Aller au contenu
SAFE

Sous-comité de la sécurité des transports

 

Délibérations du sous-comité de la
Sécurité des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 1 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 24 octobre 1996

Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications tient sa réunion d'organisation aujourd'hui, à 12 h 19.

[Traduction]

M. Timothy Ross Wilson, greffier du comité: Honorables sénateurs, c'est à moi, en tant que greffier du comité, qu'il revient de présider à l'élection du président du sous-comité. Je suis maintenant prêt à recevoir les motions à cet effet.

Le sénateur Adams: Je propose le sénateur Forrestall.

M. Wilson: L'honorable sénateur Adams propose que l'honorable sénateur Forrestall soit élu président du sous-comité. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Adoptée.

M. Wilson: La motion est adoptée. Félicitations, monsieur le président.

Le sénateur Forrestall: Je vous remercie tous de cette marque de confiance.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) prend le fauteuil.

Le président: Avant d'aller plus loin, il faudrait nommer un vice-président. Y a-t-il des propositions?

Le sénateur Spivak: Je propose le sénateur Adams.

Le président: On a proposé le sénateur Adams. Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Sénateur Adams, je vous souhaite la bienvenue et je vous félicite.

Le sénateur Adams: Nous ferons une bonne équipe.

Le président: Il nous faut une motion autorisant le président et le vice-président à inviter des témoins et à organiser des audiences.

Le sénateur Mercier: Je fais une proposition en ce sens.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Adoptée.

Le président: La motion est adoptée. Il nous faut aussi une motion autorisant le comité à faire imprimer 200 exemplaires de ses délibérations et autorisant le président à modifier cette quantité en fonction des besoins.

Le sénateur Adams: Je le propose.

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée. Quelqu'un peut-il proposer que, conformément à l'article 89 du Règlement, le président soit autorisé à tenir des réunions pour entendre des témoignages et à en permettre la publication en l'absence de quorum.

Le sénateur Adams: Je le propose.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Adoptée.

Le président: Il faut maintenant autoriser le sous-comité à demander à la Bibliothèque du Parlement de lui affecter des attachés de recherche.

Le sénateur Mercier: Je le propose.

Le président: D'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée. Il faut autoriser la présidence à diriger le personnel de recherche dans la préparation d'études, d'analyses, de résumés et d'ébauches de rapport.

Le sénateur Spivak: Je fais une proposition en ce sens.

Le président: Les autres honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée. Il nous faut une motion autorisant le sous-comité à verser, en conformité avec la directive du Sénat concernant les frais des témoins, une indemnité raisonnable pour frais de déplacement et de séjour à deux témoins au plus de chaque organisme et que ces frais soient payés sur présentation d'une réclamation.

Le sénateur Adams: Cela s'appliquerait-il dans le cas, par exemple, de fonctionnaires des Transports d'un gouvernement provincial? Est-il plutôt question de simples particuliers?

Le président: Nous ne verserions assurément pas d'indemnité aux porte-parole d'un gouvernement. Par contre, nous la verserions aux particuliers. Nous nous arrangerons pour être disponibles. Ainsi, les témoins d'un gouvernement n'auront pas de raison valable de ne pas se présenter. Au besoin, nous irons même jusqu'à eux. Nous étudierons cette question avec attention. Ainsi, devons-nous nous rendre à Vancouver ou à Victoria, la capitale de la Colombie-Britannique? Voilà les questions au sujet desquelles il faudra se prononcer.

Le sénateur Adams: Certains aimeraient parfois nous rencontrer, mais les petits entrepreneurs ne peuvent se payer le voyage en avion jusqu'ici. Si nous tenons des audiences à Yellowknife seulement, dans les Territoires, certains viendront peut-être de Rankin Inlet ou d'Iqaluit. Pouvons-nous verser à ces gens l'indemnité? Voilà ce qui me préoccupe, de payer le transport de ces gens.

Le président: Sénateur, nous avons prévu dans notre budget 15 000 $ pour les témoins que nous aimerions entendre ou ceux que nous aurions intérêt à entendre, même s'ils viennent témoigner à leurs propres fins. La motion limiterait le versement de l'indemnité à deux témoins par organisme. Il ne faudrait pas qu'un porte-parole ou deux puissent venir accompagnés de huit ou de dix personnes.

Le sénateur Adams: Je vis dans les Territoires. Le transport de témoins venant d'endroits comme l'île de Baffin et Iqaluit me préoccupe davantage.

Le président: Nous y reviendrons plus tard. Nous nous réjouissons tout particulièrement que vous soyez ici pour nous éclairer à ce sujet.

Le sénateur Adams: Je craignais simplement que l'on dise que tous les Territoires ne pouvaient envoyer que deux témoins.

Le président: Le monde entier peut défiler à la table des témoins, sénateur, mais nous ne rembourserons les frais que de deux témoins par organisme, que les organismes viennent de la même collectivité ou pas.

Le sénateur Adams: Je vous remercie. Je fais cette motion.

Le président: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Il faut maintenant parler de l'horaire. Nous sommes aujourd'hui le jeudi, et il est midi. La plupart d'entre nous sont libres entre midi et 14 heures, le jeudi.

Est-ce un bon moment pour se réunir? Il est certes propice, dans mon cas. Au besoin, on pourrait faire servir un léger repas puisqu'on ferait ainsi un bon emploi du temps des sénateurs. Personnellement, je n'aime pas manger des sandwiches jour après jour. Quelqu'un a-t-il des observations à faire?

S'il n'y a rien à ajouter, j'accueillerais avec plaisir une motion portant que le comité siège, en règle générale, les jeudis, de midi à 14 heures. Nous pourrions utiliser la salle dans laquelle nous nous trouvons parce qu'elle libre et, plus tard, quand elle sera prête, la nouvelle salle, de l'autre côté du couloir.

Le sénateur Adams: Nous venons tout juste de rencontrer l'architecte, ce matin.

Le président: Vous seriez donc d'accord avec cette idée.

Le sénateur Adams: La salle ne sera peut-être pas prête avant mars.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Adoptée.

Le président: En ce qui concerne le plan de travail, vous devriez avoir devant vous une synthèse des questions de fond préparée par MM. Bruce Carson et John Christopher. Je les invite à nous en dire davantage à ce sujet.

M. Bruce Carson, consultant auprès du comité: Monsieur le président, j'ai préparé une synthèse préliminaire qui met en relief les grandes questions que soulèvent les différents modes de transport que veut étudier le comité. À mesure que progressera l'étude et que nous aurons entendu les témoins, nous compléterons la synthèse.

Après en avoir discuté avec John Christopher, je crois que le plan serait de tenir une série d'audiences à Ottawa au cours des quelques prochaines semaines afin d'en savoir plus long au sujet de la sécurité des transports. Une fois que les sénateurs se sentiront à l'aise dans ce dossier, peut-être vers la fin de novembre, nous pourrions faire le premier voyage, peut-être dans l'Ouest. M. Christopher peut peut-être vous en dire davantage au sujet des témoins qu'on pourrait entendre à Ottawa au cours des prochaines semaines.

M. John Christopher, attaché de recherche, Bibliothèque du Parlement: Une liste provisoire des témoins a été dressée. L'idée serait d'entendre les principaux participants, soit les groupes de coordination qui se trouvent à Ottawa. Le premier organisme serait le Bureau de la sécurité des transports qui touche à tous les modes de transport. Ensuite, on pourrait inviter Transports Canada, qui demeure responsable -- en dépit de ce qu'en pensent certains -- des règlements de sécurité au Canada, pour tous les modes de transport. Nous entendrions ensuite certains des grands organismes: l'Association canadienne du camionnage, l'Association canadienne des automobilistes, l'Association du transport aérien du Canada, NAV CANADA, c'est-à-dire le nouveau groupe de contrôle du trafic aérien qui a été privatisé récemment, la Garde côtière canadienne dont les programmes font l'objet actuellement d'une révision, particulièrement les programmes liés à la sécurité et les programmes de navigation qui ont une grande incidence sur les deux côtes, sur la Voie maritime du Saint-Laurent et sur le fleuve Saint-Laurent. Le comité voudra probablement entendre le président du comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire qui vient d'entreprendre une étude d'envergure de la sécurité ferroviaire. Il en sera tenu compte dans la nouvelle Loi sur la sécurité ferroviaire dont est actuellement saisie la Chambre et qui sera probablement renvoyée au comité d'ici Noël.

Les honorables sénateurs pourront ainsi se faire une bonne idée des questions que soulève la sécurité des transports avant d'aller rencontrer les gens à l'extérieur d'Ottawa. On projette, je crois, d'organiser le premier voyage vers la fin de novembre, à la fin de cette première série d'audiences à Ottawa.

Le président: Je suppose qu'il faut prévoir de six à sept séances à cette fin.

M. Christopher: À peu près, si nous entendons deux témoins par séance. Nous réserverons peut-être un bloc de deux heures au Bureau de la sécurité des transports parce qu'il touche à tous les modes de transport et une autre séance complète à Transports Canada, selon le sujet traité, après quoi nous pourrons probablement entendre deux témoins par séance.

Le sénateur Spivak: Avez-vous prévu de discuter de ces questions aujourd'hui ou tenez-vous à ce que cela se fasse plus tard?

Le président: À moins que vous n'y teniez, je ne crois pas que nous les aborderons aujourd'hui.

Le sénateur Spivak: Je ne parle pas d'aborder les questions comme telles, mais d'examiner la liste des questions.

Le président: Bien sûr.

Le sénateur Spivak: Tout d'abord, sous la rubrique des questions marines, je ne vois rien au sujet de la navigation de plaisance, mais vous allez l'inclure.

M. Carson: C'est exact.

Le sénateur Spivak: Ensuite, la question des motos marines aura beaucoup d'importance au Canada parce qu'elle met en jeu la sécurité et la pollution par le bruit, la sécurité des jeunes qui les utilisent alors qu'on ne les laisserait pas se servir de pareille machine sur la route.

Troisièmement, en ce qui concerne le camionnage, vous avez mentionné quelques lois, mais examinerons-nous aussi la loi de privatisation du CN et l'effet qu'elle aura sur les routes et l'industrie du camionnage? La croissance du nombre de camions circulant sur les routes rurales est phénoménale. On parle de subventionner la réparation du réseau routier pour permettre ce genre de transport. À mon avis, on fait fausse route. Il vaudrait mieux prévoir des chemins de fer sur courtes distances. Nul n'en parle en termes de sécurité. On se préoccupe surtout du coût. Je me demande s'il n'y a pas lieu d'examiner cette mesure législative.

Enfin, j'aimerais que l'on se penche sur la question de la vitesse sur les routes. Aux États-Unis, elle est réglementée. Je reviens tout juste d'Europe où l'on estime normal de rouler à 220 kilomètres-heure. La vitesse sur la route n'est pas de compétence fédérale, n'est-ce pas?

Le président: J'aimerais faire une observation ou deux au sujet des questions de compétence. Autant le faire tout de suite.

Le comité est très conscient des diverses compétences en jeu dans certains de ces dossiers. Nous ferons de notre mieux pour que ces droits soient respectés dans le cadre de nos études.

Cela étant dit, il n'y a pas de vache sacrée. Toute question qui a une incidence sur la population canadienne mérite qu'on s'y arrête.

Ainsi, vous avez parlé de sécurité de la navigation. Bien que cette question relève des provinces, c'est l'appareil judiciaire fédéral qui voit à l'exécution des lois parce qu'elles relèvent de la Loi sur les eaux internes du Nord et d'autres lois de nature fédérale. La compétence est partagée dans ce domaine. Il faudra être très prudent.

Les rencontres avec les autorités provinciales compétentes permettront de mieux définir cette question. Ces échanges enrichiront nos travaux. Je ne crois pas qu'il y aura conflit.

Le sénateur Spivak: Non, il ne devrait pas y en avoir. Lorsque je parle à de hauts fonctionnaires fédéraux, je constate de plus en plus qu'ils craignent tellement de marcher dans les plates-bandes provinciales qu'ils se tiennent loin de domaines qui sont en réalité de compétence fédérale. Je crois que c'est dû au climat politique.

Je ne suis pas membre de votre comité, mais je m'intéresse beaucoup à ses travaux. Est-il possible de recourir à une loi fédérale pour examiner des questions de sécurité qui sont sans conteste de compétence fédérale? Vous avez parlé des eaux intérieures. Quelles autres lois fédérales régissent la sécurité de la navigation de plaisance? En d'autres mots, je suis à la recherche de moyens qui nous permettraient de faire pareille étude.

Le sénateur Atkins: J'ai deux questions. L'une a trait aux chemins de fer sur courtes distances. Vous vous souvenez que, lorsque nous avons examiné la liaison en Truro et Sydney, on se demandait, en cas de privatisation, si le niveau de sécurité serait maintenu. Peut-on étudier cette question plus particulièrement à mesure que s'établissent des chemins de fer sur courtes distances au pays?

L'autre question a trait à la sécurité maritime et aux cours d'eau intérieurs. Étant donné les compressions budgétaires qu'effectue le gouvernement, j'ai l'impression qu'on tourne les coins ronds quand il s'agit de mettre en oeuvre de nombreuses mesures de sécurité comme le balisage des cours d'eau intérieurs. J'ignore pourquoi j'ai cette impression. J'ai entendu dire que la Garde côtière n'applique tout simplement plus les mêmes mesures de sécurité qu'elle a appliquées durant les cinq dernières années.

M. Christopher: La Garde côtière fait l'objet d'une importante étude de recouvrement des coûts. Elle a été mandatée par le gouvernement pour recouvrer une bonne partie de ses coûts.

Elle étudie notamment la possibilité d'éliminer une grande partie des aides à la navigation. Le but est d'en réduire le nombre le plus possible sans compromettre la sécurité.

Le sénateur Atkins: Mais elle compromet la sécurité.

M. Christopher: Il est indéniable qu'elle se débarrasse de certaines aides à la navigation. Elle fait partie des témoins qui seraient invités ici, à Ottawa, et je suis sûr que l'on aurait beaucoup de questions à lui poser.

Le sénateur Spivak: Sénateur Atkins, vous venez de me rappeler quelque chose. Dans le dossier des motos marines, un terrible accident est survenu en Ontario, l'an dernier. Le conducteur d'un de ces engins a effectué un virage pour arroser de jeunes femmes qui faisaient du canoë. Il les a tuées. On s'est alors demandé si la moto marine était trop dangereuse ou s'il ne s'agissait pas d'un trouble mécanique. En plus de faire beaucoup de bruit, elle donne lieu à d'importantes questions de sécurité.

Le sénateur Atkins: Je connais bien la vallée de la rivière Saint-Jean, par exemple. De toute évidence, il existe de nombreux dangers qu'on ne signale plus. C'est une grosse erreur parce que le nombre de bateaux de plaisance en provenance des États-Unis qui utilisent ces cours d'eau augmente et que les dangers ne sont plus signalés sur les cartes.

M. Christopher: Une partie de l'étude de recouvrement des coûts effectuée par la Garde côtière porte sur la façon de faire payer aux navigateurs de plaisance les aides à la navigation. Le problème est à la fois d'ordre administratif et politique. La Garde côtière estime qu'elle ne recouvre pas un cent des navigateurs de plaisance pour les aides à la navigation.

Le sénateur Spivak: Ils paient des taxes.

M. Christopher: Le financement vient effectivement des recettes fiscales, et c'est là le débat en cours. L'étude devrait être achevée d'ici la fin de l'année. Lorsque la Garde côtière viendra témoigner, vous aurez la possibilité de l'interroger.

Le président: Je me demande si quelqu'un peut présenter une motion d'adoption du plan de travail, sous réserve de changements ultérieurs.

Le sénateur Adams: Avant de le faire, j'aimerais poursuivre dans la foulée de ce qu'a dit le sénateur Spivak au sujet des accidents de navigation. De nombreux accidents se produisent sur les lacs, et je demande si nous pouvons entendre des témoins à ce sujet. Existe-t-il des organismes que nous pourrions inviter? Qui, mis à part le ministère, connaît la question?

M. Christopher: Le bureau de la sécurité peut le faire, tout comme Transports Canada et le conseil de sécurité. Ils participent beaucoup au dossier de la sécurité nautique.

Le sénateur Spivak: Il existe en Colombie-Britannique un groupe qui a demandé à un tribunal d'interdire les motos marines.

M. Christopher: Nous pourrons l'entendre quand nous serons à Vancouver ou à Victoria.

Le président: Il conviendrait peut-être d'inviter à témoigner la GRC, en fait, l'organisme responsable de faire respecter ces règlements.

M. Christopher: On fait habituellement appel aux coroners provinciaux.

Le président: Nous avons aussi besoin d'une motion autorisant expressément le sous-comité à voyager dans l'Ouest du Canada durant la dernière semaine de novembre 1996 et dans le reste du pays durant les deux dernières semaines de février 1997.

Le sénateur Spivak: Sans contredit.

Le sénateur Mercier: Je fais une motion en ce sens.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs de l'adopter?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Pouvons-nous nous entendre pour qu'en règle générale les communiqués de presse soient approuvés par la présidence et par la vice-présidence ou par leurs représentants avant d'être diffusés au nom du comité?

Le sénateur Atkins: Je le propose.

Le vice-président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Le président: La motion est adoptée.

La séance est levée.


OTTAWA, le mardi 5 novembre 1996

Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 16 h pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications a été autorisé à examiner, afin de présenter des recommandations, l'état de la sécurité des transports au Canada et à mener une étude comparative des considérations techniques et des structures juridiques et réglementaires, dans le but de vérifier que la sécurité des transports au Canada est d'une qualité telle qu'elle répondra aux besoins du Canada et des Canadiens au prochain siècle.

Le comité est autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations par les médias, à effectuer les voyages nécessaires, à engager le personnel voulu et à imprimer un nombre suffisant de copies de ses délibérations.

Le comité est composé de moi-même, président, du sénateur Willie Adams, vice-président, du sénateur Lise Bacon, présidente du comité sénatorial auquel est rattaché notre sous-comité, du sénateur Léonce Mercier et du sénateur Fernand Roberge.

Comme le Sénat siégera la semaine où nous prévoyions être en voyage, j'aimerais avoir une proposition pour modifier nos dispositions de voyage afin de les reporter de la dernière semaine de novembre à la première semaine de décembre.

Le sénateur Bacon: J'en fais la proposition.

Le président: Les sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Chers collègues, je vous signale à titre d'information et aussi pour vous permettre de mieux planifier votre temps, que nous devrions nous rendre à Yellowknife le dimanche 1er décembre 1996 et y passer la nuit. Nous tiendrons des audiences le lendemain et nous partirons pour Edmonton dans la soirée.

Le mardi 3 décembre, nous tiendrons des audiences le matin, nous visiterons les installations de contrôle de la circulation aérienne à midi et nous reprendrons les audiences en soirée.

Le mercredi 4 décembre, nous tiendrons des audiences le matin et nous nous rendrons à Vancouver le soir.

Le jeudi 5 décembre, nous tiendrons des audiences toute la journée dans cette ville et nous visiterons aussi les installations de recherche et de sauvetage de la Garde côtière, que certains d'entre vous connaissent déjà.

Nous tiendrons à nouveau des audiences le matin du vendredi 6 décembre.

Je suis impatient d'entreprendre le travail qui nous attend. Il sera long, mais je crois qu'il sera minutieusement accompli et qu'il sera utile pour la sécurité des transports au Canada.

Les témoins que nous entendrons aujourd'hui viennent du ministère des Transports.

Jeudi, nous entendrons M. Johnson, du Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Selon le calendrier du Sénat, nous reprendrons les travaux le 26 novembre. La journée sera relativement occupée et nous devrons peut-être siéger jusqu'à tard le soir. Nous entendrons M. Brian Hunt, président de l'Association canadienne des automobilistes, Mme Louise Pelletier, de l'Association des transports du Canada, M. John Crichton, président-directeur général de l'Association du transport aérien du Canada, qui sera peut-être aussi le principal témoin de NAV CANADA, un représentant de la Garde côtière canadienne, le directeur exécutif de la Fondation de recherche sur les blessures de la route au Canada, M. Herb Simpson, et enfin un représentant du Conseil canadien de la sécurité. Si nous le pouvons, nous entendrons aussi l'ancien président du comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire.

Le 28 novembre, nous aurons les témoignages de M. Gilles Bélanger, président de l'Association canadienne du camionnage, et de M. Bob Evans, directeur exécutif du groupe Canadians for Responsible and Safe Highways.

Nous avons donc la chance d'avoir aujourd'hui deux représentants du ministère des Transports, M. Ron Jackson, sous-ministre adjoint chargé du Groupe de la sécurité et sûreté, et M. Gaétan Boucher, directeur général intérimaire au Secrétariat de la sécurité et sûreté.

Puis-je vous demander de commencer votre exposé, monsieur Jackson?

M. Ron Jackson, sous-ministre adjoint, Groupe de la sécurité et sûreté, ministère des Transports: C'est un véritable plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui et d'avoir la possibilité de vous parler au moment même où débute ce projet extrêmement important. La sécurité des transports est primordiale pour nous comme pour tous les Canadiens, et tout ce que nous pouvons faire collectivement pour améliorer notre fiche à cet égard revêt une très grande importance.

Je suis sous-ministre adjoint à la Sécurité et sûreté au ministère des Transports. Comme la plupart d'entre vous le savent, le ministère des Transports connaît de profondes transformations. La tournure des événements de l'an dernier ou d'un peu avant l'a amené à devenir un organisme de réglementation et de décision. Nous ne nous occupons plus du fonctionnement du système de transport. Bon nombre d'aéroports que nous exploitions ont été cédés à d'autres parties, et le système de navigation aérienne et toutes les installations de contrôle de la circulation aérienne ont également été cédées ou vendues récemment à NAV CANADA. La Garde côtière canadienne qui relevait de notre ministère a été touchée elle aussi puisqu'elle est passée au ministère des Pêches et des Océans. Transports Canada se retrouve donc bel et bien à jouer, comme je l'ai dit, un rôle de surveillance de la réglementation et de formulation des politiques.

Nous avons préparé à votre intention un aperçu des règlements en matière de sécurité et dressé la fiche de sécurité des modes de transport réglementés par le gouvernement fédéral. Le tout forme une pile de documents que nous avons déposés devant vous plus tôt cet après-midi. Si vous le voulez bien, je les parcourrai rapidement avec vous pour situer notre ministère dans le tableau d'ensemble de la sécurité des transports au pays.

Comme vous le savez, une partie des moyens de transport est placée sous l'entière responsabilité du gouvernement fédéral, tandis que l'autre partie relève de plusieurs compétences. À la première page de notre document, nous avons énuméré les différents modes de transports et les rôles qu'y joue le ministère.

Le premier mais non le plus important secteur est l'aviation civile. Elle est entièrement réglementée par le gouvernement fédéral. Comme vous le voyez d'après les notes, c'est à nous qu'il revient d'en assurer la sécurité. Nous délivrons les licences, voyons à ce que les pilotes et les transporteurs aériens respectent les lois et les règlements et vérifions que tous les aéronefs sont conformes à toutes les normes de sécurité. J'entrerai un peu plus tard dans les détails en expliquant notre façon de procéder et en présentant notre fiche au chapitre de la sécurité du transport aérien.

La sécurité du transport maritime est elle aussi une responsabilité fédérale que se partagent le ministère des Transports et la Garde côtière canadienne. Depuis que la Garde côtière ne fait plus partie de notre ministère, il a fallu partager les secteurs de réglementation. Transports Canada réglemente donc les navires et les équipages quand il s'agit de gros navires commerciaux. La Garde côtière réglemente la navigation de plaisance et la gamme des petits bateaux.

Vous avez parlé, monsieur le président, de la possibilité d'avoir l'ancien président du Comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire comme témoin. La sécurité du transport ferroviaire relève largement du gouvernement fédéral, mais il y a des voies ferroviaires placées sous réglementation provinciale. Les gouvernements provinciaux ont de fait une certaine responsabilité à l'égard, par exemple, des passages à niveau des voies ferroviaires sur lesquelles ils ont compétence et à l'égard des intrusions dans les zones interdites. Je vous donnerai un peu plus de détails sur notre place dans ce secteur du transport.

Quant à la responsabilité de la sécurité routière, elle est vraiment partagée entre le gouvernement fédéral, c'est-à-dire le ministère des Transports, et les gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral réglemente la fabrication des véhicules et établit des normes pour les nouveaux véhicules. Les autres aspects de la sécurité routière sont largement du ressort des provinces. La responsabilité est partagée dans certains secteurs comme le camionnage, où notre travail consiste à établir des codes nationaux de sécurité par lesquels nous assurons une certaine harmonisation entre les provinces et veillons à ce que le transport interprovincial par camion reçoive toute l'attention nécessaire.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Nous allons devoir examiner de plus près certains secteurs dont vous avez parlé... pas aujourd'hui nécessairement, mais plus tard. Il serait donc utile que les membres du comité connaissent la hiérarchie à l'intérieur de votre ministère. Par exemple, qui faut-il appeler pour le transport et les matières dangereuses?

M. Jackson: Nous pouvons certainement vous communiquer les noms des personnes à appeler ou vous remettre un organigramme sur lequel vous trouverez ces renseignements, monsieur le président.

Le président: Cela nous serait extrêmement utile.

M. Jackson: Je vais essayer de décrire les responsabilités fédérales, de préciser les secteurs de compétence des participants et de dire dans quels domaines les gouvernements provinciaux jouent un rôle et à qui précisément incombe ce rôle.

Le transport des matières dangereuses est essentiellement de compétence fédérale. Cependant, les provinces reprennent nos normes dans leurs règlements, et leurs normes rejoignent celles du gouvernement fédéral qui s'appliquent dans chaque province.

Pour ce qui est de la sécurité, nous nous occupons principalement de celle du transport aérien et du transport maritime. Dans le domaine du transport ferroviaire, il se fait un certain travail pour que nous puissions mettre en place des règlements garantissant que le réseau ferroviaire restera sûr pendant des périodes de crise. Vous pouvez voir d'après les notes que le camionnage, le transport par autobus et le transport urbain sont de responsabilité provinciale.

Il y a d'autres participants dans le secteur du transport. Vous avez dit en introduction, monsieur le président, que vous entendrez un certain nombre d'entre eux. Le Bureau de la sécurité des transports est peut-être le plus important participant après nous dans le domaine de la sécurité. Comme vous le savez, c'est un organisme indépendant. Il ne rend pas compte au ministre du Transport, mais au président du Conseil privé de la Reine, ce qui garantit son indépendance par rapport à notre ministre. Il est principalement chargé de déterminer les causes et les facteurs des incidents et des accidents de transport. Il présente des recommandations auxquelles notre ministre et les parties intéressées doivent donner suite en prenant des mesures pour corriger les lacunes détectées dans le système de transport.

Le Tribunal de l'aviation civile est un autre participant dans le domaine de la sécurité des transports. C'est auprès de lui que font appel les personnes ayant fait l'objet d'une sanction ou d'une autre en exécution des règlements de l'aviation. Le Tribunal de l'aviation civile examine les décisions du ministre du Transport qui ont trait à l'application des règlements et à la délivrance des licences.

Comme autre participant clé, il y a l'Office des transports du Canada, qui s'est déjà appelé Office national des transports et Commission canadienne des transports. Il s'occupe de la réglementation économique. Il touche peu à la sécurité des transports. Il s'intéresse avant tout à la réglementation économique, mais les décisions qu'il prend dans certains domaines, comme l'abandon de lignes de chemin de fer, peuvent avoir des répercussions sur la sécurité de l'exploitation des lignes. L'office a donc principalement une vocation économique mais avec des implications possibles dans le domaine de la sécurité.

Au ministère, nous travaillons en partenariat avec toutes les personnes et tous les groupes que j'ai cités. Tel est notre rôle et c'est ainsi que nous contribuons effectivement à rendre le réseau de transport sûr. Nous agissons avant tout comme partenaires du secteur que nous réglementons. Ce que nous pouvons faire essentiellement, c'est donner un cadre de réglementation qui garantit, s'il est respecté, la sécurité du système de transport.

Souvent, les accidents ont pour cause non pas la transgression de la réglementation, mais des facteurs qui échappent totalement à l'organisme de réglementation. C'est ce que l'on constate, je crois, quand on regarde les accidents et les incidents et que l'on se demande simplement comment ils se sont produits. On découvre que les causes d'un accident ou d'une situation dangereuse sont multiples: règlements mal adaptés ou non observés, problèmes techniques, facteur humain. Tous ces facteurs peuvent être à l'origine d'un accident.

Cela dit, le rôle principal d'organisme de réglementation que nous jouons consiste à veiller à ce qu'il y ait un cadre de règles, de règlements et de lois qui garantissent la sécurité du système de transport s'ils sont tous respectés. Il consiste aussi à nous assurer de ce qu'il existe des mécanismes pour vérifier si les organismes réglementés se conforment aux règles. C'est ce que nous faisons en délivrant les licences et les certificats, en faisant des inspections et en appliquant les règlements. Une autre de nos activités et non la moindre est de faire du travail d'éducation, de sensibilisation et de promotion, c'est-à-dire faire comprendre l'importance de fonctionner en pensant à la sécurité et de respecter les règles.

J'aimerais maintenant parler de la fiche du Canada au chapitre de la sécurité des modes de transport qui relèvent du gouvernement fédéral. Je suis fier de dire que le Canada a une des meilleures fiches au monde. Il est toujours difficile de faire des comparaisons parce que les pays ont des façons différentes de recueillir les données sur la sécurité et de les analyser. Ce qu'il faut retenir, c'est que le Canada a une fiche enviable. Il y a place à amélioration, certes, mais nous n'avons pas à céder notre place à quiconque.

Notre fiche s'est améliorée ces dernières années. Je crois que les tableaux qui vous ont été distribués donnent une idée de la tendance observée pour chaque mode de transport.

Il est difficile de dire s'il y a amélioration ou non de la sécurité dans l'ensemble du système de transport et de tous les moyens de transport réunis. Il faut vraiment prendre les transports un à un pour se faire une opinion.

L'autre point que j'aimerais souligner est que les nombres absolus d'événements, d'accidents ou de décès ne sont significatifs que s'ils sont examinés à la lumière de l'activité enregistrée pour le mode de transport considéré. Autrement dit, ils doivent être un facteur d'utilisation du mode de transport. Vous verrez comment ils sont calculés dans les graphiques à barres que nous allons examiner.

Le premier tableau montre le taux d'accidents dans le domaine de l'aviation. Les calculs ont été faits par tranches de 100 000 heures de vol. Si on regarde les chiffres en haut des barres, on voit qu'ils varient très peu pour la période de 1987 à 1995. Il y a une légère tendance à la baisse qui montre un peu d'amélioration d'une année à l'autre.

Si l'on passe au tableau du taux d'accidents dans le transport maritime, on voit que le facteur d'activité utilisé est 1 000 arrivées et départs de navires. Les barres donnent un dessin en dents de scie, mais si l'on essaie d'établir une tendance, on constate qu'elle est légèrement à la baisse.

En ce qui concerne le taux d'accidents ferroviaires, on a un tableau où les chiffres peuvent être un peu difficiles à interpréter. Les critères d'établissement de rapport d'accidents ferroviaires ont en effet changé en 1992. Plus d'accidents ont été signalés en 1992 que dans les années antérieures. Dans le tableau, où les accidents sont exprimés en millions de train-milles, la tendance à la hausse que vous voyez est peut-être un peu trompeuse. Je vous ferai part de quelques-unes des préoccupations que nous avons au sujet de certains moyens de transport et de certains aspects de la sécurité lorsque je parlerai de chaque mode de transport. Pour en revenir au tableau, s'il était refait sans tenir compte de la nouvelle façon d'établir les rapports d'accidents, on verrait que la tendance va dans le bon sens.

Le tableau des accidents mortels dans le domaine de l'aviation montre une situation relativement constante. Le bond que l'on voit en 1991 est dû à l'accident d'avion de Nationair survenu en Arabie saoudite. Il n'y a pas eu depuis d'accident d'avion grave au Canada. Le nombre d'accidents mortels est relativement constant.

Les accidents mortels enregistrés dans le transport maritime suivent là encore un tracé en dents de scie. En général, leur nombre reste relativement constant.

Nous sommes particulièrement fiers des résultats obtenus dans le transport routier. Disons pour commencer que les chiffres absolus sont élevés puisque les accidents de la route font entre 3 200 et 3 500 morts par année. Le nombre de décès enregistrés pour les autres modes de transport semble bien pâle en comparaison. Les accidents d'avion, par exemple, font 100 victimes chaque année contre 3 500 pour les accidents de la route. L'écart est énorme si l'on parle de chiffres absolus.

Ce qui nous rend fiers, c'est la forte diminution du nombre de décès causés par les accidents de la route depuis le début des années 80. Ce nombre est tombé de plus de 5 000 ou 6 000 au milieu des années 80 à 3 500 aujourd'hui. Cette très nette amélioration de la situation est largement attribuable aux dispositifs de sécurité adoptés par les fabricants d'automobiles nord-américains. Le port de la ceinture de sécurité et autres mesures du genre ont énormément réduit le nombre de décès. Je parlerai un peu plus tard de certaines particularités propres à la fiche de la sécurité routière.

Le ministère des Transports dispose d'importantes ressources pour réglementer et assurer la sécurité des moyens de transport. Le tableau que nous avons ici ne montre que les montants fédéraux. Il ne montre pas les sommes dépensées par les provinces ou les municipalités qui ont un rôle à jouer, surtout sur le plan de la sécurité automobile.

Il est prévu que nous dépenserons, en 1996-1997, quelque 183 millions de dollars pour environ 2 100 employés dans les domaines des règlements de sécurité et de la promotion de la sécurité. De ces 2 000 et quelques employés, à peu près la moitié travaillent sur le terrain. Ils font des inspections et voient à faire respecter les règlements. Il y en a probablement autant ici, à Ottawa, qui élaborent les règlements. C'est à Ottawa également que sont centralisés certains programmes dont je vous parlerai un peu plus tard. Par exemple, le programme de réglementation de la sécurité automobile est entièrement mené à Ottawa. Il n'a pas de volet régional.

Il faudrait peut-être que je consacre un moment à chacun des modes de transport sous réglementation fédérale pour faire ressortir quelques points essentiels. Vous pouvez vous faire une idée de l'importance de l'aviation civile au Canada en regardant la première page de notre mémoire. L'aviation civile regroupe près de 70 000 propriétaires, exploitants et pilotes. Le nombre d'aéronefs immatriculés avoisine 28 000. C'est donc un secteur très actif. L'aviation civile canadienne est la deuxième au monde en importance, et elle constitue à n'en pas douter un secteur dynamique du milieu canadien du transport.

L'avion est le moyen de transport le plus rapide. Comme le montrent les statistiques, le trafic aérien intérieur devrait augmenter de 60 p. 100 au cours des 20 prochaines années, et le trafic international à destination de l'Amérique du Nord et des pays du Pacifique devrait doubler. L'aviation civile est donc un élément actif du système de transport.

Je me dois d'ajouter que l'exportation de produits aéronautiques fabriqués au Canada représente un important secteur de notre économie. Notre pays se classe quelque part entre le quatrième et le sixième rang mondial pour ce type d'exportation. La fabrication de produits aéronautiques occupe donc une place économique importante.

Je me dois également de signaler deux ou trois points au sujet de la sécurité aéronautique. Le premier concerne NAV CANADA. Le rôle que nous jouons auprès de cet ancien membre de la famille de Transports Canada est fondamentalement nouveau. Quand le système de contrôle de la circulation aérienne a été enlevé au ministère des Transports la semaine dernière et que l'on en a fait une société sans but lucratif du secteur privé, il est devenu une entité réglementée... c'est-à-dire un élément du système qui englobe les transporteurs aériens et les fabricants de produits aéronautiques.

Aujourd'hui, nous réglementons le système de contrôle de la circulation aérienne comme nous le faisons pour un transporteur aérien. Ses administrateurs se sont vu remettre un plan d'exploitation pour mener essentiellement leurs activités, et aussi un ensemble de règlements, à savoir la Partie VIII du Règlement de l'aviation canadien. Divers manuels, diverses procédures, et cetera, qui relevaient autrefois de notre ministère sur le plan administratif sont maintenant fusionnés selon un système de renvoi, et les administrateurs doivent s'y conformer comme s'il s'agissait d'un règlement ou d'une norme. Nous avons donc maintenant un nouvel organisme qui a été essentiellement constitué pour jouer un rôle de surveillance de la sécurité auprès du système de contrôle de la circulation aérienne.

Voilà pour le premier point. Je rappelle que cette façon de procéder ne date que de quatre ou cinq jours.

J'attire maintenant votre attention sur un certain nombre de réformes de la réglementation, dont la plus récente est celle du Règlement de l'aviation canadien qui est entré en vigueur le 10 octobre de cette année.

On a regroupé, je le rappelle, dans un nouveau volet du cadre de réglementation qui est le Règlement de l'aviation canadien une série de normes, de règles, de lettres d'orientation et d'ordonnances sur la navigation aérienne qui existaient, et l'on a intégré tous ces éléments dans les huit parties du nouveau règlement.

Une ou deux questions concernant le règlement de l'aviation sont dignes d'intérêt. Je les soulève parce qu'elles sont devenues publiques sous une forme ou une autre et qu'elles sont appelées à l'être pendant votre étude. L'une a trait aux heures de vols et de service, c'est-à-dire aux heures de travail et de repos que les pilotes et les membres d'équipage doivent avoir d'après le règlement. La semaine passée, il y a eu à l'émission Marketplace un reportage sur la valeur de nos règles.

Les autres règles qui prêteront à controverse dans l'avenir ont trait à la lutte contre les incendies d'aéronefs. Elles fixeront les critères d'utilisation des moyens d'extinction des incendies dans les aéroports canadiens.

Une autre question qu'il me faut mentionner en passant est l'étude portant sur la sécurité chez les compagnies de taxi aérien qui a été entreprise il y a quelques mois. On a enregistré un nombre disproportionné d'accidents dans ce secteur particulier de l'aviation commerciale qui regroupe les exploitants de petites compagnies. Ces exploitants fournissent principalement des services aériens dans le Nord, sur la côte Ouest et dans le nord-ouest de l'Ontario. Nous croyons devoir prêter une attention particulière à l'attitude face à la sécurité qui existe dans ce secteur de l'aviation commerciale. Le groupe de travail qui se penche sur la question doit présenter son rapport au début de l'an prochain.

Le président: Et les conditions atmosphériques dans tout cela?

M. Jackson: À quel propos?

Le président: Si vous allez vous intéresser aux activités des compagnies de taxi aérien et des autres formes d'aviation légère, générale, regarderez-vous si les conditions atmosphériques sont toujours surveillées?

M. Jackson: Dans le secteur particulier dont nous parlons, nous examinons l'attitude face à la sécurité... c'est-à-dire la façon dont les compagnies aériennes en question traitent la sécurité dans le cadre de leurs activités. Comme vous le savez, on brave le mauvais temps et c'est une des causes des accidents d'avions-taxis et d'avions de transport régional. C'est une pratique à laquelle nous nous attaquerons certainement.

Si vous parlez des services de météorologie, des prévisions, et cetera, c'est tout à fait différent. Ils sont intégrés dans le processus de renseignements météorologiques dont NAV CANADA s'occupe maintenant. Nous traiterons pendant l'examen, je pense, de cet aspect particulier qui vous préoccupe.

Pour en revenir à la sécurité du transport maritime, certains indicateurs se trouvent à la page qui donne le nombre de navires immatriculés au Canada, le nombre d'inspections, d'examens, etc.

Le seul aspect sur lequel j'aimerais attirer votre attention est le nombre d'inspections et de détentions effectuées dans le cadre du contrôle portuaire fait par l'État. Il s'agit là d'activités que le Canada mène en partenariat avec d'autres pays. Nous avons signé en effet deux protocoles d'entente. Le premier, appelé Protocole d'entente de Paris, a été conclu avec un groupe de pays qui bordent l'Atlantique. Le deuxième, appelé Protocole d'entente de Tokyo, l'a été avec un groupe de pays qui bordent le Pacifique. Ces pays ont décidé d'agir pour empêcher que des bateaux en mauvais état ne sillonnent les mers.

Notre objectif est d'inspecter 25 p. 100 de tous les bateaux étrangers qui arrivent dans les ports canadiens pour vérifier s'ils sont conformes aux normes internationales reconnues. Les 1 348 inspections effectuées l'an dernier ont donné lieu à la détention de 149 navires qui présentaient une défectuosité ou une autre.

Le transport maritime s'inscrit dans un milieu international et dans un secteur d'activité très importants. La détention est le seul moyen dont nous disposons pour nous assurer de la sécurité de la navigation en haute mer.

Quelques points concernant la sécurité du transport maritime valent probablement la peine d'être signalés. Vu le nombre impressionnant de navires-citernes qui sillonnent l'océan au large de la côte ouest en particulier, entre l'Alaska et les 49 autres états américains plus au sud, la protection du milieu marin et la sécurité de ces navires nous tiennent constamment sur le qui-vive. Il existe actuellement des engagements et des normes qui obligeront à améliorer la conception et la construction des navires-citernes au cours des 15 ou 20 prochaines années. Devant le trafic intense de ces bateaux, il faut absolument avoir en place un mécanisme de prévention de la pollution et d'intervention auquel participe la Garde côtière canadienne.

Je ne crois pas surprendre qui que ce soit en disant que la loi en matière de sécurité maritime a énormément besoin d'être actualisée. La Loi sur la marine marchande du Canada est très ancienne et désuète. À part certaines parties ajoutées récemment, elle n'a manifestement rien d'une loi adaptée à notre époque. Elle date du dix-neuvième siècle et nous approchons du vingt et unième, d'où la nécessité évidente d'une refonte. On a d'ailleurs entrepris du travail dans ce sens.

Nous nous attendons d'ailleurs aussi à ce que des changements soient déposés à la Chambre des communes au début du mois de décembre. La Loi sur la marine marchande du Canada a besoin de divers changements car certains aspects ont absolument besoin d'être corrigés. Après cela, nous devrions pouvoir attendre jusqu'à la refonte elle-même.

J'ai déjà parlé du contrôle portuaire fait par l'État.

Le dernier point que je voudrais aborder concernant la sécurité du transport maritime est le pilotage maritime. Je sais que bon nombre d'entre vous sont au courant de cette préoccupation de longue date. La Loi maritime du Canada, que le comité permanent des transports examine article par article aujourd'hui même, je crois, contiendra certaines mesures qui régleront les problèmes que pose le pilotage maritime.

En ce qui a trait à la sécurité du transport ferroviaire, je n'ai que quelques remarques à faire. Je vous ai donné des indicateurs quant au nombre de chemins de fer réglementés par le gouvernement fédéral, le nombre de milles de voies qui existent, etc. Évidemment, à mesure que les compagnies de chemins de fer rationalisent leurs réseaux, le nombre de milles de voies diminue.

Il faut s'occuper d'un certain nombre de questions relatives à la sécurité. La première concerne les modifications à apporter à la Loi sur la sécurité ferroviaire. Je m'attends à ce que ces modifications soient examinées, article par article, quelque temps vers la fin du mois, puis que le projet de loi soit renvoyé à la Chambre pour y poursuivre son cheminement. Il s'agit d'un examen, comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, qui n'a rien à voir avec celui de la Loi sur la sécurité ferroviaire qui a eu lieu il y a deux ou trois ans. Celui d'aujourd'hui permettra de réaliser un certain nombre de modifications qui viendront compléter l'ancien.

Comme la sécurité des passages à niveaux et les accidents dans les zones d'accès interdit continuent de nous préoccuper, nous travaillons conjointement avec le secteur et d'autres parties intéressées pour trouver des solutions.

Le dernier point est devenu un sujet d'inquiétude cette année. Il s'agit du nombre de déraillements en voie principale et de wagons échappés. Le dur hiver que nous avons eu dans bien des régions du pays a contribué à la hausse considérable du nombre de déraillements en voie principale survenus au printemps dernier. Les deux compagnies de chemin de fer sont, je crois, plus conscientes du fait qu'une vigilance accrue s'impose, davantage encore sans doute depuis le tragique accident d'Edson. Tant le CN que le CP font de grands efforts pour améliorer la sécurité et nous multiplions, nous aussi, nos activités dans le secteur. Je souligne cela simplement pour votre information.

Pour ce qui est de la sécurité du transport routier, les chiffres sont, je le répète, très élevés comparativement aux autres modes de transport. Ainsi, quelque 17,9 millions de véhicules automobiles sont immatriculés. En 1994, on a rappelé 1,1 million de véhicules. La route a fait 3 300 morts et 240 000 blessés, et on estime à 10 milliards de dollars les coûts des collisions et les coûts à la société occasionnés par les accidents, quoique ce chiffre soit probablement plus près de 20 milliards, voire de 25 milliards de dollars.

De toute évidence, un petit pourcentage d'amélioration dans le domaine de la sécurité routière se traduit par une très importante amélioration du nombre absolu de pertes de vie, de blessés et de pertes matérielles.

La sécurité routière est source d'un certain nombre de préoccupations. La protection des occupants en est une, tout particulièrement en ce qui a trait aux coussins gonflables. Ces dernières semaines, la presse a abondamment fait état d'abord des problèmes que ces coussins ont occasionnés dans les collisions à basse vitesse où les gens n'étaient pas bien retenus par leur ceinture, et, plus récemment, des changements qui seront apportés compte tenu des interventions du ministère et de la coopération du secteur de l'automobile qui projette de désactiver les coussins gonflables.

Je n'aborderai pas la réglementation relative aux émissions de polluants, bien qu'il s'agisse d'une constante préoccupation si l'on en croit l'amélioration de la performance des véhicules automobiles à cet égard. Je crois que notre partenariat continu avec les provinces dans le domaine de la promotion de la sécurité routière constitue un aspect important. Encore une fois, nos homologues provinciaux et nous-mêmes, tous les ministres des Transports ou les ministres chargés de l'administration du transport automobile dans les provinces, mettons au point des activités promotionnelles conjointes visant trois objectifs: la réduction de la conduite avec facultés affaiblies, l'augmentation du port de la ceinture de sécurité de façon à faire passer le taux actuel de 92 p. 100 au taux souhaité de 95 p. 100 d'ici cinq ans et, enfin, la formation d'un groupe de travail qui sera chargé de déterminer comment il faut traiter les conducteurs à risque élevé, ces gens qui prennent des risques excessifs et dont le comportement met les autres en danger. Nous croyons que ces types d'activités sont susceptibles de rapporter des gains réels.

Au sujet du transport des matières dangereuses, j'ai quelques statistiques clés qui donnent une idée du nombre de produits, d'expéditions, etc. qui sont en cause. Le chiffre qui ressort est celui des 27 millions d'expéditions de matières dangereuses qui s'effectuent chaque année au Canada, un chiffre très important qui suppose beaucoup d'effort de la part des provinces et de nous-mêmes pour assurer la manipulation sécuritaire et le confinement de ces matières.

Le principal point à souligner concernant les matières dangereuses est l'ensemble de nouveaux règlements actuellement en préparation qui seront, pour la première fois, rédigés dans un langage simple. Ces règlements seront faciles à comprendre pour chacun d'entre nous, pas seulement pour les avocats. Nous espérons qu'en leur donnant cette forme, nous parviendrons à réaliser notre objectif qui est d'obtenir un meilleur taux d'observation des règlements.

«Opération répondre» fait partie des enjeux parce que, comme vous le savez sans doute, un projet de loi d'initiative parlementaire, visant à trouver un moyen de mieux répondre aux urgences en rendant les données accessibles à toutes les casernes de pompiers du pays, fait actuellement l'objet de discussions. Nous verrons comment les choses se passeront pour ce projet de loi.

Deux questions de sécurité sont actuellement sur le tapis. La première, qui est la sécurité dans les aéroports, est une préoccupation constante. L'écrasement du vol 800 de TWA et les activités entreprises par les Américains ont davantage sensibilisé la population canadienne à cette question. Il y a eu la Commission Gore dont les travaux ont débouché sur des recommandations que le vice-président Gore a présentées et que le ministère des Transports des États-Unis est en train d'adopter. Nous devons être attentifs à la situation canadienne et agir en conséquence.

Quant à l'avenir, disons rapidement que la surveillance de la sécurité demeurera notre responsabilité et constituera notre principal mandat. Nous devrons continuer à exercer des activités de gérance sur les propriétés et les biens qui ne sont pas commercialisés et que le gouvernement conserve. Notre principal rôle sera d'établir et d'appliquer des normes de sécurité et de sûreté. Puisque le ministère des Transports passe d'une structure organisationnelle comptant quelque 20 000 personnes à une structure où l'effectif avoisinera les 4 000 à 5 000 personnes, nous adopterons une perspective plutôt multimodale qu'unimodale. Nous nous attacherons surtout à favoriser la promotion de la sécurité grâce à l'information et à la communication que nous assurerons à nos interlocuteurs. Nous devons faire en sorte que nos règles s'harmonisent autant avec celles des autres pays qu'avec celles de nos partenaires provinciaux, d'une part, et que nous disposions de meilleures données, d'autre part.

Comme je l'ai dit au cours de nombreuses conversations que j'ai eues, nous devons avoir une meilleure idée de notre performance pour être en mesure de faire des comparaisons avec d'autres pays et de prendre des décisions de gestion du risque plus éclairées, en nous appuyant sur des données et des renseignements solides. Je crois que c'est ainsi que nous pourrons cibler plus efficacement nos ressources de surveillance.

Je termine sur ce point et je vais maintenant tenter de répondre à vos questions.

Le président: Puis-je dire d'emblée que vous nous avez présenté un splendide aperçu, qui nous sera très utile comme point de départ à notre étude. J'entrevois environ trois années de travail d'après ce que vous avez dit jusqu'ici.

Nous espérons élaborer, dès que possible, une liste des questions de sécurité sur lesquelles nous nous pencherons et que nous analyserons.

Pourriez-vous nous énumérer les questions de sécurité du transport les plus pressantes au Canada en ce moment? Pourriez-vous également nous dire quel moyen de transport suscite les plus grandes préoccupations sur le plan de la sécurité et peut-être nous expliquer pourquoi?

M. Jackson: Permettez-moi de répondre d'abord à la seconde question. Le moyen de transport qui suscite les plus grandes préoccupations n'est pas nécessairement celui qui présente le plus grand risque. Nous avons affaire à la perception du public dans bien des cas. Ainsi, le mode de transport qui a tendance à avoir la plus grande visibilité sur le plan de la sécurité est le transport aérien. Est-ce que les chiffres montrent qu'il présente le plus haut risque ou qu'il devrait nous préoccuper au plus haut point? Je n'en suis pas si sûr. La sécurité aérienne a tendance à avoir une plus grande visibilité pour diverses raisons.

Le mode de transport qui nous cause probablement les plus grandes inquiétudes et sur lequel, à mon avis, nous pouvons avoir la plus grande incidence en tant qu'organisme de réglementation est celui des véhicules automobiles, tout simplement à cause des chiffres absolus. Comme je l'ai dit plus tôt dans mon exposé, même une légère amélioration se traduit par des avantages énormes pour les Canadiens.

En ce qui concerne notre cadre de travail réglementaire et les règles que nous devons appliquer, c'est le transport maritime qui exige le plus de travail en matière de modernisation et d'augmentation de l'efficacité.

Ce sont là trois secteurs, pris sous des angles différents, qui me préoccupent à divers égards: pour le premier, c'est la perception du public, pour le deuxième, ce sont les chiffres absolus et pour le troisième, c'est le cadre de travail réglementaire dans lequel nous devons travailler.

Le président: Je partage votre préoccupation quant à la nécessité d'une nouvelle loi ou d'un nouveau code maritime. Je me rends compte du travail de codification qui a été fait du côté de l'aéronautique. La Loi sur l'aéronautique est d'ailleurs entrée en vigueur relativement tôt dans le vingtième siècle. J'espère que nous pourrons vous persuader de vous attaquer à ces deux lois avant la fin du siècle.

[Français]

Le sénateur Bacon: Si l'on prend le transport ferroviaire, par exemple, on dit que les déraillements des wagons en voie principale, sont des incidents fréquents au Canada. On parle de 156 en 1995. L'état et la géométrie de la voie ferrée sont responsables de 36 p. 100 des déraillements. Je ne sais pas si l'on peut conclure que 36 p. 100 des incidents de déraillement auraient pu être évités en 1995. Comment peut-on effectivement traiter ce problème?

Est-ce que les compagnies ferroviaires peuvent être tenues responsables de l'état et de la géométrie des voies ferrées? Est-ce qu'il serait possible de modifier ces conditions dangereuses aux endroits clés?

M. Gaétan Boucher, directeur général intérimaire, Secrétariat de la sécurité et sûreté, ministère des Transports: En ce qui a trait au 36 p. 100 des déraillements sur les lignes principales redevables à la géométrie et à l'état des voies, c'est une statistique que j'entends pour la première fois, peut-être en raison de mon manque de connaissance au niveau de la sécurité ferroviaire.

L'augmentation que l'on a observée cette année est assez significative. Comme M. Jackson l'a dit dans sa présentation, on pense qu'il y a beaucoup de facteurs reliés à la température qui auraient expliqué cette hausse. C'est une hausse assez dramatique.

Selon nos inspections, on ne semble pas déceler de tendances particulières ou différentes cette année par rapport aux autres années.

En ce qui a trait à la géométrie, à l'état des voies ferrées, évidemment c'est une question d'ingénierie très technique. Nos inspecteurs sont spécialisés dans ce domaine. À ma connaissance, il faudrait vérifier avec les experts, je ne pourrais pas commenter. Est-ce vraiment un phénomène qui expliquerait cette hausse dramatique que l'on observe cette année? On peut prendre cette question en délibéré et vérifier avec nos ingénieurs et nos inspecteurs, si effectivement, il y a une tendance et une explication de ce type sur nos voies ferrées pour la hausse des déraillements.

Le sénateur Bacon: Toujours au niveau du transport ferroviaire, on sait que les passages à niveau sont une cause majeure de la presque majorité des incidents ferroviaires. On pense même que la moitié des incidents au passage à niveau ont lieu où un système automatisé est présent. On revient toujours au système automatisé présent.

Quels sont les changements que l'on pourrait apporter pour éviter de tels accidents même avec les systèmes qui existent? Est-ce que l'on pourrait changer les systèmes?

M. Boucher: Comme vous le savez, les provinces et le gouvernement fédéral se sont entendus pour mettre de l'avant une étude, un groupe de travail, en réponse aux recommandations du comité qui avait revu la Loi sur la sécurité ferroviaire avec comme objectif de diminuer les accidents au passage à niveau de 50 p. 100 au cours des 10 prochaines années. J'ose espérer que ce comité va se pencher sur les causes et va pouvoir nous donner des pistes de solution afin de régler cette question.

Il est intéressant, n'étant pas un spécialiste dans le secteur ferroviaire, de noter les nombreuses questions quant au comportement humain. On lit parfois des commentaires où les gens s'impatientent, font le tour des barrières et cetera. Je ne sais pas dans quelle mesure cela joue.

On a un programme qui s'appelle «Gare au train», en version anglaise «Operation lifesaver», qui tend à améliorer le côté éducatif. Ce programme éducatif vise à éduquer les très jeunes dans les écoles et à les sensibiliser à ce problème. De plus en plus, on met l'accent sur les programmes d'éducation et de sensibilisation aux risques inhérents au passage à niveau.

J'espère que le groupe de travail mis sur pied va nous donner des pistes de solution. L'objectif est de réduire de 50 p. 100 les accidents au passage à niveau dans les 10 prochaines années.

[Traduction]

Le sénateur Adams: Monsieur le président, je ne m'attendais pas à ce que les témoins nous présentent toutes ces statistiques et ces détails sur les accidents, surtout en ce qui concerne la sécurité routière. Je vois ici que 675 000 accidents, de voiture seulement, ont fait quelque 3 000 morts et 240 000 blessés.

Selon le document qu'on nous a remis, les chiffres ont beaucoup baissé depuis 1987. En revanche, le transport des marchandises par voie ferrée fait l'objet de compressions et on se retrouve avec de plus en plus de gros camions sur les autoroutes. Les blessés sont encore très nombreux et, chaque année depuis 1994, environ 3 000 personnes sont mortes dans des accidents de voiture.

Je sais que les accidents ont des causes diverses pouvant aller de la conduite avec facultés affaiblies au mauvais état des routes. Toutefois, l'augmentation du nombre de gros camions sur les autoroutes m'inquiète. Parfois, lorsqu'on conduit, on croise un de ces mastodontes. On est aspiré à tel point que l'on se sent comme s'il n'y avait que deux ou trois pouces entre lui et notre voiture. C'est encore plus dangereux en hiver, car ils nous éclaboussent avec tellement de neige fondante qu'on ne peut plus rien voir pendant quelques minutes. Ces choses-là sont plus dangereuses que de croiser d'autres voitures.

J'habite dans une région éloignée des Territoires du Nord-Ouest. Nous n'avons pas beaucoup de règlements sur la sécurité maritime. Je constate que les données ont tendance à fluctuer dans ce domaine. Comment projetez-vous d'améliorer la sécurité maritime, tant sur le plan des accidents que sur celui des noyades?

M. Jackson: En ce qui concerne les véhicules automobiles, les statistiques présentées ici sont une compilation de tous les accidents survenus sur les routes, qu'ils impliquent des camions ou des voitures particulières. Quant à la question de la prévention et des moyens qui nous permettraient de diminuer le nombre de morts et de blessés, le port de la ceinture de sécurité demeure la mesure qui, à elle seule, donne les résultats les plus efficaces.

Si on examine les causes des accidents de la route, je crois que l'alcool joue un rôle dans 40 p. 100 des cas. C'est pour cela qu'on s'attache tellement à faire diminuer la conduite avec facultés affaiblies. Les chiffres sont saisissants. En nous attaquant à ce phénomène précis, nous croyons pouvoir obtenir une réduction sensible du nombre d'accidents qui surviennent sur les autoroutes.

Le sénateur Adams: Vous dites que 40 p. 100 de ces accidents sont causés par l'alcool. Les gens doivent se demander ce que nous faisons ici au Canada.

Le président: Ce chiffre de 40 p. 100 me paraît très élevé. Est-il en hausse?

M. Jackson: Il provient de la série de statistiques la plus récente à être publiée. Je crois que la proportion de 40 p. 100 a trait au nombre de décès causés par l'alcool.

Le sénateur Adams: Ces statistiques ont-elles un rapport quelconque avec le volet maritime?

M. Jackson: Je ne crois pas.

Le sénateur Adams: Il doit sûrement y avoir des accidents de bateau qui sont dus à l'ivresse.

[Français]

Le sénateur Bacon: Vous avez des discussions avec les États-Unis concernant le dépistage des drogues par rapport au transport routier. Où en sont rendu ces discussions avec les États-Unis?

[Traduction]

M. Jackson: Ce n'est pas un de nos domaines de compétence. Je crois savoir que c'est surtout le camionnage qui fait l'objet de ce dépistage et que des mesures réciproques sont en place. Les entreprises canadiennes de camionnage qui font affaire aux États-Unis sont sujettes aux mêmes règles que les américaines.

Le sénateur Bacon: Serait-ce une responsabilité interprovinciale?

M. Jackson: Je n'en suis pas certain, sénateur. Des contrats ont été établis, paraît-il, entre l'association du camionnage et une entreprise spécialisée dans le dépistage. Je peux vous obtenir des détails sur les parties en cause.

Le sénateur Bacon: J'ai une autre question à vous poser à propos de l'aviation.

[Français]

Le sénateur Bacon: On dit que la majorité des accidents qui ont eu lieu en 1995 dans le domaine de l'aviation, mettaient en cause des transporteurs privés où des pilotes avaient peut-être à leur actif, moins de mille heures de vol. Est-ce qu'il serait approprié de modifier les conditions d'obtention de permis de vol pour les nouveaux pilotes? Et, les critères pourraient-ils être plus exigeants pour eux pour que la classe d'apprentissage dure plus longtemps afin d'éviter ces accidents?

[Traduction]

M. Jackson: Les règlements qui s'appliquent aux pilotes privés et à l'aviation de loisir ont été révisés dernièrement. Les pilotes sont régis par les normes et les exigences qui ont été établies dans la nouvelle politique sur l'aviation de loisir.

La responsabilité a un peu changé par rapport à ce qu'elle était. Je serais heureux de vous procurer de plus amples renseignements sur les dernières modifications qui, espérons-le, contribueront à rendre l'aviation de loisir privée plus sécuritaire.

Le président: Jouons-nous un rôle actif ou un rôle d'observateur dans le domaine du camionnage interprovincial? Donnons-nous le ton? Essayons-nous d'abattre les obstacles qui empêchent encore d'établir des normes communes?

M. Jackson: Oui, sénateur, nous le faisons par l'intermédiaire du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé. Il s'agit d'un organisme constitué à la fois de représentants fédéraux et de responsables provinciaux de la réglementation.

Le président: Ce n'est pas la conférence des ministres des Transports?

M. Jackson: Au niveau des ministres, c'est l'organe de prise de décisions. Des représentants officiels travaillent dans divers cadres placés sous le comité des ministres.

Le Code national de sécurité a été institué il y a quelques années afin d'établir un ensemble de normes minimales pour le camionnage. Des poids, des dimensions, des règles, et cetera, font partie intégrante de cet ensemble précis de normes. On a obtenu, dans une large mesure, l'harmonisation interprovinciale à cet égard.

Le président: Est-ce un genre de processus prévoyant un seul arrêt pour les camions?

M. Jackson: C'est un programme qui fait en sorte que les camions ne soient pas arrêtés aux frontières provinciales sous prétexte qu'ils ne satisfont pas aux normes de la province dans laquelle ils entrent alors qu'ils satisfont à celles de la province dont ils sortent. On tient compte de leur situation dans les lois provinciales.

Le gouvernement fédéral a investi des fonds dans ce programme pour aider les provinces à instaurer des mécanismes permettant d'élaborer et de faire appliquer des règles, de mettre en place des systèmes informatisés, et cetera. Tout cela s'est fait en vue d'obtenir un système harmonisé d'un bout à l'autre du pays.

Nous avons déjà investi 25 millions de dollars dans ce programme et une nouvelle tranche de 25 millions sera injectée d'ici les trois prochaines années.

L'initiative qui a cours actuellement, la nouvelle fraîche du jour si je puis dire, c'est le programme de vérification sécuritaire. Ce programme implique une comparaison des entreprises de camionnage et une inspection des camions en vue de déterminer dans quelle mesure ils sont sécuritaires sans égard à la province dont ils proviennent. On obtiendrait ainsi une certaine forme de vérification ou d'inspection commune.

M. Boucher vient de me rappeler que nous sommes des facilitateurs. Essentiellement, nous fournissons des fonds pour faire en sorte que cette harmonisation se réalise.

Le président: Le gouvernement fédéral ou le Conseil canadien des normes a-t-il réfléchi à la possibilité d'établir des normes particulières pour la fabrication des pneus de camion?

Je voyage fréquemment entre Halifax et Ottawa en voiture. Je n'ai même pas idée du nombre de fois où ma vie a été menacée. J'ai été témoin de graves accidents et j'ai vu voler dans les airs des morceaux de caoutchouc qui horrifieraient quiconque se trouverait sur leur passage. Et ces accidents semblent se produire autant en hiver qu'en été.

Chaque province dispose de peut-être 30 ou 40 petits camions dont l'effectif a pour seule tâche de ramasser les morceaux de pneus de camion le long des autoroutes. Les conditions de conduite dangereuses sur les autoroutes canadiennes sont en grande partie attribuables à ces pneus qui éclatent à tous moments.

Faites-vous quelque chose à ce sujet? La déréglementation existe depuis quelques années maintenant. Nous avons vu les expéditions de détail passer complètement du transport ferroviaire au camionnage. Tôt ou tard, soit les camions soit les voitures devront sortir de la route transcanadienne et je ne sais lequel des deux ce sera. Cette situation fait actuellement l'objet d'un examen un peu partout.

C'est une des raisons pour lesquelles je me laisse assez volontiers chasser de la route principale. Si je ne l'emprunte plus, ce n'est pas parce que j'aime passer par les petites villes -- aussi jolies et pittoresques soient-elles --, mais bien parce que j'ai peur des pneus de camion qui éclatent.

Y a-t-il des normes que l'on pourrait revoir? Je suppose que le problème vient des pneus rechapés. Pourriez-vous nous éclairer un peu là-dessus?

M. Jackson: Notre rôle se cantonne principalement aux nouveaux véhicules et aux normes de fabrication d'origine. Nos normes à l'intention des fabricants concernent ces véhicules.

Une fois sur la route, les véhicules relèvent des gouvernements provinciaux, qui doivent veiller à ce qu'ils soient toujours en bon état de marche. Je ne sais pas si le Code national de sécurité traite précisément, parmi tous les sujets qu'il couvre, de la question des pneus, des roues, et cetera. Nous pouvons certainement vérifier si cet aspect est abordé quelque part dans le code.

M. Boucher: Je ne pense pas qu'il le soit.

Le président: S'il ne l'est pas, il devrait certainement l'être.

[Français]

Le sénateur Mercier: Vous avez classé le service routier comme deuxième point au niveau des améliorations à apporter. Comme il y a plus de monde qui utilise le transport routier, en comparaison au transport aérien et maritime, je pense que c'est nécessaire que la sécurité routière soit bien respectée.

Nous voyons des camions transportant une ou deux remorques, cela donne à peu près 200 pieds de véhicule à doubler ou qui nous accostent; avec le vent, en doublant, ce n'est pas facile de bien tenir la route. Et plus ça va, plus ça augmente. Il n'y a pas de diminution, on en voit toujours de plus gros. De grosses remorques chargées, c'est lourd. Ce n'est pas très sécuritaire sur la route. Nous voyons souvent des panneaux où il est écrit «Surveillé par hélicoptère». Je voyage passablement et je n'ai jamais vu d'hélicoptère encore qui ait établi qu'un conducteur allait trop vite.

Également, aux balances où l'on pèse les camions, que cela soit pour le dégel ou pour une route de vérification, ces postes ne sont pas assez sévères. Le gars, au bout du sixième ou septième camion qui est passé, devient impatient. On retrouve le même camion arrêté à une autre balance et, en posant des questions, on se fait répondre que le conducteur n'a pas eu d'infraction, et à l'autre point d'inspection on lui en avait donné une. Il y a un manque à ce niveau. Nous ne nous sentons pas en sécurité sur les routes avec ces monstres, parce que les routes ne sont ni régies ni surveillées. Est-ce que cela va s'améliorer ou continuer à augmenter? Il y a des endroits où le transport lourd est excessivement dangereux, et c'est primordial aujourd'hui. Si nous regardons le nombre de véhicules vendus, qui est de 17 millions plus 3 200 camions ou transporteurs, et il s'agit de ceux enregistrés, cela ne représente pas le nombre réel existant. La sécurité peut-elle être augmentée à ces niveaux?

[Traduction]

M. Jackson: Là encore, les aspects que vous avez soulevés relèvent principalement des gouvernements provinciaux, sénateur. Nous nous efforçons sans cesse quant à nous d'améliorer notre capacité de faciliter, de favoriser, de financer et d'assurer une meilleure sécurité.

À mesure que vous avancerez dans votre étude et que vous discuterez avec des représentants provinciaux, vous découvrirez qu'un grand nombre de projets sont en cours. Les gouvernements provinciaux ne se contentent pas de regarder la situation les bras croisés. Ils agissent. Il importe que le gouvernement fédéral multiplie ses efforts, lui qui doit voir avec les provinces à améliorer la sécurité du transport par camion.

Heureusement ou malheureusement, nous ne sommes pas seuls à avoir compétence dans ce domaine.

Le sénateur Bacon: On verra apparaître de plus en plus de lignes secondaires dans les années à venir au fur et à mesure que les grandes compagnies ferroviaires se départiront de certaines lignes.

Est-ce que les vérifications à intervalles réguliers ou ponctuelles sont faites par le gouvernement fédéral?

M. Jackson: Nous vérifions bel et bien certaines lignes secondaires, sénateur. Les autres le sont par les provinces, dont bon nombre suivent nos normes. Nous travaillons avec elles pour faire le meilleur usage possible des ressources destinées aux inspections entre autres.

Comme vous le devinez, certaines provinces où des lignes secondaires apparaîtront n'auront peut-être pas déjà des lignes ferroviaires sous leur réglementation. Elles ne seront pas donc prêtes à s'occuper d'une ligne secondaire. Nous passerons alors avec elles des ententes administratives pour le faire à leur place. Nous le ferons même si le transport ferroviaire est de compétence provinciale. Nous nous tenons prêts à assumer cette tâche si les provinces ne sont pas en mesure de le faire elles-mêmes, mais nous travaillons avec elles pour être sûrs que les lignes secondaires bénéficient toutes du même niveau de normes.

Le sénateur Bacon: Les provinces appliquent-elles toutes des normes identiques?

M. Jackson: Nous allons faire en sorte que les dispositions de la Loi sur la sécurité ferroviaire et le niveau de sécurité garanti par cette loi soient appliquées.

Le sénateur Adams: Transports Canada est-il seul à avoir compétence sur la route transcanadienne? L'entretien et le déneigement incombent parfois aux municipalités. Jusqu'où va votre droit de regard sur la sécurité des routes?

M. Jackson: Le gouvernement fédéral a un programme de construction et d'entretien des routes dans lequel il investit depuis des années. Je ne sais pas si on compte le maintenir dans l'avenir.

Le sénateur Adams: Deux grandes routes passent près d'Ottawa: la 417 et la 401. La 401 fait-elle partie de la Transcanadienne?

M. Jackson: La 401 est une route provinciale elle aussi.

Le sénateur Adams: Ainsi donc, Transports Canada n'a aucun droit de regard sur la sécurité des routes provinciales?

M. Jackson: Non.

Le président: Monsieur Jackson, votre ministère pourrait-il me fournir des copies de la version réformée du règlement, c'est-à-dire du Règlement de l'aviation canadien, qui a été déposée le 10 octobre. Pourrait-il aussi me remettre un peu de documentation, s'il en a, sur les règlements relatifs aux heures de vol et de service?

Peut-être devrions-nous aussi nous pencher sur les règlements relatifs à la lutte des incendies des aéronefs. Étant donné que l'administration et l'exploitation des aéroports ont été confiés au secteur privé, je suppose que nous nous intéresserons aux installations et aux moyens dont les aéroports sont dotés pour lutter contre ces incendies. Les installations et les moyens ont été confiés aux municipalités les mieux placées pour intervenir, habituellement celles où se trouvent les aéroports. Ai-je raison de penser cela? Si oui, avez-vous des données sur les opérations d'intervention dans les aéroports et sur les écrasements d'avion qui se sont produits sur des terrains ou dans des zones d'approche d'aéroport? Je sais que nous allons consacrer un peu de temps à cette question.

M. Jackson: Les données sont très intéressantes, sénateur.

Nous serons heureux de vous procurer le nouveau règlement de l'aviation. Nous vous fournirons aussi des données sur les heures de vol et de service.

En ce qui concerne la lutte des incendies dans les aéroports, il n'existait pas de règlements jusqu'à présent parce que c'était nous qui possédions et exploitions les aéroports et qui administrions les services de lutte contre les incendies. Maintenant que les aéroports sont transférés à d'autres, il nous faut établir des règlements pour déterminer tout ce que les exploitants doivent avoir en matière de lutte contre les incendies. Nous avons commencé à y travailler. Aucune ébauche de réglementation gouvernementale n'a été rendue publique, mais dès que nous aurons quelque chose, nous vous le communiquerons ainsi que les données qui l'accompagneront. Cela devrait se faire le mois prochain.

Le président: Je vous en saurais certainement gré.

Je vous rappelle que certains d'entre nous sommes très préoccupés par la Loi sur l'aéronautique et la Loi maritime du Canada. Le ministre des Transports a prononcé des paroles très encourageantes à leur sujet devant notre comité. J'espère que vous prendrez ces paroles à coeur et que vous y donnerez suite.

Nous sommes ravis de ce que vous ayez pu venir cet après-midi. Il nous fera très plaisir de vous revoir de temps à autre au cours de l'an prochain ou presque. Merci beaucoup.

La séance est levée.


OTTAWA, le jeudi 7 novembre 1996

Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 12 h 11 pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous avons le quorum. Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications poursuit ses audiences.

Pour l'information des membres du comité, je demanderais à notre collègue, le sénateur Bacon, qui est la présidente du comité principal, d'avoir la gentillesse de nous faire un bref rapport de certaines activités auxquelles elle a participé plus tôt aujourd'hui.

Le sénateur Bacon: Je tiens à rapporter que notre budget a été partiellement accepté par la Régie interne. Le montant de 144 000 $ a été accepté et la Régie interne se réunira dans deux semaines pour discuter du reste du budget. J'espère que nous aurons le budget le 1er février. Je crois que nous pouvons commencer notre travail et que nous aurons l'argent dont nous avons besoin.

Le président: Je vous remercie.

Notre témoin est Kenneth Johnson, directeur exécutif du Bureau de la sécurité des transports du Canada. Nous lui souhaitons la bienvenue et nous l'invitons à nous communiquer ses vues, aussi franchement qu'il estime pouvoir le faire. Ensuite, il pourra peut-être répondre à certaines questions.

M. Kenneth A. Johnson, directeur exécutif, Bureau de la sécurité des transports du Canada: Je suis très heureux d'être ici et de vous communiquer certaines de mes vues. Je crois comprendre que le comité voulait connaître la raison d'être du Bureau de la sécurité, son rôle, et certains problèmes que nous pourrions avoir. J'ai par conséquent conçu cette présentation en fonction de ces aspects.

Comme j'ai pas mal de documentation à vous laisser, nous pourrons probablement parcourir les diapositives assez rapidement. Si vous voulez me poser des questions pendant ma présentation, je me ferai un plaisir d'y répondre. Je serai très heureux de vous communiquer mes vues aussi franchement que je le peux et de répondre de mon mieux à vos questions.

J'aborderai d'abord la raison d'être du bureau. Le bureau a été mis sur pied pour promouvoir la sécurité des transports et accroître et maintenir la confiance du public dans le système de sécurité des transports grâce à l'existence d'un organisme indépendant qui n'est pas en situation de conflit d'intérêts, chargé de publier des rapports et qui est distinct des organismes de réglementation.

Je crois également que le Parlement tenait à s'assurer que les accidents qui surviennent dans les quatre modes de transport réglementés par le gouvernement fédéral sont traités de façon cohérente et que les Canadiens, lorsqu'ils prennent connaissance d'un rapport concernant un accident d'avion, de navire ou de pipeline, ont la certitude que chaque problème a été analysé avec le même degré d'indépendance, de compétence technique et d'objectivité.

Comment le bureau a-t-il vu le jour? La création du bureau est le résultat d'une longue série d'efforts par les gouvernements fédéraux qui se sont succédé. L'opinion publique se faisant de plus en plus pressante, la création du bureau a semblé de plus en plus nécessaire.

Un aspect particulièrement important par lequel le Canada se démarque, c'est que nos lois mettent l'accent sur les lacunes en matière de sécurité plutôt que sur la cause de chaque accident. On part du principe qu'il faut déterminer ce qui ne va pas dans le système et repérer les problèmes systémiques. Bien que nous ayons surtout tendance à enquêter sur chaque accident, nous nous efforçons de déterminer quels sont les problèmes systémiques plutôt que la cause d'un accident en particulier. Je crois que sur cet aspect, nous sommes en avance sur la plupart des autres pays. C'est ce que font dans une certaine mesure certains pays comme les États-Unis mais nous sommes le seul pays à mettre principalement l'accent sur cet aspect.

On a reconnu l'existence d'un conflit d'intérêts inhérent lorsque le ministère ou l'organisme qui réglemente et administre des parties du système fait également enquête sur ses lacunes.

Le président: Je croyais avoir présenté un bon projet de loi d'initiative parlementaire.

M. Johnson: J'allais le mentionner. Je m'en souviens bien.

On a également reconnu de façon générale qu'il fallait pouvoir analyser de façon crédible et objective les lacunes du système. C'est la constatation à laquelle le public est graduellement arrivé au fur et à mesure que nous avions des véhicules de plus en plus coûteux, un système plus complexe et de plus en plus de litiges entourant tout ce que nous faisions.

Nous avons commencé à envisager sérieusement cette initiative aux alentours de 1972 et l'étude McLearn a recommandé la création d'organismes indépendants, chargés de faire enquête sur les accidents. Les Américains ont élargi le mandat de leur Bureau de la sécurité aérienne et ont mis au point le Bureau national de la sécurité des transports en 1974. Le gouvernement fédéral a reconnu qu'il fallait prévoir des mécanismes permettant d'effectuer des enquêtes indépendantes au pays et vers 1975, des consultations sérieuses ont débuté.

En 1976, le Comité de révision des accidents d'aviation a été constitué de façon informelle par le ministre des Transports. Ce comité, rémunéré par le ministre et chargé de lui faire rapport, devait examiner le travail de l'organisation interne d'enquête sur les accidents aériens et agir de façon aussi indépendante que possible. C'était un pas énorme. Ce mécanisme a assez bien fonctionné mais ne correspondait pas exactement à ce que voulait le gouvernement.

En 1979, le projet de loi C-40 a été présenté afin de permettre la création d'un poste de commissaire des enquêtes sur les accidents de transport, chargé d'examiner tous les modes de transport et de s'occuper des accidents mortels. À l'époque, cela semblait le moyen tout indiqué par où commencer. Divers projets de loi d'initiative parlementaire ont alors été présentés. Le sénateur Forrestall a fait allusion à celui qu'il a présenté lorsqu'il siégeait dans l'autre chambre.

L'inquiétude du public a commencé à grandir entre autres lors de l'accident de la Pacific Western à Cranbrook, à cause de l'explication qui en a été donnée, de la dissimulation de certains faits, de la destruction d'information et ainsi de suite. D'autres accidents se sont produits, entre autres l'accident de Frobisher Bay où on a mis en doute la fiabilité des signaux de navigation. De plus en plus, le public s'est demandé: «Comment pouvons-nous être sûrs que l'organisme de réglementation qui est également chargé de l'enquête nous dit tout?» Puis, il y a eu la Commission d'enquête Dubin, mise sur pied en grande partie à cause de l'accident de Cranbrook. La commission a publié le premier volume de son rapport en 1981, ce qui a donné lieu à la création du Bureau de la sécurité aérienne.

Environ à la même époque, un certain nombre d'autres accidents se sont produits. Il y a eu le grave accident ferroviaire à Mississauga et l'évacuation d'une bonne partie de la population de l'endroit, à la suite duquel la Commission Grange a préconisé une fonction indépendante d'enquête sur les accidents. Il y a eu le désastre du Ocean Ranger, une installation de forage pétrolier au large de la côte Est. La Commission d'enquête Hickman a jugé qu'une enquête indépendante s'imposait. Bernard Deschênes a fait une étude des enquêtes sur les sinistres maritimes et a recommandé la création d'une instance indépendante d'enquête sur les accidents maritimes. Il a de plus recommandé que cette instance soit rattachée au Bureau de la sécurité aérienne qui était sur le point d'être créé. Il est devenu le premier président du Bureau de la sécurité aérienne et a pris un engagement ferme envers les principes de l'enquête sur les accidents en matière de transport multimodal.

La Loi sur le Bureau de la sécurité aérienne a été présentée et adoptée en 1983. Il y a 13 ans, il s'agissait d'une loi assez progressiste. Elle a repris un grand nombre des principes énoncés dans le projet de loi C-40, a suivi de très près les recommandations formulées par le juge Dubin et a introduit des notions de privilège pour certains types de renseignements et un certain nombre de mesures propres à encourager les gens à produire rapidement de l'information sans craindre que leurs propos soient récupérés par d'autres processus. Cette loi a grandement contribué à séparer les activités d'enquête sur les accidents de toutes les procédures juridiques, les litiges civils et ainsi de suite.

Puis il y a eu l'accident ferroviaire de Hinton et l'enquête Foisy et d'autres recommandations préconisant une fonction d'enquête indépendante sur les accidents, comme le groupe de travail Nielsen. Tout cela a amené le gouvernement, en 1986, à décider que le moment était venu d'établir au Canada une instance multimodale d'enquête sur les accidents. Il était satisfait dans l'ensemble des progrès réalisés par le Bureau de la sécurité aérienne créé par le Parlement et a entrepris de mettre sur pied une instance similaire. Le processus a reçu une impulsion particulière au moment de la réforme économique et réglementaire puisque la libéralisation du secteur des transports en a amené certains à s'interroger sur ses conséquences sur le plan de la sécurité. Cela a certainement donné une impulsion au processus.

L'accident à Gander a créé de la dissension au sein du bureau et la confiance du public a commencé à diminuer. Cela a incité les gouvernements et le Parlement à accélérer les démarches pour mettre sur pied le Bureau de la sécurité du transport multimodal qui existe actuellement.

Le bureau actuel a été mis sur pied en 1990 en fonction des mêmes principes qui avaient été prévus par la législation sur l'aviation.

Pour le secteur de l'aviation, la création de ce nouveau bureau signifiait travailler avec des membres de tous les autres modes de transport. Pour le reste du secteur des transports, il s'agissait d'une nouvelle approche. Les enquêtes sur les pipelines avaient toujours été faites par l'Office national de l'énergie, avec qui les relations avaient été bonnes. Ils ont compris de quoi il s'agissait mais se sont interrogés sur la raison d'être de ce changement. Traditionnellement, les enquêtes sur les accidents maritimes avaient plutôt l'allure de procès, c'est-à-dire qu'à l'issue de l'enquête, on imposait des sanctions aux équipages et on leur retirait leurs privilèges, entre autres choses.

Comme cette nouvelle approche consistait non pas à trouver des fautifs mais plutôt à tâcher de déterminer les lacunes du système, de formuler des recommandations pour l'améliorer plutôt que montrer du doigt les personnes en cause, elle était assez révolutionnaire. Je ne crois pas que nous nous sommes rendu compte à quel point elle était révolutionnaire jusqu'à ce que nous ayons essayé de la mettre en pratique. Nous avons constaté par exemple que dans le secteur maritime, il s'agissait d'une approche tout à fait différente de celle adoptée par les autres pays. Nous sommes absolument convaincus d'être sur la bonne voie. Nous constatons de réels progrès mais il s'agit vraiment d'un travail de pionnier, qui est loin d'être facile.

Les principes fondamentaux consistent à s'assurer que les activités de réglementation sont distinctes des fonctions d'enquête sur les accidents afin d'éviter les conflits d'intérêts, d'en établir les causes et les facteurs contributifs, et de déterminer les lacunes en matière de sécurité, puis de formuler des recommandations pour y remédier. Nous avons fait un énorme bond sur le plan philosophique au Canada en ne cherchant pas à déterminer une cause ou une cause probable. Nous examinons tout ce qui entoure la cause et qui nous permettra de déterminer ce qui cloche dans le système. Les recommandations ne portent pas sur la cause d'un accident particulier mais plutôt sur les aspects systémiques. Nous sommes convaincus que c'est l'approche qui convient et qu'elle est très efficace. L'objectif du bureau n'est pas de trouver un fautif, ni un responsable.

Le président: Cela demeure la fonction des tribunaux.

M. Johnson: Les tribunaux et les organismes de réglementation, effectivement.

Ceux qui se présentent devant nous ont une opinion différente de ce qu'ils doivent faire et j'en parlerai plus tard. Bien que les déclarations qu'ils nous font ne sont pas entièrement protégées, elles sont bien protégées. Comme les déclarations qu'ils nous présentent n'entraîneront pas de sanctions, ils nous donneront des renseignements différents de ceux qu'ils fourniraient à l'organisme de réglementation qui, par le passé, aurait enquêté sur l'accident tout en exerçant son autre fonction.

La loi a amélioré les processus. Ils sont plus ouverts que jamais. Des exigences en matière d'équité procédurale y sont prévues, que j'aborderai plus tard. Cette nouvelle approche signifie qu'il y aura moins de rapports et moins d'enquêtes. Nous voulons examiner les aspects qui sont susceptibles d'améliorer la sécurité et nous voulons les étudier de façon beaucoup plus approfondie.

Par exemple, à l'époque du Bureau de l'aviation, nous faisions environ 700 enquêtes sur la sécurité aérienne par année. Maintenant, pour les quatre modes réunis, nous en faisons probablement 200 mais de façon beaucoup plus approfondie et nous estimons mieux repérer les lacunes du système.

Le président: Cela est indispensable pour comprendre le rôle du bureau. Pourriez-vous nous expliquer comment se passent vos réunions, sont-elles privées ou ouvertes, publiques?

M. Johnson: La plupart des activités du bureau sont ouvertes. La plupart des activités des enquêteurs sont ouvertes. Les seules choses qui ne le sont pas sont celles qui de l'avis du Parlement ne disposeraient pas les gens à parler.

Lorsque nous interrogeons des témoins, leurs déclarations sont protégées.

Lorsqu'il y a un enregistreur de conversations de poste de pilotage à bord d'un avion, cet enregistrement est protégé. Les pilotes n'ont pas la possibilité de fermer et d'ouvrir l'enregistreur. Dès qu'ils mettent l'appareil en marche, l'enregistreur se déclenche.

On protège jusqu'à un certain point les enregistrements, comme les communications entre les contrôleurs de la circulation aérienne et les pilotes en vol, ainsi que les contrôleurs de la circulation ferroviaire et les chauffeurs de locomotives. Toutes ces communications sont diffusées et reçues par l'équipage. Elles sont disponibles à un certain stade mais elles sont beaucoup moins protégées.

Les renseignements médicaux sont également protégés. Nous avons le droit d'exiger des examens médicaux dans certaines limites et cette information est très bien protégée.

Dans le cadre de notre travail, on peut dire en général que les gens sont assez libres d'observer ce que nous faisons mais nous faisons notre travail et nous le faisons de façon indépendante. Certaines des analyses que nous effectuons sont assez confidentielles. Une fois le rapport terminé, nous en envoyons une version confidentielle à ceux que les constatations intéressent afin de nous assurer que le libellé est exact et par souci d'équité, afin d'être sûrs que nos déclarations concernant une personne ou ses actions sont exactes. Nous leur donnons l'occasion de faire des représentations. Une fois que le bureau en a pris connaissance, il publie la version définitive de son rapport public.

L'objectif est clairement énoncé dans la loi: il s'agit de promouvoir la sécurité du transport multimodal. On nous demande de procéder à des enquêtes indépendantes sur des incidents en matière de transport et nous faisons des constatations, nous présentons des rapports publics, nous repérons les lacunes en matière de sécurité, nous formulons des recommandations et nous faisons des études et des enquêtes spéciales sur les questions qui se rattachent à la sécurité. Notre mandat est donc assez clair et nous le comprenons bien. Nous constatons également que les autres comprennent assez bien notre mandat.

Le bureau n'a pas pour fonction d'attribuer le blâme ou la responsabilité. Il est également clair que même si nos déclarations permettent de tirer des conclusions quant à la faute ou à la responsabilité, cela ne nous empêchera pas de dire ce que nous avons à dire. Nous n'avons pas beaucoup de difficulté à dire ce que nous avons à dire sans tirer de conclusion quant à la faute ou à la responsabilité.

Le président: Pourriez-vous nous dire un mot ou deux à propos du processus par lequel vous décidez de ce que vous examinerez et de ce que vous n'examinerez pas?

M. Johnson: Oui. C'est l'un des aspects les plus difficiles de tout le processus. Selon la loi, le bureau a une politique régissant le genre de situations sur lesquelles il fera enquête. En général, il peut être appelé à enquêter aussi bien sur des accidents graves que sur des incidents de moindre importance.

Le critère fondamental pour décider si nous ferons enquête ou non consiste dans un premier cas à déterminer si cela permettra d'apporter une certaine amélioration sur le plan de la sécurité. S'agit-il d'un nouveau modèle d'avion qui semble avoir eu des problèmes en vol et pourrait-il s'agir d'un problème structurel? Quel que soit le problème, la structure a-t-elle été considérablement modifiée? Est-ce un aspect qui auparavant était réglementé et qui relève maintenant du secteur privé comme NAVCAN? Lorsqu'il s'agit d'éléments nouveaux, il peut être possible d'apporter certaines améliorations sur le plan de la sécurité. Le bureau tient également compte du niveau de préoccupation exprimée par le public. Si nous nous occupons d'un problème, qu'il s'agisse d'un accident ferroviaire ou d'un vol par mauvais temps, nous examinerons les enquêtes dans ce secteur jusqu'à ce que nous arrivions à avoir une bonne idée de ce qui se trouve derrière cet incident.

Le président: Ce critère est-il appliqué de façon générale?

M. Johnson: Ce critère est appliqué de façon générale. Il est appliqué par les enquêteurs à chaque rapport qu'ils reçoivent.

Chaque jour, tous les rapports d'incidents soumis au bureau sont examinés par le personnel, qui fait connaître sa décision au bureau. Le bureau l'examine et conclut que, «Oui, cette décision est conforme à notre politique.» Il arrive à l'occasion que le bureau propose que nous menions une enquête sur un incident que nous avions décidé de ne pas enquêter. Le système fonctionne très bien. Le processus de délégation est bien contrôlé. Le pouvoir discrétionnaire est exercé de façon intelligente.

Nous avons parlé du pouvoir que nous avons de mener des enquêtes. Nous pouvons uniquement le faire lorsqu'un incident survient. Nous n'avons pas de permis qui nous permet d'aller à la pêche. Nous ne pouvons pas nous présenter à bord d'un avion et dire, «Voyons si vous faites bien les choses.» Pour que nous puissions mener une enquête, il faut qu'il y ait un accident ou un incident, ou encore une situation dont le bureau a des motifs de croire qu'elle pourrait, à défaut de mesures correctives, provoquer un accident ou un incident. Ce mandat est très vaste, mais nous devons avoir une indication que quelque chose ne va pas avant d'instituer une enquête.

Le président: Je sais que vous n'allez pas à la pêche, mais devriez-vous le faire?

M. Johnson: Je ne le crois pas.

Le président: Pourquoi?

M. Johnson: Les organismes de réglementation sont chargés d'établir le cadre de réglementation et de l'appliquer sur une base quotidienne. En principe, notre bureau a été créé dans le but d'analyser les lacunes du système, et non pas pour surveiller le travail d'un organisme de réglementation. Les choses pourraient être différentes, mais elles fonctionnent très bien comme cela.

Les responsables de la réglementation sont en général des personnes compétentes qui sont fières du travail qu'elles accomplissent et qui sont prêtes à intervenir lorsque quelque chose ne tourne pas rond. Si nous étions constamment sur leur dos, il serait plus difficile d'établir avec eux des rapports professionnels lorsqu'un problème survient. Il est évident que si nous avions le mandat de surveiller ces organismes, notre organisation serait beaucoup plus grande.

Le président: Il pourrait y avoir des conflits?

M. Johnson: C'est possible.

Le président: Nous pourrions discuter de cela pendant des heures. Nous voulons que le bureau soit aussi fort et efficace que possible. C'est un outil unique. Il n'existe rien de comparable dans le monde. Vous ne devez pas hésiter à nous dire si nous pouvons faire quelque chose pour vous.

M. Johnson: Ne vous inquiétez pas.

Le président: Vous nous le ferez savoir.

M. Johnson: Oui.

Le président: Vous avez beaucoup de temps. Vous serez convoqué à nouveau dans trois mois et nous vous poserons la même question.

M. Johnson: La loi renferme des éléments clés. Certains traitent de l'indépendance du bureau. Les membres sont nommés par le gouverneur en conseil. Le bureau fait rapport au Parlement tous les ans par l'intermédiaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Il n'est donc pas dirigé par un ministre qui pourrait avoir d'autres intérêts à servir.

Lorsque nous mener une enquête sur un accident, les autres organismes fédéraux ne peuvent pas enquêter dans le même but. Nous avons la compétence exclusive dans ce domaine.

Le rôle du ministre des Transports est réduit au minimum. À un moment donné, toutes ces enquêtes relevaient du ministre. Des mesures ont été prises en vue de remplacer le Bureau canadien de la sécurité aérienne par un autre organisme, qui relevait encore, dans une certaine mesure, de la compétence du ministre. Vous vous souviendrez, sénateur, que c'était le ministre des Transports qui était responsable du Bureau de la sécurité aérienne. Le Parlement a par après adopté une loi pour assurer l'indépendance du nouvel organisme.

Le ministre estimait, tout comme nous, que nos enquêtes et nos constatations ne devaient pas servir aux fins d'application des règlements. En même temps, il fallait que ces renseignements soient transmis rapidement au ministre si des mesures correctives s'imposaient.

Certaines dispositions ont été ajoutées à la loi pour que le ministre puisse avoir, au sein du bureau, ce qu'on appelait à l'origine un représentant. Cette personne avait le droit de lire les déclarations des témoins et d'écouter l'enregistrement des conversations de poste de pilotage. Elle avait le droit de jeter un regard sur tout ce que nous faisions dans le but d'aider le ministre à intervenir dans les domaines autres que ceux qui avaient trait à l'application des règlements sur la sécurité.

Cette situation a eu pour effet de préoccuper les organismes qui collaboraient avec nous. Ils nous ont dit: «Vous nous dites que cette personne ne fera rien, mais nous ne savons pas si nous sommes prêts à vous dire tout ce que vous voulez entendre.» L'entrée en vigueur de cette loi-ci a changé un peu les choses et le ministre des Transports a été écarté encore plus du processus.

Vous savez sans doute que des modifications seront proposées à la loi actuelle. Elles traiteront des situations de ce genre. Je crois que le système dans son ensemble a évolué, étant donné que l'organisme de réglementation est maintenant conscient du fait qu'il obtient de nous les renseignements dont il a besoin pour prendre les mesures correctives qui s'imposent. Il n'est plus nécessaire pour lui de jeter un regard sur tout ce que nous faisons. Je pense que le système évolue de façon constructive.

La loi précise entre autres -- et je ne crois pas que cela existe ailleurs --, que lorsque le Bureau de la sécurité des transports a besoin de renseignements et que l'organisme de réglementation a besoin des mêmes renseignements aux fins de l'application des règlements, les besoins du BST priment. Le Parlement a dit qu'il est beaucoup plus important de relever les manquements à la sécurité et de les corriger que de trouver le coupable d'une infraction. Il s'agit là d'un principe très important. À ma connaissance, aucun autre pays ne l'applique.

La loi renferme des dispositions qui permettent de faire en sorte que le processus soit aussi ouvert que possible. Les rapports d'enquête du BST doivent être publiés. Lorsque nous entreprenons une enquête, nous devons produire un rapport qui sera rendu public. Nous ne pouvons donc pas décider, une fois une enquête entamée, de cacher certains renseignements. Nous sommes tenus de nous conformer à ce principe. Cela a pour effet d'accroître la confiance du public.

Lorsque le bureau formule des recommandations et publie des rapports, les ministres responsables du secteur d'activité sont tenus de répondre aux recommandations dans un délai de 90 jours. Ils doivent préciser les mesures qu'ils prendront, s'ils acceptent les recommandations en tout ou en partie, ou s'ils les rejettent. S'ils décident de les rejeter, ils doivent en expliquer les motifs. Les ministres sont astreints à cette obligation. C'est ce qui permet de faire en sorte que le processus reste ouvert.

Il existe ce que j'ai appelé plus tôt une procédure concernant les parties intéressées. Lorsqu'une ébauche de rapport est préparée, le bureau l'envoie, à titre confidentiel, aux personnes qui, à son avis, sont directement intéressées par les conclusions de l'enquête. Ces personnes ont l'occasion de faire des observations sur le rapport et les renseignements qu'il contient à leur sujet. Cela contribue pour beaucoup à l'exactitude du rapport.

Parmi les dispositions qui soulèvent des commentaires à l'étranger, c'est probablement celle-ci qui suscite le plus l'envie de l'industrie et du public dans les autres pays. Le fait que le bureau ait l'occasion de vérifier les faits par souci d'équité avant de rendre son rapport public est un élément hautement prisé.

Cette procédure comporte toutefois certains risques puisque le bureau pourrait, dans le cadre de ce processus, être indûment influencé. Certaines mesures de sauvegarde sont prévues, comme le fait que le bureau soit tenu de consigner tous les renseignements qu'il recueille et d'indiquer comment il traite cette information. Il doit écrire à chaque personne qui lui a fourni des renseignements et lui dire: «Voici ce que vous avez dit, voici ce que nous en pensons, et voici ce que nous comptons faire.» Ces personnes reçoivent un compte rendu détaillé. Si nous sommes accusés d'avoir changé quelque chose, nous avons un compte rendu de tout ce qui a été dit et fait. Quelqu'un de l'extérieur peut nous dire: «Oui, vous avez été indûment influencés», ou «Non, vous ne l'avez pas été». Il s'agit d'une excellente mesure de sauvegarde.

Concernant les observateurs, la loi comporte des dispositions qui ne sont pas tellement difficiles à comprendre et qui permet à une personne d'agir en qualité d'observateur plutôt que de participant. Nous appliquons des principes différents de ceux des États-Unis et de la plupart des autres organismes d'enquête. Les Américains ont un système très efficace. Leur équipe d'enquête est composée de représentants du constructeur de moteurs d'avions, d'aéronefs, ou autre. Nous ne procédons pas de la même façon. Notre équipe est composée de spécialistes indépendants. Nous croyons que l'objectivité de l'enquête s'en trouve améliorée. L'efficacité n'est pas la même dans nos systèmes, mais, au Canada, nous avons décidé que l'objectivité est plus importante. Nous pouvons nous adresser à des experts dans n'importe domaine.

Le président: Est-ce que le constructeur est considéré comme une personne intéressée ou comme une personne directement visée qui possède des droits différents en vertu de la loi?

M. Johnson: Par exemple, si le moteur d'un avion ou d'un navire présentait des défaillances, le constructeur de ce moteur serait considéré comme une personne qui est directement intéressée par les conclusions du bureau. Il recevrait une copie du projet de rapport confidentiel et il aurait l'occasion de faire des observations là-dessus. Toutefois, il ne ferait pas partie de l'équipe d'enquête. Il fournirait des renseignements et des croquis. Il nous communiquerait toutes sortes d'informations, comme des échantillons des matériaux utilisés pour fabriquer le moteur, ainsi de suite.

Le président: Y a-t-il une disposition qui autorise la personne qui entreprend un recours collectif dans le cas, par exemple, d'un écrasement d'avion, à mener sa propre enquête?

M. Johnson: Non. Si une personne veut mener sa propre enquête, indépendamment de celle d'un organisme fédéral, elle peut le faire. Dans le cas des poursuites civiles, les gens mènent des enquêtes une fois la nôtre terminée. Parfois, ils mènent leur enquête en même temps que la nôtre. Souvent, lorsque nous avons fini d'examiner l'épave d'un avion, ils l'examinent à leur tour pour voir s'ils peuvent trouver quelque chose qui nous a échappé. De temps en temps, ils trouvent quelque chose.

Le président: Cela arrive?

M. Johnson: Oui. C'est pour cela que nous sommes très minutieux. Nous n'aimons pas que d'autres personnes trouvent de nouveaux indices.

Le bureau a le pouvoir de mener des enquêtes publiques. Les enquêtes réalisées depuis 1983, année où le bureau a été créé, ont été de nature très technique. Les personnes appelées à la barre étaient en général des spécialistes. Ils constituaient un élément de l'enquête et ne visaient pas à remplacer celle-ci.

Habituellement, pour qu'il y ait une enquête publique, il faut que l'accident suscite beaucoup d'intérêt. Le bureau intervient dans le processus deux ou trois mois après le début de l'enquête. Il expose les faits recueillis par les enquêteurs. Il convoque les mêmes témoins et leur pose des questions publiquement. Il sollicite l'avis des intervenants sur le déroulement de l'enquête. Il leur explique ensuite comment l'enquête va se dérouler à partir de ce moment-là et leur demande s'ils jugent cette procédure adéquate ou si d'autres mesures doivent êtres prises. Une fois la consultation publique terminée, il s'attaque à la rédaction du rapport confidentiel et ensuite du rapport public.

Cette enquête publique diffère de celle menée par le juge Moshansky ou le juge Dubin. La procédure est presque identique à celle utilisée aux États-Unis. Elle semble être très efficace. En général, l'enquête est menée rapidement et à peu de frais.

J'ai parlé un peu des renseignements confidentiels. Je vous ai dit l'essentiel. En général, plus les renseignements sont confidentiels, plus les privilèges qui y sont associés sont étanches. Il y a des cas où les gens peuvent demander aux tribunaux de voir si l'intérêt public associé à l'administration de la justice l'emporte sur le privilège qui a été accordé.

Il arrive souvent que des avocats demandent à voir les déclarations de nos témoins. Nous leur répondons: «Non, nous estimons que ces renseignements sont confidentiels.» Ils s'adressent donc aux tribunaux, et le juge rend sa décision. Jusqu'ici, dans tous les cas, le juge a répondu -- et je m'exprime en termes très simples --, «Le bureau a trouvé ces gens et leur a posé les questions qu'il voulait. Vous n'avez qu'à faire la même chose.» Le tribunal ne nous a jamais ordonné de rendre publics des renseignements que nous avions obtenus.

Le seul cas où, à mon avis, le juge pourrait rendre une décision différente, c'est si nous avons parlé à un témoin, obtenu des renseignements de lui, et que cette personne s'est ensuite fait frapper par un autobus ou un autre véhicule. Il n'y aurait alors aucune autre personne sur la terre qui pourrait nous fournir ces renseignements. Toutefois, cela ne s'est jamais produit. Si cela devait arriver, le processus, selon moi, n'en souffrirait pas beaucoup.

Le président: À condition qu'il ne s'agisse pas d'un autobus qui assure le transport entre deux provinces.

M. Johnson: Il y a beaucoup de dispositions dans la loi qui mettent l'accent sur la collaboration avec d'autres organismes. Lorsque nous menons des enquêtes, les autres organismes fédéraux ne peuvent entreprendre une enquête dans le même but.

J'ai parlé des intérêts prépondérants, et je ne crois qu'il soit nécessaire d'en dire plus à ce sujet pour l'instant.

En ce qui concerne les coroners, nos activités se recoupent beaucoup. Nous pouvons exiger des autopsies, tout comme eux. Nous avons réussi à établir des rapports de travail avec les coroners au palier provincial et territorial. Dans certains cas, nous avons signé des protocoles d'entente avec eux. Dans d'autres, nous avons conclu des ententes informelles qui fonctionnent très bien. Il n'y a plus aucun problème aujourd'hui.

Au début, par contre, il y en avait beaucoup. Nous avions de la difficulté à nous retrouver ensemble dans la même pièce, mais tout cela est réglé. Nous les laissons faire leur travail, et ils nous laissent faire le nôtre. Les coroners se chargent d'effectuer des examens pour nous. Ils nous rendent toutes sortes de services, et nous leur fournissons tous les renseignements dont ils ont besoin pour effectuer leur travail. Nous entretenons avec eux de très bons rapports.

Les choses sont un peu plus compliquées du côté des services policiers. Les gens savent que la police peut avoir accès aux renseignements, de sorte qu'ils sont moins enclins à nous parler ouvertement. Les modifications législatives que nous proposerons traiteront de cette question. Nous avons maintenant une bonne idée de ce que veut le ministère du Solliciteur général. En gros, ils disent la même chose que le ministère des Transports et les organismes de réglementation: lorsque les témoins sont peu enclins à nous parler, rien n'est versé au dossier. Et comme nous n'avons pas de renseignements, il n'y a rien qui peut les intéresser. En fait, ce qu'ils disent, c'est que: «Nous n'avons pas besoin de cela; nous obtiendrons les renseignements d'une autre façon.» Les modifications proposées sont minimes, mais importantes, puisqu'elles aideront nos enquêteurs à mener des enquêtes plus approfondies et à obtenir plus facilement des renseignements.

Le président: Et qu'en est-il des recherches menées à l'étranger?

M. Johnson: Vous parlez de témoins?

Le président: Non, d'information.

M. Johnson: Oui. Dans le secteur maritime, notamment, il n'y a pas beaucoup de navires de gros tonnage qui sont enregistrés au Canada. Ils le sont plutôt à Monrovia, aux Bahamas, ou ailleurs. Il nous faut plus de temps pour obtenir l'information, mais habituellement, nous finissons par l'avoir. Si l'équipage se trouve toujours au Canada, il est plus facile d'obtenir sa collaboration. S'il est déjà parti, cela complique les choses, mais, habituellement, nous finissons par obtenir les renseignements que nous voulons.

Encore une fois, ce qui nous démarque des autres pays, c'est que nous essayons de déterminer quel est le manquement à la sécurité qui doit être corrigé. Les travailleurs du secteur maritime sont habitués à se défendre contre tout tort qu'ils auraient pu commettre, contre ceux qui veulent leur enlever leur permis ou les envoyer en prison. Il est plus difficile de les amener à être aussi ouverts avec nous que ceux qui travaillent exclusivement au Canada et qui comprennent mieux les règles.

Nous avons fait certaines choses à ce sujet de manière informelle. Nos enquêteurs maritimes ont créé une petite organisation appelée Forum international des enquêteurs sur les accidents maritimes. Des enquêteurs maritimes principaux du monde entier se réunissent une ou deux fois par an pendant plusieurs jours pour échanger de l'information, comprendre la réglementation des uns des autres et faire connaître à tous ceux qui appartiennent au milieu les philosophies adoptées en divers endroits. C'est pour cela que notre philosophie est mieux comprise. De même, l'Organisation maritime internationale, dont le siège se trouve à Londres et qui est placée sous la direction de Bill O'Neil, réussit progressivement à changer l'approche générale de manière à essayer de faire la distinction entre les enquêtes sur les accidents et les autres genres d'activités de réglementation.

Nos enquêteurs ont de très grands pouvoirs, plus grands que ceux de la police dans la plupart des cas. Nous pouvons effectuer des saisies; nous pouvons faire des tests pouvant aller jusqu'à la destruction; nous pouvons aller chez les gens chercher des choses. Habituellement, nous présentons un mandat, mais si les circonstances l'exigent, nous pouvons nous en passer.

Si nous avons ces pouvoirs, c'est uniquement parce que ce que nous prenons va servir à améliorer la sécurité. Cela ne retire de droits à personne. Cela ne nous permet pas d'emprisonner qui que ce soit. Cela n'enlève pas de revenus ou autres choses du genre à qui que ce soit. C'est parce que leur objet est si différent que ces pouvoirs sont très étendus.

C'est ainsi que je termine la question de privilège.

Le bureau a le pouvoir de prendre des règlements exigeant le signalement des accidents au Bureau de la sécurité des transports, ce qui se fait constamment.

Il est également possible de faire des rapports confidentiels. Nous avons un système qui permet de fournir des renseignements au bureau de manière confidentielle. Il s'agit de renseignements qui vont plus loin que les renseignements qu'il faut obligatoirement fournir au bureau. Il y en a toujours dans l'industrie qui craignent que ces renseignements puissent servir à moucharder, permettre aux employés de se plaindre ou puissent être utilisés dans le cadre des relations de travail. Ce n'est pas vraiment le cas, d'après ce que nous avons pu constater.

Nous avons à l'occasion des sujets d'inquiétude. Il peut arriver qu'un mécanicien d'entretien d'aéronef ait installé une pompe sur un moteur et que, au moment où il effectue de nouveau l'entretien de l'avion, il se rende compte qu'il l'a mal installée. Il peut s'agir de la pompe qui met l'hélice en drapeau et il est possible qu'elle n'ait pas été utilisée au cours de cette période. Il se peut que le mécanicien ne tienne pas à dire qu'il a commis cette erreur, mais il aimerait empêcher les autres de la commettre. Il peut en faire part et proposer un repère ou une flèche en haut de la pompe pour que les autres mécaniciens n'aient pas le même genre de problème.

Nous recevons des renseignements, même s'ils ne sont pas aussi nombreux que nous l'avions souhaité au départ. Cela reste un bon système. Nous ne pouvons simplement rien faire qui puisse révéler l'identité de l'auteur.

La loi énonce très explicitement les fonctions du président et du président-directeur général, ainsi que celles des membres et des directeurs. Ces points n'étaient pas très clairs dans le contexte de l'ancien Bureau de la sécurité aérienne. Tout le monde a pensé qu'il valait mieux être plus explicite. Ayant l'expérience des deux, il vaut mieux que ces points soient plus explicites.

La loi nous donne assez de discrétion quant à la façon dont nous fonctionnons. Cela nous a permis d'élaborer notre propre approche, notre personnalité commune, en quelque sorte. Nous avons essayé d'être très ouverts et coopératifs dans notre façon de travailler. Nous sommes également très conscients de l'exigence en matière d'objectivité; nous ne devrons pas être trop proches de ceux avec lesquels nous devons travailler assez régulièrement et il faut protéger très soigneusement les renseignements privilégiés qui nous sont transmis de temps à autre.

J'ai expliqué plus tôt les politiques qui visent à nous faire mener des enquêtes susceptibles d'être rentables en matière de sécurité. Nous ne cherchons pas à mener le plus d'enquêtes possibles; nous recherchons celles qui sont rentables.

Nous essayons de fonctionner de manière multimodale dans toutes nos activités. Cela a été pour nous un certain défi, car il nous a paru évident que le Parlement voulait une agence susceptible de donner aux Canadiens le même genre de résultats d'enquête indépendamment du mode de transport. Le bureau a été composé de personnes qui avaient des traditions modales de longue date dans d'autres secteurs, des traditions très profondes et très ancrées. La philosophie du Bureau de la sécurité aérienne a été appliquée aux quatre modes. Cela a exigé -- et exige encore --, énormément d'efforts, puisqu'il a fallu mettre de côté certaines habitudes et pratiques découlant de centaines d'années de tradition et de réussite dans d'autres modes. Cela nécessite une attention et des incitations constantes, ainsi que beaucoup de patience, car ce qui est si bien ancré l'est justement à cause de ses éléments positifs.

Il n'est pas facile d'évaluer nos résultats. Pour ce qui est des ressources, notre budget équivaut à environ 20 millions de dollars par an pour toute l'opération. Le ministère des Transports s'intéresse essentiellement à la sécurité, mais d'un autre point de vue; son budget se chiffre dans les milliards de dollars. Les transporteurs injectent des milliards de dollars. Notre part de ressources en matière de sécurité est presque trop petite pour que l'on puisse l'évaluer. Une société comme Boeing, par exemple, en fait plus en un jour que nous en une année. Pourtant, nous occupons une place très importante dans tout ce contexte. Nous représentons le seul élément qui puisse analyser les défaillances du système de manière objective et indépendante. Au fur et à mesure que le temps passe et que notre travail est examiné, nous sommes de plus en plus acceptés et respectés.

Peu importe nos bons résultats, nous ferons toujours l'objet de controverse. Si l'une de nos conclusions met le doigt sur une faiblesse de conception dans un moteur, un avion, un navire ou autre, susceptible de coûter plusieurs millions de dollars au fabricant ou à l'exploitant, il est fort probable que ce dernier, s'il le peut, dépêchera beaucoup de personnel pour essayer de jeter le doute sur nos conclusions. C'est un travail difficile pour les enquêteurs.

Le président: Manquez-vous de capitaux pour ce qui est de l'équipement et de tous les outils dont vous avez besoin?

M. Johnson: Je suis absolument sûr que notre laboratoire d'enquête sur les accidents est le meilleur au monde, certainement supérieur à celui de tous les pays que j'ai visités. Il est certainement supérieur à celui de nos collègues américains. Si les membres du comité sont intéressés, nous nous ferons un plaisir de vous faire visiter notre laboratoire.

Nous n'avons pas plus d'argent qu'il n'en faut, mais nous en avons eu suffisamment pour faire notre travail et le faire correctement tout en restant à la pointe. Nous avons par exemple mis sur pied une méthode informatique d'analyse des renseignements qui se trouvent dans les enregistreurs de vol de tout appareil. Personne n'en disposait. Nous en concédons maintenant la licence aux États-Unis, à l'Allemagne, à la France, à l'Australie et à d'autres pays. Nous avons été à la pointe dans ce domaine. Nous ne demandons qu'un dollar pour la licence, uniquement pour contrôler le processus au fur et à mesure de son élaboration. Chaque fois que les enquêteurs trouvent quelque chose qui les aide, ils ne tardent pas à trouver quelque chose d'autre qui les aidera encore plus. Nous avons un comité spécial composé des enquêteurs des divers pays qui utilisent cette méthode. Tout le monde contribue et nous nous réunissons pour poursuivre le développement. Dans ce domaine, la coopération internationale est très bonne.

Le sénateur Bacon: Comment se comparent les réussites de votre organisation avec celles des États-Unis? Est-il possible de comparer les réussites ou les échecs, le cas échéant?

M. Johnson: Il y a probablement des réussites et des échecs. C'est très difficile. Nous travaillons en étroite collaboration. Nous faisons certaines choses un peu mieux qu'eux et vice-versa. Nous nous échangeons du travail d'enquête et des enquêteurs de temps à autre. Les États-Unis font certainement plus d'enquêtes sur de gros transporteurs de passagers que nous.

Le sénateur Bacon: Est-ce à cause de l'importance des nombres?

M. Johnson: Oui, et sans aucun doute aussi parce qu'ils ont un plus grand bassin de personnes capables de faire du bon travail dans le contexte de ces enquêtes d'envergure. Je crois que nous pouvons faire un travail aussi bon dans le cadre d'enquêtes d'envergure, mais notre bassin de personnel est beaucoup plus restreint.

Le président: Une enquête à la fois.

M. Johnson: Deux, s'il le faut.

Le président: Pourrions-nous mener deux enquêtes de front?

M. Johnson: Certainement.

Le sénateur Atkins: Participez-vous à l'enquête sur le vol 800?

M. Johnson: Cet exemple est intéressant. Oui, nous y avons participé. Nous n'y participons pas beaucoup, mais nous avons discuté avec nos homologues américains de ce que nous avons fait au sujet des 747 qui ont explosé en plein vol. Les Américains se sont également entretenus avec les Britanniques à cause de l'accident de Lockerbie.

La semaine dernière, nous avons envoyé six ou sept enquêteurs aux États-Unis. Ils ont passé quelques jours à discuter des conclusions avec les enquêteurs du NTSB. Quelques-uns de nos enquêteurs feront un travail de suivi pour eux. Nos organisations le font constamment.

Le sénateur Atkins: Pourquoi ai-je l'impression qu'ils en savent plus qu'ils ne veulent le reconnaître?

Le sénateur Bacon: Nous avons tous ce sentiment.

M. Johnson: Je ne le sais pas, sénateur.

Le sénateur Atkins: Le mystère entourant cet accident a probablement suscité plus de curiosité que presque tout autre accident d'avion.

M. Johnson: Il a provoqué beaucoup de curiosité et beaucoup d'inquiétude parmi les professionnels. Je pense que les contribuables de tous les pays seraient heureux de savoir que les Américains ne font pas tout ce travail seuls, sous prétexte qu'ils sont les mieux qualifiés à cet égard. Ils ont demandé l'aide des Britanniques, des Français et des Canadiens. Nous essayons de mettre en commun nos connaissances dans des domaines où tel ou tel pays pourrait avoir de la difficulté.

Le sénateur Atkins: Partagent-ils leur information?

M. Johnson: Absolument. Par ailleurs, ils utilisent un système informatique de l'analyse des enregistreurs de vol que nous avons mis au point. Lorsqu'ils en parlent aux nouvelles du soir, par exemple, ils signalent toujours que c'est le Bureau de la sécurité des transports du Canada qui leur a fourni ce système.

Le sénateur Atkins: Cet incident a posé la question de la boîte noire. Il existe, de toute évidence, divers genres d'enregistreurs.

M. Johnson: Oui.

Le sénateur Atkins: Le Canada a-t-il l'enregistreur de vol le plus efficace qui soit à bord de ses appareils?

M. Johnson: Oui, pour certains appareils, non, pour d'autres. Au cours de l'an passé, notre personnel technique a préparé un énoncé des exigences pour les enregistreurs de vol qu'il faudrait idéalement adopter pour les navires, les avions, les trains et les pipelines. Notre bureau a donné son accord. Nous entamons maintenant des consultations avec les organes de réglementation de l'industrie, parce que nous pensons que l'on pourrait obtenir un bien meilleur enregistrement d'informations sur les véhicules accidentés, ce qui permettrait d'analyser les problèmes plus rapidement que nous ne pouvons le faire aujourd'hui. Certains des enregistreurs sont très sophistiqués et donnent énormément de renseignements. Certains, encore autorisés aujourd'hui, sont tout à fait primaires.

Le sénateur Atkins: La technologie existe.

M. Johnson: Tout à fait.

Le sénateur Atkins: Le problème se pose-t-il à cause de l'équipement installé?

M. Johnson: Dans le domaine de l'aviation, les appareils les plus récents tendent à être dotés d'équipements très sophistiqués et complexes, contrairement aux vieux appareils. Les nouvelles exigences s'appliquent actuellement aux nouvelles conceptions. L'industrie s'oppose habituellement à la modification en rattrapage, car il est très coûteux d'installer dans un appareil de l'équipement pour lequel il n'a pas été conçu.

Le sénateur Atkins: Qui est l'organe d'exécution à cet égard?

M. Johnson: C'est Transports Canada. Nous devons convaincre le ministère des Transports que nous avons vraiment besoin de ce genre d'information pour que les enregistreurs soient prévus pour les divers modes de transport.

Mis à part l'aviation, les enregistreurs ne sont pas chose courante. On commence à les voir apparaître dans l'industrie marine. Il y en a quelques-uns dans les chemins de fer. En fait, les chemins de fer canadiens sont pratiquement les premiers à avoir eu des enregistreurs. Ils ne sont pas aussi sophistiqués que les enregistreurs de vol modernes, mais c'est un début. Cela s'inscrit dans le processus du changement des mentalités, chose qui ne se produit pas du jour au lendemain.

Le sénateur Atkins: Si vous deviez évaluer ce qui est le plus important en matière d'enquêtes, mettriez-vous l'enregistreur en haut de la liste?

M. Johnson: Je ne sais pas s'il serait en haut de la liste, mais un bon enregistreur est très important, dans la mesure où il n'est pas abîmé pendant l'accident. Il arrive parfois qu'il soit brûlé et que l'intérieur fonde.

Le sénateur Atkins: Que mettriez-vous en haut de la liste?

M. Johnson: Spontanément, je ne peux pas vous le dire. Il est certainement extrêmement important d'avoir des enquêteurs bien formés, bien éduqués et intelligents. Les enregistreurs de vol sont extrêmement importants. Une bonne analyse métallurgique est importante. Bien des choses sont importantes. Je ne suis pas sûr de pouvoir isoler un seul élément, mais très certainement, les enregistreurs de vol feraient partie de ce groupe d'éléments très importants.

En ce qui concerne nos résultats, nous pensons être en train d'acquérir une assez bonne réputation.

Nous avons rassemblé les exploitants des quatre modes et nous leur avons expliqué la nouvelle philosophie, le nouveau régime en place; c'est notre plus grande réussite jusqu'à présent. Au départ, il a été très difficile de faire fonctionner ce régime. Au fur et à mesure, il devient plus accepté et respecté. Il se peut que d'autres aient pu faire mieux, mais nous pensons que le niveau d'acceptation est élevé.

Aux Pays-Bas, le gouvernement veut créer un bureau de la sécurité visant tous les modes de transport. Des représentants sont venus au Canada à deux ou trois reprises et nous sommes aussi allés aux Pays-Bas une ou deux fois. Ils ont parlé aux gouvernements de la plupart des pays occidentaux de ce qu'ils appellent «la solution canadienne», ce qui est encourageant pour nous.

Le gouvernement italien souhaite créer un bureau de la sécurité. Certains membres de notre personnel se sont rendus en Italie et le gouvernement est très intéressé par ce que nous faisons.

En ce qui concerne les changements récents en Australie et en Nouvelle-Zélande, je ne sais pas dans quelle mesure nous avons eu une influence sur ces pays, mais leurs représentants nous parlent souvent et le système adopté en Nouvelle-Zélande ressemble beaucoup au nôtre, sauf qu'il est conçu pour un plus petit pays. Nous avons reçu des représentants du Japon, de la Chine, de presque partout. Cela nous laisse penser que nous avons reçu un assez bon mandat du Parlement.

Par ailleurs, nous rencontrons tous les représentants du milieu des transports, les syndicats, les conseillers juridiques, les organismes de réglementation, le ministère des Transports, l'Office national de l'énergie, le ministère des Pêches qui s'intéresse beaucoup à la Garde côtière, et d'autres ministères fédéraux comme celui de l'Environnement. Si les prévisions météorologiques semblent avoir joué un rôle dans les causes d'un accident, notre rapport est porté à l'attention du ministre de l'Environnement, lequel est tenu de nous répondre, tout comme le ministre des Transports, si le problème relevait de sa compétence.

Le président: Je peux être très méchant à ce sujet.

Le sénateur Atkins: La création d'administrations portuaires locales et le mouvement vers la privatisation sont-ils pour vous sources d'inquiétude pour ce qui est de la gestion future du transport?

Le Bureau de la sécurité est-il convaincu que le système automatisé donne le genre d'efficacité qui garantit la sécurité totale?

M. Johnson: J'essaierai de vous répondre dans l'ordre. Nous préoccupons-nous de la privatisation des aéroports, des systèmes de contrôle du trafic aérien, de la Voie maritime ou du CN? Nous nous en préoccupons, mais pas simplement parce qu'on passe d'une forme de propriété ou de gestion à une autre. Rien ne permet d'affirmer que la sécurité est meilleure lorsque l'installation est exploitée par l'État plutôt que par l'entreprise privée.

Le passage d'une forme d'organisation ou d'exploitation très complexe, dirigée par des gestionnaires chevronnés, à une autre forme probablement menée, elle aussi, par une autre série de gestionnaires très compétents nous préoccupe. Nous veillons effectivement à ce que le transfert soit complet, qu'il soit perçu comme tel et que rien ne soit oublié en cours de route. Que l'objectif de l'un soit, entre autres, de faire un profit, contrairement à l'autre, ne m'inquiète pas. Je ne crois pas que cela soit pertinent comme tel.

Le sénateur Atkins: À moins qu'il ne soit en train d'effectuer des compressions budgétaires et qu'il ne prenne des raccourcis.

M. Johnson: S'il prend des raccourcis, il y a effectivement un problème, mais je ferai remarquer que les organismes fédéraux sous-financés coupent, eux aussi, les coins ronds.

La plus grande source d'inquiétude, à mon avis, est de savoir si la direction de la nouvelle organisation connaît suffisamment bien l'organisme pour repérer d'éventuels problèmes de sécurité. En fin de compte, je suis sûr qu'elle saura le faire. Dans l'immédiat, c'est moins sûr. Dans le cadre de nos enquêtes actuelles, il est vrai que nous commençons à examiner davantage des questions de gestion. Auparavant, seuls les questions techniques et le métal nous intéressaient. Depuis lors, nous avons élargi nos horizons. Le fait de devoir trouver le problème à la source du manque de sécurité nous a obligés à déborder de notre cadre traditionnel de travail. Indubitablement, la première fois que nous aurons à enquêter sur un incident important dans le domaine du contrôle du trafic aérien, sous le nouveau régime de NAV CANADA, nous étudierons d'assez près les questions de gestion et les contrôles, de même que ce que les contrôleurs de service étaient en train de faire.

Cet énorme changement nous préoccupe effectivement, non pas parce que nous y voyons un problème, mais du simple fait qu'il représente une transition de taille et que nous ignorons si elle se fait sans heurt.

Le sénateur Atkins: Le changement inquiète certains pilotes. Ils ne sont pas tout à fait convaincus.

M. Johnson: On a toujours tendance à s'inquiéter de ce que l'on ne connaît pas, jusqu'à ce que l'on sache si la nouvelle façon de faire est vraiment bonne, aussi bonne ou moins bonne que la précédente. Nous sommes certes prêts à étudier toute cette question, avec rapidité.

Pour ce qui est de l'automatisation, soit la seconde moitié de votre question, elle nous inquiète effectivement. Parmi tous les organismes de ce genre dans le monde, notre bureau est celui qui regroupe le plus important bassin d'experts des performances humaines. De plus en plus, nous nous penchons sur ce qui porte l'être humain à poser certains gestes. Pourquoi le conducteur de train qui exerce son métier depuis 20 ans n'obéit-il pas, à un moment donné, au signal qui lui dit de s'arrêter et aboutit-il sur la principale voie ferrée où il provoque une collision avec un autre train? Ce n'était pourtant pas ce qu'il voulait faire.

Nous constatons que la motivation est très forte chez les employés de l'industrie du transport. Ils aiment ce qu'ils font. Ils aiment leur industrie, qu'il s'agisse du transport ferroviaire, maritime ou aérien. Le métier se transmet de génération à génération dans l'industrie. Moi, je viens d'une petite ville minière. Mon père m'a dit: «L'important, c'est de sortir de cette ville». L'industrie du transport permet un mode de vie très différent. Elle attire les gens. Les travailleurs de cette industrie aiment leur métier et veulent bien l'exercer, ce qui nous facilite beaucoup le tâche parce que, habituellement, quand un incident se produit, nul n'a cherché à le provoquer, et tous nous demandent de les aider à comprendre ce qui est arrivé. Nous sommes très chanceux de travailler dans ce domaine.

J'ai parlé tout à l'heure de l'Organisation de l'aviation civile internationale et de l'Organisation maritime internationale. Nous travaillons de près avec ces deux organismes. Durant la dernière année, nous avons signé avec l'Organisation de l'aviation civile internationale un protocole d'entente selon lequel, si nous avons les ressources voulues, nous lui prêtons des enquêteurs pour faire enquête dans des pays moins développés. Habituellement, nous payons le salaire, et elle assume les autres frais. Nous travaillons très souvent avec elle à élaborer des manuels et d'autres documents qu'elle distribue aux États membres. C'est la même chose avec l'Organisation maritime internationale.

J'ai aussi mentionné que nous travaillons en étroite collaboration avec des organismes d'enquête étrangers. Nous collaborons assez souvent avec des organismes professionnels également. Je pourrais faire quelques observations au sujet de nos réalisations dans le cadre de ces relations. Les rapports sont un peu compliqués. Il faut connaître les gens suffisamment bien pour qu'ils nous fassent confiance au point de se confier à nous quand quelque chose ne tourne pas rond, sans pour autant être soupçonnés d'être sous leur coupe. Nous marchons en quelque sorte sur la corde raide. C'est dans le secteur de l'aviation que nos relations sont les meilleures étant donné que nous travaillons depuis longtemps dans ce secteur.

Nos relations avec l'industrie du chemin de fer sont aussi plutôt bonnes. Heureusement, l'Association des chemins de fer du Canada en a facilité l'établissement. C'est à elle que nous nous adressons, et elle coordonne tout pour nous, de sorte que nous n'avons pas de difficulté à obtenir des réponses.

Il existe deux associations qui nous ont beaucoup aidé. Les contacts dans l'industrie du transport maritime sont beaucoup plus difficiles, du fait qu'il faut traiter avec les pêcheurs de la côte est et de la côte ouest, avec les navires des Grands Lacs et avec des transporteurs étrangers. La plupart des navires qui viennent du large battent pavillon étranger. Il est donc difficile de rencontrer les membres de cette industrie. Il faut le faire à la pièce, ce qui prend plus de temps. C'est aussi le mode de transport qui a dû vivre les plus grands bouleversements quand la nouvelle politique a été mise en oeuvre.

Le sénateur Atkins: En dépit des compressions effectuées, par exemple à la Garde côtière, font-ils leur travail? Certains estiment que, souvent -- et depuis les compressions --, la Garde côtière n'assume pas totalement le genre de responsabilités qui lui ont été confiées, par exemple le balisage des voies navigables.

Quand le gouvernement réduit les fonds affectés aux différents organismes, le Bureau de la sécurité a-t-il l'influence voulue pour le faire revenir sur sa décision et l'inciter à accorder à nouveau la priorité aux questions de sécurité?

M. Johnson: Comme, en règle générale, nous agissons après coup, nous n'avons pas beaucoup d'influence sur ce genre de décision. Une fois la décision prise et exécutée, si nous enquêtons sur des accidents maritimes et qu'il nous semble que les balises n'ont pas été placées, que les inspections n'ont pas été faites comme il se devait, et cetera, cela figurera dans notre rapport public. La question sera alors portée à l'attention du ministre des Pêches qui sera obligé d'y répondre. L'échange est alors public. C'est la meilleure façon d'obtenir les changements requis.

On a toujours eu pour principe de ne pas nous donner le pouvoir d'imposer les changements, mais nous avons certes une obligation. Si nous menons une enquête valable et sérieuse -- même s'il faut un an avant de déposer notre rapport --, et que, tout bien considéré, nous estimons que quelque chose cloche, ce n'est pas notre intention de le dire sans revenir à la charge si nul n'y donne suite.

Au début, lorsque le bureau en était à ses balbutiements, nous procédions à tâtons. Nous faisions enquête et, s'il y avait désaccord, nous n'étions pas assez sûrs de nous pour parler haut et fort. Nous avons pris pas mal d'assurance depuis lors. Si nous sommes sûrs de ce que nous avançons et que le ministre ne répond pas, les choses n'en restent pas là.

Le sénateur Atkins: J'espère que c'est vrai.

Le président: Nous connaissons maintenant le coeur du problème. Il reste peu de temps. J'ignore quand vous pourrez à nouveau venir témoigner, mais, en trois ou quatre minutes au plus, pourriez-vous nous parler des enquêtes sur les accidents dans les Forces armées canadiennes et de la dimension militaire? Est-ce une question sur laquelle il faudrait se pencher? Elle n'est pas sans rapport, loin de là, mais est-ce, oui ou non, une question à laquelle il faudrait s'arrêter?

Je me suis longtemps battu en faveur de l'indépendance de l'organisme de réglementation par rapport à l'appareil administratif au sein des forces armées canadiennes. La différence entre les deux est actuellement si ténue qu'un accident ne peut survenir sans que l'enquêteur ne le sache, qu'il ne connaisse la victime, qu'il n'ait fréquenté l'université avec elle ou avec un membre de sa famille. La trop grande proximité s'intensifie, à mesure que les forces armées s'amenuisent en nombre. Je ne mets pas en doute la capacité de l'organisme; je me demande seulement s'il n'y a pas lieu de se poser la question. Vous avez peut-être quelque chose à dire à ce sujet. Par contre, si vous décidez de ne rien dire, je comprendrai.

M. Johnson: Nous travaillons en étroite collaboration avec les enquêteurs d'accidents militaires. En fait, plusieurs de nos enquêteurs viennent des forces armées. Je suis d'accord avec vous, mais, sur le plan technique, j'estime qu'ils font du bon travail, du moins dans le secteur de l'aviation. En principe, ils connaissent fort bien la façon de traiter les gens qui ont des accidents et ils nous ont appris, à nous les civils, bien des choses.

Pour ce qui est des conflits d'intérêts, la situation, dans le monde militaire contemporain, ressemble à ce qui prévalait auparavant au ministère des Transports. Ce n'est pas aux fonctionnaires de décider s'il convient mieux, dans l'intérêt de la sécurité nationale et de ce genre de choses, de maintenir le statut quo ou s'il vaut mieux éviter la possibilité de conflits d'intérêts. Je ne crois pas pouvoir vous être très utile sur ce point.

Le président: Je comprends. Pouvez-vous nous parler brièvement des problèmes tels que vous les voyez?

M. Johnson: Il y en a très peu, mais voyons ce qu'il y a.

Le fait d'être des pionniers, c'est-à-dire d'être les premiers à faire ce genre de travail et de devoir faire comprendre le nouveau principe aux autres, ainsi que les nouvelles façons de faire, cause des difficultés. Je ne m'en plains pas; je dis qu'il faut y travailler.

Comme je l'ai déjà dit, la loi sera modifiée sous peu. Les modifications apporteront des précisions en ce qui concerne les renseignements divulgués à la police, le degré de participation de l'organisme de réglementation, la protection de certains renseignements confidentiels, et ainsi de suite. Le bureau verra à éclaircir tout ce qui influe sur son fonctionnement et sur son bon ordre administratif. De plus, il y aura probablement quelques modifications visant à concrétiser la volonté du gouvernement d'avoir des membres à temps partiel, lorsqu'il y a lieu, et cetera. Les modifications portent heureusement sur tous les points qui nous ont semblé, au cours des six dernières années, comporter des lacunes.

Il reste une question dont nous n'avons pas parlé, soit le transport par camion interprovincial. Il est incontestable que la réglementation de ce secteur d'activité relève du gouvernement fédéral et que tout accident survenant dans ce secteur est aussi du ressort du ministère des Transports. Il existe donc un conflit d'intérêts. Cependant, j'ignore si le gouvernement souhaite le tolérer et s'il veut prendre en charge les dossiers fédéraux-provinciaux qui en découlent. Si le gouvernement fédéral décidait de s'en tenir loin, nous, les fonctionnaires, n'aurions pas à nous préoccuper de savoir si la question doit relever de notre organisme ou d'un autre. En tant que Canadien, je constate qu'il existe effectivement un conflit d'intérêts.

Je ne voudrais pas vous sembler avide. Cependant, il existe, au Royaume-Uni, un secrétariat de la santé et de la sécurité. La Finlande et la Suède ont donné à leurs organismes d'enquête des mandats beaucoup plus larges que le simple transport. Il faudra peut-être étudier cette question un jour. Par contre, savoir si le Canada a intérêt à les imiter est une autre paire de manches.

C'est à peu près tout ce que j'avais à dire. Nous n'avons pas d'argent en trop, mais nous n'en manquons pas non plus. Nous en avons assez pour faire notre travail.

Le sénateur Adams: Passons aux prévisions de coûts. En 1993-1994, vous avez dépensé 27 millions de dollars. En 1996-1997, vos dépenses sont passées à 23 millions de dollars. Est-ce parce qu'il y a eu moins d'accidents ou parce que vous avez réduit votre personnel?

M. Johnson: Il s'est passé toutes sortes de choses, entre autres le fait qu'au cours de nos six années de fonctionnement, nous sommes devenus un peu plus efficaces. Nous pouvons donc faire plus avec moins. Nos gens sont mieux formés. Ils sont plus efficaces qu'ils ne l'étaient.

Par ailleurs, nous ne faisons plus les choses de la même façon qu'auparavant. Nous avions l'habitude d'enquêter sur chaque petit accident d'aviation, ce que nous ne faisons plus. Nous nous contentons de dire: «Nous sommes navrés qu'il y ait eu un accident et que quelqu'un soit mort. Cependant, l'accident ne semble pas pouvoir nous apprendre quoi que ce soit au sujet du système de transport. Il vaut mieux attendre le rapport d'enquête de la police et du coroner».

En effet, chaque fois que survient un accident d'aviation dans lequel il y a des morts et au sujet duquel nous ne faisons pas enquête, le coroner dit habituellement: «Pouvez-nous nous prêter pendant un jour ou deux votre expertise?» Sans mener notre propre enquête, nous pouvons offrir du soutien. Le coroner peut s'en servir pour rédiger son rapport. Cette façon de faire semble donner d'excellents résultats.

La méthode ne plaît pas à tous. Par contre, les Canadiens se rendent compte, je crois, que nous ne pouvons plus continuer comme dans le passé.

Le sénateur Adams: Collaborez-vous avec les commissions d'accidents du travail?

M. Johnson: Un peu, oui.

Le sénateur Adams: Dans les territoires, les travailleurs de la construction ont de plus en plus à faire tout en étant moins bien payés. Vous préoccupez-vous des accidents de construction et de ce genre de choses?

M. Johnson: Non, à moins qu'il y ait eu un hélicoptère ou un bateau qui transportait des travailleurs jusqu'au chantier de construction. Lorsque survient un accident de transport, les commissions d'accidents du travail nous laissent en règle générale le soin de faire l'analyse. Par contre, s'il s'agit d'un accident industriel, ce sont elles qui s'en chargent. Lorsque la situation est plus ambiguë, nous avons réussi à trouver des façons de faire.

Le sénateur Atkins: Avant que le rapport final ne soit déposé ou rendu public, le bureau communique-t-il avec certaines personnes, s'il estime qu'il faut combler une lacune flagrante ou évidente?

M. Johnson: Oui. Nous avons tout de même quelques obligations.

Dès le début, à partir du jour même où nous parvient le rapport d'incident, si nous constatons un besoin pressant de mesures de sécurité, nous avons l'obligation législative de faire une recommandation en ce sens. Avant que le rapport ne soit rendu public, nous faisons parvenir aux responsables le rapport provisoire faisant état de ces constatations.

Le sénateur Atkins: Est-ce qu'il se passe quelque chose entre l'étape de l'ébauche et le rapport final?

M. Johnson: Oui. Si quelqu'un nous dit que nous avons commis une erreur en ce qui a trait aux numéros de série, par exemple, nous apporterons un changement. Si l'on nous dit: «Vous avez examiné un aspect du problème et en êtes venus à une conclusion, mais vous en avez oublié un autre dont vous devriez tenir compte», nous reprendrons alors le rapport et en viendrons peut-être à une autre conclusion.

Si les conclusions sont très différentes, nous envoyons une nouvelle ébauche confidentielle. La personne qui semblait tout à fait satisfaite la première fois peut ne pas l'être la deuxième. Nous n'avons pas l'intention de surprendre personne.

Le président: Je vous signale que nous commençons à peine. L'heure et demie que nous avons passé ensemble a été très intéressante. Nous vous remercions, monsieur Johnson, du témoignage que vous avez présenté ce matin.

Lorsque vous comparaîtrez de nouveau devant le comité, il se peut que nous examinions les causes des accidents. Nous pourrions peut-être vous demander, d'après votre expérience et d'après celle du bureau, ce qui cause les accidents. Nous pourrions chercher les principaux problèmes de sécurité du transport au Canada ou vous demander ce qu'ils pourraient être au sein de notre réseau de transport. Nous sommes enchantés à la perspective de vous revoir.

La séance est levée.


Haut de page