Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 23 octobre 1996
Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 17 h 15, pour étudier le Budget des dépenses principal pour l'exercice se terminant au 31 mars 1997, budget déposé devant le Parlement.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, veuillez m'excuser de mon retard. Je déclare la séance ouverte.
Il s'agit de la cinquième séance du comité sur l'examen du Budget des dépenses principal de 1996-1997. Nous accueillons aujourd'hui M. George Thomson, sous-ministre de la Justice.
Je vous cède la parole.
M. George Thomson, sous-ministre, ministère de la Justice: Monsieur le président, je suis heureux d'être ici ce soir pour débattre du Budget des dépenses principal du ministère de la Justice pour 1996-1997. Je vais être très bref, car je sais que vous voulez réserver du temps pour la discussion et les questions.
[Français]
Comme vous le savez, le ministère de la Justice est responsable de la conduite des affaires juridiques du gouvernement dans son entier et doit fournir des services juridiques à chaque ministère ou aux agences du gouvernement. Ces responsabilités consistent principalement à offrir des conseils et autres services juridiques et à gérer les litiges impliquant le gouvernement.
[Traduction]
Nous avons un budget de près de 450 millions de dollars pour 1996-1997. Comme vous le savez, les budgets finissent toujours par être dynamiques et celui du ministère ne fait pas exception à la règle. Essentiellement, notre budget affiche une augmentation de 3,7 millions de dollars par rapport à celui de 1995-1996. Nous avons été soumis à plusieurs compressions dont je vous parlerai plus tard. Dans certains cas, ces compressions ont été compensées par des ressources particulières affectées à des buts précis. Par exemple, nous avons reçu des fonds substantiels du ministère de la Santé. Ces fonds étaient réservés pour les agents extérieurs et ont compensé certaines des diminutions; toutefois, il s'agit de fonds transférés d'un autre ministère, ce qui explique la raison de la légère augmentation de notre budget global d'une année à l'autre. En règle générale cependant, le budget du ministère a été considérablement réduit.
Notre budget se compose de deux éléments principaux, un budget de fonctionnement de 190 millions de dollars, qui représente 42 p. 100 environ du budget total. C'est le budget que nous utilisons pour le fonctionnement du ministère. Nous avons ensuite des budgets distincts de subventions et de contributions de 260 millions de dollars, qui représentent 58 p. 100 de l'ensemble de notre budget. Ces 58 p. 100 se composent presque entièrement -- à 95 p. 100 -- de transferts aux provinces et aux territoires pour des programmes à coûts partagés comme l'aide juridique, l'accord sur les jeunes contrevenants, le programme d'assistance parajuridique aux autochtones et les accords sur les armes à feu que nous avons avec les provinces. C'est la part la plus importante de notre budget. Le reste représente notre budget de fonctionnement.
Cette année, nous avons adopté un nouveau cadre de planification opérationnelle fondé sur trois secteurs d'activité en ce qui concerne notre budget général.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, le témoin lit-il une déclaration? Si tel est le cas, je n'en ai pas reçu copie.
M. Thomson: Je n'ai pas apporté de déclaration à distribuer aux membres du comité, madame le sénateur. Je me ferais un plaisir de donner aux honorables sénateurs une copie de ce que je lis après avoir terminé mes remarques préliminaires.
Nous avons divisé les secteurs d'activité du ministère en trois. Comme je le disais, il s'agit premièrement des services gouvernementaux au client, qui sont les services juridiques que nous offrons aux autres ministères du gouvernement et au gouvernement dans son ensemble. Il s'agit ensuite de nos services législatifs, qui représentent près de 74 p. 100 de notre budget. Enfin, nous avons le secteur du droit et de l'orientation qui comprend l'élaboration des politiques et des programmes. Si vous excluez les subventions et contributions de ce budget, le secteur de l'orientation représente près de 11 p. 100 de notre budget de fonctionnement.
Nous avons ensuite le secteur de l'administration du ministère qui représente près de 15 p. 100 de notre budget de fonctionnement.
[Français]
Le ministère continue de faire l'objet d'une demande croissante de services de conseillers juridiques et de plaideurs. Depuis quelques années, nous avons mis en place un certain nombre d'initiatives en vue d'améliorer nos services tout en limitant les coûts.
[Traduction]
Je peux en citer quelques-unes. Malgré les pressions budgétaires et fiscales, la demande augmente plutôt qu'elle ne baisse. Comme tout le travail que nous effectuons est essentiel et que nous ne pouvons simplement pas le mettre de côté, nous nous sommes concentrés sur plusieurs éléments afin de résorber ces compressions financières. Je vais en citer deux ou trois.
L'élément le plus important est ce que nous appelons notre initiative des services axés sur le client. Dans le cadre de ce processus, nous concluons une entente avec chacun de nos clients qui établit, globalement, les services juridiques que nous pouvons offrir, les priorités et la manière dont ces services pourraient être offerts à l'avenir, y compris la façon dont nous pourrions résorber les réductions budgétaires prévues pour les services juridiques de ce client.
Nous adoptons des mesures comme le suivi de l'emploi du temps de nos avocats et d'autres employés ministériels, de manière à pouvoir faire des rapports précis sur l'utilisation de nos services au nom de ce client. Nous avons réorganisé le ministère en portefeuilles qui représentent nos plus gros clients ou groupes de clients. Grâce à ce processus de planification, il est possible d'examiner toutes les ressources dépensées au nom d'un client. De cette façon, par exemple, nous pourrions décider de commencer par investir dans les services juridiques afin d'éviter la nécessité de services de contentieux qui sont plus coûteux. La plus grande partie de notre travail consiste à modifier la façon dont nous fonctionnons en tant que ministère.
Nous avons maintenant conclu 23 ententes de service avec nos principaux clients. Nous entamons une deuxième année de planification avec ces clients.
Le sénateur MacDonald: Par «clients principaux» vous voulez parler des ministères et du gouvernement, n'est-ce pas?
M. Thomson: Oui, je parle des ministères. Nous offrons des services juridiques à tous les ministères.
Le sénateur MacDonald: Ce sont vos clients.
M. Thomson: Oui. Le gouvernement dans son ensemble est également notre client. Nous fournissons des services juridiques directs par l'entremise d'une unité des services juridiques au sein d'un ministère, par l'entremise de notre administration centrale ou de nos bureaux régionaux. Nous fournissons des services de contentieux et autres services spécialisés. Lorsque je parle de 23 ententes, je parle de 23 ministères du gouvernement.
Nous essayons d'adopter des normes pour toute une gamme de nos services. Nous avons envisagé de restructurer la manière dont nous fournissons plusieurs de nos services. Je suis sûr que vous avez déjà entendu le mot «restructuration», mais nous avons examiné notre fonctionnement afin de trouver des moyens plus efficaces d'offrir de tels services. Nous sommes en train d'adopter des systèmes de gestion des dossiers judiciaires afin de nous permettre de mieux gérer ces dossiers. Dans le cadre de deux ou trois ententes conclues avec nos clients, nous avons des projets pilotes de recouvrement des coûts, c'est-à-dire un plan de financement par l'usager.
À titre de deuxième exemple, je dirais que nous avons mis l'accent sur ce que nous appelons notre politique de règlement des différends, qui consiste à encourager le recours à des formes de règlement de différends autres que celles qui font appel à la compétence du tribunal, ce qui permet de régler les affaires plus rapidement, de manière moins coûteuse et plus efficacement, diminuant par là les pressions exercées sur notre système judiciaire et aussi sur les clients.
Nous avons des projets pilotes en cours dans certains de nos bureaux régionaux -- ils seront implantés dans tous nos bureaux régionaux d'ici quelques mois -- qui nous permettent d'examiner des groupes de dossiers et de décider si, en adoptant des moyens novateurs de règlement des différends, nous pouvons régler la plupart de ces dossiers plus rapidement et plus efficacement. Pour ce faire, nous offrons à tous nos avocats une formation sur les techniques de règlement des différends.
Comme troisième exemple, je dirais que nous élaborons une stratégie d'instance pour notre service de contentieux criminel. Le gros des poursuites criminelles est le fait des provinces, mais nous sommes responsables des poursuites dans le Nord et dans tout le pays pour des questions particulières comme la lutte antidrogue. Nous étudions une stratégie d'instance qui met l'accent sur les premières étapes du processus criminel afin de résoudre les affaires rapidement, lorsque cela est possible, pour réserver du temps aux cas plus difficiles et plus complexes.
Ce ne sont que trois exemples. Il y en a d'autres dont je serais heureux de vous parler. Toutefois, je pense que je devrais m'arrêter pour l'instant. Vous avez le document des perspectives. Je crois que vous avez également un document qui décrit les priorités et initiatives du ministère pour l'année écoulée.
Je me ferais maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Stratton: Bienvenue et merci d'être parmi nous.
Je vous renvoie à la page 26 de la partie III du Budget. En ce qui concerne le projet de loi C-68 et les armes à feu, vous êtes en train d'élaborer des règlements, de négocier des ententes financières fédérales-provinciales-territoriales sur les armes à feu, de créer un Système canadien d'enregistrement des armes à feu et de constituer le Groupe d'usagers d'armes à feu.
Où en est le ministère à ce sujet?
M. Thomson: Nous élaborons activement les règlements qui doivent découler du projet de loi. Nous allons bientôt présenter un nombre important de ces règlements à la Chambre des communes, puisqu'ils doivent être examinés par elle. Nous avons beaucoup travaillé à l'élaboration du système nécessaire pour le programme des permis et finalement, pour le programme d'enregistrement des armes à feu. Cela a nécessité beaucoup de travail avec les provinces, avec celles, du moins, qui continuent à nous aider à mettre en oeuvre ce programme.
Le sénateur Stratton: Est-il exact que certaines provinces se sont désistées et ne négocient pas?
M. Thomson: Oui, certaines provinces et les deux territoires ont indiqué qu'ils ne participeraient pas à la mise en oeuvre tant du nouveau programme de permis que du programme d'enregistrement.
Plusieurs provinces continuent à participer, dont l'Ontario et le Québec. Nous travaillons avec elles pour cette mise en oeuvre. Dans les autres provinces, nous envisageons d'élaborer un programme de mise en oeuvre sans la participation des provinces.
Le sénateur Stratton: Pouvez-vous effectivement le faire?
M. Thomson: Oui, nous le croyons. La plupart du travail est centralisé. Au plan local, une partie du travail se fait par l'entremise de la GRC, laquelle va y participer plus fortement et plus directement. Nous pensons qu'il est possible d'élaborer un programme de mise en oeuvre, même si les provinces ne participent pas. Toutefois, cela nécessite un travail particulier de préparation.
Ces provinces nous ont indiqué qu'elles voulaient se dégager du programme alors que nous prenons la place. Elles ne proposent pas de se retirer brutalement. Actuellement, elles participent activement à la mise en oeuvre du Programme d'acquisition des armes à feu et du programme de contrôle qui existe maintenant dans les provinces.
Le sénateur Stratton: A-t-on publié des projets de règlement?
M. Thomson: Une série de règlements a été présentée en mai. Ces règlements ont été retirés pour qu'on puisse y travailler davantage et pour les combiner à l'ensemble de la réglementation qui sera présentée cet automne. Nous espérons que la Chambre des communes examinera la version finale proposée de cette réglementation un peu plus tard cet automne.
Le sénateur Stratton: Ces règlements ont été élaborés, envoyés sous forme de projet et retirés. Pourquoi ont-ils été retirés?
M. Thomson: Essentiellement parce que l'on a pensé qu'il serait bon d'en discuter davantage. Il était inutile de les faire adopter au printemps. En fait, on ne les a pas présentés suffisamment tôt pour qu'ils soient adoptés au printemps, si bien qu'on a décidé de les retirer et d'entamer d'autres discussions avec certains groupes, comme le groupe d'usagers dont il est fait mention, afin de les améliorer et de les combiner à l'ensemble de la réglementation qui sera présentée cet automne.
Le sénateur Stratton: Cela ne sous-entend-il pas que le groupe d'usagers ait été contre?
M. Thomson: Cela sous-entend que le groupe des usagers souhaite participer davantage au processus et avoir plus de temps pour examiner ces règlements.
Le sénateur Stratton: Savons-nous combien cela a coûté jusqu'à présent?
M. Thomson: Nous savons combien de fonds ont été affectés au ministère de la Justice pour les travaux préparatoires qui se déroulent cette année. Cela comprend l'élaboration des systèmes et des règlements, des consultations plus vastes avec les collectivités autochtones et la création du centre des armes à feu. Près de 16 millions de dollars ont été prévus pour cette année.
Le sénateur De Bané: Monsieur le sous-ministre, la mise en oeuvre du système d'enregistrement des armes à feu, soit le projet de loi adopté l'an passé par le Parlement, est-elle laissée à la discrétion des provinces?
M. Thomson: Comme vous le savez, les provinces ont pris deux mesures: elles ont indiqué qu'elles ne participaient pas à la mise en oeuvre et elles ont également poursuivi le gouvernement en justice, contestant l'autorité constitutionnelle de la mise en oeuvre de la loi. Nous nous défendons en disant que, selon nous, l'autorité constitutionnelle existe bel et bien.
Si un tribunal juge qu'une telle autorité constitutionnelle n'existe pas, rien n'oblige à mettre la loi en oeuvre. Si un tribunal juge que la loi est constitutionnelle, on peut alors se demander s'il est possible d'exiger la mise en oeuvre de certains éléments de cette loi.
Toutefois, comme elles ne sont pas disposées à une telle mise en oeuvre, le ministre a indiqué que nous le ferions directement.
Le sénateur De Bané: En supposant que la loi est constitutionnelle, est-il légal pour certaines provinces de ne pas appliquer le Code criminel?
M. Thomson: Dans ma réponse, je parlais seulement du système d'enregistrement et de permis. En supposant que la loi est constitutionnelle -- et je dis sans hésiter que les dispositions du Code criminel sont valides -- il ne reste pas d'autre choix que d'appliquer cette partie de la loi.
Le sénateur Bolduc: En lisant vos perspectives sur les priorités et les dépenses reliées aux programmes et l'aperçu des activités et des réalisations récentes du ministère, je remarque que vous avez quelque 1 300 avocats au sein du ministère; est-ce exact?
M. Thomson: Oui, je crois qu'il y en a juste un peu moins.
Le sénateur Bolduc: Auriez-vous l'amabilité de nous donner plus de détails à ce sujet? Si j'ai bien compris, vous avez conclu 23 ententes avec divers ministères. Par ailleurs, vous offrez vos services à peut-être 12 autres organisations. Cela représente en tout 35 entités. Combien de ces avocats travaillent-ils dans votre ministère et combien travaillent ailleurs? Qui sont vos plus gros clients?
M. Thomson: Ils travaillent tous pour le ministère de la Justice. La moitié d'entre eux environ -- il faudrait que je vous en trouve le nombre exact, monsieur le sénateur -- travaillent dans les régions. Nous avons des bureaux régionaux dans tout le pays. Nous avons des bureaux régionaux à Halifax, Montréal, Toronto, Edmonton, Vancouver et deux bureaux régionaux dans le Nord. Il y a ensuite les sous-régions.
Revenu Canada fait partie de nos trois plus gros clients. Nous faisons énormément de travail pour ce ministère. Nous faisons tout le travail fiscal; nous nous occupons de toute la perception des impôts; nous nous occupons des poursuites en matière d'impôts.
Nous faisons beaucoup de travail pour le MAINC. Le volume de ce travail a augmenté ces dernières années, en raison notamment des litiges relatifs aux revendications territoriales.
Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration est un très gros client. Nous faisons tout le travail lié à l'immigration, tout le travail juridique afférent et lui fournissons des conseils juridiques.
Nous offrons ensuite des conseils juridiques à tous les autres ministères. Certains sont plus importants que d'autres. Le ministère de la Santé est assez important à cause de toutes les poursuites en matière de drogues dont nous sommes chargés pour l'ensemble du pays. Le gros de ce travail est effectué par les avocats dans les bureaux régionaux ou par des agents extérieurs dont nous retenons les services. Ce travail est financé par le ministère de la Santé, même si nous récupérons le plus gros de ce financement.
Nous faisons beaucoup de travail pour le solliciteur général.
Nous avons également des services de conseils juridiques au sein de chacun des ministères; en général leur importance correspond à celle du ministère. Certains sont toutefois peu importants, puisque dans certains ministères, il n'y a que deux ou trois avocats.
Plusieurs avocats se chargent du travail à accomplir dans le domaine du droit pénal. Nous avons des avocats qui donnent des conseils particuliers sur la Charte, sur les droits de la personne, et sur le droit administratif. Nous avons un petit groupe d'avocats qui travaillent sur les questions d'unité.
Tel est l'éventail du travail que nous devons accomplir en tant que ministère.
Le sénateur Bolduc: Travaillez-vous également pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ou dispose-t-il de ses propres avocats?
M. Thomson: Nous avons une unité au sein du ministère des Affaires étrangères -- nous la dirigeons en fait conjointement avec ce ministère -- qui traite des questions de commerce international. Nous avons également le secteur des Services juridiques au sein du ministère des Affaires étrangères, qui offre des services juridiques courants à ce ministère.
Le sénateur Bolduc: Je crois comprendre qu'une partie des services assurés aux ministères consiste à prodiguer des conseils juridiques aux ministres et aux sous-ministres.
M. Thomson: C'est exact.
Le sénateur Bolduc: Une partie du travail porte aussi sur des cas réels où il y a litige. Je soupçonne que ce travail est alors confié à contrat à des avocats en pratique privée.
M. Thomson: C'est exact.
Le sénateur Bolduc: Pouvez-vous nous donner une idée de la quantité de travail fait à l'interne et de ce qui est confié à des sous-traitants?
M. Thomson: Le travail de nos mandataires a représenté environ 40 millions de dollars, l'an dernier. Par mandataire, il faut comprendre les avocats qui travaillent tant à des poursuites criminelles qu'à des poursuites civiles. L'équivalent d'environ 40 millions de dollars de travail est confié à des agents de l'extérieur, dont la moitié environ à des poursuites en matière de drogues.
Le sénateur Bolduc: Je soupçonne que la moitié de votre budget d'un demi-milliard de dollars va à la rémunération des 1 300 avocats.
M. Thomson: Les subventions aux provinces absorbent bien plus de la moitié de notre budget. Si vous mettez ces subventions de côté, il reste 190 millions de dollars. Le ministère de la Justice n'a pas payé à lui seul les 42 millions de dollars qui ont servi, l'an dernier, à payer des mandataires. La plus grande de ce montant, payée par les clients, ne figure pas dans les 190 millions de dollars qui sont consacrés à la rémunération des avocats. La partie des 190 millions de dollars consacrée aux avocats représenterait plus de la moitié de notre budget si vous comptiez tous les avocats qui sont à l'emploi de la Justice. Actuellement, le ministère emploie entre 2 400 et 2 500 personnes environ.
Plus tôt, vous avez parlé de 1 200 à 1 300 avocats. Plus de la moitié de notre budget serait consacrée à payer les salaires des avocats. Je n'ai pas le chiffre exact, mais je pourrais vous l'obtenir.
Le président: D'autres ministères emploient-ils des avocats?
M. Thomson: Des avocats travaillent dans d'autres ministères, mais ils sont tous à l'emploi du ministère de la Justice.
Le sénateur MacDonald: Je suis content de revoir M. Thomson. Je crois que nous avons gardé un bon souvenir de lui. Il a certes été franc comme témoin, et son témoignage fut très utile au comité qui a siégé si longtemps, il y a quelques années. Votre présence aujourd'hui éveille bien des souvenirs.
Il y a quelque deux ans, un homme du secteur du droit a fait distribuer à certains une lettre circulaire qui décrivait des lignes directrices visant à mettre à jour celles du Bureau du Conseil privé concernant la façon de répondre aux questions des comités parlementaires et ainsi de suite. Ces lignes directrices n'ont jamais vu le jour. Vous souvenez-vous du nom de cet homme?
M. Thomson: Je me souviens d'être venu témoigner et d'avoir discuté de la question, et je me rappelle qu'il fut question du travail d'un certain Henry Milot.
Le sénateur MacDonald: C'est bien cela.
M. Thomson: M. Milot a préparé de la documentation que je vous fournirai volontiers.
J'ai fait circuler dans le ministère les notes de mon exposé en vue de préciser le rôle de l'avocat-conseil. J'ai bien précisé comment je concevais ce rôle devant un comité parlementaire. Nous avons aussi fait circuler, je crois, d'autres documents qu'il me faudra réunir. Cependant, il n'a jamais vraiment été décidé de donner suite à l'opinion de M. Milot. Nous estimions avoir bien délimité le rôle durant l'exposé que j'ai fait devant le comité, ce jour-là.
Le sénateur MacDonald: Peut-on se procurer le document, quel qu'en soit le stade d'achèvement? Il nous serait très utile. Comme vous le savez, les comités parlementaires embrouillent tout.
Le sénateur Cools: Nous ne sommes pas des clients.
Le sénateur MacDonald: On se fait toujours coincer entre le caractère confidentiel des documents du Cabinet et le secret professionnel entre l'avocat et son client. Il est difficile d'obtenir des renseignements.
M. Thomson: Je comprends la question. Les éclaircissements que j'ai donnés au comité vont probablement plus loin et sont encore plus explicites quant à notre rôle par rapport à des comités que ne l'était peut-être ce qu'a produit M. Milot, entre autres.
Le sénateur MacDonald: Faites-vous allusion au témoignage entendu par le comité d'examen de la réglementation?
M. Thomson: C'est exact: je ne faisais pas allusion à ce qui a précédé l'enquête, mais bien au témoignage réel entendu par le comité d'examen de la réglementation.
Le sénateur Cools: Il est agréable de rencontrer les témoins, surtout en si grand nombre. C'est très impressionnant de vous voir là, tous réunis. Nous aurions peut-être plus de succès si nous utilisions vos services ou étions vos clients.
La question posée par le sénateur MacDonald m'a rappelé quelque chose. J'ai lu le témoignage que vous avez fait devant le comité Pearson avec beaucoup d'intérêt. Vous avez décrit en détail le secret professionnel qui lie l'avocat à son client et le caractère confidentiel de leurs communications. À la lecture de votre témoignage, monsieur le sous-ministre, j'ai constaté qu'il n'y avait pas vraiment lieu d'invoquer le secret professionnel. Le caractère confidentiel des communications était peut-être en jeu, mais, durant votre témoignage devant ce comité, vous sembliez confondre les deux notions. Je me souviens que, lorsque j'ai lu votre témoignage, je me suis dit: «J'aurais aimé faire partie de ce comité». Le secret professionnel n'entre en jeu que lorsqu'un sénateur menace de poursuivre des particuliers. Le secret professionnel existant entre l'avocat et son client n'était pas en jeu.
Puisque vous êtes ici -- et puisque vous venez tout juste de faire allusion à ce témoignage --, vous pouvez peut-être nous rappeler la différence entre le «caractère confidentiel» et le «secret professionnel».
M. Thomson: Durant mon témoignage devant le comité d'examen, il a été question des deux. Nous avons parlé d'informations qui pouvaient être protégées -- par exemple, des documents confidentiels du Cabinet. Nous avons aussi parlé du secret professionnel entre l'avocat et son client et du fait qu'il existe, bien qu'il protège le client plutôt que l'avocat. Nous avons aussi parlé des pouvoirs des comités et débattu du pouvoir qu'ont les commissions d'enquête d'obtenir de l'information.
Je crois avoir précisé, par la suite, dans une lettre adressée au comité -- au sénateur MacDonald peut-être -- sur quel pouvoir légal se fonder, d'après moi, pour obtenir les renseignements et sur la portée de ce pouvoir. Il faut que je me rafraîchisse la mémoire, car cette affaire date de quelque temps déjà, mais je me rappelle qu'on avait fait une nette distinction dans le cas des documents confidentiels du Cabinet. Dans le cadre de cette enquête, on a demandé que soient produits des documents confidentiels du Cabinet.
Il avait aussi été question de documents privilégiés. J'avais émis l'opinion qu'en fin de compte, le comité avait l'autorité voulue pour passer outre au secret professionnel et pour exiger que l'information lui soit fournie. Cependant, j'avais aussi précisé certaines circonstances dans lesquelles il valait mieux ne pas le faire ou des étapes à franchir avant de prendre pareille décision. J'avais souligné qu'il appartiendrait au Parlement d'exiger que ces renseignements soient fournis lorsqu'ils ne l'avaient pas été.
Voilà ce que j'ai dit à ce moment-là.
Le sénateur Cools: Je connais très bien le dossier. Je l'ai étudié à fond. On n'aurait pas dû invoquer le secret professionnel parce que le comité du Sénat n'envisageait pas d'entamer des poursuites. Le secret professionnel protège contre une poursuite civile. Un comité cherchait à obtenir de l'information. Les témoins fournissaient les renseignements à ceux qui leur en faisaient la demande. Ils ne courraient aucun risque en les fournissant au Sénat. Nul sénateur ne les aurait poursuivis. Nous pourrions peut-être en débattre dans une autre arène.
Le sénateur MacDonald: Ai-je bien compris: la partie de votre budget consacrée aux agents de l'extérieur ou à des sociétés d'avocats privées était d'approximativement 42 millions de dollars?
M. Thomson: Oui, elle a été tout juste inférieure à 40 millions de dollars, l'an dernier. Nous sommes en train de prendre des mesures qui permettront de réduire ce coût. En 1992-1993, il a atteint un sommet de 47 millions de dollars. En 1995-1996, il n'a été que de 38,8 millions de dollars.
Le sénateur MacDonald: Puisque tous ces bons souvenirs vous reviennent, j'aimerais vous poser une question au sujet des paiements ex gratia.
Le montant de 1,561 million de dollars versé à M. Gouge, en fiducie, comme indemnité pour l'annulation des accords relatifs à l'aéroport international Pearson a-t-il servi à régler une partie des réclamations faites par les partenaires du consortium?
Le sénateur Tkachuk: Vous voulez parler de Paxport?
Le sénateur MacDonald: Certaines de ces réclamations ont été réglées.
M. Thomson: Nous avons réglé certaines des réclamations, et des indemnités ont été versées. Elles équivaudraient à ce montant ou à un peu plus. J'ignore si nous avons versé cette indemnité-là. Pourriez-vous me donner la page?
Le sénateur MacDonald: Je ne l'ai pas. J'ai arraché la page du document.
M. Thomson: Il faudra peut-être que j'aille aux renseignements pour vous, sénateur. Il s'agit soit de cette indemnité ou du paiement d'autres frais. Toutefois, le montant porte à croire qu'il s'agit du règlement d'une des réclamations.
Le sénateur MacDonald: Vous le trouverez au numéro 1022, sous «Paiements de réclamations contre l'État -- Paiements ex gratia».
M. Thomson: Je suis convaincu qu'il s'agira du règlement d'une réclamation. Nous en avons réglé trois ou quatre, il y a un an.
Le sénateur MacDonald: Était-ce durant l'enquête sur les accords relatifs à l'aéroport Pearson? M. Gouge agissait comme avocat de M. Robert Nixon, et l'argent lui a été versé en fiducie pour régler certains de ces litiges. Je veux savoir quel litige au juste.
M. Thomson: J'ignore la date exacte, mais je pourrai vous l'obtenir rapidement et facilement. Je puis aussi vous obtenir les détails de ce paiement et pour quelle raison il a été fait. Cela devrait pouvoir se faire assez rapidement, je crois.
Le sénateur MacDonald: Je vous remercie.
Le président: Que signifie l'expression «verser en fiducie»? Quand on paye en fiducie, cela signifie-t-il que la personne qui reçoit le paiement le verse à une autre?
M. Thomson: Habituellement, elle reçoit le paiement pour le compte d'une autre, par exemple, d'un tiers ou d'un client. L'argent est ensuite transféré. D'après moi, le montant aurait été destiné à un tiers auquel l'argent aurait été transféré par l'étude d'avocats qui l'a reçu.
Le président: Cela ne pourrait servir, par exemple, à payer des frais facturés par l'étude pour du travail confié à une autre étude d'avocats ou à un cabinet d'experts-comptables? Est-ce possible de se servir d'argent reçu en fiducie pour payer des frais?
M. Thomson: Il est possible qu'un avocat reçoive de l'argent en fiducie pour payer des frais qui ont été facturés à des tiers. J'ignore si c'est le cas, ici. Cependant, d'après le montant, l'argent a probablement été reçu pour payer un règlement, mais il faudrait que je vérifie.
Le président: Moi aussi, j'ai fait partie du comité qui a examiné les accords relatifs à l'aéroport Pearson, et j'ai d'autres questions à ce sujet. Vous vous doutiez sûrement que des questions vous seraient posées à ce sujet.
La semaine dernière, le comité des transports a éprouvé des difficultés à obtenir des réponses de votre ministère. Il l'avait en fait avisé une semaine à l'avance qu'il poserait des questions sur un sujet particulier. En toute franchise, on n'a pas répondu à ces questions; du moins, il semble que l'on a eu des difficultés à le faire.
Ne vous doutiez-vous pas que des questions au sujet de l'aéroport Pearson seraient posées? Je m'étonne qu'il n'y ait pas de réponse à cette question.
Le sénateur De Bané: Un instant, monsieur le président. Je proteste. Le sénateur MacDonald a posé une question. Le sous-ministre lui a répondu: «Je vous obtiendrai ces renseignements rapidement.» Voilà qui règle la question.
Le président: J'ai seulement posé une question.
Le sénateur De Bané: Il ne peut pas vous répondre plus franchement. Sa réponse a contenté le sénateur MacDonald. De quoi vous plaignez-vous?
Le président: Pouvez-vous, je vous prie, répondre à ma question?
M. Thomson: Oui, j'avais prévu que j'aurais peut-être à répondre à des questions au sujet de l'aéroport Pearson. Cependant, je n'avais pas prévu qu'on me poserait des questions au sujet de ce montant en particulier, au sujet de paiements relatifs à des règlements intervenus il y a un an. Je n'ai pas ces renseignements.
Le sénateur Cools: Avez-vous lu le deuxième rapport du comité daté du mardi 26 mars 1996 ou avez-vous été informé à son sujet? Avez-vous lu ce rapport?
M. Thomson: Quel en était l'objet?
Le sénateur Cools: Il s'agit du rapport du 26 mars de notre comité au sujet du Budget des dépenses principal. Il porte sur le témoignage de deux de vos fonctionnaires. En aviez-vous été informé?
Je vois qu'au moins un de ces fonctionnaires est présent aujourd'hui. Aviez-vous été informé de ce rapport?
M. Thomson: Pour le savoir, il faudrait que je le voie.
Le sénateur Cools: Je vous en remettrai un exemplaire. J'y ai surligné les passages pertinents. J'aurais cru que vos fonctionnaires vous en auraient informé.
M. Thomson: J'ai en fait lu la transcription du témoignage qui a entraîné le dépôt de ce rapport.
Le sénateur Cools: De nombreux membres du comité estimaient, à ce moment-là, qu'ils n'avaient pas été bien renseignés sur certaines questions. Ainsi, au dernier paragraphe du rapport du comité sénatorial, on peut lire:
Les fonctionnaires du ministère de la Justice se sont engagés à fournir au comité, à une date ultérieure, des réponses à certaines des questions posées, et le comité a indiqué qu'il pourrait vouloir soulever à nouveau ces questions lorsqu'il examinera le Budget des dépenses principal de 1996-1997.
Comme le comité n'a pas reçu toutes les réponses voulues, la dernière fois, vous pouvez peut-être nous éclairer.
Voici le rapport. J'ai pris soin d'y surligner les deux passages pertinents.
Le président: Reste-t-il une question à laquelle nous n'avons pas eu la réponse?
Le sénateur Cools: Oui. À ce moment-là, les deux hauts fonctionnaires nous avaient dit qu'ils nous enverraient des réponses plus tard, réponses qui ne nous sont jamais parvenues. Simultanément, si je puis rafraîchir la mémoire des sénateurs, il a semblé que les fonctionnaires qui étaient venus témoigner n'étaient pas les bons. Il nous tardait d'en accueillir d'autres qui pourraient nous répondre au sujet des paiements d'aide juridique, de l'affaire Airbus et répondre à plusieurs autres questions posées par des sénateurs aux hauts fonctionnaires de la Justice. Dans la mesure où le comité n'a jamais reçu les renseignements demandés à ces sujets, j'ai cru bon de commencer par demander certains éclaircissements.
M. Thomson: Je viens tout juste d'être informé par M. Mehat, qui était un des deux témoins ce jour-là, que M. John Sims du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a accepté de fournir de la documentation, y compris l'accord existant en matière d'aide juridique. Nous sommes en train de le renégocier avec les provinces.
M. Mehat et moi-même, nous ignorons si M. Sims vous a fait parvenir cet accord. Je suis tout à fait disposé à vous en remettre un exemplaire. J'ignore si l'on vous en a déjà fait parvenir un.
En règle générale, les questions posées avaient pour objet de savoir s'il y avait eu fraude de la part de certains avocats dans le cadre de l'aide juridique en Ontario. Nous estimions qu'il appartenait à la province de vérifier qu'il n'y avait pas eu fraude et d'appliquer l'accord. Nous versons de l'argent dans le cadre d'un accord de partage des coûts, à des fins bien précises. Si les fonds étaient utilisés à d'autres fins, nous pourrions refuser de verser le montant ou le reprendre.
Rien ne semble indiquer que l'argent que nous avons contribué aux provinces n'aurait pas dû leur être payé à ce moment-là, ni maintenant. Nous n'avons pas de preuve établissant qu'il y a eu fraude qui influerait sur l'accord. Je suis incapable de vous dire si, au niveau provincial, il existe des preuves de fraude auxquelles donnent suite les instances provinciales. Je n'ai pas cette réponse. C'est un dossier à suivre.
Qu'il s'agisse de l'administration de l'aide juridique, de l'application du droit pénal et de l'administration de la justice, ces questions relèvent des provinces. Le rapport n'énumère pas les demandes d'information faites par le comité.
Le sénateur Cools: Elles figurent dans le compte rendu des délibérations du comité.
Je précise aux honorables sénateurs que ces questions faisaient suite à un rapport de la Société du barreau dans lequel on laissait entendre, en termes très forts, qu'il y avait fraude chez les avocats spécialistes de l'immigration et à l'aide juridique. À ce moment-là, je cherchais à savoir si des contributions fédérales étaient en jeu.
Monsieur Thomson, comme vos réponses sont quelque peu sommaires, je vous demanderais d'étudier ce rapport de la Société du barreau et le rapport de notre comité, puis de revenir en vue de répondre à ces questions de façon plus détaillée. Ce serait peut-être le meilleur moyen de procéder.
M. Thomson: Je serai heureux de vous fournir tous les renseignements qu'on avait promis de vous fournir et qui ne l'ont pas été.
Le sénateur Cools: Vous trouverez le détail dans les fascicules du comité.
Ma question suivante porte sur l'aide de l'extérieur, sur les diverses personnes que vous engagez pour vous aider à mener vos poursuites. J'ai ici un communiqué de presse émis par votre ministère en date du 12 août 1996 concernant l'affaire Airbus. Le ministère y annonce son intention d'engager des spécialistes du droit qui, de toute évidence, travailleront à cette poursuite.
Le premier nom qui nous vient à l'esprit est celui de Michael Code. Auriez-vous l'obligeance de dire au comité comment vous avez fait la connaissance de Michael Code, qui l'a engagé, le travail qu'il devait effectuer dans l'affaire Airbus et combien lui a été versé ou lui est versé à cette fin?
M. Thomson: M. Code a été engagé par le ministère en vue de rédiger un rapport d'expert pour faire suite aux rapports d'expert déposés par la partie plaignante dans cette affaire. M. Code est un avocat de la défense d'Ontario. C'est en cette qualité que je le connais. Il a aussi travaillé, pendant un certain temps, au ministère du procureur général de l'Ontario où nous étions tous deux sous-ministres adjoints. Il est depuis lors retourné à la pratique privée en tant qu'avocat de la défense. Il est un expert reconnu du droit pénal et il enseigne dans les domaines sur lesquels portait son rapport d'expert.
Le ministère a retenu ses services en vue de faire rédiger un rapport d'expert sur des questions comme le pouvoir et l'indépendance de la poursuite et le rôle qui revient à la police, à l'État, aux procureurs généraux et aux autres fonctionnaires dans la gestion de questions liées à une enquête policière.
Il a rédigé un rapport qui a été déposé au début d'août. Il a présenté une facture. Le montant que j'ai ici représente toutes les dépenses affectées aux témoins experts. J'ignore donc le montant exact versé à M. Code.
Le sénateur Cools: Agit-il comme témoin expert ou spécialiste du droit?
M. Thomson: Nous avons retenu ses services en tant que témoin expert. Il a été engagé en tant qu'avocat pour rédiger un rapport d'expert à présenter dans l'affaire en instance. Il n'agit pas comme avocat-conseil dans l'affaire.
Le sénateur Cools: Je m'intéresse aux honoraires qui lui ont été versés.
M. Thomson: Je sais que le montant total consacré à des témoins experts s'élève jusqu'ici à 66 000 $, mais j'ignore quelle partie de ce montant a été versée à M. Code. J'ai peut-être ce renseignement ici, quelque part. Nous vérifierons pendant que nous parlons, sénateur.
Le sénateur Cools: Combien d'argent le ministère a-t-il engagé dans l'affaire Airbus et, plus particulièrement, combien d'argent a été versé à M. Code ou à M. Sheppard?
M. Thomson: Je puis vous dire que, jusqu'ici, on a dépensé 720 000 $. Le montant versé jusqu'ici à des mandataires est de 532 000 $. C'est un coût partagé.
Le sénateur Cools: S'ajoute-t-il aux 720 000 $?
M. Thomson: Non. Je vous donne une ventilation des 720 000 $: 532 000 $ sont des paiements effectués à des mandataires, dont M. Sheppard, et 66 000 $, à des témoins experts.
Le sénateur Cools: Est-ce inclus dans les 720 000 $?
M. Thomson: Oui, ce montant l'est. Par ailleurs, 124 000 $ ont été consacrés à d'autres frais de fonctionnement, ce qui donne en tout 720 000 $ affectés à ce dossier, jusqu'ici.
Le sénateur Cools: Des 500 000 $ versés à des mandataires, combien ont été versés à M. Code ou à M. Sheppard?
M. Thomson: L'étude dont il fait partie -- et je crois que d'autres avocats que M. Sheppard travaillent à cette affaire -- avait reçu, à la fin de décembre, 318 963 $.
Le sénateur De Bané: Puis-je poser une question supplémentaire?
[Français]
Monsieur le sous-ministre, dans votre document que vous nous avez distribué intitulé «Aperçu des activités et réalisations récentes», de même que dans votre exposé inaugural cet après-midi, vous avez parlé d'un programme que vous avez mis en marche et qui prend de plus en plus d'ampleur, le règlement des conflits. Comme vous le dites, l'initiative de règlements des conflits du ministère a pour but d'empêcher les conflits et de traiter ceux qui prennent naissance aussi tôt et aussi efficacement que possible afin d'éviter que les tribunaux deviennent la seule voie de recours.
Les journaux nous ont appris, il y a quelque temps, que les avocats de la défense et les avocats de M. Mulroney ont essayé de voir s'ils peuvent régler l'affaire hors cour.
Si vous me permettez de vous donner mon point de vue; je pense qu'il serait bon monsieur le sous-ministre, pour le bien du pays, que vous mettiez le plus d'efforts possibles pour régler ce dossier hors cour, une question de réclamation civile.
Je vous parle comme citoyen. Ce dossier, bien sûr, a non seulement causé des souffrances énormes à la famille de M. Mulroney, mais lui a coûté des montants aussi énormes, je présume, que le montant que le gouvernement a dépensé. Mais si jamais cette réclamation devait être maintenue, la réputation de l'Etat, des institutions de l'Etat, du ministère de la Justice, la confiance des citoyens, tout cela, sans compter le drame personnel de M. Mulroney, c'est énorme. Je n'ose même pas y penser.
[Traduction]
On ne peut surestimer les conséquences que cela pourrait avoir sur le pays. Je ne connais pas le détail de l'affaire, mais je vous demande de consacrer toutes vos énergies au processus de règlement des litiges dont vous avez parlé et de régler cette affaire à l'amiable.
Il faut que je vous fasse part d'une chose qui m'a scandalisé. Je lisais la défense invoquée par la Couronne. Dans un des paragraphes, elle prétend que le libellé d'un certain paragraphe a peut-être nui à sa réputation, mais que les conséquences auraient été pratiquement les mêmes s'il avait été bien libellé. Quand j'ai lu cela, je me suis interrogé sur ce genre d'argument.
Monsieur le sous-ministre, vous avez expliqué avec moult détails tous les avantages de résoudre des litiges à l'amiable. Je vous demande, dans l'intérêt commun, d'y mettre toutes vos énergies. Je sais que vous avez essayé de le faire. Les journaux en ont parlé. L'initiative a échoué, peut-être en raison d'une fuite qui n'aurait jamais dû se produire. Cependant, je vous en implore personnellement.
M. Thomson: Je vous remercie, sénateur.
Le sénateur Cools: Le sénateur De Bané a parlé d'une question très délicate. Je suis contente qu'il ait fait une déclaration officielle. M. Mulroney n'a pas eu d'adversaire plus acharné que moi, mais toute cette affaire est tout simplement horrible. Je ne comprends pas comment, fort de 1 200 avocats à son emploi, le ministère de la Justice est incapable de régler cette question de manière judicieuse.
Cela étant dit, je suis tout à fait disposée à reporter cette question à plus tard. À la fin, s'il reste du temps, j'y reviendrai.
[Français]
Le sénateur Rizzuto:Monsieur le président, j'aimerais savoir quelle est la position du ministère actuellement? Est-ce que l'on voudrait s'orienter vers un règlement hors cour ou est-ce que la position du ministère est de poursuivre via les tribunaux? Il est important que nous le sachions.
[Traduction]
M. Thomson: Il m'est interdit de faire une déclaration au sujet d'une affaire en cours ou de la position adoptée par l'accusé, en l'occurrence notre ministère. De tels propos seraient déplacés. Je ne puis vraiment donc pas émettre d'opinion, sauf pour dire que j'ai bien entendu ce que me demande de faire le sénateur De Bané.
Je répète que notre objectif global est de résoudre les litiges dont sont saisis les tribunaux le plus vite et le plus efficacement possible -- idéalement, de les résoudre à l'amiable. Voilà notre position pour toutes les matières civiles.
Votre suggestion voulant que cette approche particulière soit adoptée dans cette affaire n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Je ne puis en dire davantage à ce moment-ci.
Le sénateur Cools: Pourquoi ne pouvez-vous pas en dire davantage? Comme il est question ici de dépenses publiques et des décisions prises par le gouvernement en matière de dépenses, pourquoi ne pouvez-vous pas aller plus loin? Pourquoi ne pouvez-vous pas partager avec nous certains décisions relatives à la politique ou aux dépenses qui jouent dans ces questions? Pourquoi ne pouvez-vous pas nous en parler?
M. Thomson: Je puis vous fournir des renseignements sur les dépenses engagées, ce que j'ai déjà fait. Par contre, il serait très incorrect de ma part, en tant que sous-procureur général, de parler publiquement du déroulement d'un procès, qu'il soit civil ou criminel. Voila pourquoi j'estime préférable de me taire. Par contre, je suis conscient de ma responsabilité de vous fournir toutes les données financières possibles relatives à cette affaire et je tente de l'assumer.
Le sénateur Cools: Il faut que le comité examine les répercussions financières, les conséquences des décisions publiques et l'idée que se fait la population de l'administration de la justice en ce pays. Les gens disent si souvent qu'ils ne peuvent parler, que ce serait déplacé, comme si, d'une certaine façon, nous étions d'accord avec eux. Rien ne me ferait plus plaisir que d'insister auprès du président tout de suite pour que nous siégions à huis clos. Vous pourriez alors nous en dire un peu plus au sujet de la raison pour laquelle s'éternise cette horrible affaire.
Le président: Sénateur Cools...
Le sénateur Cools: Je vais céder la parole aux autres sénateurs.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: J'aimerais particulièrement soulever la question des jeunes contrevenants. Est-ce que les coûts vont en augmentant pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants? On dit que la délinquance augmente. De quelle facon les coûts ont-ils progressé au cours des deux ou trois dernières années?
[Traduction]
M. Thomson: Au cours des premières années qui ont suivi l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, le montant affecté aux frais partagés a considérablement augmenté. Ce montant a été plafonné il y a quelques années et celui qui est versé selon les termes de l'accord n'a pas augmenté depuis. En fait, à la suite de l'examen des programmes, le montant fédéral a été diminué de 3 p. 100 sur une période de trois ans. Nous sommes en train de négocier avec les provinces l'affectation de ces fonds. Nous essayons de sauvegarder des fonds pour les auteurs d'infractions graves, tout en encourageant des approches novatrices dans le cas des auteurs d'infractions mineures et des délinquants primaires; nous tentons aussi d'utiliser les fonds affectés aux coûts partagés pour suivre cette orientation politique avec l'appui des provinces.
Nous examinons également la question du versement à effectuer à chaque province. De leur côté, les provinces et les territoires se penchent avec nous sur la question dont les fonds peuvent être répartis ou réorganisés, pour utiliser une expression à la mode. Ces discussions se déroulent en ce moment.
Le montant versé par le gouvernement fédéral diminuera de 3 p. 100 sur la période de trois ans de l'examen des programmes.
Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que le nombre de jeunes contrevenants a augmenté?
[Français]
Vous dites que s'ils ont augmenté de 3 p. 100, il y aura un problème.
[Traduction]
Cela a toujours été la pomme de discorde entre le gouvernement fédéral et les provinces. Vous semblez maintenant exacerber le problème, si le nombre de contrevenants augmente, alors que vous diminuez les subventions.
Mme Thea Herman, chef de secteur, Secteur des politiques, ministère de la Justice: C'est en fait le nombre des jeunes contrevenants qui augmente. Cela varie d'une province à l'autre.
Dans la province du Québec, par exemple, le nombre de jeunes gens accusés n'est pas aussi élevé que dans d'autres provinces. Cette province utilise d'autres méthodes. Elle leur donne davantage de conseils de prudence de manière à les écarter du système de justice pénale.
Avec le gouvernement fédéral, les provinces recherchent des moyens de prévention du crime afin de régler le problème de la criminalité. Par ailleurs, elles cherchent des solutions autres que l'incarcération et le recours au système de justice pénale dans le cas des infractions qui ne sont pas graves, c'est-à-dire, des infractions à faible risque.
Le sénateur Lavoie-Roux: C'est ce qui se fait depuis plusieurs années. L'approche diffère selon le crime commis. Je ne sais pas comment vous allez pouvoir effectuer de changements. Bien sûr, je parle surtout à propos du Québec, puisque c'est la province que je connais.
Mme Herman: Outre ce que nous faisons avec les provinces, un groupe de travail parlementaire examine en ce moment la question des jeunes contrevenants. Un groupe de travail fédéral-provincial-territorial examine également la façon de traiter les jeunes contrevenants. Il est à espérer que le travail du comité parlementaire et celui du groupe de travail fédéral-provincial-territorial nous aideront à régler certains de ces problèmes.
M. Thomson: Comme les fonds disponibles tant au plan provincial que fédéral diminuent, nous avons examiné des solutions plus novatrices pour les auteurs d'infractions mineures qui sont, à l'heure actuelle, mis en prison. Au Canada, près de 80 p. 100 des jeunes gens mis en prison n'ont jamais commis de crimes violents. Nous croyons qu'il existe des solutions novatrices que l'on pourrait adopter dans leur cas, solutions qui seraient moins coûteuses et plus efficaces. Cela libérerait les ressources, permettant ainsi de résorber ces compressions et de s'occuper comme il le faut des auteurs d'infractions graves.
Je viens juste de décrire la réduction prévue pour la première phase de l'examen des programmes. Une autre réduction éventuelle de 3,5 p. 100 est prévue pour la deuxième phase de l'examen des programmes, laquelle débute dans deux ans. Cela fait également l'objet de discussions avec les provinces en matière de partage des coûts.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je sais que des restrictions budgétaires sont imposées dans chaque province; toutefois, il faut faire attention en ce qui concerne les jeunes contrevenants. La violence et les problèmes augmentent.
M. Thomson: Je suis d'accord.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais poser quelques questions à propos des juges. Les juges de la Cour supérieure du Québec sont nommés par le gouvernement fédéral.
M. Thomson: C'est exact.
Le sénateur Bolduc: Leur traitement est-il versé par le gouvernement fédéral ou par le gouvernement provincial?
M. Thomson: Leur traitement est payé par le gouvernement fédéral. Les autres coûts associés à leur travail sont payés par le gouvernement provincial.
Le sénateur Bolduc: Savez-vous combien il y en a dans la province de Québec?
M. Thomson: Je crois qu'il y en a entre 900 et 1 000 dans tout le pays. Je ne sais pas combien il y en a au Québec. Il y en a peut-être un peu moins que 200.
Le sénateur Bolduc: Vous n'êtes pas sans avoir que lorsque les juges atteignent l'âge de 65 ans, ils deviennent juges surnuméraires. Savez-vous combien il y a de juges surnuméraires à l'heure actuelle?
M. Thomson: Ce nombre varie énormément d'une province à l'autre et d'une époque à l'autre. Je peux obtenir pour vous le chiffre exact pour le Québec. Je ne l'ai pas ici.
Peut-être que M. Sandell, de notre unité des affaires judiciaires, serait en mesure de répondre à votre question, monsieur le sénateur.
M. Harold Sandell, conseiller juridique, ministère de la Justice: Je n'ai pas les chiffres ici, monsieur le président. Au Québec, je crois qu'il y a environ 40 juges surnuméraires pour la Cour supérieure et la Cour d'appel.
Le sénateur Bolduc: Cela veut dire que 20 p. 100 d'entre eux travaillent à mi-temps et reçoivent leur plein traitement. Est-ce le cas?
M. Sandell: En fait, c'est peut-être un peu plus.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais rattacher cette question au programme des voyages internationaux et au cas de certains de nos juges qui prévoient voyager à l'étranger. Je ne vais pas faire un grand discours à ce sujet; toutefois, c'est à mon avis scandaleux. S'ils ne veulent pas travailler, ils devraient simplement démissionner; or, ce n'est pas ce qu'ils font. Ils continuent à recevoir leur traitement et à travailler à mi-temps. Il ne faut pas oublier que ces gens gagnent 150 000 $ par an. Ils reçoivent également des pensions de retraite de 100 000 $.
Si vous demandez au Sénat l'autorisation d'envoyer des gens dans le monde entier afin qu'ils travaillent pour diverses organisations internationales, alors que ce genre de situation perdure au Québec, je ne voterai pas pour. À mon avis, il s'agit de mauvaise gestion.
M. Thomson: La question a été examinée par plusieurs commissions triennales ces quelques dernières années. Les juges qui atteignent l'âge de 65 ans et qui peuvent prendre leur retraite peuvent en général le faire en bénéficiant de leur pension complète.
S'ils partent, ils reçoivent leur pension complète. S'ils restent à titre de juges surnuméraires, ils doivent siéger au tribunal un certain nombre de jours. Je crois que c'est la moitié du temps. Cela leur permet de compléter leur pension de retraite et d'arriver à leur plein traitement. On peut avancer, je crois, que le nombre de jours où ils siègent au tribunal pour recevoir ce complément correspond en fait à une solution économique, puisque le nombre de jours où ils siègent au tribunal vaut plus que la différence entre la pension et le plein traitement.
Le sénateur Bolduc: Cette prémisse est toutefois fausse. N'oubliez pas que la pension des juges est extrêmement généreuse et représente une exception dans notre société. On peut entrer dans la magistrature à 55 ans et, 10 ans plus tard seulement, soit à 65 ans, recevoir une pension complète. Auparavant, les juges n'avaient pas à cotiser; maintenant ils doivent verser des cotisations minimes. Même s'ils ont droit à 100 000 $ par an, ils ne font rien.
Il s'agit pour moi d'un irritant. Votre argumentation n'est pas fondée. Si je vous le dis, c'est parce que vous êtes le sous-ministre et je pense que vous devriez examiner la situation de près. Les gouvernements resserrent les budgets partout. Vous devez le faire aussi sans épargner qui que ce soit.
Le sénateur De Bané: Monsieur le sous-ministre, dans une vie antérieure, le sénateur Bolduc était président de la Commission de la fonction publique du Québec et secrétaire général du gouvernement du Québec.
Le sénateur Lavoie-Roux: Il est également avocat.
Le sénateur Bolduc: Effectivement. Je ne le dis pas haut et fort, mais c'est vrai.
M. Thomson: Je dirai simplement, monsieur le sénateur, qu'il faut servir 15 ans plutôt que 10 pour avoir droit à la pension complète. On peut penser ce que l'on veut au sujet du montant de la pension, mais lorsqu'un juge passe au statut de juge surnuméraire, on peut avancer, je crois, que le complément en question représente pour nous une solution économique. On peut ne pas être d'accord au sujet de la pension des juges avant le complément et c'est je crois le point que vous soulevez.
M. Sandell: Le programme des juges surnuméraires permet essentiellement de bénéficier des services d'un juge à mi-temps pour un tiers du traitement.
Le sénateur Bolduc: Pour en revenir au régime de pension, j'ai été sous-ministre pendant 20 ans. J'ai travaillé 33 ans pour le gouvernement provincial. La pension que je reçois équivaut à peu près aux trois quarts de ce que les juges reçoivent et ils obtiennent cette pension au bout de 15 ans.
Le sénateur Tkachuk: Bénéficiez-vous d'un cumul de pension et de traitement?
Le sénateur Bolduc: Oui. Ils savaient que j'allais prendre ma retraite à mon arrivée ici.
M. Sandell: La sécurité financière des juges est une exigence constitutionnelle, ce qui n'est pas le cas pour les fonctionnaires. D'après la Cour suprême du Canada, la pension prévue dans le régime de rémunération fait partie de la sécurité financière globale.
Le président: J'ai une question à poser au nom du sénateur Stratton qui a dû assister à une autre séance.
On nous a dit que la fonction publique va connaître, si ce n'est déjà chose faite, des compressions d'effectifs de l'ordre de 55 000 personnes. Combien d'avocats de moins aurons-nous au ministère de la Justice?
M. Thomson: Pour répondre à cette question, je dois vous dire que cela dépend des résultats de notre processus de planification. Je peux vous donner quelques exemples.
À l'heure actuelle, nous accordons des marchés à contrat pour les poursuites en matière de drogues. D'après certaines études que nous avons effectuées, il semble que l'on pourrait réaliser d'importantes économies si l'on embauchait des avocats de la Justice pour ces poursuites, au lieu de payer des mandataires. Nous avons donc récupéré ce travail et embauché des avocats de la Justice pour le faire, au lieu de le confier à des mandataires de l'État.
Par ailleurs, il arrive que certains de nos clients nous disent: «Nous avons besoin d'un travail particulier pour un certain temps.» Le ministère des Transports est un exemple. En effet, la cession des aéroports nécessite énormément de travail juridique. Une fois cela terminé, le ministère aura moins besoin de travail de cette nature. La demande varie donc d'une période à l'autre.
Dans le domaine de la justice pénale, nous avons mis l'accent sur les poursuites en matière de drogues, notamment lorsqu'il s'agit d'affaires importantes qui touchent aux produits de la criminalité et à des infractions graves. Davantage d'avocats travaillent dans le cadre de la stratégie antidrogue.
Dans certains domaines, la demande s'intensifie, selon les ententes que nous avons conclues avec les clients; dans d'autres domaines, la demande diminue et enfin, dans certains domaines, nous remplaçons les avocats extérieurs par des avocats internes. Je ne peux pas vous affirmer que le nombre de nos avocats va dramatiquement chuter. Ce que je sais par contre, c'est que dans les années à venir, leur nombre va baisser. Jusqu'à présent, le nombre global de nos avocats n'a pas diminué en raison des ententes que je viens juste de citer.
Le sénateur MacDonald: Vous avez utilisé l'expression «embaucher des avocats de la Justice». Ce n'est pas ce que vous voulez dire, n'est-ce pas? Vous voulez parler de vos avocats à l'interne?
M. Thomson: Oui. Il s'agit en fait d'ajouter un avocat à notre personnel pour faire le travail, qu'il soit temporaire ou permanent.
Le sénateur MacDonald: S'il s'agissait d'un avocat permanent, vous ne l'embaucheriez pas. Il reçoit le même traitement. C'est un avocat à l'interne, n'est-ce pas?
M. Thomson: C'est exact. Lorsque je parle d'avocats de la Justice, je parle d'avocats qui ont été embauchés par le ministère de la Justice pour travailler dans ce ministère, que ce soit à titre temporaire ou permanent.
Le sénateur Cools: Ils font avant tout partie du personnel.
M. Thomson: C'est exact.
Le président: Lorsque vous avez comparu devant la Commission d'enquête Pearson, nous avons parlé du montant d'argent versé aux juricomptables, Lindquist, Avey. Je crois qu'ils travaillaient pour la société d'avocats Scott & Aylen. Connaissez-vous le montant total qui leur a été versé? Combien leur a-t-on payé depuis le début de l'enquête Pearson?
M. Thomson: Le montant versé à Scott & Aylen, les avocats, s'élève à près de 240 000$.
Le sénateur Cools: Ce travail aurait pu être fait pour moins cher.
Le président: Quel montant a été versé à Lindquist, Avey?
M. Thomson: Au total, les contrats de services professionnels -- il s'agit en majorité de contrats accordés à Lindquist, Avey -- ont coûté 1,6 million de dollars.
Le président: C'est en plus des 240 000 $.
M. Thomson: C'est exact.
Le président: Quels autres genres de consultants y avait-il à part Lindquist, Avey?
M. Thomson: Nous avons engagé des gens pour la collation des documents et pour la traduction, etc. mais cela ne représente qu'un très faible pourcentage de cette somme de 1,6 million de dollars.
Le président: La société de M. Crosbie figure-t-elle sur cette liste? Aurait-elle été payée pour participer à l'enquête?
M. Thomson: M. Crosbie, l'ancien ministre?
Le président: Non, le conseiller financier pour l'entente de l'aéroport Pearson. Ferait-il également partie de cette liste?
M. Thomson: Etait-il un employé de Lindquist, Avey?
Le sénateur MacDonald: M. Crosbie était le conseiller financier de M. Robert Nixon. Il est membre d'une société de placement.
M. Thomson: Je ne pense pas que cela ferait partie de cette somme. La plupart de ces fonds, je crois, sont des fonds versés à Lindquist, Avey.
Le président: Le ministère de la Justice n'a pas payé ces gens-là, mais quelqu'un d'autre a pu les payer.
M. Thomson: La majeure partie de cet argent dont je viens de vous parler n'a pas été versé par le ministère de la Justice, mais par le ministère des Transports.
Le président: A-t-on embauché d'autres sociétés d'avocats, à part Scott & Aylen, par suite de la décision d'annulation ou à cause de l'enquête?
M. Thomson: Je viens juste de vous donner les chiffres relatifs au coût de l'enquête et au travail relatif à l'enquête. Nos avocats à l'interne s'occupent du litige en cours, ce qui est un travail à part. Il faut également compter les dépenses que représentent les experts-conseils et autres spécialistes en rapport à ce litige. Ce sont des dépenses à part. Je ne suis au courant d'aucun autre avocat qui aurait été engagé pour travailler dans le cadre de l'enquête.
Autant que je sache, aucun autre avocat n'a été engagé dans ce but. Nous avons retenu les services de Scott & Aylen pour représenter le gouvernement dans le cadre de l'enquête. Ils ont retenu les services de Lindquist, Avey pour certaines fonctions.
Le président: Au cours de l'enquête, comment le ministère de la Justice s'est-il organisé avec Scott & Aylen? De qui relevaient-ils et comment les directives étaient-elles données? Qui donnait des directives aux avocats et qui donnait des directives à Lindquist, Avey? Est-ce vous qui le faisiez ou le ministère de la Justice ou encore le ministère des Transports? Le ministère des Transports était-il un client du ministère de la Justice?
M. Thomson: Le ministère des Transports a été le client pour une partie du travail que nous avons effectuée. C'est notre client en ce qui concerne le litige. Dans ce cas particulier, je me souviens que nous avions une équipe composée de hauts fonctionnaires du ministère de la Justice. Parmi eux, le chef de nos services juridiques, M. Richard Thompson, et un certain M. Edge. Certains employés de la Justice étaient chargés de la gestion, avec des fonctionnaires du ministère des Transports.
Toutefois, les fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont donné des directives aux avocats seraient essentiellement les deux personnes que je viens de citer. Elles assuraient la liaison avec les avocats de Scott & Aylen.
Le président: Le ministère de la Justice doit-il s'occuper du contrat actuellement négocié entre le ministère des Transports et la Greater Toronto Airport Authority?
M. Thomson: Je ne saurais dire. Je ne connais pas la réponse à cette question ou de quelle négociation vous voulez parler.
Le président: Le ministère des Transports est en train de négocier un contrat au nom du gouvernement du Canada avec la GTAA. Est-ce que le ministère des Transports a retenu les services du ministère de la Justice pour se faire?
M. Thomson: Oui, et je crois que la tâche incombe principalement à des avocats de notre bureau régional de Toronto.
Le président: Le ministère de la Justice a-t-il retenu les services de bureaux d'avocats de l'extérieur pour ces négociations?
M. Thomson: Je crois que non. Tout le travail est effectué par des avocats de notre bureau régional, mais je vais vous le confirmer.
Le président: Vous ne savez pas ou vous n'êtes pas certain?
M. Thomson: Au meilleur de ma connaissance, ce sont les avocats de notre bureau régional de Toronto qui effectuent ce travail. Je ne sais tout simplement pas si les services d'avocats de l'extérieur ont été retenus pour certains aspects de la tâche. Par contre, je sais que l'administration de cette tâche pour cet aéroport, de même que pour d'autres aéroports, est confiée aux avocats de nos bureaux régionaux. Quant à savoir si le ministère a fait appel à des agents spéciaux pour certains aspects de ce travail, je ne le sais pas, mais je peux obtenir une réponse à votre intention.
Le président: Si le ministère des transports peut faire appel aux avocats du ministère de la Justice pour organiser le parachèvement de ce contrat très difficile que vous négociez avec la Greater Toronto Airport Authority, pourquoi a-t-il fallu recourir aux services de Scott & Aylen de même que de Lindquist, Avey pour un montant total de 1,84 million de dollars dans le cas de l'enquête que le comité du Sénat a effectué sur l'aéroport Pearson et qui en fait, dans l'ordre des choses, n'était pas une si grosse affaire?
M. Thomson: Ce n'est pas ainsi que nous voyons les choses, monsieur. Nous estimions qu'il s'agissait d'une enquête très importante qui exigeait beaucoup de préparation. Nous avons dû nous préparer peu de temps à l'avance. Nous devions fournir à la dernière minute une masse considérable de renseignements. Nous avons cru que pour respecter l'échéancier, nous n'avions d'autres choix que de retenir les services d'avocats de l'extérieur et de leur adjoindre les services de Lindquist, Avey. Nous avons pris cette décision en tenant compte des ressources dont nous disposions alors et de la pression que nous subissions pour produire les documents dans des délais très serrés.
Le président: Pourquoi cela a-t-il coûté 1,6 million de dollars pour Lindquist, Avey? Il en a coûté 240 000 $ pour les avocats, mais 1,6 million pour les juricomptables. Comment expliquez-vous un si grand écart? J'ai une assez bonne idée de ce que les avocats facturent à l'heure.
M. Thomson: La plus grande partie du travail a consisté à rassembler de même qu'à organiser l'information et les documents qu'il fallait présenter à l'enquête; il a aussi fallu préparer les témoins. C'est le genre de travail qu'a effectué l'entreprise Lindquist, Avey. Le rôle du conseiller se rapportait à cela mais surtout à la préparation légale de l'enquête elle-même.
En fin de compte, la plus grande partie du travail a surtout consisté à gérer et à organiser tous les documents nécessaires à l'enquête. C'est ce à quoi les juricomptables de Lindquist, Avey ont consacré presque tout leur temps. Cette tâche a exigé beaucoup de temps et cela se reflète dans le coût.
Le président: Vous ne recourez pas aux services d'avocats de l'extérieur pour la négociation du contrat avec la Greater Toronto Airport Authority, mais faites-vous appel à des consultants de l'extérieur pour vous aider dans ces négociations.
M. Thomson: Il faudra que j'obtienne la réponse à cette question. Je suis tout à fait persuadé qu'il faudrait faire appel à des experts de l'extérieur d'autres professions pour mener à terme un contrat comme celui-ci, que leurs services soient retenus par le ministère des Transports ou par nous. Je penserais que le ministère de la Justice a retenu les services d'experts pour des estimations, par exemple, mais je devrai me renseigner à ce sujet. Je suppose que, pour tout contrat de cette envergure, il faudrait faire appel à quelque expert de l'extérieur.
Le sénateur MacDonald: Monsieur Thomson, il s'agissait d'un comité assez inhabituel du fait que M. John Nelligan, conseiller auprès du comité, posait des questions en vertu des mêmes privilèges que les sénateurs. Nous nous demandions pourquoi M. Nelligan ne pouvait être intégré dans le circuit en lui faisant prêter serment comme l'avaient fait les représentants de Lindquist, Avey. De cette manière, il aurait pu dire aux membres du comité s'ils obtenaient les documents qu'ils désiraient à point nommé ou nous renseigner sur les documents qui étaient retranchés. Nous aurions été très heureux d'avoir l'avis de M. Nelligan sur ces questions. Vous avez dit plus tôt que c'est quelque chose que l'on aurait pu envisager. Nous étions un peu vexés du fait que tout le monde semblait prêter serment et recevoir les documents auxquels nous n'avions pas accès.
M. Thomson: Je me souviens du problème qui s'est posé, sénateur. Je me rappelle que nous avons essayé de trouver une solution. Nous avons fait de notre mieux pour collaborer le plus possible avec l'avocat qui, je dois dire, a très bien servi le comité.
Nous avons décidé de ne pas agir ainsi puisque cela aurait mené à un conflit d'intérêt, ce que nous voulions éviter. Nous avons finalement pensé que ce n'était pas possible. Je me rappelle avoir communiqué avec le comité à ce sujet.
Cela dit, je ne veux pas le moins du monde insinué que M. Nelligan soit autre chose qu'un avocat des plus intègre qui a été proposé pour remplir un rôle pour lequel il était préparé. Nous croyons que cela aurait mené à une situation conflictuelle et nous n'avons pu le faire.
Le sénateur MacDonald: J'ai tendance à être d'accord avec vous. C'était peut-être une suggestion quichottesque, mais nous avions cru que peut-être quelque chose pourrait être organisé. À cette étape de l'enquête, nous en avions jusque là des documents retranchés. Nous ne pouvions obtenir d'explication pour ce geste.
M. Thomson: Je me souviens du problème et des efforts que nous avons déployés pour essayer de trouver une solution.
Le président: Pour que la réponse que vous devez me fournir soit claire, j'aimerais une liste des consultants de l'extérieur qui conseillent le ministère de la Justice dans le cadre de la négociation des contrats avec la Greater Toronto Airport Authority -- c'est-à-dire qui ils sont, combien ils coûtent -- de même qu'une liste d'autres bureaux d'avocats et de ce qu'ils ont coûté dans le cadre de cette négociation.
Le sénateur Cools: Le projet de loi C-42 est présentement à l'étude au Sénat. J'ai fait des recherches, mais je n'ai tout simplement pas pu obtenir de réponses à certaines questions. Le témoin pourrait-il nous dire combien Mme Arbour peut s'attendre de recevoir, c'est-à-dire son salaire et ses allocations?
M. Thomson: On me dit que nous n'avons pas la réponse à cette question.
Le sénateur Cools: Qui connaît la réponse? C'est très frustrant.
M. Sandell: Madame la juge Arbour et les Nations Unies le savent.
Le sénateur Cools: Nous suggérez-vous de la faire venir ici pour qu'elle nous le dise?
M. Sandell: Les Nations Unies le savent. C'est une question privée entre la juge Arbour et les Nations Unies. Nous ne sommes pas au courant.
Le sénateur Cools: Est-ce que vous me dites que la question du salaire d'un juge canadien qui est versé par les Nations Unies est une affaire privée entre lui et les Nations Unies? Est-ce que c'est ce que je vous ai entendu dire?
M. Thomson: Pour l'instant, elle ne touche aucun salaire des Nations Unies. Elle est en congé sans rémunération en attendant qu'une décision soit prise au sujet de cette mesure législative. Je ne sais tout simplement pas ce que les Nations Unies lui ont offert comme rémunération et je ne suis pas convaincu que nous avons le droit d'obtenir d'elle le renseignement. Nous ne le savons pas pour l'instant.
Le sénateur Cools: Selon vous, le salaire est-il plus élevé ou moins élevé que ce que toucherait ici un juge du banc?
M. Thomson: Je sais que le salaire et les allocations de dépense sont plus élevés lorsqu'on additionne les deux vu que les coûts associés à ce travail et le lieu où elle exercera ses fonctions entraînent des dépenses supplémentaires. Je ne sais pas si les deux sont réunis. Il s'agit peut-être du salaire auquel s'ajoutent certaines dépenses -- c'est-à-dire, des frais de location ou d'autres coûts associés à son lieu de travail. Je suis tout à fait persuadé que le montant qu'elle touchera au titre du salaire et des dépenses de logement, plus particulièrement associés à son lieu de travail et à ses fonctions, sera dans l'ensemble supérieur à ce qu'elle reçoit en tant que juge.
Le sénateur Cools: On nous a dit à un autre comité que le ministère de la Justice avait entendu parler de la nomination de madame la juge Arbour par la suite et avait alors entrepris de préparer la mesure législative. Est-ce exact?
M. Thomson: Vous dites avoir été informée à ce comité que nous avons entendu parler de la nomination après coup seulement et que nous avons ensuite décidé d'envisager la possibilité de modifier la loi?
Le sénateur Cools: C'est ce que j'ai cru comprendre.
M. Thomson: La possibilité qu'elle soit nommée à ce poste était connue depuis longtemps. L'idée n'est pas venue du ministère, mais on songeait à elle pour remplacer le juge Goldstone je crois. Son nom figurait à tout le moins sur la liste des personnes susceptibles d'occuper le poste. Je ne peux pas dire que j'étais sûr qu'elle était bel et bien nommée, mais je sais qu'elle était parmi les personnes à qui l'on songeait pour le poste.
Le sénateur Cools: Qui vous a donné cette information?
M. Thomson: Autant que je m'en souvienne, cela est venu des Affaires extérieures. Quant à savoir qui me l'a transmise, je l'ignore. Je sais qu'à un certain moment, au cours du processus, peut-être sur une base individuelle, on m'a demandé mon avis sur les personnes à qui l'on pourrait songer pour ce poste. Cependant, je ne me rappelle pas qui me l'a demandé.
Le sénateur Cools: Qui vous a demandé d'entreprendre la rédaction d'une mesure législative à cet égard?
M. Thomson: Dès que nous avons su que l'on songeait à madame la juge Arbour et que les Nations Unies proposaient de la nommer à ce poste et dès qu'il est devenu manifeste que les Nations Unies avaient pour politique de ne pas permettre aux pays membres de rémunérer la personne qui occupe le poste, nous avons revu notre loi et avons reconnu que, étant donné ses dispositions, il nous fallait la modifier en conséquence. Je ne me souviens pas si c'était avant l'annonce réelle de la nomination ou après. Chose certaine, c'est après avoir bien compris la situation que nous avons entrepris de modifier notre loi. Nous avons confié cette tâche à notre service des affaires judiciaires afin d'être bien certains que cela pouvait être fait. Pour satisfaire à la politique des Nations Unies nous n'avions d'autre choix que de modifier la loi. Nous avons donc entrepris l'élaboration d'un projet de loi.
Le sénateur Cools: Depuis un bon moment, j'essaie d'obtenir, sans trop de succès, des renseignements sur le déclenchement du processus d'élaboration de ce projet de loi. Peut-être pourriez-vous partager avec nous la position que le propre juge en chef de Mme Arbour a adoptée au sujet de sa nomination. Le ministère a-t-il essayé d'obtenir ce renseignement?
M. Thomson: Je sais que nous avons consulté les membres du conseil de la magistrature, alors que nous examinions des options. Nous leur avons demandé s'ils appuyaient la nomination. Cette demande a probablement été faite par l'entremise de son président, qui serait le juge en chef.
Le sénateur Cools: En vertu du projet de loi C-42, il sera possible de consulter le juge en chef du juge qui demande un congé. Comme vous l'avez proposé, je suppose que vous auriez fait ce que vous proposez vous-même en ce qui concerne Mme Arbour. Avez-vous essayé de savoir ce qu'en pensait le juge en chef de Mme Arbour? Si vous avez cela par écrit, pourriez-vous nous en faire part?
M. Thomson: Oui. Au moment où la nomination a été envisagée ou a été faite, j'ai discuté avec le juge en chef Dubin qui m'a dit qu'il approuvait hautement la nomination de la juge à ce poste.
Le sénateur Cools: Cela s'est fait de vive voix?
M. Thomson: Il s'agit d'une conversation que j'ai eue de vive voix avec le juge en chef Dubin au moment où l'on songeait à nommer Mme Arbour.
Le sénateur Cools: Il vous a dit qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'elle quitte le banc pour occuper ce poste. S'il était à ce point favorable à sa nomination, pourquoi ne vous a-t-il pas fait parvenir une lettre à cet effet pour que vous puissiez nous en remettre une copie? Après tout, il s'agit d'une question qui intéresse vivement le Parlement.
M. Thomson: À l'époque, je n'ai pas jugé nécessaire qu'il me donne son avis par écrit. Il m'a dit qu'il était très favorable à l'idée. J'ai présumé que cela suffisait.
Le président: Si vous ne pouvez croire un juge, qui pouvez-vous croire?
Le sénateur Cools: Le temps file, mais certaines des principales questions auxquelles je m'intéressais n'ont pas encore été abordées.
Je m'intéresse plus particulièrement à l'ACDI et à la fusion qui semble survenir entre l'ACDI et l'appareil judiciaire. Plus particulièrement, j'ai sous la main une liste indicative de projets relatifs à l'assistance technique à caractère juridique et judiciaire qui avait été préparée dans le cadre de la table ronde que l'ACDI a tenue sur le sujet le 19 avril 1996, au lac Meech.
J'avais espéré poser quelques questions exhaustives sur ce phénomène que constitue la participation de l'ACDI dans ce processus judiciaire, mais je crois que le temps nous manque.
Le sous-ministre pourrait peut-être s'engager à revenir pour nous en parler. Il pourrait peut-être dans les quelques secondes qui restent nous donner une explication très détaillée et très complète. J'aimerais que le sous-ministre nous donne un exposé complet sur les programmes de l'ACDI, sur leur fonctionnement et leur financement, sur les salaires, sur les responsables et sur le montant total de l'argent des contribuables qui y est consacré, et cetera.
M. Thomson: Je suis prêt à rencontrer le sénateur en privé pour en discuter. J'ai assisté à cet atelier.
Le sénateur Cools: Qui d'autre y a assisté?
M. Thomson: C'est un atelier que l'ACDI a tenu avec des universitaires, des organismes non gouvernementaux de même qu'un large éventail de particuliers provenant de diverses régions du pays.
Le sénateur Cools: Est-ce que des juges y ont assisté?
M. Thomson: Le juge en chef Lamer y a assisté au début pour indiquer que l'appareil judiciaire est prêt à aider d'autres pays à mettre en place des systèmes judiciaires. Je crois qu'il était le seul juge présent et qu'il n'est pas resté très longtemps.
Il y avait un large éventail de particuliers provenant de toutes les régions du pays qui avaient tous fourni des services juridiques au nom de l'ACDI. La table ronde visait à examiner les besoins au cours des prochaines années, la façon de mieux coordonner et d'organiser nos efforts de même que la façon de déterminer les besoins les plus prioritaires.
Le sénateur Cools: Cela s'est passé avant le dépôt du projet de loi C-42, si je ne m'abuse?
Le président: Quelle date figure sur ce document?
Le sénateur Cools: Il s'agit d'une liste de projets d'aide technique à caractère juridique et judiciaire qui avait été préparée pour la table ronde qu'a tenue l'ACDI le 19 avril 1996, au lac Meech.
D'après ce que je peux voir, il semble y avoir une liste assez exhaustive d'organismes subventionnés par l'ACDI. Par exemple, on y remarque l'Association du barreau canadien en regard de laquelle figure un montant de 4 350 000 $. Cela ne peut être exact. Je remarque aussi des cabinets juridiques tel Stikeman Elliott.
Notre comité mérite une sérieuse explication. J'ai essayé sans succès de poser des questions au comité qui étudie le projet de loi C-42. Malheureusement, dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, ni le ministre des Affaires étrangères ni le commissaire de la magistrature fédérale n'a assisté aux séances du comité.
J'ai ici un communiqué du 24 septembre 1996 qui porte sur l'aide apportée par le Canada en ce qui a trait à la réforme judiciaire de l'Ukraine.
On y lit que le programme, financé par l'Agence canadienne de développement international (ACDI), aidera à former des juges partout en Ukraine et qu'il sera dirigé par le Bureau du commissaire de la magistrature fédérale qui coordonne la participation de l'appareil judiciaire canadien à la coopération internationale.
Il s'agit d'une question importante qui revêt une grande importance pour ce comité.
Le président: Le témoin n'a pas hésité à répondre à la question.
Le sénateur Cools: Il est très coopératif. Je disais que nous avions besoin de plus d'information sur la question.
Le sénateur De Bané: Lorsque nous considérons le ministère que vous dirigez, il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'il s'agit du cabinet juridique le plus important du Canada, si l'on se fonde sur le nombre de personnes qui y travaillent. Si nous considérons les questions pour lesquelles vous effectuez des travaux préparatoires ou sur lesquelles vous conseillez les différents ministères du gouvernement, il n'y a aucun autre cabinet juridique au Canada qui exerce une telle influence sur les gens de ce pays. Aucun autre cabinet juridique ne traite un aussi large éventail de questions.
J'ai écouté les nombreuses questions posées cet après-midi à propos des montants versés aux différents bureaux d'avocats. Je me suis demandé si votre ministère essaie de créer un environnement propre à attirer et à garder les meilleurs éléments car le ministère de la Justice doit pouvoir compter sur les meilleurs éléments.
M. Thomson: Je suis tout à fait d'accord avec la description que vous faites du ministère. Je suis tout à fait d'accord avec votre déclaration concernant l'importance, pour le ministère de la Justice, non seulement de montrer la voie dans le travail juridique qu'il administre mais aussi dans le système judiciaire en général. Je conviens également que pour maintenir cette réputation, nous devons être en mesure d'attirer en nombre suffisant les meilleurs avocats au pays et de les garder.
Dans l'ensemble, je dirais que nous offrons d'excellents services juridiques. Certains des meilleurs avocats du pays travaillent pour nous dans tous les domaines dont nous nous occupons. Le ministère est un chef de file dans un certain nombre de domaines. Nous donnons un très bon exemple tant par la façon dont nous fonctionnons en tant qu'avocats que par la façon dont nous fonctionnons en tant que service du ministère de la Justice.
Notre charge de travail est importante et ne cesse d'augmenter. Les employés du ministère de la Justice sont soumis à de très fortes pressions. Dans l'ensemble, nos salaires ne sont pas concurrentiels avec ceux du secteur privé, parce que les salaires des avocats, comme ceux des autres fonctionnaires, sont gelés depuis un certain nombre d'années. Ces pressions signifient que nous avons parfois perdu des gens au profit du secteur privé. Nous pouvons parfois avoir de la difficulté à garder certains de nos meilleurs avocats parce que le milieu et les salaires ne sont pas concurrentiels.
Par contre, la plupart des avocats qui viennent travailler au ministère de la Justice le font en raison, comme vous l'avez dit, de leur dévouement envers certaines causes et parce que c'est pour eux une occasion de s'occuper de certaines des plus importantes questions d'intérêt public dont le pays est saisi. Cela signifie qu'effectivement nous attirons et nous continuons d'attirer de très bons avocats. Ils reconnaissent qu'ils doivent sacrifier certaines choses mais que ces sacrifices sont compensés par les facteurs mêmes que vous avez cités.
Dans l'ensemble, nous devons déployer plus d'efforts, surtout à cette époque où les pressions sont énormes, pour recruter les meilleurs avocats et les garder. Nous n'en continuons pas moins à rester à la hauteur du rôle que l'on attend du ministère de la Justice, tel que vous l'avez décrit dans votre déclaration préliminaire.
Le président: En ce qui concerne l'aéroport Pearson et le procès actuel mettant en cause la Pearson Development Corporation, quel est le montant qui a été dépensé pour retenir les services d'avocats et d'experts-conseils de l'extérieur et de qui s'agit-il?
M. Thomson: À ma connaissance, nous n'avons retenu les services d'aucun avocat de l'extérieur pour le procès. Tous les avocats appartiennent au ministère. Le ministère des Transports a dépensé beaucoup d'argent pour retenir les services de témoins experts au cours de l'enquête. À l'heure actuelle, le total des dépenses consacrées aux services de témoins experts et aux services professionnels par le ministère des Transports s'élève à 8,9 millions de dollars.
La majorité de cette somme aurait servi à engager des experts-conseils de l'extérieur pour qu'ils témoignent ou aident à préparer la documentation.
Cette affaire nécessite des témoins experts très spécialisés, dont certains ont travaillé plus d'un an à préparer la preuve concernant les questions de volume et les autres facteurs permettant de déterminer la nature des dommages dans cette affaire. Des experts de très haut niveau possédant un vaste éventail de compétences ont témoigné au nom du demandeur et de l'accusé dans ce procès, ce qui entraîne des dépenses de plusieurs millions de dollars de part et d'autre.
Le président: Pouvez-vous nous fournir une liste de ces personnes?
M. Thomson: Oui, je pense pouvoir le faire.
Le sénateur Cools: J'ai une question à propos du langage utilisé. Je trouve étrange d'entendre le personnel du procureur général de Sa Majesté désigner Sa Majesté comme une cliente. D'où vient cette nouvelle formulation et où le Parlement se situe-t-il selon cette nouvelle terminologie?
M. Thomson: Je ne considère pas qu'il s'agit d'un nouveau terme en ce qui concerne le gouvernement ou le ministre et les divers ministères clients que nous servons. Cela ne modifie en aucune façon notre rôle. Nous avons un rôle unique à jouer en tant qu'avocats du secteur public. Je ne veux en aucune façon insinuer que ce n'est pas le cas.
Nous jouons un rôle particulier, par exemple, en nous assurant que le travail du gouvernement est effectué conformément à la loi et aux valeurs énoncées par la charte. Nous avons un certain nombre d'objectifs en tant que conseillers juridiques du gouvernement.
Nous avons parlé de clients pour désigner ceux que nous servons. Cela contribue à renforcer le fait que nous leur offrons toute une gamme de services et qu'il faut qu'ils travaillent avec nous à améliorer le service. Nous avons utilisé ce mot mais nous ne l'avons absolument pas utilisé pour nier le rôle unique que nous jouons. Il est vrai que nous avons parlé récemment de la notion de service à la clientèle, surtout en ce qui concerne les processus de planification que nous avons établis avec ces clients.
Le sénateur Cools: Je crois qu'il serait préférable que vous adoptiez une approche un peu plus formaliste à l'avenir. Je crois qu'il est préférable que nous utilisions le langage qui convient à un gouvernement parlementaire et responsable, le langage que nous sommes tous habitués à entendre. C'est un nouveau langage que je n'ai jamais entendu en comité de la part de votre ministère. C'est tout à fait nouveau.
Je trouve l'ancien langage assez efficace. Lorsque vous me dites que le procureur général est l'un des deux légistes de l'État, je comprends cela. Je ne comprends pas quand vous parlez de clients, d'utilisateurs et ainsi de suite.
Le président: Je tiens à apporter une précision à l'intention de la vice-présidence du comité pour que vous ne vous mépreniez pas sur le sens de la question que j'ai posée à M. Thomson. Mon rôle est d'être aussi juste que possible. Je ne peux pas non plus faire abstraction de mes choix politiques et je tâche d'obtenir de l'information. Je suis sûr que M. Thomson le sait. Je m'impatiente parfois si cette information n'est pas disponible pour la simple raison que nous ne sommes pas ici pour bavarder.
Je tiens à ce qu'il soit très clair que les témoins qui comparaissent devant nous sont dans la plupart des cas d'excellents témoins et nous offrent leur pleine coopération.
Monsieur Thomson, je ne voulais pas vous donner une fausse impression. Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'avoir été des nôtres aujourd'hui, même si nous avons largement dépassé l'heure du souper.
La séance est levée.