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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 19 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 12 février 1997

Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 17 h 15, pour examiner le projet de loi C-270, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (session du Parlement).

Le sénateur De Bané (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président: Honorables sénateurs, nous nous réunissons aujourd'hui pour l'étude du projet de loi C-270 , Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (session du Parlement), projet de loi qui a été parrainé à la Chambre des communes par monsieur le député Milliken qui est ici aujourd'hui avec nous. Nous avons l'honneur d'avoir avec nous M. Greenberg qui fait partie du groupe de hauts fonctionnaires du bureau du vérificateur général du Canada.

Comme vous le savez M. Greenberg a déjà été le directeur de recherche de notre comité de 1982 à 1989. C'est une période où, évidemment, il a eu à traiter avec les mandats spéciaux du Gouverneur général.

Nous avons également M. Mike Joyce qui est directeur des prévisions budgétaires, secteur de la gestion des dépenses, au Conseil du Trésor. Après la présentation de M. Greenberg, vous êtes invités à lui poser des questions ainsi qu'à M. Milliken ou à M. Joyce, du Conseil du Trésor. M. Greenberg, soyez le bienvenu. Nous sommes là pour vous écouter.

[Traduction]

M. Jeff Greenberg: Je ne suis pas habitué à me trouver dans cette situation. Pendant de nombreuses années, j'ai pris place à côté du greffier. Je me suis toujours demandé quel effet cela me ferait de m'asseoir ici. Je vais maintenant pouvoir m'en rendre compte.

Comme vous le savez, je travaille pour le Bureau du vérificateur général, mais je ne suis pas ici en qualité de porte-parole du bureau. Toutefois, si vous voulez me poser des questions au sujet des mandats, j'essayerai d'y répondre de mon mieux.

Je vais vous parler aujourd'hui des mandats spéciaux, de leur historique et du rôle joué par le comité, surtout lors des audiences de mai 1989.

Les mandats du Gouverneur général permettent à l'exécutif de dépenser des crédits sans l'autorisation du Parlement, sous réserve de trois conditions: le paiement est requis d'urgence dans l'intérêt public, le Parlement n'est pas en session, et il n'existe pas d'autres sources de crédit, comme le crédit 5, le fonds pour éventualités dont dispose le Conseil du Trésor pour pourvoir à des dépenses imprévues.

Le gouverneur en conseil peut ordonner l'établissement d'un mandat spécial qui doit être signé par le gouverneur général, en vue d'autoriser un paiement à même le Trésor. Le président du Conseil du Trésor doit remettre au gouverneur général un rapport attestant l'absence de tout crédit pouvant autoriser le paiement, tandis que le ministre compétent doit lui remettre un rapport attestant l'urgence du paiement et sa nécessité dans l'intérêt public.

Le fait que le Parlement ne soit pas en session signifie qu'il a ajourné indéfiniment ou, si la date de retour est connue, qu'il reprendra ses travaux pas plus de deux semaines avant la date de délivrance du mandat.

Les mandats spéciaux, tels que nous les connaissons, sont un mécanisme particulier au Canada. Ils n'existent pas dans les autres pays dont le régime est calqué sur celui de Westminster. L'Australie, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande n'y ont pas recours.

Les mandats spéciaux ont vu le jour en 1864. À l'époque, on estimait avoir besoin d'un mécanisme pour couvrir les dépenses imprévues qu'entraîneraient les réparations aux édifices publics. Les mots «édifices publics» ont toujours fait partie des mandats. Toutefois, en 1866, devant la menace que représentaient les attaques des Féniens, le gouvernement a jugé qu'il fallait renforcer la milice. Toutefois, comme il n'avait pas d'argent, il a décidé de prélever illégalement des fonds sur le Trésor. En 1867, suite à l'adoption de la première Loi de la vérification, la disposition a été élargie afin d'y inclure les dépenses imprévues et urgentes. D'où le concept des édifices publics et des dépenses urgentes et imprévues, un concept qui est particulier au Canada.

Entre 1867, et 1896, les mandats du Gouverneur général ont été très peu utilisés. Toutefois, les gouvernements ont commencé à s'habituer à ce mécanisme et donc à y avoir recours plus souvent. Ainsi, chaque fois qu'un mandat était délivré, le gouvernement soumettait au Parlement un budget supplémentaire pour obtenir l'autorisation formelle d'engager des dépenses. Toutefois, on a eu tendance à délaisser un peu cette pratique dans les années 80. En fait, pendant une certaine période, le gouvernement a eu recours à des mandants pendant trois ans dans le cadre d'un seul projet de loi de crédits.

En 1896, le Canada a traversé une période plutôt difficile, les Conservateurs ayant été remplacé par les Libéraux à la tête du pays. Lorsque le gouvernement Laurier a accédé au pouvoir, il ne disposait pas de crédits. Il y avait eu un débat en avril 1896, mais le projet de loi de crédits avait été rejeté. Les dépenses requises étaient connues, mais on ne disposait pas de crédits.

Lorsque le gouvernement a pris le pouvoir en 1896, le pays traversait une période difficile. Il faut se rappeler qu'il n'y avait pas de périodes d'octroi de crédits en 1896. Donc, pour obtenir des crédits, le gouvernement devait convoquer le comité des subsides, faire adopter un projet de loi et se constituer ensuite en comité plénier, une procédure assez longue.

Le gouvernement n'était pas défait, mais il ne pouvait pas obtenir de crédits. Il faisait la navette entre les comités d'une session à l'autre, et quand les sessions prenaient fin, il avait recours à des mandats pour obtenir des fonds, en soumettant chaque fois un budget supplémentaire. On est arrivé à la conclusion que c'était le processus électoral qui compliquait les travaux des subsides.

Entre 1896 et 1951, plusieurs changements ont été apportés. En 1931, la loi a été rebaptisée Loi sur l'administration financière et, en 1951, de nouvelles modifications ont été apportées aux dispositions relatives aux mandats spéciaux.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, le Parlement a ajourné, mais la session n'a pas été prorogée, au motif qu'on pouvait rappeler le Parlement et régler des questions sans avoir à composer avec les formalités habituelles qui entourent la prorogation, comme le discours du Trône et le débat qui s'ensuit. Il fallait agir rapidement, de sorte que le Parlement n'a pas été prorogé, mais tout simplement ajourné.

On voulait en quelque sorte légitimer ce principe dans la Loi sur l'administration financière. On a donc modifié le libellé de la loi pour y inclure l'expression sine die. Autrement dit, le Parlement pouvait avoir recours aux mandats lorsqu'il ajournait indéfiniment et qu'aucune date de reprise des travaux n'était fixée.

Les changements apportés en 1951 comprenaient également l'obligation de faire publier les mandats dans la Gazette du Canada dans les 30 jours suivant leur établissement.

La loi a subi de nouvelles modifications en 1958, autre période intéressante. On y a ajouté une disposition qui précisait que les mandats ne pouvaient être utilisés dans les deux semaines qui précédaient la reprise des travaux.

Le débat entourant la réforme de la loi a donné lieu à des échanges intéressants. Le gouvernement de l'époque jugeait superflue l'idée de s'adresser au Parlement pour obtenir l'autorisation d'engager des dépenses qui avaient déjà été effectuées. Il a donc décidé de supprimer cette exigence. L'opposition, même si elle acceptait la légalité des dépenses, n'acceptait pas ce manque de transparence de la part du gouvernement. Le gouvernement est donc revenu sur sa décision et a laissé intacte la disposition voulant qu'il s'adresse au Parlement pour obtenir des crédits.

De plus, M. Fleming, le ministre des Finances de l'époque, a reconnu que la reconstruction des édifices publics détruits n'avait plus sa raison d'être. Le seul élément qui restait dans le projet de loi, c'était le principe des dépenses urgentes. On a donc supprimé toute mention aux édifices.

Lorsqu'on a demandé à M. Fleming de définir ce qu'il entendait par dépenses urgentes, il a utilisé comme exemple la nécessité de nourrir et de vêtir les réfugiés hongrois, victimes de l'insurrection de 1956. C'était une situation qu'il qualifiait d'urgente parce que le gouvernement n'avait pas suffisamment d'argent pour nourrir et habiller les réfugiés hongrois.

La Loi sur l'administration financière n'a fait l'objet d'aucune autre modification depuis 1958. Il y a eu des propositions, dont certaines qui ressemblaient au projet de loi de M. Milliken, mais elles n'ont rien donné de concret. Le comité a tenu plusieurs audiences sur cette question en 1989.

En effet, les élections de 1988 avaient ramené les Conservateurs au pouvoir. Le 12 décembre, le gouvernement a rappelé le Parlement pour le saisir d'un projet de loi particulier, soit l'Accord de libre-échange, comme bon nombre d'entre vous s'en souviennent. Le projet de loi a été ratifié.

Le 16 décembre, le gouvernement a déposé un budget supplémentaire.

Le 30 décembre, le Parlement a ajourné jusqu'au 6 mars 1989, sans que le gouvernement ne présente de budget de dépenses supplémentaire.

Comme il n'y a pas eu de budget déposé, le crédit 5 est arrivé à expiration, de sorte qu'il ne restait plus de fonds.

Le 19 janvier, le gouverneur général a établi un mandat autorisant des dépenses de 80 millions de dollars. Les mandats du gouverneur général ont une durée d'au plus 30 jours. Ils sont habituellement assortis d'une limite de temps. Dans ce cas-ci, le mandat était émis pour la période allant du 12 décembre au 19 janvier, soit une trentaine de jours.

Le 16 février, un deuxième mandat autorisant des dépenses de 500 millions de dollars a été établi, encore une fois pour une trentaine de jours. Comme le Parlement reprenait ses travaux le 6 mars, les mandats du gouverneur général ne pouvaient être utilisés après le 20 février. Cette date correspondait à une période de deux semaines.

Le 28 février, le Parlement était prorogé, ce qui veut dire que les mandats du gouverneur général pouvaient être utilisés de nouveau.

Le 23 mars, un autre mandat prévoyant des dépenses de 890 millions de dollars a été établi. Le 1er avril, soit au début de la nouvelle année financière, un mandat autorisant des dépenses de 6,2 milliards de dollars a été établi pour une période de 45 jours.

Le 3 avril, le Parlement a entamé sa deuxième session, et un projet de loi des crédits a été déposé.

Le 3 mai, le comité a entrepris son examen du budget des dépenses principal avant de se pencher sur le projet de loi des crédits, le 10 mai.

Le comité s'est attaché, au cours de ses audiences, à examiner l'opportunité des mandats et l'urgence des dépenses. Ces deux facteurs l'ont amené à explorer la légitimité du geste posé par le gouvernement et le précédent établi par celui-ci. Il a pour cela envisagé les diverses formules d'ajournement qui existent.

En ce qui concerne la dissolution, le comité est arrivé à la conclusion que, s'il y avait dissolution, l'urgence des dépenses pouvait constituer une demande raisonnable. Comme le sénateur Forsey l'a fait remarquer à l'époque, si aucun crédit n'est voté, on se retrouve immédiatement dans une situation d'urgence. En 1896, le conseiller juridique du Parlement avait convenu que le versement des salaires aux fonctionnaires et à la milice était considéré comme une dépense urgente, tout comme le fonctionnement normal du gouvernement. Il n'y avait donc eu aucun débat ou discussion sur l'importance d'établir des mandats au cours de la dissolution du Parlement.

La question de la prorogation était plus complexe. À une certaine époque, lorsqu'il y avait prorogation, il était difficile de rappeler le Parlement, et encore plus difficile de s'attaquer aux affaires courantes, en raison des formalités accompagnant l'ouverture d'une nouvelle session. Aujourd'hui, lorsqu'une session prend fin, on en commence une nouvelle immédiatement. On aurait pu, en 1989, invoquer l'urgence de la situation pour justifier le recours aux mandats, sauf qu'on connaissait l'importance des sommes en cause.

La dernière question était celle de l'ajournement. Aujourd'hui, on peut reconvoquer le Parlement assez facilement, d'où la difficulté d'invoquer l'urgence d'une situation. Ce qui nous amène à la question de la légalité, un thème que les sénateurs Stewart et Frith ont débattu vigoureusement.

Le comité s'est entendu sur la question du recours aux mandats pendant la dissolution. Il y a eu quelques discussions entourant l'utilisation des mandats pendant la prorogation, mais aucune en ce qui concerne l'ajournement.

Deux rapports ont été déposés. Le premier modifiait le projet de loi des crédits et le renvoyait à la Chambre. Il contenait une disposition qui prévoyait que les paiements effectués au moyen de mandats spéciaux seraient jugés légaux. La Chambre a rejeté cette modification puisqu'elle laissait sous-entendre que les paiements effectués dans le passé étaient illégaux.

Un deuxième rapport a été déposé; il ne proposait aucune modification. Toutefois, il contenait une deuxième partie assez volumineuse qui traitait de l'urgence des paiements, de leur légalité et des précédents établis.

Voilà qui termine mon exposé. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Il me fait plaisir de vous revoir ici après les bons services que vous nous avez rendus lorsque vous étiez le recherchiste principal de notre comité. Vous nous avez parlé des changements parlementaires législatifs qui pouvaient expliquer dans le passé l'utilisation de cette clause qui date de 1864 et qui est unique au Canada.

Nous avons parlé de changements. Mais au fond, le grand changement qui explique pourquoi nous avons aujourd'hui une telle clause, c'est que jusqu'en 1960, il n'y avait pas de transport rapide au Canada. Avant les jets, c'était le chemin de fer et venir de Vancouver ou de Terre-Neuve à Ottawa était une aventure.

Nous avions un problème de temps étant donné la grandeur du pays. Maintenant, nous avons les jets. Nous avons maintenant des instruments de communication instantanée. Avons-nous encore besoin d'une clause de 1860 qui était là à cause de l'étendue du territoire et du manque de communication dans le monde d'aujourd'hui?

La session fonctionne de huit à neuf mois par année. Dans les autres mois, c'est généralement l'été. Le gouvernement peut nous rappeler et, le lendemain, la session peut recommencer. À l'exclusion de la période électorale de 36 jours, est-ce vraiment encore nécessaire?

Je suis en accord grosso modo avec la proposition de M. Milliken. Cela resserre les choses. C'est un minimum de les resserrer parce que l'on a vu, avec l'ancienne législation, qui n'avait pas été modifiée depuis 1958, semble-t-il, des gestes plus ou moins opportuns dans les années 1980, à la suite de gros débats politiques sur le libre-échange et les changements à la campagne électorale. On s'est bombé le torse un peu fort.

L'administration a accepté cela, semble-t-il. On veut éviter ce genre d'abus. Cela me paraît raisonnable. Le contrôle parlementaire des dépenses publiques doit être strict, particulièrement du côté de la Chambre des communes. Ils sont élus. C'est un vieux principe de notre système. Il faut y revenir.

Dans quelle mesure cette clause est-elle utile? Il ne l'ont pas en Angleterre et cela marche. Le système parlementaire britannique est notre modèle. L'Australie, un grand pays, n'a pas cela non plus.

Tout notre système parlementaire britannique donne une force incroyable à l'exécutif. Déjà, en partant, le système favorise le gouvernement. Le principe est le suivant: le gouvernement est là parce qu'il a remporté la majorité des sièges. Le gouvernement, c'est le chef du groupe majoritaire. C'est lui qui mène. Nous ne sommes pas aux États-Unis. Le président est là, le Congrès fait autre chose et il y a un jeu. Ici, c'est clair. Le système favorise le gouvernement.

L'exécutif a déjà en partant une force prépondérante. Ce qu'il faut faire, au moins dans le système britannique, si l'on veut être en démocratie, est de mettre un système de contrainte pour empêcher que l'exécutif ne tombe naturellement dans des abus. Je me demande si nous ne devrions pas aller plus loin et enlever complètement la clause qui permet les mandats spéciaux.

Notre distingué président, qui a une longue expérience parlementaire, va être intéressé par votre commentaire là-dessus. J'aimerais avoir le point de vue d'un fonctionnaire qui a travaillé à ce comité et qui travaille maintenant chez le vérificateur général du Canada.

Le vice-président: Je suis soulagé d'entendre le sénateur Bolduc dire qu'il est en faveur du projet de loi. Il a été adopté à l'unanimité par tous les partis à la Chambre des Communes. Il pose une question fondamentale. Est-ce que nous avons vraiment encore besoin de mandats spéciaux du Gouverneur général? Le projet de loi fera en sorte qu'à partir du moment où le Parlement est dissous, jusqu'à 60 jours après les élections et jusqu'au moment où le Parlement est rappelé, c'est la seule période ou le Cabinet peut dépenser de l'argent sans avoir été autorisé par la Chambre des communes. Le sénateur Bolduc dit: Est-ce que nous en avons encore besoin aujourd'hui? Si le gouvernement, avant de déclencher les élections, avait fait adopter les crédits par le Parlement, il n'y aurait pas de problème. Nous pourrions demander à M. Greenberg son opinion, mais également celle du député Milliken, qui représente le gouvernement et qui est le parrain de ce projet de loi et aussu celle de M. Joyce du Conseil du Trésor.

[Traduction]

Vous pouvez, MM. Joyce et Milliken, vous joindre à nos témoins et répondre à la question fondamentale du sénateur Bolduc.

M. Greenberg: Monsieur le président, je suis d'accord avec tout ce que dit le sénateur Bolduc. J'ajouterai qu'il faut absolument prévoir un mécanisme qui permet à un gouvernement nouvellement élu de financer ses programmes, une fois les crédits votés utilisés.

Comme vous le savez, l'Australie et le Royaume-Uni utilisent une démarche différente. L'honorable président y a fait allusion. Avant qu'il ne soit dissout, le Parlement, en Australie et au Royaume-Uni, vote des crédits. Il n'y a aucun débat. C'est une simple exigence. Évidemment, le Parlement dans ces pays est reconvoqué beaucoup plus rapidement.

Nous utilisons ici une autre démarche, qui est particulière au Canada. À mon avis, cela revient à la même chose. Il n'est pas nécessaire de les soumettre au Parlement, c'est vrai, mais cela veut dire qu'un gouvernement nouvellement élu a le pouvoir d'engager des dépenses avant que le Parlement ne soit rappelé.

Les mandats ne peuvent pas être utilisés pour une période indéterminée. Comme je l'ai déjà indiqué, ils peuvent uniquement être utilisés pendant 30 jours. Évidemment, en 1989, ils ont été utilisés pendant 45 jours. Après le retour des brefs, soit entre sept et dix jours après une élection, le gouvernement dispose d'un délai qui peut aller jusqu'à 90 ou 105 jours. Si le délai était fixé à 90 jours et qu'une élection était déclenchée à la mi-juin, il faudrait alors qu'il rappelle le Parlement entre le milieu et la fin de septembre. Il s'attaquerait d'abord à la question des subsides, sans guillotine et sans jours désignés qui se termineraient à la fin de décembre.

Il y aurait manifestement une sorte d'entente où le Parlement nouvellement élu réglerait les questions relatives aux subsides, ce qui équivaut à ce que font l'Australie et le Royaume-Uni.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Est-ce que vous me permettriez un commentaire, monsieur le vice-président?

Le vice-président: Certainement.

Le sénateur Bolduc: Vous nous dites que c'est la même chose qu'en Australie, ce n'est pas tout à fait le cas. On consacre le principe du contrôle des dépenses par les élus du peuple en Australie. Chez nous, on dit que le gouvernement est sage, qu'il ne fait pas de folies. Par la suite, les parlementaires diront oui aux demandes du gouvernement. Il y a une différence. Cela prend un exécutif fort, peut-être plus qu'en Angleterre.

Vous savez, contrairement à beaucoup d'autres, je pense qu'il y a beaucoup de sagesse à ce que l'on mette le plus de frein possible à la force naturelle dans le système de l'exécutif. Ce n'est pas que je sois contre le gouvernement. Mais c'est une question de principe dans un régime démocratique. C'était la seule remarque que je voulais faire là-dessus.

[Traduction]

M. Greenberg: Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur, mais il est toujours intéressant d'avoir un mécanisme qui est particulier au Canada, au lieu de suivre le modèle des autres pays.

[Français]

M. Milliken: J'ai répondu à la même question la dernière fois où j'ai comparu. J'ai indiqué que le changement que j'ai proposé est acceptable pour le gouvernement. Le projet de loi a été adopté à l'unanimité à la Chambre des Communes.

Si l'on propose un tel changement, comme l'a suggéré le sénateur Bolduc, je crois que cela serait inacceptable pour le gouvernement. Cela demanderait un changement dans la méthode d'adopter un subside avant la dissolution ou la prorogation d'une session ou d'un Parlement. Sans un tel changement dans la méthode d'opérer, nous ne pouvons pas abolir les mandats spéciaux. Mais nous pouvons continuer avec cette procédure dans le temps limité prévu dans ce projet de loi. Cela serait plus acceptable qu'auparavant. Peut-être qu'après quelques années, nous pourrons y aller avec un tel changement et nous l'accepterons. Je crois que c'est le meilleur projet à l'heure actuelle.

Le sénateur Bolduc: Il n'y a pas de doute que c'est une amélioration. Je ne fais pas de débat là-dessus.

[Traduction]

M. Mike Joyce, directeur, Prévisions budgétaires, secteur de la gestion des dépenses, Conseil du Trésor: Monsieur le président, je ne peux que compléter les propos de MM. Greenberg et Milliken.

En ce qui concerne le processus actuel d'attribution des crédits, si nous octroyons uniquement des crédits provisoires, ce qui, en temps normal, devrait permettre au gouvernement de couvrir ses dépenses pendant trois mois, et que, pour une raison ou une autre, la Chambre est dissoute avant la fin de la période des subsides et avant l'octroi de l'ensemble des crédits nécessaires, le gouvernement se trouverait littéralement à court d'argent. Par conséquent, nous devons avoir un mécanisme qui permet de répondre aux besoins du gouvernement et, par exemple, de payer le salaire des fonctionnaires comme moi-même.

C'est dans les situations de ce genre qu'on aurait recours aux mandats spéciaux du gouverneur général. Si ces mandats n'existaient pas, il faudrait alors prévoir un autre mécanisme pour éviter de nous retrouver à court d'argent. Il s'agit d'un simple mécanisme.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Cela m'a frappé. Dans ce que l'on appelait des dépenses urgentes et imprévisibles, c'est-à-dire la liste qui contenait des mandats spéciaux, il y avait des affaires prévisibles à l'avance et qui n'étaient pas d'une urgence nationale. Je ne sais pas comment les gens ont pu l'interpréter de cette façon.

Le sénateur Rizzuto: Après avoir entendu les témoignages, les questions et les réponses de tous les témoins ainsi que le résumé qu'en a fait notre collègue, je n'ai pas d'autres questions. Alors, s'il n'y a pas d'autres témoins, nous devrions en faire rapport à la Chambre.

Le vice-président: Le sénateur Rizzuto a déposé une motion. Est-ce que les membres du comité sont d'accord pour l'adoption du projet de loi et le renvoi du rapport à la Chambre du Sénat?

Le sénateur Mercier: Oui.

Le vice-président: Nous remercions les témoins. Nous considérons que ce projet de loi a été approuvé à l'unanimité par le comité et nous en faisons rapport à la Chambre.

[Traduction]

La séance est levée.


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