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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 5 février 1997

Le comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-270, portant modification de la Loi sur la gestion des finances publiques (session du Parlement), se réunit aujourd'hui à 17 h 15 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je tiens à signaler au comité que nous avons reçu des réponses de M. George Thomson, sous-ministre de la Justice, aux questions des membres du comité lors de sa comparution, le 23 octobre 1996. Ces réponses ont été remises aux membres du comité.

Je signale aussi que le comité a reçu des réponses du ministère du Développement des ressources humaines aux questions posées par les sénateurs le 25 septembre 1996. Le rapport de la conférence canado-américaine sur l'écart de chômage, qui n'était pas disponible auparavant, a été remis aux membres du comité le 24 janvier 1997.

C'est la première fois que nous nous réunissons pour étudier le projet de loi C-270, portant modification de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Nous accueillons aujourd'hui M. Peter Milliken, député, et M. David Miller, secrétaire adjoint du secteur de la gestion des dépenses, Direction des programmes, Conseil du Trésor.

Allez-y, monsieur Milliken.

M. Peter Milliken, député, vice-président du comité plénier: Monsieur le président, l'objectif du projet de loi est bien simple. Il vise à empêcher l'utilisation des mandats spéciaux du gouverneur général entre les sessions du Parlement. Autrement dit, ces mandats pourraient être utilisés pendant une campagne électorale et immédiatement après, mais pas entre les sessions.

À mon avis et d'après certains autres députés, on avait prévu au départ ces dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques pour permettre à un gouvernement de puiser dans le Trésor public, en cas d'urgence, lorsque le Parlement ne siégeait pas.

À l'époque où le Parlement siégeait trois ou quatre mois par an, de janvier à avril au début, puis de janvier à juin, il était logique de conférer au gouvernement le pouvoir d'engager des dépenses qui n'avaient pas été autorisées en ayant recours aux mandats spéciaux du gouverneur général, en cas d'urgence.

Depuis 20 ans, le Parlement siège plus ou moins toute l'année. La session ne se termine que la veille du début d'une nouvelle session et il est donc toujours possible au Parlement de siéger. Étant donné ces changements et à la lumière des mécanismes utilisés dans d'autres pays, nous jugeons qu'il serait bon de retirer à la Couronne le droit de se servir de ces mandats pour puiser dans les fonds publics vu que le gouvernement peut toujours rappeler le Parlement et devrait le faire s'il veut faire approuver des mesures de subsides.

Le projet de loi vise donc à donner plus de pouvoirs au Parlement en veillant à ce que, du moins entre les sessions, une fois qu'une législature a commencé, on rappelle la Chambre des communes et le Sénat pour approuver les subsides. Sinon, le gouvernement manquera d'argent, du moins pour les crédits qui font l'objet d'un vote. C'est le but du projet de loi.

Nous avons passé pas mal de temps à étudier le projet de loi dans l'autre endroit et en comité. Nous avons apporté beaucoup de changements à la version originale du projet de loi. Nous croyons avoir trouvé un libellé approprié. Je répondrai volontiers à vos questions au sujet du projet de loi. Il est assez simple, mais il contribuera dans une certaine mesure à donner plus de pouvoirs au Parlement.

Le sénateur Stratton: D'après la documentation, le Canada est à peu près le seul pays à posséder un tel mécanisme, qui remonte à l'époque de la Confédération. Pourquoi ne pas le supprimer entièrement?

M. Milliken: Nous y avons songé. Cependant, lorsque les Chambres sont dissoutes pour des élections ou pour une certaine période lorsqu'on ne peut pas s'attendre à ce que le Parlement soit rappelé pour approuver les subsides, il peut toujours y avoir des urgences et le gouvernement pourrait avoir besoin de puiser dans le Trésor public.

Il y a, bien sûr, le crédit pour éventualités que contient le Budget des dépenses et que le Parlement approuve en même temps que le reste du Budget des dépenses. Ce crédit autorise le gouvernement à dépenser un montant considérable. Si je me rappelle bien, c'est environ 350 millions de dollars. Cela devrait sans doute permettre au gouvernement de survivre, à moins d'un désastre quelconque.

Cependant, selon cette disposition, le gouvernement peut continuer d'utiliser les mandats spéciaux à partir de la date de la dissolution du Parlement jusqu'à 60 jours après la date fixée pour la présentation du bref d'élection. Cela donne une période raisonnable. Je signale que, le soixantième jour, le gouvernement pourrait émettre un mandat afin de prolonger cette période pour qu'on puisse rappeler le Parlement après le délai de 60 jours. Il y a donc un vide. On ne peut cependant pas utiliser le mandat de nouveau. Nous avons au moins aboli son utilisation entre les sessions, comme on l'avait fait dans le passé et comme on ne devrait plus le faire. Nous avons éliminé ce problème.

Certains diront que nous devrions nous en débarrasser complètement, mais je ne suis pas certain que nous aurions l'accord du président du Conseil du Trésor si nous le proposions. Il y a encore des objections au sujet de ce mécanisme, mais il y aurait beaucoup plus d'objections si nous essayions de l'abolir.

Le sénateur Stratton: Je trouve vraiment curieux que ni l'Australie ni le Royaume-Uni ne possèdent un tel mécanisme. Comment font-ils?

Le sénateur Lavoie-Roux: Ce n'est pas de ces pays que nous parlons.

Le sénateur Stratton: Je sais, mais ils ont essentiellement le même système électoral que nous. Comment font-ils?

M. Milliken: Je ne peux pas vous dire ce qui se fait en Australie, mais je peux vous dire comment se passent les choses en Grande-Bretagne.

Leur campagne électorale est beaucoup plus courte que la nôtre, qui dure 36 jours. Si je me rappelle bien, elle est de 30 jours et là-bas le nouveau gouvernement prend rapidement le pouvoir. Une journée ou deux après les élections, l'ancien gouvernement quitte les lieux et le nouveau est assermenté. Ce n'est pas ce qui se passe au Canada. Il arrive que l'ancien gouvernement s'accroche au pouvoir pendant plusieurs semaines avant que le nouveau gouvernement ne soit assermenté.

En outre, en Grande-Bretagne, le Parlement est convoqué peu de temps après les élections pour s'occuper des affaires courantes, ce qui n'est pas toujours le cas au Canada.

Qui plus est, le Parlement britannique a pour tradition d'adopter les mesures de subsides avant que des élections ne soient déclenchées. Ce n'est pas ce qui se fait au Canada.

Peut-être que la Grande-Bretagne n'a pas connu autant de gouvernements minoritaires que le Canada.

Si l'on obligeait la Chambre à abolir les mandats spéciaux, il pourrait arriver qu'un gouvernement veuille déclencher des élections mais ne puisse le faire par manque d'argent. Il ne pourrait donc pas gouverner pendant une campagne électorale relativement longue et pendant la période qu'il faut normalement attendre pour qu'on assermente un nouveau cabinet, si un nouveau gouvernement est élu. Il est donc plus commode de prévoir les mandats spéciaux seulement pour les périodes d'élection.

Le sénateur Lavoie-Roux: Supposons que le gouvernement demande 100 millions de dollars au gouverneur général. Vu que cela arrivera pendant que le Parlement ne siège pas, qui vérifiera l'utilisation faite de cet argent? Quel genre de contrôle existe-t-il?

M. David Miller, secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, Conseil du Trésor du Canada: Le secrétariat du Conseil du Trésor examine attentivement toutes les demandes de dépenses. Elles sont ensuite signées par les ministres, soit les ministres sortants, soit les nouveaux ministres qui ont été nommés avant que le Parlement ne soit reconvoqué.

Pour ce qui est du genre de dépenses que visent d'habitude les mandats spéciaux, 70 p. 100 de cette somme est consacrée aux dépenses statutaires et n'est pas touchée par le changement. Les 30 p. 100 restants servent à ce que nous appelons les dépenses courantes. Même si l'on dit que ces dépenses sont requises d'urgence, elles paient d'habitude des choses comme les notes de téléphone courantes du gouvernement ou le traitement des fonctionnaires. Ce sont les genres de choses qui sont normalement incluses dans un mandat spécial.

Nous veillons soigneusement à ce que ces montants soient vérifiés et comparés aux dépenses normalement prévues dans le Budget principal des dépenses, qui n'a pas encore franchi toutes les étapes du processus budgétaire. Par le passé, le gouverneur général examinait, de concert avec des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, ce que le mandat spécial prévoyait de façon détaillée. Nous faisons un examen normal, mais il s'agit d'un examen bureaucratique.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quand et comment fait-on rapport de ces mandats à la Chambre des communes et au Sénat lorsqu'ils reprennent leurs travaux?

M. Miller: Nous demandons au gouvernement de faire rapport de l'utilisation de mandats spéciaux au Parlement le plus tôt possible après la reprise des travaux parlementaires. D'habitude, un jour ou deux après la reprise, on présente un rapport au Parlement sur l'utilisation des mandats spéciaux.

Le sénateur Lavoie-Roux: On en fait toujours rapport?

M. Miller: Oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: Supposons que les élections aient lieu le 9 juin prochain et que le gouvernement ait suffisamment de fonds jusqu'au 9 juin. Il y aurait ensuite 36 jours pendant lesquels le Parlement ne siégerait pas. Quand le gouvernement demanderait-il de l'argent?

M. Miller: Normalement, nous demandons au Parlement d'approuver un projet de loi portant affectation de crédits provisoires début avril. En temps normal, cela suffit à couvrir trois douzièmes de l'année. Le gouvernement a d'habitude assez d'argent jusqu'à la fin juin, et c'est à ce moment-là que le processus budgétaire habituel entre en jeu. Si l'on déclenche des élections après l'approbation des crédits provisoires, mais avant l'adoption du Budget principal des dépenses fin juin, les ministères commenceraient à manquer d'argent à la fin juin. Ils n'auraient pas assez d'argent pour payer leurs employés en juillet.

Selon le nouveau projet de loi, les mandats spéciaux seraient utilisés en juillet et en août jusqu'au retour du Parlement en septembre. Cela suffirait.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ce pourrait être encore plus longtemps si le Parlement ne reprenait pas en septembre.

M. Miller: Le bref d'élection serait déposé le 20 juin, ou bien une semaine après la date des élections, si j'ai bonne mémoire. C'est entre une semaine et 10 jours plus tard. La date de la présentation du bref d'élection est fixée d'avance. Le gouvernement pourrait continuer à utiliser les mandats spéciaux pendant encore 60 jours. Cela nous amènerait jusque vers le 20 août. Le dernier jour, le gouvernement pourrait émettre un mandat. Dans le passé, cet autre mandat s'appliquerait pendant encore 45 jours, ce qui nous amènerait à la fin septembre.

Il faudrait que le gouvernement convoque le Parlement en septembre et j'imagine qu'il voudrait le faire plus tôt en septembre que la date prévue, qui serait d'habitude la deuxième semaine, pour avoir le temps de faire approuver les subsides, si toutefois le Budget principal des dépenses n'avait pas été approuvé avant la dissolution des Chambres pour les élections.

Le sénateur Lavoie-Roux: Jusqu'à quelle date cette période peut-elle être prolongée? Il se peut que le cabinet ne soit pas formé avant quelques semaines ou un mois après les élections. Jusqu'où peut-on prolonger cette période?

M. Miller: Le projet de loi précise 60 jours à partir de la date de la présentation des brefs d'élection. Aucun autre mandat ne peut être émis par la suite.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il y a une limite de 60 jours?

M. Miller: Oui, à compter de la présentation du bref d'élection.

Le sénateur Stratton: De sept à 10 jours après les élections.

M. Miller: Oui.

[Français]

Le sénateur Rizzuto: Si je comprends bien, c'est pour faciliter la tâche au nouveau gouvernement qui se fait élire et lui permettre de continuer à administrer. Justement cela me porte à poser la question suivante: comment cela fonctionnait-il avant ce projet de loi lorsqu'il y avait changement de gouvernement ?

[Traduction]

M. Miller: Il y a différentes possibilités, mais en temps normal, si le Budget principal des dépenses n'a pas été adopté, et c'est ce qui arrivera si l'on déclenche des élections au printemps, on émet des mandats spéciaux tous les 30 jours jusqu'à ce que le Parlement soit convoqué de nouveau. Le dernier mandat nous amènerait à une date où le Parlement siégerait et pourrait donc approuver les crédits.

Si nous connaissions la date d'avance, nous pourrions prévoir des périodes de 30 jours, ou un mois à la fois, jusqu'à la reprise.

Si les élections étaient déclenchées en automne et qu'on ait déjà approuvé tous les crédits, nous n'aurions normalement pas besoin de mandats spéciaux. On ne s'en servirait pas du tout. Le projet de loi vise les cas où l'on déclenche des élections avant qu'on ait approuvé les crédits de l'exercice financier.

[Français]

Le sénateur Rizzuto: Alors si une élection est tenue le 9 juin, comme a suggéré le sénateur Lavoie-Roux tout à l'heure, ce projet de loi permettrait au nouveau gouvernement d'avoir 60 jours pour administrer sans recourir aux moyens actuels, c'est-à-dire de le faire à tous les 30 jours. En fait, c'est pour faciliter la tâche au nouveau gouvernement de pouvoir administrer sans être obligé d'aller chercher de l'argent.

M. Milliken: Ce qu'a voulu nous indiquer M. Miller, si la date de l'élection est en juin, par exemple, et que le Parlement ne siège pas jusqu'en octobre, il y aura des difficultés. Il est important de comprendre que si un gouvernement décide d'une date d'élection, sans l'adoption de cette loi de subsides, nous aurons un problème avec la date du début de la nouvelle législature. Il faut que le projet de loi soit en vigueur pendant probablement 100 jours avant des élections, moins que cela, si on veut adopter une loi sans l'accord de l'opposition, mais on peut arranger quelque chose avec l'opposition pour l'adoption d'une loi très rapidement, au début de la nouvelle législature.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Monsieur Milliken, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Je suis toujours ravi de vous avoir comme témoin.

Cela fait déjà quelque temps que cette question cause des problèmes. Je signale dès le départ que je n'ai pas encore eu l'occasion de me pencher sur cette question et sur le projet de loi comme il le mérite. J'ai été trop occupée par un autre projet de loi.

Le comité devrait applaudir toute tentative visant à permettre au Parlement d'exercer son droit de contrôle sur les dépenses publiques et de tenir les ministres et les membres du cabinet comptables en tout temps.

Saviez-vous que ce comité-ci avait effectué une étude relativement complète de cette question il y a quelques années? Dans l'affirmative, votre projet de loi reflète-t-il les recommandations que le comité avait formulées à l'époque? Notre attaché de recherche devrait retrouver tout cela.

M. Milliken: Je sais que le comité avait entendu divers témoins en avril 1991.

J'ai lu certains des témoignages que le comité avait entendus au sujet de l'utilisation des mandats spéciaux. Si je ne m'abuse, votre comité a étudié, en 1991, des modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques, c'est-à-dire la même loi que ce projet de loi vise à modifier. Je ne savais pas que l'étude du comité portait sur cette même question. J'ai lu certains des témoignages présentés à l'époque.

Je ne peux pas vraiment vous dire si le projet de loi reflète toutes les recommandations de votre comité, mais je peux vous dire que le sénateur Stewart, qui s'y connaît très bien quand il est question de l'approbation des crédits budgétaires, est au courant de ce que prévoit le projet de loi. Je ne veux pas parler pour lui, mais il appuie nettement l'objectif de la mesure.

Le sénateur Cools: Appuierait-il le projet de loi?

M. Milliken: Il appuierait le projet de loi. Je ne lui ai pas posé de questions au sujet des détails de la disposition de 60 jours et vous pourriez à coup sûr lui en parler. Ce serait un excellent témoin. Il s'y connaît très bien. Il a d'ailleurs écrit des choses fort utiles à ce sujet.

Le sénateur Cools: Pour ceux qui ne faisaient pas partie du comité il y a bien des années, je signalerai que le comité craignait que le gouvernement n'ajourne le Parlement parce que le cabinet voulait se servir des mandats spéciaux du gouverneur général. C'est une idée qui avait tout à fait choqué le comité. Nous devrions peut-être relire ce qui s'était dit à ce sujet.

Je me rappelle ce qu'avait dit le président du Conseil du Trésor à l'époque quand certains d'entre nous, peut-être même moi, lui avaient posé une question pour savoir combien d'argent le cabinet pouvait puiser dans le Trésor public grâce aux mandats spéciaux du gouverneur général. Je pense qu'il avait répondu qu'il n'y avait pas de limite.

Le sujet est quelque peu mystérieux et ésotérique, mais il me semble que c'est une chose que le comité doit examiner soigneusement. Si le projet de loi reflète mes propres préoccupations à ce sujet, je l'appuierai volontiers. Je répète cependant que ce serait une bonne chose que l'on distribue aux sénateurs les délibérations du comité de l'époque pour qu'ils puissent donner au projet de loi toute l'attention qu'il mérite.

Le sénateur Forest: De quelle façon en est-on arrivé au chiffre de 60 jours lors des débats à la Chambre des communes?

M. Milliken: Certains députés disaient que 30 jours suffiraient, d'autres que 60 seraient préférables et d'autres encore que 90 jours seraient encore mieux. Nous avons coupé la poire en deux en choisissant 60.

Le projet de loi a été approuvé à l'unanimité en comité et à l'unanimité à l'étape du rapport et en troisième lecture à la Chambre sans débat. C'est en partie parce que j'étais devenu vice-président de la Chambre et que je ne pouvais pas participer au débat. J'ai demandé aux députés s'ils étaient d'accord pour procéder de cette façon et c'est ce qu'on a fait. Le projet de loi a été adopté sans que je sois obligé de l'inscrire sous le nom de quelqu'un d'autre.

Le sénateur Forest: Certains se sont-ils dit inquiets au sujet de la période de 60 jours?

M. Milliken: Non. Tout le monde était d'accord. Le Parti réformiste aurait préféré 30 jours d'après les discussions en comité, mais je pense qu'il a reconnu qu'une période de 60 jours était raisonnable dans les circonstances, et ils s'en sont contentés.

Le principal objectif du projet de loi quand je l'ai présenté était d'empêcher l'utilisation de mandats entre les sessions du Parlement. Cet objectif sera atteint. Cela laisse encore une certaine marge de manoeuvre au moment des élections, mais je ne pense pas que cela ait vraiment inquiété tellement les députés. Tout le monde tenait à fixer des limites raisonnables pour que le gouvernement ne puisse pas éviter de convoquer le Parlement pendant des mois et des mois, surtout à certaines époques de l'année. Nous pensions être raisonnablement bien protégés.

Le sénateur Forest: De quel montant faudrait-il disposer pendant une telle période?

M. Milliken: Comme l'a dit M. Miller, cela dépend de la date. Si le budget principal des dépenses a déjà été adopté en juin, il faudrait sans doute des mandats spéciaux uniquement pour les montants supplémentaires qui n'étaient pas prévus au budget principal. Ce serait un montant insignifiant. D'habitude, le budget supplémentaire des dépenses ne représente pas beaucoup d'argent si le budget principal a été bien préparé. On aurait besoin de mandats spéciaux uniquement pour la période que viserait le budget supplémentaire et uniquement jusqu'à la reprise du Parlement. Si le Budget principal des dépenses avait été approuvé en juin et que l'on convoquait des élections par après, jusqu'au 1er mars de l'année suivante, les montants en cause ne seraient pas très élevés. Il pourrait cependant y avoir des problèmes après le 1er mars parce qu'il faudrait des crédits provisoires pour le nouvel exercice financier. Si l'on déclenchait des élections en mars, il faudrait inévitablement avoir recours à des mandats spéciaux le 1er avril pour que le gouvernement ait de l'argent en avril et en mai. À ce moment-là, les montants requis seraient élevés parce qu'on n'aurait pas approuvé de crédits pour cette période. Tout dépend donc de la date.

Le sénateur Stratton: À la fin d'une session et juste avant les élections, on approuve le budget principal des dépenses. Est-ce ce qui se fait normalement?

M. Milliken: Non. Les budgets des dépenses sont approuvés à dates fixes. Il y a trois périodes de subsides. D'habitude, on approuve le budget supplémentaire des dépenses en décembre. Il y a une autre date en mars où l'on approuve le dernier budget supplémentaire des dépenses ainsi que des crédits provisoires pour le prochain exercice financier, pour une période de trois mois à compter du 1er avril. Ensuite, à une date quelconque en juin, le Parlement approuve normalement le budget principal des dépenses pour tout l'exercice financier. Un certain nombre de jours des subsides sont prévus à la Chambre. Une fois que le débat a eu lieu ces jours-là, il y a automatiquement un vote.

Le sénateur Stratton: Avez-vous songé à ce qui arriverait si un gouvernement minoritaire tombait avant que l'on n'approuve le budget principal des dépenses, que des élections étaient déclenchées et qu'un autre gouvernement minoritaire aussi diviseur que le précédent -- pour les raisons mêmes qui avaient entraîné la chute du premier gouvernement minoritaire -- était élu?

M. Milliken: D'après moi, c'est une réalité de la vie politique. Nous avons eu des gouvernements minoritaires avant d'instaurer le nouveau système de subsides dans les années 60. La Chambre devait approuver les crédits quand elle siégeait parce que le gouvernement ne pouvait avoir recours aux mandats spéciaux que lorsque le Parlement ne siégeait pas, même selon la loi en vigueur à l'époque. Les partis s'entendaient pour approuver les crédits. Après les élections d'avril 1963, on avait rappelé le Parlement pour approuver les crédits. Il n'y avait pas de vote automatique prévu un jour précis. Il fallait qu'il y ait un débat et l'opposition avait le droit de retarder le vote et le faisait volontiers. Les fonctionnaires n'étaient pas payés et les chèques d'assurance-chômage n'étaient pas émis parce que le projet de loi portant affectation de crédits n'avait pas été adopté à temps. Depuis que nous avons des votes à date fixe, ces problèmes n'existent plus, à moins que votre assemblée ne retarde le projet de loi. Certains diront que nous avons vraiment affaibli notre système en cédant trop de contrôle sur le processus budgétaire.

Pour pouvoir administrer le gouvernement et éviter de décevoir les contribuables, les partis devaient s'entendre et adopter les projets de loi. J'imagine que c'est ce qui arriverait en cas de gouvernement minoritaire.

Le projet de loi oblige le gouvernement à convoquer le Parlement. Je trouve que c'est important, qu'il s'agisse d'un gouvernement minoritaire ou non. Une fois que le gouvernement a entamé le processus, il doit faire approuver les crédits et renvoyer le projet de loi au Sénat. C'est le principe que nous essayons de légiférer. Ce processus causera sans doute des difficultés, mais si d'autres pays peuvent s'en accommoder, nous aussi. Nous avons malgré tout laissé une bonne marge de manoeuvre pour l'utilisation de mandats pendant la période de 60 jours suivant la date de présentation du bref d'élection.

Bien entendu, une campagne électorale peut durer plus longtemps que la période minimale prévue dans la loi, c'est-à-dire 36 jours. Un gouvernement peut toujours dissoudre les Chambres et déclencher les élections plusieurs mois plus tard, ce qui veut dire qu'il pourrait utiliser les mandats spéciaux pendant une assez longue période. Je présume simplement qu'il n'y aurait pas d'abus de ce genre.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Que veut faire le comité?

Le sénateur Cools: Je pense que les intentions de M. Milliken sont bonnes. Je voudrais entendre quelques autres témoins. Il y a des noms qui me viennent tout de suite à l'esprit. Selon moi, le comité devrait examiner cette question de façon plus approfondie. Peut-être que M. Milliken pourra nous proposer des témoins. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on oblige le gouvernement à convoquer le Parlement.

Le sénateur Kelly: Ce n'est pas que je ne suis pas d'accord avec le sénateur Cools, mais nous devons reconnaître que ce projet de loi est fort utile.

Le sénateur Cools: Tout à fait.

Le sénateur Kelly: Le sénateur Cools a-t-elle des témoins à nous proposer?

Le sénateur Cools: Oui. L'ancien attaché de recherche du comité a bien étudié la question. Je pense que le comité devrait le faire venir. Il me semble que nous appuyons tous cette initiative, mais je crois que nous devons y réfléchir davantage.

Le sénateur Forest: Y a-t-il des aspects particuliers dont le sénateur Cools voudrait que les témoins nous parlent?

Le sénateur Cools: Oui, je pense que nous devrions examiner certaines des questions qui ont déjà été soulevées. Je voudrais d'autres explications à propos de la question posée par le sénateur Stratton sur la signification du projet de loi pour les gouvernements minoritaires. Il faudra peut-être trouver des solutions au problème, mais je voudrais en savoir davantage. C'est une question complexe.

[Français]

Le sénateur Rizzuto: S'il n'y a pas d'autres questions à poser, j'appuie la proposition du sénateur Kelly, on pourrait convoquer des témoins et les entendre sur ce sujet à une autre occasion. Il est important à ce moment-ci d'accélérer et de perdre le moins de temps possible, pour adopter ce projet de loi. Je propose même qu'on en fasse rapport et que le projet de loi soit retourné sans amendement au Sénat.

[Traduction]

Le président: Proposez-vous cette motion?

Le sénateur Rizzuto: Oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: Nous n'avons pas encore eu le temps d'en discuter.

Le sénateur Cools: Nous devrions en discuter.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec le sénateur Rizzuto qui estime que nous ne devons pas nous servir de témoins pour retarder nos travaux.

Le président: Le comité est saisi d'une motion.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je n'ai pas encore eu l'occasion de répondre à la proposition de le sénateur Cools.

Le président: Je vous signale, sénateur Lavoie-Roux, que c'est le sénateur Rizzuto et non pas moi qui ai présenté cette motion.

Voulez-vous retirer votre motion, sénateur Rizzuto, pour que nous puissions avoir une discussion ou acceptez-vous qu'on ait cette discussion avant que le comité ne se prononce sur la motion?

[Français]

Le sénateur Rizzuto: Oui, je suis prêt à la retirer. J'ai dit que s'il n'y avait pas d'autres questions, je proposais la motion. Mais s'il y a d'autres questions que l'on prenne tout le temps nécessaire. Je ne suis pas d'accord que l'on aille chercher d'autres témoins, que l'on ne connaît pas encore, juste parce que l'on veut élaborer sur la question . Si les membres du comité ont d'autres questions à poser, que l'on prenne tout le temps nécessaire, mais s'il n'y a pas d'autres questions à poser, que l'on retourne le projet de loi à la Chambre du Sénat sans amendement.

[Traduction]

Le sénateur Lavoie-Roux: Le sénateur Cools propose que nous entendions des témoins qui ont fait un examen approfondi de cette question. Cela ne retarderait pas tellement les choses d'entendre seulement un témoin. Je me contenterai du projet de loi tel quel, mais ce pourrait être utile d'entendre le point de vue d'un expert. Nous pourrions quand même adopter le projet de loi rapidement.

Le sénateur Stratton: Je ne veux pas laisser entendre que l'autre endroit n'a pas bien fait son travail. Je voudrais simplement examiner la mesure dans son contexte historique. Le projet de loi est très simple. Il décrit clairement ce qui se passe lorsque les gouvernements changent.

Cependant, nous présumons là qu'il s'agit d'une situation normale. Mais je ne peux pas m'empêcher de me poser certaines questions que nous n'avons pas encore envisagées. Quelqu'un devrait nous mettre au courant du contexte historique. Si un seul témoin pouvait nous donner ce contexte, je serais en faveur de sa convocation.

Le sénateur Cools: Il faut avancer avec prudence lorsqu'il s'agit des pouvoirs du gouverneur général.

Le président: On pourrait peut-être tenir une autre séance mercredi prochain.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je tiens à faire comprendre que nous n'avons aucune intention de retarder les choses de façon indue. Nous voulons simplement obtenir tous les renseignements qu'il est raisonnable d'obtenir, et ensuite nous adopterons ce projet de loi rapidement.

Le sénateur Cools: On a fait preuve de beaucoup de bonne volonté. Nous devrions peut-être envisager au moins une séance de plus afin d'étudier l'évolution historique de toute la question pour ensuite placer la question dans un contexte moderne. Il y a quelques années nous avons eu des débats houleux à ce sujet. Nous devrions faire preuve de prudence.

[Français]

Le sénateur Rizzuto: Monsieur le président, je le répète, je veux donner tout le temps nécessaire pour s'assurer qu'on ait bien étudié le projet de loi. J'ai cependant l'impression que tout le monde est conscient que le projet de loi est simple, tout le monde l'a bien compris. Mais si cela peut démontrer notre bonne volonté que l'on ait donné tout le temps nécessaire, je suis d'accord à ce moment-là que l'on convoque le comité la semaine prochaine et que l'on fasse venir un témoin. Je ne veux cependant pas que cela se prolonge juste parce que l'on veut essayer de découvrir des choses. Tout le monde a bien compris que le projet de loi est assez simple et qu'il est nécessaire à notre système parlementaire. Donc si la majorité au comité préfère qu'il y ait une autre réunion je suis d'accord, mais j'aurais préféré que l'on termine aujourd'hui. Je suis cependant d'accord si la majorité des membres du comité veulent avoir une autre séance du comité mercredi prochain.

[Traduction]

Le président: C'est l'une des rares occasions où je suis, à titre de président, d'accord avec tout le monde. S'il est possible de faire venir un témoin qui peut nous donner une perspective historique et puis la placer dans un contexte moderne, il faut le convoquer.

Je vais demander au greffier d'y donner suite et de vous tenir au courant.

La séance est levée.


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