Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 4 - Témoignages
Ottawa, le jeudi 25 avril 1996
Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 11 heures, pour étudier le Budget des dépenses principal déposé devant le Parlement pour l'exercice se terminant en 1996-1997.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord remercier le sénateur De Bané d'avoir assumé la direction du comité, la semaine dernière. Je crois comprendre que tout s'est bien déroulé, comme je l'avais prévu. Je vous remercie beaucoup, sénateur De Bané.
Commençons par présenter les hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor du Canada: M. David Miller, secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, Direction des programmes, accompagné de Mme Larose, directrice de l'Élaboration de la stratégie en matière de ressources humaines, et de M. Mike Joyce, directeur, Prévisions budgétaires.
Hier, un sénateur protestait contre le fait que la plupart des questions étaient posées par des sénateurs conservateurs. Je tiens à préciser que ce n'était pas voulu. Si vous avez des questions à poser, faites-moi le savoir. J'essaierai de faire alterner les questions selon l'affiliation politique.
Monsieur Miller, avez-vous un exposé à nous faire?
M. David Miller, secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, Direction des programmes, Conseil du Trésor du Canada: Non, monsieur le président. Je préférerais passer tout de suite aux questions des membres du comité.
Le sénateur Bolduc: Monsieur le président, j'ai fait partie d'un groupe de travail de la Chambre des communes qui était chargé du nouveau programme des dépenses de gestion. Les témoins peuvent-ils nous faire auparavant un court exposé à ce sujet afin de nous aider à en comprendre les grandes lignes. Nous pourrions alors peut-être poser des questions plus pertinentes.
M. Miller: Le président du comité a demandé que je revienne ici dans deux semaines pour vous faire un exposé détaillé de la façon dont ce programme cadrera avec ce que nous appelons le projet d'amélioration des rapports présentés au Parlement et son évolution, gråce aux efforts que vous déployez au sein du groupe de travail, sénateur.
Le président: Je l'ai demandé, sénateur Bolduc, pour que nous puissions nous consacrer à notre aise à ce sujet plutôt que d'y réserver quelques minutes seulement et pour que nous en comprenions mieux les enjeux. L'exposé aura lieu le 9 mai.
Le sénateur Kelly: Monsieur le président, j'aimerais faire deux remarques préliminaires. D'une part, en ce qui concerne qui pose les questions, l'usage au sein du comité et de la plupart des comités sénatoriaux, selon mon expérience durant les 14 dernières années, veut que nous siégions en tant que membres du Sénat, non pas comme représentants d'un parti. Ainsi, je ne vois pas le sénateur Rizzuto comme un sénateur libéral et je ne me vois pas comme un sénateur conservateur - nous sommes tous des sénateurs.
Le président: J'y croirai lorsque les sénateurs des différents partis ne s'assoiront plus de part et d'autre de la salle.
Le sénateur Kelly: D'autre part, je tiens à dire combien je suis impressionné par la description faite dans ces documents de la situation. Tous ceux qui ont contribué à cet examen méritent des félicitations sincères.
Les quelques questions que j'ai à poser ont trait aux pages 2-11 et 2-12 de la Partie II du Budget des dépenses, ainsi qu'à la page 25 de la Partie I, soit aux subventions et contributions, ainsi qu'aux paiements de transfert.
À la page 25, il est question d'une augmentation de 108 millions de dollars du programme relatif aux pays en transition de l'Europe centrale, de l'Europe de l'Est et de l'ancienne Union soviétique. Pouvez-vous nous donner des détails sur ce dont il s'agit? Par exemple, je remarque, sous le titre «Subventions - Programme de partenariat», un poste de 123 952 000 $ et, sous la rubrique «Contributions - Programme de partenariat», un poste au libellé presque identique de 83 millions de dollars. De quoi s'agit-il au juste?
Je remarque beaucoup de similitude dans les libellés des parties «Subventions» et «Contributions«. Ainsi, dans la partie «Subventions», la liste commence par la «Subvention à l'Institut Nord-Sud», la «Subvention au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique» et la «Mise en oeuvre de programmes de lutte contre la faim...». Viennent ensuite les «Subventions à des institutions, organisations et organismes canadiens, internationaux, régionaux et de pays en développement», où l'on prévoit en tout presque 124 millions de dollars. Parallèlement, dans les contributions relatives au «Programme de partenariat», on prévoit le paiement de 83 millions de dollars à des fins à peu près identiques.
M. Miller: C'est vrai, sénateur. En fait, il importe de comprendre que c'est la manière dont sont affectés ces fonds particuliers qui fait la différence. Les subventions sont des paiements de transfert inconditionnels qu'il faut donc faire approuver par le Parlement chaque année. Ce sont des fonds que nous versons sans nous attendre à recevoir quoi que ce soit en retour. On reconnaît simplement qu'il y aura des sorties de fonds. Pour cette raison et en raison de la nature de ces transactions particulières, le Parlement doit les approuver chaque année.
Sous la rubrique «Contributions», ce sont davantage des ententes. Nous concluons une entente aux termes de laquelle, en échange de fonds, nous recevrons quelque chose.
Essentiellement, vous verrez souvent tout au long du budget des subventions, c'est-à-dire des situations où nous nous contentons de donner des fonds par opposition aux contributions, où nous nous attendons à un résultat plus concret.
Le sénateur Bolduc: Pouvez-vous nous en donner un exemple?
Le sénateur Kelly: Vous me faites peur lorsque vous dites que nous donnons 124 millions de dollars. Ce n'est pas ce que vous voulez réellement dire, n'est-ce pas?
M. Miller: De par sa nature même, la subvention est un paiement de transfert inconditionnel. Je puis peut-être choisir un exemple dans un autre domaine.
Ainsi, nous versons une petite subvention à la Croix-Rouge dans le but de l'aider. Nous ne nous attendons pas qu'elle nous fera la démonstration de l'incidence qu'ont eue ces 60 000 ou 80 000 $ dans son bilan. Nous lui versons des fonds en reconnaissance du genre de travail qu'elle effectue.
Les postes budgétaires dont vous parlez reconnaissent nos obligations internationales, soit le genre d'accords dont nous sommes signataires et le genre d'accords de développement que nous avons passés en reconnaissance de notre prestige dans le monde. Souvent, cet argent est versé directement aux pays en développement à titre d'aide ou en reconnaissance d'autres arrangements.
Le sénateur Kelly: Je sais ce qu'est une subvention. Je comprends qu'il n'y a pas de conditions si, par «conditions», vous entendez qu'elle n'est pas remboursable. Quelle sorte de suivi faites-vous, par exemple, pour juger si ceux qui bénéficient de ces 124 millions de dollars méritent que vous continuiez de leur verser des subventions?
M. Miller: Il faut bien préciser que l'inconditionnalité de la subvention ne signifie pas que nous nous contentons de rédiger un chèque. Il existe des accords et des conditions préalables ou, dans le cas qui nous préoccupe, des arrangements internationaux pour faire en sorte que les fonds sont affectés aux fins prévues. Par contre, lorsque nous versons une subvention, par exemple, à l'Institut Nord-Sud, qui est l'un des postes budgétaires les moins élevés, il existe une entente quant à la façon dont elle sera dépensée. Une fois qu'ils ont reçu l'argent, ces organismes n'ont pas besoin de nous prouver qu'ils ont engagé une dépense particulière conforme à l'accord ou que cet argent leur a permis d'équilibrer leur budget.
Les modalités d'application et d'approbation d'une subvention sont claires et sont normalement précisées dans un accord. Une fois qu'un organisme a l'argent et que nous avons vérifié qu'il est utilisé aux fins prévues, nous n'effectuons pas de suivi quant au rendement ou au résultat attendu.
Le sénateur Kelly: Je suis satisfait de cette explication. J'ai fini par obtenir la réponse recherchée: vous vérifiez dans quelle mesure l'organisme fait ce que vous aviez prévu, avec l'aide qu'il a reçue.
M. Miller: C'est pourquoi le libellé est parfois similaire. Lorsque nous l'analysons et que nous nous rendons compte que l'argent est affecté à de l'aide générale, que, par conséquent, nous n'obtiendrons rien en retour, nous le qualifions de subvention et le décrivons en conséquence. Par contre, si nous nous attendons à récupérer l'argent, il devient une «contribution». C'est en partie ainsi que l'on décide quels fonds de ces programmes seront des subventions et lesquels seront des contributions. Notre examen nous permet de juger très exactement du résultat ou du rendement attendu.
Le sénateur Kelly: La Banque européenne pour la reconstruction et le développement fait-elle partie de ces institutions financières internationales auxquelles vous faites des paiements législatifs?
M. Mike Joyce, directeur, Division des prévisions budgétaires, Conseil du Trésor du Canada: Je l'ignore, sénateur. Il faudrait que je m'en informe, avant de vous donner la réponse.
Le sénateur Kelly: Je faisais partie d'une délégation qui a rencontré des dirigeants de la Banque européenne à Londres, le mois dernier. J'ai passé beaucoup de temps à examiner les faits nouveaux survenus en Europe de l'Est. Je sais que la Banque demande à pouvoir doubler sa capitalisation. Les pays qui y contribuent actuellement sont priés d'étudier cette proposition. Le Canada a-t-il décidé s'il accroîtra les capitaux mis à la disposition de la Banque?
M. Joyce: Il faudra obtenir ce renseignement du ministère, ce que nous ferons.
Le sénateur Kelly: Je suppose que c'est aussi le cas pour le FMI.
Le sénateur Bolduc: Ces deux genres de contributions relèvent-ils directement du ministre des Finances?
M. Miller: Des montants sont prévus dans le portefeuille tant des Affaires étrangères que des Finances. Si je devais qualifier ces fonds, je dirais qu'ils sont administrés conjointement. Encore une fois, tout dépend du genre de paiement effectué. Les contributions versées aux institutions financières internationales représentent une responsabilité conjointe.
Le sénateur Kelly: Au bas du programme de subventions, il y a un montant de 250 000 $ réservé aux «Pays en transition». Ces subventions sont inconditionnelles. Est-ce pour les encourager, si je puis m'exprimer ainsi, à «être du nombre»?
M. Miller: Sans en connaître le détail, mais étant donné le montant en jeu, je suppose que la subvention vise à permettre à ces pays de s'organiser en vue de pouvoir bénéficier des autres modes d'exécution de notre programme. Elle représente un petit fonds de démarrage qui leur permet de mettre de l'ordre dans leurs affaires de manière que nous puissions prendre des arrangements de contribution, par exemple, avec l'assurance qu'ils seront capables de gérer la contribution.
Le sénateur Kelly: Le travail au sein de ce comité me cause toujours la même difficulté: vous jouez avec des montants si élevés qu'il est presque humiliant pour vous d'avoir à discuter d'un petit article de 250 000 $. Par contre, cela représente beaucoup d'argent à mes yeux.
M. Miller: Nous estimons tous qu'une telle somme est importante.
Le président: Qu'est-ce qu'un pays en transition?
M. Miller: Il en a été question, sénateur, lors de l'examen du Budget des dépenses supplémentaire de 1995-1996. Par ces programmes, nous espérons aider les pays, dans le cas à l'étude, à faire la transition d'une économie dirigée à un processus plus démocratique. Nous utilisons des termes quelque peu différente pour les pays en développement.
Les pays d'Europe centrale sont, d'après nous, en pleine période de transition. Par conséquent, nous appelons ainsi ceux qui reçoivent ces subventions.
Le sénateur Kelly: Ces 250 000 $ incluraient-ils le coût des conseils que nous leur donnons? Ce n'est pas une simple question de dollars, n'est-ce pas? De toute évidence, les pays en transition passent d'une économie dirigée à une économie de marché. L'assistance technique que nous leur donnons est-elle incluse dans ces 250 000 $ ou ce montant ne représente-t-il que les versements?
M. Miller: Habituellement, il n'est question que de l'argent versé. Si nous voulions attribuer une valeur aux conseils techniques, nous le ferions dans un accord de contribution qui établirait clairement les modalités. En fait, le budget comporte un article important ayant trait aux arrangements de contribution prévus pour ce genre de pays.
Le sénateur Poulin: Monsieur le président, j'aimerais d'abord demander aux hauts fonctionnaires de transmettre au ministre et au sous-ministre nos félicitations pour l'excellence de leurs exposés d'hier. Le débat qui a suivi était aussi excellent.
Ma question aujourd'hui concerne le troisième point soulevé par le ministre Massé hier, une question dont il a discuté assez longuement avec mon collègue, le sénateur Bolduc. Il était question des organismes d'exécution auxquels on veut donner une structure qui leur permettrait d'exécuter les services le plus efficacement possible. Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur la façon dont le gouvernement fédéral conçoit actuellement les organismes d'exécution?
M. Miller: Avec plaisir. Comme l'a mentionné le ministre hier soir, si l'on veut connaître la forme que prendront les trois organismes - parcs, revenu et inspection des aliments -, nous ne sommes pas encore en mesure d'en préciser les caractéristiques. Ce que nous avons fait, c'est de leur dire: «Vous avez un travail à faire. Il devrait y avoir moyen de le faire avec plus d'efficacité. À vous de dire au Conseil du Trésor ce dont vous avez besoin pour y arriver». Nous avons ouvert la porte à un assouplissement, et les mesures comme le projet de loi de mise en oeuvre du budget qui a été déposé à la Chambre récemment permettent des assouplissements dans différents domaines.
Je vous en donne un exemple concret. Actuellement, nous avons pris des arrangements dans certaines villes pour ce que nous appelons les «centres des services aux entreprises du Canada». Ils sont exploités par un ministère fédéral. Toutefois, d'autres ministères fédéraux s'en serviront comme d'un guichet unique d'information. Quand les Canadiens se rendront à l'un de ces centres, ils pourront se renseigner sur les programmes d'Agriculture Canada aussi bien que d'Industrie Canada.
En raison des contrôles et du régime mis en place, il est presque impossible aux employés des deux ministères, même s'ils sont tous deux des fonctionnaires fédéraux, d'agir de manière responsable. Par exemple, l'employé d'Agriculture Canada ne peut acheter aux frais de son ministère une boîte de crayons qui sera utilisée par le fonctionnaire d'un autre ministère fédéral ou, le ciel nous en préserve, d'un gouvernement provincial. Même si l'autre ministère est peut-être disposé à payer, l'employé d'Agriculture Canada n'a pas l'autorité voulue pour placer pareille commande.
Autre exemple, dans le domaine des ressources humaines celui-là: il est difficile à l'employé d'un organisme d'être supervisé par l'employé d'un autre, ce qui a entraîné une approche fragmentée. L'un de nos principes fondamentaux consiste à faciliter les arrangements entre ministères fédéraux et entre le gouvernement fédéral et d'autres ordres de gouvernement en vue d'améliorer le service à la clientèle. Dans le cadre de la création de ces trois organismes, nous examinerons les règlements qui ont été adoptés il y a plusieurs années, probablement pour de fort bons motifs de responsabilité et de contrôle, mais qui n'ont plus leur raison d'être simplement en raison des objectifs et de ce que nous tentons de faire.
Le Parlement sera saisi de mesures législatives individuelles pour chacune de ces trois entités afin d'en établir les paramètres de fonctionnement. Je suis sûr que le comité prendra plaisir à discuter du genre de questions qu'elles susciteront. Nous ouvrons actuellement la porte aux assouplissements et affirmons qu'il existe de meilleures façons de faire.
Hier, le président a mentionné qu'au Royaume-Uni, on a adopté une approche différente, qu'on a simplement dit: «Voici les organismes d'exécution et comment ils fonctionneront». Ils ont classé tout le monde dans une catégorie à part. Cependant, ils éprouvaient les mêmes difficultés à demeurer suffisamment flexibles pour correspondre à ce que le citoyen moyen attend de son gouvernement, qu'il soit municipal, provincial ou fédéral.
Monsieur Joyce, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Joyce: Comme l'a dit le président, nous avons adopté une approche pragmatique. Nous procédons cas par cas et étape par étape, plutôt que de nous lancer dans le processus tête baissée. Comme l'a mentionné M. Miller, on projette de tenir compte des suggestions, requêtes et propositions individuelles qui seront faites et de procéder par étapes. Le processus s'étalera sur plusieurs années.
Le président: Cela fonctionnerait-il dans un parc national, par exemple? Je vois fort bien un centre de services aux entreprises fonctionner ainsi. J'essaie de voir comment cela pourrait s'appliquer à un parc. Pouvez-vous me l'expliquer?
M. Miller: Nous sommes actuellement en pourparlers avec le personnel des parcs. On n'a pas encore décidé au juste comment cela fonctionnera. En fait, dans le cadre des pourparlers avec Patrimoine Canada, on discute beaucoup du genre de choses que cet organisme devrait faire lui-même et de ce qui devrait être centralisé au ministère.
Il serait probablement prématuré de ma part d'en parler. J'ai vu des documents venant des parcs concernant la planification. Ils n'en sont pas encore au stade de déterminer comment le nouvel organisme améliorera le service aux visiteurs à Banff ou comment il améliorera son fonctionnement.
C'est vraiment aux employés qu'il revient de trouver le moyen de le faire et d'évaluer les problèmes qui peuvent facilement être surmontés en changeant simplement les façons de faire. Par contre, si les problèmes sont de nature structurelle, ce sera la haute direction qui devra s'en charger, y compris, bien sûr, les décisions prises par le ministre en matière de responsabilité et des liens entre le reste du ministère et la personne en charge de l'organisme. Il est trop tôt encore. Nous espérons que ces pourparlers progresseront durant le printemps et l'été et que nous pourrons présenter quelque chose de beaucoup plus concret à l'automne.
[Français]
Le sénateur Poulin: À cause de la complexité que tout changement législatif peut apporter non seulement dans la gestion d'un objectif, mais dans un changement législatif, est-ce qu'il y a en ce moment, par exemple, un groupe de travail qui étudie les possibilités de faciliter cette transition en matière de livraison de services? Est-ce qu'il y a des projets-pilotes?
[Traduction]
M. Miller: En fait, il existe plusieurs groupes de travail. Plus tôt ce matin, j'ai rencontré un groupe de chercheurs universitaires et de porte-parole provinciaux pour en parler, et ces discussions se poursuivront durant tout le reste de la journée. On craint entre autres que, si le gouvernement fédéral va de l'avant, nous pourrions être disposés à changer notre façon de traiter avec les entreprises, ce qui étonnerait les provinces, les municipalités et même les groupes du secteur privé avec lesquels nous aimerions travailler en partenariat à cet égard. Presque tous les ministères y contribuent d'une manière ou d'une autre.
Tout d'abord, au niveau des sous-ministres, il existe un comité présidé par le secrétaire du Conseil du Trésor, M. Harder, qui siège périodiquement pour examiner ces questions. Il existe probablement cinq ou six groupes différents au niveau des sous-ministres adjoints qui examinent les différents aspects de la question, par exemple les entraves à une meilleure gestion ou à un service plus efficace.
Actuellement, notre plus grande tåche consiste à faire en sorte que toute cette activité soit coordonnée et que rien ne nous échappe.
Il existe enfin une série de groupes de travail formés de sous-ministres qui examinent les différents éléments qui ne sont pas directement liés aux organismes de service, mais qui ont une nette incidence sur ceux-ci, par exemple l'avenir de la fonction publique et du service offert au public ou, comme on l'appelle, la prestation de services axée sur le contribuable.
Beaucoup de processus sont en branle actuellement. Nous essayons de les coordonner avec les autres ordres de gouvernement.
Le président: Envisagez-vous la possibilité de privatiser ou cette question relève-t-elle de la politique d'État? S'il est question de politique d'État, les parcs m'intéressent beaucoup. Ils pourraient peut-être, dans ce cas, être privatisés. Nous employons des fonctionnaires à gérer des terrains de camping et à tondre des pelouses, activité qui, après tout, ne s'étale que sur six mois par année. Ainsi, à Waskesiu, il y a un parc national. Je crois que c'est la même chose au Manitoba. J'ignore ce que font les employés durant l'hiver. Ils ont à leur disposition six millions de dollars pour exploiter un parc deux mois par année environ. La demande est plutôt faible à Waskesiu en mai et en juin. La plupart de ces services pourraient être privatisés. Y a-t-il un empêchement, au niveau de la politique d'État? Êtes-vous libre de proposer que la plupart de ces services soient confiés au secteur privé et que nous nous débarrassions ainsi des problèmes créés par les organismes?
M. Miller: Je crois comprendre que la privatisation n'est pas un objectif comme tel. Hier soir, le président a mentionné la possibilité d'une prise en charge par les employés de l'État dans le cadre de laquelle un groupe d'employés, un peu comme ce qui se passe actuellement à la CCN, décide qu'il peut faire mieux et de manière plus efficace et peut-être obtenir, durant les mois d'inactivité, des contrats de la municipalité locale. De telles prises en charge seraient encouragées dans le cadre de l'approche globale.
Nous nous attendons que les parcs nous feront toute une série de suggestions visant à mieux faire. Récemment, dans la presse, nous avons pu lire des articles au sujet des préoccupations d'employés des parcs qui semblent croire que cet exercice entraînera d'office une privatisation. Ce n'est certes pas l'intention, pour l'instant.
D'après un article, un employé permanent a pour fonction de peindre des écriteaux dans les parcs. Chaque année, cette personne doit se déplacer d'un parc à l'autre pour faire les écriteaux. C'est tout à fait insensé. Que ce soit vrai ou non, cette histoire donne une bonne idée du genre de choses que nous voulons éviter dans le nouvel organisme.
Le sénateur Bolduc: J'ai lu attentivement votre document, intitulé «Repenser le rôle de l'État». Est-ce votre organisme qui l'a produit?
M. Miller: Il a été rédigé par le Bureau du Conseil privé; cependant, nous y avons beaucoup contribué.
Le sénateur Bolduc: Hier, nous avons commencé à poser des questions au ministre au sujet des divers aspects du document. Certains d'entre eux sont très politiques. Ils relèvent de la politique d'État. Je suppose qu'il est toujours embarrassant pour les fonctionnaires de discuter de telles questions. Comme, il y a quelques années, je me trouvais dans la même situation que vous actuellement, j'hésite un peu à vous poser ce genre de questions. Toutefois, j'aimerais que vous transmettiez le message suivant au ministre et au secrétaire: un jour, il faudra bien que nous en revenions à ce document et que nous discutions un peu plus de certaines hypothèses de départ. Je ne souhaite pas aller plus loin aujourd'hui, car ce serait inopportun.
Pour ce qui est de la privatisation, j'ai remarqué que, depuis deux ans, le gouvernement insiste sur ces nouvelles façons de faire dans l'appareil d'État, particulièrement au ministère de l'Agriculture et à celui des Transports. Je suis d'accord avec les changements qui ont été apportés à Transports Canada où vous avez choisi de privatiser.
Par contre, à Agriculture Canada, vous avez opté pour une autre solution et avez apporté les changements qui s'imposaient, mais qui n'ont pas forcément rapport avec la privatisation. Je puis comprendre la raison d'être de tels choix. Par exemple, on a besoin d'un organisme de recherche gouvernemental pour faire face aux épidémies.
Projetez-vous d'accroître les organismes gouvernementaux au sein des autres ministères en vue d'éviter de toucher à certaines questions concernant la fonction publique? Certains services pourraient être privatisés. Cependant, ai-je raison de croire que vous préférez opter pour la création d'organismes de services gouvernementaux?
Dans cette optique, avez-vous étudié toute la gamme des activités gouvernementales en fonction des critères établis à la fin du rapport que j'ai mentionné plus tôt ou le faites-vous au cas par cas?
Examinons le cas de la recherche et du développement, par exemple. Au Canada, nous n'effectuons pas le même genre de recherche et de développement qu'aux États-Unis ou qu'ailleurs dans le monde. Au Canada, elle est le plus souvent le fait du gouvernement gråce au Conseil national de recherches et aux autres organismes qui font de la recherche en biologie et en génie.
Il y a quelques années, un rapport a été publié dans lequel on préconisait de changer cette façon de faire parce que la dynamique de ces organismes gouvernementaux était telle que les spécialistes, des physiciens et des ingénieurs, décidaient eux-mêmes des recherches qu'ils effectueraient, plutôt que les décideurs du ministère en fonction de l'offre et de la demande.
Nous avons l'impression qu'en raison de la force de leurs effectifs (pouvant atteindre de 4 000 à 6 000 employés), ces organismes gouvernementaux choisissent leurs projets de recherche sans tenir compte des besoins. Il faut que cela change. Le rapport Lortie affirmait qu'en l'absence de changement, les organismes grossiront tellement qu'ils perdront de leur efficacité.
Avez-vous commencé à examiner cette question sérieusement? C'est un problème coûteux: des milliards de dollars sont en jeu.
M. Miller: Je peux peut-être passer du général au particulier et parler de l'examen des programmes en tant qu'exercice. Essentiellement, tous les programmes gouvernementaux font l'objet d'un examen. On a fait une analyse horizontale de différentes activités. À la fin des discussions entre ministres, nous étions certes conscients que, bien que la recherche soit une priorité, il faut souvent qu'elle s'effectue dans un contexte de viabilité commerciale. Je vous donne un exemple de la façon dont cela se traduit par un changement.
Le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a un budget de recherche de 350 millions de dollars environ. On s'inquiétait qu'un chercheur puisse consacrer 25 ans à étudier un légume particulier sans qu'au bout du compte, les résultats de sa recherche aient contribué à l'économie, même s'il a peut-être eu une carrière distinguée parce qu'il a produit d'excellentes preuves scientifiques.
On a donc lancé une initiative dans ce ministère, l'an dernier. D'ici la fin du prochain exercice, une partie de son budget de recherche, soit 70 millions de dollars à peu près, sera financée conjointement. En d'autres mots, l'industrie informera le ministère qu'elle a besoin d'un matériel génétique amélioré pour, par exemple, faire pousser du maïs sucré dans les parties les plus septentrionales de l'Ontario et du Québec. Le ministère de l'Agriculture effectuera de la recherche fondamentale et, lorsque le matériel demandé aura été mis au point, il sera vendu à des organismes de semence qui mettront au point le produit et le mettront en marché. Le financement de contrepartie provenant de l'industrie représentera un important changement dans la façon dont le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire assume ses fonctions.
Le sénateur Bolduc: Des changements ont-ils été faits en ce qui concerne les communications? Je vous pose la question parce que j'ai des amis chercheurs qui travaillent pour des organismes de communication. L'un d'entre eux travaille à Northern Telecom et un autre, au gouvernement fédéral. Leur travail est extrêmement différent.
M. Miller: La recherche en communication est très différente du genre de recherche entrepris dans le domaine des ressources naturelles. Les fonctions sont très différentes. Je ne puis vous dire s'il y a des dédoublements entre ce que font les employés du gouvernement et ceux de l'entreprise privée dans ce domaine. Certes, le gouvernement a mis l'accent sur la recherche et le développement.
Le président a mentionné que nous effectuons un examen des programmes afin d'en déterminer les répercussions jusqu'en 1998-1999. Cet examen porte aussi sur les compressions budgétaires imposées aux ministères. Fait plus important, il influera sur l'orientation et l'accent mis sur la recherche et le développement en fonction des six questions que vous avez mentionnées, sénateur. En tant que fonctionnaires, nous voulons savoir comment nous pouvons aider les ministères à réaliser ces objectifs. Comment pouvons-nous les aider à obtenir ce genre d'information? Il est déjà difficile à deux ministères de s'asseoir à la même table pour discuter de recherches qui pourraient avoir des objectifs analogues. La façon de coordonner cela et les répercussions sur les objectifs globaux du gouvernement sont des questions dont nous avons discuté en vue d'y mettre l'accent et de les étudier globalement.
Le sénateur Bolduc: Lorsque je pose ma question au sujet des organismes de recherche ministériels, je suis conscient que des organismes comme le Conseil national de recherches sont peut-être plus indépendants que d'autres organismes administratifs. S'agit-il encore de bastions de chercheurs coupés de la réalité? Croyez-vous qu'un jour, leur travail aura un rapport avec la demande?
M. Miller: Je ne peux parler qu'en fonction de mon expérience limitée, soit de la réaction que nous obtenons lorsque nous essayons de changer quelque chose au sein d'un organisme comme le Conseil national de recherches. Chaque fois que cet organisme fait l'objet de compressions ou que l'on insiste sur un volet de son activité qui est, selon lui, incompatible avec ses objectifs, il répond qu'il n'est plus capable d'appuyer une industrie, une fonction ou des réalisations particulières dans un certain domaine. Durant mes échanges avec des chercheurs et des responsables de ces programmes - je connais surtout le domaine de l'agriculture -, il est devenu évident que le gouvernement doit assurer certaines fonctions que l'entreprise privée est incapable de financer. Il faut prendre une idée et la développer jusqu'à ce qu'elle ait une application commerciale.
Dès que l'on voit de la lumière au bout du tunnel et que l'on sait comment appliquer la science, on peut entreprendre des projets conjoints. Je puis vous en citer de nombreux exemples. En d'autres mots, nous parlons ici de la commercialisation d'une idée ou d'un concept. C'est à ce stade que nous visons à obtenir la participation du secteur privé. L'expérience internationale a beaucoup d'impact sur les recherches dans le domaine de la haute technologie.
Nous sommes en train d'évoluer. Cela dépend désormais de la rapidité, de l'orientation et de l'intérêt qui existent dans certains secteurs. Ces dernières années, ces facteurs ont considérablement changé.
Le sénateur Kelly: Si je vous ai bien compris, au moment où la recherche semble présenter une certaine valeur commerciale, c'est à ce stade où vous décidez de l'étape suivante. Cela n'empêche pas que jusqu'à ce stade, une foule de projets de recherche sans importance et très coûteux pour le gouvernement sont exécutés par le CNR et des organismes semblables. Faites-vous connaître vos objectifs suffisamment tôt?
Je constate qu'à la rubrique «Programme du développement de l'industrie et des sciences», un certain nombre de contributions sont versées, et comme vous l'avez dit plus tôt, elles sont faites sous certaines réserves et en fonction de certains objectifs finaux. Est-ce que vous demandez à des organismes comme le Conseil national de recherches de dresser la liste de leurs activités de recherche, afin d'évaluer si vous devez ou non continuer à financer leurs activités? Si vous jugez que certaines de leurs recherches ne mèneront à rien, leur indiquez-vous et leur proposez-vous d'effectuer d'autres recherches? Le faites-vous dès le début?
M. Miller: Je dois faire des conjectures pour répondre à cette question, monsieur le sénateur. Il ne fait aucun doute que les opinions des cadres supérieurs et du ministre responsable du Conseil national de recherches ont une grande influence sur ce genre de décisions. Généralement, on décide très tôt s'il vaut la peine de poursuivre le projet sur le plan commercial, après quoi on peut conclure un accord commercial qui s'apparente à un partenariat.
Je dois avouer qu'en raison de l'orientation que nous adoptons, il n'y a pas beaucoup de recherche qui se fait en dehors des universités. Nous offrons une aide pour ce que nous appelons la recherche générale de très haut niveau. Au-delà de ça, la plupart des projets sont examinés soigneusement. Les fonds sont rares. Il y a toujours un million de projets différents qui pourraient être entrepris. Seuls ceux les plus prometteurs sur le plan commercial ou ceux qui permettront de faire nettement progresser un secteur ou une fonction en particulier auront le feu vert.
Le Conseil du Trésor et le secrétariat ne s'occupent pas normalement de l'approbation des projets individuels. Nous laissons cette tåche aux experts scientifiques. Dans bien des cas, cela suppose des consultations avec des collègues un peu partout au Canada ou même à l'étranger afin de décider des projets à exécuter.
Ici encore, comme les ressources sont rares dans tous les gouvernements, il y a une grande coordination entre les milieux scientifiques. On exécutera un certain projet en sachant qu'un autre pays effectue des travaux complémentaires. C'est l'un des développements intéressants qu'offrent l'informatique et Internet. Les scientifiques peuvent communiquer instantanément au lieu de devoir attendre la tenue de conférences périodiques. C'est un domaine qui connaît de nombreux changements.
Le sénateur De Bané: Si nous regardons sous la rubrique Affaires étrangères à la page 2-9, à la cinquième ligne nous lisons «Contributions pour les mesures visant l'Asie-Pacifique», 2,8 millions de dollars. Un peu plus bas sur la même page, nous lisons «Contributions pour promouvoir le commerce et l'investissement entre le Canada et la région de l'Asie-Pacifique», zéro. Il est difficile de savoir exactement quelles sont les contributions faites par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce par région. J'ai de la difficulté à comprendre cela.
Comme vous le savez, l'informatique offre entre autres avantages la possibilité de ventiler les données et de les présenter sous différents angles. C'est là le génie des ordinateurs. Ici, les données ne nous sont présentées que d'une façon. Les mêmes données peuvent être présentées différemment. Avant l'avènement des ordinateurs, décomposer cette information aurait été un véritable cauchemar mais gråce aux ordinateurs, cela se fait en un rien de temps.
Ces données auraient pu être présentées sous de nombreuses formes différentes, peut-être en arrangeant les articles par ordre décroissant dans la deuxième colonne. On ne verrait donc pas une première subvention de 50 millions de dollars sur une ligne et une deuxième subvention de 100 millions un peu plus loin. On ne s'y retrouve plus.
Je vois ici un article qui porte sur le Centre québécois des relations internationales de l'Université Laval. Je ne peux pas croire que Laval soit la seule université au Canada qui reçoive des subventions. Cependant, j'ignore où les autres pourraient être indiquées.
L'année prochaine, vous pourriez peut-être envisager de faire la même présentation mais en utilisant un système différent pour présenter chaque ministère. Cela pourrait nous être utile.
M. Miller: C'est une merveilleuse occasion de lancer la discussion que nous aurons j'espère dans deux semaines sur notre projet d'amélioration des rapports au Parlement. Toute l'information que nous produisons se trouve dans environ 80 ouvrages différents. Nous produisons 12 millions de pages d'imprimés chaque année à l'intention des parlementaires. Traiter toute cette information est une tåche impossible. Il y a beaucoup trop de données et pas suffisamment d'information.
L'un des éléments prévus par le projet d'amélioration des rapports au Parlement consiste à utiliser la technologie pour donner des précisions sur les subventions individuelles et l'endroit où elles se trouvent. En fait, l'un des articles dont vous avez discuté, monsieur le sénateur, est une entente de contribution conclue pour l'Asie-Pacifique. Nous avons maintenant une nouvelle entente assortie de conditions différentes, ce qui explique pourquoi ce projet semble être financé pour la première fois cette année.
Afin de permettre aux parlementaires d'avoir accès à cette information, nous sommes en train de travailler avec des gens sur la Colline pour nous raccorder au système Pubnet. Gråce à ce système, nous pourrons catégoriser et décrire nos contributions de différentes manières dans la mesure où elles se rapportent à la recherche, aux universités et ainsi de suite. Toute cette information sera disponible sur ce système informatique.
Les permutations et les combinaisons, comme vous le mentionnez, sénateur, sont trop nombreuses pour qu'on puisse les déterminer à l'avance, compte tenu des intérêts particuliers de chaque parlementaire. En fait, c'est ce que nous avons tåché de faire lors de notre dernière réforme du Budget des dépenses, qui remonte à 15 ans maintenant et qui a abouti à ces 12 millions de pages publiées chaque année et que malheureusement la plupart des gens ne peuvent pas utiliser parce qu'elles renferment trop d'information technique. Comme nous tåchons d'assurer une certaine uniformité dans la façon dont nous présentons l'information au Parlement, la présentation de l'information concernant les Archives nationales est très semblable à celle concernant la Défense nationale, ce qui n'a pas vraiment de sens.
Je pense que vous trouverez encourageant le genre de changements que nous essayons d'apporter dans ce domaine. Bien sûr, pour avoir des précisions, on peut consulter la partie III, c'est-à-dire le plan des dépenses des ministères. Ici encore, les articles qui seront mis en évidence ou leur présentation dépendent beaucoup des commentaires faits par les parlementaires dans le cadre de leur examen.
Comme je me suis occupé pendant de nombreuses années de la préparation de ces documents dans les ministères, j'ai toujours reçu avec beaucoup de plaisir les commentaires des sénateurs ou des députés m'indiquant ce qui leur déplaisait et les changements qu'ils aimeraient voir apporter. Le fait que quelqu'un ait exprimé le souhait de recevoir une meilleure information ou une information mieux catégorisée a justifié nos efforts à cet égard.
Nous travaillerons étroitement avec le Sénat et la Chambre des communes au cours de l'année qui vient pour encourager vos commentaires sur le genre de précisions que nous proposons. Nous espérons que ce sera un processus évolutif. Nous ne prévoyons pas que toute l'information vous sera directement accessible d'ici l'année prochaine. Notre objectif est évidemment de sensibiliser les parlementaires à l'information à laquelle ils peuvent avoir accès et à la façon dont ils peuvent s'en servir.
Une difficulté à laquelle risque de se heurter le gouvernement actuel, c'est que des gens se servent de cette information d'une manière qu'il n'avait pas prévue. Devant un comité, avec un peu de recherche, on pourra présenter de l'information sous des angles que ni les fonctionnaires ni le gouvernement, malgré toute leur préparation, n'auront pu prévoir. C'est une autre conséquence de l'ère de l'information.
Pour des gens comme moi qui ai eu l'occasion de comparaître devant des comités, il sera extrêmement intéressant de suivre l'évolution de la situation.
Le sénateur De Bané: Monsieur Miller, je peux vous dire qu'à cause de la façon dont ces articles sont ventilés aujourd'hui, si vous étiez un parlementaire, vous n'arriveriez absolument pas à comprendre l'information présentée. Par exemple, permettez-moi de vous demander: Que faisons-nous pour la région de l'Asie- Pacifique? Vous pourriez dire par exemple, à la page 2-7, on verse des subventions totales de 273 000 $ pour l'«expansion du commerce international en Asie-Pacifique». À la page 2-9, nous pouvons lire que les «Contributions aux mesures visant l'Asie- Pacifique» s'élèvent à 2,8 millions de dollars tandis que les contributions pour l'«expansion du commerce international en Asie-Pacifique» s'élèvent à 1,6 million de dollars. On utilise une terminologie différente à chaque page.
Comme vous le dites, il y a de nombreuses façons de catégoriser les données. C'est le premier point que j'aimerais que vous examiniez.
Mon deuxième point porte sur la question de nos bureaux à l'étranger. Comme vous le savez, certains sont la propriété de la Couronne et d'autres sont loués. Pouvez-vous me dire où je peux trouver le montant de nos dépenses d'immobilisations, entre autres, pour l'achat de propriétés qui serviront de bureaux et le montant que nous dépensons en loyers à l'étranger?
M. Miller: Sénateur, je vous renverrais d'abord au Plan des dépenses des Affaires étrangères que je n'ai malheureusement pas avec moi aujourd'hui. Ce document renferme probablement 150 pages d'information. Il ne fait aucun doute qu'il a mis davantage l'accent dans ce domaine. Un organisme de service spécial, distinct a été créé pour s'occuper des propriétés à l'étranger.
D'après mon expérience au Conseil du Trésor l'année dernière, le ministère possède un plan d'immobilisations à long terme qui détermine clairement les priorités pour l'achat de locaux, la construction de nouveaux locaux par le biais du processus d'appels d'offres ou le maintien d'ententes de location. On y évalue soigneusement les incidences de chaque option.
Lorsque l'on a affaire à des pays étrangers où les taux d'inflation sont très élevés dans certains cas, ou encore où les propriétés sont hors de prix, il est difficile de décider s'il vaut la peine, par exemple à Genève, de construire notre propre consulat plutôt que de le louer puisqu'il est possible de récupérer les frais de location en trois ans. Leur processus de planification tient compte de ce type d'anomalies.
Bien que je ne connaisse pas bien les détails du plan des dépenses des Affaires étrangères, car c'est un important secteur d'intervention qui monopolise une partie considérable de leur budget, je suis sûr que le ministère tient compte de ce genre de facteur. Sinon, nous obtiendrons cette information pour vous du ministère même.
Le sénateur De Bané: J'aimerais savoir si une étude a été faite à propos de la possibilité d'emprunter de l'argent des institutions financières canadiennes pour acheter tous ces immeubles que nous louons à l'étranger et de nous servir de l'argent qui aurait été payé en loyer pour rembourser ces prêts, un peu comme une hypothèque. En 25 ou 30 ans, nous pourrions finir par devenir propriétaires de ces immeubles. Un pays comme le Brésil ne disparaîtra pas demain. Il sera toujours là. Pourquoi louer lorsque pour le même montant d'argent on peut acheter ces immeubles? S'il est logique pour les Canadiens d'acheter leur maison, pourquoi louons-nous ces immeubles et payons-nous ces énormes sommes d'argent chaque année?
Je crois comprendre que des pays entre autres comme la Suisse sont arrivés à la conclusion qu'il est préférable d'emprunter de leurs propres institutions financières pour devenir propriétaires de leurs bureaux et d'autres immeubles à l'étranger. Après 20 ou 30 ans, ils seront propriétaires de ces immeubles et n'auront donc plus à payer de loyer. Comme vous êtes responsable de l'évaluation des programmes, serait-ce un facteur dont vous tiendriez compte pour évaluer si cela se tient sur le plan économique?
M. Miller: En fait, comme je l'ai mentionné, les Affaires étrangères ont mis sur pied ce que nous appelons un organisme de service spécial chargé précisément de cette tåche. L'un des facteurs qui influent sur notre décision de louer ou d'acheter des propriétés à l'étranger, c'est notre présence dans une région en particulier. Certaines régions sont très stables en raison du climat international et il est très facile de prédire, au cours des 25 prochaines années, quels seront nos besoins en locaux. Genève en est un bon exemple. Cependant, dans d'autres pays, nos besoins peuvent varier en fonction des relations commerciales ou d'autres facteurs externes.
Il ne fait aucun doute que le plan établi par les Affaires étrangères pour l'utilisation de son budget d'immobilisations tient compte de l'option la plus avantageuse. En d'autres mots, là où il préférable d'acheter ou peut-être de construire un nouvel immeuble plutôt que de le louer comme nous le faisons à l'heure actuelle.
L'autre facteur qui contribue à en faire n processus à très long terme, c'est que tous ces immeubles ne sont pas forcément à vendre. Même si nous le voulions, nous ne pourrions pas acheter certains des locaux que nous louons. Il faut donc trouver des solutions de rechange. L'emplacement, la taille et les fonctions spécialisées de certains locaux pour assurer dans certains cas la protection de nos employés sont autant de facteurs qui exigent de longues années de planification. Il ne fait aucun doute que les Affaire étrangères possèdent les moyens de le faire. En fait, nous pouvons probablement vous obtenir des documents qui indiquent exactement quelles sont les priorités générales du ministère et comment il compte les mettre en oeuvre compte tenu des restrictions prévues dans son budget d'immobilisations. Comme je l'ai dit, cela représente une proportion considérable des fonds à sa disposition.
Le sénateur De Bané: Notre présence disons au Brésil, en Argentine ou au Chili est une présence permanente et ces pays sont des entités permanentes. Comme la Couronne peut emprunter des institutions financières canadiennes à un taux privilégié, elle pourrait peut-être envisager de conclure une entente avec ces mêmes institutions financières pour emprunter de l'argent afin d'acheter des propriétés à l'étranger. L'argent qui est payé à l'heure actuelle en loyer pourrait servir à rembourser une hypothèque. Dans 25, 30 ou 35 ans, la Couronne pourrait devenir propriétaire de ces propriétés. Cela serait logique dans le secteur privé.
J'ai toujours eu de la difficulté à comprendre pourquoi il est facile de trouver de l'argent pour payer les dépenses de fonctionnement mais difficile de trouver de l'argent pour des dépenses en capital. Pourquoi notre musée national a-t-il un important budget de fonctionnement mais ne dispose-t-il pas de plus d'un ou deux millions par année pour acheter des oeuvres d'art? Les dépenses en capital sont un secteur difficile à comprendre. Il y a des années à Londres, en Angleterre, nous avons acheté une soixantaine de résidences mais dans d'autres pays nous louons nos locaux.
Ce sont simplement des idées que je vous soumets pour réflexion.
M. Miller: Je vous remercie, sénateur. Nous porterons cette question à l'attention de l'organisation qui s'en occupe.
[Français]
Le sénateur Rizzuto: J'aimerais connaître la façon dont on fait crédit à certains pays sous-développés, surtout certains pays de l'Afrique. Depuis plusieurs années, l'on vend à crédit et l'on se rend compte, comme c'est le cas de Europe de l'Est, que l'on n'est jamais remboursé. L'on en arrive toujours à en faire cadeau, si vous voulez, d'une façon ou d'une autre. Ne trouvez-vous pas que c'est une façon de faire des cadeaux soit à des pays ou à des industries que l'on veut aider? Pourquoi ne pas le dire clairement que l'on fait crédit de 100 millions à tel pays, en leur vendant du blé ou d'autres produits canadiens? En fin de compte, on ne reçoit jamais d'argent.
J'aimerais savoir quel en est le but? Est-ce que l'on veut aider nos industries canadiennes à vendre leurs produits, tout en sachant qu'on ne sera jamais payé? C'est une subvention directe du gouvernement. Est-ce pour aider les pays qui en ont vraiment besoin? Une chose est certaine, la façon dont cela se passe n'est pas tout à clair. L'information n'est pas donnée, à savoir vraiment qui l'on veut aider dans tout cela? À qui essaie-t-on d'en faire accroire?
[Traduction]
M. Miller: Je pourrais peut-être vous répondre, sénateur, en indiquant que nous avons différents programmes qui manifestement aident des pays directement, en fournissant par exemple des produits canadiens sans qu'ils aient à les rembourser. Notre Programme d'aide alimentaire en est un bon exemple.
Nous faisons également appel à la Société d'expansion des exportations et à d'autres sociétés d'État pour qu'elles participent au financement de ces articles. Nous sommes en train de discuter avec le ministère des Finances de la meilleure façon de décrire ces transactions. Par exemple, nous aimerions accroître nos exportations de blé à destination des pays d'Amérique du Sud. Pour l'instant, nous sommes dans une position désavantageuse par rapport aux États Unies en raison des contraintes auxquelles est assujettie la Société d'expansion des exportations pour ce qui est du financement de certains articles. Nous pourrions faire appel au ministère de l'Agriculture et indiquer que nous sommes disposés à fournir des garanties aux producteurs pour qu'ils obtiennent leurs 100 millions de dollars mais que le ministère doit fournir une certaine partie de cette somme au cas où l'argent ne serait pas remboursé. Même si une partie importante de cette somme est remboursée, il reste à savoir comment nous traiterons les cas particuliers où il y a risque de non-remboursement. Comment pouvons-nous nous prémunir contre une telle éventualité?
En ce qui concerne l'Amérique du Sud, nous avons également des contraintes car nous ne pouvons traiter qu'avec des gouvernements souverains comme le gouvernement du Brésil. Nous aimerions recourir aux modalités utilisées par d'autres pays. Par exemple, nous aimerions conclure une entente avec un groupe de banques internationales stables qui sont bien financées et susceptibles de nous rembourser. Ce genre d'entente permettrait de s'assurer que le Canada se voit rembourser une plus forte proportion de cet argent.
Nous avons des programmes qui consistent à donner de l'argent directement. Nous avons des programmes destinés à appuyer la vente internationale de produits et qui garantissent aux producteurs qu'ils seront payés. Nous devons également prendre des dispositions pour nous assurer, lorsque le gouvernement fédéral engage des coûts, de minimiser les coûts supplémentaires.
Je crois que le total des prêts en cours que nous avons garantis dans ce domaine atteint les milliards de dollars. Nous nous attendons évidemment à ce que le Trésor public récupère une partie de cet argent.
Dans chaque transaction, nous nous interrogeons sur la probabilité de récupérer cet argent. Si la réponse est négative, nous devons alors déterminer comment faire en sorte que le gouvernement fédéral ne soit pas tenu responsable d'une partie importante de cette transaction.
[Français]
Le sénateur Rizzuto: Pourrait-on avoir une liste de tous ces montants d'argent qui sont en souffrance dans ces pays? Est-il possible que l'on soit informé de la situation de tous ces comptes à recevoir? Je demande cela dans la mesure du possible. Dans bien des cas, il peut y avoir des abus. On donne du blé à un pays pour aider les pauvres gens qui en ont besoin pour manger, cela on peut le comprendre. Je pense qu'il peut y avoir des abus dans certains cas, où l'on a garanti certains produits ou certaines entreprises canadiennes à des pays à qui l'on envoie de l'argent, et l'on ne sait vraiment pas si la polulation en bénéficie. On ne sait plus quel est le but du gouvernement canadien.
Nous devrions être prudents. Si cela est possible, je voudrais être informé ou au moins avoir la possibilité de pouvoir vérifier de quelle façon ces montants d'argent sont payés. Où l'argent va, en fin de compte. Est-ce que vraiment on a suivi cela du début à la fin? Ou est-ce simplement qu'à un moment donné, on a décidé de donner un crédit parce que cela permettait à une entreprise canadienne d'avoir un contrat ou de faire une vente? Nous ne savons pas ce qui s'est fait. Surtout qu'après cela, l'on ne se fait pas payer.
Si l'on se fait rembourser, à ce moment-là cela devient la responsabilité du pays en question. Mais, si l'on n'est pas payé, comme cela arrive souvent, je pense que l'on devrait faire attention. C'est l'argent de nos contribuables que l'on perd.
Possiblement qu'il y a des entreprises canadiennes qui ont peut-être été favorisées, mais cela ne veut pas dire qu'il faille payer pour certaines entreprises. D'après moi, l'argent doit aller où la population canadienne veut qu'on l'envoi.
[Traduction]
M. Miller: Sénateur, les comptes publics qui sont déposés chaque année renferment des précisions sur ces types de transactions. Nous pouvons sans aucun doute vous obtenir plus de détails et demander au ministère de vous fournir de plus amples renseignements.
En ce qui concerne le suivi des transactions individuelles visant à déterminer si les produits, les denrées alimentaires ou quoi que ce soit sont bien acheminés aux personnes à qui ils sont destinés, c'est sans aucun doute l'une des raisons pour lesquelles l'ACDI a des employés à l'étranger. Cela s'inscrit dans le cadre de ses activités permanentes. Si elle ne se conforme pas à ce qu'on attend d'elle cette année, il est possible que ces fonds ne soient pas disponibles les années suivantes.
Je connais un peu l'Organisation mondiale de l'alimentation qui est une organisation des Nations Unies. Elle compte plusieurs centaines d'employés qui tåchent effectivement d'y voir. En d'autres mots, lorsqu'un pays comme le Canada offre une aide alimentaire, ils suivent littéralement les avions et les camions pour s'assurer que les denrées sont livrées au point de contact. Malheureusement, il leur est extrêmement difficile de faire ensuite rapport par la voie hiérarchique au pays qui a fourni les denrées alimentaires et de confirmer qu'elles ont été effectivement livrées à ceux qui en ont le plus besoin.
Le sénateur De Bané: Le président de l'Organisation mondiale de l'alimentation au bout du compte utilise ce budget pour promouvoir ses propres politiques afin de s'assurer d'être réélu dans cinq ans par les pays donateurs.
M. Miller: Je préfère ne pas commenter cette observation, sénateur.
Le sénateur Bolduc: Je suis allé en Afrique occidentale une douzaine de fois dans le cadre de mes activités pour la Banque mondiale. À mon retour, j'ai dit à Mme Landry, qui était la ministre à l'époque, que nous devrions donner l'argent à des organisations non gouvernementales dans ces pays. Par exemple, si nous voulons contribuer à l'éducation en République centrafricaine, nous devrions tåcher de joindre les Jésuites qui livreront la marchandise aux étudiants. Autrement, nous ne saurons jamais ce que devient notre contribution.
Je n'ai pas l'intention de critiquer une organisation fédérale qui jouit d'une excellente réputation, la Gendarmerie royale du Canada. Lorsque nous avons examiné plus sérieusement la situation de la Défense nationale, nous avons constaté que pendant des années, le quartier général de la défense comptait un assez grand nombre d'employés, soit 10 000 personnes. Sur un effectif de 100 000, cela est ridicule. Cela me rappelle le Pentagone à Washington. Nous sommes au Canada ici, pas aux États-Unis.
En examinant soigneusement cette situation, vous avez constaté qu'il faudrait réduire de 50 p. 100 les dépenses liées au personnel au quartier général. Avez-vous examiné la situation de la GRC à cet égard? Son budget de fonctionnement est énorme, ce qui suppose toujours certains excès. Je crois que la GRC a un budget d'environ un milliard de dollars. Nous versons entre deux et trois millions de dollars au fonds de pension des officiers. Dans la province du Nouveau-Brunswick, où nous avons un service de police provincial financé par la province, l'unique responsabilité de la GRC est de faire respecter les lois en matière de drogues. Les autres provinces qui utilisent davantage les services de la GRC payent probablement le gouvernement fédéral pour ces services mais le prix qu'elles payent est-il réaliste?
Je reconnais que la GRC a une grande tradition dans le Nord mais le moment est venu d'examiner sérieusement cette organisation. C'est une organisation administrative de 10 000 employés. Ils assurent des services municipaux dans certaines villes de l'Ouest, des services provinciaux ailleurs et des services continentaux avec les États-Unis où ils jouent un peu le rôle de la CIA dans certaines situations.
Le président: Ils assurent également des services de sécurité aux politiciens.
Le sénateur De Bané: Le SCRS est un organisme distinct de la GRC.
Le sénateur Bolduc: Je le sais. Cependant, le moment est venu d'examiner la taille de leurs opérations. Si personne ne le fait, cette organisation peut continuer à prendre de l'expansion et d'ici quelques années on risque de se retrouver avec 50 000 ou 60 000 personnes qui font du travail de bureau. J'ai été témoin de ce genre de situation à Québec où il n'y avait que quelques gendarmes. Lorsqu'il a fallu que les demandeurs de passeport se présentent en personne au bureau pour obtenir leurs passeports qui ne pouvaient plus être livrés, les agents de la GRC ont dû faire du travail administratif. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Ce n'est toutefois qu'une observation. J'aimerais que vous preniez en considération ce que je viens de dire. Je me rends compte qu'il s'agit d'une situation délicate mais il faut que quelqu'un examine la situation dans son ensemble.
Le président: Vous n'êtes pas en train de poser une question, vous êtes en train d'offrir des conseils qu'ils pourront transmettre à leurs collaborateurs.
Le sénateur Bolduc: Oui.
Le sénateur De Bané: Ce sont les conseils d'un ancien sous-ministre et secrétaire général du gouvernement du Québec.
Le sénateur Kelly: J'aimerais répondre aux commentaires du sénateur Bolduc à propos de la GRC. L'une des tristes réalités de la vie dans toute société, c'est que, lorsque les gens se sentent menacés, ils veulent un service de police sur lequel ils peuvent compter. Lorsqu'ils se sentent en sécurité, ils n'attribuent pas ce sentiment de sécurité au travail de la police. Ils proposent alors que les effectifs policiers soient réduits. Dans toute analyse des risques, la police ne se voit jamais attribuer le mérite d'avoir empêché certaines choses de se produire puisque personne ne sait ce qu'elles auraient pu être. Comme de fait, nous suivons les conseils du sénateur Bolduc et nous réduisons le service de police. Or, dès qu'un acte illégal sera commis, les médias s'empresseront d'accuser la police d'avoir encore une fois failli à la tåche. Ils ne laisseront pas entendre que le sénateur Bolduc est responsable. Il s'en tirera à bon compte.
Le président: Le sénateur Bolduc sait ce qui se passe dans les bureaucraties. Il se dit que la plupart des officiers travaillent au quartier général et ne font pas en fait du travail policier. Il a peut-être raison.
M. Miller: D'après ce que je crois comprendre, la GRC a récemment effectué un examen interne. En discutant des incidences de cet examen avec plusieurs membres de la GRC, je crois comprendre qu'ils envisagent de décentraliser leur quartier général vers cinq régions.
Traditionnellement, le quartier général a été le centre de la gestion de l'ensemble des activités, y compris des services de police à l'échelle provinciale et municipale, mais surtout dans une perspective fédérale. Le gros des employés à Ottawa s'occupe des services de police fédéraux mais plutôt sur le plan de l'orientation car de nombreuses municipalités - et sans aucun doute l'Ontario et le Québec - s'occupent également de ce genre de questions.
Au cours des deux dernières semaines, j'ai entendu certains membres se plaindre du fait qu'une réorganisation et une restructuration complètes sont en cours. Si vous le voulez, je suis sûr que nous pouvons vous fournir des précisions à cet égard.
Le sénateur Bolduc: Je tiens à bien faire comprendre que je ne critique pas l'organisation. Je me contente simplement de souligner qu'il s'agit d'une grosse organisation comme l'étaient Transports Canada et la Défense nationale. Revenu national est également une énorme organisation de 32 000 employés.
Le président: Je vous renvoie à la page 12 de la Partie I du budget, plus précisément à la colonne trois intitulée «Dépenses prévues (non comprises dans le Budget principal)». Pour Agriculture et Agroalimentaire, le chiffre est de 232 millions et pour Industrie, il est de 317 millions. Que représentent ces chiffres?
M. Miller: M. Joyce est l'auteur de ce tableau.
M. Joyce: Ce tableau a été introduit cette année non pas pour présenter du nouveau mais pour témoigner d'une situation qui se produit chaque année. Il existe des différences entre les chiffres du plan des dépenses présenté dans le budget du ministre des Finances et les chiffres que nous publions dans le Budget des dépenses principal. Ce tableau vous indique les dépenses par ministère et les met en évidence afin que nous sachions en quoi consistent ces différences pour chaque ministère.
Ces différences s'expliquent de plusieurs façons. La première raison, c'est que le processus interne d'approbation du gouvernement n'est pas complètement terminé lorsque nous préparons le Budget des dépenses principal. Par conséquent, ces dépenses n'y figurent pas. Comme il s'agit toutefois de dépenses prévues, elles sont incluses dans le budget du ministre des Finances.
La deuxième explication, si l'on revient au processus d'approbation, c'est que pour diverses raisons, le ministère en question n'a pas encore terminé ses plans de dépenses, ce qui peut par exemple, supposer de conclure des ententes ou de mener à bien des négociations et qui sont des étapes auxquelles il n'est pas encore arrivé. Il n'est donc pas prêt à faire approuver ses dépenses.
La troisième raison a trait à la législation. Comme les sénateurs le savent, le Budget des dépenses principal ne peut pas anticiper les lois. Cependant, dans la planification de nos dépenses pour le budget, c'est ce que nous devons faire.
Nous avons introduit cette colonne pour essayer d'indiquer de façon un peu plus détaillée en quoi consistent ces différences. Cette année, la Partie I et le nouveau document qui sert à détailler les dépenses de programmes voulaient faciliter le rapprochement entre le Budget des dépenses principal et le budget de manière à nous permettre d'expliquer un peu mieux que par le passé les différences qui existent.
Le sénateur Kelly: Pourrait-on les qualifier d'«éventualités»?
M. Joyce: Dans certains cas, il s'agit d'éventualités; dans d'autres, ce sont plus que des éventualités parce qu'on sait avec assez de précision en quoi consistent les dépenses.
Le sénateur Kelly: Mais elles ne figurent pas dans le Budget des dépenses principal?
M. Joyce: Elles ne figurent pas dans le Budget des dépenses principal.
Le sénateur Kelly: Elles seraient donc présentées dans le Budget des dépenses supplémentaire?
M. Joyce: C'est exact.
Le sénateur Kelly: Pourquoi doit-il toujours y avoir des augmentations dans le Budget des dépenses supplémentaire? Un examen a été proposé, ce qui a permis certaines constatations. Vous arrive-t-il de découvrir des secteurs où il est possible de réaliser des économies par rapport au budget initial?
M. Miller: C'est l'une des situations avec laquelle nous nous débattons. Traditionnellement, les parlementaires n'indiquent pas la compensation. M. Joyce et moi-même estimons que cela n'est pas correct.
Dans le cadre de l'amélioration des rapports au Parlement, nous prévoyons de modifier cela afin que vous ayez une bonne idée, par exemple, de la façon dont un nouvel article est financé, de la compensation et ses incidences. C'est nettement l'orientation que nous envisageons.
Je pourrais peut-être faire des observations par exemple sur le ministère de l'Agriculture et les éléments que nous avons indiqués dans ce total de plus de 300 millions de dollars. Il y a 112 millions de dollars destinés à l'enveloppe du filet de sécurité, qui couvre les paiements du ministère aux producteurs en cas de problèmes de production et de valeur des récoltes. Comme nous étions en train de mettre au point les détails du fonctionnement de certains de ces programmes, il était prématuré de les inclure dans le budget.
Sur ce montant, 72 millions de dollars sont destinés au fonds d'adaptation et de développement rural. Il s'agit d'un programme en train d'être élaboré dont les détails n'ont pas encore été assez bien arrêtés pour que nous puissions les présenter au Parlement. C'est évidemment une initiative dont le ministre de l'Agriculture a discuté avec les provinces et les producteurs au cours des derniers mois. Il s'apparente au fonds d'adaptation ou d'ajustement dans le cadre de la cessation des subventions au transport du grain de l'Ouest de 95 millions de dollars. Nous sommes en train de déterminer la meilleure façon d'utiliser ces fonds mais le gouvernement s'est engagé à faire ces dépenses.
Ces éléments sont représentatifs du type d'articles qui font partie de cette liste.
Le président: Hier, je n'ai pas très bien compris lorsque le ministre a mentionné la réduction de 45 000 emplois. Je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit mais je crois qu'il a dit que les médias en avaient parlé. Je me souviens clairement que le ministre des Finances l'a mentionné en février de l'année dernière. Il avait indiqué qu'il y aurait une réduction de 45 000 emplois. Je ne sais pas si ce chiffre désigne des employés ou des postes. Vous utilisez une terminologie différente. Le chiffre réel est-il de 45 000? Désigne-t-il des postes qui risquent d'être éliminés, le nombre d'employés ou les deux à la fois?
M. Miller: Le problème, c'est que ce chiffre de 45 000 a été cité lorsqu'il a été indiqué que l'examen des programmes entraînerait la perte de 45 000 emplois fédéraux. Prenons les premiers 6 000, qui s'inscrivent dans le cadre du transfert du système de navigation aérienne à Navigation Canada. Personne n'a perdu son emploi. Ces employés sont simplement passés d'un emploi au gouvernement fédéral assorti d'un certain taux salarial et d'une certaine classification à un emploi au sein d'une organisation sans but lucratif. Les mêmes services continuent d'être assurés mais ne font plus partie du gouvernement fédéral.
Le président: Lorsqu'ils ont été transférés, ont-ils tous reçu une indemnité de cessation d'emploi d'un an?
M. Miller: Non.
Le président: Est-ce que certains ont reçu une indemnité?
M. Miller: À ma connaissance, aucun des employés transférés n'a reçu de paiement par suite du transfert. Les exigences prévoient que tant que le salaire et les avantages correspondent de façon raisonnable à ce qu'ils recevaient au gouvernement fédéral - en fait, nous avons conclu une entente avec 14 de nos 16 syndicats, qui en énonce clairement les modalités - ils ne recevront aucune indemnité de cessation d'emploi, ni d'autres types de paiement.
Je passerai maintenant au deuxième point, à savoir comment ce chiffre de 45 000 concerne ceux qui perdront effectivement leur emploi, ceux qui ne sont pas transférés, ceux qui participent aux initiatives de prise en charge des services par les employés ou d'autres modes de prestations d'un service, c'est-à-dire lorsque les employés continuent d'être rémunérés et que le service est maintenu mais que l'on réduit la taille du gouvernement ou on réalise certaines économies.
La différence a été calculée en examinant les plans ministériels et en se demandant: «Comment pouvons-nous réduire le niveau de salaire?» En prenant un chiffre approximatif - et au gouvernement le salaire moyen est maintenant d'environ 46 000 $ - on peut dire que, si les ministères réduisent le niveau de salaire de «X» millions de dollars, en divisant ce chiffre, nous obtenons un certain nombre d'emplois.
Le sénateur Bolduc: Ce sont les emplois prévus par le budget. Nous ne parlons pas des titulaires?
M. Miller: Non. Je vous donnerai un exemple pour vous montrer comment cela peut être trompeur. J'ai restructuré ma propre petite organisation de façon à éliminer l'un des cadres supérieurs dont les services à mon avis n'étaient plus nécessaires. Cela représentait des économies d'environ 100 000 $. Cependant, parallèlement, j'ai engagé deux jeunes économistes pour faire le travail ingrat, c'est-à-dire s'occuper de la paperasserie et ce genre de choses. C'était une occasion d'engager deux jeunes économistes pour faire ce genre de travail en éliminant un poste de cadre. J'ai en fait augmenté mon effectif tout en réussissant à économiser 40 000 $ par année en salaire.
Je n'arrive pas à expliquer à ma propre organisation qu'une telle mesure est logique. Ils s'attendent d'une certaine façon à ce que le nombre d'employés diminue en même temps que mes exigences salariales. Hier, lorsque le président a discuté de cet aspect, nous ne voulions surtout pas que vous mettiez l'accent sur les chiffres car ils peuvent être trompeurs. La seule certitude que nous ayons, c'est que les budgets des ministères ont été réduits. La façon dont les prévisions budgétaires sont présentées indique clairement le montant des réductions et l'indiquera clairement les années prochaines. Leur impact précis sur les emplois sera connu au fur et à mesure que nos programmes seront élaborés. De toute évidence, ce chiffre de 45 000 n'était pas un objectif. Il ne servait qu'à indiquer l'ampleur des réductions.
Le président: J'ai besoin de votre aide à cet égard, monsieur Miller. Le ministre des Finances a effectivement parlé de 45 000 emplois. Comme la plupart des Canadiens parlent anglais - je ne sais pas comment le dire en français - cela signifie 45 000 emplois de moins. Cela ne signifie pas une personne ici, deux personnes là, et ainsi de suite. Est-ce qu'il s'agira d'une perte de 45 000 emplois ou non? Dans l'affirmative, dans quel secteur se trouvent-ils? Si 6 000 emplois sont transférés à Navigation Canada, ces services seront sous-traités par le gouvernement fédéral. Qui paye les services fournis par Navigation Canada?
M. Miller: Ceux qui utilisent l'avion financent le service par l'entremise de la taxe sur le transport aérien et autres incitatifs.
Il y a un rapport trimestriel, que certains sénateurs ont reçu hier soir. Il fait état des progrès réalisés en vue d'éliminer 45 000 postes. Nous prévoyons atteindre cet objectif. Est-ce une bonne chose?
Le président: Je ne le sais pas. C'est lui qui le demande, pas moi.
M. Miller: J'en suis conscient. Il semble qu'on éliminera effectivement 45 000 postes de la fonction publique. Il se peut qu'un grand nombre d'employés quittent la fonction publique, par exemple, à la suite de la prise en charge de services par des fonctionnaires, une initiative que nous encourageons pour améliorer la prestation de services. Lorsqu'ils quittent le gouvernement fédéral, ils ont droit à une indemnité de départ. En vertu de la politique de prise en charge de services de l'État par des fonctionnaires, les employés obtiennent un contrat d'une durée maximale de trois ans, à un coût sans doute inférieur à ce qu'il était auparavant. Toutefois, une fois ces trois années écoulées, ils doivent faire concurrence au secteur privé pour renouveler ce contrat. Cette initiative permet à nos employés de faire la transition au secteur privé. Ils reçoivent les indemnités offertes dans le cadre des programmes de départ, qu'il s'agisse du programme d'encouragement à la retraite anticipée ou de prime de départ anticipé. Ces employés sont pris en compte dans les 45 000. Dans ce cas-là, le gouvernement fédéral continue de financer la prestation de ces services. Nous espérons tout simplement qu'ils seront offerts à un moindre coût.
Le président: Est-ce que les employés qui passeront à l'administration aéroportuaire du Grand Toronto feront partie du groupe de 45 000?
M. Miller: Je pense qui oui, parce que c'est ce qui s'est passé dans le cas des trois ou quatre aéroports qui ont déjà fait la transition.
Le président: Est-ce que le gouvernement fédéral accorde un soutien financier à l'administration aéroportuaire du Grand Toronto? Est-ce qu'il lui prête ou lui donne de l'argent?
M. Miller: En toute honnêteté, je ne le sais pas. Je ne crois pas qu'il le fasse, parce qu'il n'existe pas d'autorisation en ce sens, surtout s'il s'agit de prêts, à moins que cela ne figure dans les prévisions budgétaires.
Le président: Accordez-vous des prêts, ou lui en avez-vous accordés l'année dernière?
M. Miller: Il faudrait que je vérifie, sénateur. Je ne connais aucun cas où nous l'avons fait.
Le président: J'aimerais savoir si le gouvernement, depuis qu'il est arrivé au pouvoir, a consenti des prêts ou accordé une aide financière à l'administration aéroportuaire du Grand Toronto; à quelle entité juridique le gouvernement a versé ces fonds; et dans quelles conditions cette aide ou ce prêt a-t-il été consenti?
Le sénateur Maheu: J'aimerais poser une question au sujet des emplois auxquels M. Miller a fait allusion. Vous avez dit que vous avez remplacé un cadre supérieur qui gagnait 100 000 $ par deux employés qui touchaient grosso modo 30 000 $ chacun. Pendant combien de temps resteront-ils à ce niveau de rémunération? Pendant combien de temps réaliserez-vous une économie? Est-ce que l'élimination de postes de cadres n'avait pas pour objet de permettre au gouvernement de réaliser des économies? À long terme, je crois que cela risque de coûter plus cher que prévu. Vous économiserez peut-être pendant quelques années. Quel est votre avis là-dessus?
M. Miller: Habituellement, les paiements versés aux cadres supérieurs correspondent aux augmentations accordées aux autres employés de la fonction publique. Le traitement des cadres est gelé depuis 1991. Dans le cas des autres fonctionnaires, les augmentations d'échelon ne sont gelées que depuis deux ans; il s'agit d'augmentations qui sont accordées progressivement jusqu'à ce que le traitement atteigne le taux normal prévu pour un poste en particulier.
Toutefois, dans mon exemple, si je prends un cadre qui gagne 100 000 $ et que je le remplace par deux employés qui gagnent 30 000 $, vraisemblablement, lorsque la Loi sur la rémunération du secteur privé cessera de s'appliquer en 1997, si les augmentations sont rétablies, le cadre supérieur aura droit à une augmentation au même titre que les deux économistes subalternes, ce qui équilibrerait les choses.
Malheureusement, en tant que gestionnaire, je dois respecter le niveau de rémunération qui est établi. Je n'ai pas le choix, peu importe la quantité de travail qui doit être accomplie. Je dois maintenir cet écart. L'année prochaine, si l'on prend mon exemple, j'aurai 40 000 dollars de moins à payer en salaires. Nous devons composer avec les ressources que nous avons.
Le sénateur De Bané: L'avantage, c'est qu'en procédant de cette façon, vous offrez des débouchés aux jeunes diplômés. Dans son dernier rapport sur la fonction publique, le greffier du Conseil privé fait état d'un grave problème. Il indique que la fonction publique du Canada est en train de vieillir et que personne n'a été embauché depuis de nombreuses années.
Madame Larose, êtes-vous responsable des ressources humaines?
Mme Jill Larose, directrice, Développement des ressources humaines, Conseil du Trésor du Canada: Non, je ne m'en occupe pas personnellement.
Le sénateur De Bané: J'ai lu récemment un ouvrage fascinant intitulé «Maximum Leadership», dans lequel les auteurs ont interviewé 160 présidents-directeurs généraux des plus grandes entreprises au monde. Ils sont arrivés à la conclusion qu'il y a cinq façons de gérer les grandes entreprises. Toutes les compagnies utilisent ces méthodes, mais certaines privilégient une méthode par rapport à une autre. Parmi celles-ci figure la gestion des ressources humaines, c'est-à-dire le principal élément d'actif d'une entreprise. Tous les soirs, les employés de l'entreprise prennent l'ascenseur et quittent le bureau. Je présume que les services gouvernementaux font partie de cette catégorie.
Monsieur le président, nous pourrions peut-être, au cours d'une autre réunion, nous pencher sur cette question: Quels systèmes ont été mis en place pour récompenser et encourager les gens qui prennent des initiatives? Quelles mesures avons-nous prises pour promouvoir ce genre de comportement, d'approche ou de stratégie? J'aimerais qu'on se penche sur cette question à un moment donné.
J'ai appris qu'on a cessé de verser des primes de rendement; nous avons aussi cessé de renvoyer des gens pour incompétence. Que faisons-nous pour motiver nos employés?
Le président: C'est le genre de chose qu'on peut faire en milieu universitaire.
S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais remercier les témoins de nous avoir rencontrés aujourd'hui.
La séance est levée.