Délibérations du sous-comité des
Communications
du comité sénatorial permanent des
Transports et des
communications
Fascicule 1 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 2 mai 1996
Le sous-comité des communications se réunit ajourd'hui à 13 h 15 pour organiser les travaux du comité.
[Français]
M. Timothy Wilson, greffier du comité: Honorables sénateurs, il y a quorum. En tant que greffier du comité, il est de mon devoir de présider à l'élection de la présidence. Je suis prêt à recevoir des motions à cet effet.
Le sénateur Spivak: Je propose que l'honorable sénateur Poulin soit nommée présidente de la réunion.
M. Wilson: Y a-t-il d'autres motions? L'honorable sénateur Spivak, propose que l'honorable sénateur Poulin soit nommée présidente du comité. Est-on d'accord avec la motion du sénateur Spivak?
Des voix: D'accord.
M. Wilson: Honorables sénateurs, la motion est adoptée. L'honorable sénateur Poulin est élue présidente du sous-comité.
Le sénateur Marie-P. Poulin (la présidente) occupe le fauteuil.
La présidente: Je vous remercie, honorables sénateurs, de votre confiance. Je suis prête à recevoir les nominations pour l'élection à la vice-présidence.
Le sénateur Roux: Je propose que le sénateur Spivak soit élue vice-présidente du sous-comité.
La présidente: Est-ce que tout le monde est en accord avec la motion du sénateur Roux?
Des voix: D'accord.
La présidente: Nous venons d'approuver que le sénateur Spivak soit la vice-présidente de notre sous-comité sur les communications. Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté. Il y a quelque chose qui me dit que nous allons travailler fort et en nous amusant lors des séances de notre sous-comité.
Nous avons quelques motions d'usage: que le sous-comité du programme et de la procédure de la procédure se compose de la présidence, de la vice-présidence et d'un autre membre du comité désigné au besoin après les consultations d'usage.
Est-ce que nous avons quelqu'un pour faire la résolution s'il vous plaît?
Le sénateur Maheu: Je propose cette résolution.
La présidente: Il est proposé par le sénateur Maheu, que le sous-comité soit autorisé à inviter les témoins à établir l'horaire des audiences. Ce sera la responsabilité. Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord ?
Des voix: D'accord.
La présidente: La motion est adoptée. Sous le titre, Impression des Délibérations du sous-comité, on suggère que l'on puisse faire imprimer 200 exemplaires. Donc, j'aurais besoin d'une résolution pour que le comité fasse imprimer 200 exemplaires de ses délibérations et que la présidence soit autorisée à ajuster cette quantité en fonction des besoins.
Le sénateur Spivak: Je propose cette motion.
La présidente: La motion est proposée par le sénateur Spivak. La résolution est passée.
À l'article 6, autorisation à tenir des réunions et impression des témoignages en l'absence de quorum. Il devrait être proposé que conformément à l'article 89 du Règlement, la présidence soit autorisée à tenir des réunions pour entendre des témoignages et à en permettre la publication en l'absence de quorum.
Le sénateur Roux: La seule question, madame la présidente, étant si peu nombreux, est-ce que cela veut dire que la seule présence de la présidente, par exemple, suffirait?
La présidente: Oui, mais seulement pour la comparution des témoins.
Le sénateur Roux: Ce n'est pas que j'ai objection. C'est une question d'information.
La présidente: Je pense que notre greffier pourrait peut-être, vous répondre. Étant donné que c'est un sous-comité, peut-être que M. Wilson pourrait nous donner les usages.
M. Wilson: Voici ce qui est écrit dans le Règlement à l'article 89:
Le quorum est nécessaire pour tout vote, résolution ou autre décision d'un comité particulier, mais un tel comité peut, par résolution, autoriser son président à tenir des réunions pour entendre des témoignages et à en permettre la publication sans quorum.
L'usage a toujours été que l'on adoptait cette motion de sorte que si l'on n'a pas le quorum, on peut commencer une réunion, si l'on a des témoins qui sont venus de loin, mais habituellement, on finit toujours par avoir le quorum et on ne prend jamais de décision sans quorum.
Le sénateur Roux: D'accord. Je propose cette motion.
Le sénateur Spivak: C'est une politesse.
La présidente: La motion est proposée par le sénateur Roux. La motion est adoptée. L'ordre numéro 7, le personnel de recherche: j'aurais besoin d'une résolution pour que présidence soit autorisée à diriger le personnel des recherches dans la préparation d'études, d'analyses, de résumés et d'ébauches de rapports. Je pense que c'est de rigueur aussi.
Le sénateur Spivak: Je propose cette motion.
La présidente: Le sénateur Spivak propose cette motion. La motion est adoptée. L'ordre suivant, numéro 8: les frais de déplacement des témoins. Nous avons besoin d'une proposition pour que, conformément aux lignes directrices du Sénat gouvernant les frais de déplacement des témoins, le comité puisse rembourser des dépenses raisonnables de voyage et d'hébergement à un maximum de deux témoins d'un même organisme, même après qu'une demande de remboursement a été présentée. Le sénateur Maheu seconde cette motion.
À quel moment pourrions-nous nous rencontrer régulièrement? Quelles seraient vos suggestions? Il faudrait peut-être regarder l'horaire habituel de tous les comités et des sous-comités. Je pense qu'on a tous un problème d'horaire en ce moment.
Si l'on pouvait viser une certaine régularité, cela nous faciliterait la vie à tout le monde pour les horaires. Quelle heure serait libre?
M. Wilson: C'est très difficile. Tous les lundis et vendredis sont libres.
La présidente: Et les samedis et les dimanches.
M. Wilson: Ce qui, évidemment, n'est pas possible, c'est le mercredi matin. Le jeudi après-midi habituellement on l'évite. Cela nous laisse donc le mardi avant-midi, le mardi après-midi pour, les séances des comités. Le mercredi après-midi, en soirée et le jeudi matin.
La présidente: Le jeudi matin, il y a déjà trois réunions de comité qui sont des réunions de comité plénier. Je suis au courant de celles-là.
Le sénateur Spivak: Mercredi le soir, l'après-midi?
La présidente: À 17 h 00 le mercredi.
Le sénateur Maheu: Est-ce que c'est possible de demander une dispensation du Sénat?
La présidente: Je pense que l'on aurait énormément de misère, surtout pour une étude spéciale, sénateur Maheu. Dans certains cas ou pour certains objectifs, on l'accepte, mais étant donné que nous avons tout le temps voulu pour atteindre notre objectif, on aurait de la misère à obtenir la permission, je pense.
Est-ce que l'on pourrait peut-être viser quand même 16 h 30 au lieu de 17 h 00 parce que la mercredi, j'ai remarqué que nous finissons vers à peu près 16 h 30. Est-ce que vous seriez à l'aise sénateur Roux avec cette suggestion?
Le sénateur Roux: Oui.
La présidente: Parfait. Alors 16 h 30 le mercredi?
M. Wilson: Je vous remercie, madame la présidente. Je crois que ce n'est pas clair en le moment, si le Sénat siège à 13 h 30 le mercredi ou à 14 h 00?
La présidente: En ce moment c'est 13 h 30.
Le sénateur Spivak: Hier, on a fini à 16 h 30.
Le sénateur Roux: Est-ce que l'on ne pourrait pas dire à l'ajournement du Sénat?
La présidente: C'est encore mieux.
Le sénateur Maheu: Cela peut être à 13 h 00.
La présidente: À 16 h 30 ou à l'ajournement du Sénat, mais on a un problème à ce moment-là. Je pense que cela rendrait la vie plus difficile à l'équipe de greffiers et de recherche.
Le sénateur Maheu: Avec les témoins à 16 h 30, si par hasard, ils finissaient à 17 h 00, une demi-heure, ce n'est quand même pas énorme.
M. Wilson: Le mardi, pour le comité des transports et communications, d'habitude on inscrit à l'ordre du jour à l'ajournement du Sénat mais pas avant 16 h 30. Si le Sénat ajourne plus tôt, au moins nous avons une heure fixe.
La présidente: Il faut dire aussi qu'étant donné que nous sommes un sous-comité, nous serons moins de personnes à s'absenter du Sénat. Donc, on pourra essayer de le faire dans la réalité, une fois que la journée a lieu. Alors on s'entend sur 16 h 30? Voulez-vous le répéter comme vous l'avez dit M. Wilson?
M. Wilson: Oui, c'est à l'ajournement du Sénat mais pas avant 16 h 30.
La présidente: Est-ce que je pourrais porter à votre attention peut-être le fait que l'on pourrait quand même entamer certaines étapes à ce moment-ci? Je pense qu'étant donné que notre objectif, c'est d'assurer une continuité d'une étude qui a été entamée avant la prorogation du gouvernement, est-ce que je pourrais vous demander l'autorisation d'avoir des entretiens avec les gens qui ont fait la recherche pour voir exactement en profondeur ce qui a été fait jusqu'à maintenant, quelle méthodologie a été utilisée, quels témoins ont été entendus, pour que l'on puisse ensuite revoir ce qui a été fait jusqu'à maintenant?
On a donc ce que j'appelle une période de prérecherche à entreprendre avant d'identifier un calendrier de travail pour les prochaines étapes. Est-ce que vous êtes d'accord pour que je procède à ce moment-là et que je fasse des rencontres?
Je vais céduler les rencontres et je vais prendre la liberté de vous appeler à vos bureaux pour que vous puissiez venir rencontrer les services de recherche si vous êtes libres. Je suis certaine que l'on aimerait tous voir ce qui a été fait dans les travaux antécédents. Cela vous convient?
J'aimerais beaucoup recevoir de chaque membre du comité, en fonction de l'ordre de renvoi, des questions spécifiques, si vous en avez, en matière de communications. Étant donné que c'est une recherche spéciale, chaque membre du comité aimerait peut-être que l'on éclaircisse certains sujets. Je sais, par exemple, que le sénateur Roux s'intéresse à la question culturelle. Je prends pour acquis, donc, qu'il y a un aspect culturel qu'il aimerait que nous revoyions, ainsi que toute la question des communications et des télécommunications.
Le sénateur Roux: Cela peut aller très loin parce que cela peut couvrir Internet aussi.
La présidente: Absolument. Quand je dis communications, je comprends tout ce qui y touche.
Le sénateur Roux: Nous avons tout l'audiovisuel, la révision de la Loi sur le droit d'auteur.
La présidente: Oui, tout, absolument. Mais j'aimerais que cela vienne de vous. Vous pouvez le faire verbalement ou par écrit; sentez-vous bien à l'aise. Vous communiquez avec M. Wilson ou avec mon bureau et on s'assure que vos préoccupations spécifiques sont incluses.
[Traduction]
Le sénateur Spivak: C'est une question de temps. Si nous nous proposons d'examiner l'étude précédente, ce sera très complet.
La présidente: Oui.
Le sénateur Spivak: Je pense qu'il est bon d'entendre le point de vue de chacun, mais si nous faisons cette étude en premier lieu, nous risquons de ne pas arriver très rapidement aux autres points.
La présidente: Vous avez parfaitement raison. C'est pourquoi, lorsque nous aurons examiné ce qui a été fait précédemment et que nous aurons cerné les intérêts personnels des membres du sous-comité, nous serons en mesure d'envisager un plan de travail réalisable dont nous pourrons nous acquitter dans les délais fixés et avec les ressources dont nous disposons.
Le troisième point consiste à avoir un budget que nous pourrons examiner à la prochaine séance.
[Français]
Le sénateur Spivak: J'espère que non.
La présidente: Parfait. La séance est levée et on prend pour acquis qu'à moins d'avis contraire, on se rencontre mercredi prochain à 16 h 30.
Le sénateur Roux: Il y a l'assemblée générale annuelle de l'Association interparlementaire.
La présidente: On pourrait peut-être à ce moment-là se donner deux semaines pour faire le travail préparatoire. On pourrait se rencontrer à ce moment, le mercredi 16 mai.
La séance est levée.
OTTAWA, le mercredi 30 octobre 1996
Le sous-comité des communications du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 15 h 30, pour l'étude de la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications.
Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Il nous fait plaisir d'accueillir l'équipe de Téléglobe Canada au sous-comité des communications du comité permanent des transports et des communications. Je suis le sénateur Poulin. Je suis présidente du sous-comité. Je suis aussi membre du comité permanent.
Il me fait plaisir de vous présenter mes collègues, le sénateur Forestall, vice-président du comité permanent des transports et des communications, le sénateur Watt ainsi que le sénateur Perrault.
Étant donné que le Sénat continue à siéger pendant que l'on se rencontre, nous avons reçu une permission spéciale de siéger. Des collègues viendront se joindre à nous au cours de cette rencontre.
Il nous fait plaisir de discuter avec vous justement de la situation des communications au plan international. Comme vous le savez, nous vous avons fait parvenir des documents. Vous voyez que même si c'est un sujet très large, très complexe, c'est le sujet de l'heure. Nous aimerions attirer votre attention sur quatre chapitres: la technologie, les ressources humaines, les relations commerciales et la culture canadienne.
Alors M. Stewart, je pense que vous êtes le PDG de Téléglobe Canada. Voulez-vous nous présenter votre équipe?
[Traduction]
M. Guthrie Stewart, président et chef de la direction, Téléglobe Canada Inc.: Je suis accompagné aujourd'hui de M. Claude Forget, conseiller spécial auprès du président de notre conseil d'administration,Charles Sirois. M. Forget est l'auteur du livre intitulé The Medium and the Muse, lequel traite de sujets qui nous intéressent tous.
La présidente: Ce livre est inscrit sur la liste de lecture des membres du comité, qui en ont tous reçu un exemplaire cet été.
M. Stewart: M. Forget a également aidé le président de notre conseil d'administration lorsque celui-ci était membre du Conseil consultatif de l'autoroute électronique en 1994 et 1995.
Je suis également accompagné de Mariel Bradford, vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementation, Téléglobe Canada.
La présidente: Je vous souhaite à tous la bienvenue.
M. Stewart: Je vais commencer mon exposé par quelques observations impromptues accompagnées de diapositives. Je demanderais à Mme Bradford de prendre la relève au cours de l'exposé. J'aimerais tout d'abord vous présenter notre point de vue sur certaines questions importantes auxquelles sont confrontés le Canada, l'industrie et le marché canadiens dans le domaine des télécommunications internationales. Mme Bradford, quant à elle, traitera de la position de Téléglobe relative à certaines questions précises.
Comme vous le savez peut-être, mesdames et messieurs les sénateurs, la question des télécommunications internationales nous tient très à coeur puisque nous sommes actuellement le seul exploitant autorisé d'installations de transmission intercontinentale au Canada. Comme vous le savez certainement tous, notre mandat est actuellement à l'étude au gouvernement. Mme Bradford vous en dira un peu plus sur ce point.
Nous souhaitons aborder la question en vous donnant notre avis sur ce que sont, et devraient continuer d'être, selon nous, les principaux objectifs politiques des décideurs du Canada. À notre avis, l'étude entreprise par votre sous-comité est tout à fait opportune car le gouvernement et les responsables de la réglementation dans notre pays vont devoir prendre sous peu certaines décisions des plus importantes. Les politiques adoptées au Canada devraient, selon nous, garantir le maintien et l'amélioration de notre infrastructure.
Comme vous le savez tous -- et vous l'entendrez certainement dire à maintes reprises -- nous avons tout lieu d'être fiers, dans notre pays, de notre infrastructure dans le domaine des télécommunications. Toutefois, en tant que représentant de cette industrie, chaque fois que j'entends un de mes homologues faire cette observation, je réponds que tout cela est bien beau, mais qu'il s'agit d'un secteur en évolution très rapide; nous devrons avoir une idée bien précise de l'orientation à suivre, si nous voulons que le Canada reste le chef de file dans ce domaine, et ne pas nous reposer sur nos lauriers.
Vous constaterez que certaines de mes remarques sont en rapport direct avec les intérêts de l'industrie, mais parallèlement, nous souscrivons sans réserve au principe très général et important que le marché lui-même profite de la mise en place rapide de nouveaux services variés; en outre, comme on a déjà pu l'observer sur le marché, nous continuons de profiter de la vive concurrence qui entraînera une baisse du coût des télécommunications, comme c'est déjà le cas à l'heure actuelle.
L'autre objectif très important que nous appuyons bien évidemment, et qui concerne peut-être davantage nos amis du secteur de la radiodiffusion, est que le Canada devrait faire la promotion des services canadiens sur son inforoute. Mes remarques porteront principalement sur les services de télécommunications, mais nous pensons également qu'il y a lieu d'adopter des politiques qui appuient la mise en place et la promotion des services et du contenu canadiens sur notre autoroute de l'information.
La diapositive suivante présente les activités de Téléglobe, et, pendant une dizaine de minutes, je vais vous donner un aperçu de notre société et de ses principaux concurrents sur le marché.
Notre entreprise a été en grande partie façonnée par la politique gouvernementale. En fait, nous reconnaissons que ces politiques ont à bien des égards favorisé notre réussite et la place que nous occupons sur le marché. En échange, nous sommes convaincus d'avoir nous-mêmes participé à la réalisation des objectifs politiques de notre pays. Il est indéniable que le Canada occupe une place très privilégiée sur le marché international des infrastructures. Nous possédons l'un des réseaux internationaux les plus avancés du monde. J'en parlerai plus en détail. Les politiques suivies dans le passé par les gouvernements et les organismes de réglementation nous ont permis de faire des investissements dans notre réseau qu'il nous aurait autrement été difficile d'envisager.
Par ailleurs, notre société joue le rôle de grossiste sur le marché, ce qui est un autre aspect important de notre stratégie. Téléglobe est essentiellement un exploitant de réseau, et il s'agit là d'un thème dont je traiterai sous divers angles car nous sommes convaincus qu'il est très important pour vous. Dans le cadre de votre étude, vous entendrez le témoignage de nombreuses personnes qui sont à la fois des exploitants de réseau et des fournisseurs de services bien établis. Je vais peut-être me répéter, mais nous sommes intimement convaincus que, en énonçant son orientation future, le Canada doit viser principalement à promouvoir l'essor d'un secteur de services très dynamique qui pourra évoluer de concert avec l'infrastructure de réseau, mais indépendamment de celle-ci. Je reviendrai sur ce point dans quelques instants.
Notre société a adopté cette stratégie de grossiste de réseau. Soit dit en passant, cela signifie que nos clients sont d'autres fournisseurs de services, comme les compagnies de téléphone, les revendeurs, des sociétés comme AT&T Canada, Sprint, et cetera, ainsi que nos compagnies de téléphone provinciales. Nous avons pour politique d'être aussi ouverts que possible, pour encourager tous ceux qui veulent avoir accès à notre réseau international à acheter nos services en gros et à offrir de leur côté ces services sur le marché en fixant le prix.
Il y a quelques années, Téléglobe décidait véritablement de ce qu'il en coûtait pour effectuer un appel entre le Canada et Londres ou Paris. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous jouons désormais un rôle de grossiste en offrant un tarif forfaitaire à nos clients acheteurs de services. Ce sont eux qui ensuite se livrent concurrence pour obtenir votre clientèle. Ce sont eux qui fixent les prix. Vous avez été témoins de réductions énormes des tarifs des communications internationales, tout en continuant de profiter de l'excellent service auquel nous avons été habitués dans notre pays.
Face à l'évolution rapide que connaît ce domaine et parfaitement conscients de nos points forts à titre de société canadienne et de la place que nous avons réussi à nous tailler sur ce marché, nous poursuivons depuis deux ou trois ans une stratégie d'expansion très vigoureuse conçue par nous-mêmes. Pour aborder brièvement la question des ressources humaines, madame la présidente, je dirais que nous sommes fortement convaincus que le Canada a bien des raisons d'être fier. Souvent, les Canadiens ont hésité à exploiter les moyens très naturels dont nous disposons.
Lorsque je parle d'expansion internationale, nous avons cherché essentiellement à nous tailler une place sur le marché très naturel situé au sud de notre frontière et à utiliser nos installations canadiennes à Montréal, Toronto, Vancouver et sur la côte est, ainsi que notre réseau, pour affirmer notre présence; tout cela ne pourra que profiter au marché canadien en nous permettant d'accroître les activités sur notre réseau, de réduire nos coûts et d'offrir de nouveaux services. On peut dire que nous avons adopté une stratégie d'expansion très dynamique.
Pour vous en dire un peu plus sur notre entreprise, je répète que nous sommes un fournisseur canadien de services intercontinentaux. Nous utilisons le terme «intercontinental» pour faire la distinction avec les services offerts entre le Canada et les États-Unis. Ces derniers représentent de toute évidence un marché international des plus importants, même pour Téléglobe, mais il s'agit de plus en plus d'un marché très intégré à bien des égards. L'interconnexion qui existe aux fins de télécommunications entre le Canada et les États-Unis se fait principalement entre les compagnies de téléphone locales, les fournisseurs locaux de services qui, de leur côté, échangent du trafic de part et d'autre de la frontière, et à l'heure actuelle, nous ne participons pas à ce marché.
Vu sous un autre angle, lorsque vous appelez quelqu'un au Canada depuis l'étranger, nous sommes le pays numéro un, la même chose que les États-Unis, qui ont également le code numéro un dans le monde.
J'ai déjà dit que nous adoptons une stratégie de grossiste. Pour vous donner une idée de la place que nous occupons dans le monde, nous venons au sixième rang pour ce qui est des transmissions intercontinentales. C'est une statistique assez impressionnante qui souligne bien l'importance que les télécommunications ont toujours eue pour notre pays. Cela met également en exergue la nature très internationale du Canada, et nous ne le répéterons jamais assez. J'ai participé dernièrement à un voyage en Suède avec le ministre Manley, et j'ai écouté l'autre jour les remarques faites par le premier ministre à Montréal. Je pense que nous avons de nombreuses raisons d'être fiers de la place que nous occupons sur la scène internationale. Dans le monde des affaires, nous ne sommes pas toujours conscients du succès retentissant que nous avons connu ces dernières années dans le domaine des exportations.
Notre réseau, je le répète, est l'un des plus vastes au monde et rejoint plus de 240 pays et territoires. Nous portons un vif intérêt aux nouvelles technologies et l'un des secteurs les plus attrayants à s'être développé récemment est celui des systèmes à satellites.
Parlons maintenant de la taille de notre entreprise. Dans le contexte canadien, nous sommes une entreprise assez importante, je suppose, avec un chiffre d'affaires de 1,5 milliard de dollars.
Comme vous le savez sans doute, nous devons faire face à la concurrence de quelques grandes entreprises étrangères. Lorsque je dis que nous venons au sixième rang pour ce qui est de nos moyens de transmission en minutes à l'heure actuelle, nous nous comparons à des entreprises comme AT&T, MCI et Sprint, qui sont beaucoup plus grosses que la nôtre, ainsi que Deutsche Telekom, France Télécom et d'autres.
J'ai déjà indiqué l'un des éléments clés de notre stratégie. Lorsque je parle à des analystes financiers, ils me posent immanquablement des questions au sujet du régime de réglementation en vigueur au Canada et du mandat de notre société. Je réponds toujours à ces analystes, et c'est ce que j'aimerais vous faire comprendre, que notre société vise principalement à être prospère sur le marché en tirant pleinement parti de ses propres ressources et de ses propres moyens. Depuis que M. Sirois s'est joint à la société en 1992, à la même époque que de nombreux autres gestionnaires et moi-même, nous avons cherché avant tout à exploiter les avantages naturels dont nous jouissons sur le marché.
En tant que très grande entreprise de télécommunications internationale basée en Amérique du Nord, Téléglobe occupe déjà une place privilégiée sur le marché canadien. Je le répète, notre réseau est tout à fait comparable à celui d'AT&T, MCI et Sprint, les trois principaux télécommunicateurs américains. Ces derniers acheminent plus de trafic sur leur réseau, mais la capacité du nôtre n'a rien à leur envier. Nous avons l'avantage très net d'être basés en Amérique du Nord, tout comme eux. Le marché nord-américain représente à lui seul plus de 50 p. 100 du trafic international dans le monde entier. Étant situés au Canada, nous jouissons d'un avantage géographique très net. Nous avons poussé cet avantage géographique naturel en Europe, en Asie et en Amérique du Sud. Par le passé, la société est toujours restée canadienne et a hésité à étendre ses activités à l'étranger, mais conscients des possibilités qui nous étaient offertes, nous avons décidé de nous implanter dans d'autres pays. Nous acheminons aujourd'hui énormément de trafic sur notre réseau non canadien, des échanges internationaux entre deux pays qui passent par le Canada. Cela représente un élément important de nos activités.
Étant donné l'importance de l'Amérique du Nord et l'avantage que nous confère notre place de société canadienne, il est tout naturel que nous ayons cherché à nous implanter aux États-Unis. Je ne vous raconterai pas en détail la saga de notre stratégie de pénétration du marché américain. Les États-Unis se vantent d'être le marché le plus ouvert et le plus concurrentiel au monde. Téléglobe et d'autres entreprises -- et surtout fONOROLA, l'un des revendeurs canadiens -- ont pu voir concrètement ce qu'il faut faire pour être autorisé à desservir le marché américain. Ce fut un processus interminable et frustrant. La bonne nouvelle, c'est qu'à l'heure où nous nous parlons, nous avons obtenu toutes les autorisations voulues. Cet été, Téléglobe a obtenu l'autorisation d'exploiter ses services aux États-Unis dans les mêmes conditions qu'au Canada, en utilisant des installations internationales. Nous avons des possibilités extraordinaires de miser sur nos points forts au Canada pour mieux desservir le marché américain. C'est absolument essentiel.
Pour ceux d'entre vous qui avez suivi notre saga, l'un des principaux problèmes auxquels nous nous sommes heurtés a été d'être rejetés par les États-Unis pour des considérations politiques sans aucun rapport avec Téléglobe. À l'époque, le Canada et les États-Unis étaient au beau milieu d'un litige entourant la musique country. Le représentant commercial américain a pris des mesures de représailles en donnant l'ordre à l'organisme de réglementation des États-Unis de ne pas délivrer notre licence. Nous avons joui d'une collaboration et d'un appui extraordinaires de la part du gouvernement canadien qui nous a aidés à surmonter tous ces obstacles, et le problème a fini par se régler. Même si je dis que ce fut une expérience plutôt frustrante, j'insiste encore sur le fait qu'il était absolument essentiel pour nous, sur le plan stratégique, de pénétrer le marché américain. Nous sommes très heureux des progrès réalisés.
Nous exploitons actuellement une entreprise très prospère aux États-Unis, laquelle emploie localement des Canadiens et des Américains. Nos activités sur ce marché, uniquement, représentent environ un tiers de nos activités au Canada. Nous avons obtenu ces résultats en un an à peine.
D'autres vous parleront de la diversification des services. Nous nous concentrons également sur la fourniture de nouveaux services aux entreprises canadiennes, pour aider les exportateurs à avoir accès aux marchés étrangers grâce à divers services d'appel ou des numéros sans frais pour les appels internationaux.
Nous suivons de près les progrès techniques comme l'Internet. Il faut bien admettre qu'il est parfois frustrant de naviguer sur l'Internet. Cela prend du temps. Les transmissions sont parfois bloquées. Je peux vous dire que c'est encore pire au niveau international, ce qui est une bonne nouvelle pour un fournisseur de services comme Téléglobe. Nous sommes déterminés à accroître la capacité de notre réseau, pour offrir l'accès à l'Internet.
J'ai également parlé des radiodiffuseurs. Fait nouveau intéressant sur la scène internationale, il nous est désormais possible, grâce à notre réseau, d'avoir plus facilement accès aux services de radiodiffusion des autres pays. En outre, nous pouvons également faire la promotion des services canadiens dans d'autres marchés, non seulement grâce à la technologie traditionnelle de radiodiffusion par satellite dans le monde entier -- ce qui est la façon courante dont les gens peuvent suivre les Jeux olympiques qui se déroulent dans un autre pays; nous avons également accru la capacité de notre réseau en vue d'emmagasiner certaines émissions dans notre réseau de fibres optiques, ce qui permettra d'y avoir accès en temps virtuel. De cette façon, une personne qui, en Europe, veut suivre une partie de hockey au Canada, mais ne veut pas la regarder au beau milieu de la nuit, pourra profiter de ce service. Nous serons à même d'emmagasiner cette émission et de la retransmettre à une heure plus convenable pour les téléspectateurs d'un autre pays.
Les deux prochaines diapositives présentent notre position internationale. Au Canada, nous sommes surtout présents à Montréal, outre des installations importantes à Toronto et à Vancouver. Nous en avons également sur la côte Est, aux abords de Halifax.
Aux États-Unis, pour des raisons d'ordre réglementaire traditionnelles, nos installations se trouvent en Virginie, tout près de Washington, D.C. Depuis quelques années, nous avons pris également des mesures énergiques pour nous implanter en Asie et en Europe.
J'aimerais vous montrer une représentation simplifiée de notre réseau. J'espère que cela vous paraîtra clair. En un mot, notre réseau consiste en câbles sous-marins de fibres optiques. C'est la base de notre réseau. Les gens me demandent souvent si cette technologie n'est pas désuète et si celle des communications par satellite ne va pas remplacer la transmission par câble. En fait, c'est tout à fait le contraire. Lorsqu'on veut transmettre énormément d'information à très grande vitesse, rien ne vaut le câble en fibres optiques. Nous sommes fiers de posséder l'un des réseaux les plus modernes au monde. À l'heure actuelle, surtout entre l'Amérique du Nord et l'Europe, nous possédons le réseau le plus vaste et le plus moderne qui relie ces deux marchés.
Nous détenons également une participation importante dans la technologie des satellites. Cette dernière sera toujours cruciale pour desservir des marchés difficilement accessibles par câble, mais elle contribuera également de plus en plus -- et d'autres témoins spécialisés dans la technologie des satellites vous en parleront certainement plus en détail -- à pénétrer des créneaux du marché qui ne sont peut-être pas desservis directement par les installations par câble à l'heure actuelle. Les services mobiles, secteur auquel nous nous intéressons tout particulièrement, constituent une application évidente de cette technologie.
En outre, la demande de services à domicile s'est également accrue. Les retransmissions directes au foyer sont désormais possibles.
Là encore, il y a 10 ans, si l'on avait demandé à un ingénieur s'il était possible que les retransmissions par satellite fassent concurrence au câble, les gens se seraient gratté la tête d'un air sceptique. Je maintiens néanmoins que le câble constitue un moyen de transmission plus efficace en fin de compte. Toutefois, étant donné l'état de ces deux technologies et les progrès rapides auxquels nous assistons, à l'heure actuelle, la radiodiffusion par satellite livre une vive concurrence à la transmission par câble.
Je suis convaincu que, là encore, l'évolution technologique nous fera passer à une autre case sur l'échiquier, mais il en ira sans doute de même pour l'accès au réseau Internet par satellite.
Cette diapositive explique le vif intérêt que porte notre entreprise à la technologie des satellites. Nous sommes très fiers de notre participation à deux systèmes à satellite mondiaux. Les satellites traditionnels sont placés sur orbite géostationnaire: autrement dit, ils tournent à la même vitesse que la terre et semblent donc être stationnaires au-dessus de celle-ci. Les nouveaux systèmes sont sur une orbite beaucoup plus proche de la terre, ce qui accroît considérablement la qualité de la transmission. Comme vous le savez, lorsqu'on appelle à l'étranger, on peut savoir presque immédiatement si la transmission se fait par satellite à cause du décalage dans la conversation. Si la transmission se fait par fibres optiques, il n'y a pas le moindre retard dans le signal.
J'en viens maintenant au contexte dans lequel notre entreprise et le Canada en général doivent évoluer. Vous savez déjà, et on vous le dira encore certainement -- le secteur international en est un exemple flagrant... que nous assistons à une évolution permanente de la technologie disponible.
Que signifie l'évolution de la technologie? Sur le plan politique, il est désormais possible de créer plus rapidement de nouveaux services, mais également d'utiliser différents systèmes de fourniture de services sur le marché. Cela se traduit par une capacité très naturelle de créer et de favoriser une concurrence accrue sur ce marché. Un bon exemple, tant sur le marché national qu'international, est la mise en place des services cellulaires. Divers services de communications sans fil sont mis à l'essai les uns après les autres et il ne fait aucun doute que ces services seront de plus en plus rentables et fiables, tant au niveau national qu'international.
J'ai parlé des fibres optiques et des satellites. Ces progrès technologiques influent sur le point de vue traditionnel dans le secteur international selon lequel une entreprise comme Téléglobe est tenue de communiquer avec une autre comme France Télécom. Il existe actuellement de nombreuses façons pour les gens au Canada de communiquer avec d'autres personnes en France.
Il s'agit à notre avis de tendances très naturelles. Les politiques adoptées par notre pays devraient viser à profiter des avantages de cette évolution tout en permettant à des entreprises comme la nôtre d'avoir une chance égale de saisir ces nouvelles opportunités.
Sur la scène internationale, nous assistons à des mesures de libéralisation extraordinaires. En ce moment même, l'entreprise Deutsche Telekom est en cours de privatisation. Dans toute l'Europe -- et le Royaume-Uni et la Suède en sont les deux exemples les plus flagrants -- la concurrence sur ces marchés est presque entièrement libre. Il y a quelques années, c'était impensable.
Sur le marché international, on entend dire tous les jours que de nouvelles alliances sont conclues entre des entreprises de pays différents dans le but précis de desservir leurs clients qui ont une présence internationale. Rien de surprenant à ce que ces alliances aient été menées à bien des égards par les télécommunicateurs américains qui, évidemment, ont la clientèle la plus importante et les liens internationaux les plus forts. C'est ainsi qu'AT&T, MCI et Sprint poursuivent des stratégies agressives en matière d'alliances.
Je dois dire que tout le monde n'est peut-être pas du même avis quant au succès définitif de ces alliances, mais il s'agit d'un phénomène omniprésent sur le marché actuel. Cela a de très importantes conséquences pour le Canada. Là encore, nous avons vu les entreprises AT&T et Sprint se tailler une place de choix sur le marché canadien, et de toute évidence, il existe une grande coordination entre leurs activités et celles de leurs installations américaines. Quant à MCI, elle fonctionne de concert -- je ne veux pas faire un jeu de mots, c'est vraiment le nom de son service -- avec les entreprises Stentor.
Sur la scène internationale, certaines tendances et pressions évidentes s'exercent pour l'ouverture des marchés. En ce moment même, nous sommes en pleine négociations commerciales dans le cadre du GATT. La semaine dernière, j'ai passé une soirée très agréable avec les sous-ministres de l'Industrie et des Affaires étrangères à discuter de notre stratégie de négociation. Téléglobe, à titre d'entreprise internationale de télécommunications, est directement concernée par ces questions. Il existe des tendances très claires et le Canada doit prendre des décisions très importantes.
De façon générale, nous sommes partisans d'un régime de réglementation qui permette au marché de favoriser l'investissement dans les nouveaux services. Je me hâte d'ajouter que le facteur le plus important doit être la créativité des services dans notre pays. Je fais souvent la remarque suivante: on entend trop souvent des représentants de l'industrie, et surtout d'entreprises de télécommunications à réseau comme la nôtre, exprimer des opinions qui mélangent les deux intérêts d'une entreprise. Bien sûr, les télécommunicateurs ont tout intérêt à favoriser l'investissement dans leur réseau mais, parallèlement, ils ont intérêt à préserver, et même à affirmer leur présence relativement dominante sur le marché des services.
Nous sommes intimement convaincus qu'il faut à la fois favoriser l'investissement dans les réseaux et promouvoir du même coup la création de services novateurs au Canada. C'est à notre avis ce secteur qui offre les meilleures perspectives d'avenir du Canada. La meilleure façon d'atteindre ces objectifs est de faciliter l'accès aux réseaux en libéralisant et en ouvrant le marché au maximum. Cela garantira aux exploitants de réseau les investissements nécessaires à leur expansion future.
On me demande souvent si l'expansion du réseau Internet me préoccupe. Je dirais en exagérant peut-être un peu que le phénomène de l'Internet n'est pas dû aux compagnies de téléphone. L'Internet est né d'un réseau créé à des fins éducatives et scientifiques, mais une poignée d'entrepreneurs a décidé de le développer. Il existe une multitude de soi-disant fournisseurs de services Internet dans le pays, dont un grand nombre comptent moins de 2 000 clients.
On me demande si nous craignons que ces fournisseurs aient la haute main sur les clients et les influencent donc dans leur choix de réseau. Absolument pas. À titre de fournisseur de réseau, rien ne nous réjouit davantage que les initiatives susceptibles d'accroître l'utilisation du réseau. En fin de compte, c'est ce qui nous permet d'accroître nos investissements et de poursuivre notre expansion.
J'aimerais vous mettre en garde contre ceux qui disent, dans leur propre intérêt, que pour favoriser l'investissement dans le réseau, il faut être très prudent dans la façon dont on mesure l'accès au réseau des gens qui ne fournissent pas eux-mêmes des services de réseau. Autrement dit, vous entendrez dire que ceux qui ne sont que des revendeurs ou qui se contentent d'utiliser le réseau de quelqu'un d'autre ne sont pas eux-mêmes des investisseurs. C'est un argument qui me paraît peu plausible. Je le répète, en tant que fournisseur de réseau, rien ne me réjouit davantage que de voir des gens revendre mon réseau et l'utiliser pour créer de nouveaux services et élargir leur marché.
Les deux points suivants sont les questions politiques précises d'importance pour le contexte canadien à l'heure actuelle. Premièrement, l'accès aux capitaux de placement dans notre pays. Vous avez sans doute remarqué à quel rythme les services se développent dans notre pays, avec l'apparition des téléphones cellulaires et des nouveaux services de communications personnelles. Ce n'est qu'un début. Si nous ne voulons pas nous laisser distancer, notre entreprise doit effectuer d'importants investissements dans son infrastructure.
Notre dernière installation de câbles, que nous avons posés entre le Canada et l'Europe, nous a coûté près de 500 millions de dollars. C'est une activité capitalistique. Si nous n'avons pas hésité à faire cet investissement, c'est parce que nous savions que nous cherchions à étendre nos activités dans toute l'Amérique du Nord et nous savions que, en dernier ressort, nous pourrions utiliser ces câbles pour desservir notre marché américain.
La deuxième question est l'importance d'adopter des principes directeurs qui favorisent la concurrence entre les fournisseurs de services. Là encore, la meilleure façon de procéder est à notre avis de garantir l'accès concurrentiel à l'infrastructure et de ne pas confondre ces deux questions. Sur le marché canadien à l'heure actuelle, la plupart des grandes entreprises qui exploitent un réseau sont également les plus importants fournisseurs de services. À l'avenir, nous sommes convaincus que, si elle veut continuer de jouer un rôle de chef de file, notre industrie devra absolument être en mesure de favoriser la concurrence dans la fourniture des services et suivre le modèle que nous avons préconisé à Téléglobe; ce modèle prévoit de faciliter au maximum l'accès à notre réseau aux autres fournisseurs de services internationaux sur le marché canadien.
Pour être plus précis, la première question est liée à la propriété étrangère, laquelle est au coeur des négociations commerciales mondiales et du GATT à l'heure actuelle. Le moment est venu d'envisager cette question sous un nouveau jour. À une époque, on était convaincu qu'il fallait absolument adopter une politique très stricte en matière de propriété canadienne dans le domaine des télécommunications, pour favoriser les investissements. Les résultats se passent à notre avis de commentaires. Nous avons une industrie nationale de calibre mondial et, de plus en plus -- d'autres vous le diront également -- la question de la propriété étrangère nuit à notre compétitivité pour l'accès aux capitaux dont nous avons besoin pour faire des investissements dans notre pays. Par exemple, si notre entreprise voulait avoir directement accès au marché américain pour ses installations aux États-Unis -- ce que nous ne souhaitons pas particulièrement -- il est évident que l'accès aux capitaux est beaucoup plus concurrentiel sur le marché américain. D'autres témoins vous diront également que cette politique entrave considérablement la création de services au Canada.
Le revers de la médaille, et c'est un facteur beaucoup plus important pour nous, c'est que les restrictions imposées au Canada peuvent se traduire par des obstacles sur d'autres marchés. C'est ce qui s'est passé pour nous aux États-Unis et cela se produira encore dans d'autres pays. Il est difficile de prétendre que nous devrions pouvoir pénétrer un autre marché si les décideurs du pays en cause voient arriver une entreprise canadienne dont le marché est entièrement protégé.
Notre politique devrait viser essentiellement à réglementer l'utilisation des capitaux -- c'est-à-dire à promouvoir la recherche et le développement. La société Erickson, dans la région de Montréal, en est l'un des meilleurs exemples. Cette société n'est pas canadienne. Elle a été incitée à venir s'implanter au Canada à l'époque de l'avènement des services cellulaires, pour y investir dans la recherche et le développement. Il s'agit d'un parfait exemple d'initiative politique efficace. Cette société a ouvert un atelier comptant une cinquantaine d'ingénieurs. À l'heure actuelle, elle en compte 950 et est sur le point d'en engager 150 de plus. D'après ses dirigeants, le fait d'avoir pu investir sur le marché canadien et de constater notre niveau de connaissances s'est révélé une expérience extraordinaire et couronnée de succès. L'un des cadres de la société a dit carrément l'autre jour: «Le marché canadien nous a offert des possibilités merveilleuses. Vous avez des gens très compétents et des travailleurs très loyaux».
À Montréal, la société Erickson poursuit ses recherches en vertu d'un mandat d'exclusivité mondial. Les recherches se font à Montréal, mais elles portent sur toutes les communications cellulaires sans fil en vertu d'un mandat mondial. Ses responsables nous ont dit que, aux États-Unis, ils auraient des problèmes de roulement de personnel. Cet exemple me paraît tout à fait extraordinaire. Si nous pouvons convaincre les gens de venir investir dans notre pays, nous offrons au Canada un milieu très propice à des investissements permanents. Il y a eu d'autres exemples dans la région de Montréal -- Softimage, récemment achetée par Microsoft et DMR, dont Amdahl a fait l'acquisition -- où, au départ, on aurait pu s'inquiéter de la participation de sociétés américaines. Les résultats ont prouvé que le marché canadien est un marché naturel où ces entreprises peuvent investir sans exporter nos connaissances. Nous avons une main-d'oeuvre hautement spécialisée et des coûts très avantageux qui permettent à ces entreprises d'affirmer leur présence sur notre marché en vue d'en desservir d'autres, et de créer de nouveaux emplois encore plus spécialisés au Canada, afin de desservir non seulement le marché intérieur, mais également les autres marchés.
Il existe certaines tendances internationales évidentes. Bien sûr, le gouvernement fait l'objet de pressions en vue d'examiner sa réglementation relative à la propriété étrangère. Je le répète, il existe à notre avis de bonnes raisons politiques de croire que le moment est venu d'assouplir notre réglementation visant la propriété étrangère, de favoriser l'investissement de capitaux étrangers au Canada et d'être productifs sur le marché canadien, ce qui contribuera à la création d'emplois, mais également à l'essor du marché canadien en général. À long terme, c'est la meilleure façon de garantir une industrie canadienne saine et dynamique.
L'autre question est liée à la structure nationale et la position de Téléglobe à ce sujet vous paraîtra plus claire lorsque Mme Bradford fera ses observations. Nos politiques doivent viser essentiellement à supprimer tous les obstacles internes artificiels, lesquels entravent notre capacité d'utiliser notre infrastructure de façon plus efficace. Je pense à deux choses en particulier.
Tout d'abord, les politiques en vigueur ont eu pour effet de créer une distinction naturelle entre les entreprises qui offrent un service local, celles qui offrent des services interurbains sur le marché intérieur et les entreprises comme Téléglobe, qui pour le moment offrent uniquement des services intercontinentaux. Il est tout à fait naturel que le marché canadien -- et c'est inévitable si l'on considère l'ensemble du marché nord-américain -- fasse disparaître tout obstacle interne qui nous empêche d'utiliser notre infrastructure nationale de la façon la plus rentable pour offrir des services.
L'acheminement du trafic intercontinental sur le réseau canadien est une question qui tient particulièrement à coeur à Téléglobe. Nous nous heurtons au problème du contournement: il s'agit de certains fournisseurs de services, certains clients qui estiment plus intéressant d'accéder directement aux services américains. Dans ce cas-là, nous sommes en concurrence directe avec des entreprises américaines qui ne sont même pas présentes sur notre marché. Leurs services s'arrêtent à la frontière, et elles ne sont donc pas assujetties aux restrictions du marché canadien. Ces entreprises représentent une concurrence très réelle. Il faut que notre réglementation vise à résoudre ce problème et donne à notre marché le temps de s'adapter, mais en dernier ressort, il nous faut disposer d'une structure canadienne efficace qui nous permette de faire une concurrence équitable aux entreprises américaines.
En outre, cela donnera à Téléglobe en particulier une chance plus équitable, comme nous l'avons déjà signalé, d'acheminer du trafic de l'étranger sur son réseau, grâce à ses installations de Montréal, de Toronto et de Vancouver.
Cela conclut ma partie de l'exposé.
La présidente: Monsieur Stewart, vous parlez de la position concurrentielle du Canada sur le marché international de façon si fascinante que nous pourrions vous écouter indéfiniment.
Mme Mariel Bradford, vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementation, Téléglobe Canada Inc.: Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que je tiens à vous dire que Téléglobe, sans doute la seule entreprise de télécommunications au monde à détenir un monopole, demande instamment au gouvernement de modifier son mandat et de créer un milieu ouvert à la concurrence. Lorsque je vais à l'étranger, les gens me demandent si nous avons véritablement fait cette demande. Je leur réponds que oui. Il vaut mieux, à notre avis, agir rapidement, car les forces concurrentielles et les tendances mondiales évoluent elles aussi rapidement. Il serait désavantageux pour le Canada de nous laisser distancer.
En juillet 1995, le ministre Manley a lancé un examen annoncé dans la Gazette. Des mémoires ont été présentés par notre entreprise, et par d'autres désireuses d'entrer sur ce marché au Canada, ainsi que par des groupes d'utilisateurs. L'étude s'est terminée en décembre dernier. Dans notre mémoire, dont nous pouvons vous remettre une copie, nous demandions au gouvernement de supprimer notre mandat d'exclusivité et de mettre en place une structure internationale concurrentielle qui permette aux entreprises canadiennes de participer à ce que nous considérons comme un aspect très important du commerce extérieur et des télécommunications internationales.
Neuf mois se sont écoulés depuis que le processus a été enclenché et nous attendons encore une décision sur cette question très importante, non seulement pour notre société, mais également pour le pays. Le temps file. Nous voilà presque en novembre 1996 et le gouvernement n'a toujours pas pris de décision quant à l'avenir de l'industrie des télécommunications internationales au Canada et au cadre politique le mieux adapté à notre pays.
En un mot, honorables sénateurs, nous avons demandé au gouvernement d'ouvrir à la concurrence étrangère l'exploitation d'installations de transmission intercontinentale. La dernière étape et la plus importante, du point de vue législatif et juridique, consiste à abroger la loi en vertu de laquelle Téléglobe a été privatisée. Cette loi date de 1987. Elle a peut-être été adoptée avant même que certains sénateurs présents aujourd'hui ne soient nommés. À l'époque de la privatisation, les modalités prévues dans la loi, qui limitaient la participation au capital de notre société à zéro pour les entreprises étrangères de télécommunications et à un tiers des actions avec droit de vote pour les entreprises nationales, étaient justifiées. Compte tenu des tendances mondiales, cela est tout à fait dépassé. Nous avons soutenu que le Parlement devrait abolir cette loi et assujettir notre entreprise, ainsi que toutes celles qui oeuvrent dans ce domaine, à la Loi sur les télécommunications de 1993.
Ces questions sont d'une importance cruciale pour garantir la survie de notre entreprise et créer au Canada un cadre propice à la concurrence internationale. Tout retard ne pourra que nuire à nos intérêts collectifs.
Dans notre mémoire, nous demandons également au gouvernement de restreindre l'accès direct au marché international de notre principale clientèle, dont les sociétés locales membres de Stentor comptent pour environ 80 p. 100. Si on les autorise unilatéralement à pénétrer directement le marché, notre entreprise aura investi en vain sans avoir eu le temps de bâtir sa propre clientèle au Canada. Nous demandons donc une période de transition à cet égard.
Enfin, si nous voulons bâtir une entreprise concurrentielle vraiment nord-américaine, il nous faudra obtenir l'assurance que l'on maintiendra les restrictions actuelles visant l'acheminement de trafic canadien par des infrastructures qui ne sont pas des installations canadiennes. En fait, nous avons demandé à l'organisme de réglementation d'appliquer les règles actuelles de façon plus stricte que par le passé. Ceci est très important pour nous en attendant que les règles du jeu soient modifiées et que nous puissions évoluer sur un marché nord-américain pleinement intégré. Cela sera possible lorsque la Loi sur Téléglobe sera abrogée, que d'autres entreprises seront présentes sur le marché et que nous disposerons vraiment d'une structure nord-américaine sur le marché.
Madame la présidente, honorables sénateurs, voilà le message que je voulais vous transmettre aujourd'hui.
La présidente: Merci. J'aimerais poser une question au sujet d'un point qui me préoccupe depuis 10 ans.
[Français]
Vous avez parlé un peu, monsieur Forget, dans votre livre de la division entre l'infrastructure et le contenu. Vous en avez parlé brièvement, monsieur Stewart, dans votre présentation. Pourquoi est-ce que vous prônez cette pratique?
M. Forget: Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question.
La présidente: Pourquois prônez-vous la séparation très stricte entre l'infrastructure et le contenu?
M. Forget: C'est une distinction à laquelle M. Stewart fait allusion sous une autre désignation dans ses remarques, la distinction entre l'infrastructure et les services
La présidente: C'est le «Network and service».
M. Forget: Cela s'inscrit dans la préoccupation que l'on retrouve dans notre mémoire pour encourager une ouverture plus grande à la concurrence sur le marché pour les services. Dans notre livre, nous affirmons qu'en dépit du fait que l'infrastructure ait lieu et que des innovations technologiques captivent l'imagination de tous, ce n'est pas au niveau des infrastructures que l'action la plus importante doit se passer. C'est au niveau des applications des services et des contenus. L'innovation doit se faire à un rythme maximum dans ces domaines qui sont, la plupart du temps des domaines où interviennent des petites entreprises ou des moyennes entreprises. Si l'on pense à l'innovation, il est important d'abaisser les barrières à l'entrée.
Traditionnellement, dans l'industrie des télécommunications comme dans l'industrie, d'ailleurs, de la radiodiffusion, la condition essentielle d'accès au marché pour les contenus, les services et les applications était de détenir des infrastructures, c'est à dire d'être propriétaire d'infrastructures ou de construire des infrastructure. Cela requiert souvent des dizaines peut-être même des centaines de millions voire des milliards de dollars.
Il est clair que le lien entre les infrastructures et les services comme application nécessaire pour fermer l'accès à l'industrie à plusieurs entrepreneurs qui ont des idées et qui peuvent contribuer à créer des emplois, à créer de la richesse en partie exportable, est donc contraire à l'intérêt du pays.
Si l'infrastructure est maintenue distinctement, elle va se développer. Elle va se développer d'autant plus facilement que si les services, les applications et les contenus se développent. Il y a une synergie entre les deux, pourvu qu'on les sépare. Cela est peut-être un paradoxe mais c'est une constatation. Dans au moins une des entreprises du groupe qui est apparenté via Télésystem dans Microcell qui a obtenu une licence l'an dernier pour les services spéciaux, s'il y a explicitement cette division structurelle entre une filiale qui s'occupe du développement de l'infrastructure de PCS, et une filiale qui s'occupe de la mise en marché du service et des relations avec l'abonné, la notion que nous retenons est que l'infrastructure est disponible à n'importe qui.
Or, nous savons par les études faites pour justifier cette structure corporative que c'est ainsi que l'on peut obtenir le taux de croissance le plus rapide y compris le taux de croissance le plus rapide dans l'installation de l'infrastructure.
Donc, cela est vraiment dans l'intérêt de tout le monde. Je crois que l'on commence à le constater dans un grand nombre d'industries. Il est dommage que souvent ceux qui détiennent des infrastructures se résignent avec difficulté et avec chagrin à se défaire de leur emprise exclusive.
Nous avons assisté à cela récemment, lors des audiences du CRTC pour déterminer les conditions d'interconnexion des réseaux. C'est une règle fondamentale, si l'on doit avoir ce réseau des réseaux qu'est l'autoroute de l'information. L'on n'a pas le sentiment quand on assiste à ces audiences que ceux qui détiennent des infrastructures sont heureux de les partager. Je pense qu'ils se trompent, qu'ils plaident contre leurs propres intérêts; évidemment, ils ne seraient pas d'accord avec cette affirmation.
Certainement il plaide contrairement aux intérêts tels qu'on les perçoit de l'ensemble de la collectivité et du pays. Mais pour la raison que j'ai indiquée, il faut abaisser les barrières à l'entrée pour tous les secteurs où la création et l'innovation se font. Ce n'est pas dans l'infrastructure que cela se fait, principalement pour l'avenir.
La présidente: Je trouve très intéressant que l'on discute publiquement de cette question. Les médias, depuis 5 ans, portent attention aux questions technologiques. Comme vous le voyez, nous avons inclus dans notre étude de la situation canadienne sur le plan international le contenu et l'infrastructure, parce que l'on se pose les mêmes questions que vous.
Comment percevez-vous le rôle du gouvernement d'aujourd'hui pour justement faciliter, encourager la créativité au Canada dans le domaine des services, par exemple, la programmation des télécommunications et ainsi de suite au niveau des services?
M. Forget: C'est une grande question. Je ne sais pas si je puis lui faire justice. J'ai plutôt l'impression que non. Par la réponse que j'ai déjà donnée à votre première question, certainement en abaissant les barrières à l'entrée, en rendant plus accessibles les réseaux, en suggérant et même en imposant, si nécessaire, cette distinction, je crois que l'on peut faire beaucoup. Ce n'est pas une panacée. Ce n'est pas la seule solution.
Il y a dans bien des domaines des politiques qui vont dans le bonne direction. Le fonds pour la production qui a été annoncée récemment est certainement une mesure qui va dans la bonne direction.
Il y a cependant tout un autre volet des politiques traditionnelles dans le domaine du contenu sur laquelle nous nous exprimons dans notre livre. Nous avons un doute au moins quant à l'efficacité des mesures protectionnistes qui prennent la forme de réglementation imposant certains contenus avec la multiplication des contenus et le choix de plus en plus grand laissé aux consommateurs, à l'utilisateur final. On voit mal comment cette forme d'intervention va pouvoir maintenir son efficacité à court terme. À moyen terme, oui, bien sûr, on peut l'imposer, mais à plus long terme, c'est douteux.
Dans un domaine comme la promotion de la création pour le marché de langue française, c'est une politique complètement inverse qui devrait être adoptée parce qu'il y a une question de masse critique. Le marché francophone au Canada seulement est tout simplement trop petit pour justifier un certain nombre de productions.
Et il y a là une question déchirante, bien sûr, parce qu'il y a toujours ce problème de spécificité des contenus. On nous dit: oui, si on produit pour un marché international francophone, on ne s'y retrouvera plus.
Il y a des arbitrages qui sont difficiles dans tout cela. Mais nous soumettons au gouvernement canadien le même langage que nous avons tenu à la commission de la culture de l'Assemblée nationale, il y a moins de 15 jours. Nous leur avons indiqué, qu'à notre avis, le défi culturel et linguistique pour l'inforoute était un défi sous-estimé. Pour le relever vraiment, il ne faudra certainement pas renforcer les mesures protectionnistes, mais au contraire, prendre des initiatives déterminées pour établir un véritable marché commun parmi les pays de la francophonie pour créer cette masse critique.
Je ne suis pas sûr que nous ayons persuadé entièrement nos auditeurs dans cet autre forum. Il y a des objections naturelles, des obstacles pratiques et des questions d'attitude qui ne sont pas à la portée des gouvernements de changer tout seul. Mais il y a un un travail important à faire.
La présidente: J'ai une autre question à poser. Quand vous avez recommandé justement que Téléglobe, et on y a référé, partage son monopole, quel va être l'impact sur votre part de marché de ce partage de monopole.
M. Stewart: Premièrement, comme réponse, il est assez évident que notre part de marché risque de tomber.
La présidente: Vous avez parlé d'une période de transition?
M. Stewart: Pour nous, encore une fois, je pense que nous avons adopté une approche conceptuellement consistante dans le sens qu'il est inévitable d'accepter les bénéfices de la concurrence sur la scène internationale.
Comme Claude Forget l'a mentionné dans d'autres contextes, la vraie question est la suivante: comment, en tant que compagnie canadienne pouvons-nous participer à cette croissance? Alors dans la discussion, nous voulions mettre le focus sur les règles de transition avec l'objectif, bien sûr, qu'au bout de la ligne, en tant que compagnie canadienne, on accepte à la fois une plus grande concurrence dans notre propre marché pour justement se doter des outils pour avoir un plus grand succès à l'extérieur. Ceci fait en sorte que la compagnie va inévitablement suivre une stratégie de croissance. Elle constitue déjà l'effet de notre stratégie comme je l'ai mentionné à l'extérieur du pays.
Nous sommes en croissance comme compagnie canadienne, non parce que l'on est dépendant d'une part du marché dominant au Canada, chose que l'on espère, mais aussi on peut rester compétitif dans le marché. Et c'est mon devoir en tant que président de Téléglobe Canada d'assurer cette compétitivité et de se doter des outils pour suivre une stratégie de croissance plus globale.
La présidente: Nous avons dépassé notre temps. Nous apprécions votre disponibilité et votre présentation. Nous aimerions en avoir des copies pour le ministre.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue aux témoins de l'Association canadienne de télévision par câble. Je pense que vous avez reçu la documentation.
[Français]
Vous avez reçu, M. Stursberg, la documentation que l'on vous a fait parvenir, vous présentant un peu l'encadrement de notre recherche. Vous avez eu également l'occasion d'assister à la présentation de Téléglobe. Je vous invite à présenter vos collègues.
M. Richard Stursberg, président de l'Association canadienne de télévision par câble: J'ai avec moi, Jay Thomson, à ma droite, vice-président responsable des questions juridiques, expert dans le domaine des droits d'auteur à la radiodiffusion. À ma gauche, Dave Watt, vice-président des questions économiques et technologiques.
Nous avons une petite présentation de 10 ou 15 minutes. J'aimerais vous dire d'abord que c'est un grand plaisir pour nous d'être ici avec vous cet après-midi.
[Traduction]
Nous vous avons remis des exemplaires de notre mémoire en français et en anglais.
Nous partons d'un principe très simple: pour être concurrentiel à l'échelle internationale sur tous les marchés, il faut des rivalités intérieures intenses.
Un Canadien célèbre du nom de Michael Porter, professeur d'économie à Harvard, a réalisé une étude de grande envergure. Il a examiné toutes les entreprises du monde qui étaient concurrentielles à l'échelle internationale, et a constaté que leur seul point commun était de connaître des rivalités intérieures intenses. Qu'il s'agisse de l'industrie américaine de l'informatique, de l'industrie italienne du vêtement ou de l'industrie japonaise des produits électroniques, sur leur marché intérieur respectif, il existait des rivalités extrêmes. Toutes les entreprises qui participent à cette rivalité intérieure intense doivent devenir très novatrices et efficaces car chaque jour elles ont un défi à relever. Puis, lorsqu'elles quittent leur marché intérieur pour s'attaquer à des concurrents sur d'autres marchés, elles se débrouillent très bien. Pour être concurrentiel à l'échelle internationale, il faut donc des rivalités intérieures intenses.
Heureusement, au Canada, nous nous dirigeons vers un environnement de concurrence intégrale dans tous les secteurs de l'industrie des communications. Nous ne tirons pas de l'arrière, dans quelque domaine que ce soit. Le Canada est extrêmement concurrentiel dans tous les aspects de ses marchés de communications, et je vais vous fournir certains chiffres à ce sujet.
Une chose nous préoccupe vivement, et c'est pourquoi il nous paraît essentiel d'éviter à tout prix d'invoquer la théorie des champions nationaux, laquelle va tout à fait à l'encontre des rivalités intérieures intenses.
La présidente: Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par «champions nationaux»? Cela fait penser à une course de chevaux.
M. Stursberg: Par le passé, les gens disaient couramment: «Nous sommes un petit pays et nous devrions donc choisir certaines entreprises auxquelles nous accorderons un avantage. Celles-ci seront à l'abri des pressions et rivalités intérieures intenses. Elles seront autorisées à conserver leurs capitaux. Elles jouiront d'un asile sûr au Canada pour prendre des risques et obtenir de bons résultats à l'échelle internationale.»
Cette théorie a été suivie pendant de nombreuses années en Europe et a eu des effets catastrophiques, soit dit sans exagérer. Les gouvernements des principaux pays d'Europe voulaient choisir des champions nationaux et favoriser leur réussite à l'échelle internationale en les protégeant contre la concurrence au niveau local. Le meilleur exemple, je suppose, est celui d'Alcatel en France, qui a perdu l'an dernier près de 10 milliards de dollars. On peut dire sans exagérer que cette société est en bien mauvaise posture financière.
Selon les Américains, la désignation de champions nationaux est la pire des choses à faire. Dans l'ensemble, dans ces domaines -- informatique, télévision, télécommunications -- les entreprises se débrouillent très bien sur le plan international.
Le gouvernement du Canada est tenté de dire qu'il serait souhaitable de créer des champions nationaux car nous sommes un petit pays. De leur côté, les compagnies de téléphone ont été tentées de dire qu'il fallait les traiter comme des champions nationaux de façon à les protéger contre la concurrence, ce qui leur permettrait d'obtenir de bons résultats sur les marchés internationaux. Cette politique, à notre avis, n'est pas judicieuse et n'atteindra pas l'objectif poursuivi. Cela ne nous donnera pas des sociétés concurrentielles à l'échelle internationale, mais tout simplement des sociétés qui s'empâtent. Si vous vous occupiez de l'entraînement de boxeurs et que vous souhaitiez en faire des champions du monde, concurrentiels à l'échelle internationale, vous trouveriez le meilleur partenaire d'entraînement possible et vous les feriez s'entraîner et se battre à plusieurs reprises avant les championnats. La dernière chose à faire serait de les désigner champions nationaux pour leur éviter de participer à un grand nombre de matchs avant d'affronter des concurrents au niveau international. S'ils étaient désignés de cette façon, ces boxeurs resteraient simplement oisifs à manger des gâteaux et à prendre du poids. Ce ne serait pas une bonne recette pour devenir concurrentiel à l'échelle internationale, et il en va de même pour un boxeur ou pour une entreprise. La solution, à notre avis, c'est la concurrence et la clé d'une véritable concurrence est de veiller à ce que les mêmes règles s'appliquent à tous.
[Français]
Juste quelques chiffres pour le moment, en ce qui concerne la radiodiffusion, c'est-à-dire la pénétration de la câblevision au Canada en comparaison avec d'autres pays. Nous avons une pénétration plus importante que n'importe quel autre pays du monde. C'est un réseau très sophistiqué avec une pénétration extraordinaire. Nous avons plus ou moins la même situation avec la téléphonie; la pénétration des services téléphoniques au Canada est plus élevée que dans n'importe quel pays du G-7. Nous avons un réseau très sophistiqué et très élaboré.
En ce qui concerne la qualité de l'infrastructure, si nous faisons une comparaison entre le Canada et les autres pays -- ce ne sont pas nos chiffres, ce sont les chiffres des compagnies de téléphone qui ont commandé une étude d'une compagnie qui s'appelle MESA aux États-Unis, qui a comparé à plusieurs niveaux la situation de notre compétitivité en comparaison des autres pays du G7. L'étude révèle que le Canada est plus avancé que n'importe quel autre pays, à part Singapour; mais ce n'est pas vraiment un pays c'est un petit village.
[Traduction]
En fait, nous venons en tête des autres pays du monde pour ce qui est du nombre de services de câblodistribution et de téléphonie. Nous avons une infrastructure très pointue qui vient nettement en tête de celles des autres pays.
Quant à la concurrence, voici où nous en sommes. Je parle maintenant de la concurrence entre nous et les compagnies de téléphone, lesquelles constitueront à notre avis nos principales concurrentes au niveau local. Je parle maintenant des services locaux et non internationaux, comme l'ont bien précisé les représentants de Téléglobe. Nous ne sommes pas présents sur les marchés internationaux, pas plus d'ailleurs que les compagnies de téléphone. Nous n'offrons pas de services interurbains, mais uniquement des services locaux.
La concurrence pour les services de câblodistribution et de radiodiffusion est telle que les concurrents seront nombreux. À l'heure actuelle, il existe déjà trop de services de transmission par satellite autorisés: ExpressVu, Power DirecTV et Direct Choice. Deux d'entre eux ont eu des difficultés au départ, et notamment Express Vu, mais nous pensons qu'ils seront en pleine activité d'ici la fin de l'année ou le début de l'année prochaine.
Le CRTC a en outre été saisi de deux requêtes de la part de services de télévision directe par satellite qui nous feront concurrence. Il y a ce que l'on appelle le SMDM, un système par micro-ondes de câblodistribution. Ce service a déjà été autorisé et est exploité au Manitoba. Le CRTC est actuellement saisi de demandes de licences pour toute la Saskatchewan et le Sud de l'Ontario.
Hier après-midi, le ministre a annoncé qu'il avait accordé deux licences pour plus de 66 grands centres métropolitains et une pour les régions rurales en dehors des 66 services de SCML, un système cellulaire par micro-ondes qui livrera concurrence au câble.
Enfin, les compagnies de téléphone ont hâte de se lancer dans le domaine de la câblodistribution et sont en train de construire l'infrastructure nécessaire. Elles ont saisi le Conseil de requêtes pour faire deux essais importants, un à London et l'autre à Montréal. Toutefois, ces entreprises ne pourront pas se lancer dans la câblodistribution tant que les câblodistributeurs ne seront pas de leur côté autorisés à offrir des services téléphoniques locaux. Il y aura de nombreux concurrents pour les câblodistributeurs.
Quant au service téléphonique, il existe actuellement une concurrence très restreinte entre les compagnies de téléphone et nous-mêmes pour ce que nous appelons les services spécialisés, des services téléphoniques non commutés. Il s'agit essentiellement de grosses conduites installées dans les principaux centres métropolitains. Nous avons passé beaucoup de temps, au cours des 18 derniers mois, à essayer de faire ouvrir à la concurrence le marché des services locaux de téléphone commutés, tant résidentiel que commercial. L'audience du CRTC sur cette question a été très longue et a pris fin il y a peu de temps. Nous sommes convaincus que nous obtiendrons sous peu des règlements qui obligeront les compagnies de téléphone à ouvrir leur monopole pour les services locaux à la concurrence. Nous estimons toutefois que les seuls concurrents probables pour les services de base seront les câblodistributeurs qui feront concurrence aux compagnies de téléphone.
Vous avez sans doute entendu toutes sortes de choses au sujet des divers services de communications sans fil comme les cellulaires, les services de communications personnelles, le SCML, le SMDM. Ces services occuperont des créneaux intéressants, surtout pour les services mobiles, mais à notre avis, il faudra attendre encore de nombreuses années pour qu'ils offrent une solution de rechange économique au service téléphonique local.
Le troisième grand secteur dans lequel nous livrerons concurrence est l'accès à l'Internet pour les ordinateurs, même si cela finira par déborder sur les appareils de télévision et d'autres appareils également. Ce graphique fait une comparaison entre les vitesses de fonctionnement des différents services disponibles. Pour essayer de comprendre, supposons que vous vouliez télécharger un fichier graphique de 10 Mo. Imaginez qu'il s'agit d'une page de magazine de luxe en papier glacé. C'est une page à très haute résolution. Ce graphique indique le temps que cela vous prendrait pour la télécharger sur un écran d'ordinateur en utilisant les trois services différents qui sont disponibles.
La plupart des gens qui utilisent l'Internet le font par les lignes téléphoniques. Ils utilisent un modem à 28 Ko. Il faudrait alors 45 minutes environ pour télécharger cette page couleur avec tous ses détails. Si vous utilisiez le service le plus rapide actuellement offert par les compagnies de téléphone -- le RNIS -- il faudrait une dizaine de minutes pour que la page apparaisse à l'écran.
Nous nous penchons actuellement sur une proposition dont nous pourrons vous parler plus en détail le mois prochain. Nous comptons offrir ce que nous appelons des modems par câble. Ces derniers permettront d'avoir accès extrêmement rapidement à l'Internet. Tandis que ce processus prendrait 45 minutes par téléphone, nous pourrions télécharger la même page en une seconde. D'un seul coup, ce processus fait passer l'Internet d'un service lent, et plutôt cahoteux, à un système où l'on pourra visionner rapidement des images animées et multimédias. Vous pourrez alors vous lancer dans la création de produits tout nouveaux, interactifs et à haut débit. L'Internet deviendra alors un service remarquable, ce qu'il n'est pas à l'heure actuelle. Nous serons également concurrents dans ce domaine pour offrir un accès ultra-rapide à l'Internet.
Si vous tournez la page, vous trouverez un tableau qui représente nos prévisions les plus exactes quant à l'arrivée de la concurrence sur ces trois marchés différents: le câble, la téléphonie et les services d'accès pour ordinateur personnel à haut débit. Ce sont les meilleures prévisions que nous puissions faire quant à cet échéancier.
On peut dire sans exagérer qu'il y aura énormément de concurrence pour les services de câblodistribution, que nous appelons ici radiodiffusion ou distribution de services de radiodiffusion. La concurrence s'exercera entre nous et les compagnies de téléphone pour l'accès à haut débit à l'Internet et les services téléphoniques.
Il importe de signaler que la concurrence entre nous et les compagnies de téléphone ne met pas en cause des entreprises de taille comparable. Les entreprises qui se font concurrence varient énormément en taille. Les compagnies de téléphone sont parmi les plus grosses du pays. Leurs recettes totales sont environ sept fois supérieures à celles des câblodistributeurs. Elles ont des mouvements libres de trésorerie supérieurs à 2 milliards de dollars par an. Les nôtres sont négatifs. Il s'agit là des données de l'an dernier. J'irais même jusqu'à dire que leur rendement des actions ordinaires sera proche de 10,5 p. 100 cette année. Pour nous, ce taux est de 4 p. 100 environ. En termes financiers, cela signifie que les compagnies de téléphone gagnent plus de 1 milliard de dollars par an, tandis que nos bénéfices nets sont d'environ 45 millions par an. Il va sans dire que notre industrie a un ratio d'endettement beaucoup plus élevé que les compagnies de téléphone.
Ces deux industries sont très différentes. Pour que la concurrence s'exerce de manière efficace entre ces deux secteurs de taille peu comparable, il importe que les règles soient équitables et qu'elles soient les mêmes pour tous.
Je reviens à la notion générale des champions nationaux. Si le gouvernement décide de choisir des champions nationaux et de leur accorder un avantage, si l'on autorise la concurrence entre ces deux secteurs d'activité de taille non comparable et que l'industrie la plus importante a un avantage par rapport à l'autre, les résultats sont assez prévisibles. À notre avis, il s'agirait non seulement d'une politique peu judicieuse, mais en outre, nous prendrions une orientation peu souhaitable. Ce genre de mesure affaiblirait les compagnies de téléphone avec le temps et ferait disparaître la concurrence.
À notre avis, la concurrence est idéale mais il faut que les règles soient les mêmes pour tous. Premièrement, lorsque les compagnies de téléphone se lancent dans la câblodistribution, il faut qu'elles aient les mêmes obligations que nous. En échange, elles jouiront des mêmes droits que nous. Il faudra les obliger à acheminer du contenu canadien, à faire une contribution au fonds de production, ainsi qu'à la radiodiffusion communautaire, à respecter les règles relatives à l'étagement et à l'assemblage, et cetera. Lorsque nous nous lancerons dans le marché des services téléphoniques, il nous faudra respecter les mêmes obligations que ces compagnies, et notamment offrir un service téléphonique de base aux Canadiens, y compris le service d'urgence 911 et les services d'opérateur. Le service téléphonique local est essentiel.
Toutefois, nous devons jouir des mêmes droits: nous devons avoir accès aux mêmes subventions que les compagnies de téléphone et à des services d'interconnexion de même qualité que ceux qu'elles se fournissent mutuellement.
Enfin, il nous paraît essentiel d'être traités de façon équitable sur le plan financier. À cet égard, Téléglobe pense notamment à l'accès au capital. Il va sans dire que, pour les petites entreprises plus lourdement endettées, l'accès aux marchés financiers internationaux est encore plus important que pour les compagnies de téléphone. Celles-ci peuvent financer la plupart de leurs investissements plus rapidement grâce à leurs liquidités actuelles.
Pour le moment, nous avons un problème avec la compagnie B.C. Tel. C'est la deuxième compagnie de téléphone en importance du pays et elle appartient à des capitaux étrangers. Elle a été autorisée à se lancer sur le marché de la radiodiffusion bien qu'il s'agisse d'une société étrangère. Elle a également plus facilement accès aux marchés financiers internationaux. Tandis que nous sommes limités à 33 p. 100 de propriété étrangère, cette société peut détenir jusqu'à 51 p. 100 de capitaux étrangers.
En résumé, donc, nous tenons à vous dire que la clé du succès dans tout cela -- si l'on veut être concurrentiel à l'échelle internationale et garantir aux entreprises comme aux consommateurs des prix raisonnables et des services novateurs de qualité supérieure -- c'est la concurrence et l'existence de rivalités intérieures intenses. Toutefois, ces rivalités n'existeront que si les règles sont les mêmes pour toutes les parties. Aucune entreprise, surtout les plus grandes, ne doit être défavorisée.
La présidente: Merci de votre excellent exposé. Les conditions que vous fixez à une saine concurrence sur le marché intérieur sont très claires. Quelle place les câblodistributeurs pourront-ils occuper sur le marché international à court terme, à votre avis?
M. Stursberg: En matière d'investissements sur le marché international, dans notre pays, la câblodistribution a été un chef de file. Lorsque les marchés internationaux se sont ouverts, cela s'est surtout produit aux États-Unis et au Royaume-Uni.
À l'heure actuelle, un certain nombre de câblodistributeurs continuent de détenir des avoirs aux États-Unis. La société Rogers avait dans ce pays d'importants avoirs qu'elle a rapatriés il y a quelques années pour les réinvestir au Canada. Cela représentait plus de 1 milliard de dollars.
Il a beaucoup été question dernièrement dans les nouvelles de la société Vidéotron, mais CUC -- qui a été ensuite reprise par Shaw -- ainsi que Fundy et certaines autres sociétés de câblodistribution ont été les premières à investir en Grande- Bretagne.
Dernièrement, Vidéotron a annoncé qu'elle avait vendu ses avoirs en Grande-Bretagne et qu'elle rapatriait ses capitaux au Canada pour les investir au Québec.
Nous avons une longue expérience en la matière. Pour relever les défis actuels de l'industrie, nous vendons certains de ces actifs, sans doute pour les raisons financières dont j'ai déjà parlé. Nous devons effectuer des investissements aussi importants que ceux des compagnies de téléphone pour nous faire une place sur les divers marchés dont j'ai parlé plus tôt. Les compagnies de téléphone se sont aventurées sur les marchés étrangers, mais plutôt timidement et modestement.
Voilà pour le passé. Quant à l'avenir, attendons de voir ce qu'il nous réserve. Depuis toujours, l'industrie du câble a été une pionnière.
Le sénateur Perrault: Il s'agit d'un domaine extrêmement intéressant. À l'instar de 350 millions d'autres personnes, je navigue sur l'Internet. Le téléchargement de graphiques est parfois un processus assez fastidieux.
Quelles répercussions cela aura-t-il sur le consommateur? Il y a de bonnes affaires à faire à l'heure actuelle, sans doute grâce à la concurrence. On peut, pour 20 $ par mois, avoir un accès illimité au réseau, moyennant quelques frais supplémentaires pendant les heures de pointe.
Vous parlez de l'accès ultra-rapide, grâce au câble à haut débit. Quelle incidence cela aura-t-il sur le revenu familial? Combien cela coûtera-t-il par mois? En avez-vous une idée?
M. Stursberg: J'espère que vous ne nous en voudrez pas de ne pas vendre la mèche à ce sujet. Nous devons faire une annonce d'ici une quinzaine de jours.
Le sénateur Perrault: Ce service sera offert à un prix intéressant?
M. Stursberg: Les gens seront sidérés par le prix.
Le sénateur Perrault: Abonnez-moi.
La présidente: J'en déduis que cette annonce découlera de notre rencontre.
Le sénateur Perrault: Je vis dans une région qui, au départ, était desservie par la société Shaw, mais Rogers a maintenant pris la relève. Une partie de la vallée du Bas-Fraser a été désignée comme marché-test. Quel genre d'expérimentation va-t-on faire et à quel endroit précis?
M. Stursberg: Je peux vous dire en quelques mots où en sont les choses. Une offre commerciale a été faite uniquement à New Market. Des essais commerciaux sont en cours dans certaines autres régions. Il s'agit de l'accès numérique à haut débit pour votre ordinateur personnel. Vous pourrez avoir accès non seulement à l'Internet mais également à d'autres ordinateurs de votre immeuble, par exemple, sur votre propre réseau «intranet» ou dans votre région métropolitaine.
Le sénateur Perrault: Tout cela est passionnant. Tous les foyers et bureaux canadiens pourront pratiquement avoir accès à une information universelle.
M. Stursberg: C'est une excellente description, car c'est exactement ce que sera ce service.
Le sénateur Perrault: Vous intéressez-vous à des initiatives dans la région, en utilisant l'Internet de concert avec le câble pour les achats, par exemple? Nous parlons désormais de magasins en réalité virtuelle où l'on peut choisir des articles sur les étagères et se les faire livrer.
M. Stursberg: Voilà ce que je peux vous dire. Je ne veux vraiment pas anticiper sur l'annonce que nous ferons d'ici deux semaines. Si vous souhaitez nous inviter à nouveau dans une quinzaine de jours, je serai ravi de tout vous expliquer en détail.
Le sénateur Perrault: Toute cette idée revêt une énorme importance pour notre pays.
M. Stursberg: Oui, et la façon dont les gens se servent de l'Internet va changer fondamentalement. Il sera non seulement possible de faire des achats sur le réseau, mais également d'avoir accès à des services éducatifs, à de nouvelles sortes de services de loisirs, à l'information et aux nouvelles, ainsi qu'à des bases de données provenant de services équivalant à des bibliothèques, et cetera.
Lorsque nous commencerons à offrir ces services de façon intéressante et rapide, et avec possibilité de vidéo animée, cela va bouleverser complètement la façon de penser des gens à ce sujet.
Le sénateur Perrault: Nous sommes à l'aube de toute une révolution, d'après ce que vous nous dites. Ce n'est qu'un début.
M. Stursberg: Oui, je pense.
Le sénateur Perrault: J'ai lu dans les journaux un article au sujet de la réception illégale de signaux de certaines installations américaines. Ce genre de chose se produit-elle?
M. Stursberg: Oui.
Le sénateur Perrault: Dans notre localité, certaines personnes ont une case postale à Blaine, dans l'État de Washington. Selon un article de journal paru cette semaine, une prime spéciale est versée aux employés de Rogers qui signalent toute antenne illégale qu'ils repèrent dans la vallée du Bas-Fraser. Exploitez-vous ce genre de service d'espionnage?
M. Stursberg: Je ne sais rien à ce sujet. Ce que vous dites est vrai. D'après les prévisions que j'ai vues, il y aurait même plus de 250 000 personnes abonnées à des fournisseurs de services sur ces marchés gris. C'est déplorable parce que le problème est entièrement d'ordre pécuniaire. Ces personnes sont pratiquement débranchées du réseau de radiodiffusion canadien. Elles ne reçoivent aucun service canadien de leurs services de télévision directe par satellites américains. Tout cet argent que dépensent ces personnes, qui serait normalement versé dans le réseau de radiodiffusion canadien pour financer la production canadienne, s'en va aux États-Unis. Plus ça va, pire c'est.
Le sénateur Perrault: Je comprends votre position. Combien de chaînes les câblodistributeurs offriront-ils à l'avenir: 100, 70 ou 50? Est-il possible à un être humain de s'y retrouver dans tout cela?
M. Stursberg: À l'heure actuelle, nous exploitons la plupart du temps une soixantaine de chaînes. D'ici la fin de l'année, nous commencerons à transmettre le signal de télévision -- qui est actuellement analogique -- sous une forme comprimée et numérique. Un seul canal analogique peut, selon la compression, être transformé en six ou huit canaux avec une meilleure qualité d'image et de son d'ambiance.
Le sénateur Perrault: Quand devez-vous faire cette annonce?
M. Stursberg: Il s'agit là d'un projet différent que nous essaierons d'annoncer. C'est ce que l'on appelle les stratégies de compression vidéo numérique, au sujet de laquelle nous présenterons notre position d'ici peu. Le Conseil a autorisé dernièrement 23 nouveaux services, quatre en français et les autres en anglais. Quatre d'entre eux seront sous forme analogique, et les autres numérique. Nous avons reçu des encouragements. Nous aimerions être en mesure d'offrir ces services numériques le plus rapidement possible avec un maximum de canaux.
La présidente: Que pensez-vous de la recommandation formulée par Téléglobe selon laquelle il faut faire la distinction entre l'infrastructure et les services, le contenu et la distribution, avec une démarcation très nette?
M. Stursberg: Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire. Cela pourrait signifier que les entreprises titulaires de licences de radiodiffusion ne devront pas détenir ces licences dans les mêmes sociétés que leurs entreprises de télécommunications. Toutefois, je ne pense pas qu'elles souhaitent particulièrement détenir ces licences dans les mêmes entreprises, de toute façon, car les modes de fonctionnement sont différents. En fait, le Conseil a proposé que ces licences soient détenues par des entreprises tout à fait distinctes.
Mais cela veut peut-être dire autre chose, à savoir que les entreprises propriétaires d'infrastructure ne devraient pas être autorisées à vendre des services. Par exemple, on pourrait posséder un réseau local mais on n'aurait pas le droit de vendre un service téléphonique local. La compagnie de téléphone devrait alors décider si elle veut desservir le marché local de réseau ou celui des services téléphoniques locaux. À première vue, cela paraît peu pratique et je vois mal comment on pourrait faire pour établir une distinction aussi nette entre ces deux grands marchés.
La présidente: Merci beaucoup. Notre personnel communiquera avec vous aux fins d'information.
La séance est levée.