton: Un chic type.

Le sénateur Bryden: Vous l'avez appuyé pendant la campagne pour la direction du parti?

Le sénateur Lynch-Staunton: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Peu m'importe qu'on pose toutes ces questions au témoin: qui connaissez-vous? qui ne connaissez-vous pas? Mais que cela a-t-il à voir avec l'enquête? Quelle importance qu'on connaisse M. Edwards, M. Mulroney ou M. Hession? Que cela a-t-il à voir avec notre mandat? Le sénateur Bryden pourrait-il nous expliquer ce que l'amitié de M. Matthews ou de quiconque a à voir dans tout cela?

Le président: Peut-être que je pourrais le faire, moi, au nom du sénateur Bryden, au risque de me rendre très impopulaire auprès de mes collègues. Le rapport Nixon laisse entendre qu'il a pu y avoir manipulation et faveurs politiques, et le sénateur Bryden pose ces questions dans le but de déterminer dans quelle mesure il a pu y avoir favoritisme.

Le sénateur LeBreton: Mais il n'accepte pas la réponse.

Le président: Allez-y, sénateur Bryden.

Le sénateur Lynch-Staunton: Donnez-lui le bénéfice du doute. Allez-y. Vous pouvez disposer du temps qui me revient normalement.

Le sénateur Bryden: Au risque de dire quelque chose que je ne devrais pas dire, ce que j'essayais véritablement de faire c'était d'établir les bases nécessaires pour renvoyer à la meilleure documentation dont nous disposons, soit celle fournie par les agendas de planification que votre employé, Ray Hession, a mis à la disposition du comité, de façon à pouvoir cerner le genre d'activités politiques et de lobbying, etc. qui ont été menées pour le compte de Paxport pendant cette période.

Monsieur le président, ayant obtenu la reconnaissance du droit de les utiliser -- et je compte que ceux-ci seront mis à notre disposition -- je constate que ma demi-heure est maintenant terminée et je vais donc m'arrêter là, car si je me lance dans cette autre question, j'aimerais bien savoir que je dispose d'une période ininterrompue d'au moins une demi-heure.

Le sénateur LeBreton: Merci, monsieur le président, et merci à MM. Matthews et Baker d'être venus nous rencontrer. C'était sincère lorsque j'ai dit que vous aviez été un très bon président.

J'aimerais revenir encore sur la question de la fusion avec Claridge, comme je l'ai fait hier avec les représentants de Claridge. Il a été dit en comité, et on en entend maintenant parler par les gens de la presse, qu'il se pourrait que cet accord ait résulté de collusion entre les parties.

La chronologie est importante ici. Nous savons que 17 mois se sont écoulés entre l'annonce faite par le gouvernement et la Demande de propositions. Nous savons que les propositions ont été remises à une équipe d'évaluation indépendante. Nous savons que cette équipe s'est réunie pendant l'été 1992 et nous disposons de documents montrant que tous les participants, y compris, j'ajouterais, M. Chern Heed, qui s'est avéré être, plus tard, l'un des critiques, ont signé l'évaluation le 28 août 1992. Les vérificateurs ont fait rapport au sous-ministre d'alors, Huguette Labelle, le 18 décembre 1992 et il y a également dans le dossier une lettre au ministre datée du 26 octobre.

Tout cela pour dire que même si l'annonce publique n'est intervenue que le 7 décembre 1992, Transports Canada avait en mains les recommandations du comité d'évaluation selon lesquelles la proposition de Paxport était la meilleure proposition acceptable. Nous avons d'ailleurs entendu des témoignages qui confirment cela et M. Baker a été interrogé sur le rapport Edlund. Selon certains témoignages, l'industrie était intervenue. Il y a donc manifestement eu beaucoup de discussions là-dessus dans divers cercles gouvernementaux.

J'aimerais vous renvoyer à une question posée par le sénateur Bryden le 2 août 1995. Je me rapporte bien sûr ici au texte officiel publié, sénateur Bryden. Étant donné que vous étiez occupé à faire de la politique au Nouveau-Brunswick, vous n'avez sans doute pas eu l'occasion d'examiner le document.

Le sénateur Bryden: Mes activités politiques ont abouti.

Le sénateur LeBreton: C'est vrai. Nous, nous avons recueilli 31 p. 100 des voix. C'est pas mal.

Je vous renverrai à une question du sénateur Bryden dans le fascicule 9, page 49:

Il y a une quetion que je me pose quand on voit le résultat auquel on est arrivé, avec ces deux concurrents qui se rencontrent, négocient et finissent par conclure une entente correspondant à ce qui s'appelait Mergeco... il me semble que cela constitue un marché à fournisseur unique.

Et il a poursuivi:

...le processus utilisé qualifié de «processus concurrentiel efficace»... n'etait peut-être qu'un faux-semblant destiné à permettre à cela de se faire?

Monsieur Matthews, monsieur Baker, avant le 7 décembre 1992, y a-t-il eu des discussions entre vous-mêmes ou quelqu'un travaillant pour votre organisation et l'un des administrateurs de Claridge au sujet d'une fusion?

M. Matthews: Pas du tout. Nous ne parlions pas.

Le sénateur LeBreton: C'est plus ou moins ce que je me suis dit en écoutant certains des... très bien.

Deuxième question : avant le 7 décembre 1992, quelqu'un du Cabinet du premier ministre ou du Bureau du Conseil privé a-t-il exercé quelque pression que ce soit pour amener cette fusion avec Claridge?

M. Matthews: Non.

Le sénateur LeBreton: Vous avez déjà expliqué ce qui s'est passé. J'allais vous demander ce qui s'est passé après le 7 décembre. Vous avez déjà parlé de l'appel téléphonique à Charles Bronfman et vous avez dit qui avait pris l'initiative de lancer les discussions.

Quels ont été les facteurs déterminants, et -- je pense que vous avez déjà mentionné cela dans votre réponse, mais je vous repose la question -- qu'est-ce qui vous a amené à vous ranger avec Claridge, étant donné que Claridge -- et hier, M. Coughlin a reconnu à plusieurs reprises que vous auriez pu... vous savez, il était évident que vous auriez pu faire cavalier seul.

Pourquoi vous êtes-vous mis avec Claridge?

M. Matthews: Eh bien, mon objectif au départ pour les rencontrer ou du moins pour téléphoner, était de mettre fin... la situation existait depuis un bon moment. Depuis plus d'un an. Il peut y avoir beaucoup d'amertume avec une grosse société. Il fallait que... il n'était pas possible de laisser les choses telles quelles et d'espérer exploiter les aérogares 1 et 2 avec l'aérogare 3 en harmonie ou en collaboration. Voilà donc quelle avait été ma réaction initiale.

Lorsque Jack et Peter Coughlin et d'autres se sont retrouvés et, soit dit en passant, c'était très proche... on s'en est tenu là. On n'a pas dit à grand monde, pas même à Ray Hession, ce qui se passait. Ce n'est pas que je ne voulais pas le dire à Ray. C'est parce qu'il n'était pas nécessaire qu'il soit dans la boucle. Gordon Baker le savait, Jack le savait et Peter Kozicz le savait, de notre côté. C'était extrêmement serré jusqu'à ce qu'on décide enfin de travailler ensemble. Il me semble que c'était en janvier.

Mais la réalité est qu'ils avaient l'aérogare 3.

L'aérogare 3, si l'on pouvait s'en servir intelligemment pendant la durée du programme de reconstruction... il y avait des synergies d'une valeur de l'ordre de 75 millions de dollars, ainsi que des synergies d'un point de vue opérationnel d'une valeur de 4 millions de dollars par an. Il n'était donc pas possible de voir ce genre de choses et de les ignorer. Nous nous y sommes donc penchés. Bien sûr, l'idée de détenir une partie de l'aérogare 3 nous plaisait et... il y avait donc un certain intérêt pour nous. Nous avons donc... c'est ce qui nous a amenés à aller de l'avant.

Le sénateur LeBreton: M. Coughlin a dit lors de sa comparution...

M. Matthews: En fait, à cause de ces synergies, nous allions au bout du compte faire un petit peu plus d'argent en en étant propriétaires à moitié plutôt qu'en étant seuls propriétaires des aérogares 1 et 2.

Le sénateur LeBreton: M. Coughlin a dit hier que -- vous venez de dire ce qui s'est passé de votre côté -- qu'il a fait appel à son équipe de relations avec le gouvernement, et il semble qu'il y ait eu beaucoup de conjectures à Transports Canada, mais, connaissant la ville comme je la connais, dès qu'une poignée de personnes sont au courant, beaucoup de personnes sont au courant... et...

M. Matthews: Vous savez, c'est sans doute la première fois que j'entends des preuves voulant que ç'ait été une bonne idée d'embaucher ces personnes. Nous n'avons pas dépensé beaucoup d'argent sur ce que j'appellerais des lobbyistes. Nous n'avons pas beaucoup dépensé, contrairement à ce que dit le rapport Nixon. Ce n'est pas vrai. Et voilà donc quelle était la... notre situation. Nous n'avons pas entendu... je n'ai rien entendu jusqu'au jour où cela a été annoncé, et lorsque l'annonce a été faite, je dois vous dire que je me suis senti pas mal bien. C'est à ce moment-là que le ministre...

Le sénateur LeBreton: D'accord. D'accord. Mais, comme l'a dit M. Coughlin lors de sa comparution hier, il y avait des rumeurs dont il avait été question dans les journaux la fin de semaine précédente et il y avait beaucoup de spéculation, de conjectures, et cette ville est bien sûr la capitale de la conjecture. Nous le savons tous. Pourriez-vous décrire brièvement, même si vous... monsieur Baker, vous en avez parlé longuement dans votre exposé de ce matin, mais pourriez-vous nous décrire brièvement le cadre dans lequel s'est opérée la fusion à partir de janvier et de la lettre? Pourriez-vous nous expliquer par quelles étapes tout cela est passé avant d'arriver à la table? Nous exposer un peu le cadre extérieur?

M. Baker: Pour ce qui est du cadre, il y avait la Terminal 3 Limited Partnership, qui détenait l'aérogare 3, et nous allions avoir une société en commandite distincte pour les aérogares 1 et 2. En fait, les parties ont fusionné en ayant un intérêt égal dans les aérogares et en ayant une entente globale les couvrant.

Voilà en termes simples quel était le cadre.

Ce cadre et cette structure s'appuyaient sur certaines raisons fiscales et d'affaires. Les synergies dont j'ai parlé ce matin, les avantages, l'analyse des risques, la couverture, etc., l'avantage d'utiliser l'aérogare 3, la sécurité des passagers, les économies sur les plans coûts qui seraient transmises aux compagnies aériennes... S'agit-il là du genre de choses qui vous intéressent?

Le sénateur LeBreton: Mm.

M. Baker: Cela semblait très logique. C'était très logique, aux yeux des parties, de collaborer, d'être en régime de propriété commune pour faire aller et venir les avions et les passagers. Cela devait déboucher sur des économies sur les plans entretien, exploitation, contrats d'entretien, personnel de gestion, commercialisation... de façon à pouvoir être concurrentiels à l'échelle internationale sans avoir deux équipes de commercialisation et deux budgets.

Lorsqu'on finissait par trouver une compagnie aérienne qui voulait venir, il fallait d'abord obtenir la ratification d'ententes bilatérales entre les deux pays par l'intermédiaire de l'Association du transport aérien international, et il fallait tenir des réunions tous les six mois. Il fallait également convaincre Transports Canada que le locataire allait se rendre à votre aérogare et équilibrer le trafic. Il vous fallait donc également... vous ne contrôliez pas la décision finale quant à l'endroit où irait la compagnie aérienne. D'un point de vue concurrence internationale, si Toronto devait être la porte de l'Amérique du Nord, il semblait plus logique d'avoir une seule organisation de commercialisation.

Le sénateur LeBreton: Votre réponse amène la question suivante: avez-vous eu le sentiment que Transports Canada estimait que ce serait là une meilleure situation, si une seule compagnie exploitait les trois aérogares, auquel cas ils traitaient avec elle comme avec une entité gouvernementale ou, plus tard, si cela devait relever d'une AAL ou bien...

M. Baker: Je pense que oui et pour des raisons du genre: en cas de manquement de paiement, ils récupéraient tout l'aéroport, avec les trois aérogares. D'autre part, nous allions pouvoir accueillir le public voyageur avec moins de difficultés grâce au réaménagement. Il y avait des avantages du côté possibilité de déplacer les compagnies d'une aérogare à l'autre sans problème. Air France est passée de l'aérogare 1 à l'aérogare 2. Les revenus sont là-bas. Nous avons perdu. Il y a eu des pertes dans l'aérogare 3, dont nous sommes maintenant propriétaires.

Ces avantages sont des avantages opérationnels qui bénéficient aux compagnies aériennes ainsi qu'au public voyageur, et j'imagine et je pense que dans le cadre des négociations cela est ressorti comme un avantage important d'un fusionnement.

Le sénateur LeBreton: Il me semble en effet que M. Rowat a dit plus ou moins la même chose, soit que le modèle de Paxport présentait à Transports Canada une situation plus facile à gérer. C'était donc une proposition 50/50.

M. Baker: Oui.

Le sénateur LeBreton: C'était 50/50 jusqu'à ce que Ellis-Don, étant donné... vous savez, je ne sais pas très bien pourquoi ils se sont retirés, mais à l'époque, le marché de l'immobilier n'était pas fantastique, et Wood Gundy CIBC... Était-ce 50/50 jusqu'à ce moment-là?

M. Baker: Oui.

Le sénateur LeBreton: Se sont-ils retirés à peu près au même moment... Ellis-Don...

M. Baker: Non, non, ils se sont retirés à des moments différents. Ellis-Don se sont désistés très vite, je ne me souviens plus exactement quand. Puis Wood Gundy a finalement confirmé en août qu'ils ne participeraient pas.

Le sénateur LeBreton: Donc, la structure à ce moment-là était 50/50, puis elle est devenue autre chose.

M. Baker: La répartition est passée à 65/34 ou 35, 34,21/65,79.

Le sénateur LeBreton: Il n'a jamais fait de doute que l'offre ou la proposition resterait inchangée, même après la fusion? Seule la propriété changeait. Les négociations ont toujours eu pour base l'offre de Paxport?

M. Baker: Toujours sur la base de la soumission de Paxport. Cette dernière était nettement plus avantageuse, financièrement, pour le gouvernement. Il n'y avait aucune raison qu'il souhaite revenir à une offre qui dégageait moitié moins de revenus pour lui et de commencer à négocier sur cette nouvelle base. Cela aurait été insensé. De même, l'offre de Paxport avait été jugée la meilleure dans quatre des cinq catégories touchant la conception.

La seule exception était les avantages sociaux pour les employés, si bien qu'il aurait été tout à fait irrationnel de revenir à une autre proposition, et c'est toujours celle de Paxport qui a été prise pour base, ainsi que le montrent les notes de M. Broadbent, de M. Rowat et de M. Cappe. Il n'y avait aucun changement à cet égard. Seule changeait la composition du tour de table.

Le sénateur LeBreton: Ceci est une question du sénateur Tkachuk et j'ai toujours, pour ma part, considéré l'aérogare 1 comme un désastre, et nous nous sommes même disputés à ce sujet un jour. Rappelez-moi ce qu'il allait advenir de l'aérogare 1? Dans le cadre de la nouvelle proposition, allait-elle être réparée ou démolie? Ce n'est toujours pas clair à mes yeux.

M. Baker: Il est préférable de la démolir. On l'aurait démolie bout par bout et construit une nouvelle aérogare 1. Mais ce n'est pas -- il n'était pas souhaitable de la conserver. Si je me souviens bien, il y a actuellement une correspondance entre -- la structure se détériore.

Le sénateur LeBreton: Je sais. En fait, je m'y trouvais lorsqu'un morceau de plafond s'est effondré. Il a failli me tomber sur la tête.

M. Baker: Je crois savoir qu'il y a une correspondance dans vos dossiers. C'est une note de M. Desmarais à M. Mulder, l'informant des risques et de la nécessité peut-être imminente de fermer le garage, et faisant état des risques pour la sécurité et d'autres aspects. Je pense que c'était l'année dernière, l'été dernier.

Le sénateur LeBreton: J'ai justement ce document. Il est daté du 21 juillet 1994 et il...

M. Baker: Je pense que c'est lui.

Le sénateur LeBreton: C'est le document 00820436. Nous n'allons pas en traiter en détail, mais simplement -- je ne m'entoure pas habituellement de tant de documents, mais je conserve celui-ci car il recoupe mes préoccupations propres sur l'aérogare 1. M. Desmarais y dit à M. Mulder que si le ministre veut continuer à faire pression pour que la proposition soit acceptée, il préconiserait plutôt un projet plus important, avec de nouvelles pistes et la réfection et l'agrandissement des aérogares, qui dégagerait des retombées économiques plus importantes. Il ajoute que des réparations d'envergure s'imposent, faute de quoi la responsabilité civile du gouvernement pourrait être engagée.

Puisque c'est votre proposition que le comité d'évaluation a jugé la meilleure, qu'est-ce que Claridge apportait à la table d'autre que l'aérogare 3 et, bien sûr, l'apport financier?

M. Matthews: Claridge apportait beaucoup. Il y avait toute l'expérience avec l'aérogare 3, et bien sûr l'aérogare elle-même.

Le sénateur LeBreton: Oui. Juste un rappel. Vous avez indiqué -- je pense que c'était vous, monsieur Matthews -- que Matthews avait soumissionné ou présenté une proposition sur l'aérogare 3, mais que le contrat a été adjugé à Huang et Danczkzay.

M. Matthews: C'est juste.

Le sénateur LeBreton: Je n'ai pas d'autres questions.

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur Matthews, en attendant le retour de M. Baker, car certaines de mes questions s'adressent à lui, j'aimerais connaître de nouveau votre réaction aux allégations, aux insinuations, aux sous-entendus non fondés -- dans la mesure où des sous-entendus peuvent être fondés -- contenus dans les deux rapports Nixon voulant que votre présence soit une justification suffisante pour conclure que le favoritisme a joué un rôle dans toute l'adjudication des marchés qui ont été annulés.

Pour commencer, cela a dû beaucoup vous affecter. J'ai décelé dans votre déclaration antérieure que vous étiez très fier du travail que vous aviez accompli, ayant monté une entreprise de plusieurs millions de dollars avec un prêt de votre père, laquelle dégageait des profits jusqu'à il y a deux ans, pour tout voir anéanti à la suite de ceci et de devoir congédier vos employés. Mais, en laissant cet aspect de côté autant que possible, quelle est votre réaction à cette sorte de -- comment pouvez-vous répliquer? Pensez-vous que votre comparution à ce comité vous donne quelque possibilité d'apporter une réfutation et au moins de faire entendre votre version par ceux qui ont refusé de vous écouter avant de vous déclarer coupable? J'aimerais simplement connaître vos sentiments alors et aujourd'hui, et voir si vous êtes un homme de pardon.

M. Matthews: Je n'ai pas sombré dans l'amertume. Ce n'est pas mon genre. Je me bats de toutes mes forces, mais je ne ressens pas d'amertume. Actuellement, je travaille très dur pour rassembler les morceaux épars et je peux vous dire, ainsi qu'aux autres membres du comité, que les choses commencent à se remettre en place. J'en suis heureux et fier.

Je pense que ce qui est beaucoup plus grave est qu'un rapport ait été publié sans que l'on ait consulté aucun des intéressés, à ma connaissance, au sujet des accusations contre eux.

La plupart des gens, si on leur dit quelque chose de négatif au sujet d'une personne, vont voir celle-ci pour lui demander de s'expliquer. Si elle n'a pas d'explication, très bien. Mais si elle en a une, alors l'allégation est mise de côté.

M. Nixon n'a pas fait cela. Manifestement, il ne l'a pas fait. Or, sa responsabilité était de consulter tout le monde. S'il m'avait parlé de favoritisme ou de lobbying, j'aurais pu lui démontrer dans les deux cas que le problème ne se posait pas. D'ailleurs, pour ce qui est du lobbying, nous sommes sans doute, de tous les soumissionnaires, ceux qui avons dépensé le moins. Nous n'avons pas dépensé grand-chose en lobbying, et mon intention n'a jamais été de le faire. J'avais un excellent représentant en Bill Neville, auquel je porte la plus grande estime, et il rendait compte à Ray Hession, et cela fonctionnait très bien.

Le sénateur Lynch-Staunton: Eh bien, je trouve cela horrifiant. J'espère que ce n'est pas un précédent qu'un tel rapport soit publié, avec tant d'accusations anonymes, et dont il circule tant de versions qui font du tort à tant de gens. Mais laissons cela de côté pour le moment.

Monsieur Baker, en dépit des commérages du sénateur Bryden pour tenter de minimiser l'impact de ce qu'il appelle votre monologue ce matin, j'ai trouvé votre exposé extrêmement impressionnant. Quiconque lit votre mémoire avec l'esprit ouvert ne peut qu'être frappé par votre argumentation. Il appartiendra à ceux qui ont pour tâche de l'analyser d'en tirer les conclusions. Mais je ne veux pas entrer dans tout cela, en dépit de la tentation, mais puisque j'ai donné tant de mon temps au sénateur Bryden, je ne veux pas avoir à lui demander la pareille, et je vais donc être aussi bref que possible.

À la page 11, vous citez les avocats de la Couronne. Vous dites:

?«La Couronne ne présente pour sa défense aucune argumentation touchant la légitimité des contrats ni ne présente aucun fondement, contractuel, ou autre, à l'annulation des contrats».

C'était là une déclaration faite lors des audiences à Toronto; est-ce exact?

M. Baker: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui. Cela peut-il être interprété comme englobant les allégations voulant qu'il y aurait eu collusion entre les deux parties, que le tout était un coup monté? Si le gouvernement avait la moindre indication que les deux parties étaient de mèche et que le tout était un coup monté par avance, le gouvernement n'aurait-il pas invoqué cela pour sa défense?

M. Baker: Je suppose qu'il l'aurait certainement fait, sénateur, car cela aurait été un fondement légal pour annuler les contrats. Je suppose que la Couronne aurait fait valoir tout argument juridique qu'elle pouvait posséder pour justifier l'annulation. Mais puisqu'elle n'invoquait aucun fondement juridique, je ne peux que présumer qu'elle n'avait aucune preuve du bien-fondé de ces allégations.

Le sénateur Lynch-Staunton: Donc, devant le tribunal -- et je dis le tribunal, mais c'était peut-être quelque autre instance -- mais appelons cela un tribunal, la Couronne n'a présenté aucune argumentation, aucune preuve, aucune indication d'agissements impropres, depuis le moment où le processus a été lancé jusqu'à la conclusion, c'est-à-dire la signature des accords?

M. Baker: C'est juste, sénateur. Ayant lu les procès-verbaux de la procédure en justice en cours, la Couronne a également émis la position que le favoritisme et le lobbying ne sont pas en cause.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dans la pratique, ce que fait la Couronne devant le tribunal de Toronto, c'est réfuter le rapport Nixon.

M. Baker: Je pense que c'est effectivement le cas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui. M. Nixon n'a pas été cité à témoigner devant le tribunal au nom de la Couronne pour justifier les allégations qui ont conduit à tout cela.

M. Baker: Les allégations n'ont jamais été formulées, si bien qu'il n'y a aucune raison pour que M. Nixon comparaisse. Si les allégations avaient été formulées, alors il y aurait une raison de le faire déposer sous serment.

Le sénateur Lynch-Staunton: Donc, aucune des allégations contenues dans le rapport Nixon, ou dans les rapports -- nous en avons deux jusqu'à présent -- n'a été utilisée par la Couronne comme preuve ou comme argument à l'appui de sa position devant le tribunal de Toronto?

M. Baker: C'est juste, sénateur.

Le sénateur Lynch-Staunton: Eh bien, c'est certainement très révélateur. J'aimerais -- et c'est devenu une fixation, je le reconnais. Mais je pense que c'est essentiel pour comprendre et démystifier certaines des choses qui ont été dites pendant la campagne électorale, et qui peuvent se comprendre car dans le feu d'une campagne on peut se laisser emporter, mais qui ont été répétées depuis. Je veux parler de l'importance de la date du 7 octobre, du 7 octobre 1993.

M. Nixon, dans le rapport officiel, dit qu'avant la conclusion d'un accord ayant valeur légale -- avant la conclusion du contrat légal, le chef de l'opposition, aujourd'hui le premier ministre, avait clairement indiqué que les parties qui s'apprêtaient à conclure cette transaction -- peut-on dire que la transaction avait déjà été conclue bien avant le 7 octobre?

M. Baker: À mon avis, sénateur, il y avait une entente ferme et contraignante, intégrant tous les principes, le 26 août, lorsque le Conseil du Trésor, c'est-à-dire le cabinet, a donné son approbation. Il ne s'agissait plus après cela que de concrétiser les derniers détails.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vais vous citer le rapport Nixon -- le rapport officiel numéro un, le jour avant la version numéro un. Il dit également que le négociateur en chef pour le gouvernement du Canada a demandé par écrit l'ordre de conclure la transaction.

Peut-on dire que la transaction était alors déjà conclue?

M. Baker: Les instructions écrites portaient sur la transmission des documents déjà signés placés sous seing-privé et les conditions avaient toutes été remplies. Par conséquent, le gouvernement aurait enfreint ses obligations et se serait exposé à des poursuites s'il ne l'avait pas fait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais Nixon, dans son rapport officiel, dit:

Le 7 octobre 1993, il...

C'est-à-dire le négociateur en chef.

...a reçu des directives écrites précisant que le premier ministre avait demandé expressément que la transaction soit faite le jour même.

La question que je vous pose est donc de savoir si la transaction a été conclue le 7 octobre, ou si elle avait été conclue le 27 août, comme vous le dîtes, ou à quelque autre date antérieure.

Je sais que vous abordez tout cela sous l'angle juridique et que vous voulez me donner une réponse d'avocat. Mon idée est que -en fait, je n'ai pas d'idée du tout, je veux simplement savoir quelle est l'importance de cette date du 7 octobre, dans la pratique?

M. Baker: Cette directive ne faisait que libérer les documents placés sous seing-privé. Toutes les conditions et obligations des parties avaient été remplies.

Le sénateur Lynch-Staunton: Remontons donc un peu en arrière. En juin il y a eu une lettre d'entente non contraignante signée par Mme Labelle?

M. Baker: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et cela a déclenché un certain nombre de choses, c'était une étape -- et interrompez-moi si mon interprétation est fausse, car j'ai passé en revue tout cela hier avec M. Coughlin et ses associés -- veuillez m'excuser si ma question englobe en quelque sorte la réponse, je vais tâcher d'éviter cela aujourd'hui.

Mais nous avons une lettre en juin, une lettre d'entente non contraignante signée par le sous-ministre.

Cela déclenche de nouvelles discussions qui débouchent, fin août, sur une entente ou une autorisation du Conseil du Trésor et du cabinet, sous forme d'un décret donnant instruction au ministre des Transports de signer certains accords?

M. Baker: Ces accords étaient déjà tout prêts à ce moment-là.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ces accords étaient finalisés.

M. Baker: Ils ont été informés, ainsi que M. Brooks et M. Desmarais l'ont dit, qu'aucun changement substantiel ne pourrait être apporté à ces accords. On nous a dit que nous ne pouvions plus rien modifier à ces accords une fois qu'ils étaient présentés au Conseil du Trésor, et ils l'ont été -- je peux me tromper, mais je crois que c'était le 18. C'était quelque temps avant le 27. Tout était réglé.

Également, à ce moment-là, toutes les conditions principales des accords qui restaient à remplir avant l'entrée en vigueur avaient été fixées. M. Rowat l'a indiqué également dans son témoignage. Tout était donc virtuellement clos.

Comme je l'ai dit -- et j'ai lu ce matin le jugement de la cour d'appel concernant le moment à partir duquel un accord existe.

À mon sens, vu les autorisations habituellement requises pour de grosses transactions conclues avec le gouvernement du Canada -- et je connais la procédure pour l'avoir déjà suivie antérieurement, l'accord existait une fois obtenue l'approbation du Conseil du Trésor, l'approbation du cabinet.

L'accord devenait contraignant dès ce moment.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je pense que cela confirme ce que nous avons entendu hier et ce que nous ont dit d'autres témoins de la partie gouvernementale. L'autorisation et la confirmation, appelez cela comme vous voulez, la décision du 27 août, constituait un accord contraignant.

M. Baker: Oui, la décision était la décision effective du gouvernement...

Le sénateur Lynch-Staunton: Et toute marche arrière de la part de l'un ou l'autre partenaire aurait débouché sur de très désagréables...

M. Baker: Toute omission de l'une ou l'autre partie de finaliser la transaction de bonne foi ou de remplir les conditions aurait constitué un défaut d'exécution.

Le sénateur Lynch-Staunton: On nous a également dit -- et j'aimerais que vous confirmiez ou donniez votre version. On nous a également dit que la date du 7 octobre, pour parachever le tout, avait été fixée dès le mois de juin ou de juillet? Les parties...

M. Baker: Je crois que c'était en juillet...

Le sénateur Lynch-Staunton: ...se sont réunies et ont dit voilà, il ne reste plus que quelques petites étapes à franchir. Quel est le meilleur moment pour nous tous d'y mettre la dernière main, et quelqu'un a suggéré le 3 octobre et quelqu'un d'autre a dit que ce n'était pas une date pratique. On a donc décidé que le 7 octobre serait une date pratique pour tout le monde.

M. Baker: C'est juste.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est juste?

M. Baker: C'est juste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quand cela a-t-il été décidé?

M. Baker: Je pense que c'était début juillet.

Le sénateur Lynch-Staunton: Début juillet.

M. Baker: Début juillet, oui, je crois que c'était début juillet, et cela a été reconfirmé après l'approbation par le Conseil du Trésor.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et quelqu'un a-t-il dit: «Attendez une minute, nous avons là quelque chose de délicat sur les bras. Mulroney ou Mme Campbell vont devoir déclencher une élection avant la fin de l'année. Le 7 octobre pourrait bien tomber en plein milieu de la campagne. Cela pourrait déclencher une réaction négative, peut-être faudrait-il attendre un peu ou bien avancer la date»?

M. Baker: Pas que je me souvienne.

Le sénateur Lynch-Staunton: Parce que tout cela était une transaction commerciale en cours entre deux parties qui avaient fini par s'entendre et il était commode pour les deux de la conclure officiellement le 7 octobre, ensuite de quoi Pearson Development pouvait commencer la mise en oeuvre le 1er novembre.

Donc, si j'ai bien compris, les autorisations sont données au ministre des Transports le 27 octobre ou dans ces environs, et c'est une date...

M. Baker: Non, en août.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vous demande pardon? Qu'est-ce que j'ai dit, octobre? Non, le 27 août, merci de rectifier. Et c'est la date à laquelle les deux parties se sont mutuellement engagées dans un accord pour accomplir certaines choses. Et la ratification a eu lieu début octobre.

Ensuite, ainsi que M. Coughlin l'a confirmé hier, et je ne reviendrai pas là-dessus, le 7 octobre est simplement la date de la transmission des documents, car les conditions finales étaient remplies.

M. Baker: C'est juste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mme Bourgon sera là demain et nous allons certainement lui demander pourquoi elle a estimé nécessaire de consulter avant de -- pourquoi elle a cru nécessaire d'obtenir une directive du premier ministre pour faire ce qui paraissait inéluctable. Une fois les conditions remplies, quelle que soit la date, le gouvernement avait-il d'autre choix que de transmettre les documents?

M. Baker: Oui, il aurait pu faillir à ses engagements.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui. Il aurait pu faillir.

Mais il ne pouvait pas -- oui, il aurait pu se mettre en défaut. Il aurait pu refuser la transmission et se placer en défaut?

M. Baker: C'est juste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais il n'avait pas réellement de choix s'il voulait honorer l'accord qu'il avait conclu à la fin août?

M. Baker: C'est juste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Donc, le premier ministre n'avait pas réellement à être consulté, du point de vue juridique?

M. Baker: Non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non.

M. Baker: Pas le...

Le sénateur Lynch-Staunton: Et le premier ministre n'avait pas réellement le choix, même si elle avait été consultée -- et elle a été effectivement consultée. J'entends par là qu'elle ne pouvait pas dire non, à moins de placer le gouvernement du Canada en défaut et de l'exposer à Dieu sait quelles poursuites en justice qui allaient évidemment suivre.

M. Baker: Je ne peux me mettre à la place de ceux qui conseillent le premier ministre, mais la seule possibilité aurait été l'existence d'une raison juridique valable de ne pas conclure la transaction, c'est-à-dire l'omission de notre part de remplir une des conditions.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, juste en guise de clarification...

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, non...

Le sénateur Bryden: Juste une précision. Je tiens à ce qu'il soit bien entendu que l'avis exprimé ici est celui d'un témoin, un avocat, un avocat compétent certes, mais qui n'est pas une preuve nécessairement concluante que si les documents n'avaient pas été transmis le 7, il y aurait eu défaut d'exécution, ni quel fondement il y aurait pu y avoir pour refuser de transmettre. Seul un tribunal peut décider si cela aurait effectivement constitué une rupture de contrat.

M. Baker: Le tribunal -- et comme je l'ai dit ce matin, sénateur Bryden, dans la procédure en justice qui a suivi l'annulation des contrats par le gouvernement, aucun argument ni aucune preuve n'a été présenté établissant qu'il y aurait eu quelque fondement juridique à annuler les contrats.

Je ne peux que supposer que le 7 octobre il n'y avait aucun fondement juridique pour annuler les contrats. Et, par conséquent, nous serions dans la même situation maintenant, la cour d'appel ayant déjà cassé le jugement dans une décision sommaire qui a pris dix minutes.

Le sénateur Jessiman: Pas cassé. Il n'a pas cassé le jugement, monsieur. La cour d'appel a confirmé le...

M. Baker: Désolé, rejeté l'appel de la Couronne.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce que je pense avoir réussi à faire est de... minimiser l'importance de la décision prise le 7 octobre. M. Nixon, dans le rapport numéro deux, parle d'un «contrat signé le 7 octobre». Il n'y a pas eu de contrat signé le 7 octobre, n'est-ce pas?

M. Baker: Non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il n'y a pas eu de contrat signé le 7 octobre. Il n'y a pas besoin d'un tribunal pour nous le dire. Il n'y a pas eu de contrat signé le 7 octobre.

Dans la première version du rapport, il dit que l'accord juridique prévoyant la privatisation et le réaménagement des aérogares 1 et 2 a été conclu le 7 octobre. Il n'y a pas eu d'accord juridique portant sur la privatisation le 7 octobre. Non.

M. Baker: Je dirais que cet accord a été conclu le 26 ou le 27 août.

Le sénateur Lynch-Staunton: Peu importe, mais c'était fin août.

M. Baker: Le 27.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et c'est pourquoi nous sommes ici, à cause de la perpétuation d'un mythe, pour ne pas dire à cause d'un mensonge, mais d'une interprétation erronée de ce qui s'est passé le 7 octobre.

Cela a peut-être fait gagner beaucoup de votes à l'époque, mais cela c'est du passé. La tragédie c'est que ce qui a si bien réussi au Parti libéral, le gouvernement du Canada essaie de le perpétuer, avec toutes les répercussions négatives et tragiques que nous avons vues, la diffamation de personnes, la fausse représentation des intentions du gouvernement du Canada à l'époque.

Si quelque chose ressort de tout cela, j'espère que les gouvernements futurs apprendront la leçon, apprendront au moins à limiter la rhétorique politique aux campagnes électorales et sauront éviter de la propager ultérieurement aux dépens de milliers de Canadiens innocents, rien que pour marquer quelques points.

Et je poserai la question à Mme Bourgon de nouveau demain, et à tous les autres témoins que je trouverai, jusqu'à ce qu'il soit établi que ce qui s'est passé le 7 octobre devait arriver, devait se faire, que le premier ministre ait été d'accord ou non, ou que le ministre des Transports ait été d'accord ou non, ou que M. ou Mme Untel aient été d'accord ou non, l'accord avait été conclu dès le mois de juillet, prévoyant que tout se déroule selon un certain calendrier. Le 7 octobre, l'inévitable se produirait. Si les conditions étaient remplies, les documents seraient échangés. Il n'y avait besoin de l'autorisation de personne, mais si quelqu'un refusait, alors une interprétation juridique veut que le gouvernement du Canada aurait manqué à ses engagements.

Mais le fait est que le gouvernement du Canada tient sa parole, du moins il l'avait fait jusqu'alors, disant que les conditions ont été remplies, donc transmettez les documents.

M. Baker: C'est juste, sénateur.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et je pense qu'il est tout simplement incompréhensible que de telles déformations de la vérité aient été perpétuées dans un document officiel du gouvernement du Canada intitulé Rapport Nixon, tout d'un coup doublé par un autre rapport répétant la même chose en des termes différents, et débouchant sur le projet de loi C-22, qui est une législation parfaitement odieuse, sans précédent, reposant entièrement sur des faussetés. Et j'espère seulement que M. Nixon, qui suit sans aucun doute nos travaux, en entendant ce qu'il entend et en lisant ce qu'il va lire, peut justifier les torts terribles qu'il a causés à ceux qui comparaissent devant nous aujourd'hui, et à tant d'autres qui les ont précédés.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, sénateur. Cela n'a duré que 20 minutes. D'accord, sénateur Bryden?

Le sénateur Bryden: Juste une dernière remarque. Croyez-moi, je ne vais pas me lancer dans des arguties juridiques avec le témoin ou avec le sénateur Lynch-Staunton, mais la question de savoir si le contrat a été signé le 7 octobre ne se pose pas.

Il l'a été.

La question de savoir quelles répercussions juridiques il y aurait pu y avoir si ces documents n'avaient pas été finalisés le 7 octobre, c'est le sujet d'avis juridiques qui peuvent différer aussi longtemps qu'elle n'aura pas été tranchée. Tout dépend de quel côté on se place. Je tenais simplement à préciser cela.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Bryden: Je veux dire que nous ne sommes pas dans un... bon.

Cela dit, j'ai dit que j'allais essayer de trouver -- en fait quelqu'un a trouvé pour moi la référence que j'avais faite aux paroles de M. Hession -- ce que j'avais appelé son énoncé de mission. Il a dit que ce n'était pas vraiment un énoncé de mission, simplement ce que Paxport attendait de lui.

Cela se trouve dans le procès-verbal du Comité des transports, et pour ceux qui ont besoin de la référence, c'est la page 7:6 et c'est à peu près au milieu de la page -- à 0936.

Vous pouvez voir que je n'ai pas l'habitude de me reporter à ce texte.

Quoi qu'il en soit, en réponse à une question du président, il a déclaré: J'ai été nommé président de Paxport il y a presque cinq ans aujourd'hui. Comme j'avais passé la moitié de ma carrière de plus de 32 ans dans le secteur privé et la moitié dans le secteur public, les actionnaires de Paxport ont cru que je pourrais les aider à acquérir les droits d'aménagement et de gestion des aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international Pearson.

Voilà donc sa définition de son -- de ce qu'on attendait de lui.

Puis, en réponse à la question de savoir comment il comptait s'y prendre, il a déclaré que pendant toute cette période -- et si vous vous en souvenez, monsieur Matthews, il y a eu une longue période de quasi-immobilité, au cours de laquelle l'évaluation environnementale n'avançait pas et rien d'autre ne se faisait -- et je cite maintenant la page 7:8: Tandis que le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement suivait son cours, je continuais à la tête de Paxport de prôner le financement privé de l'aménagement de l'aérogare Pearson en rencontrant personnellement les représentants des ministères des Transports, des Finances, de la Justice, de l'Industrie et du Commerce international, du Conseil du Trésor et du Bureau du Conseil privé.

Je rencontrais aussi les attachés politiques des ministères des Transports, de l'Industrie, des Finances, du Conseil du Trésor, ainsi que les adjoints politiques du vice-premier ministre et du premier ministre. Enfin, j'ai rencontré plusieurs ministres, notamment ceux des Transports, des Finances, de l'Industrie et du Conseil du Trésor, les porte-parole de l'opposition en matière de transport et de finances et, enfin, les députés.

Voilà, du moins, comment il concevait son travail pendant cette période.

Ce que j'aimerais faire maintenant, puisque les seuls documents à partir desquels je puis travailler sont les agendas de M. Hession, que j'aimerais faire distribuer aux membres du comité et aux témoins...

Le sénateur Lynch-Staunton: Sur un rappel au Règlement, monsieur le président, avant que les documents soient distribués -- je regrette que le président ne soit pas là.

Le sénateur Bryden: Eh bien, je lui ai dit que je ne ferais rien qui prête à controverse pendant qu'il se rendait aux toilettes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Eh bien, hier, on nous a remis hier un document qui est une communication confidentielle entre le greffier du Conseil privé et le premier ministre du Canada, ce qui représente une communication sans précédent d'un document considéré dans notre tradition parlementaire comme confidentiel et privilégié.

La raison pour laquelle j'évoque cela est le fait que le sénateur Murray a été chargé par M. Mulroney de passer en revue toute la documentation portant son nom et de nous communiquer tous les documents pouvant être utiles au comité, sauf ceux visés par la tradition de confidentialité.

Or, le document d'hier, qui a été rendu public par le sénateur Kirby, ne faisait pas partie de ceux que le sénateur Murray était autorisé par le premier ministre à nous communiquer. Comment il est arrivé là, je ne le sais pas. Je ne conteste pas la teneur du document. Qu'il puisse embarrasser ou non le premier ministre importe peu.

Le fait est que, hier, pour la première fois -- évidemment, je n'ai pas fait beaucoup de recherches là-dessus...

Le sénateur Kirby: Ce n'est pas la première fois.

Le sénateur Lynch-Staunton: ...sans l'autorisation du premier ministre concerné, un document confidentiel du cabinet a été rendu public.

Le sénateur Kirby: Excusez-moi, de quel document du cabinet s'agissait-il?

Le sénateur Lynch-Staunton: La note de Shortliffe à...

Le sénateur Kirby: Au premier ministre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il s'agit d'un avis donné au premier ministre. C'est le type de document qui est considéré comme confidentiel dans la tradition du système parlementaire. Et M. Mulroney avait indiqué que tous les autres documents pouvaient être divulgués, mais qu'il n'enfreindrait pas la tradition.

Ce document a été rendu public pour quelque raison, et monsieur l'avocat, monsieur le vice-président, je demande, j'exige, j'ordonne -- non, je n'ordonne pas. Je demande que tout document dont quelqu'un dit soudainement: «Soit dit en passant, monsieur le témoin, j'ai un document à vous montrer», soit approuvé au préalable afin d'assurer qu'il réponde aux normes des documents qui peuvent être divulgués et que nous...

Le sénateur LeBreton: Vérifier qu'il soit pertinent.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, pertinent. Mais en tout cas qui n'enfreigne pas la tradition qui a été enfreinte hier.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, permettez-moi de répondre directement à John.

Deux choses. Premièrement, le document qui a été utilisé hier nous est venu, comme tous les autres, du ministère de la Justice et figurait dans les recueils, ainsi que l'avocat l'a vérifié lui-même. C'est la première chose que je voulais établir.

Donc, en un sens, il n'y avait rien de mystérieux dans la façon dont j'ai obtenu ce document, comme vous l'avez à-demi laissé entendre.

Deuxièmement, je pense -- il faudrait que je revienne en arrière et vérifie mais ma mémoire est généralement assez bonne pour ce genre de choses -- je pense qu'il y a eu d'autres notes adressées tant aux ministres qu'au premier ministre qui ont été introduites précédemment dans ce comité, selon exactement le même processus.

Donc votre remarque -- et je pense que le problème du sénateur Lynch-Staunton est qu'il n'a pas assisté à toutes les séances. Ce n'est pas une critique, juste une constatation. Vous n'êtes donc pas nécessairement au courant, mais le fait est que d'autres documents de ce type, c'est-à-dire des notes adressées à un membre du cabinet, ont été introduits en preuve.

M. Nelligan: Je pense que la difficulté ici est que nous avions déjà reçu plusieurs notes du BCP adressées au premier ministre. Il a été convenu qu'elles pouvaient être présentées ici car elles ne mentionnaient que des faits, et ne représentaient ni des avis donnés au premier ministre ni ne relataient des discussions entre ministres.

Lorsque celle-ci a été portée à mon attention, j'ai pris contact avec M. Shortliffe et il m'a fait savoir que, dans ce cas particulier, il ne s'agissait pas simplement d'un énoncé de faits mais que la note manuscrite faisait partie des avis donnés au premier ministre et qu'il s'opposait à la divulgation pour cette raison. Mais à ce stade, puisque le document avait été rendu public pour quelque raison, par quelque accident, il a été décidé qu'il lui appartiendrait de réagir lui-même lors de sa comparution ici.

Mais je sais qu'il estime, et je n'en ai parlé à nul autre, que cette divulgation viole effectivement les règles telles qu'elles ont été appliquées par le ministère de la Justice.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'était une violation des règles. C'est clair. C'est une violation évidente des règles...

Le sénateur Kirby: ...les déclarations du sénateur Lynch-Staunton...

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, non. Laissez-moi finir.

Le sénateur Kirby: Il me semble, monsieur le président, que ce n'est pas une question que nous...

Le sénateur Lynch-Staunton: La question est que le sénateur Kirby, et vous, en tant qu'ancien membre du BCP, devriez avoir le plus grand respect pour la confidentialité de...

Le sénateur Kirby: C'est le cas.

Le sénateur Lynch-Staunton: ...documents dont vous avez vu qu'ils étaient annotés...

Le sénateur Kirby: Il se trouve que je suis d'accord pour...

Le sénateur Lynch-Staunton: Combien d'annotations avez-vous faites sur des documents destinés à des dossiers personnels et confidentiels? Je veux dire par là, est-ce que tout va être accessible à tout le monde et que nul ne pourra plus rien mettre par écrit?

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, je ne vois pas la pertinence de cette discussion...

Le sénateur Lynch-Staunton: La pertinence est qu'un document a été rendu public hier -- et je ne vous accuse pas. Le fait que vous l'ayez apporté avec vous ne signifie pas qu'il n'était pas déjà disponible...

Le sénateur Kirby: Il était...

Le sénateur Lynch-Staunton: Il n'aurait pas dû être disponible en premier lieu.

Le sénateur Kirby: C'est un point dont on peut débattre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il n'y a rien à débattre.

Le sénateur Kirby: Je pense que si. C'est manifestement un sujet qui prête à débat. Des esprits raisonnables peuvent se partager sur la question et, savez-vous, vous ne pouvez tout simplement faire des déclarations ex cathedra en supposant dogmatiquement que vous avez toujours raison, comme vous le faites sans cesse. Je suis désolé, c'est exactement ce qu'il fait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je demande que les documents qui sont considérés confidentiels dans la tradition parlementaire, parce qu'ils contiennent des avis donnés aux ministres et au premier ministre, soient maintenus et respectés comme confidentiels.

Cela n'a rien à voir avec la teneur d'un document, et peu importe qu'il soit embarrassant pour le premier ministre ou son auteur. Cela ne s'était jamais produit auparavant. Et permettez-moi de vous rappeler, sénateur Kirby, avec quelle âpreté le premier ministre Mulroney s'est battu pour ne pas rendre publics des documents sur Petro-Canada et Petrofina. Il a été poursuivi en justice par le vérificateur général et un procès a eu lieu, ce qui montre combien il respectait précisément cette tradition.

Cela n'a donc rien à voir avec Mulroney en l'occurrence. Il s'agit du respect qu'un premier ministre doit à son prédécesseur -- de la confidentialité des avis donnés à son prédécesseur et des réponses. Et cela a été violé hier.

Le sénateur Kirby: Le débat porte sur la question de savoir si la note contenait un avis par opposition à une analyse factuelle. La divergence est là. C'est exactement là-dessus que porte le débat. Lui et moi sommes en désaccord là-dessus. Tout ce que je dis, c'est que les choses ne sont pas aussi clairement tranchées qu'il l'affirme. Je n'ai rien dit de plus.

Le sénateur LeBreton: Et, comme notre conseiller l'a signalé, M. Shortliffe considère qu'il en était ainsi et il va traiter de ce point lorsqu'il comparaîtra. Et que ce document fasse surface, ainsi que le sénateur Lynch-Staunton l'a dit, lors de la comparution de Peter Coughlin, un témoin qui n'en avait aucune connaissance, n'apportait rien. Tout est là.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et une preuve incomplète.

Le sénateur LeBreton: Et incomplète.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela est secondaire. La question -- eh bien, j'ai donné mon avis, que vous soyez d'accord ou non. Mais j'insiste, monsieur le président, pour que les documents que l'on fait surgir de nulle part, soient montrés à notre conseiller pour vérifier qu'ils ne violent pas la tradition et la coutume de non-révélation des avis circulant entre deux ministres, avant qu'on les remette à un témoin. C'est tout ce que je demande.

M. Nelligan: Si je puis exprimer une...

Le sénateur Lynch-Staunton: Et je pense qu'il est essentiel que...

M. Nelligan: ...une préoccupation administrative, on nous a remis d'épais volumes de documents. Il n'est pas toujours possible pour tout le monde d'en prendre connaissance avant qu'ils soient abordés en comité. Mais, dans les cas de ce genre, lorsqu'il y a une possibilité sérieuse qu'un document se soit glissé par inadvertance à travers les barrières de la confidentialité, je serais certainement reconnaissant que les sénateurs les portent à mon attention avant d'en faire mention dans les réunions.

Le sénateur Kirby: Très volontiers.

M. Nelligan: Mon problème était que je considérais qu'il y avait là une violation, mais le document avait déjà été divulgué et, une fois divulgué, il est trop tard pour réparer le mal, techniquement ou autrement. On ne peut ignorer les faits une fois qu'ils sont devenus publics.

Mais en tout cas, lorsqu'un document ne concerne pas directement un témoin et lorsqu'il y a quelques doutes quant à son admissibilité, il serait certainement bon que le sénateur concerné m'en parle au préalable.

Pour ce qui est du document spécifique dont le sénateur Bryden vient de parler, je l'ai bien sûr examiné. Il ne s'agit pas du tout d'un document gouvernemental et je ne pense pas qu'il y ait quelque objection à ce qu'il soit produit ou qu'il y soit fait référence.

Le sénateur Kirby: Et le témoin a offert de nous le fournir lorsqu'il était là.

M. Nelligan: C'est juste. Il ne fait donc l'objet d'aucune restriction.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais j'utilise simplement cette occasion pour faire valoir quelque chose qui me paraît essentiel. Vous savez, le gouvernement se livre à une présentation sélective de documents. Je pense qu'il est allé un peu loin.

M. Nelligan: Je dois dire que j'en ai parlé avec les représentants du ministère de la Justice et ils se sont montrés suffisamment repentants, et j'espère que cela n'arrivera plus.

Le sénateur Lynch-Staunton: S'agit-il là des types à semelles de crêpe qui se font payer si cher?

M. Nelligan: Tous mes contacts ont des chaussures à semelles de crêpe.

Le président: Sénateur Bryden?

Le sénateur Bryden: C'est toujours très distrayant de simplement écouter tous ces discours rhétoriques.

Le sénateur LeBreton: Je ne pense pas que nous ayons besoin de leçons de rhétorique venant des Rouges. Grand Dieu!

Le sénateur Lynch-Staunton: Voyons donc ce qui se dit au passage sur le gril de Mississauga, dans ce cas.

Le sénateur LeBreton: Il est bien vrai qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois. Wow!

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est plus typique de notre comité que le respect de la tradition.

Le sénateur Bryden: Je pense que je vais attendre le retour du témoin.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, fait-il plus chaud dans cette salle aujourd'hui que les autres jours? A-t-on fait quelque chose aux lumières ou bien y a-t-il une règle des Travaux publics voulant que le chauffage soit mis en marche après le 1er septembre? Est-ce là le problème? Ou bien a-t-on arrêté la climatisation?

Mais sérieusement, ne peut-on rien faire? Il est trop tard aujourd'hui, mais ne pouvons-nous pas nous plaindre pour que l'on y remédie? C'est très inconfortable.

Le président: Je ne peux le prouver, mais j'ai l'impression que quelqu'un de chez Lindquist, Avey s'est introduit subrepticement la nuit dernière.

Le sénateur Bryden: Quoi qu'il en soit, j'espère que vous aurez tous un aussi bon dîner que votre déjeuner l'a manifestement été.

Ce que je fais distribuer maintenant, c'est ce que M. Hession, qui était employé par les Matthews -- par Paxport, a fourni au comité, à savoir des copies de ses agendas de 1991, 1992 et 1993. Et leur intérêt, c'est qu'ils montrent tout au long qui sont les personnes que M. Hession a rencontrées, et à quelles dates.

Et, monsieur Matthews, nous avons certains des rapports, mais non tous, qu'il vous a adressés suite à ces réunions. Et dans certains cas il vous a peut-être appelé au téléphone ou bien vous aviez vous-même assisté à la rencontre. Donc si vous...

M. Matthews: Je préférais les communications verbales aux communications écrites. Elles prenaient moins de temps.

Le sénateur Bryden: Oui, le téléphone est très rapide. Mais c'est peut-être la raison pour laquelle vous pouvez jeter quelque lumière sur ces réunions, et je sais que certaines remontent à pas mal de temps.

M. Matthews: Si je le peux, je le ferai.

Le sénateur Bryden: Bien. Si vous regardez l'agenda de 1991 -- je pense que c'est celui que je vous avais remis. Si vous regardez le jeudi 11 janvier, vous voyez qu'il y avait à midi un entretien avec M. Shortliffe et, à 12 h 30, une déjeuner avec -- je crois déchiffrer Gérard Veilleux.

M. Matthews: Où en êtes-vous?

Le sénateur Bryden: Le 17 janvier, désolé. L'agrafe recouvre la date -- c'est le 17 janvier.

Et vous voyez la mention, à midi, de Shortliffe et le déjeuner avec Gérard Veilleux, si je prononce bien le nom. Savez-vous quel était l'objet de cette réunion ou de ce déjeuner. Cela s'écrit V-E-I-L-L-E-U-X.

M. Matthews: Je ne sais pas sur quoi portait la réunion de midi et je ne connais pas de Gérard.

Le sénateur Bryden: Vous ne savez pas qui il était?

Le sénateur LeBreton: Président de la SRC.

Le sénateur Bryden: À cette époque?

Le sénateur LeBreton: Conseil du Trésor, à l'époque.

M. Matthews: Je ne le connais pas.

Le sénateur Tkachuk: Pouvez-vous me dire si M. Matthews a participé à certaines de ces réunions?

Le sénateur Bryden: Eh bien, comme il l'a dit -- nous savons qu'il y a des notes sur certaines de ces réunions, les résultats de ces réunions, adressés par M. Hession à M. Matthews.

M. Matthews: Je dois vous dire qu'il ne me faisait pas rapport systématiquement sur tous les entretiens qu'il avait. Ray Hession est un type très travailleur et très organisé et il couvre beaucoup de terrain. J'avais une confiance absolue en lui. Il avait un objectif fondamental, clairement articulé, et il travaillait à le réaliser.

Le sénateur Bryden: Croyez-moi, monsieur Matthews, je préférerais de loin passer en revue votre agenda, plutôt que le sien, mais vous n'en tenez pas.

M. Matthews: Je n'en tiens pas.

Le sénateur Bryden: J'essaie donc simplement de déterminer...

M. Baker: Avez-vous une note portant sur cette réunion?

Le sénateur Bryden: Si j'ai une note traitant de cette réunion?

M. Baker: Vous en avez une?

Le sénateur Bryden: Non. Je vous transmettrai toutes celles que j'ai. Je n'en ai que sur quelques entretiens. Je veux simplement, initialement, faire ressortir une tendance; ensuite je préciserai ceux sur lesquels vous pourriez nous éclairer.

Le sénateur LeBreton: Juste une précision, sénateur. M. Shortliffe, en janvier 1991 -- je suis en train de regarder ma chronologie -- était sous-ministre des Transports. Est-ce que...

M. Nelligan: Oui.

Le sénateur Stewart: En êtes-vous sûr?

M. Matthews: Je ne suis pas sûr. Je ne pense pas.

Le sénateur Stewart: Ou bien n'était-il pas secrétaire associé du cabinet?

M. Matthews: Je n'ai pas idée. Je ne sais pas quelles étaient ses fonctions.

Le sénateur LeBreton: Je ne sais pas. Je posais la question.

Le sénateur Bryden: D'après mes renseignements -- si vous me demandez de jurer que c'est l'absolue vérité, je ne le peux pas -- mais d'après mes renseignements, il était greffier adjoint du Conseil privé.

M. Nelligan: Je cherche le tableau chronologique que nous avions. Il ne figure plus dans mon manuel.

Désolé, il a quitté le ministère en 1990.

Le sénateur Bryden: Pour aller où?

M. Nelligan: Je pense qu'il est allé au BCP.

Le sénateur Stewart: En quelle qualité? N'était-il pas greffier adjoint du Conseil privé et secrétaire associé du cabinet?

M. Nelligan: Oui, cela n'est pas dans notre tableau, mais c'est possible.

Le sénateur Bryden: Bien. L'entretien suivant auquel je vous renvoie est le lundi 15 avril -- il y en a d'autres entre les deux, mais lorsqu'il était clair qu'il...

M. Matthews: Vous voulez dire qu'il ne me mentionne pas jusqu'au 15 avril?

Le sénateur Bryden: Vous avez saisi.

M. Matthews: Et il ne me mentionne pas ici.

Le sénateur Bryden: Le 15 avril il rencontre Gerry -- est-ce Berigan? Oui, du ministère. Et Wayne Power. Andy Pascoe représentait le cabinet du ministre.

J'ai un document sur cette réunion. C'est une note de service. Il vaut mieux que je la retrouve pour vous donner la référence exacte.

M. Matthews: Je ne vois pas Andy -- vous êtes au lundi 15 avril?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Matthews: Je ne vois pas ici le nom de Andy Pascoe.

Le sénateur Bryden: Voyons voir. Il y a une note à l'onglet C, pour ceux qui s'y retrouvent dans les documents.

Et elle est datée du 16 avril 1991, adressée à Don Matthews, Jack Matthews, Lorne Sinclair, Trevor Carnahoff, de Ray Hession, le sujet étant l'Aéroport international Pearson.

M. Baker: Sénateur, pouvez-vous me rafraîchir la mémoire? S'agit-il là de la série de réunions que Transports Canada a eues avec chacun des soumissionnaires, l'administration aéroportuaire canadienne et avec -- Transports Canada a invité chacun des proposants à une réunion pour les consulter sur le processus de la DDP.

Le sénateur Bryden: Quand le processus DDP a-t-il -- nous sommes ici le 16 avril 1991.

M. Baker: C'est juste. Et je crois qu'il y a eu une série de réunions, à l'époque, que Transports Canada a organisées avec -- oui, c'était avec Huang et Danczkay -- le groupe ADDG et avec Canadian Airports Authority, qui était la British Airports Authority.

M. Nelligan: Le dernier paragraphe le précise.

M. Baker: Je voulais simplement établir le contexte, sénateur. Je vous remercie.

Le sénateur Bryden: Si je mentionne la réunion, c'est que les personnes présentes se retrouvent dans des rôles différents à d'autres moments. Le ministère était représenté par Gerry Berigan, Wayne Power. Andy Pascoe représentait le cabinet du ministre et Andy Pascoe, comme nous le savons, a été engagé ultérieurement par M. Hession comme consultant, à défaut de meilleur terme, pour travailler sur le projet. Et il y avait aussi quelqu'un de Coopers & Lybrand.

Un certain nombre de sujets ont été abordés à cette réunion, ainsi qu'on peut le voir dans la note de service. Et la conclusion, je pense, est que les choses se sont bien passées. Je cherche à établir avec tout cela, monsieur Matthews, qu'il communiquait avec vous au sujet de ces réunions, du moins de temps à autre?

M. Matthews: Il m'adressait une copie, mais la personne importante à laquelle il faisait rapport était Jack Matthews.

Le sénateur Bryden: Et je vais poursuivre -- j'ai une série de marques mais je vais sauter les pages pour passer à une note du 21 juin 1991.

M. Matthews: En avez-vous un exemplaire?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Baker: Le 1er juin, sénateur?

Le sénateur Bryden: Le 21 juin. Et ce n'est pas -- le numéro d'identification en haut du document est 642, et c'est l'onglet F dans mon manuel. Il s'agit d'une note adressée à Don Matthews, Jack Matthews, émanant de Ray Hession. Datée du 21 juin 1991. Je pense que l'on distribue des copies aux procès-verbalistes.

Monsieur Matthews, voudriez-vous lire à haute voix cette note, pour le procès-verbal? Elle est très brève. Elle vous est adressée.

M. Matthews: Le président ne peut-il pas simplement annexer la note au procès-verbal? Si vous me demandez si je me souviens avoir reçu cette note, ce n'est pas le cas.

Le sénateur Bryden: Vous ne vous souvenez pas l'avoir reçue.

M. Matthews: Bien sûr que non.

Le sénateur Bryden: Bien. Je vais attirer votre attention sur un autre document daté du 11 juillet 1991.

M. Matthews: Il n'y a rien à la page du jeudi 20 juin...

M. Baker: Y avait-il une inscription dans l'agenda, ou bien sommes-nous au mauvais jour?

Le sénateur Bryden: Non, j'essaie de ne pas répéter les choses deux fois, et j'essaie de passer en revue les documents dans l'ordre chronologique. Si une note fait état d'une réunion, je mentionne également la réunion.

M. Matthews: Mais pour celui-ci il n'y a rien dans son agenda. Il a apparemment parlé à Mme Labelle le jeudi 20 juin, selon ce document, mais il n'y a rien dans son agenda.

M. Nelligan: Il était en Floride.

M. Matthews: Je ne sais pas par quel moyen il lui a parlé. Il mentionne «hier».

M. Nelligan: Il signale qu'il est rentré de Floride le samedi, je suppose donc qu'il a téléphoné et dicté une note par téléphone. Parce que sa réunion avec Corbeil est inscrite à son agenda, pour le lundi.

Le sénateur Stewart: Vous parlez de la rencontre avec le ministre des Transports le lundi 24 juin?

M. Nelligan: C'est juste. C'est dans son agenda. Mais, apparemment, il a dû dicter cette note depuis la Floride, car il n'est rentré que le samedi après-midi.

Le sénateur Bryden: Et une autre note de service, le document G, est adressé à Don Matthews et Jack Matthews, par Ray Hession. Il s'agit de la demande de propositions Pearson. Il y fait rapport d'une réunion avec la sous-ministre Huguette Labelle le mardi 9 juillet, où elle confirme que la demande de propositions sera sur le bureau du ministre prochainement, en toute probabilité. Le ministre recommandera le lancement rapide d'une demande de propositions, s'il a l'appui des autres ministres clés.

Ces ministres sont identifiés comme étant Wilson, McDougall, Mazankowski, McDermid et André. Je suppose que ce sont là les ministres clés, du moins de l'avis de M. Hession.

M. Baker: C'est le 11 juillet. Je pense que notre volume a été mal classé. Je n'ai rien pour le 11, et tous les documents sont dans l'ordre inverse.

Le sénateur Bryden: La réunion dont il fait état dans la note semble avoir été tenue le 9 juillet.

M. Matthews: Je suppose qu'il n'était pas d'accord, car cela ne s'est pas fait.

M. Baker: Cela ne s'est pas fait.

Le sénateur Bryden: Il aurait pu -- j'ai parlé de réunion. Il écrit: «J'ai parlé ce matin», ce qui aurait pu se faire par téléphone suite à une réunion du 9. Vous n'avez donc aucun souvenir de cette note?

M. Matthews: Non, elle ne me dit rien.

M. Baker: Cette note ne comporte-t-elle pas plus d'une page, sénateur?

Le sénateur Bryden: Sûrement. Il semble qu'elle s'arrête abruptement, n'est-ce pas? Mais je n'ai que cette seule page.

M. Baker: Il n'y a pas de point final, c'est tout. Je me demande simplement quel était l'avis donné par M. Barbeau au bas de la page.

Le sénateur Bryden: Quoi qu'il en soit, je -- il s'agit surtout de déterminer les lignes d'autorité et de voir s'il y a quelque chose sur quoi les témoins ici présents de Paxport et du groupe Matthews peuvent nous éclairer. Le document suivant...

M. Matthews: Excusez-moi, je n'ai pas entendu ce que vous venez de dire.

Le sénateur Bryden: J'essaie de voir s'il y a quelque chose sur quoi vous pourriez éclairer le comité dans tout cela.

M. Matthews: Vous savez, je sais de façon générale qu'il y a eu toute une longue période où nous pensions qu'il y aurait une DDP, mais il n'y a jamais eu de DDP et, franchement, je commençais à me demander s'il y en aurait jamais une.

Le sénateur Bryden: Oui. J'ai pensé que je pourrais -- c'est pourquoi j'ai consacré toutes ces heures à ce travail. Si vous y mettez le temps voulu -- c'est pour cela que l'on nous paie si cher, pour que nous puissions passer en revue toutes ces paperasses.

Le sénateur LeBreton: Je ne sais pas ce que l'on vous a payé pour être président de campagne, mais on ne me paie pas très cher.

Le sénateur Bryden: Mais je voulais surtout faire en sorte que ces agendas, que nous avons demandés, fassent partie du dossier, c'est-à-dire soient effectivement présentés au comité, afin que lors de la rédaction de notre rapport nous puissions nous référer à ces documents -- c'est pourquoi je les ai demandés en premier lieu. Et au lieu de faire revenir M. Hession, il nous les a fait parvenir, et j'essaie simplement de voir si vous pouvez nous éclairer sur certains aspects -- par exemple, vous pourriez m'aider ici car je ne vois pas très bien de qui il s'agit -- dans l'agenda, le mardi 20 août, à 16 heures, il est fait mention -- c'est plutôt à 10 heures, une réunion est inscrite avec Fred Doucette, et nous savons tous qui il est.

Mais à 16 heures, il y a une réunion avec Jim Good. Et en dessous il est écrit «Le contact de Sam Wakeham». Connaissez-vous l'une ou l'autre de ces personnes?

M. Matthews: Oui, je les connais tous les deux.

Le sénateur Bryden: Que fait Sam Wakeham?

M. Matthews: Sam Wakeham est un des associés chez Gordon Baker.

Le sénateur Bryden: Bien. Et Jim Good?

M. Matthews: Jim Good travaille avec Robert Foster chez Canada Capital et il travaillait pour -- ici, à Ottawa, pour John Crosbie.

Le sénateur Bryden: Connaissez-vous Sam Wakeham depuis pas mal de temps?

M. Matthews: Oh, je connais Sam depuis 20 ou 25 ans.

Le sénateur Bryden: Savez-vous si Sam Wakeham était également un ami de M. Mulroney?

M. Matthews: Oh, oui, certainement.

Le sénateur Bryden: Savez-vous quel était son rôle dans cette affaire, avec M. Hession?

M. Matthews: À cette réunion?

Le sénateur Bryden: Oui, pourquoi M. Hession le rencontrait-il?

M. Matthews: Je n'ai pas idée.

Le sénateur Bryden: Parce que je pars du principe que pendant tout ce temps il était à votre emploi à temps plein, et très bien rémunéré -- pas Wakeham. Je parle de M. Hession.

M. Matthews: Une minute. Il avait -- oui, Hession avait quantité d'affaires personnelles. Vous ne pouvez pas simplement passer en revue son agenda et dire que tous les noms qui y figurent sont liés à cette entreprise.

Le sénateur Bryden: Non, c'est certainement vrai. Mais, bien entendu, il a passé en revue les agendas avec notre avocat et a rayé toutes les notations personnelles et non pertinentes -- ou avait le droit d'enlever toutes les notations personnelles et non pertinentes?

M. Matthews: Est-ce qu'il a passé en revue avec l'avocat, est-ce là ce que vous dites? Est-ce que Ray...

M. Nelligan: Il a enlevé certaines des notations de caractère personnel et familial. Je ne pense pas qu'il ait rayé quoi que ce soit d'autre. Il a rayé quelques mentions de contacts d'affaires qu'il avait tout au début, avant de travailler pour Matthews, car elles prédataient ses relations avec Matthews.

M. Matthews: Il avait le droit de poursuivre ces relations.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, puis-je poser une question complémentaire? J'ai demandé l'autorisation au sénateur Bryden et il accepte.

Avez-vous bien dit que M. Sam Wakeham était un associé de longue date de M. Baker?

M. Nelligan: Non, il n'a pas dit cela.

M. Baker: Il est un associé du cabinet depuis -- je ne sais pas trop, une dizaine d'années je suppose.

M. Matthews: Depuis pas mal de temps.

Le sénateur LeBreton: Au sein du même cabinet juridique?

M. Baker: Hum!

Le sénateur Stewart: Et était-ce son premier emploi, ou bien travaillait-il dans un autre cabinet avant de venir chez vous?

M. Baker: Non, je pense que c'était le début de sa pratique. Il avait pratiqué antérieurement auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, mais...

Le sénateur Stewart: Vous dites donc qu'il est arrivé chez vous aux alentours de 1985, est-ce bien cela?

M. Baker: Je n'en suis pas sûr, sénateur. J'essaie de me souvenir.

Le sénateur Stewart: À peu près.

Le sénateur Lynch-Staunton: Sommes-nous ici pour parler de Pearson ou bien du barreau ontarien?

M. Baker: Je ne me souviens pas exactement quand...

Le sénateur Stewart: Est-ce cinq ans, huit ans, dix ans?

M. Baker: Je pense que c'est dix ans.

Le sénateur Stewart: Désolé, je ne vous entends pas.

M. Baker: Je pense que c'était il y a dix ans à peu près. Je ne me souviens plus quand les Conservateurs...

Le sénateur Lynch-Staunton: ...ont apporté de l'air frais.

M. Baker: C'est environ dix ans.

Le sénateur Stewart: Je suppose que c'est inscrit quelque part.

M. Baker: C'est inscrit quelque part, mais je ne me souviens tout simplement pas.

Le sénateur Bryden: Le lundi 9 septembre, je le note en passant, à 11 h 30, dans la poursuite de son entreprise, je suppose, M. Hession jouait au golf au club de golf de Lachute avec Jean Corbeil.

M. Baker: À quelle date?

Le sénateur Bryden: C'était le lundi 9 septembre. Le titre dit Lachute, et à 11 h 30 il est écrit début de partie, heure précise, Bud Taylor, Stan Kerr, Brian Olford et Jean Corbeil.

M. Baker: Qu'est-ce que -- je vois Bud Taylor -- que signifie M-E -- je ne sais pas ce que signifie le mot au-dessus de Jean Corbeil.

Le sénateur Lynch-Staunton: Sans doute un mauvais joueur qu'il identifiait.

M. Baker: Je ne sais pas, car il est censé y avoir quatre joueurs, et je vois cinq noms. Eh bien, je ne sais pas. De quoi s'agit-il? Si c'est un autre joueur, cela fait six, mais je ne vois pas de qui il s'agit.

Le sénateur Bryden: Bon, comme je l'ai dit, je pourrais passer en revue chaque page. Ce que j'essaie de faire...

M. Baker: Bien.

Le sénateur Bryden: ...c'est de trouver certaines choses sur lesquelles nos témoins pourraient nous éclairer, je suppose.

M. Matthews: Ils ne m'ont pas invité à jouer au golf.

Le sénateur Bryden: Non? C'est curieux, il invitait des quantités de gens.

Le restant de la semaine a été à peu près entièrement oblitérée. La date suivante sur laquelle j'attire votre attention est un déjeuner, le mardi 17 septembre, à Ottawa, au Rideau Club, avec Phil Evershed qui était alors, je crois, chef de cabinet du ministre des Finances, Don Manzankowski. Non?

M. Matthews: Je ne sais pas.

Le sénateur Bryden: Chef de cabinet du ministre des Transports?

M. Baker: À quelle date était-ce? Ces pages ne sont pas dans l'ordre.

Le sénateur Bryden: Le mardi 17 septembre.

M. Baker: Je marche à l'envers. Ils ont agrafé ces pages dans le mauvais sens.

Le sénateur Bryden: C'est ce qui se passe lorsque l'on prépare les documents à 6 heures du matin, malheureusement. Il y a peut-être un meilleur jeu.

M. Baker: Nous finissons par y arriver, à rebours.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quel était le but du déjeuner, sénateur? Vous évoquez un déjeuner avec une certaine personne, et vous laissez la réponse en suspens. Qui est-il?

Le sénateur Bryden: Non, comme je l'ai indiqué...

Le sénateur Lynch-Staunton: À quoi sert-il de demander qui est M. Evershed? Vous avez dit qu'il était chef de cabinet du ministre des Finances? Y a-t-il quelque incertitude à ce sujet?

Le sénateur Bryden: Je suppose que c'est soit Finances, soit Transports.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais en quoi est-il pertinent que quelqu'un ait déjeuné avec quelqu'un qui est chef de cabinet d'un ministre?

Le sénateur Bryden: La pertinence est celle-ci. Nous essayons d'établir que M. Hession...

Le sénateur LeBreton: Faisait son travail.

Le sénateur Bryden: ...faisait son travail, c'est-à-dire qu'il était embauché pour faire du lobbying auprès de toutes ces personnes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Bien. Non, il était président de Paxport à l'époque. Il n'était pas un lobbyiste.

Le sénateur Bryden: A-t-il fait un rapport...

M. Baker: Désolé, selon la Loi sur le lobbying, il n'est pas un lobbyiste, selon ma définition du terme.

Le sénateur Bryden: Nous avons déjà eu cette discussion. Il faisait du lobbying, il l'a reconnu, mais il n'était pas un lobbyiste, du moins pas à cette époque. Il en est un maintenant.

M. Baker: Je me rends.

Le sénateur Bryden: Le 28 novembre, il a assisté à un dîner organisé par le premier ministre, et si vous -- non, désolé, je l'ai ici. Dîner du premier ministre, Harbour Castle.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'y étais. C'était un bon dîner, 500 $, il y avait 3 000 personnes. Excellent.

Le sénateur Bryden: Y étiez-vous, monsieur Matthews?

M. Matthews: Oh, je suis sûr que oui. Mais je ne suis pas mentionné dans l'agenda. Je suis déçu.

M. Baker: Wood Gundy est Gundy, et AGRA est AGRA, c'est-à-dire l'un des membres du consortium.

Le sénateur Lynch-Staunton: Tous ceux qui vont aux dîners de collecte de fonds du Parti libéral étaient là ce jour-là.

Le sénateur Bryden: Vous souvenez-vous si vous avez parlé à M. Mulroney ce soir-là?

M. Matthews: Je ne sais pas. J'en serais surpris, car il avait d'autres choses à faire ce jour-là, étant très occupé. Mais, savez-vous, nous avions coutume d'avoir une réunion spéciale du Club des 500 avant le dîner, et le premier ministre y faisait généralement acte de présence pendant 15 minutes ou à peu près, mais il n'avait pas beaucoup de temps. Je ne me souviens pas particulièrement de cette soirée.

Le sénateur Bryden: Eh bien, vous le voyiez régulièrement et c'est alors...

Le sénateur Lynch-Staunton: Faites attention.

M. Matthews: Un instant. Je vous ai dit que je ne le voyais pas régulièrement. Je vous l'ai dit. Je vous prie, ne me faites pas cela. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

Le sénateur Bryden: Bien. Mais vous avez dit que vous étiez reçu de temps à autre au 24 promenade Sussex?

M. Matthews: Pas de temps à autre. Occasionnellement.

Le sénateur Bryden: Occasionnellement. Quelle est la différence?

M. Matthews: Peut-être dix fois en huit ans.

Le sénateur Bryden: Dix fois en huit ans, invité à la résidence du premier ministre. Ce n'est pas mal.

M. Matthews: Je ne sais pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Attendez un instant. Sénateur Bryden, si vous voulez faire des insinuations, vous y réussissez. J'ai été moi aussi à ce genre de soirées.

J'ai connu le premier ministre Mulroney aussi bien que n'importe qui autour de cette table. En huit ans, j'ai été quatre fois à la promenade Sussex. Et sur ce nombre, trois fois il y avait près de 800 personnes présentes. D'accord? C'était un serrement de main rapide, et c'était tout.

J'ai l'impression que les visites de M. Matthews étaient du même type.

M. Matthews: Absolument.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vous remercie. Et d'ailleurs, M. Chrétien reçoit lui aussi des militants et collecteurs de fonds et des membres du Laurier Club dans le même cadre, et nous n'en faisons pas tout un plat, et ne demandons pas si M. Bronfman y était ou si le sénateur Kolber y était. Et avez-vous jamais parlé à M. Chrétien? Pourquoi ne pas nous en tenir à la question des accords Pearson?

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, j'aimerais poursuivre, si je puis.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'essaie de vous en donner l'occasion. Tenez-vous en simplement au sujet.

Le sénateur Bryden: J'essaie de travailler avec les meilleurs documents dont je peux disposer.

Le sénateur Jessiman: Ce n'est pas grand-chose, n'est-ce pas?

Le sénateur Bryden: J'aimerais qu'il y en ait plus.

Le sénateur Jessiman: Je n'en doute pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez un exposé de M. Baker, que vous avez qualifié de «monologue de deux heures», qui est une réfutation complète de tout ce que le gouvernement a fait depuis le rapport Nixon.

Le sénateur Jessiman: Pourquoi ne l'interrogez-vous pas là-dessus?

Le sénateur Lynch-Staunton: Attaquez-le donc là-dessus.

Le sénateur Jessiman: C'est juste.

Le sénateur Bryden: Les gens tireront leurs propres conclusions quant au résumé que M. Baker a fait aujourd'hui et aux opinions qu'il y a exprimées.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous lirons donc les journaux tenus par d'autres.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, je suis sorti un moment mais je voudrais simplement voir figurer au procès-verbal... je veux dire, moi aussi j'ai été à quelques-unes de ces soirées à la résidence du premier ministre, savez-vous. Je me sentais mal de n'avoir pas été là pour dire que c'était mon cas aussi.

Le sénateur Kirby: Au cours des 12 derniers mois ou à peu près?

Le sénateur Tkachuk: Non, pas au cours de l'année dernière.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pas depuis quelque temps.

Le sénateur Kirby: C'était juste un effet de ma curiosité.

Le sénateur Tkachuk: Je suis sûr, en revanche, que vous-même y avez été.

Le sénateur Kirby: En fait, non, pas depuis une dizaine d'années, si vous voulez savoir.

Le président: Qu'ai-je donc fait de mal? Je n'ai été invité qu'une seule fois.

Le sénateur Kirby: Cela ne fait que neuf mois, vous avez encore le temps.

Le sénateur Tkachuk: Mais êtes-vous allé plus loin que la tente, monsieur le président? Il faut arriver à dépasser la tente.

M. Matthews: J'ai sans doute exagéré le nombre de fois. Je ne veux pas rivaliser avec les sénateurs ici. Je ne veux pas dire que j'y suis allé plus souvent qu'eux.

Le sénateur Bryden: Non, mais il est assez remarquable qu'avec un chiffre même conservateur, vos visites aient été plus fréquentes que celles de n'importe qui dans cette pièce, n'est-ce pas?

Je vous invite à passer à la page du 7 décembre 1992 de l'agenda.

M. Matthews: Décembre.

Le sénateur Bryden: Le 7.

M. Matthews: De l'année 1992?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Matthews: Nous sautons donc une année?

Le sénateur Bryden: Oui. Vous a-t-on donné les copies des trois années?

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Vous avez les trois années? Je vous renvoie à cette page uniquement pour faire ressortir que le 7 décembre, à 11 heures, il y a mention d'une «conférence de presse». Je suppose qu'il s'agit de la conférence de presse annonçant...

M. Matthews: Je suppose.

Le sénateur Bryden: ...que votre proposition avait été retenue comme la meilleure dans l'ensemble.

Juste avant cela, monsieur Matthews, selon M. Hession -- je vais formuler ma question ainsi. Il y avait un contrat d'emploi entre lui et Paxport et le groupe Matthews qui lui octroyait une certaine prime si le marché vous était adjugé et une pension à vie si le contrat était effectivement signé. Est-ce que ce contrat d'emploi n'a pas été conclu aux alentours de cette date? Je vous pose la question.

M. Matthews: Gordon a été mêlé de près à cette discussion, et je vais donc lui demander de répondre.

M. Baker: Je ne me souviens pas exactement. Vous avez peut-être raison, sénateur; ce pouvait être en décembre. Il avait un contrat ouvert, renégociable en continu. Mais je ne puis dire avec certitude quand...

M. Matthews: Vous l'avez peut-être; je ne sais pas.

Le sénateur Bryden: Je ne l'ai pas sous les yeux, mais je pourrais l'avoir demain car je sais où le trouver. Je crois qu'il prévoyait une date précise...

M. Baker: Il y avait un contrat avec M. Hession.

Le sénateur Bryden: Et c'est aux alentours de cette date qu'il a été remplacé au poste de président par votre fils, Jack Matthews?

M. Matthews: C'est juste.

Le sénateur Kirby: Bon, lorsque j'ai demandé à M. Hession s'il avait été congédié, il a répondu «Non, mon emploi a pris fin de manière constructive». Je crois que la situation est exacte, mais je peux vérifier.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et alors? Et alors?

Le sénateur Bryden: Pourquoi lui a-t-on offert ce contrat quelques jours auparavant pour ensuite «mettre fin à son emploi de façon constructive» aux alentours de la date à laquelle le marché a été adjugé?

M. Baker: Sénateur, c'était juste avant. Tout d'abord, son contrat avait débuté plus tôt et, comme je l'ai dit, les négociations à son sujet étaient étalées dans le temps. Je ne me souviens pas à quelle date précise ce contrat particulier a été signé, mais M. Hession a dit qu'il a été congédié de façon constructive et la question fait l'objet d'un procès. Je vous demanderais de répéter votre question, car je veux déterminer si nous pouvons répondre, du fait de la poursuite en justice.

Le sénateur Bryden: Eh bien, je sais qu'il y a toutes sortes de privilèges qui permettent de ne pas répondre à des questions, mais celle que je pose est celle-ci: Pourquoi cela est-il arrivé et pourquoi pas -- je suppose qu'il avait des raisons de penser que le congédiement était abusif sinon il ne vous poursuivrait pas. Et pourquoi est-ce arrivé à ce moment-là?

M. Matthews: Sénateur, il y a une explication légitime mais mon avocat me conseille de ne pas vous la donner, en raison du procès. Mais dès que le procès sera terminé...

M. Baker: Je ne tiens pas à ce que M. Matthews se prononce sur une poursuite actuellement en cours intéressant le contrat de M. Hession. Vous demandez «Pourquoi»? Vous pouvez bien imaginer, sénateur, que la réponse pourrait influer sur le procès. Comme vous l'avez dit à bien des reprises ici, je pense, vous êtes vous-même avocat ou avez pratiqué le droit -- je ne sais pas si vous pratiquez toujours.

M. Matthews: Si vous relisez ce que j'ai dit au sujet de M. Hession dans l'exposé que j'ai fait ce matin, vous verrez en quelle haute estime je le tiens.

Le sénateur Bryden: J'ai une autre question, dans ce cas, qui n'est probablement pas en cause dans le procès. M. Hession a dit que deux ou trois jours après l'adjudication, le 7 décembre, un fonctionnaire ministériel, dont il ne pouvait dire le nom, lui a indiqué, en gros, qu'il y aurait une tentative de fusion.

M. Baker: Non, je ne pense pas qu'il ait dit cela.

Le sénateur Bryden: Eh bien, encore une fois...

M. Baker: Avez-vous la transcription? Je pense qu'il a dit...

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, où est la citation? Toujours du ouï-dire!

M. Baker: Non, il s'agissait de synergies éventuelles. Je pense que c'est cela qu'il a dit, qu'il était question d'explorer les synergies. Il n'a pas employé le mot «fusion».

M. Matthews: Quoi qu'il en soit, je peux vous dire que je n'étais pas au courant. J'ai appris cela en même temps que vous.

Le sénateur Bryden: D'accord. Pour autant que vous vous souveniez.

Le sénateur Lynch-Staunton: Une question complémentaire, monsieur le président, si je puis. Ce que le fonctionnaire anonyme des Transports a pu dire à M. Hession ne vous a pas été communiqué à l'époque?

M. Matthews: Si cela m'a été relaté, je ne m'en souviens pas. Et il ne faut pas oublier les circonstances. Ray Hession, à l'époque, pensait réellement que les aérogares devaient être exploitées de façon indépendante. Il n'en démordait pas et je respectais ce point de vue et je l'ai même partagé jusqu'à ce que l'on me fasse comprendre de façon très claire que ce n'était pas notre intérêt. Mais c'était la position de Ray. Donc, même si quelqu'un a pu dire cela, il -- je ne me souviens d'aucune conversation à ce sujet avec Ray Hession.

Le sénateur Bryden: Monsieur Baker, vous mettez en garde M. Matthews à cause du procès, ou bien...

M. Baker: Oui.

Le sénateur Bryden: Je vois. Quand avez-vous appris qu'il y avait une possibilité, que des discussions au sujet d'une fusion étaient possibles, monsieur Matthews?

M. Matthews: N'avez-vous pas écouté ce que j'ai dit ce matin?

Le sénateur Bryden: Je pensais l'avoir fait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il vous a tout expliqué.

M. Matthews: Eh bien, j'ai expliqué cela très clairement. Si vous regardez la...

Le sénateur Bryden: Voudriez-vous répéter, pour que ce soit bien clair, comme on le fait parfois en tribunal?

M. Matthews: Je suis sûr que l'on va effectuer la transcription ce soir et vous l'aurez demain matin à la première heure.

Le sénateur Bryden: Voudriez-vous, s'il vous plaît, juste répondre à la question? Quand en avez-vous entendu parler pour la première fois?

M. Matthews: Eh bien, j'ai fait cet appel téléphonique. Vous vous souvenez que j'ai décrit la teneur de la conversation.

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Matthews: Et nous nous sommes ensuite réunis et après cette réunion, Jack Matthews et Peter Coughlin, avec deux autres, se sont retrouvés et ont exploré comment ils pourraient collaborer, et ils m'ont indiqué ultérieurement qu'il y avait une bonne synergie et que nous devrions élargir les discussions pour envisager une fusion.

Le sénateur Bryden: Puis-je vous demander -- je ne pense pas que vous l'ayez précisé ce matin: est-ce que Ray Hession a participé à ces discussions?

M. Matthews: Non, je viens de vous dire qu'il ne figurait pas dans cette boucle.

Le sénateur Bryden: Bien.

Le sénateur Stewart: Quand a-t-il été écarté de la boucle?

M. Matthews: Il n'en a jamais fait partie.

Le sénateur Stewart: Non, mais quand était-il employé et actif pour votre compte ou celui de vos sociétés?

M. Matthews: Il l'était à l'époque.

Le sénateur Stewart: Jusqu'à quand?

M. Matthews: Non, il était à cette époque employé et actif pour le compte de la compagnie.

Le sénateur Stewart: Et il ne vous a pas fait part de ce qu'un fonctionnaire du ministère des Transports lui a dit...

M. Matthews: Je ne me souviens d'aucune conversation de cet ordre.

Le sénateur Stewart: Mais cela sous-entend-il la possibilité qu'il vous en ait parlé et que vous l'ayez oublié, ce qui est toujours possible?

M. Matthews: Je vous dis simplement que je ne m'en souviens pas.

Le sénateur Stewart: Vous ne vous souvenez pas?

M. Baker: Pour compléter la réponse à votre -- vous avez demandé jusqu'à quand il était employé, et c'était jusqu'en octobre 1993. Oui, il était un employé, et puis des négociations ont eu lieu et il a continué à titre de consultant.

Le sénateur Stewart: Puis-je poser une autre question?

Le sénateur Bryden: Certainement; tout le monde le fait.

Le sénateur Stewart: Je n'ai pas très bien suivi ce que M. Matthews a dit au sujet des opinions de M. Hession concernant l'exploitation de l'aéroport Pearson.

J'ai cru comprendre qu'il y avait un désaccord entre vous et M. Hession. Me suivez-vous?

M. Matthews: Non, je pense que je devrais -- Quelques discussions très délicates ont commencé avec le groupe Claridge. J'ai décidé, unilatéralement et arbitrairement, que les personnes qui y prendraient part, de notre côté, seraient Gordon Baker, Jack Matthews et Peter Kozicz et personne d'autre. Cela signifiait que pendant cette période -- relativement brève mais pendant cette période -- Ray Hession ne faisait pas partie de la boucle. Mais Ray était un employé très apprécié.

Le sénateur Stewart: Mais auparavant vous avez dit quelque chose -- évidemment, le procès-verbal montrera ce que vous avez dit et je ne me souviens pas de vos paroles exactes et j'essaie de comprendre -- à l'effet qu'il avait des opinions sur l'exploitation de...

M. Matthews: Effectivement; effectivement.

Le sénateur Stewart: Étaient-elles les mêmes que les vôtres?

M. Matthews: J'ai partagé son point de vue jusqu'à ce qu'il devienne apparent que les synergies résultant d'une fusion, par opposition à l'absence de fusion, étaient massives.

Le sénateur Stewart: Et c'était aux alentours du 10 décembre 199...

M. Matthews: Non, non. C'était vers le milieu de janvier. Non?

M. Baker: J'ai pris part à ces discussions.

M. Matthews: Gordon y a participé de très près.

M. Baker: J'ai pris part à ces discussions, donc.

Le sénateur Stewart: Je vous demande pardon?

M. Baker: C'était très peu de temps après.

M. Matthews: Vers la fin décembre?

M. Baker: Sans doute fin décembre. Il n'a pas fallu longtemps pour décider qu'il y avait des synergies, mais je pense que c'est probablement la semaine entre Noël et le Nouvel An que l'on a constaté qu'elles seraient avantageuses.

Je pense que M. Hession, dans son témoignage, a déclaré qu'il était en faveur d'une exploitation concurrentielle, position qu'il avait énoncée dans la DDP, et le jour où j'ai exprimé l'avis que -- c'était mon avis mais aussi celui exprimé par le Bureau de la Politique de concurrence à la suite d'une analyse approfondie. De fait, le Bureau de la Politique de concurrence possède 74 documents et rapports, etc. touchant la concurrence entre les aérogares 1, 2 et 3, documents qui sont confidentiels et qui n'ont pas été produits dans le cadre des poursuites intéressant sa prise de position sur cette question.

Le sénateur Stewart: Je vous remercie.

Le sénateur Bryden: D'après l'agenda, le 21 décembre, M. Hession a rencontré le ministre des Transports Jean Corbeil. Monsieur Matthews, savez-vous si à cette date le ministre Corbeil était informé de l'éventualité d'une fusion?

Le sénateur Lynch-Staunton: Demandez à Corbeil.

Le sénateur Jessiman: Demandez à Corbeil.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il ne demande jamais rien au témoin.

M. Matthews: Je ne sais tout simplement pas.

Le sénateur Bryden: Vous ne savez pas.

M. Matthews: C'était une période où...

Le sénateur Bryden: Votre rôle était très accessoire à cette époque.

M. Baker: Sénateur, je n'étais pas présent à cette réunion mais je me trouvais à Montréal à ce moment-là et je ne me souviens pas si l'on m'a dit ou non que M. Corbeil était au courant. J'ai donc l'impression -- je ne pense pas qu'il l'était, mais je ne puis l'affirmer. Même moi je ne puis l'affirmer, et pourtant j'étais à Montréal à ce moment-là.

Le sénateur Bryden: Eh bien, Montréal est une grande ville -du moins c'est une grande ville à nos yeux.

M. Baker: Oui. Je ne me souviens plus ce qu'on lui a dit et il va comparaître ici, et vous pourrez donc lui demander.

Le sénateur Bryden: Je consulte l'agenda de 1993 et le mardi 20 juillet, à 14 h 30, M. Hession semble avoir rencontré une certaine Jodi White à l'immeuble Langevin.

Le sénateur Lynch-Staunton: Une excellente personne.

M. Baker: À quelle date?

Le sénateur Bryden: Le mardi 20 juillet.

Le sénateur Jessiman: De quelle année?

Le sénateur Bryden: 1993.

M. Matthews: 1993.

Le sénateur Bryden: Pendant que les négociations se déroulaient. À cette date, est-ce que Mlle White était chef de cabinet de la première ministre Kim Campbell?

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui. Une excellente chef de cabinet.

Le sénateur Bryden: Et je vois qu'il y a une autre mention le même jour. Est-ce que M. Hession a eu l'occasion de -- nous nous approchons de très près de la date à laquelle ce marché a été conclu. A-t-il eu l'occasion de vous communiquer les résultats de cette rencontre ou vous a-t-il indiqué si elle avait pour objet son travail pour vous, à ce stade?

M. Matthews: Je ne me souviens pas.

Le sénateur Bryden: Vous ne savez pas.

Le sénateur Tkachuk: Mais était-il encore président de Paxport à cette date?

Le sénateur Bryden: Il porte toujours sur lui sa carte de président, souvenez-vous.

Le sénateur Tkachuk: Oui, mais était-il président de Paxport à cette date, en juillet 1993?

M. Baker: Il était consultant. Son travail à cette date -- c'était en plein milieu des négociations.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi n'avez-vous pas posé toutes ces questions à M. Hession lorsqu'il était là?

M. Baker: Oui. Vous auriez dû.

Le sénateur Bryden: L'une des raisons était -- eh bien, je lui ai posé pas mal de questions d'après les documents qu'il avait.

Le sénateur Stewart: Il était l'employeur.

M. Baker: Il était responsable des négociations sur les retombées industrielles et le transfert des employés.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dieu, vous en êtes réduit à lire des journaux intimes!

Le sénateur Bryden: Ç'aurait été bien si nous avions pu les avoir par avance, mais au moins...

Le sénateur Jessiman: On pourrait demander ceux de Nixon et Crosbie.

Le sénateur LeBreton: Nous pourrions peut-être obtenir aussi l'agenda de M. Bronfman et voir...

Le sénateur Bryden: Même ainsi, il est intrigant de voir combien d'inscriptions ont été effacées.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui. Vous avez de la chance de même les avoir.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président...

Le sénateur LeBreton: Rappelez-leur qu'ils doivent tenir un journal.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, je n'ai pas terminé tout l'examen, mais j'ai déjà suffisamment de questions pour que cela me prenne environ une heure demain et si d'autres veulent un tour -- et je traiterai d'un sujet entièrement différent, celui du financement, les éléments dont le sénateur Jessiman a parlé concernant la solidité financière du groupe Matthews, de même que les possibilités de financement du projet, et je ne vois aucune autre façon de procéder que de passer en revue les documents dans le dossier et demander au témoin quelles indications il peut nous donner à leur sujet.

M. Baker: Sénateur, vous pensez en avoir pour une heure? Cela nous mènerait à 5 heures.

Le sénateur Jessiman: Six heures.

M. Baker: Il est presque 5 heures maintenant, donc jusqu'à 6. Quelle est la norme?

Le président: Nous levons la séance à 5 heures. Pour faciliter les choses aux membres du comité, il y a eu des déclarations intéressantes ici, page -- je regarde ce que l'on appelle les bleus -- le 2 août, page 1130-6, j'interroge M. Hession sur sa conversion sur le chemin de Damas, d'où il ressort clairement qu'il était tout à fait en faveur de la concurrence.

Il a défendu le principe de la concurrence tout au long et il se battait pour une DDP pour Paxport. Ensuite il change d'avis. À partir de là il défend la synergie, après la consommation du mariage, si je puis m'exprimer ainsi, ce qui me paraît signifier que M. Matthews était du même avis. Il dit que la synergie est démontrée. Mais, manifestement, il y avait une opposition entre ces deux camps car Hession a argué en faveur de la concurrence pendant tout ce temps, puis change de position, en faveur de la synergie, après la formation de Mergeco. Quoi qu'il en soit, tout cela se trouve sur cette page, 1130-60, si vous voulez lui poser des questions là-dessus demain.

Le sénateur Bryden: Peut-être demain. Je ne pense pas avoir jamais contesté la souplesse de M. Hession.

Le sénateur Tkachuk: Je pense que j'étais sur la liste, mais il est presque 5 heures. J'aimerais commencer dans la matinée et utiliser ma demi-heure et j'en aurais essentiellement fini, à moins que quelque chose d'autre ne surgisse. Ensuite on pourra revenir à M. Bryden, ou bien M. Bryden pourra commencer. Peu importe.

Le président: Il nous reste six minutes.

Le sénateur Jessiman: J'aimerais savoir une chose. Je sais que vous allez prendre une décision, mais je voudrais demander ceci à M. Bryden: persistez-vous à demander au président de convoquer ces autres messieurs, l'avocat dont vous avez parlé? Le demandez-vous toujours?

Le sénateur Bryden: Non. Ce que j'ai dit, c'est qu'il était disposé à venir. Il faudra que je relise la transcription, mais je crois avoir dit qu'il était disposé à venir témoigner.

Le sénateur LeBreton: Et nous acceptons.

Le sénateur Bryden: Et quelqu'un a dit que si tel était le cas, M. Matthews comparaîtrait. Et je crois -- je vérifierai sur la transcription, j'ai peut-être dit quelque chose de différent -- qu'il incombait au président et au conseiller de déterminer si la comparution de ces personnes était appropriée et utile et j'ai dit que je m'en remettrais à leur décision.

Le sénateur LeBreton: Je ne pense pas que le nom de M. Matthews ait été évoqué dans ce contexte. Mais il viendra de toute façon. Vous avez déjà dit qu'il viendrait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, il me semble que le sénateur Bryden a indiqué très clairement, après avoir entendu ce que M. Matthews a dit au sujet d'une rencontre avec M. Chrétien, que puisque M. Chrétien contestait ce que M. Matthews a dit, d'après M. Bryden, qu'il s'imposait que l'avocat ait la possibilité de venir présenter sa version des événements. Et j'en ai conclu qu'il exhortait le comité, par votre intermédiaire, monsieur le président, à faire venir M....

Le sénateur LeBreton: Lebarge.

Le sénateur Lynch-Staunton: ...Lebarge à venir. Et donc, le sénateur Jessiman demande maintenant si c'est toujours sa position.

Le sénateur Bryden: Eh bien, je vais vous répondre de mon mieux, mais je pense que les bleus de ce matin seront sans doute disponibles d'ici...

Le sénateur Jessiman: Vous dites donc maintenant que vous maintenez toujours ce que vous avez dit ce matin.

Le sénateur Bryden: Eh bien, si je l'ai dit ce matin, oui.

Le sénateur Jessiman: Bien.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais voulez-vous qu'il vienne? C'est vous qui avez amené le sujet, sénateur Bryden.

Le sénateur Jessiman: Voulez-vous qu'il vienne?

Le sénateur Lynch-Staunton: Considérez-vous que la déclaration faite par M. Matthews est de nature telle qu'elle mérite une réfutation de la part de la personne que vous avez mentionnée; et, si oui, demandez-vous au comité directeur de convoquer cette personne en vue de confirmer ou de réfuter l'appui supposé de M. Chrétien en faveur de la privatisation?

Le sénateur Bryden: Monsieur le président et monsieur le conseiller, j'ai fait une déclaration ce matin.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, je pose une question, sénateur Bryden. Je la pose simplement parce que vous avez donné clairement -- désolé d'interrompre mais vous avez clairement donné l'impression que vous -- la première chose que vous avez dites après le témoignage était que c'est essentiel.

L'impression que vous avez donnée est qu'il était essentiel que la position de M. Chrétien à l'égard de la privatisation soit éclaircie par l'une des personnes présentes à cet entretien.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, je fais du droit depuis trop longtemps pour m'attarder sur les impressions. J'aimerais mieux prendre pour base les paroles que j'ai prononcées.

Le sénateur Lynch-Staunton: Eh bien, dans ce cas, reprenons tout à zéro. Voulez-vous que M. Lebarge comparaisse à ce comité pour traiter de la déclaration de M. Matthews concernant la position de M. Chrétien...

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, j'ai déjà répondu. Normalement, nous nous en tenons à...

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais non, vous venez de dire que vous ne saviez pas ce que vous avez dit ce matin.

Le sénateur Bryden: Nos questions sont normalement adressées aux témoins et ce sont les témoins qui répondent.

Le sénateur Tkachuk: Je veux juste vous faire savoir, sénateur, que je suis tout à fait derrière vous. Je suis en faveur de la comparution de M. Lebarge.

Le sénateur LeBreton: Moi aussi, et nous avons la majorité.

Le sénateur Bryden: Est-ce que je suis en train d'être englué dans quelque conflit au sein de la majorité ici? J'ai bien assez de mes problèmes, merci beaucoup.

Le sénateur LeBreton: Nous sommes à fond avec vous.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dites-nous ce que vous souhaitez. Nous sommes prêts à coopérer.

Le sénateur LeBreton: Nous voudrions aussi voir les autres associés du cabinet juridique.

Le sénateur Bryden: C'est pourquoi nous avons un président, pour régler toutes ces questions.

M. Baker: Monsieur le président, si je puis intervenir, j'ai cru comprendre que le sénateur Bryden a un certain nombre de questions qu'il va poser demain et, pour accélérer peut-être les choses, s'il voulait nous remettre maintenant les documents qu'il compte utiliser -- lui-même et n'importe qui d'autre à des documents à aborder demain matin, s'ils voulaient nous les donner maintenant, nous pourrions en prendre connaissance et faire économiser du temps au comité demain.

Le sénateur Bryden: Eh bien, la réponse est fondamentalement «non». Ce n'est pas parce que je suis têtu ou récalcitrant, mais le jeu -- les règles de cette audience...

Le sénateur LeBreton: Le «jeu»; c'est le mot juste.

Le sénateur Bryden: ...semblent changer de temps en temps. Nous avons fini par fixer une procédure pour les interrogatoires. Les documents que je possède sont disponibles à la bibliothèque, à la disposition de tout le monde. Si j'ai bien compris, la décision du président et du conseiller était que si un membre du comité va faire référence à un document figurant dans ce classeur, on montre le document au témoin -- comme on le ferait dans un tribunal -- c'est la procédure que je suis disposé à suivre. J'espère, avec un peu de chance, en les passant en revue ce soir, que je pourrai réduire le nombre de documents que j'aborderai.

M. Baker: Sénateur, comme vous le savez, dans un tribunal, les documents sont généralement produits par avance et chacun a la possibilité de les examiner. Bien entendu, nous n'avons pas cette possibilité ici, et c'est pourquoi j'essayais de faciliter le processus.

Le sénateur Bryden: Je comprends bien.

Le président: Eh bien, monsieur Baker, vous pouvez avoir accès à...

M. Baker: Toute la pièce, merci.

Le sénateur Jessiman: Non.

Le président: Je comprends votre problème, mais vous avez accès à tous les documents qui ont un rapport avec votre témoignage ou votre comparution ici.

M. Baker: Oui. Je vous remercie.

Le sénateur Kirby: Neuf heures demain matin, monsieur le président?

Le président: Oui, 9 heures demain matin, merci.

(La séance est levée jusqu'au jeudi 14 septembre 1995).


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