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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 20 février 1997

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel est renvoyé le projet de loi C-60, portant création de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments, modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 11 h 11 pour en faire l'examen.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, la séance est ouverte.

Notre premier témoin ce matin est Ronald Doering, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il est directeur exécutif du Bureau des systèmes d'inspection des aliments. Plus tard, nous aurons des témoins de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

Nous commencerons ce matin par M. Doering. Si vous voulez bien commencer.

M. Ronald L. Doering, directeur exécutif, Bureau des systèmes d'inspection des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Je suis heureux de comparaître devant votre comité pour vous donner un bref historique du projet de loi C-60, vous en expliquer les avantages et vous indiquer où nous en sommes.

L'idée de créer une agence unique d'inspection des aliments a été annoncée dans le Budget de 1996. Suite au budget de 1995, dans le cadre de l'examen des programmes, on a constaté qu'à l'époque quatre ministères s'occupaient de l'inspection des aliments. Le ministère de l'Industrie s'occupait de l'inspection des aliments en ce qui concernait les étiquettes et les poids. Le ministère des Pêches avait un programme assez important d'inspection du poisson qui employait plus de 400 personnes. Santé Canada employait entre 300 et 400 employés chargés d'inspecter les aliments dans divers établissements. Enfin, le ministère le plus important, Agriculture et Agroalimentaire Canada, comptait plus de 4 000 personnes chargées d'inspecter divers aspects.

On a finalement annoncé la création d'une nouvelle agence qui serait beaucoup plus rentable et qui permettrait au gouvernement de s'acquitter beaucoup plus efficacement de son double mandat, à savoir améliorer la protection du consommateur et appuyer l'industrie canadienne au chapitre des exportations.

Une fois la décision prise, nous avons procédé en deux étapes. Il y a un an, en juin dernier, nous avons transféré les inspecteurs de Santé Canada au ministère de l'Agriculture, où les employés du ministère de l'Industrie avaient déjà été transférés. En vertu de ce projet de loi, nous sommes en train de regrouper les employés actuels d'Agriculture Canada et ceux du ministère des Pêches, qui formeront ensemble cette nouvelle agence. Cela devrait se faire au début de la nouvelle année, aux alentours du 1er avril.

Essentiellement, sept raisons ont permis de convaincre le gouvernement de prendre cette initiative. Premièrement, il fallait clairement indiquer que l'établissement de normes élevées en matière de santé et de sécurité relevait du gouvernement et devait demeurer la responsabilité du ministre de la Santé, conformément à la tradition. Ce projet de loi ne diminue d'aucune façon le mandat du ministre consistant à établir des normes élevées en matière de santé et de sécurité. La refonte de la politique d'établissement des normes en matière de santé et de sécurité a permis au groupe d'inspection d'être un organisme pas vraiment autonome mais plutôt semi-autonome qui pourra, comme nous l'avons dit, être un peu plus efficace et agir selon des principes un peu plus commerciaux, capable de faire les choses légèrement différemment pour servir l'industrie.

La deuxième raison pour laquelle on a décidé de créer l'agence, c'est à cause de ce qu'à Ottawa on appelle un problème horizontal de longue date, à savoir que la même fonction était exercée par quatre ministères différents. De l'avis de l'industrie, des provinces et des nombreuses personnes qui ont comparu devant nous au cours de nos neuf mois de consultations, la collaboration entre ces quatre ministères laissait à désirer. On a constaté qu'ils avaient plutôt tendance à vouloir protéger leur territoire. Pour remédier à cette situation, quatre études ont été faites au cours des 25 dernières années, qui ont toutes recommandé certains changements organisationnels, dont entre autres la création d'une agence unique.

C'est entre autres le rapport de 1994 du vérificateur général qui a motivé cette décision. Tout en indiquant, comme nous tous, que le système d'alimentation au Canada est sûr, dans l'ensemble, le rapport du vérificateur général a signalé un certain nombre de problèmes au niveau des responsabilités des quatre ministères et l'incapacité du gouvernement fédéral d'y mettre de l'ordre. Selon le vérificateur général, cette situation risquait de compromettre notre compétitivité sur les marchés internationaux, compte tenu de l'évolution de la structure concurrentielle. L'absence de responsabilités clairement définies risquait également de nuire à la salubrité des aliments. Le rapport du vérificateur général était donc très critique, et c'est ce qui a incité entre autres le gouvernement à agir.

Lors de mon bref entretien avec le sénateur Anderson avant le début de la séance, elle m'a indiqué espérer que les mesures que nous prendrions ne compromettraient pas la salubrité des aliments. Je répondrais qu'aucune disposition du projet de loi ne compromettra la salubrité des aliments. L'agence améliorera la salubrité grâce, surtout, à une meilleure collaboration avec l'initiative fédérale-provinciale de longue date. Je ne m'attarderai pas sur cet aspect mais les responsabilités aux niveaux municipal, provincial et fédéral en matière d'inspection des aliments sont très complexe au point d'en paraître loufoques.

Il existe une initiative fédérale-provinciale qui regroupe des spécialistes techniques de niveau intermédiaire qui tâchent de démêler cette prolifération de responsabilités et de compétences et cette fragmentation. Il s'agit du Système canadien d'inspection des aliments. J'en suis le coprésident fédéral. L'un de mes coprésidents, qui représente les intérêts provinciaux en matière de santé, vient de la Colombie-Britannique, et un autre, qui représente les intérêts provinciaux en matière d'agriculture, vient du Manitoba. Il s'agit de John Taylor.

Lorsque nous nous réunirons à nouveau la semaine prochaine, nous serons 38 autour de la table. Chacune des provinces a délégué un représentant des secteurs de l'environnement, de la santé et de l'agriculture. En Colombie-Britannique, le ministère de l'Agriculture ne s'occupe pas du tout de l'inspection des aliments; cette tâche relève du ministère de la Santé. Tous ces gens seront représentés autour de la table.

En ce qui concerne le gouvernement fédéral, désormais nous aurons un point de contact unique. Il ne fait aucun doute que la difficulté d'établir un système organisé parmi les provinces et le gouvernement fédéral représente le plus grand risque pour la salubrité des aliments au Canada.

Si vous visitiez un établissement immatriculé au fédéral, comme un établissement de traitement des viandes, vous constateriez qu'un vétérinaire fédéral est constamment présent au poste d'abattage. Des inspecteurs chevronnés inspectent la viande, carcasse par carcasse. Vous seriez impressionnés. Dans les établissements fédéraux, les risques au niveau de la salubrité des aliments sont extrêmement rares.

Par contre, il existe de nombreux établissements provinciaux qui n'ont pas d'immatriculation fédérale. Dans certains cas, et c'est un problème qui risque de s'aggraver par suite des contraintes financières que connaissent les provinces, on ne fait pas d'inspection ou alors elle est faite selon des normes différentes. Si le gouvernement fédéral mettait de l'ordre dans ses affaires, nous pourrions travailler plus efficacement avec les provinces.

Le sénateur Anderson: Que signifie l'acronyme anglais CFIS?

M. Doering: Il s'agit du Canadian Food Inspection System, ou Système canadien d'inspection des aliments.

Le sénateur Anderson: Est-ce l'organisme qui va être créé?

M. Doering: Non. Je m'excuse de la confusion. Le système actuel, dont je suis maintenant le coprésident, comme je l'ai indiqué plus tôt, s'appelle le Système canadien d'inspection des aliments. À l'occasion des diverses réunions que nous avons eues au fil des ans, les provinces ont indiqué: «Notre grand problème, c'est que nous assistons à ces réunions et Santé Canada dit une chose tandis qu'Agriculture Canada en dit une autre. Le ministère des Pêches ne veut pas participer parce qu'il a un autre point de vue». Les provinces sont très critiques à l'endroit du gouvernement fédéral, en ce qui concerne ce type de fragmentation. En fait, le comité du Système canadien d'inspection des aliments fait partie de ceux qui ont incité le gouvernement fédéral à mettre sur pied cette agence en lui disant: «Il est temps de vous organiser. Établissez un guichet unique pour l'industrie et un guichet unique pour les provinces.» C'est donc ce que nous avons fait.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui sera constituée en vertu du projet de loi C-60, permettra d'améliorer cette initiative fédérale-provinciale. Même si cela est rare de nos jours, nous pouvons affirmer que toutes les provinces sont favorables à cette initiative, y compris la province de Québec qui nous assure sa pleine participation. Lors de notre prochaine assemblée plénière qui doit avoir lieu à Toronto la semaine prochaine, chaque province sera représentée. Elles sont toutes satisfaites de constater que le gouvernement fédéral est enfin en train de s'organiser, comme elles l'avaient demandé par le passé.

La quatrième raison pour laquelle cette initiative a été prise, c'est qu'elle améliorera considérablement la prestation des services. Désormais, nous aurons un point de contact unique pour l'industrie. Le seul employé fédéral qui se présentera à un établissement de traitement des viandes, de la pomme de terre ou des produits laitiers sera un employé de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments. Par le passé, différents inspecteurs se présentaient à différents moments, ce qui a causé des problèmes et a incité l'industrie à déclarer: «Vous pouvez certainement faire mieux.» La situation a été particulièrement critique ces dernières années lorsque le gouvernement a cherché à récupérer une partie des coûts auprès de l'industrie. C'est pourquoi on tient d'autant plus à ce que nous améliorions notre efficacité.

Grâce à cette mesure, je suis heureux et fier d'indiquer, même s'il est tout aussi rare qu'un important changement de politique reçoive l'appui unanime de toutes les provinces, que nous avons également reçu l'appui unanime de l'industrie. Je ne connais aucun membre important de l'industrie qui ne soit favorable à l'initiative que vient de prendre le gouvernement fédéral.

Voici les trois dernières raisons qui ont motivé la création de l'agence: éliminer le double emploi et les chevauchements et n'avoir qu'un seul organisme qui relève d'un ministre au lieu de quatre ministères qui relèvent de quatre ministres. On prévoit ainsi réaliser des économies annuelles, à compter de l'année prochaine, de 44 millions de dollars. Nous devons économiser cette somme parce que le Conseil du Trésor nous a déjà retiré ce montant. Par conséquent, nous commencerons sans doute à réaliser des économies de 44 millions de dollars dès 1998-1999. Nous n'aurons plus désormais quatre séries de frais généraux d'administration, etc.

Puis, il y a l'aspect bureaucratique. Cette mesure permet d'éliminer les contraintes du système ministériel. Les ministères qui ont été mis sur pied il y a des années avaient pour mission de fournir des services aux Canadiens. Dans l'ensemble, il s'agissait de services assez courants. Une multitude de règles et de règlements crée de réelles contraintes pour les fonctionnaires, tandis que cette agence, par bien des aspects de son travail, fonctionne davantage comme une entreprise commerciale. Elle enregistrera des recettes de plus de 50 millions de dollars dès qu'elle ouvrira ses portes. Elle pourra utiliser cet argent de façon plus efficace et efficiente. Le projet de loi prévoit une grande marge de manoeuvre qui nous permettra de faire du meilleur travail au cours des prochaines années.

Quant au dernier point, nous l'avons ajouté seulement à mi-chemin du processus: la création de cette agence comporte un avantage psychologique puisqu'elle suscite beaucoup d'enthousiasme. Près de 5 000 employés de quatre ministères fédéraux seront transférés à cette agence. Quelqu'un m'a dit la semaine dernière que l'inspection des aliments pourrait redevenir un travail amusant et qu'il serait intéressant d'envisager des moyens de devenir le meilleur organisme d'inspection des aliments au monde. Le Canada sera le premier pays doté d'un organisme unique chargé d'inspecter l'ensemble des produits. Bien des pays nous observent et en fait nous envient.

Sénateurs, voilà les sept raisons pour lesquelles cette initiative a été prise.

J'aborderai maintenant la question de la responsabilité. Vous vous souviendrez sans doute des graves problèmes qu'a connus le Royaume-Uni avec la maladie de la vache folle. Il existe également dans divers pays un grave problème d'intoxication alimentaire causée par les salmonella. Les États-Unis sont aux prises avec le très grave problème de la maladie du hamburger, c'est-à-dire un problème de contamination par la bactérie 0157 E-coli. Bien des gens considèrent que ces crises alimentaires sont causées en partie par l'absence de responsabilités clairement définies: qui est responsable de ce genre de situation? Dans notre cas, il y aura un seul ministre responsable pour l'agence. Il s'agira du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Cette initiative est le résultat d'un amendement apporté par vos collègues de l'autre endroit, les membres du comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Il y aura un comité consultatif ministériel à qui seront confiés des pouvoirs importants qui lui permettront de représenter l'industrie et les consommateurs. En feront partie des groupes de consommateurs, du secteur de la santé, des professionnels de la santé, des spécialistes en nutrition et des représentants de l'industrie qui seront chargés de conseiller le ministre dans l'exercice de cette fonction.

Nous tenions entre autres absolument à nous assurer de ne pas créer d'autres dédoublements ou chevauchements de fonctions. C'est pourquoi nous avons défini clairement les responsabilités. Elles seront énoncées dans un protocole d'entente pour éviter toute confusion. En cas d'épidémie dans une collectivité, nous saurons exactement qui doit s'en occuper. Par conséquent, il n'y aura aucune confusion, ni aucun risque que la responsabilité soit refilée à d'autres.

Je suis heureux de dire que ce projet de loi améliore l'obligation de rendre compte au Parlement. Plusieurs hauts fonctionnaires du Bureau du vérificateur général sont ici aujourd'hui. Ils ont été avec nous dès le début. Bien entendu, le vérificateur général est votre mandataire en ce qui concerne ces questions. Son ministère est très enthousiaste de constater que nous avons inclus dans ce projet de loi de nouvelles dispositions relatives à l'obligation de rendre compte et un nouveau rôle pour le vérificateur général permettant d'améliorer la façon dont le Parlement surveille notre travail.

Pour ce qui est de l'aspect financier, je vous indiquerai simplement que l'agence disposera d'environ 300 millions de dollars et récupérera environ 50 millions de dollars auprès de l'industrie. Nous avons clairement indiqué que nous ne prévoyons aucune augmentation du recouvrement des coûts au cours des prochaines années. Cela a été un grand problème à l'Île-du-Prince-Édouard, sénateur Anderson, en ce qui concerne la pomme de terre et nous sommes en train de nous en occuper sérieusement. Plusieurs autres questions ont été soulevées dans le cadre du recouvrement des coûts mais le ministre Goodale a annoncé qu'il ne prévoyait aucune nouvelle initiative de recouvrement des coûts jusqu'à la fin de l'an 2000. Lorsque nous avons demandé l'approbation du Cabinet et du Parlement, tout le monde a convenu que nous ne devrions pas avoir à réaliser des économies la première année. Nous devons nous établir solidement. Nous ne voulons pas compromettre la protection du consommateur, ni la salubrité des aliments.

C'est uniquement au cours de la deuxième année, soit en 1998-1999, que nous devrons économiser ce montant. Nous sommes sûrs d'y parvenir. Les économies qui ont été établies n'ont aucun lien avec un recouvrement supplémentaire des coûts.

L'un des aspects les plus controversés du projet de loi sur le plan des ressources humaines, c'est qu'au cours de la première année de fonctionnement de l'agence, son statut sera identique à son statut actuel. Tous ses employés sont des fonctionnaires. Nous relevons tous du régime de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, une situation qui se poursuivra indéfiniment.

Il existe toutefois une disposition en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, qui prévoit que l'employeur est le Conseil du Trésor et que la dotation sera effectuée par la Commission de la fonction publique.

Pour améliorer notre efficacité et nous permettre de mieux faire notre travail, un fonctionnaire, spécialiste en ressources humaines, procédera à une analyse en profondeur. Il examinera les dispositions actuelles en matière de ressources humaines au gouvernement fédéral, qui remontent à 25 ans. Ces dispositions ne nous conviennent plus. Je vous en donnerai un exemple. Un fonctionnaire travaille sept heures et demie par jour. Le nombre d'heures de travail à un établissement de traitement des viandes est de hui. Il faut donc payer à chacun une demi-heure de temps supplémentaire. Modifier l'ensemble du système des ressources humaines pour prévoir une convention collective distincte qui permet ce genre de choses ne semblerait pas impossible. Je suis sûr que ça ne l'est pas. Cependant, le fait que ce soit difficile indique que la situation existe depuis des années sans avoir été changée. C'est une source permanente d'exaspération comme l'ont indiqué de nombreuses personnes.

En tant qu'employeur distinct, l'agence ne sera plus assujettie à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique au terme de sa première année de fonctionnement. Nous aurons notre propre régime de dotation et pourrons faire preuve d'un peu plus de souplesse au plan de l'embauche et des ententes conclues avec nos employés.

Il s'agit d'une question plutôt controversée, ainsi que vous le diront sans doute plus tard ce matin les représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Ce n'est pas quelque chose de vraiment nouveau. Nous ne sommes pas le premier employeur distinct. Il y en a déjà 20. Actuellement, plus de la moitié de la fonction publique est libérée de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

En tant qu'avocat, je me suis occupé de réorganisation dans divers secteurs du gouvernement au fil des ans. Je peux vous dire que les spécialistes en ressources humaines, ceux qui ont travaillé toute leur vie au sein du gouvernement fédéral, sont unanimes pour dire que si vous avez l'occasion d'être votre propre employeur, d'avoir un régime adapté à vos besoins et d'atteindre vos objectifs, vous devriez en profiter. Les conseils de notre groupe sont unanimes à cet égard.

En ce qui concerne les ressources humaines, il s'est avéré qu'en 1993, lorsque le gouvernement fédéral a entrepris tout un éventail de changements législatifs, une erreur est apparue au sujet de la protection des employés distincts en cas de renvoi pour des raisons non disciplinaires. Les représentants de l'IPFPC ont présenté un argument implacable au comité permanent de la Chambre de communes pour s'assurer qu'une procédure de recours serait prévue en cas de suspension.

Le ministre Goodale a donc écrit à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour indiquer qu'après avoir débattu de cette question avec ses collègues, il avait l'intention de réparer cette erreur technique. À l'heure actuelle, un décret à cet effet est en voie de rédaction. Nous souhaitons qu'il soit en place au moment où l'agence deviendra opérationnelle, c'est-à-dire le 1er avril, nous l'espérons.

La dimension fédérale-provinciale est importante à nos yeux. Nous devons arriver à de meilleurs résultats en ce qui concerne nos relations avec les provinces. Les provinces sont enthousiasmées de voir que plusieurs dispositions de ce projet de loi nous permettront de travailler mieux et plus étroitement avec elles. Je vais vous donner deux ou trois exemples à cet égard.

Selon les dispositions du projet de loi, l'agence sera en mesure d'embaucher un vétérinaire du secteur privé dans une région éloignée, s'il n'apparaît pas logique d'envoyer un vétérinaire à plein temps du gouvernement fédéral dans cet endroit. Pour l'instant, ce n'est pas possible. Déléguer un tel pouvoir à un vétérinaire du secteur privé pose de gros problèmes. Dans la même veine, cela ne veut pas dire que l'on procéderait souvent de la sorte. Il est en fait moins coûteux de faire faire le travail par l'entremise de la fonction publique; toutefois, il y a des cas où cela pourrait faciliter les choses.

Le projet de loi nous permet de déléguer des pouvoirs aux fonctionnaires provinciaux et fédéraux. Au Manitoba, l'inspection des viandes se fait la plupart du temps par contrats accordés par le gouvernement fédéral, ainsi que par les vétérinaires et les inspecteurs des viandes d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il est moins coûteux de leur confier ce travail. Nous espérons que les inspections se feront en fonction de ce qui est logique plutôt qu'en fonction d'une interprétation étroite de la Constitution.

La création d'une société fédérale-provinciale est quelque chose d'inédit. Les gouvernements fédéral et provinciaux pourraient détenir des actions dans cette société. Le conseil d'administration pourrait se composer de représentants provinciaux et fédéraux. Cette société pourrait assurer des services d'inspection et de mise en quarantaine d'une manière dont elle ne peut pas s'y prendre actuellement. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral ne peut pas transférer sa compétence directement à une province ou vice-versa. C'est une autre raison pour laquelle les provinces sont tellement en faveur de cette initiative.

Il est important de noter que les ministres fédéraux et provinciaux continuent d'être responsables au plan législatif. Nous ne changeons ni les compétences, ni la Constitution. Nous essayons de trouver un moyen administratif de faire un meilleur travail.

Ainsi se terminent les remarques générales que je voulais faire, mesdames et messieurs les sénateurs. Ce projet de loi est important; toutefois, il n'est pas aussi compliqué qu'il ne paraît.

La Loi sur l'inspection des viandes, la Loi sur les produits agricoles au Canada et la Loi sur l'inspection du poisson restent en place. Nous n'avons pas eu le temps de fusionner ces mesures législatives en un seul projet de loi sur les aliments, même si nous souhaitons le faire à l'avenir.

D'un point de vue des ressources humaines de la fonction publique, toutes les personnes qui travaillent actuellement pour le gouvernement dans les quatre ministères visés auront une offre d'emploi de la nouvelle agence. Elles auront une garantie d'emploi de deux ans si elles acceptent cette offre.

La plupart des travailleurs de première ligne sont fort enthousiastes, car ils pensent que cette mesure leur offre une belle occasion sans pour autant diminuer de manière significative la sécurité d'emploi dont ils jouissent. Ils restent des fonctionnaires au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Le président: Merci pour votre exposé, monsieur Doering.

Lorsque j'étais député de Gainsborough, en Saskatchewan, je me suis occupé du cas d'un boucher qui essayait de vendre des quartiers de boeuf de la Saskatchewan au Manitoba. Il ne pouvait pas le faire, parce que son installation de répondait pas aux exigences de la province du Manitoba. Elle exigeait un bâtiment en briques, alors que le sien était construit de bois d'oeuvre et d'acier. Il ne pouvait donc pas vendre son boeuf au Manitoba. Nous nous sommes adressés à divers ministères, mais il n'a jamais pu vendre sa viande aux acheteurs du Manitoba.

Comment allez-vous régler pareilles situations d'une province à l'autre? Le gouvernement fédéral a-t-il le pouvoir de dire au Manitoba, à la Saskatchewan ou à n'importe quelle province: «Organisez-vous, ne poussez pas ce petit producteur à la faillite, sous prétexte qu'il doit respecter une série de règlements en vigueur dans une autre province»?

M. Doering: Monsieur le président, compte tenu des dispositions en matière de commerce de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, tout produit qui traverse des frontières provinciales ou qui est exporté relève de la compétence fédérale. Les viandes sont assujetties à la Loi sur l'inspection des viandes. Si vous voulez vendre vos viandes d'une province à l'autre ou à l'extérieur du Canada, votre installation de traitement des viandes doit être immatriculée au fédéral. Vous devez avoir un numéro fédéral. Pour conserver cette immatriculation, vous devez respecter une certaine norme d'inspection. Cette norme comprend des normes de construction. Vous avez besoin de murs qui ne sont pas perméables de manière que le sang ne s'y infiltre pas. Vous avez besoin d'un drain de quatre pouces. Si vous voulez être immatriculé au fédéral, vous devez respecter certaines règles qui précisent ces exigences.

À notre époque, il est question d'union économique. Vous aimeriez sûrement pouvoir faire passer des viandes de la Saskatchewan au Manitoba, si tel est votre désir, n'est-ce pas? Ne s'agit-il pas d'un obstacle au commerce? La réponse est oui. J'espère que nous serons en mesure de résoudre ce problème sous peu, mais ce n'est pas pour rien qu'il se pose.

Serait-il juste qu'un produit puisse passer d'une province où les normes d'inspection sont relativement élevées à une province où les normes d'inspections sont relativement basses? Les gens ne manqueraient pas de dire: «Nous voulons savoir d'où vient cette viande.»

Ironiquement, dans ce cas et dans le cas de la Saskatchewan, le système en place est volontaire pour ce qui est des viandes à l'intérieur de la province. Vous pourriez avoir un abattoir ou une installation de transformation des viandes en Saskatchewan; tant que les viandes ne sortent pas de la Saskatchewan, vous n'êtes pas assujettis à une inspection régulière. Cela est considéré comme un problème de santé et de sécurité, mais aussi comme un problème commercial important.

En vertu des règles de l'ALÉNA et de l'Organisation mondiale du commerce, vous ne pouvez pas empêcher un produit d'entrer dans une province. Par exemple, on ne peut pas imposer une norme plus élevée pour les viandes qui entrent au Manitoba. On ne peut pas leur accorder un traitement moins favorable.

Selon la définition actuelle du traitement national, si vous faites passer un produit de la Saskatchewan au Manitoba, la norme adoptée devient celle en vigueur au Manitoba. Si vous vous apercevez que les viandes viennent du Tennessee et du Kentucky, il faut que ces États indiquent leurs normes d'inspection. Le fédéral a un véritable rôle à jouer à cet égard et devrait dire: «Non, nous n'autorisons pas l'importation d'un produit au Canada selon ces nouvelles normes d'importation». Ces normes présenteraient un grave risque sanitaire pour les Canadiens. La meilleure façon de surmonter le problème que vous avez décrit, monsieur le sénateur, consisterait à avoir des normes nationales auxquelles souscriraient les provinces et le gouvernement fédéral. Pourquoi ne pas harmoniser les normes? De cette façon, les viandes pourraient circuler d'une province à l'autre et personne n'aurait d'inquiétude à ce sujet.

Pour répondre à une question posée plus tôt par le sénateur Anderson, je dirais qu'un groupe présidé par le médecin hygiéniste du service de santé publique de la Nouvelle-Écosse et un autre groupe important représentant des vétérinaires et des spécialistes en science alimentaire sont sur le point de présenter un règlement national sur les viandes. Si ce règlement est adopté par toutes les provinces, les produits pourront alors circuler beaucoup plus facilement, tout comme vous l'avez dit.

Pour l'instant, cette question est fort complexe. Certaines provinces ne sont pas d'accord, tout comme certains gros établissements de traitement des viandes. Ils paient énormément d'argent pour que leur grosse installation soit immatriculée au fédéral et ne veulent pas que ceux qui n'ont pas à respecter ces normes produisent des viandes à une norme moins élevée.

Ce n'est pas à moi de dire que le problème est complexe. Toutefois, je pense que nous avons fait des progrès au cours de l'année quant à la résolution du problème que vous décrivez.

Le président: Il sera important pour le Canada, économiquement parlant, de faire des échanges d'une province à l'autre. Nous parlons de libre-échange, de commerce international et mondial et pourtant nous n'avons pas instauré le libre-échange entre nos provinces. Je pense qu'il serait fort important de commencer par régler cette question.

Ayant été éleveur de bétail -- et mes fils le sont toujours, ils élèvent du bétail exotique qu'ils importent aux États-Unis -- nous savons tous, bien qu'il soit difficile de le faire admettre par les ministères, qu'il arrive de temps à autre que les États-Unis craignent tel ou tel problème en particulier. Cela devient alors un problème de santé, alors que c'est loin d'en être un. Les Américains veulent tout simplement retarder le mouvement de certaines têtes de bétail ou autres choses. Il peut s'agir d'abeilles et de miel, comme cela a été le cas il y a trois ou quatre ans.

À mon avis, il s'agit davantage d'un problème politique que d'un problème de santé. Je pense qu'il sera important d'aplanir ces difficultés pour faciliter le commerce interprovincial, ainsi que le commerce international.

M. Doering: Je suis complètement d'accord avec vous, monsieur le sénateur.

Le président: Les chiffres de la disposition de temporisation me posent un certain problème. Vous dites qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois. En fusionnant quatre ministères, il y aura nécessairement chevauchement d'emplois. Y a-t-il une disposition de temporisation pour ces employés, ou allez-vous les éliminer progressivement par l'attrition ou par d'autres façons?

Vous avez parlé de deux ans. Deux ans représentent peu de temps dans toute une vie.

Je suis Conservateur; notre gouvernement a toujours souligné l'importance qu'il accordait aux emplois. Le gouvernement actuel fait de même. Nous sommes tous d'accord sur un point: il semble qu'il y aura moins d'emplois dans notre société et ce, pour diverses raisons. C'est une grande source de préoccupation.

Aujourd'hui, les travailleurs n'ont pas confiance dans le pays, car ils ne croient pas qu'ils pourront jouir de la sécurité de l'emploi. C'est une situation très grave, non seulement dans ce domaine, mais aussi dans de nombreux autres. C'est ce qui va prédominer ici.

M. Doering: Point positif en ce qui concerne l'inspection des aliments au niveau fédéral, c'est qu'aucune province ne pense que le gouvernement fédéral ne devrait céder la place dans ce domaine. Aucune province ne prône la décentralisation. Le nombre des employés ne diminuera pas de façon importante, puisque nous transmettons en quelque sorte ces fonctions aux provinces. Les provinces veulent que nous procédions de la sorte pour des raisons de commerce d'exportation et des raisons de coûts. Il n'y a pas de mouvement en faveur de la décentralisation, ce qui contribue à maintenir des emplois fédéraux.

En ce qui concerne la déréglementation, personne ne propose un rôle moins important pour le gouvernement fédéral. C'est un domaine dans lequel le gouvernement crée des emplois de deux façons différentes. Premièrement, il y a un nombre assez important d'emplois fédéraux dans ce domaine. Toutefois, le fait est que l'industrie, le secteur privé, tiennent à ce que le gouvernement fédéral continue à jouer son rôle. Si vous voulez vendre votre produit à l'étranger, il faut qu'il soit approuvé par le Canada. Nous devons dire que c'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous sommes les meilleurs au monde et vous avez notre approbation. Nous pouvons prouver que nos normes sont équivalentes aux leurs en matière de contrôle phytosanitaire, puisque nous sommes exempts de maladie et pouvons le prouver. Le Canada a bonne réputation à cet égard.

Comme vous le savez, le blé canadien a été l'un des premiers produits dont l'inspection s'est faite par moyen informatique. Par ailleurs, tous les produits provenaient du conseil des viandes et du conseil avicole. Tous ces grands groupes industriels ont dit: «Quoi que vous fassiez, ne laissez pas partir le gouvernement fédéral, car nous voulons des inspecteurs fédéraux.» Nous ne nous attendons pas à ce qu'il y ait une diminution importante du nombre d'inspecteurs des aliments au niveau fédéral.

En ce qui concerne le chevauchement et le double emploi, un nombre assez élevé de fonctionnaires fédéraux sont partis par suite des compressions d'effectifs effectuées ces deux dernières années. Tout le monde va avoir la garantie d'un emploi pendant deux ans. Toutefois, cela ne veut pas dire que certains ne partiront pas. Vous pouvez très bien avoir une garantie d'emploi de deux ans, mais si vous voulez partir, vous devenez admissible aux dispositions du PERA ou du PDA.

Un des points positifs pour nous dans ce domaine, c'est que l'âge moyen des inspecteurs d'aliments est de 52 ans. Il y a davantage de fonctionnaires qui souhaitent partir que de fonctionnaires que nous sommes prêts à laisser partir.

Même dans deux ans, il n'y aura pas beaucoup d'avis de congédiement. En fait, si nous arrivons à bien fonctionner avec les provinces et à offrir de nouvelles possibilités, nous pourrions avoir plus d'employés -- non pas moins -- dans ce domaine. Toutefois, nous serions plus efficaces.

Le sénateur Anderson: Je dois avouer que l'on m'a remis ces documents juste avant que je n'arrive au comité. Je n'ai pas vraiment eu le temps de les lire. Pourriez-vous revenir à la justification de la création de l'Agence?

Vous avez démarré assez rapidement. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par: «différencie les fonctions, diriger par rapport à exécuter, permet une méthode plus axée sur les principes commerciaux et clarifie la responsabilisation.» Veuillez m'expliquer ce que cela veut dire.

M. Doering: Veuillez m'excuser, madame le sénateur.

A la fin des années 80 et au début des années 90, les gouvernements de tous les pays occidentaux se sont posé la question suivante: quel rôle le gouvernement doit-il jouer? Nous ne pouvons pas nous permettre le même degré d'intervention dans l'avenir. C'est ce qui nous a causé bien des problèmes fiscaux. Nous devons déterminer ce qu'il est essentiel pour le gouvernement de faire et continuer à le faire. On ne peut rien changer à cet égard.

Cet autoexamen a fait dire à divers politicologues, entre autres, qu'il serait utile de faire une distinction entre les deux fonctions du gouvernement, celle qui consiste à diriger -- soit à énoncer les règles -- et celle qui consiste à exécuter, moins essentielle. Si vous ne faites que diriger, énoncer des politiques, vous ne pouvez pas déléguer cette fonction à un autre organe qui serait ni plus, ni moins qu'une agence sans lien de dépendance. Par contre, si vous faites un peu plus d'exécution, vous pouvez la confier à d'autres.

Gaebler et d'autres ont parlé de différencier la fonction de direction, que le gouvernement ne pourra jamais céder, de la fonction d'exécution dont il pourrait s'acquitter différemment. Ainsi, dans le cas qui nous occupe, nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions confier l'inspection des aliments à une agence indépendante. Ce n'est pas le genre d'organisme que nous établissons ici. Au début, on croyait pouvoir le faire. Toutefois, on s'est rendu compte que pareil organisme était impensable en raison de notre obligation de rendre des comptes. On ne pouvait pas dire: «Il y a aura un ministre et un président qui dirigeront tout, comme une société d'État». Ce n'est pas une société d'État.

Plus nous écoutions ce qu'avaient à nous dire les Canadiens, plus il devenait évident que nul n'accepterait qu'un ministre puisse dire à quelqu'un dont la fille était morte de la maladie du hamburger la semaine précédente, que ce n'est pas à lui qu'il faut s'adresser, mais au président de l'agence. Le ministre sera tenu responsable de ce genre de drame. La sécurité des aliments est trop importante. Par conséquent, il faut que ce soit le gouvernement qui énonce les règles en la matière.

Par contre, si nous pouvions concevoir un organisme plus opérationnel disposant d'une certaine marge de manoeuvre, il pourrait peut-être faire un meilleur travail d'exécution. Par exemple, l'organisme pourrait le faire mieux et meilleur marché peut-être que le gouvernement, s'il disposait de la marge de manoeuvre voulue sur le plan des ressources financières et humaines.

Nous pouvons aussi prendre comme autre exemple les ministères qui, s'ils économisent de l'argent durant un exercice, ne peuvent en reporter qu'une faible partie à l'exercice suivant. Cependant, l'agence, elle, peut reporter tout le montant, ce qui crée le dilemme dont vous avez entendu parler, soit que les ministères se dépêchent de dépenser tout leur argent durant les dernières semaines de l'exercice parce qu'ils ne peuvent pas le reporter. L'agence pourra reporter le plein montant, ce qui lui permettra d'exécuter son activité davantage à la manière d'une entreprise. Il y a donc là une distinction.

Il y en a une autre. De toute évidence, Santé Canada est l'organisme qui établit les normes. De fait, le ministère fera une vérification en vue de s'assurer que l'agence fait bien son travail. Bien que nous jouissions d'une certaine souplesse que n'ont pas les ministères, nous avons néanmoins tout autant de comptes à rendre, si ce n'est plus, parce que nous sommes soumis à une vérification. Ces dispositions ont été prévues pour éviter que l'industrie ne puisse, par exemple, mettre l'agence dans sa poche. Les consommateurs canadiens ne souhaitent pas que l'agence se contente d'inspecter les aliments pour l'industrie. Fait intéressant, l'industrie non plus. Elle sait que sa compétitivité repose sur la crédibilité du système d'inspection des aliments. La raison pour laquelle les produits alimentaires canadiens se vendent si bien presque partout dans le monde est l'intégrité de ce système.

Le sénateur Anderson: En mai 1995, le gouvernement a créé le Bureau des systèmes d'inspection des aliments. Je crois savoir, monsieur, que vous en êtes le directeur exécutif. Qu'adviendra-t-il de ce bureau? Est-il appelé à disparaître?

M. Doering: Il disparaîtra, et nous perdrons nos emplois.

Je m'explique. Le gouvernement était frustré depuis 25 ans. Il demandait depuis longtemps à quatre ministères de s'entendre entre eux parce qu'il était inconcevable que les quatre fassent de l'inspection d'aliments. Les ministères avaient toujours de bonnes raisons pour expliquer pourquoi il en était ainsi. Il fallait protéger l'industrie de la pêche, et il fallait donc le faire séparément. C'était la même chose pour la mise en quarantaine, les vétérinaires d'Agriculture, et cetera. Le gouvernement a donc importé de l'extérieur un sous-ministre adjoint qui n'était pas à l'emploi de ces quatre ministères. Il lui a détaché des fonctionnaires pour examiner l'idée de créer une agence. C'est ce que nous avons fait durant la première année, et nous avons conclu que l'idée d'une agence était valable. De fait, les ministères se sont aussi rangés à cet avis. C'est nous qui devions la mettre sur pied.

Cela signifiait que je n'avais pas à m'inquiéter du système d'inspection des aliments du ministère de l'Agriculture pendant que nous mettions sur pied cette agence et que nous préparions le texte législatif. C'est tout ce dont nous avions à nous préoccuper. Tous les fonctionnaires qui m'ont été prêtés venaient d'autres ministères. La mesure n'a rien coûté en réalité. Beaucoup d'entre eux m'accompagnent aujourd'hui. Je suis désolé que vous n'ayez pas eu la chance de les rencontrer. Si vous me posez une question à laquelle je ne puis répondre, je demanderai à l'un d'entre eux, si ce n'est à tous, de venir à la barre.

Ainsi, on nous a détaché un employé du Bureau du vérificateur général qui était un des auteurs du rapport si critique. Les gens ont néanmoins été impressionnés par sa maîtrise du dossier. Le Conseil du Trésor nous a aussi prêté un de ses hauts fonctionnaires à temps plein. Enfin, notre groupe comprend des représentants de l'Agriculture et de Santé Canada.

Nous avons réuni une équipe enthousiasmée à l'idée de créer une nouvelle agence. Lorsque cette agence verra le jour, certains iront y travailler, mais bon nombre se contenteront de retourner dans leurs ministères d'attache.

Le sénateur Rossiter: Monsieur Doering, vous avez dit que vous aviez commencé à accueillir des gens en 1995, lorsqu'on mettait sur pied une partie du groupe d'inspection, mais ce n'est pas le cas. Ils vous ont été prêtés dans le cadre du groupe chargé des systèmes, n'est-ce-pas?

M. Doering: Vous avez raison.

Le sénateur Rossiter: Vous prévoyez que l'agence entrera en fonction le 1er avril 1997, soit très bientôt. Je suppose que vous avez préparé un plan d'entreprise établissant les recettes et les dépenses et ainsi de suite prévues pour les deux ou trois prochaines années au moins. Pourrions-nous le voir?

M. Doering: Certainement. L'agence est tenue de déposer son plan d'entreprise au plut tôt après sa création qui, je présume, aura lieu cet été. Nous avons déjà entamé l'ébauche du plan.

Voici comment on prévoit financer l'agence durant la première année. Tous les crédits qui sont actuellement dépensés par la direction de l'inspection des aliments d'Agriculture Canada, par l'ancien groupe d'inspection de Santé Canada et par le service d'inspection du poisson, de même que les 400 fonctionnaires environ du ministère des Pêches, iront à l'agence pour la première année. Il n'y a pas de nouveaux crédits pour cette année-là. C'est une année de transition. Nous obtiendrons tous ces crédits et ces fonctionnaires. Par contre, plutôt que de travailler en trois ou quatre endroits différents, ils seront réunis sous un même toit.

Le plan d'entreprise des années subséquentes sera déposé au Parlement en juin ou en septembre. Il portera sur une période de trois ou de cinq ans, y compris sur la méthode de financement après la première année. Nous pourrions certes vous fournir tous ces documents.

Le sénateur Rossiter: Nous aimerions bien les obtenir.

Les frais d'utilisation préoccupent beaucoup certaines personnes. Quel pourcentage des recettes de l'agence viendra des frais d'utilisation?

M. Doering: Selon la méthode de calcul adoptée, il varie entre 10 et 15 p. 100 environ, selon le produit alimentaire. Tout dépend essentiellement des numérateurs et des dénominateurs que vous utilisez et du programme.

Pour illustrer mon propos, disons que le programme d'inspection des viandes coûte quelque 140 millions de dollars. Nous en récupérons environ 15 millions. Par conséquent, dans le cas des viandes, le pourcentage est inférieur à 10 p. 100. Nous voulons éviter, entre autres, de nuire à la compétitivité de notre industrie par rapport à celle des Américains. Il faut prendre soin de ne pas avoir des frais d'inspection plus élevés que les leurs, d'aligner les nôtres sur les leurs.

Le sénateur Rossiter: Ai-je bien compris qu'ils n'en exigent pas?

M. Doering: Tout dépend de ce que vous entendez par cela. Cette question a fait l'objet de toute une journée de séance du comité permanent de la Chambre des communes. Tout dépend de la façon dont vous faites le calcul. Ainsi, ils facturent le travail effectué en heures supplémentaires, ce qui donne un certain pourcentage. On est en train d'en débattre.

Le sénateur Rossiter: Ils facturent quel travail effectué en heures supplémentaires au juste?

M. Doering: Le travail des inspecteurs.

Tout juste la semaine dernière, le gouvernement des États-Unis a annoncé qu'il accroîtrait de 390 millions de dollars le recouvrement des coûts, ce qui a causé tout un émoi au Canada. Toutefois, il faudra attendre de voir si cette mesure est approuvée. Si elle l'est, manifestement, les Américains recouvreront beaucoup plus de coûts qu'actuellement.

Pour répondre de façon plus générale à votre question, le recouvrement des coûts a probablement été le problème le plus épineux que nous ayons eu à régler durant la dernière année. Je vous remercie d'en avoir parlé. J'ai abordé la question brièvement, mais j'aimerais maintenant m'y attarder un peu plus.

Durant la première phase d'examen de programmes qui a commencé au début des années 90 et tout au long de la deuxième phase, voire durant la période de compressions qui a précédé, les divers ministères ont été obligés d'épargner en réduisant leurs effectifs. Une des mesures prises par Agriculture Canada dans son service d'inspection a été de relever les frais d'utilisation pour éviter d'avoir à faire des mises à pied. La valeur de l'équivalent à temps plein varie entre 65 000 $ et 75 000 $. Si vous continuez d'employer cette personne, il y a un coût qui y est associé.

Dans le passé, le ministère de l'Agriculture a trouvé moyen de recouvrer certains coûts afin de conserver certains employés. Durant ces divers examens de programmes, des cibles ont été fixées pour le recouvrement des coûts. Celle adoptée par le ministère de l'Agriculture se situait entre 50 millions de dollars et 60 millions de dollars. Au ministère des Pêches et des Océans, la cible était d'environ cinq millions de dollars du coût d'inspection, qui s'élevait à environ 29 millions de dollars.

Manifestement, cela en irritait certains. Nul n'aime payer; je ne les blâme pas. Il faut s'efforcer de mieux expliquer pourquoi nous procédons ainsi et préciser que cette façon de faire n'impose pas de trop lourdes charges à l'industrie. Du travail se fait en ce sens actuellement dans le secteur de la pomme de terre.

Le fait est que le montant est raisonnablement modeste par rapport au total. Les contribuables canadiens continuent de payer 80 p. 100 de chaque dollar consacré à l'inspection des aliments.

Nous savions que, si nous établissions l'agence simplement pour recouvrer plus de coûts, l'industrie serait mécontente. Le gouvernement a donc décidé de ne pas recouvrer plus de coûts cette année et l'année prochaine. C'est pourquoi le ministre Goodale a annoncé qu'il n'y aura pas de nouvelle stratégie de recouvrement des coûts avant l'an 2000.

Le sénateur Rossiter: Par contre, il n'y a pas de garantie au-delà de cette période?

M. Doering: Non, mais le gouvernement a annoncé que tout se fera en consultation avec l'industrie. Certains consacreront beaucoup de temps à définir ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Un des avantages du recouvrement des coûts, mis à part les recettes qu'il produit, c'est qu'il donne une valeur à des biens jusque là gratuits. Dans le passé, l'industrie pouvait dire simplement: «Nous voulons beaucoup plus d'inspecteurs». Cela ne lui coûtait rien. Alors, pourquoi ne pas en exiger plus? Maintenant, par contre, si elle souhaite en avoir davantage, il faut qu'elle paie. Maîtriser la prestation de ce service gratuit était une autre des raisons qui expliquaient l'initiative de recouvrement des coûts.

Le président: J'ai entendu dire que les droits d'utilisation rapportent jusqu'à 52 millions de dollars. Quelqu'un a eu l'idée, puisque les prix, surtout ceux des céréales, grimpaient à des sommets inégalés, que nous devrions nous aussi en profiter et en tirer quelque chose. Ce n'est pas ce qui se produit. En fait, on me dit que le pourcentage de marge bénéficiaire nette global en agriculture a été d'approximativement 11 p. 100 et qu'il pourrait chuter jusqu'à 7 p. 100, cette année. C'est le milieu agricole qui en fait les plus gros frais, comme en témoignent le coût du transport des céréales et la surestarie sur la côte ouest, actuellement.

Quelle partie des frais d'utilisation est assumée par l'industrie de la viande, par exemple, ou n'en paye-t-elle pas du tout?

M. Doering: L'industrie de la viande assume entre 10 et 15 p. 100 du coût de l'inspection de son produit.

Le président: Ainsi, les agriculteurs en paient 85 p. 100.

M. Doering: Non. Ce sont les contribuables qui paient la différence. En un certain sens, ils subventionnent l'industrie de la viande pour l'inspection de son produit. Il existe de bonnes raisons pour justifier cette décision. Si une usine de transformation de la viande située au nord du 49e parallèle paie plus en frais d'inspection que celle qui se trouve au sud du 49e parallèle, elle est désavantagée par rapport à ses concurrents. Le Conseil des viandes du Canada, le Conseil canadien des transformateurs de volaille et d'autres groupes industriels se sont présentés à la table de consultation durant l'année pour nous dire qu'ils se sentaient raisonnablement à l'aise avec les frais exigés. Par contre, ils tenaient à nous préciser que, s'ils étaient désavantagés sur le plan de la concurrence, des emplois canadiens seraient perdus, et nos perspectives commerciales ainsi que nos échanges en souffriraient.

Le président: À Estevan, en Saskatchewan, cet hiver, surtout en décembre et au début de janvier, une belle vache charnue se vendait 33 cents la livre, ce qui donne de la viande hachée vraiment pas cher. Pourtant, le prix de la viande au détail n'a pas bougé. Il faut 250 $ de foin pour nourrir une vache de 1 000 livres qui ne rapportera que 330 $. Pas besoin d'avoir la bosse des mathématiques pour comprendre que ce n'est pas rentable.

Je le souligne uniquement pour vous faire prendre conscience des problèmes. On impose des frais d'utilisation additionnels dans certains secteurs où la situation est déjà très critique. Que je sache, elle n'a certes jamais été aussi critique qu'elle l'est actuellement, dans l'industrie du bétail.

Un monsieur m'a dit, l'autre jour, qu'il avait été obligé de vendre des Semmintal purs 400 $ l'unité. Il en avait les larmes aux yeux. C'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

M. Doering: Je comprends. C'est l'effet du libre marché tant acclamé. Il faut que le gouvernement fédéral réfléchisse bien à ce qu'il fait pour ne pas nuire, par les frais d'utilisation qu'il impose, à la compétitivité de l'industrie canadienne.

Nous n'avons probablement pas bien pesé l'impact cumulatif de toutes ces mesures. Un ministère ou une agence ne tient pas compte de l'effet cumulatif qu'ont ses frais d'inspection, lorsqu'il se conjugue à d'autres. Le Conseil du Trésor creuse la question actuellement.

Le président: Qu'en est-il des engrais? Vous avez probablement entendu les anecdotes à ce sujet déjà. Les frais ont doublé.

Nous ne parlons pas ici des éternelles litanies des agriculteurs. Le problème est réel. Quand je faisais partie du gouvernement, j'étais président d'un groupe de travail sur la sécheresse dans l'ouest du Canada lorsque le gouvernement a injecté des milliards de dollars en agriculture parce qu'il n'avait tout simplement pas le choix. S'il ne l'avait pas fait, dans bien des régions, il n'y aurait plus d'agriculteurs, surtout de jeunes agriculteurs. Ce ne sont pas seulement les agriculteurs qui sont touchés. Nous parlons ici d'un problème réel qui culminera dans deux ou trois ans, à moins que le cours des marchandises ne fasse tout un bond sur le marché international. Les tracteurs et les multiculteurs se vendent 250 000 $ la pièce, le prix des engrais explose, et le prix des terres commence à remonter. Je vois des nuages à l'horizon. Ne soyez pas surpris si nous nous retrouvons dans cette salle dans trois ans pour nous interroger sur ce que peut faire le gouvernement à ce sujet! Beaucoup de décisions qui sont prises maintenant auront une influence déterminante.

M. Doering: J'en prends bonne note, sénateur. Moi-même, je suis né sur une ferme et j'y ai été élevé. Moi aussi, j'ai perdu de l'argent lorsque j'ai vendu des produits. Je sais donc de quoi il s'agit. Vous parlez, naturellement, d'une question beaucoup plus générale que la simple inspection des aliments.

Nous avons appris, entre autres, que l'industrie est très favorable à l'idée d'une telle agence. Elle sait que, sur le plan tant des inspections que de la mise en quarantaine, son principal atout par rapport à la concurrence est un système d'inspection des aliments intégré et mieux structuré. Je me réjouis donc de pouvoir dire que, bien que le recouvrement des coûts continue d'être une préoccupation constante, nous nous sommes engagés à ne pas planifier de nouvelles mesures à cet égard. Par ailleurs, chaque association consultée a fermement appuyé le projet d'agence, qu'il s'agisse des éleveurs de bétail, du conseil des viandes, du conseil de la volaille ou de la Fédération canadienne de l'agriculture. Ils sont tous d'accord pour dire qu'il faut éliminer les recoupements et les dédoublements. Eux aussi ont soulevé la question du recouvrement des coûts. Sur ce point, il faudra être diligent.

Nous avons reçu beaucoup de plaintes au sujet du recouvrement des coûts, mais elles étaient sans rapport avec nous. On se plaignait de l'agence de réglementation de la lutte antiparasitaire qui n'a rien à voir avec l'agence d'inspection des aliments. On se plaignait aussi de nombreux coûts qui ne relevaient pas de nous.

Nous avons, je crois, pris une mesure essentielle, soit de nous structurer, d'éliminer les chevauchements et les dédoublements et de viser une efficacité et une efficience maximales. Nous nous sommes engagés à nous asseoir à la table avec l'industrie en vue de décider de la façon de s'y prendre.

Le sénateur Maheu: J'aimerais aborder deux points que vous avez soulevés au sujet de l'obligation de rendre des comptes. Vous avez dit clairement que la sécurité des produits alimentaires est la fonction centrale du gouvernement. Ai-je raison de croire qu'il est question ici uniquement du gouvernement fédéral?

M. Doering: C'est exact.

Le sénateur Maheu: Vous avez aussi parlé des ministres fédéral et provinciaux qui demeurent responsables de l'exécution de leurs obligations législatives respectives de concert, par exemple, avec le Québec. Je suppose que vous avez élaboré une proposition en vue de confier à la province l'inspection de tous les commerces de détail et de réserver au gouvernement fédéral l'inspection de toutes les usines de transformation?

M. Doering: Oui.

Le sénateur Maheu: Quel rôle jouent les administrations municipales? Actuellement, ce sont elles qui effectuent, du moins à Montréal, la plupart, si ce n'est toutes les inspections des commerces. Nous sommes loin d'avoir suffisamment d'inspecteurs pour répondre à la demande d'une grande ville. Je suis sûre que la situation est la même partout au pays. Qu'arrivera-t-il à la qualité des aliments vendus aux consommateurs? Que peut faire votre agence si vous avez déjà conclu une entente dans laquelle vous renoncez à tout contrôle sur le travail effectué par les provinces ou les municipalités?

M. Doering: La compétence du gouvernement fédéral au niveau de la vente au détail est extrêmement limitée. Au Québec, c'est le niveau tertiaire. Le gouvernement fédéral fait très peu à ce niveau. Il s'agit en réalité d'une compétence provinciale. Vous avez raison. Ils ont décidé de confier cette responsabilité, en règle générale, aux administrations municipales. Ainsi, à Montréal, tous les inspecteurs sont des employés de la Communauté urbaine de Montréal. On y emploie très peu d'inspecteurs fédéraux ou provinciaux.

Les tâches continueront de s'effectuer comme avant. Les restaurants et les établissements de vente d'aliments au détail sont inspectés, non pas par les fonctionnaires du gouvernement fédéral, mais par ceux qui se chargent du commerce au détail. Ils jouent un très grand rôle dans l'inspection des aliments. Ils ne relèvent pas de l'agence fédérale parce que cette agence ne peut pas marcher dans les plates-bandes des provinces. À la Chambre des communes, le Bloc québécois a beaucoup insisté pour avoir l'assurance que nous ne tentions pas d'envahir un champ de compétence provinciale en créant cette agence.

Tout ce qui relève du gouvernement fédéral actuellement continuera d'en relever à l'avenir. Nous ne pouvons pas changer la donne. Par contre, nous pouvons essayer de mieux concerter notre action. La solution n'est pas de dire quel ordre de gouvernement se chargera de faire quoi, mais bien de mieux concerter nos efforts.

L'idée de l'agence vient en grande partie du Système canadien d'inspection des aliments auquel ont participé les autorités municipales pour faire en sorte qu'il y ait une bonne concertation. Laissez-moi vous donner un exemple d'une des initiatives en cours.

Le code relatif aux établissements de ventes d'aliments au détail dont la version définitive sera déposée la semaine prochaine, à Toronto, n'est pas le produit de la nouvelle agence canadienne d'inspection des aliments, mais bien d'une mesure d'harmonisation fédérale-provinciale dont je suis le coprésident fédéral.

Par ce code, nous essayons d'harmoniser au moins la façon dont on veille à la sécurité des aliments. Ainsi, actuellement, il nous permet de surmonter des obstacles. Par exemple, si vous suivez un cours sur la manipulation des aliments à Hamilton, que votre compétence est attestée par les autorités provinciales et approuvée par les autorités municipales, vous devrez reprendre tout le cours si vous êtes muté à Toronto. Cela est dû au fait que les municipalités n'ont pas une norme commune. Il n'existe pas de code commun en la matière.

On n'arrivait pas à trouver une solution au problème qui ne relève pas du gouvernement fédéral. Vous pouvez vous imaginer la clameur des provinces si nous concoctions seuls un nouveau code visant le commerce au détail. Nous pouvions toutefois y travailler avec eux.

Dans le cadre du Système canadien de l'inspection des aliments, les autorités provinciales et municipales collaborent avec nous depuis un an et demi à l'élaboration d'un manuel commun, d'un code.

Quand on a une norme commune, il n'est pas important de savoir qui fait les inspections. Si nous parvenons à nous doter d'un code commun visant les établissements de vente d'aliments au détail, tous suivront le même cours et utiliseront le même manuel. À cet égard, l'entreprise fédérale-provinciale pourrait être utile, en ce sens qu'elle pourrait donner un sceau d'approbation qui serait reconnu partout au pays.

Les gens sont enthousiasmés à cette idée. Le code relatif aux établissements de vente d'aliments au détail est financé par l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, par l'association canadienne des distributeurs d'aliments et par d'autres organismes du même genre. Ils ont financé en partie l'élaboration du code. Je suis très optimiste pour l'avenir, mais je vous avouerai qu'il s'effectue beaucoup moins d'inspections qu'on ne le croit. Il ne faudrait pas le répéter en dehors de cette enceinte si nous ne voulons pas que nos concurrents internationaux retournent cette arme contre nous et si nous ne voulons pas créer de psychose.

On a évalué à plus de 2 millions le nombre d'intoxications alimentaires survenues au Canada, l'an dernier. C'est un nombre élevé qu'il ne faudrait pas prendre à la légère. Sous l'angle du gouvernement fédéral, il faut prendre d'assaut le niveau du commerce au détail.

Au Québec, nous avons des inspecteurs qui visitent les commerces pour vérifier les poids, les mesures et l'étiquetage. Si on annonce qu'un produit ne contient pas de matières grasses, est-ce vrai? C'est là le genre de vérification qu'effectue le gouvernement fédéral.

Nous pourrons prendre cet argent et l'affecter ailleurs et laisser au Québec le soin de s'occuper du niveau tertiaire. Certaines provinces aimeraient que nous nous retirions complètement de l'inspection des aliments et que l'agence le fasse pour elles en vertu de contrats. La mesure législative à l'étude nous permet de le faire.

Le sénateur Rossiter: J'aimerais que nous parlions de l'industrie de l'aquiculture qui est plutôt rentable dans la région atlantique du Canada. Elle aimerait que les programmes de santé du poisson et de qualité des eaux visant à protéger les mollusques soient cédés à l'agence. Cependant, elle ne semble pas remporter un grand succès. Quel est le problème, et comment pouvons-nous le régler?

M. Doering: Je commencerai par vous donner un bref aperçu de la situation. Je demanderai ensuite à mon collègue, Reg Bourque, de m'aider. Il est le principal directeur général de Pêches et Océans dans la région atlantique. Il a été prêté à mon bureau, il y a quelques mois, pour nous aider dans le dossier des pêches. Il était présent quand nous avons témoigné devant le comité permanent de la Chambre des communes et que Sharon Ford, porte-parole des aquiculteurs, a fait valoir cet argument.

À ce stade-ci, nous avons rejeté son idée, mais nous avons commencé à examiner la situation plus générale de manière à voir ce que nous pourrions faire. Nous y travaillons actuellement, mais je dois malheureusement vous dire que le problème n'est pas encore réglé. On continue de l'examiner. Même Mme Ford, qui représente l'industrie, n'était pas disposée à demander que le dossier soit retiré du ministère des Pêches et Océans. Il existe un certain sentiment d'ambivalence dans ce dossier.

M. Reg Bourque, directeur général régional principal, ministère des Pêches et des Océans, région de l'Atlantique: Le dossier est fort épineux en raison du nombre de personnes en jeu. Le ministère de l'Environnement s'occupe du côté microbiologique de la qualité des eaux. Les toxines, elles, relèvent du programme d'inspection du poisson qui passera à l'agence. Par conséquent, il faut examiner les moyens possibles d'augmenter l'efficacité. Comme c'est un dossier qui remonte loin dans le temps, nous n'avons tout simplement pas eu le temps d'en examiner tous les détails, mais nous prévoyons, durant la première année de fonctionnement de l'agence, d'étudier la demande faite par les aquiculteurs canadiens afin de voir ce qui convient le mieux. Toutefois, dans le peu de temps dont nous disposions, il était tout simplement impossible d'en assimiler tous les détails et de traiter avec tous les intéressés.

Ainsi, la situation qui règne sur la côte ouest est différente de celle de la côte est. Il faudra les examiner pour voir l'approche qui convient le mieux. C'est un domaine important. Les mollusques sont la priorité numéro un du programme d'inspection du poisson. Tant que nous n'aurons pas une meilleure idée de ce qu'il faut faire, mieux vaut conserver le statu quo. Cela nous donnera le temps de faire le bilan avant de passer à l'action.

Le sénateur Rossiter: Le problème affecte aussi les huîtres et les myes.

M. Bourque: Oui.

Le sénateur Rossiter: Parfois, des secteurs sont fermés à la pêche pour cause, à défaut d'un meilleur mot, de pollution là où se cachent les huîtres et les myes.

M. Bourque: C'est exact. Il existe des différences importantes entre les huîtres et les myes, en ce qui concerne les eaux de croissance qui font l'objet des mesures. Il faut examiner cette question en détail. Certaines normes appliquées aux huîtres ne s'appliquent pas aux myes. Avant de faire des changements, il vaut mieux vérifier que rien n'a été oublié et qu'on a un tableau complet de la situation.

Le sénateur Rossiter: L'aquiculture du saumon à l'embouchure de la rivière Saint-Jean se pratiquerait davantage en eaux estuariennes, n'est-ce pas? Cela ne changerait-il pas le tableau?

M. Bourque: Les problèmes de l'aquiculture du saumon sont tout à fait différents de ceux que posent les mollusques.

Le sénateur Rossiter: Je compte sur vous pour continuer d'examiner cette demande et d'en arriver à une entente avec l'industrie.

M. Bourque: Vous pouvez y compter.

Le sénateur Anderson: J'ai une question au sujet du fait que l'Agence canadienne d'inspection des aliments sera indépendante et qu'elle relèvera du Parlement. Existe-t-il d'autres agences indépendantes actuellement?

M. Doering: Non. Nous sommes uniques. Nous ne sommes pas une société d'État, comme Air Canada l'était auparavant. Cela est dû, essentiellement, au fait que tous admettent que nous ne sommes pas sur le point de devenir une entreprise commerciale rentable. L'agence ne récupérera jamais tous ses coûts. Notre mandat consiste à protéger le consommateur tout autant qu'à favoriser le commerce et les échanges commerciaux, ce qui nous cantonne dans le rôle d'organisme gouvernemental.

Nous ne sommes même pas indépendants. On a décidé de ne pas doter l'agence d'un conseil d'administration comme en ont les sociétés en raison de l'obligation de rendre des comptes. Comme je l'ai mentionné plus tôt, on ne pourra jamais dire, pour la simple raison qu'un conseil d'administration a pris une décision, que le ministre n'est pas responsable. Nous avons fini par créer un nouveau ministère d'inspection des aliments, dont le président tient lieu en quelque sorte de sous-ministre, aux fins de la reddition des comptes. L'agence est unique en son genre. Nous ne sommes pas indépendants, en ce sens que nous ne faisons pas partie non plus du gouvernement. Tous sont des fonctionnaires assujettis à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Que je sache, il n'existe pas d'autres organismes comme le nôtre. Nous avons travaillé de concert avec l'industrie et les consommateurs en vue de définir ce dont nous avions besoin pour faire le travail le mieux possible. C'est cette agence qu'il nous faut. En un certain sens, elle a été faite sur mesure.

Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation, ce matin.

Nous entendons maintenant les porte-parole de l'Institut professionnel de la fonction publique.

Vous avez la parole.

[Français]

Mme Michèle Demers, vice-présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais vous remercier de nous avoir accordé l'occasion de vous présenter ce mémoire aujourd'hui. À ma droite, M. Luc Grenier est négociateur de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Je suis vice-présidente de l'organisation.

L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada est le plus gros syndicat représentant des professionnels de la fonction publique canadienne, y compris quelque 1 500 vétérinaires, biologistes, scientifiques du domaine agricole et autres spécialistes oeuvrant dans le domaine de l'inspection des aliments et des animaux, de la protection des plantes et des services connexes.

Dans son budget 1996, le gouvernement prônait le principe de la diversification de la prestation des services. Le projet de loi C-60 représente la première application majeure de ce principe. Comme il pourrait devenir un modèle pour un grand nombre d'autres applications, il est essentiel de s'assurer que la Loi proposée régissant l'Agence d'inspection des aliments garantisse le maintien de l'obligation de rendre compte au grand public tout en protégeant les droits fondamentaux de l'agence.

Le présent mémoire traite des préoccupations de l'institut quant au concept de la diversification de prestation des services de la nouvelle Agence canadienne d'inspection des aliments. Le mémoire présenté à la Chambre des communes portait sur la question générale de déterminer si une agence d'inspection des aliments devrait être créée pour se charger de la responsabilité de l'inspection du ressort jusqu'alors du ministère de l'Agriculture. Cette question a été tranchée et nous l'acceptons.

L'Institut professionnel représente une grande majorité des professionnels fédéraux qui assument des fonctions relatives à l'inspection des aliments et des animaux, à la protection des plantes et aux services connexes.

Actuellement tous ces employés nommés par la Commission de la fonction publique sont au service du Conseil du trésor. En vertu du projet de loi C-60, les employés qui seront transférés à l'Agence d'inspection des aliments ou nommés par la Commission de la fonction publique passeront au service de l'agence elle-même.

L'Institut s'inquiète des conséquences du projet de loi sur les relations de travail. Nous proposons quelques amendements mineurs qui répondront à ces appréhensions tout en préservant l'intention de la Loi dans le domaine des relations de travail, intention qui est de créer un employeur distinct possédant le pouvoir de négocier ses propres conditions d'emploi.

Sans les amendements proposés, les employés de l'agence ne jouiront plus d'un grand nombre de droits importants dont jouissent les autres fonctionnaires fédéraux et ce, sans raison apparente.

Les membres du comité devraient être conscients que les mêmes droits sont en jeu non seulement pour les 4 000 employés fédéraux et plus qui travailleront pour la nouvelle agence, mais également pour plusieurs milliers d'autres fonctionnaires qui seront employés par les futures agences.

Monsieur le président, j'aimerais vous demander à ce moment-ci puisque j'avais décidé de faire une partie de ma présentation en français et une partie en anglais si tous les membres du comité sont anglophones?

Le sénateur Maheu: Je comprends le français.

Mme Demers: Dans son budget 1996, le gouvernement canadien annoncait son intention de créer trois nouveaux employeurs distincts pour s'occuper non seulement de l'inspection des aliments mais également de la gestion des parcs et des fonctions confiées actuellement à Revenu Canada.

On estime que ces trois nouveaux employeurs disctincts emploieront ensemble environ 48 000 fonctionnaires fédéraux. Ce nombre dépasse grandement les quelque 18 500 personnes actuellement au service des employeurs distincts créés par le gouvernement fédéral.

Il semble que les trois nouveaux employeurs distincts feront l'objet d'une infrastructure prévue par la loi pour l'Agence d'inspection des aliments. On songerait même à créer d'autres employeurs distincts en vertu du même régime.

L'article 12 du projet de loi stipule que l'agence est un employeur distinct. En cette qualité, elle sera régie par les dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Pour les employés syndiqués et leurs agents négociateurs, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique crée et réglemente d'importants droits, y compris l'accréditation des agents négociateurs, l'exclusion des conventions collectives des personnes préposées à la gestion ou à des fonctions confidentielles, la protection du droit des employés de se syndiquer et de participer à des activités syndicales, le maintien des droits de négociation lors de la création d'un nouvel employeur distinct, la négociation de convention collective et divers modes de règlement des différends dans les négociations. La majorité des fonctionnaires et des employés et des employeurs distincts sont traités de la même manière quand il s'agit de ces questions.

Toutefois, contrairement à la plupart des lois en matière de relations de travail, la Loi sur les relations de travail de la fonction publique, aux articles 7 et 69(3) empêchent les agents négociateurs de négocier un certain nombre de questions importantes: l'organisation de la fonction publique, l'attribution de fonctions au poste au sein de celle-ci et la classification de ces derniers, la nomination, l'évaluation, l'avancement, la rétrogradation, la mutation, la mise en disponibilité ou le licenciement des fonctionnaires pour des raisons autres que disciplinaires.

Comme les syndicats ne pouvaient négocier les modalités d'emploi dans ces secteurs critiques et pour faire de la fonction publique une organisation non partisane, le gouvernement a adopté la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui accorde à la plupart des fonctionnaires fédéraux des droits dans ces secteurs de même que des mécanismes d'appel pour renforcer davantage ces droits.

Par exemple, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et son règlement créent des droits et des mécanismes de protection reconnus par la Loi dans les secteurs suivants: les nominations tenant compte du mérite, y compris une procédure d'appel des candidats non choisis, des politiques détaillées relatives aux promotions et rétrogradations, une procédure régissant les mises en disponibilité, des dispositions pour les employés en période de probation, les mutations, les procédures d'appel pour les employés touchés à tort, le droit de demander une enquête en cas de harcèlement, le droit de déposer un grief de classification et dernier élément mais non le moindre, l'assurance d'une fonction publique sans affiliation politique ou non partisane.

La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique régit également le droit de tous les fonctionnaires fédéraux, qu'ils soient syndiqués, non syndiqués ou préposés à des fonctions de gestion de déposer des griefs et d'avoir recours à l'arbitrage. Dans le cas présent, les employés des employeurs distincts sont traités différemment. En vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ces employés ne peuvent référer à l'arbitrage un grief relatif à une suspension, une rétrogradation ou un licenciement pour des raisons autres que disciplinaires.

Le témoin précédent, M. Doering, nous a parlé d'une intention d'introduire la notion de recours au gouverneur en conseil pour le renvoi à l'arbitrage de tel grief. Le ministre, M. Goodale, avait écrit une lettre au président de l'Institut professionnel l'assurant de la même chose. Si l'assurance est là pour donner aux employés de la fonction publique ce droit à l'arbitrage, qu'est-ce qui empêche qu'on le mette dans la loi? Pourquoi refuse-t-on de considérer de faire cette inclusion dans la loi qui nous donnerait cette protection autrement que par de vagues promesses.

Pourquoi nier ce droit fondamental aux employés des agences? Ils demeurent après tout des fonctionnaires fédéraux au travail pour tous les Canadiens et les Canadiennes.

[Traduction]

L'assurance d'une fonction publique sans affiliation politique est clairement exprimée dans le rapport Tait, intitulé «Document de réflexion sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique», qui a été publié en décembre 1996. Ce rapport est le fruit d'un des groupes de sous-ministres formés par le Conseil privé en 1995 pour examiner d'importantes questions au sein du gouvernement. Les extraits suivants sont tout particulièrement pertinents:

Le caractère non partisan de l'administration publique a été l'une des réalisations les plus importantes de la réforme de la fonction publique menée au début du siècle et elle a jeté les bases de plusieurs des plus belles réalisations de la vie canadienne au XXe siècle, notamment la mise sur pied des programmes sociaux qui sont devenus, en relativement peu de temps, une expression de l'identité canadienne. Avant ces premières réformes de la fonction publique, les nominations se faisaient sous l'influence du népotisme et de la politique partisane, une pratique qui limitait la compétence professionnelle de la fonction publique, minait la confiance que le public pouvait avoir dans son intégrité et la viciait en tant qu'instrument du bien public. Ce fut l'établissement d'une fonction publique non partisane qui a permis de surmonter ces handicaps et de créer une bonne partie de l'infrastructure de la vie moderne canadienne.

Le groupe ajoute:

Nous estimons cependant qu'il convient de souligner le rôle que la Commission de la fonction publique a toujours joué au Canada pour assurer le caractère non partisan des nominations à la fonction publique, surtout aux postes de débutants. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'un rôle et d'une fonction qu'il ne faudrait pas compromettre. Leur exécution doit continuer à relever d'un organisme qui peut garantir au Parlement le caractère non partisan des nominations -- surtout des nominations initiales -- et de la fonction publique elle-même, en donnant l'assurance que les nominations partisanes n'en menacent ni le professionnalisme ni l'intégrité. Il faudra donner de telles assurances, autant dans le cas des nouveaux organismes d'exécution de programmes qui pourront être créés que dans celui des ministères traditionnels intégrés. Nous sommes d'avis qu'un rôle de vérification pour un tel organisme parlementaire serait moins efficace qu'un pouvoir de veto sur les nominations initiales.

Bien entendu, il ne servirait à rien, à long terme, que le favoritisme politique soit refoulé pendant qu'abondent des soupçons de favoritisme bureaucratique larvé. Les pratiques traditionnelles de nomination de la fonction publique, celles qui sont associées au principe du mérite, ont toujours eu pour but d'empêcher le népotisme autant interne qu'externe, apparent ou réel. Elles ont abouti à un régime de nomination qui est beaucoup plus complexe, fastidieux et lourd que ce que l'on peut retrouver dans le secteur privé.

Une organisation publique n'a pas et ne peut pas avoir la même marge de manoeuvre que les organisations du secteur privé. Elle devra toujours respecter des normes plus élevées de transparence et de respect des procédures afin de dissiper toute crainte de favoritisme, interne ou externe, lorsqu'elle s'acquitte de ses fonctions de fiduciaire de la confiance du public et qu'elle gère des fonds publics.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique s'applique uniquement aux employés nommés exclusivement par la Commission de la fonction publique. L'article 13 du projet de loi à l'étude accorde au président de l'agence d'inspection des aliments des pouvoirs indépendants pour nommer des employés, établir leurs conditions d'emploi et leur confier des fonctions.

Par conséquent, les droits importants et les protections appréciables consentis à la majorité des fonctionnaires par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ne s'appliquent pas aux employés de l'agence lorsque la période de transition initiale prend fin.

Les notes d'information publiées par le gouvernement indiquent clairement l'intention du projet de loi C-60: l'agence ne sera pas régie par la loi. Toutefois, l'article 94 du projet de loi prévoit une période de transition au cours de laquelle il est possible de reporter la mise en application d'une disposition de la loi. On peut y lire comme suit l'intention de cet article:

Au cours de la période de transition, «l'Agence demeurera assujettie à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Une période de transition sera nécessaire pour les motifs suivants: assurer une certaine continuité et une certaine stabilité aux employés; accorder à l'Agence le temps nécessaire pour analyser d'autres options en matière de régime de dotation; et déterminer le système de classification le plus indiqué. Ces questions revêtent une importance du point de vue du fonctionnement courant de l'Agence.»

L'effet non avoué du projet de loi C-60, ajouté aux conséquences des articles 7 et 69(3) de la LRTFP est que, à la fin de la période de transition, les employés de l'agence perdront toutes les protections dont ils jouissent en vertu de la LEFP, de ses règlements et politiques. De plus, leurs agents négociateurs ne pourront négocier des protections semblables dans ces secteurs très importants.

Si le projet de loi C-60 n'est pas amendé de manière à combler ce vide, les employés de l'agence d'inspection des aliments et leurs agents négociateurs ne seront pas en mesure de négocier ni d'exiger de la part de l'agence des droits destinés à protéger certains de leurs intérêts les plus fondamentaux et importants en matière d'emploi. Une telle situation mettra arbitrairement les employés de l'agence dans une position tout à fait injuste et préjudiciable comparativement à la majorité des fonctionnaires fédéraux et aux employés du secteur privé.

L'institut recommande des amendements spécifiques au projet de loi C-60 afin de s'assurer que les employés de l'agence d'inspection des aliments ne se voient pas retirer inutilement des droits importants bien établis pour la majorité des fonctionnaires fédéraux.

En premier lieu, conformément à l'intention du Parlement qui est d'accorder à l'agence la flexibilité de constituer et de négocier son propre système de relations de travail, le projet de loi C-60 devrait être amendé de manière à empêcher la mise en application des articles 7 et 69(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique au sein de l'agence. De cette manière, les agents négociateurs seront en mesure de négocier les questions qui relèvent actuellement de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

En second lieu, il faudrait ajouter une disposition au projet de loi de manière à prévoir que, nonobstant les paragraphes 92(1)b) et c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, les employés de l'agence peuvent renvoyer à l'arbitrage les griefs relatifs non seulement à des mesures disciplinaires entraînant des sanctions pécuniaires, mais également les griefs relatifs à la fin de l'emploi, à la suspension ou à la rétrogradation pour des raisons disciplinaires ou non.

Troisièmement, et si notre première recommandation n'est pas accueillie favorablement, l'agence pourrait être assujettie au Code canadien du travail, ou encore demeurer sous le régime de la LRTFP et de la LEFP pour conserver à la Commission de la fonction publique son rôle d'arbitre impartial des appels interjetés.

Si le projet de loi C-60 est adopté sans être modifié en conséquence des préoccupations que nous avons soulevées, une part importante de la fonction publique fédérale devra faire son deuil d'une affiliation sans parti pris et de l'assurance que l'embauche respectera le principe du mérite. Les employés perdront foi en ce nouvel organisme car ils auront perdu toute protection en matière de mesures de dotation.

Nous demandons respectueusement aux membres du comité de ne pas accepter une telle alternative. Ne permettez pas le favoritisme, la protection ou le népotisme. Vous avez encore en cette heure tardive le pouvoir d'apporter ces changements mineurs qui sauraient soulager nos préoccupations.

Le sénateur Anderson: Ce qui m'inquiète, c'est surtout la dernière partie de votre mémoire dans laquelle vous dites qu'à l'heure actuelle, tous les employés de l'inspection des aliments relèvent de la compétence du Conseil du Trésor. Toutefois, si ce projet de loi est adopté sous son libellé actuel, l'Agence canadienne d'inspection des aliments aura le statut d'employeur distinct et sera entièrement responsable de sa gestion. Le personnel sera alors assujetti à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, mais non à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Je ne peux pas en comprendre la logique.

Mme Demers: La Loi sur l'emploi dans la fonction publique, ainsi que nous l'indiquons à la page 3 du mémoire, assure la protection en ce qui concerne les nominations conformément au principe du mérite, les procédures d'appel, les mécanismes de recours pour les employés mis en disponibilité ou pour les employés en période de probation, les mutations et les procédures d'appel pour les employés touchés à tort.

Selon les règles de l'agence telles qu'elles sont présentées actuellement dans la loi, les employés ne jouissent pas de cette protection. Ils n'ont pas ces mécanismes de recours, à moins qu'ils ne demandent un décret au gouverneur en conseil, ce qui est un processus très lourd. Il ne sert à rien pour l'instant. On n'y a jamais eu recours depuis qu'il a été instauré en 1993. Nous ne croyons pas que l'agence aurait recours à ce processus, même si c'est ce qui nous a été promis une fois l'agence mise sur pied. Si nous avons cette assurance, pourquoi ne pas en faire mention dans la loi?

Le sénateur Rossiter: N'a-t-on jamais demandé au gouverneur en conseil un tel décret? Dans l'affirmative et si cette demande a été rejetée, pouvez-vous me dire pourquoi?

M. Luc Grenier, négociateur, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: Non, il n'y a pas eu de demande, car l'Agence n'est pas encore mise sur pied.

Le sénateur Rossiter: Non, mais par une autre partie. Ce processus existait avant la création de l'agence.

M. Grenier: Me croirez-vous si je vous dis que nous traitons avec d'autres agences comme l'Office national du film et le Conseil national de recherches? Lorsque cette entente a été inscrite dans la Loi sur la gestion des finances publiques et dans la LRTFP, on ne nous en a pas informé. On s'en est aperçu au moment où l'on a commencé l'examen du projet de loi C-60 relatif à l'agence des aliments.

J'ai personnellement demandé à l'ONF s'il voulait se rallier à nous pour faire apporter un changement. Bien sûr, la réponse a été négative.

Ce qui nous inquiète surtout, c'est l'exclusion des employés des agences. Pourquoi? Ce sont toujours des fonctionnaires. Ils continuent à travailler pour la fonction publique fédérale. Pourquoi ces employés doivent-ils demander un décret pour jouir de certains droits?

Nous proposons d'amender le paragraphe 12(2) du projet de loi. Vous trouverez ces propositions d'amendement à la fin de notre mémoire. Nous aimerions amender le paragraphe 12(2) comme suit:

Aux fins du paragraphe 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, l'agence est réputée être désignée en application de l'article 92(4) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Grâce à cet amendement, les employés des agences auraient les mêmes droits que les autres employés de la fonction publique.

Le sénateur Rossiter: Quelles ont été les circonstances dans lesquelles cette disposition a été promulguée ou ce pouvoir accordé en 1993? Il s'est nécessairement passé quelque chose pour que cela se fasse.

Le sénateur Maheu: Pourriez-vous répondre à la question de le sénateur Rossiter, à savoir si, à votre connaissance, une demande a été rejetée par le gouverneur en conseil? Vous n'avez même pas commencé à répondre à sa question à cet égard.

M. Grenier: Non, nous ne l'avons pas demandé, nous le demandons maintenant. C'est la première que nous réalisons que cela s'appliquera à l'agence des aliments.

Le sénateur Maheu: Êtes-vous en train de nous dire que dans aucune autre circonstance il est nécessaire de s'adresser directement au gouverneur en conseil?

M. Grenier: On a également demandé pourquoi cela figurait dans la loi. Nous avons essayé de poser la question à des employeurs distincts et le Conseil national de recherches nous a répondu: «Nous avons présenté des demandes au corps législatif, lequel a accepté l'amendement.»

Le sénateur Rossiter: Personne n'y a jamais eu recours.

Le président: Personne n'y a jamais eu recours? Est-ce la réponse?

M. Grenier: Personne encore.

Le sénateur Rossiter: Par conséquent, aucune demande n'a été rejetée non plus.

M. Grenier: C'est exact.

Le sénateur Rossiter: Pensez-vous que c'est la première étape vers la privatisation complète d'un système d'inspection des aliments? Vous faites aussi mention d'autres groupes dans votre mémoire.

Mme Demers: Je voulais parler d'autres initiatives comme celles de Parcs Canada et de Revenu Canada, ou des 72 initiatives dont il est fait mention dans le budget de 1996 et que nous n'avons pas encore vues.

Tout se résume à une question d'équité pour les employés transférés; la dotation devrait se faire dans la transparence et il faudrait prévoir un mécanisme de recours pour les points qui ne sont pas couverts par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. C'est tout ce que nous demandons. Il s'agit simplement de maintenir les droits fondamentaux des employés qui seront transférés à l'agence.

Le président: D'après vous, combien de gens seront déplacés de la fonction publique par suite de cette mesure?

Mme Demers: D'après nos calculs, il s'agit de 48 000 fonctionnaires.

Le président: Ils ne seront toutefois pas tous déplacés.

Mme Demers: C'est exact. Cela s'applique à l'Agence Canadienne d'inspection des aliments.

Le sénateur Maheu: Combien d'employés vont être déplacés de la fonction publique à l'Agence Canadienne d'inspection des aliments?

Mme Demers: Je ne peux pas vous le dire. Notre syndicat regroupe 1 500 membres et professionnels. Je n'ai pas les chiffres exacts pour les autres syndicats.

Le président: Compte tenu de la période de transition de deux ans dont nous avons entendu parler plus tôt, pensez-vous que les employés soient traités équitablement? Vous dites que vous perdez des droits, des privilèges de négociation, et cetera.

Mme Demers: Ce qui s'applique aux membres que nous représentons s'applique à tous les autres employés qui seront transférés à l'agence. Ils seront tous assujettis aux mêmes règles.

Le président: En toute justice, ne diriez-vous pas qu'il est nécessaire, au moment même où les gouvernements essayent d'enrayer le déficit, d'introduire une certaine discipline au sein de la fonction publique?

Mme Demers: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par «introduire une certaine discipline» dans un système qui en fait assure l'équité en ce qui concerne la dotation et les mécanismes de recours. Il ne s'agit pas d'une question de déficit ou de coûts. Il s'agit en fait de traiter les employés équitablement en matière de relations de travail. Il ne s'agit pas de permettre aux gestionnaires de prendre des décisions unilatérales et arbitraires comme celle-ci: «Je vais embaucher ma belle-soeur, puisqu'elle est au chômage.»

Ce que nous disons, c'est que nous allons utiliser le principe du mérite, car il a toujours permis de garantir de bonnes modalités de dotation au sein de la fonction publique. Les règles prévues dans cette mesure législative ne garantissent pas le principe du mérite.

Le président: Il me semble que dans projet de loi on décèle une certaine orientation -- je ne trouve pas de meilleur terme -- vers la privatisation de l'agence. J'imagine qu'il y aura donc plus de contrats.

Mme Demers: Ce n'est pas ce qu'a dit M. Doering il y a quelques instants. Il a déclaré qu'il n'y aurait pas de coupures en ce qui concerne les emplois transférés aux agences. Tout au contraire, il y aurait plus d'emplois dans le domaine de l'inspection des aliments, de l'inspection des viandes, etc. Je ne vois pas le rapport qu'il y a entre ce que je dis et ce que vous me dites. Peut-être que je ne comprends pas bien.

Le président: Peut-être ne comprenez-vous pas mon point de vue. Si vous examinez le contexte général dans lequel se trouvent les gouvernements qui doivent contrôler les dépenses, il semble que certaines de ces mesures s'imposent. Dans certains de ces secteurs, il pourrait fort bien être nécessaire d'éliminer le double emploi, lorsqu'il y a quatre séries d'inspecteurs, par exemple. Il faut vraiment en arriver à une baisse quelque part. Si cet exercice ne se traduit pas par des avantages et des économies, il est ridicule et ne sert absolument à rien.

Je viens du milieu de l'agriculture et je me considère comme quelqu'un de pratique. A la ferme, je ne demande pas à quatre hommes d'effectuer une tâche. Un seul s'en charge et je m'attends à ce qu'il soit efficace. Le gouvernement doit devenir responsable dans ces secteurs.

Il peut sembler que je parle ici au nom du gouvernement -- je devrais probablement céder la parole au côté du gouvernement à cet égard -- mais au Sénat, nous pensons être efficaces en ce qui concerne les comités. Cela semble une évidence, indépendamment des partis en présence.

Pour diminuer le double emploi, que l'on retrouve dans tous ces secteurs, il faudra moins de personnes. Il doit bien exister une façon de traiter équitablement ces employés qui devront peut-être trouver un autre emploi au sein du gouvernement, si possible.

Mme Demers: Je suis complètement d'accord avec ce que vous dites. L'IPFPC n'est pas contre la diminution du double emploi.

Monsieur le président, vous avez terminé en disant qu'il faut traiter les gens de façon équitable. C'est ce que nous voulons. Tout ce que nous demandons c'est que les employés soient traités équitablement. C'est l'essentiel de notre mémoire.

Je suis tentée de proposer à tous ceux qui souhaitent davantage de détails de me contacter. Il me fera très plaisir de passer quelque temps avec vous pour discuter de cette situation en profondeur et pour vous expliquer ce que vous ne comprenez pas.

Le sénateur Rossiter: Le système canadien d'inspection des aliments parle toujours d'une transition. Il ne semble pas avoir un plan d'entreprise définitif à nous présenter. Il me semble que tout est si vague qu'il est difficile de bien saisir ce qui se passe. Est-ce que je me trompe? Les employés ne savent pas ce qui va se produire.

M. Grenier: Vous conservez ces droits fondamentaux pour vos propres employés au Sénat et à la Chambre des communes. Ils sont toujours assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et il y a toujours un contrôle sur l'emploi, les rétrogradations et les promotions. Il y a un contrôle, nous n'en avons pas.

Bien sûr, la période de transition permettra à l'agence de s'adapter et de prendre des décisions. Ce que nous demandons n'empêche pas l'agence, d'ici deux ans, de diminuer le nombre de vétérinaires, si c'est nécessaire. Toutefois, nous demandons qu'en pareil cas, cela se fasse selon les mêmes règles actuellement en usage à la fonction publique -- c'est-à-dire, en respectant les principes du mérite et le droit d'accès à une tierce partie impartiale si l'on juge ne pas avoir été traité correctement.

Ce qui est proposé aujourd'hui, c'est que tous ces pouvoirs d'embauche, de congédiement et de rétrogradation soient confiés à une seule personne, le président, sans qu'il ne soit prévu de recours pour les employés.

Soit dit en passant, cela ne s'applique pas uniquement aux employés syndiqués, mais aussi aux gestionnaires. Les gestionnaires sont maintenant assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, ce qui ne sera plus le cas une fois qu'ils feront partie de l'agence.

Le sénateur Rossiter: N'allez-vous pas négocier avec l'agence?

M. Grenier: C'est impossible. J'imagine que c'est difficile à comprendre. Les employés seront toujours assujettis à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les articles 7 et 93 de cette loi empêchent aux agents de négociation de négocier ces points. À l'heure actuelle dans la fonction publique, bien que nous ne puissions pas négocier ces points, les employés sont protégés en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, protection qui sera maintenant éliminée une fois l'agence créée.

Le sénateur Maheu: Je tiens à corriger une observation faite par notre témoin. Les employés politiques du Sénat et de la Chambre des communes ne sont pas assujettis aux lignes directrices de la fonction publique. Les employés des sénateurs et des députés sont des employés politiques. Aucun n'est protégé.

J'ai remarqué une réaction de la part de certains des jeunes gens dans la pièce.

M. Grenier: Je reconnais mon erreur.

Le président: J'aimerais remercier les témoins d'avoir comparu aujourd'hui et de nous avoir donné un aperçu détaillé de la situation, telle qu'ils l'envisagent.

Mme Demers: Nous espérons que vous l'envisagerez de la même façon que nous.

La séance est levée.


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