Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 13 février 1997
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 h 20, pour poursuivre l'étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada, conformément à son ordre de renvoi.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je déclare ouverte la séance du Comité permanent de l'agriculture et des forêts.
Nous avons à l'ordre du jour un plan de travail pour l'étude sur la forêt boréale ainsi qu'un plan de travail pour une mission d'information à Washington. Sous «Autres points», j'ai inscrit deux points. La situation du transport des céréales dans l'Ouest du Canada est préoccupante. Beaucoup de groupes d'agriculteurs ont soulevé le problème des prix prohibitifs en ce qui concerne les pulvérisateurs d'engrais et les coûts des intrants.
J'ai appris que les profits nets des céréaliers ont chuté de 11 à 7 p. 100, alors même que le prix des céréales a monté. Il y a beaucoup d'inquiétude à ce sujet. Le prix des engrais a en fait doublé au cours des 18 derniers mois. Le même genre d'augmentation de prix se produit dans le cas des pulvérisateurs, et cetera. Je ne suis pas sûr que tous les agriculteurs ont encore compris que la vente de leurs céréales ne leur rapportera pas beaucoup de profits. Sept pour cent est un pourcentage assez bas. Bien sûr, il faut compter également le coût des machines. J'ai inscrit ce point sous la rubrique «Autres points».
Y a-t-il d'autres points à ajouter?
Le sénateur St. Germain: J'aimerais parler des quotas de bois d'oeuvre et des mesures prises par des sociétés américaines, mais cette question est liée à l'étude de la forêt boréale. Je ne sais pas s'il est opportun de la soulever. Le comité va-t-il permettre une discussion à ce sujet?
Le sénateur Spivak: Je suis pour, monsieur le président. C'est un point très pertinent.
Le président: Nous allons inscrire ce point à l'ordre du jour.
Le plan de travail pour l'étude sur la forêt boréale est le premier point à l'ordre du jour. Il semble que notre charge de travail devienne très lourde et certains se demandent si nous ne devrions pas constituer un sous-comité pour cette étude.
Le sénateur Rossiter: Comme nous devons nous pencher sur deux mesures législatives, ce serait une bonne idée.
Le président: Par ailleurs, des élections peuvent être déclenchées sous peu et nous risquons alors d'avoir un surplus de travail que nous ne pourrons pas effectuer correctement si nous ne constituons pas un sous-comité qui serait au moins chargé d'entendre des témoins. On m'a proposé que le sous-comité présente au comité principal un rapport général avant de prendre des décisions. Il entendrait les témoins et ferait un rapport de ces témoignages.
Le sénateur Spivak: Je propose la création d'un sous-comité qui serait chargé de l'étude sur la forêt.
Le sénateur Taylor: J'appuie cette motion. Nous avons fait notre étude dans l'Ouest du Canada et, bien que la forêt boréale soit très semblable des deux côtés, il est important d'entendre de nombreux témoins, essentiellement à Ottawa, et aussi dans l'Est du Canada. Il est plus pratique d'avoir un petit comité. Le rapport du sous-comité sera alors présenté au comité entier.
Le sénateur Rossiter: La motion devrait-elle prévoir une date pour le rapport?
Le président: C'est probablement prématuré.
Sommes-nous tous en faveur de la motion de la sénateur Spivak?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté.
Le sénateur Spivak: Pourrais-je proposer de confier la discussion du plan de travail de cette étude au sous-comité et de passer à la question du sénateur St. Germain?
Le président: Nous devons avant cela régler deux points en ce qui concerne le sous-comité. Nous devons décider qui va siéger au sein de ce sous-comité et donner à ce dernier l'autorisation de dépenser. Passons au premier point.
Il a été proposé que les sénateurs Spivak, Taylor et Anderson siègent au sein de ce comité. Y a-t-il d'autres sénateurs qui souhaitent être membres de ce sous-comité, sans oublier que le comité de l'agriculture doit rester suffisamment nombreux pour entendre tous les témoins qu'il convoque?
Le sénateur Taylor: Je recommande les sénateurs Anderson, Spivak et moi-même, le sénateur Anderson comme présidente. Si je choisis ces trois personnes, ce n'est pas parce que nous aimons les arbres plus que les autres, mais parce que nous semblons participer à toutes les séances qui traitent des arbres et des forêts. Nous aurions ainsi deux forestiers de l'ouest sous la présidence d'une productrice de pommes de terre de l'est.
Le sénateur Anderson: Monsieur le président, n'allez-vous pas siéger au sein de ce comité?
Le président: Non. Je pense qu'il vaudrait mieux que je ne siège pas au sein du sous-comité, car vous allez présenter un rapport au comité.
Le sénateur Spivak: Le président est toujours membre d'office.
Le président: N'importe quel sénateur est le bienvenu. Si vous décidez d'aller dans les Maritimes, un sénateur des Maritimes serait le bienvenu. Si cela convenait au Québec ou à l'Ontario, pourquoi pas?
Êtes-vous d'accord, madame le sénateur Anderson? Seriez-vous prête à assurer la présidence de sous-comité?
Le sénateur Anderson: Je préférerais que le sénateur Taylor soit le président.
Le sénateur Taylor: J'ai proposé le sénateur Anderson comme présidente, parce que, à notre époque où l'on est sensible à la question d'égalité des hommes et des femmes, on ne peut pas avoir un président homme et deux membres femmes. Par ailleurs, nous avons besoin de quelqu'un qui soit en mesure de contrôler le sénateur Spivak.
Des élections se déroulent en Alberta à l'heure actuelle. J'y participerai probablement, dans une certaine mesure.
Le sénateur St. Germain: Pensez-vous que Ralph Klein ait vraiment besoin d'aide?
Le sénateur Taylor: Le sénateur Anderson écoute très bien, prend de bonnes notes et résume bien les choses.
Le président: Il ne fait aucun doute que le sénateur Anderson est un excellent porte-parole.
Le sénateur Taylor: Je cherche de bonnes raisons pour ne pas être président, mais la décision doit se prendre en fonction des qualités démontrées.
Le sénateur Rossiter: Le temps que nous prenions nos dispositions et que nous contactions les témoins, les élections en Alberta seront bel et bien terminées.
Le sénateur Taylor: C'est exact.
Le président: Quelqu'un veut-il présenter une motion?
Le sénateur St. Germain: Je présente cette motion.
Le président: Tous en faveur?
Des voix: D'accord.
Le président: La motion est adoptée.
Nous avons besoin d'une motion à l'effet que les mêmes obligations et pouvoirs décidés pour le comité complet à sa séance d'organisation soient accordés au sous-comité.
Le sénateur St. Germain: Je le propose.
Le président: Le sénateur Spivak l'appuie.
Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le président: La motion est adoptée.
Il faut également donner une autorisation financière au vice-président.
Le sénateur St. Germain: Je le propose.
Le président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le président: La motion est adoptée.
On pourrait se demander s'il faut présenter un rapport provisoire au Sénat. Je ne sais pas combien d'entre vous avez lu le rapport sur les travaux déjà effectués.
Le sénateur Spivak: Je propose qu'on l'examine, car l'assimiler prendra du temps. Je ne sais pas si nous voulons le faire pour l'instant. À mon avis, c'est beaucoup de travail et c'est trop tôt. Cela ne sera pas chose facile.
Je me demandais si Dan Shaw serait présent aujourd'hui.
M. Armitage: Je vais vous en parler dans quelques instants.
Le président: Proposez-vous que nous le déposions pour l'instant?
Le sénateur Spivak: Cela exige un examen approfondi. Cela risque de prendre du temps. Je pensais peut-être que nous pourrions en débattre ainsi que débattre de toute la question du rapport, de sa présentation, et cetera. Tout le monde peut participer à cette discussion, mais je crois que cela prendra du temps.
Le président: Y a-t-il d'autres avis à ce sujet?
Le sénateur Taylor: C'est une ébauche très courte, de deux pages et demie seulement. Il serait sage de la présenter au Sénat, ne serait-ce que pour montrer que nous travaillons. Il s'agit simplement d'un rapport provisoire.
Le président: Serait-il judicieux que le sous-comité se réunisse et prépare un rapport provisoire sur ce qui a été fait?
Le sénateur Spivak: Je pense que c'est ce que nous devrions faire.
Le président: Ou une déclaration provisoire au Sénat?
Le sénateur Spivak: Oui. Une déclaration suffit.
Le sénateur Taylor: À mon avis, il s'agit d'une déclaration.
Nous n'avons pas parlé de fibres de remplacement. Qui est l'auteur du rapport?
M. Armitage: Je ne suis pas l'auteur, mais si nous avions discuté du plan de travail ce matin, j'aurais indiqué que vous avez appelé pour faire cette suggestion.
Le sénateur Taylor: C'est simplement une question de plantations -- une ligne, peut-être.
Le président: Je ne crois pas que nous ayons besoin d'une motion à cet égard; toutefois, il est évident que vous allez probablement vous pencher sur la question.
Nous en avons maintenant terminé pour ce qui est de la forêt boréale.
Le sénateur St. Germain pourrait maintenant informer le comité de la question qu'il souhaite aborder.
Le sénateur St. Germain: La question dont j'aimerais faire mention porte sur deux points: la coalition aux États-Unis et le quota de bois d'oeuvre.
En théorie et en pratique, ils ont fixé un quota pour les exportations de bois d'oeuvre à destination des États-Unis. Je crois que c'est de l'ordre de 14,3 milliards de pieds-planches. Cela s'applique aux provinces de l'Ontario, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et du Québec. Je crois que les provinces de l'Atlantique sont exclues de ce régime de quotas.
Je ne sais pas si vous le savez, mais plusieurs grandes organisations aux États-Unis, comme International Paper, Louisiana-Pacific, Georgia-Pacific et d'autres, se sont unies pour faire du lobbying auprès du gouvernement des États-Unis à propos de ce qu'elles appellent des pratiques déloyales de coupe et d'exploitation forestière au Canada. La Commission du commerce international, aux États-Unis, a été saisie de cette question à deux reprises, et nous avons gagné la bataille à ces deux occasions.
D'après ce que je comprends, certains membres des équipes de négociation pour le Canada pensent que s'ils doivent se présenter de nouveau devant un tribunal, ils risquent de perdre; c'est la raison pour laquelle ils ont accepté un quota, la dernière fois.
Tout cela est le fait de sociétés qui défrichent nos forêts au Manitoba et en Saskatchewan, notamment Louisiana-Pacific et d'autres. Elles ont fait beaucoup de bruit à ce sujet et ont exercé des pressions sur nous. Elles ont forcé le gouvernement du Canada et les industries au Canada à adopter un système de quotas. Essentiellement, cela empêche l'expansion des opérations forestières existantes. Par ailleurs, cela enlève virtuellement la possibilité à quiconque de lancer une entreprise. À moins d'avoir un quota, on ne peut exporter aux États-Unis et les quotas ont déjà été tous distribués.
Il y a un point positif à cela. Il n'y aura pas autant d'abattage, mais beaucoup d'emplois disparaîtront. Des opérations forestières pourraient se faire dans beaucoup d'endroits. Par ailleurs, la province de Colombie-Britannique a été en mesure d'augmenter les droits de coupe de façon irréaliste; elle finira par payer, car son industrie forestière est réduite à néant. Personne ne peut se lancer dans l'industrie forestière, prendre de l'expansion ou créer des emplois.
Cela se traduit également par des pertes d'emplois, puisque à partir du moment où une grande scierie atteint son quota, elle ferme. Nous nous retrouvons donc avec 14,3 milliards de pieds-planches. Cela force également certains marchands de bois à vendre à l'étranger, à un coût moindre. Nous n'obtenons pas le maximum des arbres qui sont abattus, parce que nous devons exporter vers d'autres parties du monde, alors que nous avons toujours eu un meilleur prix aux États-Unis pour notre bois d'oeuvre et nos produits à valeur ajoutée.
Ce qui m'inquiète, c'est que Louisiana-Pacific et ces autres grandes sociétés se moquent de nous. Elles nous placent dans une situation intenable et pourtant sont présentes au Manitoba et en Saskatchewan et font exactement ce qu'elles veulent. Nous devrions examiner cet aspect de leurs opérations et ne pas nous gêner pour exercer des pressions sur elles.
Je vais vous donner un exemple. M. Wynn Walker a une usine de bardeaux à Ruskin, en Colombie-Britannique. Il est arrivé à la conclusion qu'il n'obtenait pas le maximum du cèdre de l'ouest -- qui sert à faire les bardeaux -- compte tenu de son prix. Le cèdre de l'ouest qui arrive dans une usine de bardeaux est généralement considéré comme du bois de rebut que l'on ne peut utiliser comme bois d'oeuvre. Toutefois, il suffit d'examiner ce bois de près pour s'apercevoir qu'il y a toujours une partie que l'on peut utiliser comme bois d'oeuvre. M. Walker a donc ouvert une scierie pour tirer meilleur parti de ce bois. On y coupe le bois pour les bardeaux et lorsqu'on arrive à une bonne pièce de bois, on la met de côté pour en faire du bois d'oeuvre et en tirer ainsi meilleur parti. Sa scierie lui a coûté 5 millions de dollars. C'est un petit entrepreneur. Le marché américain est le seul endroit où il peut obtenir un prix raisonnable pour ce bois, puisque c'est un marché traditionnel. Toutefois, il ne peut pas obtenir de quota pour exporter vers les États-Unis et ainsi tirer le maximum de ces fibres qui viennent de nos forêts.
Les gros intervenants, comme MacMillan Bloedel et d'autres, ont leur quota. Ils sont en fait satisfaits de l'entente, car ils ont fait monter le prix d'un millier de 2x4 de 250 $ à 475 $. Ils sont presque arrivés à 500 $, mais le prix a baissé. Tout en coupant moins de 2x4, ils réalisent les mêmes profits. Toutefois, la situation est telle que des scieries doivent fermer et que des gens comme M. Walker ne peuvent pas prendre de l'expansion.
Je ne suis pas en train de dire que n'importe qui devrait piller nos forêts. Les méthodes d'exploitation forestière doivent être durables. Tout ce que je dis, c'est que la coalition impitoyable dont nous faisons les frais nous ferme de nombreuses portes.
À la décharge du gouvernement fédéral, je dirais qu'il a été forcé d'accepter une telle situation, car l'industrie, le Council of Forest Industries et les gros intervenants ont décidé de ne pas se battre cette fois-ci par l'entremise des groupes spéciaux binationaux et des mécanismes de règlement des différends de l'Accord de libre-échange. Ils ont dit: «Non, nous voulons une entente.» Ils ont donc accepté une entente de faveur pour les grosses sociétés qui font littéralement disparaître beaucoup de petits exploitants.
Le président: Les gouvernements provinciaux sont-ils également en faveur de cette entente? Ils sont directement intéressés.
Le sénateur St. Germain: Oui, ils le sont.
Les États-Unis avancent comme argument que les droits de coupe en Colombie-Britannique, par exemple, devraient être identiques à ceux pratiqués dans l'État de Washington, puisqu'il s'agit pratiquement de la même région. C'est complètement faux. Il n'y a pas un seul endroit dans l'État de Washington où l'on ne peut entrer dans la forêt en camion pour débiter des rondins. Le réseau routier existe déjà, dans la plupart des cas. Par contre, beaucoup d'endroits en Colombie-Britannique sont tellement escarpés qu'on ne peut pas y conduire et qu'il faut utiliser des hélicoptères pour procéder aux opérations forestières tout en assurant une croissance durable. Il ne s'agit pas ici de construire des routes.
Alors que les Américains disent que les droits en Colombie-Britannique devraient être identiques à ceux pratiqués dans l'État de Washington, la situation ne se compare absolument pas, à cause du terrain et des exigences imposées sur nos opérations forestières en Colombie-Britannique.
C'est leur argument. Ils ont une entente de faveur aux États-Unis maintenant. Ils contrôlent pratiquement nos ressources.
En résumé, en capitulant devant les États-Unis, on leur a donné le contrôle de nos ressources. Ce sont eux qui fixent les droits de coupe que nous allons pratiquer et ce sont eux qui nous disent quoi faire. C'est inadmissible.
À mon avis, la seule façon pour nous d'exercer des pressions sur la coalition consiste à examiner certaines de ses opérations en Saskatchewan. Si elle ne se met pas au pas et si elle ne verse pas les droits de coupe imposés, il faudrait alors intervenir. Cela pourrait apaiser certaines des inquiétudes que vous avez à propos de la forêt boréale.
Voici ma suggestion. C'est un sujet que je connais plutôt bien, bien que je ne sois pas un expert. Il existe de l'information. Je suis disposé à travailler avec d'autres membres du comité à cette question. On entend beaucoup parler de libre-échange et de commerce mondial, mais quand les grands conglomérats gloutons des États-Unis, comme Louisiana-Pacific et International Paper, exercent des pressions, les règles semblent changer. Si nous souhaitons un véritable libre-échange avec les États-Unis, il faudrait, à mon avis, se défendre. J'ignore pourquoi nous avons capitulé. C'est vraiment dommage.
En Colombie-Britannique et en Alberta, deux petits entrepreneurs souhaitent se lancer dans de nouvelles exploitations. Celle de M. Walker en est un bon exemple. Voici quelqu'un qui souhaite faire une meilleure utilisation de la fibre de bois, plutôt que de la couper en bardeaux, et on lui claque la porte au nez. Chacun essaie de réaliser des gains d'efficacité et de tirer le maximum de chaque morceau de bois sorti de nos forêts. Il se voit refuser la possibilité d'optimaliser son exploitation.
Si vous avez des questions, j'essaierai d'y répondre.
Si Louisiana-Pacific et d'autres multinationales veulent jouer aux plus fins avec nous, je n'y vois pas d'objection, mais nous devons d'abord apprendre à jouer leur jeu, sans quoi ils nous acculeront sans cesse au mur.
Le sénateur Anderson: Quand vous dites «ils», faites-vous allusion à la coalition ou au gouvernement des États-Unis?
Le sénateur St. Germain: Le gouvernement des États-Unis n'est pas blanc comme neige, mais c'est en réalité de la coalition que viennent les pressions. Divers sénateurs, dont un en particulier du Montana, et d'autres membres du Congrès ont aidé à exercer des pressions et appuient la coalition.
La seule raison pour laquelle ils nous font ainsi la loi, c'est qu'ils ne sont pas aussi compétitifs que nous dans certains domaines. Leur produit n'est pas aussi bon. Nos épinettes, pins et sapins figurent parmi les meilleurs au monde. Les Américains essaient de nous livrer concurrence avec le pin blanc, ce qui revient essentiellement à offrir de la gomme à mâcher pour remplacer de l'acier.
Le sénateur Spivak: Ce produit vient des plantations?
Le sénateur St. Germain: Oui, ils ont effectivement des plantations là-bas, dont certaines couvrent des millions d'acres dans diverses parties de la Géorgie et de l'Alabama. Ce qui me met vraiment en colère, c'est qu'ils viennent ici exploiter nos forêts, mais qu'ils n'hésitent pas à nous prendre à partie ailleurs. Si l'occasion de faire de la rétorsion se présente, il ne faudrait pas la rater.
Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une question épineuse parce que les gouvernements y sont mêlés. Pourtant, en réalité, c'est la coalition qui est vraiment organisée. Elle ne se fait pas passer pour une victime. Elle finance de petites exploitations du Texas ou de la Géorgie. Elle fait comme si c'était la petite exploitation qui était victime des faibles droits de coupe et du dumping de bois d'oeuvre canadien sur leur marché. Les multinationales font partie de la coalition, mais elles se servent habituellement d'une petite exploitation située dans une petite localité.
Ce sont de fins stratèges. Ils font tout un tollé au sujet du petit entrepreneur qui perd son commerce en Alabama ou en Géorgie; ils obligent ainsi les sénateurs à prendre fait et cause pour eux. Leur stratégie est très efficace. Ils ont exercé tant de pressions que le gouvernement a plié et accepté ce système de contingentement.
On ne voulait pas que je donne de noms, mais j'ai parlé avec les dirigeants d'un organisme qui demandait un quota. Je leur ai demandé s'ils souhaitaient toujours que je m'entretienne avec des fonctionnaires des Affaires étrangères en leur nom. Ils m'ont répondu que non, qu'ils avaient acheté des quotas sur le marché noir, à raison de «X» dollars par millier. C'était plus facile que de se battre avec la bureaucratie.
Certains n'avaient rien de plus qu'un téléphone, mais ils étaient établis comme expéditeurs de bois d'oeuvre aux États-Unis. On leur a donc alloué des quotas par centaines de milliers, voire par millions de pieds-planches. Maintenant, ils échangent ces quotas avec ceux qui n'en ont pas. Un marché noir est en train de s'établir pour la vente de ces quotas.
Le sénateur Taylor: Le gouvernement fédéral a négocié l'allocation de quotas représentant 14,3 milliards. Parle-t-on ici de dollars ou de pieds-planches?
Le sénateur St. Germain: Il s'agit de dollars.
Le sénateur Taylor: J'ai cru comprendre que le gouvernement fédéral avait rencontré les provinces. Bien sûr, l'Ontario soutient qu'on lui a alloué trop peu et que la Colombie-Britannique en a trop obtenu. Il a réparti les quotas, mais le partage au sein même de la province est une question provinciale, non pas fédérale. On parle ici de deux choses différentes.
Le sénateur St. Germain: Je vous ferai remarquer que l'allocation des quotas se fait à Ottawa.
Le sénateur Taylor: Je signale tout d'abord qu'Ottawa répartit les quotas parmi les provinces, mais pas au sein même des provinces. Le bois d'oeuvre relève des provinces, tout comme le pétrole et le gaz. Le gouvernement fédéral se trouverait dans une situation fort délicate s'il tentait d'adopter des lois concernant l'exploitation de cette ressource. Il est responsable du commerce international, certes, mais il ne peut sévir contre Louisiana-Pacific au Manitoba ni contre MacMillan Bloedel en Colombie-Britannique, pas plus qu'il ne pourrait s'en prendre à une pétrolière, parce que ce champ d'activité relève des provinces et que les quotas sont alloués par les provinces.
Ensuite, pourquoi Ottawa a-t-il cédé et accepté les quotas? Je l'ignore. Nous revenons tout juste de l'ouest. Il ne fait pas de doute que les gouvernements de l'ouest ne touchent pas des droits de coupe du bois d'oeuvre aussi élevés que ce à quoi on pourrait s'attendre en contexte de libre entreprise.
Le sénateur Spivak: Ils sont en train de donner le bois.
Le sénateur Taylor: Effectivement. Ainsi, en Alberta, on permet la coupe de bois le long de propriétés privées. Les propriétaires de ces terrains touchent des redevances représentant huit à dix fois celles de la Couronne. Le gouvernement fédéral n'était vraiment pas en mesure de soutenir qu'il n'y avait pas de subvention indirecte. Quand on compare les redevances touchées par la Colombie-Britannique, non pas à celles de Washington, mais à celles des propriétaires privés dont les terres longent celles de la province, les terres privées rapportent jusqu'à 10 fois plus que les terres de l'État.
Le sénateur St. Germain: Vous constaterez que les quotas sont répartis par Ottawa.
Le sénateur Taylor: Est-ce bien vrai?
Le sénateur Spivak: Vous voulez dire qu'il les attribue aux entreprises?
Le sénateur St. Germain: Vous avez bien compris. Les critères ont été fixés par les provinces, mais la répartition se fait à Ottawa.
Le sénateur Spivak: En êtes-vous sûr?
Le sénateur St. Germain: Une femme du nom de Marilyn Friesen, je crois, en a été chargée.
Quant aux droits de coupe, s'ils sont trop bas, parfait. Vous ne trouvez peut-être rien à redire au fait que les Américains vous disent quoi faire; moi, cela me déplaît. Là d'où je viens, on aime être maître chez soi.
Le sénateur Taylor: Que je sache, c'est votre gouvernement qui a instauré le libre-échange. Remarquez que nous ne nous y sommes pas opposés.
Le sénateur Spivak: Le problème est certes beaucoup plus grand, sénateur St. Germain. Il y aura une pénurie. Vous dites que c'est le gouvernement fédéral, mais la même chose s'est produite au Manitoba. Plutôt que de consentir les droits d'exploitation à de petites entreprises forestières, la province préfère les donner à Louisiana-Pacific ou à Repap, qui contrôle maintenant un cinquième de ses forêts. En réalité, c'est le gouvernement qui pose problème.
Le sénateur Taylor: Vous avez là un paquet de clients qui réclament l'arrestation des prostituées. Ce sont nous, les responsables.
Le sénateur Spivak: Pourquoi coupe-t-on des arbres sans retenue en Alberta? La Colombie-Britannique commence à manquer d'approvisionnements accessibles, à moins d'autoriser la coupe à la baie Clayoquot et en d'autres lieux du même genre.
Le sénateur St. Germain: C'est déjà fait. Les arbres y ont déjà été coupés.
Le sénateur Spivak: Nous parlons ici d'arbres valant 40 000 $. Ils sont en train de les donner.
Le sénateur St. Germain: Je ne conteste pas ce que vous dites, sénateur. Tout ce que je dis, c'est que je ne veux pas me faire dicter mes décisions par les Américains.
Le sénateur Spivak: En effet. Pourquoi les gouvernements provinciaux reculent-ils ainsi et se laissent-ils faire? Tous les premiers ministres des provinces s'empressent de donner nos ressources naturelles aux sociétés internationales, aux entreprises japonaises.
Le président: À l'ordre! Le sénateur St. Germain nous a fait un très bon compte rendu de la situation. Il faut maintenant décider de quelle façon le comité abordera ce dossier. Je propose que nous demandions à rencontrer les hauts fonctionnaires en vue d'obtenir des éclaircissements sur la façon dont tout cela se passe, voire à rencontrer le ministre du Commerce, s'il peut comparaître devant le comité. Nous pourrions réserver une plage de deux heures, un matin.
Le sénateur St. Germain: Ce sont le sénateur Taylor et le sénateur Spivak qui en ont parlé. Personnellement, la légitimité des premiers ministres ne m'intéresse pas. Ce dont je veux parler, c'est des pressions politiques exercées par la coalition formée aux États-Unis pour nous obliger à faire ses volontés.
Je ne juge pas sévèrement le gouvernement fédéral. Il a été coincé par les provinces qui étaient touchées et par les grands capitaines d'industrie canadiens. En effet, l'industrie et les provinces lui ont dit: «Concluons un marché; nous ne courrons pas le risque de repasser devant la Commission du commerce international et de nous défendre à nouveau, même si, deux fois, nous avons eu gain de cause». Voilà ce que je conteste.
Quelles que soient les mesures prises par les premiers ministres, s'ils commettent des erreurs et donnent leurs ressources à Repap, à des Japonais ou à qui que ce soit, il s'agit là d'un autre problème. J'aimerais qu'on examine ce que font Louisiana-Pacific et d'autres grandes sociétés ici au Canada. Y a-t-il connivence? Dans l'affirmative, comment se fait-il que ces sociétés peuvent former une coalition pour nous nuire, d'une part, et obtenir l'autorisation d'exploiter nos ressources, d'autre part? Voilà ce que je veux savoir. Je veux savoir ce que ces membres de la coalition font ici, après ce qu'ils nous ont fait aux États-Unis. Ils nous ont obligés à accepter un système de contingentement. Vous savez quels effets ont les quotas en agriculture. Ce sera la même chose en foresterie. Déjà, il existe un marché noir des quotas de bois d'oeuvre au Canada, par suite de ces événements.
Je ne crois pas qu'il faille se contenter de laisser Louisiana-Pacific et les autres grands joueurs américains nous dicter notre conduite.
Le président: Sénateur St. Germain, à votre avis, qui le comité devrait-il inviter à venir témoigner?
Le sénateur Taylor: Je crois que le sénateur vient de donner la recette parfaite pour qu'on me brûle en effigie, à mon retour en Alberta. J'imagine facilement la réaction si un comité du Sénat étudiait l'à-propos de faire de la discrimination dans l'attribution des quotas aux grandes sociétés qui pratiquent la coupe en Alberta. Les premiers ministres provinciaux s'inquiéteront, comme le cow-boy de son cheval, s'il est question que le gouvernement fédéral s'ingère dans les décisions de qui peut et qui ne peut pas pratiquer la coupe. Ils croient être capables de séparer le bon grain de l'ivraie sans aide du gouvernement fédéral ou du Sénat. Vous n'avez aucune idée de ce qui vous attend si nous commençons à parler de qui devrait et qui ne devrait pas couper des arbres appartenant à la province. Il existe d'autres moyens -- la protection environnementale, notamment.
Le sénateur St. Germain: Que Dieu vous entende, si vous pensez enquêter sur Louisiana-Pacific d'un point de vue environnemental!
Le sénateur Taylor: Allons-nous obliger General Motors à fermer ses portes en Ontario parce que nous n'aimons pas ce qu'elle fait?
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas pareil. La situation est intolérable. On est en train de détruire une richesse naturelle.
Le sénateur Taylor: Je ne crois pas que nous soyons habilités à enquêter sur les sociétés qui ont passé des contrats avec des gouvernements provinciaux, sauf par la bande, en utilisant comme prétextes l'environnement et la biodiversité. Je n'ai pas le pouvoir de demander qu'on aille leur dire: «Écoutez, nous croyons que vous êtes l'un des agitateurs aux États-Unis et, par conséquent, nous allons vous expulser».
Le sénateur Rossiter: Le sénateur St. Germain est en train de dire, en fait, que nous devrions réunir des faits.
Le sénateur St. Germain: Si ce sont des sociétés conscientes de leurs obligations sociales, il faudra les tolérer.
Le sénateur Rossiter: N'ai-je pas raison? Ce que vous voulez, c'est d'avoir en main les faits? Il ne s'agit pas forcément, à ce stade-ci, de jeter le blâme ou de se chicaner à propos de contrats.
Le sénateur Taylor: Il est toujours si méfiant.
Le sénateur St. Germain: Ils nous ont mis dans une situation intenable et indésirable. Je dis que, s'ils souhaitent former un bloc aux États-Unis pour nous attaquer sans motifs, nous avons le droit d'examiner leur comportement au Canada. Vous n'êtes peut-être pas de cet avis, mais c'est ce que je pense. Je ne dis pas que nous devrions marcher dans les plates-bandes des provinces, mais si ces entreprises ont le droit de former une coalition pour s'en prendre à nous, pourquoi ne pouvons-nous pas tâter le terrain et voir ce qu'elles font ici?
Le sénateur Spivak: Monsieur le président, le comité a pour mandat, entre autres, de réunir des faits. Je suis d'accord avec le sénateur Rossiter que nous devrions le faire. Le seul hic, c'est que ce ne sera pas facile. Il faut décider comment le comité pourrait s'y prendre. Nous possédons déjà une partie des renseignements, mais nous n'avons pas fait un examen fouillé.
La première chose qu'il faut savoir au sujet de l'industrie forestière, c'est ce qui se passe. Pour ce faire, il faut savoir ce que font ces sociétés, sans quoi ce sera impossible. Cela fait partie de notre mandat.
Le sénateur St. Germain: Ces sociétés n'ont jamais mené une concurrence loyale à notre égard là-bas. La coalition des États-Unis a été parfaitement déloyale, selon moi. Parlez à quiconque est membre de notre industrie forestière. Il vous dira que tout est question d'intimidation. C'est la crainte de perdre la cause qui les a incités à accepter le système de contingentement. Pourquoi faut-il avoir un système de contingentement si nous vivons dans une zone de libre-échange?
Le sénateur Taylor: Je vous arrête là. Les gouvernements provinciaux soutiendront que le système de contingentement relève le prix du bois d'oeuvre et met un peu plus d'ordre dans sa commercialisation. On a constaté qu'au Canada, environ 80 p. 100 des ressources de bois d'oeuvre sont directement avantagées par des droits de coupe supérieurs, si le prix demeure élevé.
Le sénateur St. Germain: À ce moment-là, pourquoi ne pas imposer des quotas sur tout?
Le sénateur Taylor: On a fixé des quotas sur les oeufs, le beurre et la volaille, comme vous le savez, voire sur le nombre de députés.
Le président: Le comité aurait probablement tout intérêt à entendre les représentants du ministère à ce sujet, quand bien même ce ne serait que pour avoir une meilleure idée de la conjoncture réelle et des règles qui s'appliquent aux relations fédérales-provinciales. Cela ne créerait pas de remous.
Le sénateur Spivak: Si nul autre ne veut le faire, je présenterai la motion.
Le président: Est-ce un compromis honnête, sénateur St. Germain?
Le sénateur St. Germain: D'accord. Je suis ouvert aux suggestions. Moi-même, j'arriverai peut-être avec ma propre documentation à ce sujet.
Le sénateur Taylor: Au sujet de la théorie du complot.
Le sénateur St. Germain: C'est une conspiration flagrante. Ils s'en sont pris à notre industrie.
Le sénateur Spivak: Les représentants invités viendront-ils du ministère du Commerce international, monsieur le président, ou du ministère des Ressources naturelles?
Le sénateur Taylor: Nous devrions pouvoir inviter des témoins des ministères de notre choix.
Le sénateur Spivak: Quel est le ministère compétent?
Le président: Il me semble que nous devrions peut-être entendre les représentants du ministère du Commerce international. Si le ministre pouvait les accompagner, cela me conviendrait. Par contre, si c'est impossible, nous pourrions entendre de hauts fonctionnaires.
Le sénateur Spivak: Nous pourrions peut-être aussi en inviter du ministère des Ressources naturelles.
Le sénateur Anderson: Je m'interrogeais justement au sujet de cette Mme Friesen dont nous a parlé le sénateur St. Germain. Est-ce bien son nom? Je crois qu'il serait très utile d'entendre son témoignage.
Le sénateur St. Germain: Oui. Il y a effectivement, au ministère des Affaires étrangères, un service qui en est chargé. Il est dirigé, je crois, par un certain M. Dowswell.
Le sénateur Taylor: Dire que les Américains se liguent contre nous revient à dire que les banques font payer des intérêts. C'est la vie!
Le sénateur St. Germain: Les banques ne me posent pas de problème parce que j'ai été témoin de la faillite de Northland.
Je suis libre-échangiste. Cependant...
Le sénateur Taylor: Vous n'aimez pas qu'ils vous dament le pion.
Le sénateur St. Germain: Vous avez raison, et je ne le tolérerai pas. Je ne crois pas qu'il faille accepter une telle situation. S'il y a une ouverture, c'est à nous de faire en sorte qu'ils ne nous passent pas sur le corps.
Les membres du Congrès et les sénateurs des États-Unis ne sont pas des êtres sensibles et timides. Je vous assure que je suis prêt à me battre. Je les connais bien. J'ai été dans l'aviation avec eux. Je prendrai tous les moyens qui s'imposent.
Le sénateur Taylor: J'espère que vous larguerez vos bombes sur les bonnes cibles. Votre position m'embête un peu.
Le président: Le Financial Post a fait état, il y a tout juste une semaine, d'une situation analogue en ce qui concerne le blé de l'ouest. Nous savons que le transport du blé cause des problèmes d'engorgement, mais les États-Unis auraient annoncé qu'ils projettent de restreindre l'entrée de notre blé. Quand il leur faut notre blé à forte teneur en protéines pour faire du meilleur pain et qu'ils l'exigent, nous l'expédions tambour battant. Par contre, quand l'offre ici est un peu serrée, ils font des pressions politiques pour nous imposer leur volonté. S'ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent, ils nous menacent de représailles. Donc, on peut dresser un parallèle. Il serait bon d'avoir l'avis des hauts fonctionnaires à cet égard, quand bien même ce ne serait que pour mieux comprendre la situation.
Le sénateur Taylor: Cela m'embête un peu. Notre comité a été formé pour étudier la forêt boréale, parce que cette forêt est différente. Il ne faut pas oublier que la pâte de bois est un produit de la forêt boréale encore plus important que le bois. Nous sommes préoccupés par le changement climatique et tout le reste. Voilà que nous discutons maintenant d'une guerre commerciale sur le marché du bois d'oeuvre. Ce débat pourrait s'éterniser. Ne vaudrait-il pas mieux confier une telle étude au comité sénatorial des banques et du commerce?
Le sénateur St. Germain: Le problème a des répercussions sur nos forêts. Le fait que des élections soient imminentes vous énerve. Cette question n'intéresse pas seulement un parti. Elle intéresse tous les Canadiens. Quelle que soit mon affiliation politique, je mènerai le combat contre les Américains parce que ce qu'ils font est mal.
Le sénateur Taylor: Je m'inquiète seulement de savoir si je serai encore sénateur quand nous déposerons notre rapport définitif, si nous continuons d'ajouter ainsi d'autres questions.
Le sénateur Spivak: Le sénateur St. Germain ne propose pas de confier l'étude au sous-comité, mais bien au comité en entier.
Le sénateur Taylor: Désolé. Dans ce cas, je bats en retraite.
Le président: Je suis prêt à recevoir une motion recommandant que le comité en entier entende les hauts fonctionnaires du ministère.
Le sénateur Rossiter: Je présente une motion à cet effet.
Le sénateur Anderson: J'appuie la motion, monsieur le président.
Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord!
Le président: La motion est adoptée.
Le point suivant à l'ordre du jour est le plan de travail en prévision de la mission d'enquête à Washington, D.C. Le sénateur Hays a proposé la tenue de certains pourparlers au sujet de l'industrie du bétail. Les cours en vigueur là-bas ont beaucoup baissé. Le sénateur Hays connaît beaucoup mieux cette industrie que moi.
Le sénateur Taylor: Le marché a pris un virage au cours des 30 derniers jours.
Le président: Il commence à se rétablir; cela ne fait aucun doute.
Le sénateur St. Germain: Cette tendance se maintiendra-t-elle, cependant?
Le président: Le bovin d'engraissement, dont le cours se situait à 1,05 $ la livre, se vend maintenant quelque 70 cents. Ainsi, à Estevan, en Saskatchewan, de belles bêtes charnues se vendaient 33 cents la livre sans que le consommateur en profite. Quelqu'un, quelque part, est en train de faire des millions de dollars littéralement. Un des réformistes de la Colombie-Britannique m'a dit qu'il avait vendu des Semmintal reproducteurs à ce prix. C'était une honte, mais il lui était impossible de continuer à nourrir ces animaux, étant donné ce qu'il lui en coûtait.
Le sénateur St. Germain: Quelle en est la cause? Y a-t-il trop d'animaux sur le marché?
Le président: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce dont voulait parler le sénateur Hays. Comme je l'ai dit, il connaît beaucoup mieux que moi l'industrie du bétail. Toutefois, c'est l'un des points qu'il a mentionnés.
L'autre concerne le transport des céréales, de même que le programme de subventions à l'exportation des États-Unis que vous connaissez tous. Nous savons déjà qu'ils contesteront nos offices de commercialisation.
Le président: Nous savons qu'il sera question de la Commission canadienne du blé. Il importe que les membres du comité qui se rendent là-bas aient vraiment fait leurs devoirs et qu'ils maîtrisent bien le dossier. Il faudrait y ajouter aussi d'autres points.
Aborderons-nous la question du bois d'oeuvre?
Le sénateur St. Germain: Je ne vois pas en quoi ce serait utile. À leurs yeux, le problème est déjà réglé en quelque sorte. Il nous faut trouver des moyens d'exercer des représailles afin de les inciter à revenir à de meilleurs sentiments. Voilà ce que je veux.
Ils sont très futés. Georgia Pacific et Louisiana-Pacific financent la coalition, mais on n'en entend jamais parler directement. Ils laissent la parole aux petits exploitants de l'Amérique profonde dont l'usine fait vivre la collectivité. C'est ainsi qu'ils obtiennent l'appui de leurs sénateurs et de leurs membres du Congrès. Voilà comment ils ont réussi à nous forcer la main dans ce dossier.
Pareille discussion serait peut-être vouée à l'échec au départ, pour parler franchement. Louisiana-Pacific et d'autres géants faisant de l'exploitation en Saskatchewan et au Manitoba, à l'extérieur des provinces touchées par ce contingentement, sont peut-être des entreprises bienveillantes et conscientes de leurs responsabilités sociales qui n'abusent pas de nos forêts. Toutefois, si elles ne le sont pas, c'est à nous qu'il revient, en tant que gardiens des intérêts du Canada, de tout faire pour les forcer à payer.
Le président: Sénateur St. Germain, ne croyez-vous pas qu'il conviendrait que le comité ait des échanges avec eux à ce sujet? Mon raisonnement au sujet du commerce repose sur ce que je sais de l'industrie des céréales, parce que c'est celle que je connais. Bien souvent, les Canadiens et les Américains font de la surenchère sur le marché mondial, ce qui nuit aux agriculteurs tant américains que canadiens. Si les politiciens ne peuvent en discuter et trouver une solution raisonnable, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Il vaut mieux s'entendre à l'amiable, sans quoi nous en paierons le prix d'une façon ou d'une autre. Nous avons au moins la possibilité d'expliquer notre position de manière raisonnable.
Le sénateur Taylor: Il faut parler de bois d'oeuvre, j'en conviens. Il faudrait aussi parler de sucre. L'industrie du sucre de betterave du sud de l'Ontario, du Manitoba et de l'Alberta est en train d'étouffer en raison des primes qu'offrent les Américains à l'étranger.
Le sénateur St. Germain: En 1985, les Américains ont imposé un tarif douanier de 35 p. 100 sur les bardeaux. À ce moment-là, je représentais la circonscription de Mission Port Moody où étaient fabriqués, si l'on s'en tient à une évaluation prudente, 75 p. 100 de toute la production canadienne. J'ai donc travaillé de très près à ce dossier. Les Américains ont dit que nous étions en train de tuer leur industrie, que nous faisions du dumping aux États-Unis, qu'il s'agissait-là d'une concurrence déloyale. Ils ont donc décidé d'imposer un tarif de 35 p. 100, et il a fallu composer avec cette situation.
J'ai demandé que l'on interdise l'exportation de rondins, de billons, d'ébauches et de tronçons du genévrier rouge de l'Ouest. Les billons, les ébauches et les tronçons sont du bois découpé à partir duquel on fabrique le bardeau. Il n'existait qu'une ou deux usines de bardeaux aux États-Unis. Nous les avons obligées à fermer leurs portes. Nous avons complètement étouffé leur industrie. Nous avons réussi à le faire parce que nous avons le droit d'interdire l'exportation de certaines marchandises.
Si je ne m'abuse, l'interdiction est toujours en vigueur. Voilà comment il faut traiter avec eux. Ils ont aboli leur tarif et nous n'en avons plus entendu parler depuis lors. Il faut combattre le feu avec le feu, sans quoi, si vous vous contentez d'accepter la situation, ils vous passeront sur le corps.
Le sénateur Spivak: Je peux comprendre que le sénateur St. Germain aimerait que la Louisiana-Pacific se fasse prendre pour ses pratiques environnementales au Manitoba et en Saskatchewan, ce qui nous permettrait de donner le change aux Américains. Je serais très heureuse de l'aider à cet égard. Toutefois, à Washington, ce que nous pourrions obtenir, c'est de l'information. On accumule un tas d'informations quand on va là-bas.
Ainsi, nous pourrions nous renseigner sur les pratiques de la Louisiana-Pacific et d'autres grandes sociétés américaines. Cette entreprise est celle qui s'est vu imposer la plus forte amende de toute l'histoire des États-Unis, à cause de ses pratiques environnementales paraît-il, entre autres. Il faudrait donc que cette question figure au programme.
Le président: Il a été question de sucre. Y a-t-il d'autres sujets? Qu'en est-il de l'industrie de la pomme de terre dans les Maritimes? Son sort s'est-il amélioré au fil des ans? Tout va bien?
Le sénateur Anderson: Oui.
Le sénateur Taylor: Les sénateurs sont censés mieux représenter les intérêts régionaux que les députés. Je vous demanderais, à vous et au greffier, d'entrer en communication avec les ministres de l'Agriculture des dix provinces pour leur annoncer que nous nous rendons aux États-Unis. Vous pourriez alors leur demander s'il y a des questions qu'ils aimeraient que nous abordions là-bas, bien que nous ne puissions promettre quoi que ce soit.
Mme June Dewetering, attachée de recherche, Bibliothèque du Parlement: Tout dépend de la date de départ. Le comité n'aura peut-être pas le temps d'entrer en communication avec eux et d'obtenir une réponse.
Le sénateur Taylor: Je songeais justement à la possibilité d'utiliser le téléphone. Nous n'avons pas besoin d'un volumineux rapport de fonctionnaires. On pourrait tout simplement leur demander ce qui les embête le plus.
Le président: Vous proposez que nous communiquions avec les provinces pour voir s'il y a des sujets précis qu'elles aimeraient que nous abordions. Il faudrait le faire au téléphone, car notre voyage est prévu pour le 26 et le 27 février.
M. Armitage: J'ai demandé à l'ambassade de me fournir une liste des questions qui sont portées à son attention. J'imagine qu'elle serait aussi au courant des questions d'intérêt provincial.
Le président: J'apprends que de hauts fonctionnaires ont demandé à l'ambassade quelles questions les provinces avaient portées à son attention. Ces renseignements seront mis à notre disposition. Nous aurons justement une séance d'information à ce sujet. L'une des premières activités prévues, à notre arrivée à Washington, est une séance d'information donnée par notre ambassade à ce sujet. Je suis convaincu qu'elle nous fournira tous ces renseignements.
Y a-t-il autre chose?
Le sénateur St. Germain: J'aimerais remercier mes collègues de m'avoir permis de les embêter avec cette question. S'il nous est possible de faire quelque chose, je ferai de mon mieux pour appuyer l'initiative. Si le comité estime que la question ne mérite pas d'être creusée, je respecterai sa décision.
Ce n'est pas la première fois que je parle de cette question. À défaut d'autre chose, nous pourrions peut-être préparer le terrain pour l'avenir.
Le sénateur Taylor: Il se peut que nous ayons planifié ce voyage inutilement. Étant donné les vives inquiétudes que suscitent chez les whips les votes à la Chambre, croyez-vous que nous obtiendrons l'autorisation de quitter Ottawa?
Le sénateur St. Germain: Quand devons-nous nous rendre à Washington?
M. Armitage: Du 25 au 27 février, soit pendant la semaine de relâche.
Le président: Il faut adopter une motion autorisant l'organisation du voyage.
Le sénateur Spivak: Je fais une motion à cet effet.
Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord!
Le président: La motion est adoptée.
Tant qu'à y être, il conviendrait peut-être de parler de l'escroquerie des prix. Les groupes d'agriculteurs sont en réalité très préoccupés par les prix, particulièrement ceux des engrais, des insecticides et des intrants. Le coût des carburants monte également, et on gonfle le coût de la machinerie.
Je ne crois pas que les agriculteurs sont réalistes. L'annonce de l'augmentation du prix des céréales a soulevé leur enthousiasme. Je me suis entretenu avec des banquiers qui craignent que les agriculteurs n'aient pas suffisamment de liquidités pour couvrir le coût des intrants. Comme je l'ai déjà dit, on prévoit actuellement que le rendement net passera de 11 à 7 p. 100.
Dans les Prairies, les agriculteurs ont changé leur mode d'exploitation. Ainsi, là où l'on laissait des terrains en jachère, on pratique maintenant la culture en continu, ce qui exige l'épandage d'engrais. Quand on passe à ce genre d'exploitation, que les terres ne sont plus laissées en jachère, la demande d'engrais s'accroît.
Quant au transport des céréales, il n'y a pas de navire attendant l'arrivée de charbon ou d'engrais. Ils sont tous partis. On les charge aussi vite qu'ils arrivent. L'industrie des engrais s'est avéré un commerce très lucratif. Beaucoup de ces engrais sont produits en Saskatchewan. Ils se font rares dans les Prairies parce que les exportations rapportent plus et que la demande est si forte. Comme je l'ai dit, les prix ont doublé au cours des dernières années.
Le sénateur Spivak: Vous vous rappellerez que j'avais posé une question au sujet d'une commission d'enquête sur l'escroquerie. J'ai reçu une réponse. Le directeur des Enquêtes et recherches qui voit à l'application de la Loi sur la concurrence est censé étudier la question. Voilà où nous en sommes. En effet, le directeur peut décider de le faire lorsqu'il estime qu'il existe des motifs raisonnables, qu'il est tenu d'entamer une enquête après avoir reçu une demande bien documentée signée par six résidents canadiens ou encore sur l'ordre du ministre de l'Industrie. Le ministre de l'Industrie a déjà déclaré qu'il ne le lui ordonnerait pas.
Je vois ici que des travaux sont en cours au sein d'un sous-comité fédéral-provincial en vue d'examiner le prix des intrants à la ferme, tel que convenu au sommet fédéral-provincial de l'été dernier. Le sous-comité est dirigé par Hal Cushon, de la Saskatchewan, et un représentant d'Agriculture et Agroalimentaire Canada a été nommé.
Le président: Je sais que la Saskatchewan réclame la tenue d'une enquête à cet égard.
Le sénateur Spivak: Il faudra examiner la question, du moins brièvement. Il faudrait inviter à témoigner le directeur des enquêtes et recherches du Bureau de la concurrence d'Industrie Canada. C'est lui qui a le pouvoir d'enquêter sur la fixation des prix et sur d'autres pratiques nuisant à la concurrence.
Le problème sévit depuis des années déjà. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le producteur n'obtient pas sa juste part. Pourquoi refuse-t-on d'agir?
Le président: Je ne suis pas impartial à cet égard parce que je viens d'une ferme, mais il suffit d'examiner les états financiers des transformateurs de produits alimentaires pour voir à quel point les grands conglomérats se sont enrichis.
Le sénateur Spivak: C'est exact. Par contre, les agriculteurs ont les poches vides.
Le président: Il suffirait de payer ce que vaut le produit.
Le sénateur Taylor: Les gouvernements ont indubitablement assoupli l'application des lois anticoalitions et des restrictions commerciales au cours des 10 à 20 dernières années, sous prétexte de création d'emplois. Les grandes sociétés arrivent, elles achètent les autres et elles fusionnent. Ensuite, elles prétendent avoir créé «X» emplois.
Le gouvernement ferme les yeux, arguant entre autres que les grandes sociétés profitent du consommateur étranger. Elles font des exportations. C'est vrai dans une certaine mesure et cela fait effectivement grimper le prix ici.
Par exemple, il y a concentration dans l'industrie des nitrates, soit de la sorte d'engrais que nous utilisons dans l'Ouest. Nous extrayons la potasse du sol et la vendons à l'Asie du Sud-Est. Auparavant, il y avait une certaine concurrence entre Esso et les coopératives. Actuellement, Sherritt Gordon contrôle presque toute la fabrication de nitrates dans cet énorme ensemble industriel de production de gaz naturel, près d'Edmonton. Il n'y a pour ainsi dire pas de commerce. Elle a partie liée avec les Américains.
Il faudrait que le gouvernement examine cette situation d'un peu plus près. Son obsession pour la création des emplois lui fait oublier ses obligations en vertu de la loi anticoalitions. Nous pouvons le constater dans l'industrie du bois d'oeuvre et dans celle des pâtes et papiers, où la propriété se concentre de plus en plus dans les mains de quelques-uns sans que le gouvernement ne réagisse. Ce sont nos petits producteurs et nos fermiers qui en font les frais.
Je suis sénateur depuis assez peu de temps. Je ne connais pas l'origine de ce processus. Si les emplois sont le but suprême, ne créons pas un millier de nouveaux emplois et n'en perdons pas un millier d'anciens sous prétexte que nous voulons réduire la concurrence.
Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, en ce qui concerne l'équipement, il y a suffisamment de concessionnaires pour que les agriculteurs fassent un choix. En ce qui a trait aux engrais et aux bouillies de pulvérisation, y a-t-il un organisme en particulier qui contrôle ce secteur? Si une ou deux compagnies dominent en théorie toute l'industrie des engrais, vous pouvez alors demander qu'une étude soit faite. Cependant, si c'est l'affaire de 20 compagnies, c'est une autre histoire.
Le sénateur Taylor: Le nitrate est un exemple classique. Je suis sûr qu'il y en a moins que ce que je peux compter sur les doigts d'une main. Lorsque l'on tient compte des volumes, une seule compagnie compte encore.
Le président: Les agriculteurs s'inquiètent du fait qu'ils n'ont pas beaucoup de choix. Lorsque j'ai demandé à un des directeurs d'une compagnie d'engrais jusqu'où ils allaient laisser grimper le prix de cet engrais, il m'a répondu: «Tant que le marché pourra le supporter.» C'est ce qui se passe sur le marché sans l'ombre d'un doute.
Serait-il raisonnable de faire comparaître des représentants du ministère de l'Agriculture? Je crois qu'on devrait le faire de toute façon pour d'autres questions également. Des fonctionnaires d'Agriculture doivent se pencher là-dessus. Je ne peux pas croire qu'ils n'examinent pas tout cet aspect du coût des intrants.
Je vais vous donner un exemple sur lequel je m'interroge en ce qui a trait à la machinerie. J'utiliserai comme exemple John Deere et International. Ces compagnies louent à l'heure actuelle leurs machines aux agriculteurs parce que ceux-ci ne sont pas en mesure de les acheter, surtout les moissonneuses-batteuses adaptées aux besoins dont l'une des meilleures coûte à l'heure actuelle 250 000 $. Les entrepreneurs de moissonnage-battage utilisent huit moissonneuses à la fois. Elles appartiennent à John Deere. Elles n'appartiennent même plus aux agriculteurs.
Nous aurons des agriculteurs qui vivent dans leur ferme alors que d'autres personnes possèdent la machinerie et se chargent du moissonnage. C'est ce qui se passe aux États-Unis depuis longtemps. De nouveaux agriculteurs ne moissonnent même plus leurs propres champs. Certains d'entre eux ne les ensemencent même pas. C'est la même chose dans l'industrie de l'automobile. Les concessionnaires me disent que 75 p. 100 des gens louent leur voiture. J'ai le sentiment qu'ils ne posséderont plus jamais leur propre véhicule. Ils ne seront plus jamais en mesure de réunir le capital nécessaire. Ils devront payer 350 $ par mois tout le reste de leurs jours pour conduire une voiture. En même temps, la société General Motors indiquait dans le Financial Post que ses disponibilités se chiffraient à 15 milliards de dollars. Elle n'a jamais eu autant d'argent.
Je ne veux pas crier à la pauvreté; on critique les agriculteurs parce que nous ne cessons de dénoncer la pauvreté. Cependant, lorsque vous voyez tout ce qui se passe, la situation est grave et aucune limite n'est imposée au prix. En même temps, ces compagnies font d'énormes profits. Il va sans dire que le ministère de l'Agriculture devrait être au courant de ces choses et s'en inquiéter, au même titre que les associations d'agriculteurs et d'autres.
Le sénateur Taylor: J'aurai une attachée de recherche bénévole. Je vais peut-être lui demander d'étudier le marché des engrais.
Le président: Je sais que c'est une préoccupation majeure pour les agriculteurs qui songent à semer au printemps. Ils se demandent où ils obtiendront les fonds pour même ensemencer leurs champs. Le mythe qui veut que nous obtenions des prix très élevés pour le blé est chose du passé. J'ai parlé à un agriculteur américain qui, au début des moissons, livrait son blé dur à 6,50 $ américain. Il obtient maintenant aussi peu que 3 $, ce qui est une chute importante. Je ne suis pas convaincu qu'au Canada nous sommes tout à fait conscients des répercussions que le prix international aura sur nous.
L'autre problème, ce sont les taux de fret, surtout au Manitoba et dans l'est de la Saskatchewan. Je me suis laissé dire qu'ils augmenteront de 300 p. 100. C'est ce que m'a dit le ministre de l'Agriculture du Manitoba lorsque je lui ai parlé.
Le sénateur Spivak: Cela veut dire davantage de porcs au Manitoba.
Le président: Les syndicats du blé des Prairies se lanceront dans la production de millions de porcs en Saskatchewan. Il s'agit de certains des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises.
Le sénateur St. Germain: Le problème, comme l'a dit le sénateur Taylor, c'est que nos législations en matière de coalitions et antitrust ne font peur à personne dans ce pays. Aux États-Unis, si vous y contrevenez, vous vous retrouvez en prison; vous n'entendez jamais parler de chose de ce genre ici. Ce n'est peut-être pas aussi flagrant que la fixation des prix. Les cartels paient souvent un prix élevé aux États-Unis lorsqu'ils contreviennent à la loi. Les directeurs et les présidents de conseils d'administration finissent par verser de fortes amendes et par faire de la prison.
Le président: Je crois fermement qu'en tant que Canadiens, et je parle de la population dans son ensemble et pas seulement de ceux qui sont associés à l'agriculture, nous devons veiller à la solidité de ce secteur. C'est à celui-ci que l'Amérique du Nord doit sa force, tant aux États-Unis qu'au Canada. Si nous négligeons ce secteur, c'est tout le pays en paiera le prix. Le monde entier en paiera le prix. Nos jeunes agriculteurs seront les plus touchés. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Je suis convaincu que vous serez tous d'accord là-dessus.
J'ai déjà dit que notre ministère des Finances et que notre Loi de l'impôt sur le revenu ont été très généreux envers les agriculteurs en leur accordant le transfert libre d'impôt même jusqu'à la troisième génération, une disposition dont ne profitent pas les autres industries. S'il fallait l'abroger ou la modifier, toute l'industrie agricole en souffrirait énormément. Nous devons continuer d'en parler aux autorités, surtout celles des ministères des Finances et du Revenu. Il n'y aurait pas de façon pour les jeunes de rassembler les capitaux dont ils auraient besoin pour racheter une ferme et l'exploiter. Ce sont des questions importantes auxquelles nous ne trouverons pas de réponses du jour au lendemain. Notre comité doit continuer de ramener ces questions devant les autorités et les hauts fonctionnaires des ministères.
Comme quelqu'un l'a dit, nous représentons toutes les régions du pays. Je suis sûr qu'il y a des secteurs de l'agriculture des Maritimes et du Canada tout entier, que je ne comprends pas, l'industrie du sucre en est un exemple, mais nous avons la responsabilité de signaler ces préoccupations au ministère.
En ce qui concerne la fixation des prix, quelqu'un peut-il proposer que nous convoquions les hauts fonctionnaires du ministère de l'Agriculture pour une séance sur le sujet? Nous pourrions commencer là. Y a-t-il une meilleure façon de procéder?
Le sénateur Spivak: Qu'en est-il de l'étude qu'est censé mener le Bureau de la politique de concurrence? On devrait essayer de déterminer à quel sous-comité a été confié cette étude et quel en est le mandat. Est-ce que ce comité relève du ministère de l'Agriculture ou s'agit-il d'un sous-comité fédéral-provincial? Quel conseil des ministres est responsable? Savons-nous quelque chose à ce sujet?
Le président: Je me remets entre les mains du comité.
Le sénateur Spivak: Pourrions-nous au moins déterminer ce qu'est ce sous-comité? Que fait-il? L'a-t-on simplement relégué aux oubliettes? C'est une question importante.
Le sénateur Taylor: Déterminons pour la prochaine réunion s'il y a des études en cours sur les coalitions et nous pourrons partir de là. Nous pouvons prendre une bouchée à la fois.
Le sénateur Spivak: Il serait utile que nous rencontrions les hauts fonctionnaires du ministère avant de nous rendre à Washington de manière à avoir une vue d'ensemble. La semaine prochaine serait opportune, si nous pouvons le faire.
M. Armitage: J'ai appris hier soir que le projet de loi C-60 concernant l'agence unique d'inspection des aliments avait été adopté par la Chambre des communes. Il franchira l'étape de la première lecture au Sénat cet après-midi et nous pourrions probablement l'étudier jeudi prochain, si tel est le désir du Sénat. Nous sommes libres mardi après-midi. Cependant, il se peut que le Sénat siège à ce moment-là. Étant donné la situation au Sénat à l'heure actuelle, il se peut qu'on nous refuse la permission de siéger.
Le président: Vous dites que les hauts fonctionnaires comparaîtront de toute façon; nous pouvons donc poser d'autres questions.
M. Armitage: Cela déborderait du cadre de la réunion.
Le président: Je me remets entre les mains du comité. Nous devrions peut-être reporter l'examen de la fixation des prix après notre visite à Washington et entendre les hauts fonctionnaires au sujet du projet de loi C-60.
Le sénateur Spivak: Dans l'intervalle, je demanderais aux attachés de recherche de se renseigner sur cette étude.
Le président: S'il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour, nous suspendrons nos travaux.
La séance est levée.