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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'agriculture et des forêts

Fascicule 4 -- Témoignages


Ottawa, le jeudi 16 mai 1996.

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour poursuivre ses travaux dans le cadre de son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada.

L'honorable Dan Hays (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui comme témoins le président et la directrice générale de la Fédération canadienne de l'agriculture. C'est toujours un plaisir d'accueillir le plus important représentant des exploitants agricoles du Canada. Si vous voulez bien commencer votre exposé, la parole est à vous.

M. Jack Wilkinson, président, Fédération canadienne de l'agriculture: Je vous remercie. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Sally Rutherford, directrice générale de la Fédération. Nous avons présenté plusieurs mémoires dans la trousse que nous vous avons fait parvenir. Ce matin, nous nous consacrerons surtout à celui qui traite du recouvrement des coûts.

Ensuite, nous aborderons brièvement l'examen de l'assurance-récolte actuellement en cours. L'examen aura peut-être des répercussions sur les fonds affectés au programme et, selon les décisions prises lors de la prochaine rencontre des ministres de l'Agriculture, sur l'efficacité de l'assurance-récolte.

Dans notre exposé, nous vous parlerons des mémoires que nous présenterons à la table ronde nationale qui doit bientôt avoir lieu. Nous parlerons aussi de questions relatives au développement mondial. Nous serons heureux de discuter de tous ces sujets avec vous.

Comme vous le savez, le recouvrement des coûts est notre plus grande source de préoccupations. Nous sommes conscients des pressions exercées sur le gouvernement fédéral pour qu'il réduise son budget et de la nécessité d'effectuer des compressions et d'adopter des mesures d'austérité. Beaucoup de programmes d'Agriculture Canada sont touchés. De nombreux gouvernements provinciaux font face à une situation analogue. Par conséquent, les dépenses de programmes engagées dans l'agriculture et le soutien du milieu agricole feront l'objet de compressions importantes.

Le principe du recouvrement des coûts a considérablement modifié de nombreux programmes au Canada. Cependant, les conséquences de cette réorientation sur l'agriculture nous préoccupent particulièrement. Les changements apportés au régime de soutien du transport au Canada et la réduction des dépenses de programmes se traduiront, pour la plupart des producteurs, par une nette augmentation des coûts. Il est vrai qu'en ce moment, la hausse est contrebalancée en partie, particulièrement dans le secteur des céréales et des oléagineux, par des prix beaucoup plus élevés que ceux qui ont eu cours durant les quelques dernières années et, selon le degré de plantation au printemps, les prix pourraient atteindre un sommet historique avant la fin de l'année. Toutefois, l'agriculture ne se mesure pas uniquement au cours des céréales et des oléagineux. Parfois, je crois que nous agissons ainsi parce que c'est ce qui retient le plus l'attention des médias.

La situation que je viens de décrire a aussi de graves conséquences sur le secteur de la viande rouge, étant donné surtout l'abolition du programme d'aide au transport des céréales fourragères. L'élimination actuelle des troupeaux se traduit par des prix historiquement faibles dans le secteur du boeuf.

Depuis quelques années, l'horticulture traverse aussi une période très difficile. Nous tentons d'appliquer le principe du recouvrement des coûts à l'ensemble du secteur agricole sans égard au fait que les céréales et oléagineux suscitent actuellement beaucoup d'optimisme. Tous les membres du secteur agricole savent que les cours élevés actuels ne dureront pas et que, dans quelques années, nous verrons les prix péricliter. Il est difficile de concevoir qu'un seul de ces éléments du recouvrement des coûts puisse provoquer des baisses additionnelles, surtout quand le secteur a un revenu historiquement faible.

D'après nous, il faudrait qu'Agriculture Canada adopte comme approche en matière de recouvrement des coûts des mesures qui tiendraient compte des études d'impact sur la concurrence qu'il a effectuées. Bien souvent, il ne l'a pas fait. En fait, depuis que le Conseil du Trésor a autorisé l'imposition de frais aux usagers et le recouvrement des coûts dans bien des domaines, il semblerait que le ministère ait appliqué ces principes universellement dans bien des secteurs sans tenir compte de leur impact sur la compétitivité.

Ce n'est pas nous qui fixons les cours mondiaux. En tant que petit pays, il faut être capable de fournir un produit de qualité supérieure à prix égal. Par conséquent, la compétitivité est absolument cruciale au commerce agricole. Les prix payés au producteur sont à la baisse; nous devons offrir notre produit au même prix, en maintenir la qualité et ne se soucier du revenu net qu'après-coup.

Dans le cadre des discussions qui ont entouré le recouvrement des coûts, la concurrence n'a pas été abordée en profondeur et cela nous préoccupe. Nous craignons que les discussions à ce sujet ne soient terminées mais qu'elles ne fassent que commencer. La concentration sur les réductions de coûts au sein du système est loin d'avoir été suffisante, alors que c'est là, selon nous, où l'on devrait mettre l'accent.

En étudiant de nouvelles façons d'opérer, nous devons déterminer si le coût qui y est associé se maintiendra. Aurons-nous besoin du même nombre d'inspecteurs? Si nous adoptons un nouveau régime, évaluerons-nous les nouveaux modèles qui garantiront le contrôle de qualité et réduiront les incidences budgétaires? Si les milieux agricoles et l'industrie agroalimentaire pouvaient contrôler leurs intrants et leurs prix, elles seraient en mesure, semble-t-il, d'atteindre les objectifs gouvernementaux. À l'heure actuelle, il ne semble y avoir aucune exigence et en fait, dans bien des cas, aucune capacité de contrôle de l'aspect commercial de l'agriculture. Lorsque nous faisons des suggestions, on nous répond: «Nous ne voulons pas collaborer en ce qui concerne les réductions de coûts. Nous sommes ici pour vous dire que vous devez assumer 65 p. 100 du coût du programme et que vos commentaires ne nous intéressent pas». Comme vous pouvez l'imaginer, l'exercice est un peu tombé à plat.

En ce qui concerne les céréales et les oléagineux, par exemple, le secteur assume une large part du coût des services de classement et d'inspection, mais un certain nombre d'autres problèmes pointent à l'horizon. Les ports lorgnent également du côté des mesures de recouvrement de coûts. Il en va de même dans le domaine des inspections phytosanitaires. Quant au secteur de l'horticulture, il évalue les coûts associés à la délivrance des permis d'exportation. On passe en revue tout un éventail de coûts. Par exemple, l'industrie horticole essaie d'évaluer la situation à laquelle fait face une entreprise de conditionnement qui doit acquitter des frais supplémentaires de 800 000 $ en vertu du régime de recouvrement des coûts. Elle devra absorber cette augmentation à l'intérieur du système parce qu'elle ne pourra le faire par l'entremise de la tarification.

Comme je l'ai dit, notre plus grande inquiétude, c'est qu'il ne s'agisse pas de véritables négociations car il n'a pas été tenu compte des opinions exprimées par l'industrie. L'industrie de l'alimentation animale a amorcé des négociations avec le gouvernement fédéral. Alors que les deux côtés auraient dû tenter d'en arriver à une entente, les dépenses de l'industrie ont fini par quadrupler. Je suis sûr que vous conviendrez que cela incite vraiment à en arriver rapidement à une entente dans le cadre de ces prétendues négociations si vos frais augmentent d'une réunion à l'autre.

La Garde côtière canadienne apporte certains changements aux coûts de ses services de marine. D'ici le 1er juin 1996, le secteur des céréales verra ses frais augmenter de 20 millions de dollars pour atteindre 60 millions en 1999-2000. Et la liste s'allonge.

À nos premières réunions consacrées à l'examen du système d'homologation des pesticides, nous avons prôné l'harmonisation avec le système nord-américain et européen pour accélérer le processus. Au cours de nos premières conversations, le gouvernement a proposé d'embaucher 125 personnes de plus, une hausse de 225 p. 100 des besoins en personnel. Il proposait un programme dont le coût serait beaucoup plus élevé par rapport à l'ancien système et dont les producteurs devaient en fait assumer 60 p. 100. Soit! Nous avons eu depuis avec eux des négociations et des conversations. Je crois qu'ils en sont maintenant aux alentours de 40 p. 100, mais le fait est qu'ils ont amorcé la discussion avec des chiffres irréalistes. En guise de comparaison, les Australiens administrent un programme semblable pour quelque 9 millions de dollars. Au début de nos conversations, nous nous attendions à quelque 34 millions de dollars et à un investissement initial de la part du gouvernement qui permettrait d'abaisser le coût. Les milieux agricoles craignent qu'au bout du compte, les pourcentages augmentent en notre défaveur.

L'industrie a l'impression que la plupart des autorités avec lesquelles nous faisons affaire voient leurs dépenses augmenter dans bien des secteurs. Par exemple, aux États-Unis, le Farm Bill, en ces temps de restrictions et de prix élevés des céréales, donnera naissance à des programmes découplés qui atteindront le maximum permis en vertu du programme du GATT. On y maintiendra le programme d'encouragement des exportations en prévision d'un fléchissement des prix. On y investit de grosses sommes dans la production d'éco-produits. Par exemple, ils seront autorisés à verser jusqu'à concurrence de 10 000 $ aux producteurs dans le cadre de ces investissements «verts». De plus en plus, l'Europe investit dans la production d'éco-produits par l'entremise du soutien du revenu de sorte que, aux termes du GATT, les dollars continuent légalement d'y êtres versés aux nombreux producteurs.

Au Canada, nous avons réduit considérablement nos dépenses de programmes. En abrogeant la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et d'autres programmes, nous avons éliminé nos programmes à l'exportation. En outre, nous réduisons grandement nos dépenses en ce qui a trait aux «programmes verts». Après 1996-1997, aucun crédit n'est prévu dans le plan vert pour le secteur agricole. Il y a d'autres aspects proposés de recouvrement des coûts en ce qui a trait aux investissements dans la production d'éco-produits, au classement au moment de l'inspection et à d'autres secteurs. C'est une situation perdant-perdant qui fera augmenter les coûts et nous a exposés à de plus grands risques sur le marché en compromettant notre compétitivité et, tout ceci, à une époque où tout le monde se fixe de nobles objectifs de 23 milliards de dollars pour les exportations du secteur agroalimentaire. Je le répète, il est possible d'assumer les coûts supplémentaires à condition que les prix soient élevés; si le prix devait se retrouver à un niveau plus normal, les agriculteurs seront aux prises avec des marges très étroites et des factures.

Je vais maintenant vous dire quelques mots de l'assurance-récolte et faire ressortir quelques aspects. À leur dernière réunion, les ministres de l'Agriculture ont décidé qu'il fallait procéder à un examen global de l'assurance-récolte. Un comité de direction s'occupe de préparer un rapport et un groupe de consultation a été mis sur pied, si je ne m'abuse dans toutes les provinces, pour préparer la réunion de juillet des ministres de l'agriculture.

Ces groupes se penchent sur un certain nombre de questions, à partir de l'évaluation de régimes d'assurance-récolte d'un nouveau genre et de ce que les producteurs peuvent vouloir y trouver ou non, jusqu'à celle d'autres secteurs d'une importance cruciale qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral et qui peuvent avoir des ramifications importantes. Dans le budget de 1995, une fois de plus sous la rubrique du recouvrement des coûts et des frais aux usagers, Agriculture Canada a été mandaté d'examiner la possibilité de récupérer auprès des producteurs un certain pourcentage des coûts d'administration de l'assurance-récolte étant donné qu'ils s'appliquent au gouvernement fédéral. Les coûts d'administration de l'assurance-récolte sont partagés entre les provinces et le gouvernement fédéral, les primes étant séparées en trois entre les producteurs et le gouvernement. Au cours de la dernière année, au lieu d'appliquer directement ces frais aux producteurs, le gouvernement a récupéré 7,5 millions de dollars directement de l'enveloppe de l'assurance-récolte et y a appliqué 20 p. 100. La question est la suivante: le gouvernement continuera-t-il d'agir de la sorte ou recourra-t-il aux frais aux usagers? Certaines provinces songent également à recourir aux frais aux usagers vu que cela s'applique à leurs frais d'administration. Cela pourrait avoir des répercussions importantes sur le producteur s'il doit envisager d'assumer des frais et voir ses primes augmenter. Les frais aux usagers auront une moindre répercussion sur les petits producteurs alors qu'il n'en va pas de même pour les gros producteurs. Tout ceci se passe au moment où nous éprouvons déjà des difficultés à maintenir la participation à l'assurance-récolte.

Nous avons soutenu qu'il était logique d'essayer de diminuer les coûts. Pourquoi ne pas songer à le faire avant d'imposer des frais aux usagers, ce qui n'encourage pas du tout à diminuer les coûts?

Nous sommes aussi particulièrement attentifs au programme de réassurance du gouvernement fédéral qui est offert aux provinces. Par le passé, le gouvernement fédéral disposait d'un système en vertu duquel, si par exemple une province connaissait une récolte très déficitaire ou des catastrophes consécutives, et que le programme provincial ne pouvait assumer ces pertes importantes, il accorderait un prêt sans intérêts dont le remboursement s'échelonnerait sur une certaine période, évitant ainsi des pointes dans les coûts des primes au cours des quelques prochaines années qui chasseraient les participants au programme. Seules les catastrophes importantes seraient couvertes. Du point de vue actuariel, aucun programme ne pourrait fonctionner. Il est impossible de concevoir un programme de 10 ans qui puisse fonctionner. Le gouvernement fédéral a annoncé qu'il ne veut pas maintenir le programme de réassurance en vertu du système actuel en partie en raison du fait que le calendrier de remboursement actuel pourrait s'étendre sur 30 ans. D'après le gouvernement fédéral, celui-ci comporte un élément de passif éventuel dont il aimerait se départir. Certaines suggestions ont été faites à cet égard. Nous avons accepté le point de vue des agriculteurs qui font partie du comité de direction, qui estiment que, de toute évidence, la période doit être raccourcie. Personne ne devrait accepter un calendrier de remboursement de 30 ans. Nous avons accepté l'idée que, si cela doit être 20 ans, il devrait en être ainsi.

L'autre option envisagée est la privatisation du programme de réassurance. La Colombie-Britannique dispose déjà d'un tel programme. Mais comme il n'est en place que depuis un an, elle ne sait pas vraiment quels résultats il donnera.

Nous avons deux grandes préoccupations. Premièrement, si le programme était pris en charge par un réassureur privé, ce dernier essaierait de récupérer les frais d'administration ou d'obtenir pour le capital investi un taux de rendement supérieur aux taux en vigueur. Deuxièmement, il exigerait d'être remboursé dans un délai de trois à cinq ans. Les dépenses des producteurs augmenteraient et, ce qui serait sans doute encore plus grave à court terme dans le cas des agriculteurs participant toujours au programme, si le réassureur exigeait, advenant une catastrophe majeure, d'être remboursé dans un délai de trois à cinq ans, les primes augmenteraient de façon incroyable après n'importe quelle catastrophe. Nous craignons de perdre un grand nombre de participants si le coût des primes fluctue beaucoup. Cette option est donc à rejeter. À notre avis, le gouvernement fédéral doit continuer de participer au programme de réassurance pour que les primes demeurent stables. Si nous voulons modifier le programme de réassurance dans le but de le rendre pratique du point de vue du gouvernement fédéral, alors nous sommes d'accord.

Au cours de la réunion la semaine dernière, nous avons examiné un document provisoire sur le programme de réassurance qui contenait des suggestions sur la façon d'encourager les réassureurs, qui ont des inquiétudes au sujet des catastrophes majeures, à participer au programme. Les réassureurs s'inquiètent des conséquences que pourrait avoir une catastrophe majeure. Par exemple, la Saskatchewan dispose actuellement d'un fonds de réassurance de plus de 400 millions de dollars pour couvrir les dégåts causés par des périodes de gel consécutives. Il est question ici de sommes importantes. Les réassureurs craignent que si une province décide de ne pas avoir recours à leurs services à la suite d'une catastrophe majeure, ils ne pourront percevoir des primes. C'est ce qui s'est produit, semble-t-il, en Corée du Nord, où des réassureurs se sont fait dire, à la suite d'une catastrophe majeure, que le gouvernement cherchait un nouveau réassureur. Par conséquent, ils sont très inquiets et ils veulent que le gouvernement fédéral couvre les risques.

Ce régime est très intéressant. Si l'instauration d'un programme privé d'assurance ne fera qu'augmenter les coûts et que le gouvernement fédéral sera ensuite obligé d'aider le réassureur à minimiser les risques qu'il assume, il me semble alors, en tant que simple agriculteur du nord de l'Ontario, que le gouvernement fédéral devrait continuer de participer au programme de réassurance. S'il doit couvrir les risques assumés et qu'il veut éviter que les primes payées par le producteur n'augmentent de 25 p. 100, il devrait continuer de participer au programme. Je crois que c'est essentiel.

Il serait utile que le comité examine plusieurs de ces secteurs où l'on prévoit instaurer un système de recouvrement des coûts et qu'il essaie de trouver des moyens de combler les déficits budgétaires à Ottawa. Merci beaucoup.

Le vice-président: Merci, monsieur Wilkinson. Vous avez parlé du recouvrement des coûts. Voulez-vous aborder les autres questions maintenant, ou devrions-nous les examiner à tour de rôle?

M. Wilkinson: Nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions.

Nous devons, plus tard dans la matinée, comparaître devant le comité des ressources naturelles pour discuter du développement rural, en particulier de l'infrastructure qui relève du gouvernement fédéral, et des télécommunications en général, un sujet primordial si nous voulons uniformiser les règles du jeu dans les régions rurales. Nous avons de grandes préoccupations au sujet des changements qui surviennent dans le domaine des télécommunications et cette nouvelle ère des communications qui allait mettre un terme à l'exode vers les centres urbains. Il y a quelques années, nous pensions pouvoir mettre sur pied des entreprises dans les régions rurales qui seraient reliées au reste du monde par des réseaux de télécommunication. Le fait est que les lignes partagées ne nous permettent pas de rester en contact avec le monde. Si l'infrastructure n'est pas disponible dans les régions rurales, on ne peut être relié au reste du monde. Il est absolument essentiel que le gouvernement maintienne son pouvoir de réglementation dans ce domaine.

Nous essayons de mettre sur pied une vaste coalition d'intervenants du secteur primaire, qui est confronté aux mêmes problèmes que nous. Que vous habitiez un village de pêcheurs ou que vous exploitiez une mine dans le nord de la Saskatchewan, vous êtes confrontés aux mêmes problèmes que nous.

Certaines provinces exigent que ce service soit offert à leurs citoyens et insistent pour dire que, compte tenu du cadre réglementaire, le fait d'avoir une ligne privée, et avec tout ce que cela implique, constitue un droit. Dans d'autres secteurs, cela n'est pas le cas.

Nous serons prêts à répondre à vos questions.

Le vice-président: Vous dites avoir des inquiétudes au sujet de l'imposition, au palier fédéral, de frais d'utilisation, d'un système de recouvrement des coûts ou d'un mécanisme quelconque pour récupérer les dépenses engagées, et du fait que vous n'exercerez aucun contrôle sur ces coûts, qu'ils visent les produits chimiques, les assurances, ainsi de suite. Comment peut-on amener les producteurs de denrées agricoles, qui assumeront les dépenses, à trouver des moyens de réduire les coûts, approche que vous privilégiez, au lieu de tout simplement les obliger à payer la totalité ou une partie des coûts, sans rien attendre en retour? Ce que je propose ici, c'est le pire des scénarios, une structure bureaucratique en vertu de laquelle un très petit groupe de Canadiens paye, à savoir le producteur d'une denrée précise.

M. Wilkinson: Lorsque nous avons discuté pour la première fois du budget à notre assemblée annuelle à Halifax, il y a deux ans, nos membres ont recommandé qu'un comité mixte composé de producteurs intéressés soit mis sur pied, étant donné qu'on proposait de soumettre de nombreux services à un système de recouvrement des coûts. Dans bon nombre de cas, il s'agissait de services précis, comme les permis pour l'industrie horticole ou le classement et l'inspection des viandes. Nous avons proposé la création d'un groupe de travail composé de représentants de l'industrie -- des représentants des associations agricoles, des transformateurs, des importateurs, des exportateurs, ainsi de suite --, et de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, le cas échéant, qui aurait pour mandat de trouver une approche «différente», c'est-à-dire de procéder d'abord à une réduction des coûts et ensuite, si besoin est, d'instaurer un système de recouvrement des coûts.

Cette option n'a jamais été retenue et, en fait, même s'ils disent avoir consulté les intéressés, les décisions, comme j'ai essayé de vous le dire, étaient prises à l'avance. À la première réunion, ils nous ont dit: «Vous allez assumer les coûts, point à la ligne». Chaque fois que nous essayons de proposer d'autres solutions, ils ont toujours des arguments pour rejeter nos propositions.

Prenons l'exemple du système d'homologation des pesticides. Nous avons, de concert avec l'industrie horticole, collaborer de près avec le gouvernement fédéral en vue de trouver des moyens d'uniformiser les règles et de réduire les délais d'homologation dans un monde en constante évolution et compétitif, et de faire en sorte que les marchés très petits, et le Canada est un petit marché si on le compare aux autres pays, puissent avoir accès aux produits. Nous n'avons pas fait beaucoup de progrès. Le ministère de la Santé était contre ce projet, le ministère de l'Environnement aussi. Tous les ministères étaient contre ce projet. Or, voilà que le président de l'organisme que l'on propose de créer annonce que les effectifs vont passer de 120 à plus de 200 personnes. Alors que partout dans le monde, l'heure est à la rationalisation des effectifs, nous avons un organisme qui propose d'accroître ses effectifs de 225 p. 100, sans aucun document, tableau ou données à l'appui. Lorsqu'on propose d'harmoniser les règles, on nous donne comme réponse: «Eh bien, nous nous sommes penchés là-dessus. Cela pourrait coûter 60 millions de dollars.» Dieu sait où ils ont pris ce chiffre. On nous laisse entendre que nous avons de la chance de ne payer que 34 millions de dollars, que ce montant sera encore moins élevé une fois les négociations terminées, que ce n'est pas la façon de faire les choses, et que cela n'a rien à voir avec la question qui nous préoccupe.

Le vice-président: Vous dites que les Australiens ne paient que 9 millions pour le même système.

M. Wilkinson: Le système de recouvrement des coûts qu'on nous a proposé coûtait 60 millions de dollars. Sally peut vous donner une ventilation des chiffres.

Mme Sally Rutherford: Nous devons être prudents parce que la situation en Australie est manifestement différente. Ils sont beaucoup plus éloignés de leurs principaux concurrents que nous le sommes. Ils sont situés très loin de la Nouvelle-Zélande bien que, à cette distance-ci, l'impression soit tout autre. Leur système est différent. Ils attachent aussi beaucoup plus d'importance aux données internationales que nous. À mon avis, certains problèmes fondamentaux tiennent à la structure des systèmes.

Nous savons qu'ils ont de sérieux problèmes budgétaires, à cause surtout de la rapidité avec laquelle les changements ont été institués. Les ministères ont reçu des objectifs et des délais qu'ils devaient respecter, et il n'y a jamais eu de discussions, par exemple, au sujet de ce qu'il convenait de faire sur le plan de la production et de l'inspection des aliments. Nous savons que le classement des produits est essentiellement une question de marketing, mais l'inspection n'est pas seulement une question de marketing. Elle constitue un élément important du bien public, de la santé publique.

La question des pesticides est plus compliquée. Nous essayons de comprendre comment ils s'y sont pris pour déterminer la proportion que représente le bien public des coûts. Il n'y a eu aucune discussion à ce sujet. Les lignes directrices du Conseil du Trésor établissent clairement que le bien public est un élément important, mais que le gouvernement n'en est pas responsable. Il n'y a aucun doute là-dessus. Il aurait fallu que les gens sachent quelle était la proportion de bien public dans les services et programmes du ministère avant que les négociations ne commencent; ils auraient su à quoi s'attendre. Ça n'a pas été le cas.

M. Wilkinson: Une autre de nos préoccupations concerne les coûts assumés par chaque demandeur d'homologation. Je tiens à être clair. En théorie, il ne s'agit pas d'un coût que doivent assumer les producteurs, mais d'un coût que doivent assumer les fabricants de produits chimiques et autres entreprises qui présentent une demande d'homologation. Toutefois, étant donné que nous vivons dans un monde capitaliste, si le demandeur d'homologation doit assumer des coûts, il les inclura dans le prix du produit qui est vendu sur le marché.

Notre plus grande préoccupation, c'est de savoir si un fongicide ou un autre produit dont l'étiquette doit comprendre des renseignements détaillés pourra être utilisé sur une superficie plus petite. Il est question ici de coûts, de recouvrement des coûts. Compte tenu de la diversification du secteur agricole canadien, notre marché est plutôt restreint, que ce soit pour les nouveaux médicaments vétérinaires, le nouveau bétail ou les cultures. Nous sommes obligés, en fait, à limiter nos activités commerciales les premières années, soit jusqu'à ce que le produit ait été testé sur une superficie assez vaste. Si nous avons de la difficulté à homologuer un produit en raison des coûts prohibitifs ou des exigences en matière d'étiquetage, les producteurs ne seront pas du tout intéressés à l'utiliser et cela ne présage rien de bon pour le secteur agricole canadien à long terme, où la diversification peut jouer un rôle utile et critique. Ces questions sont très inquiétantes.

Le vice-président: Nous savons que l'énoncé des perspectives d'avenir du ministre, qui est essentiellement l'élément central de la politique, laisse entendre que nos exportations agro-alimentaires à valeur ajoutée atteindront bientôt 23 milliards de dollars. Pour y arriver, bien entendu, nous devons avoir des produits qui répondent à la demande dans d'autres pays du monde. Il y a aussi l'initiative HACCP qui, nous croyons, nous procure certains avantages.

Toutefois, nous devons répondre à toute une série de critères comme la qualité, non seulement sur le plan de l'inspection mais également sur celui de la sécurité, comme par exemple si vous utilisez ou non un certain pesticide. Divers autres facteurs entrent en ligne de compte.

S'efforce-t-on consciemment, d'après vous, de négocier les frais? Vous avez certainement décrit la nécessité de comités de travail qui ne sont pas en place. S'efforce-t-on de coordonner les divers éléments afin d'atteindre notre objectif? Cela ne se limite pas aux questions de l'agriculture, mais aussi à celles du commerce international.

Mme Rutherford: L'ARMPC en est un bon exemple.

Le vice-président: Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit?

Mme Rutherford: C'est l'abréviation de «Analyse des risques et maîtrise des points critiques». C'est un système qui a été mis au point par la société McDonald's, après les problèmes qu'elle a connus aux États-Unis il y a quelques années à propos des hamburgers. Cette analyse permet essentiellement de suivre un produit tout le long de la chaîne du traitement de la production de manière à pouvoir stipuler les normes du produit. Il ne s'agit pas simplement de normes de qualité, mais aussi de normes de sécurité.

C'est un bon exemple du mauvais fonctionnement du système, car Agriculture Canada a investi un montant d'argent non pas énorme, mais assez considérable, dans l'ARMPC pour l'industrie de transformation. En même temps, le ministère met l'accent sur le concept du «producteur au consommateur» qui permettrait de garantir le bon fonctionnement du système tout le long de la chaîne. Toutefois, on ne s'est pas efforcé de faire en sorte que le secteur primaire puisse véritablement fonctionner dans le cadre des systèmes ARMPC qui sont mis en place dans le secteur de la transformation avec l'aide du gouvernement fédéral.

Au printemps dernier, le gouvernement fédéral a parrainé une séance de travail sur l'ARMPC; la réponse à la fin de cette séance a été la suivante: «Merci d'être venus, vous pouvez repartir.» C'est l'une des questions que nous continuons d'essayer de mettre en avant.

En même temps que le gouvernement fédéral essaye d'implanter l'ARMPC dans les nouvelles usines de traitement, il parle également de recouvrement des coûts au chapitre de l'inspection et d'autres activités. Il met au point un organisme unique d'inspection des aliments. Toutefois, les trois initiatives ne cadrent pas, car le processus de l'inspection sera fort différent de ce qu'il est actuellement, si un programme ARMPC est mis en place dans une entreprise d'abattage et d'approvisionnement de la viande ou dans une autre sorte d'usine de transformation alimentaire. Les discussions qui ont porté sur le recouvrement des coûts pour les systèmes d'inspection ne vont plus être pertinentes d'ici quelques années.

Je sais que certains représentants de l'industrie du conditionnement en particulier sont très frustrés, car ils ont l'impression de consacrer tout ce temps à mettre au point un système qui ne convient tout simplement pas, compte tenu de ce qu'une autre section du ministère essaye de leur faire adopter. Ils savent également que s'ils adoptent véritablement un système ARMPC, ils n'auront pas besoin du même niveau d'inspection. Ils n'auront pas besoin d'autant de personnes, puisqu'il y aura davantage de contrôles dans le système qui, à certains égards, sera automatique. Il s'agira beaucoup plus d'un système de vérification si bien qu'ils n'auront pas besoin de toutes les personnes qu'ils ont actuellement à leur disposition. C'est une situation très frustrante. Je suppose que tout cela fonctionnera bien dans dix ans, mais en attendant, il y aura des bouleversements assez importants et des écarts entre ce qu'il est possible de faire et ce que les sociétés feront véritablement.

Les représentants de l'industrie de l'alimentation animale sont tout simplement hors d'eux. Des problèmes assez importants se posent dans certains domaines et il y en aura d'autres, surtout dans le domaine de l'industrie de l'alimentation animale, comme par exemple le problème que pose l'examen des qualités de reproducteur.

Comment est-il possible de tenir compte de tout cela, lorsque, au même moment, on demande aux agriculteurs d'être plus autonomes? J'ai passé les derniers jours à une rencontre coparrainée par notre fédération et par le gouvernement fédéral sur la loi en matière de recherche et de développement. On demande aux agriculteurs de recueillir eux-mêmes les fonds nécessaires à la recherche et au développement, étant donné la réduction des dépenses fédérales dans ce domaine. Cette loi est en vigueur depuis presque quatre ans et elle ne fonctionne tout simplement pas. Il s'agit d'assurer l'efficacité; c'est véritablement frustrant. Tout le monde a conscience des réalités. Il faudrait arriver à un système qui fonctionne de manière à ne pas constamment aller à contre-courant.

M. Wilkinson: Si le gouvernement insiste sur l'ancien modèle et transmet les coûts, cela ne fonctionnera pas. Il est inutile de chambarder chaque secteur touché par le recouvrement des coûts. Lors des négociations sur le recouvrement des coûts, la situation du secteur visé devient infernale, qu'il s'agisse de l'industrie de semences ou d'un autre secteur. Nous savons quels secteurs font actuellement l'objet de discussions sur le recouvrement des coûts. Peu importe à qui nous parlons, nous pensons que ce problème ne peut être réglé de manière positive et efficace. Il apparaît clairement que les secteurs qui font l'objet de telles discussions sont chambardés. On arrive éventuellement à une conclusion raisonnable, mais pas avant d'avoir connu de nombreux problèmes et supporté des coûts inutiles.

L'ancien modèle ne peut pas fonctionner en raison de l'attitude classique des bureaucrates qui peuvent dire: «C'est nous qui prenons les décisions et nous n'absorberons pas les coûts de transport.» Il s'agit de savoir s'il y a partenariat. On ne peut pas choisir le moment d'un éventuel partenariat. L'approche est inadéquate et ne sert à rien.

Le sénateur Anderson: Pourriez-vous parler un peu plus du programme de réassurance-récolte? Nous avons tous conscience de l'importance de l'assurance-récolte. Vous nous avez dit que l'assurance-récolte est partagée entre les gouvernements provinciaux et fédéral. Pouvez-vous nous donner plus de détails?

M. Wilkinson: Chaque province a effectivement un contrat d'assurance-récolte ou un protocole d'entente avec le gouvernement fédéral. L'administration de ce contrat relève de la compétence provinciale. Chaque récolte fait l'objet d'un contrat particulier. Dans certains secteurs, en particulier dans les Prairies où les conditions météorologiques peuvent endommager de vastes étendues, les provinces qui veulent être en mesure de supporter des catastrophes consécutives s'adressent à un réassureur qui, de tout temps, a été le gouvernement fédéral. Le coût de la première catastrophe est épongé gråce aux primes versées par les trois partenaires, soit les agriculteurs, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Pour essayer de soutenir le programme à l'interne, c'est la province qui absorbe les coûts occasionnés par la catastrophe suivante. En cas de sinistre important, le gouvernement fédéral dispose d'un programme de réassurance qui lui permet d'absorber le coût de la catastrophe suivante et qui est remboursé au bout d'un certain temps. S'il n'y avait pas de programme de réassurance, bien des programmes provinciaux seraient anéantis en cas de catastrophes consécutives.

D'après ce que je comprends, en raison de problèmes connus dans le passé, cinq provinces seulement participent au programme actuel; il s'agit du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de l'Île-du-Prince-Édouard, je crois, et du Nouveau-Brunswick. La Colombie-Britannique a fait appel à un réassureur privé pour sa couverture et se sert de toute évidence du programme pour le versement de ses primes. Je crois que les autres provinces ont leur propre programme.

La province de l'Ontario a indiqué que si le gouvernement fédéral se chargeait de l'assurance-récolte, elle aimerait s'adresser à lui, car elle craint un sinistre important. L'Ontario dirait au Conseil du Trésor: «Nous avons besoin de 200 millions de dollars à cause d'un sinistre d'envergure» -- de façon ad hoc. Cette province aimerait pouvoir fixer le montant des primes.

Les remboursements que doit effectuer la Saskatchewan, qui a subi deux gels importants fort rapprochés, ne sont pas très élevés par rapport aux catastrophes en question. Le Trésor a indiqué que le remboursement pourrait prendre 35 ans, dans la mesure où aucun autre sinistre important nécessitant une autre réassurance ne survenait. Puisque le recouvrement des coûts est maintenant l'objectif visé, je suis sûr que vous pouvez imaginer l'affolement de tout bureaucrate du ministère des Finances s'apercevant que ce prêt sans intérêt ne sera pas remboursé avant 35 ans. On a menacé d'imposer des frais ou sinon, de s'adresser à des assureurs privés.

Il s'agit donc d'arranger le système, car nous ne sommes pas prêts à y rester. Nous acceptons qu'il soit réorganisé. J'aimerais souligner que si le compte, partagé par les provinces et le fédéral, affiche des excédents, aucun intérêt n'est versé. On peut soit faire payer de l'intérêt en cas d'excédent ou de déficit, soit ne pas en faire payer. La proposition relative à un réassureur privé ne nous intéresse pas. Une telle option serait, à notre avis, vouée à l'échec et ne faciliterait nullement la conception du programme.

Le sénateur Anderson: Dans votre exposé, vous avez parlé du farm bill américain. Quel en est l'effet, d'après vous, sur les producteurs canadiens?

M. Wilkinson: Nous rentrons tout juste du Congrès de la Fédération internationale qui représente, en quelque sorte, les Nations Unies des agriculteurs. La fédération regroupe près de 55 pays membres et quelques 80 organisations. Permettez-moi de vous dire qu'il y a eu, à ce congrès, des discussions sur les répercussions de ce farm bill et sur la manière dont les États-Unis ont profité des négociations du GATT pour, essentiellement, blåmer chaque pays qui apporte un soutien à ses producteurs, exigeant du même coup l'accès au marché et la réduction des dépenses de programmes. Le farm bill américain pourrait, théoriquement, coûter plus cher que le bill précédent. Bien sûr, ils respectent le cadre juridique du GATT, mais ils prévoient le soutien découplé des prix, si bien que peu importe que l'agriculteur plante ou ne plante pas ce printemps, il sera toujours payé pour ses récoltes car, historiquement, s'il cultivait du blé, par exemple, il recevait, je crois, 92 cents le boisseau. Si le blé atteint son prix le plus élevé en l'espace de 30 ans, les producteurs américains recevront un soutien important, dans les limites de la légalité, puisqu'il y a eu découplage des prix du marché, ce qui faisait partie des objectifs visés dans le cadre du GATT. Les producteurs recevront des chèques importants. Le montant versé aux producteurs a en fait augmenté. Le programme américain de subventions aux exportations reste en place et a été élargi. Il se pourrait fort bien que le farm bill revienne plus cher au contribuable américain cette année que les années précédentes et cela, au moment même où les dépenses prévues pour les producteurs canadiens sont passées de 2 milliards de dollars il y a trois ou quatre ans à moins de 600 millions de dollars, cela visant toutes les dépenses de programmes, y compris l'assurance-récolte, et cetera. En théorie, nous pourrions toujours rester compétitifs sur le marché des céréales et des oléagineux à cause des cours, mais cette politique est vraiment frustrante.

En cette période de changements technologiques, les États-Unis auront de toute évidence l'avantage, car les producteurs disposent d'équipements, de moissonneuses-batteuses, et cetera, modernes, et sont en mesure de déterminer la fertilité et le rendement de chaque acre, voire même, de chaque verge de terrain. Cet équipement est extrêmement coûteux. D'énormes montants d'argent seront affectés aux producteurs, sous forme de soutien des prix et de soutien agricole, ce qui leur permettra de faire un bond en avant. Nos producteurs seront toujours incapables de tirer avantage de cette nouvelle technologie et c'est ce qui nous inquiète pour l'avenir, surtout maintenant que nous sommes censés jouer selon les mêmes règles du jeu en diminuant les programmes verts et autres programmes. Les États-Unis affectent encore beaucoup d'argent tandis que nous réduisons nos dépenses de façon draconienne.

Le sénateur Taylor: Vous avez fait remarquer, à juste titre, que le barème des frais ne comporte aucun contrôle. Rien ne permet de savoir si les frais sont justes ou non. À votre avis, les barèmes de frais existent-ils pour permettre au gouvernement de réaliser des recettes afin de subventionner d'autres ministères? Sinon, diriez-vous qu'ils sont élevés, car il n'y a pas de concurrence et que trop de bureaucrates s'occupent de la question?

M. Wilkinson: D'après nous, il ne s'agit pas de réaliser des recettes. Ce qui nous inquiète, c'est qu'il y a eu très peu de discussions, voire même aucune, à propos du recouvrement des coûts. Je crois que la question à poser devrait être la suivante: devrions-nous maintenir le modèle actuel? Par exemple, au sujet des pesticides, nous préconisions, avec l'industrie de l'horticulture, un système tout à fait différent qui aurait été doté d'un mécanisme d'équilibre et qui aurait davantage harmonisé les données techniques des États-Unis et de l'Europe pour toute une gamme de tels produits. Il aurait alors suffi d'envisager les variations climatiques et environnementales propres au Canada, par exemple. Ce serait une façon différente d'envisager l'homologation d'un produit.

Il faut se rappeler que nous importons beaucoup de produits horticoles, notamment des États-Unis. Les variations météorologiques sont importantes, mais si le produit importé est homologué aux États-Unis, on pourrait penser, en tant que profane, qu'il restera peu de choses à faire. Lorsque nous importons ce produit, nous reconnaissons que les normes sanitaires sont acceptables dans le pays d'où il provient. Toutefois, cette constatation ne nous a jamais vraiment aidés. Si une entreprise procède à une ARMPC, devrions-nous accélérer le processus et, qui sait, réduire les coûts du service, ou devrions-nous principalement nous préoccuper de la santé publique par rapport aux intérêts du producteur? Quelle partie de la facture le producteur et consommateur devraient-ils assumer respectivement?

Nous devrions peut-être recommencer à zéro, reconnaître que nous sommes en 1996 et concevoir des systèmes adaptés à notre époque. Toutefois, on rencontre toujours une certaine résistance au changement. Dans bien des cas, cette solution ne semble pas être envisagée et nous croyons qu'elle devrait l'être.

Si nous recommencions à neuf aujourd'hui, quel mécanisme mettrions-nous en place pour garantir à nos consommateurs des produits sécuritaires? Procéderions-nous de la même façon qu'actuellement? Comment répartir équitablement la facture entre un producteur et un consommateur, comment tenir compte des facteurs de santé et de sécurité et comment satisfaire à nos exigences en matière d'importation pour conserver des normes de qualité élevées? Si on constate que les mécanismes en place sont appropriés, très bien, mais si tel n'est pas le cas, acceptons de modifier radicalement le système. Nous n'avons pas l'impression que cette option a été privilégiée.

Le sénateur Taylor: D'après vous, serait-il utile d'effectuer -- cela a d'ailleurs peut-être déjà été fait dans le secteur privé ou par le gouvernement -- une étude comparative des frais assumés par les pays étrangers pour les aliments que nous importons? Autrement dit, si nous comparions les frais s'appliquant à un aliment importé, comme des fruits ou des légumes, aux frais que notre propre industrie doit assumer, constaterions-nous que la concurrence est injuste?

Mme Rutherford: Il est difficile de répondre à cette question en termes exacts. Ainsi, Jack a fait référence à la rencontre internationale à laquelle nous venons tout juste de participer en France. Les intervenants du secteur agricole ont tendance à passer beaucoup de temps dans les épiceries des pays étrangers pour comparer les prix. Nous avons pu constater que le lait et les oeufs sont incroyablement chers. À Paris, une demi-douzaine d'oeufs coûte environ 3 $. Le coût des aliments est sensiblement le même dans tout le pays en raison du système en place. En conséquence, il est difficile de déterminer qui assume quels frais.

Toutefois, compte tenu de l'importance de la réglementation qu'il faut respecter pour homologuer des produits dans chaque pays, il est probablement plus facile de déceler la présence de pesticides au début du processus. Dans bon nombre de pays, des produits sont utilisés à des fins qui ne sont pas permises ici. C'est là que le problème de la compétitivité surgit. Il s'agit surtout de pays moins développés qui n'appliquent pas des règles aussi rigoureuses que le Canada.

Ce problème ne se pose pas vraiment dans le cas de l'Europe et des États-Unis, à l'exception du fait que certains produits disponibles aux États-Unis ne le sont pas ici. Il s'agit presque uniquement d'une question de compétitivité. Les facteurs de santé et de sécurité n'entrent pas en jeu. Comme les superficies cultivées au Canada sont beaucoup plus petites, et compte tenu des coûts de notre système, il ne vaut pas la peine pour une entreprise de dépenser de l'argent afin d'homologuer un produit ici. Ce problème ira en s'accroissant, et la taille des superficies en cause augmentera. Les entreprises pensent tout simplement qu'elles ne feront pas d'argent de cette façon et qu'il ne vaut pas la peine de passer par le système. Cette situation sera donc néfaste pour nous tous.

Comme Jack l'a dit, nous cherchons à diversifier l'industrie. Quel que soit le produit transformé, il commence toujours par une matière première. Nous tentons de produire des cultures différentes qui nécessitent des éléments de production différents. Toutefois, au début, la production sera minime et elle ne sera probablement jamais énorme. Lorsqu'il ne s'agit pas de blé, de maïs, d'orge ou, peut-être, de soja, il est difficile de convaincre quelqu'un d'homologuer un nouveau produit ou même de demander une extension du profil d'emploi. Ce mécanisme nécessite du temps et de l'argent, et les entreprises constatent qu'elles peuvent faire plus d'argent en allant ailleurs. Elles n'ont pas été crées à des fins philanthropiques, mais bien pour faire de l'argent. Elles sont toutes des multinationales. Elles ont procédé à une autre fusion au cours des derniers six mois pour tenter d'intégrer leurs gammes de produits, et ce, dans le but de mieux protéger leurs arrières; ainsi, si elles n'arrivent pas à faire de l'argent d'un côté, elles en feront de l'autre. L'essentiel, c'est de répartir les risques. On ne parle que d'environ six grosses entreprises, et elles sont là pour faire de l'argent. Nous oeuvrons au coeur d'un système dont les règles sont de plus en plus dures et les coûts, de plus en plus élevés.

Tout le monde veut que la sécurité soit un facteur prioritaire, mais nous devons trouver une façon de garantir celle-ci tout en maintenant une production appropriée. C'est un problème qui commence à prendre de plus en plus d'ampleur. Les États-Unis en ont d'autres, car ils doivent notamment tenir compte de la clause Delaney. Ainsi, il y a quelques mois, une décision rendue par un tribunal de Californie entérinait encore une fois la clause Delaney. Celle-ci stipule que le risque de cancer doit être nul. Lorsque cette clause a été adoptée, les mécanismes de vérification n'étaient pas les mêmes que maintenant. Cela ne veut pas dire qu'il ne doit y avoir aucun agent cancérigène dans les aliments que nous mangeons, mais les mécanismes en place ne sont pas adaptés à la réalité. La vérité, c'est que beaucoup plus de personnes meurent chaque année de salmonellose, contractée dans leur propre cuisine, que de toute autre maladie attribuable à un aliment provenant de l'étranger. Ce qui est difficile, c'est de trouver une façon de produire des aliments sains pour une population mondiale qui croît rapidement.

Nous parrainons actuellement une consultation sur la sécurité alimentaire en vue du Sommet sur l'alimentation de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture qui aura lieu à Rome, en novembre. Nous parlons à des gens d'autres pays, y compris de pays en développement. C'est l'espoir de faire de l'argent qui incite ces gens à produire des aliments. Ils ne veulent pas faire fortune, mais s'ils n'arrivent pas à nourrir leur famille et à envoyer leurs enfants à l'école, ils trouveront autre chose à faire et personne ne les remplacera. La situation ne fera qu'empirer.

J'ai tenté d'expliquer aux gens que tout était relié. C'est un cercle vicieux qui ne cessera de se répéter. Tout est relié. Nous oeuvrons au sein d'un marché mondial, et nous devons aborder la production d'une manière qui nous est propre et qui est rentable de façon à ce que les intervenants demeurent dans l'industrie. Nous devons également réfléchir sérieusement au type d'industrie que nous désirons.

M. Wilkinson: Je veux qu'il soit clair, lorsque nous parlons de pesticides et de déshomologation, que nous ne sommes pas ici pour représenter les sociétés de produits chimiques ni pour défendre l'adoption de normes moins rigoureuses en matière de contrôle de qualité et de sécurité. Nous ne pouvons pas accepter l'idée d'éliminer les frontières et d'agir comme si le monde entier était à notre portée. Nous sommes prêts à accepter ces concepts du point de vue concurrentiel, mais le monde entier n'est pas vraiment à la portée du simple producteur primaire. Les agriculteurs ont beaucoup de difficultés à comprendre comment un produit peut être importé d'un pays dont le système d'homologation fonctionne à partir d'un prix unitaire tout à fait différent alors que, quand il arrive au Canada, ce même produit est assujetti à une foule de tracasseries administratives qui engendrent toutes sortes de coûts. Et pourtant, ce produit continue d'entrer au Canada et d'être offert aux consommateurs. En tant que producteurs, nous voulons avoir accès au même marché. Les frais imposés par l'État et la rareté des programmes de soutien ne devraient pas nous empêcher d'être concurrentiels. La situation dans laquelle se trouvent bon nombre de ces secteurs est inacceptable. Le système doit être plus souple afin que la sécurité des consommateurs demeure primordiale, et les préoccupations des producteurs devraient être réglées de façon opportune.

Le sénateur Taylor: Vous avez parlé de six multinationales. Savez-vous si l'une d'entre elles, qui se satisfait du système d'homologation actuel, fait du lobbying contre une autre société qui envisage de produire un meilleur produit?

M. Wilkinson: Je ne le crois pas. Si c'est le cas, je ne suis pas du tout au courant. Ce qui nous inquiète, c'est que les entreprises croient que le rendement de leur investissement ne serait pas assez intéressant pour homologuer leurs produits au Canada. Cela devient une préoccupation de taille lorsqu'il est question de marchés importants ou de systèmes différents. Par «différents», je ne veux pas dire que les normes en matière de sécurité sont nécessairement moins rigoureuses. Cette question est sujette à discussion. De nombreux pays acceptent les données présentées à des fins d'homologation en Europe ou aux États-Unis. Toutefois, le Canada -- et notre pays n'occupe pas une place prépondérante à l'échelle internationale pour les ventes de produits, tout particulièrement pour les fruits fragiles, les produits horticoles et certains autres produits -- doit assumer des coûts plus élevés en raison du système en place. Pourquoi les multinationales se donneraient-elles ce mal? Elles sont très franches et admettent qu'elles n'y trouveraient aucun avantage. Elles évaluent les coûts, le temps et les ressources humaines nécessaires; elles établissent la superficie et les ventes anticipées; puis elles déterminent si le rendement de leur investissement atteindra 20 p. 100. Dans l'affirmative, elles vont de l'avant. Sinon, elles s'abstiennent. Elles ne se soucient pas de nous en tant que producteurs. Nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons tenir compte de tous ces facteurs. Comment maintenir un système prévoyant un mécanisme de contrôle de qualité qui ne serait pas plus onéreux que cela ne s'avère nécessaire?

Ce sont des questions fondamentales que de nombreux bureaucrates de l'agence ne se posent pas. Ils prétendent qu'ils doivent conserver le système actuel sans fournir de justification à l'appui, selon nous. Des bureaucrates m'ont dit: «Quel est le ministre de la Santé qui oserait déclarer en Chambre en réponse à une question à propos d'une psychose alimentaire que l'on a renoncé à la souveraineté du Canada en acceptant des données internationales? Il faut faire avec. C'est une réalité politique, mon vieux.» Ils ne tiennent pas compte de nos préoccupations.

Le sénateur Taylor: Êtes-vous en train de préconiser, en plus du barème des frais, un investissement de la part du Conseil du Trésor ou de la population du Canada afin qu'ils assument une partie des frais d'homologation qui ne peuvent être ajoutés au prix du produit en raison de la petite taille de notre marché, en partant du principe qu'il s'agit d'un investissement qui produira des dividendes au cours des 15 ou 20 prochaines années gråce au développement d'une nouvelle industrie, au remplacement des importations par des exportations? Selon vous, le gouvernement devrait-il en assumer une partie à titre d'investissement plutôt qu'à titre de subvention à la production alimentaire?

M. Wilkinson: Nous estimons que l'avantage pour le contribuable ou l'intérêt commun n'ont pas été évalués équitablement. Dans le cas de l'homologation d'un produit chimique pour piscine, les frais d'usager peuvent atteindre 20 p. 100. Nous n'avons pas tous les détails mais nous savons effectivement que dans certains secteurs, le recouvrement des coûts atteindra près de 20 p. 100. Il avait été préconisé au départ qu'il soit de 60 p. 100, même s'il est plus bas que cela. Nous n'en comprenons pas la raison. Comment cela peut-il être si avantageux pour l'ensemble de la population canadienne lorsque 80 p. 100 ou 75 p. 100 de ce coût est assumé par le système fiscal tandis que, dans notre situation, une proportion aussi élevée est transmise du détenteur d'homologation à l'ensemble du système jusqu'au producteur? Aucune justification n'a été donnée à cet égard. Le système général devrait prendre en considération l'intérêt commun.

Nous estimons que l'harmonisation des systèmes contribuerait beaucoup à réduire les coûts. C'est une mesure qui a été préconisée depuis longtemps par de nombreux paliers de gouvernement. Il a été proposé d'harmoniser l'ensemble du système d'homologation dans le cadre des questions commerciales dont s'occupent le GATT et l'OMC. Comment pouvons-nous harmoniser notre traitement du produit fini à la frontière et l'aspect production pour faciliter l'accès et maintenir le contrôle de la qualité pour des raisons de santé et de sécurité?

Le vice-président: Pourriez-vous nous donner certaines indications quant aux circonstances dans lesquelles le coût de l'inspection, du classement, de l'homologation d'un produit chimique utilisé dans la production d'un produit sert l'intérêt commun? Le gouvernement veut maintenant récupérer ce coût en procédant à une évaluation à un certain niveau. Vous représentez principalement, sinon exclusivement, les producteurs et vous indiquez que c'est là où la responsabilité semble commencer.

Dans le secteur de la gestion de l'offre, cela peut fonctionner raisonnablement bien puisqu'il suffit de tenir compte des coûts supplémentaires au niveau du producteur, qui pourront être transmis d'une certaine façon au consommateur. Cependant, si l'acquéreur du produit n'est pas obligé de tenir compte du coût supplémentaire pour le producteur, ce coût n'est pas recouvrable. Je ne fais pas allusion à la question dont vous discutiez avec le sénateur Taylor, à savoir la compétitivité et comment être compétitif dans d'autres pays. Je parle de notre propre pays. En ce qui concerne les aspects d'intérêt commun, pour reprendre votre expression, quelle est, selon vous, la proportion qui pourrait être assumée de façon satisfaisante par tous à même les recettes générales? En ce qui concerne les aspects qui ne sont pas catégorisés comme tels, existe-t-il un moyen quelconque qui permettrait au producteur d'en transmettre le coût? Nous pourrions peut-être avoir une autre taxe semblable à la TPS.

Le sénateur Taylor: La TVP.

M. Wilkinson: Le classement est avantageux pour le producteur et dans pratiquement tous les cas, ce sont les producteurs qui en assument le coût. Le classement du boeuf, des céréales ou de quoique ce soit d'autre est déjà prévu dans le cadre du système.

La question se pose lorsqu'on passe à une foule d'autres domaines comme entre autres les inspections qui sont en majeure partie avantageuses pour le consommateur puisqu'elles lui garantissent un produit dont la qualité est contrôlée. Malheureusement, à l'heure actuelle le système ne prévoit aucun modèle permettant de faire la comparaison, ce qui a été notre problème dès le départ.

Les ministères ont pour mandat de s'assurer que ces coûts font partie du système de recouvrement des coûts et nous disent de les transmettre. Le responsable de ce secteur dans ce ministère ne dispose d'aucune marge de manoeuvre. Son mandat lui est dicté. Il n'est pas question d'envisager le meilleur des modèles. L'objectif est de percevoir des revenus. Nous considérons que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Il devrait exister un modèle quelconque qui s'appliquerait équitablement à de nombreux secteurs et non uniquement à celui de l'agriculture et de l'alimentation. J'inclurais dans ce modèle les médicaments enregistrés et une foule d'autres articles enregistrés comme produit de consommation, depuis les insecticides jusqu'aux désinfectants utilisés dans les hôpitaux. Tous ces articles doivent être enregistrés au pays même et nous pensons qu'il serait possible d'établir un modèle permettant d'évaluer chaque produit en fonction de l'intérêt public qu'il représente, après quoi nous pourrions décider la part que le producteur, le détenteur d'homologation ou le fabricant devrait assumer.

Cela à notre avis n'a pas été fait mais aurait dû l'être car cela aurait été une façon équitable de procéder. Nous considérons qu'il n'est pas trop tard pour commencer. De nombreux bureaucrates et d'autres personnes trouvent probablement qu'étant donné que le processus est bien avancé, il est inutile de prolonger les souffrances mais selon nous, ce problème ne disparaîtra pas car c'est uniquement la première série des initiatives de recouvrement des coûts. Il y en aura d'autres et ces questions deviendront de plus en plus pénibles au fur et à mesure que leurs incidences se répercuteront sur les producteurs. Il est possible que nous devions par la suite recommencer à zéro. Le gouvernement devrait reconnaître qu'il n'a pas pris les mesures qui conviennent ou qu'il a fait fausse route. Nous nous ferons un plaisir de collaborer avec lui pour tåcher de remédier à la situation dès maintenant car à notre avis, elle risque d'empirer.

En ce qui concerne la gestion de l'offre, il est très difficile d'incorporer l'ensemble des coûts au prix du produit. Ils doivent souvent absorber des pourcentages de plus en plus importants des coûts majorés en raison des pressions exercées au sein de l'industrie pour ne pas augmenter les prix. Comme ils n'ont plus la même souplesse qu'avant, ils ne peuvent plus partir du principe qu'ils recouvreront ces coûts sur le marché.

Le vice-président: Avez-vous des chiffres ou avez-vous une idée des répercussions que ces changements dans le domaine de l'assurance-récolte sont en train d'avoir sur le recours à l'assurance-récolte?

M. Wilkinson: Jusqu'à présent, un groupe de travail a été constitué et un rapport a été préparé. Les changements administratifs proposés en matière de recouvrement des coûts ne se sont pas encore concrétisés. La somme de 7,5 millions de dollars a été retirée du budget global du filet de sécurité. Si vous demandez à un agriculteur s'il assume 20 p. 100 des coûts du gouvernement fédéral, il vous répondra «Non». Cette somme est retirée du budget global et ne peut être utilisée à d'autres fins. La réassurance et le recouvrement des coûts sont en train d'être étudiés par un groupe de travail qui veut trouver des solutions de rechange à ce que propose le gouvernement fédéral. Nous avons insisté pour que ces propositions ne soient pas mises en application. Il nous est impossible d'en évaluer les incidences en fin de compte car nous n'avons aucune indication ferme de l'orientation adoptée par le gouvernement fédéral et les provinces dans ce domaine. Seule la province du Manitoba a instauré des frais administratifs lorsqu'elle a modifié son assurance-récolte ce printemps. Elle demande 20 cents l'acre. Par conséquent, d'importants contrats rapporteront plus, proportionnellement. À l'heure actuelle, il n'existe aucune donnée nous indiquant quelles en seront les incidences puisqu'ils ont complètement modifié leur système d'assurance-récolte au même moment.

Nous craignons que si les changements vont dans le mauvais sens, il y aura nettement plus de fluctuation après une perte importante et les énormes fluctuations de primes après une perte importante causent toujours des problèmes. Si les primes augmentent de 100 p. 100 l'année qui suit la perte, nous nous posons la question suivante: «Pouvons-nous nous permettre ce coût ou préférons-nous prendre un risque?».

Le vice-président: Dans votre fiche de rendement, vous avez donné au gouvernement fédéral une note de C- pour l'expansion des marchés et l'information sur les marchés. Que doit faire le gouvernement fédéral pour mériter une meilleure note, c'est-à-dire pour fournir aux agriculteurs canadiens des renseignements plus opportuns, plus exacts et plus pertinents sur lesquels ils pourront baser leurs décisions?

Mme Rutherford: Une partie du problème à l'heure actuelle, c'est que le ministère est en pleine réorganisation et que cela provoque certaines perturbations. Agriculture Canada ne produit simplement plus le même type de données qu'il produisait il y a trois ans. C'est un problème. Pour préparer des analyses de marché, il faut bien comprendre ce que l'on produit et tenir compte de tous les facteurs.

Un autre problème important, à mon avis, c'est la guerre de territoire avec les Affaires étrangères pour savoir quel ministère est responsable de quoi. En ce qui concerne certains produits, dans certains secteurs, le ministère se débrouille très bien. Cependant, c'est surtout la responsabilité de l'industrie, ce qui est très bien, à condition que le gouvernement consulte davantage l'industrie pour déterminer l'information dont elle a besoin au lieu de se contenter de lui fournir l'information dont il croit qu'elle a besoin. Il devient de plus en plus clair qu'un énorme fossé est en train de se creuser entre les bureaucrates de longue date et les membres de l'industrie. De plus, il existe une nette différence entre l'information dont ont réellement besoin les membres de l'industrie et celle dont un fonctionnaire croit qu'ils ont besoin.

Il faut améliorer la collaboration au niveau de l'information fournie. Si l'industrie veut établir des missions dans différents pays, il faut fournir à ses membres l'information voulue avant qu'ils s'y rendent.

C'est une question qui concerne aussi le recouvrement des coûts. Si le gouvernement commence à imposer des frais pour fournir de l'information, il faut alors qu'il détermine le genre d'information dont a besoin l'industrie. L'industrie ne paiera pas pour obtenir des données simplement parce qu'elles sont disponibles. L'industrie est prête à payer pour recevoir de l'information solide; elle n'est tout simplement pas prête à payer pour le genre d'information qu'elle reçoit à l'heure actuelle.

Le vice-président: Existe-t-il des provinces qui fournissent d'autres types d'information sur le marché?

Mme Rutherford: Certains travaux sont en cours dans ce domaine mais ils sont de plus en plus rares depuis que les gouvernements provinciaux ont réduit leur budget ces dernières années. Ils comptent davantage sur le gouvernement fédéral à cet égard. Cela dépend beaucoup du produit. L'Alberta consacre toujours beaucoup d'efforts à fournir de l'information sur certaines récoltes, tout comme la Saskatchewan. Mais les provinces laissent de plus en plus cette responsabilité au gouvernement fédéral et à l'industrie.

Un autre facteur important dont il faut tenir compte, c'est que le monde évolue et que les gens doivent apprendre à faire des affaires différemment. C'est le message fondamental derrière tout ce dont nous avons parlé aujourd'hui. Des partenariats sont nécessaires. Dans l'ensemble, le gouvernement a de la difficulté à assumer un rôle de partenaire et à comprendre le rôle exact d'un partenaire. Un partenaire ne dicte pas aux autres ce qu'ils doivent faire.

Le vice-président: Il faudra un changement culturel pour régler ces types de problèmes. Il est peut-être temps de revoir notre culture.

M. Wilkinson: Dans le secteur agricole, ce changement culturel nous a été imposé. Nous avons dû nous y plier. Ceux qui nous l'ont imposé devraient peut-être accepter le fait qu'un changement culturel s'impose.

Le vice-président: Par définition, la culture devrait découler d'une série donnée de circonstances et de la manière dont elles modifient notre façon d'aborder les situations avec le temps.

Je sais que vous devez comparaître devant la Chambre des communes aujourd'hui et, par conséquent je ne vous retarderai pas davantage. Nous tenons à vous remercier d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Je tiens à répéter que nous avons été très heureux d'entendre les témoignages de notre ancienne attachée de recherche, rédactrice de rapports et personne de soutien, Sally Rutherford. Nous vous remercions de l'aide que vous nous avez apportée aujourd'hui. Je tiens à vous assurer que nous en tiendrons compte dans le cadre de nos délibérations et de toutes les décisions que nous prendrons quant à nos travaux.

Le sénateur Taylor: Avant d'ajourner, j'aurais une dernière question.

Vous avez parlé du coût de l'assurance-récolte. Pourquoi ne pas prendre l'initiative maintenant alors que de plus en plus de citadins veulent aller à la campagne pour chasser ou prendre des photos de la faune? Cela doit sûrement endommager certaines récoltes. Pourquoi ne pas prendre l'initiative? En France et en Allemagne, on paie les agriculteurs pour assainir l'environnement. Nous semblons adopter une attitude très dix-neuvième siècle où on considère que la faune est nuisible et qu'il faut nous indemniser pour les dommages qu'elle cause. Avez-vous envisagé cette question dans cette autre perspective?

M. Wilkinson: Nous avons encouragé d'autres personnes à l'envisager dans une autre perspective. Les gens font souvent valoir les avantages d'accroître la faune et ses habitats, mais lorsque des dommages sont causés à la propriété, aucune indemnisation n'est prévue. C'est ce qui différencie les États-Unis et l'Europe, où les gens qui ouvrent la bouche pour préconiser certaines politiques ouvrent aussi en même temps leur porte-monnaie et en assument financièrement certaines conséquences.

Le sénateur Taylor: Ne soyez pas sur la défensive et mettez tout en oeuvre pour y arriver l'année prochaine.

M. Wilkinson: C'est ce que nous avons fait pour finir par constater que même si le ministère de l'Environnement reconnaît que la faune présente un intérêt public, il n'est pas prêt à en assumer financièrement les conséquences. Les ministères provinciaux adoptent la même position.

À l'heure actuelle, toute indemnisation pour des dommages causés par des ornithologues amateurs qui observent les oiseaux migrateurs, par exemple, provient du budget de l'agriculture. Comme je l'ai indiqué, le budget prévu pour ce type d'indemnisation a été réduit. À une époque où les agriculteurs sont tout à fait heureux que l'on développe les habitats, on réduit l'indemnisation en cas de dommages.

Les agriculteurs tåchent de vendre des droits de chasse sur leur exploitation agricole pour récupérer une partie des coûts résultant des dommages causés par une importante augmentation de la faune. Le nombre de canards et de certains autres oiseaux migrateurs n'a jamais été aussi important en Amérique du Nord. On a constaté une reprise incroyable au cours des quatre ou cinq dernières années, mais cela comporte des coûts.

Le vice-président: Je vous remercie de votre présentation. Votre aide nous a été très utile et nous nous faisons un plaisir de continuer à travailler avec vous dans l'intérêt de l'agriculture canadienne.

La séance est levée.


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