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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 19 - Septième et huitieme rapports du comité


Le MERCREDI 12 février 1997

Le comité, sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre Comité auquel a été envoyé le Budget des dépenses 1995-1996, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 12 juin 1996 (le transfer canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), examiné le dit budget et en fait ici rapport.

Le 15 juin 1995, le comité a déposé son quinzième rapport sur les audiences qu'il a tenues dans le cadre de son examen du projet de loi C-76, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 1995. Dans ce rapport, il résumait ses conclusions sur un certain nombre des sujets visés par le C-76. Comme il avait alors quelques réserves concernant le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), il estimait que la question méritait plus ample examen. Conformément à son ordre de renvoi relatif au budget principal des dépenses 1995-1996 (Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux), il s'est réuni à plusieurs reprises pour recevoir des témoignages et examiner les modalités du TCSPS. Dans le cadre des audiences qu'il a tenues en novembre et décembre 1995, il a entendu le Caledon Institute of Social Policy, le Fraser Institute, le ministère fédéral de la Santé, le ministère de la Santé de l'Alberta ainsi que l'honorable Joy MacPhail, ministre des Services sociaux de la Colombie-Britannique. Dans le cadre des audiences qu'il a tenues en septembre et octobre 1996, il a entendu le ministère du Développement des ressources humaines et la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé. Voici ses conclusions.

Le transfert canadien en matière de santé et de services sociaux aura des conséquences importantes pour les systèmes de soins de santé, d'aide sociale et d'enseignement postsecondaire au Canada. Étant donné que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie étudie déjà les effets du transfert sur l'enseignement postsecondaire, cette question ne sera pas abordée dans la présente étude. Votre Comité est très conscient, toutefois, que les changements apportés au financement fédéral au titre de l'enseignement postsecondaire auront une influence considérable sur le système éducatif au Canada, sur ses enseignants et ses étudiants. La détérioration de la qualité des services d'enseignement au Canada qui pourrait se produire si les services n'étaient plus financés de la même manière est une autre source d'inquiétude pour votre comité. Nous espérons qu'on ne tolérera pas que la qualité du système d'éducation au Canada se détériore ainsi, et que les changements proposés en vertu du transfert canadien en matière de santé et de services sociaux aideront le Canada à préserver ou à améliorer sa capacité de dispenser des services éducatifs à ses citoyens.

TRANSFERTS PÉCUNIAIRES FÉDÉRAUX

Les audiences ont porté sur un large éventail de sujets, mais quatre grands thèmes ont surtout retenu l'attention des témoins et des membres. Le premier, c'est le niveau des transferts pécuniaires du gouvernement fédéral aux provinces dans le cadre du TCSPS Les transferts du TCSPS se composent des points fiscaux remis aux provinces dans les années 70 et d'un paiement en argent. Établi à l'aide d'une formule qui tient compte de sa capacité fiscale, le paiement en argent a pour but de permettre à chaque province d'assurer à ses citoyens un niveau de soins de santé, de services d'éducation postsecondaire et d'aide sociale comparable à celui des autres

Le paiement en argent du TCSPS est censé être moins élevé que dans le cadre des programmes antérieurs, à savoir le Régime d'assistance publique du Canada et le Financement des programmes établis. Plusieurs particuliers et représentants des gouvernements provinciaux craignent que cette réduction de l'argent fédéral n'ait de graves répercussions sur les soins de santé et les services sociaux. Ce que craignent les provinces, c'est que la réduction des transferts ne leur rende plus difficile la tâche de maintenir les programmes sociaux au niveau actuel de service et de qualité. Chose sûre, certaines des provinces économiquement faibles ne seraient pas en mesure d'assurer des services comparables à ceux des provinces économiquement fortes. Tout en se préoccupant eux aussi des effets de la réduction des transferts sur la qualité des soins de santé et des services sociaux, les particuliers font observer que, à mesure que diminuera l'importance des transferts pécuniaires par rapport aux transferts fiscaux, l'aptitude du gouvernement fédéral à influer sur la politique sociale diminuera.

À propos de la réduction des transferts pécuniaires fédéraux après 1997-1998, Judith Maxwell, de l'Université Queen's, estime qu'elle risque d'avoir de graves répercussions sur la qualité et la quantité de l'aide sociale en entraînant au mieux la balkanisation des programmes, au pire le nivellement par le bas par les gouvernements provinciaux.

Les professeurs Banting et Broadway voient dans le TCSPS de grands avantages, mais ils estiment que ces derniers doivent être garantis et étendus. Ils sont en particulier d'avis que le TCSPS devrait devenir une composante permanente de la structure fédérale des programmes sociaux plutôt qu'un élément temporaire. Ils s'inquiètent de la disparition possible des transferts pécuniaires fédéraux dès le début du siècle prochain. Si le financement fédéral vient à disparaître, ils pensent que le TCSPS risque de s'estomper aussi, et d'importantes valeurs canadiennes seraient alors elles aussi menacées. Les professeurs exhortent donc le gouvernement fédéral, pour préserver ces valeurs, à déclarer qu'il continuera de contribuer financièrement aux programmes.

Comme les témoins du monde universitaire, Ken Battle, du Caledon Institute, considère que le TCSPS est sans doute le changement le plus important à survenir dans l'État-providence canadien. Cependant, il se demande si c'est un changement souhaitable. À l'instar des autres avant lui, il croit que la structure du TCSPS et, en particulier, la réduction des transferts pécuniaires fédéraux risquent d'entraîner une détérioration des services sociaux. Il craint aussi que le gouvernement fédéral ne perde de son influence sur la politique sociale au Canada. Pour conserver cette influence, le gouvernement fédéral doit maintenir une présence financière substantielle dans la politique sociale des provinces afin de s'assurer que leurs programmes sociaux et leurs services de santé répondent à des normes ou à des lignes directrices nationales. Autrement, il y a danger que, au début de la prochaine décennie, le transfert pécuniaire fédéral ne disparaisse. Malheureusement, bien avant cette date, le gouvernement fédéral aura perdu sa capacité d'influer sur la politique.

Cependant, le fait pour le gouvernement fédéral de déclarer qu'il entend continuer de verser une somme d'argent substantielle dans le cadre du TCSPS risque de donner de fausses assurances. Michael Walker, du Fraser Institute, soutient que, à cause de sa capacité financière décroissante et de son endettement, le gouvernement fédéral voudra cesser d'exercer des fonctions qui relèvent plutôt des provinces comme les services sociaux, l'assurance-chômage et la formation de la main-d'oeuvre, voire même les services de santé et les paiements de péréquation. Il rappelle qu'il s'agit là de responsabilités intrinsèquement provinciales. À cause des difficultés financières que le gouvernement fédéral continuera d'éprouver d'ici à la fin du siècle, il s'attend à ce que le TCSPS disparaisse complètement.

Les témoins fédéraux rejettent ces scénarios. David Walker, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, assure que le gouvernement actuel n'a pas l'intention de supprimer le transfert en argent du TCSPS. M. Van Loon, sous-ministre associé de la Santé, affirme que le gouvernement fédéral entend maintenir un transfert en argent substantiel et prévisible dans le cadre du TCSPS. Enfin, M. Cappe, sous-ministre du Développement des ressources humaines, fait observer que, dans le budget de 1996, le gouvernement s'engage à revenir progressivement à une croissance des transferts totaux du TCSPS et fixe le transfert pécuniaire à au moins 11 milliards de dollars.

QUALITÉ DU SERVICE ET NORMES NATIONALES

Les audiences ont également porté sur la diminution éventuelle de la quantité et de la qualité des soins de santé et de l'aide sociale et sur la possibilité de mettre en place des normes propres à garantir que les Canadiens recevront des services comparables d'un océan à l'autre. Bien que beaucoup de témoins se demandent si le gouvernement fédéral paie sa juste part des coûts du système de santé et des services sociaux, tous s'inquiètent de l'effet de la réduction des transferts fédéraux sur la qualité des services de santé, des services sociaux et de l'éducation. Certains estiment que, par suite de la disparition des transferts fédéraux, les provinces seront obligées de réduire leurs services. Plusieurs craignent que cette réduction ne touche surtout les éléments de la population qui sont le moins en mesure de faire entendre leur voix.

Selon Sherri Torjman, du Caledon Institute of Social Policy, les programmes d'aide aux personnes qui ont des besoins particuliers du fait de leur état de santé ou de leur invalidité risquent d'être les plus touchés par la réduction des transferts fédéraux. Étant donné la priorité relativement faible accordée à l'aide sociale comparativement aux soins de santé et à l'éducation postsecondaire, la situation préoccupe plusieurs témoins ainsi que les membres du Comité.

De l'avis de Cynthia Ramsay, du Fraser Institute, les problèmes de qualité des services de santé ne résultent pas seulement de la réduction des transferts fédéraux, mais aussi du monopole des provinces en la matière. Elle croit que, à cause de pressions financières, les provinces essaient de ralentir la croissance naturelle du système de santé, d'où une distorsion du marché qui entraîne la détérioration des services, l'augmentation des prix, la lenteur à innover et l'insatisfaction des malades. En réduisant ou en éliminant ces problèmes, la concurrence introduirait dans le système de santé des efficiences qui profiteraient à tous les Canadiens.

L'honorable Joy MacPhail, ministre des Services sociaux de la Colombie-Britannique, fait observer que, depuis que le gouvernement fédéral réduit son soutien financier, les services varient de plus en plus d'une province à l'autre. La possibilité d'une diminution de la qualité des soins de santé et de l'aide sociale porte à se demander s'il ne serait pas souhaitable d'établir des normes capables de guider les provinces et le gouvernement fédéral. Il y a aussi la question de savoir comment faire respecter ces normes.

À l'heure actuelle, le TCSPS ne pose pas de conditions aux transferts au titre de l'éducation postsecondaire. Les transferts au titre de l'aide sociale sont assortis d'une seule condition, à savoir que les provinces ne doivent pas imposer de critères de résidence aux bénéficiaires d'aide sociale. Quant aux transferts au titre des services de santé, ils sont assortis des conditions prévues par la Loi canadienne sur la santé. Cependant, ces conditions ne sont pas tant des normes que des lignes directrices relatives à l'exécution des programmes dans les domaines de la santé, de l'éducation et des services sociaux. M. Cappe fait observer que les principes de la Loi canadienne sur la santé visent non pas la norme, mais l'administration des soins de santé. Chaque province décide elle-même du niveau de soins de santé qu'elle veut assurer. Cependant, la méthode qu'elle choisit pour y parvenir doit se conformer aux principes de la Loi canadienne sur la santé, sinon elle risque de se faire pénaliser par une réduction des transferts.

Les membres du comité ont du mal à comprendre pourquoi ces restrictions sont nécessaires si la norme des services de santé n'est pas régie par la Loi canadienne sur la santé. Ils estiment que les provinces pourraient peut-être assurer de bons services de santé tout comme ils assurent de bons services d'éducation postsecondaire sans la surveillance du gouvernement fédéral. Ils se demandent si les principes de la Loi canadienne sur la santé n'empêchent pas en fait les provinces de trouver des solutions novatrices aux problèmes du système de santé.

L'honorable Joy MacPhail, qui préside le conseil des ministres des Services sociaux, rappelle que les provinces travaillent à élaborer une vision et un ensemble de principes relatifs à l'exécution des programmes sociaux. Cette vision comporte un filet social qui doit assurer la sécurité sociale et économique et, ce faisant, protéger les enfants et les adultes dans le besoin. Elle estime qu'un tel système doit permettre d'atteindre à l'autonomie et au bien-être.

Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, David Walker, fait observer que le ministre du Développement des ressources humaines a le mandat d'inviter les représentants de toutes les provinces à élaborer de façon consensuelle un ensemble de principes et d'objectifs communs en matière de programmes sociaux. Cependant, il assure que le gouvernement n'a pas l'intention d'imposer aux provinces des normes ou des lignes directrices en la matière.

Le Mme Jane Fulton, sous-ministre de la Santé de l'Alberta, a exprimé le point de vue de sa province, à savoir que la prestation de services de santé ne devrait pas relever des autorités gouvernementales. La province devrait plutôt s'attacher à élaborer des normes, à surveiller les services, à assurer un contrôle et à régler les problèmes de santé publique. Ainsi, l'Alberta veut éliminer les chevauchements de mandats, mesurer les résultats à l'aune de normes nationales mutuellement convenues par les deux niveaux de gouvernement et obtenir plus de flexibilité dans les arrangements fiscaux. Le Mme Fulton estime que les principes de la Loi canadienne sur la santé sont bons, mais que leur mise en oeuvre est démodée et doit être modifiée.

C'est ce dont témoigne, selon le docteur Fulton, le conflit actuel entre l'Alberta et le gouvernement fédéral, conflit qui ne porte pas sur les principes de la Loi canadienne sur la santé, mais sur les modalités d'exécution des services de santé.

Le Mme Fulton aborde, par exemple, le problème des listes d'attente pour les soins de santé au Canada. Dans bon nombre de cas, les organismes canadiens de soins de santé ne disposent pas des ressources nécessaires pour traiter immédiatement les patients, lesquels doivent attendre leur tour. Même si les périodes d'attente ne sont pas considérées comme critiques pour les patients, beaucoup de Canadiens ont les moyens de se procurer un traitement à l'extérieur du système, notamment dans les installations américaines. En Alberta, on considère que, lorsque des Canadiens quittent le pays pour se faire traiter aux États-Unis, il y a un risque de perte d'emplois pour le système canadien. C'est pourquoi le gouvernement albertain, plutôt que de perdre ces emplois, a permis la création de cliniques privées capables de poser des actes médicaux même si ceux-ci ne sont pas couverts par le régime provincial d'assurance-santé. Le Mme Fulton cite le cas des chirurgies de la cataracte pratiquées en Alberta. Chaque année dans la province, on a besoin de 20 000 chirurgies de la cataracte, alors que les hôpitaux publics peuvent en exécuter seulement 18 000; la situation donnerait donc lieu à une liste d'attente de 2 000 patients pour ce type d'acte médical. Au lieu d'attendre une place dans un hôpital public ou de se rendre aux États-Unis pour se faire traiter, les Albertains peuvent choisir de payer eux-mêmes la chirurgie dans une clinique privée. Comme le traitement n'est pas couvert par l'assurance-santé de la province, cette dernière est considérée comme contrevenant à la Loi canadienne sur la santé. Par conséquent, le gouvernement fédéral l'a menacée de retenir une partie du transfert du TCSPS à moins que l'Alberta n'élimine ce service. Le Mme Fulton estime que la position du gouvernement fédéral est regrettable, car elle entraîne une diminution des services de santé pour les Albertains et une perte d'emplois dans la province.

D'après les observations des témoins fédéraux et provinciaux, il y a lieu d'espérer qu'on parviendra à établir des principes susceptibles de guider les pouvoirs publics dans l'élaboration des politiques en matière de santé et de services sociaux et dans l'exécution des services. Cependant, les témoins du secteur privé ne sont pas tous aussi optimistes.

Selon Sherri Torjman, du Caledon Institute, il est peu probable que les provinces et le gouvernement fédéral parviennent à négocier des normes ou des lignes directrices. Et même s'ils y parvenaient, Cynthia Ramsay, du Fraser Institute, ne voit pas comment le gouvernement fédéral pourrait les faire respecter. Elle ne croit pas que le gouvernement fédéral soit capable d'imposer les normes actuelles en matière de santé et estime peu probable qu'il puisse les faire respecter dans le cadre du TCSPS. Elle cite plusieurs exemples de services médicaux dont le coût, la quantité et la qualité varient déjà d'un client à l'autre même à l'intérieur d'une même province.

Si, comme le soutient Michael Walker du Fraser Institute, les transferts pécuniaires diminuent ou disparaissent à cause des difficultés financières au niveau fédéral, il viendra un moment où une province trouvera plus efficient de renoncer à l'argent fédéral et d'organiser son système de santé de la façon la plus économiquement efficace. À ce moment-là, des normes ou des lignes directrices nationales en matière d'exécution des soins de santé et des services sociaux auront peut-être une importance négligeable.

QUELQUES PRÉOCCUPATIONS PROVINCIALES

Mme MacPhail note que le conseil des ministres des Services sociaux s'inquiète du fait que le gouvernement fédéral, en refilant ses problèmes d'endettement aux provinces, est en train de modifier le filet de sécurité sociale dans tout le Canada. La réduction des dépenses fédérales impose aux provinces un fardeau financier considérable, lequel n'est pas pris en considération lorsque les autorités fédérales décident unilatéralement de changer les programmes. Un bon exemple de cette imprévoyance s'est produit dans sa propre province à la mise en vigueur du TCSPS.

Comme Mme MacPhail l'a rappelé au comité, la Colombie-Britannique est un point de ralliement pour bon nombre de chômeurs canadiens. En 1994, plus de 92 000 Canadiens y ont afflué de diverses parties du pays et beaucoup ont fini par joindre les rangs des assistés sociaux. Mme MacPhail note que, en 1995, une moyenne mensuelle de 2 400 personnes venant d'ailleurs au Canada sont entrées en Colombie-Britannique et se sont immédiatement inscrites à l'assistance sociale. Comme elle le précise, 28 p. 100 des nouveaux prestataires du revenu social de la Colombie-Britannique viennent d'autres provinces. Bien que le gouvernement provincial appuie le principe de la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada, l'arrivée d'un aussi grand nombre de chômeurs dans la province, à une époque de compressions financières au niveau fédéral, impose un lourd fardeau aux programmes provinciaux d'aide sociale. Lorsque le gouvernement fédéral a décidé de réduire ses transferts aux provinces dans le cadre du TCSPS, il ne semble pas avoir pris en considération l'incidence que cette décision aurait sur la migration interne au Canada. Plusieurs provinces ayant réagi aux coupures en réduisant les prestations consenties en vertu de leurs propres programmes, de nombreux Canadiens semblent avoir décidé de se rendre en Colombie-Britannique, étant donné en partie les conditions économiques relativement meilleures que connaît la province et peut-être aussi parce que c'est l'une des rares provinces à ne pas avoir réduit son aide sociale en proportion de la diminution du financement fédéral.

Cependant, les hauts niveaux de migration interprovinciale alourdissaient de plus en le budget des services sociaux de la province. Afin d'aider à limiter les coûts de ses programmes sans en réduire les prestations globales, le gouvernement de la Colombie-Britannique a imposé aux demandeurs une exigence en matière de résidence. Or, une telle exigence contrevient directement à l'unique critère établi au titre du TCSPS pour l'obtention d'un transfert fédéral au titre de l'aide sociale. En effet, le TCSPS interdit précisément l'utilisation du critère de résidence pour la prestation de services sociaux. Le gouvernement fédéral a par la suite annoncé qu'il retiendrait 47 millions de dollars en paiements de transfert du TCSPS à la Colombie-Britannique si la province ne levait pas son exigence en matière de résidence pour les assistés sociaux.

La Colombie-Britannique se considère pénalisée parce qu'elle est une province de destination. Mme MacPhail fait remarquer que, en raison de différences dans la croissance économique, certaines provinces sont plus susceptibles d'attirer les chômeurs des autres provinces. La province de destination est alors souvent obligée de fournir de l'aide sociale sans avoir reçu les transferts appropriés du gouvernement fédéral. C'est le cas de la Colombie-Britannique. Le problème vient de ce que le TCSPS ne reconnaît pas que la migration alourdit le budget des services sociaux de la province d'accueil. Mme MacPhail croit qu'il faudrait un peu songer aux changements démographiques lorsqu'il s'agit de fixer les transferts pécuniaires et elle est également d'avis que les autorités fédérales n'ont pas examiné les conséquences du TCSPS.

Le comité remarque que le budget de 1996 introduit une nouvelle formule d'allocation qui tient compte des migrations et de la croissance démographique. Par ailleurs, M. Cappe s'attend que le paiement en argent et le transfert de points d'impôt augmenteront avec le temps, ce qui allégera le fardeau imposé aux provinces dans les premières années du TCSPS.

L'expérience de la Colombie-Britannique porte à croire qu'il faudrait mener davantage de consultations lorsque le gouvernement fédéral envisagera de modifier sa participation dans des domaines mettant en cause les deux ordres de gouvernement. Selon Mme MacPhail, il faut que les sphères de compétence et les rôles de chaque palier dans ces domaines soient définis conjointement et précisément. Elle estime qu'il ne convient pas pour le pays que le gouvernement fédéral retire sa participation des services sociaux tout en gardant l'argent nécessaire à la prestation de ces programmes.

L'INNOVATION AU CANADA

Le docteur McLennan, président de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, s'inquiète de l'effet que la réduction des transferts aura sur la compétitivité du Canada en général et sur la santé des Canadiens en particulier. Si elle entraîne une diminution de l'activité de recherche dans les établissements d'enseignement supérieur, le pays produira moins d'innovations et sa position par rapport à ses concurrents commerciaux se détériorera. Déjà en 1996, les coupures dans les paiements de transfert au titre de la santé et de l'éducation secondaire se traduisent par une baisse de 18 à 30 p. 100 dans le soutien de la recherche liée à la santé et de l'infrastructure de recherche dans les centres de santé universitaires du Canada. Il croit que le pays doit trouver un équilibre entre la préservation et l'amélioration de sa qualité de vie et le maintien de sa position concurrentielle. Il estime que l'activité de recherche au Canada est sur le point d'atteindre des niveaux dangereusement bas.

En tant que vice-doyen de la recherche au collège de médecine de l'Université de la Saskatchewan, il croit que les services de santé s'en ressentiront gravement. Il cite des études prouvant que la recherche en santé génère de l'information utile, débouche sur des instrumentations et des méthodologies nouvelles, fait acquérir de nouvelles compétences à ceux qui s'y livrent et permet aux chercheurs de participer aux réseaux mondiaux de la recherche. Si le Canada souhaite bénéficier de services médicaux de premier ordre, il aura besoin non seulement du matériel et des installations voulus, mais aussi des experts capables de comprendre et d'utiliser les nouvelles technologies. Pour être efficaces, ces experts doivent être exposés à la recherche dans le cadre de leur travail ou de leurs études. En fait, la présence de scientifiques qualifiés, produits en nombre suffisant par les universités canadiennes, constitue un facteur critique lorsqu'il s'agit d'attirer au Canada des investissements mondiaux pour la recherche et le développement. Le Conseil de recherches médicales aide à la réalisation de cet objectif en appuyant la recherche des étudiants. En 1995, grâce à un budget de 241 millions de dollars, le conseil a offert des possibilités de formation à quelque 11 000 étudiants de deuxième cycle et boursiers postdoctoraux au Canada.

En outre, il faut créer et maintenir une collectivité de chercheurs pour attirer au pays des investissements de recherche et de développement et conserver les diplômés et les scientifiques. Si les investisseurs ne voient pas au Canada un environnement où la recherche peut être menée dans de bonnes conditions et par des personnes compétentes et bien formées, ils vont aller ailleurs. Si nous voulons conserver notre système de santé, nous devons innover davantage dans le financement de la recherche en santé.

La Coalition pour la recherche biomédicale et en santé formule un certain nombre de recommandations visant à maintenir l'activité de recherche à un niveau suffisant. Primo, que les dépenses de santé soient maintenues aux niveaux actuels pendant au moins trois ans afin de donner au secteur le temps de tirer le meilleur parti possible de la recherche évaluative pour adapter le système de santé aux nouvelles réalités financières. Secundo, que le Comité demande au gouvernement de prévoir dans le budget de février 1997 les mesures correctrices nécessaires pour fournir aux conseils subventionnaires des niveaux de financement comparables à ceux de nos concurrents. Tertio, que le Conseil consultatif du premier ministre sur les sciences et la technologie évalue l'impact des mesures de réduction du déficit fédéral sur la recherche. De l'opinion de la coalition, ces recommandations, si elles sont appliquées, pourraient créer 32 000 emplois dans un proche avenir. À un coût annuel d'environ 5 500 $ par emploi, il s'agit là d'une mesure relativement peu coûteuse de création d'emplois.

Le docteur McLennan rappelle que les entreprises ne font pas de recherche fondamentale. Leurs objectifs sont autres. En matière de recherche fondamentale, elles ne peuvent pas assurer la diversité et l'ampleur dont nous avons besoin comme pays. Ce sont les centres de santé universitaires qui sont censés mener la recherche en santé au Canada. Or, les réductions du financement des établissements d'enseignement supérieur sont en train de provoquer une crise. Le docteur McLennan craint que la recherche fondamentale dans les centres de santé universitaires ne disparaisse à brève échéance, d'où une quatrième recommandation : que le comité procède à une évaluation complète de l'impact des décisions macro-économiques des gouvernements sur le système de recherche canadien et recommande des mesures correctrices, propres à assurer un soutien public suffisant à l'infrastructure et aux activités de recherche.

Même si l'on nous assure que les transferts fédéraux vont augmenter à mesure que l'économie se rétablit et que le gouvernement maîtrise son déficit et sa dette, le docteur McLennan doute que les chercheurs du domaine de la santé puissent survivre même de trois à cinq ans aux niveaux de financement actuels. Il fait observer que l'appui à la recherche dans les centres de santé a été à ce point réduit ces dernières années que le système tout entier risque fort de s'effondrer. Déjà, les compressions imposées au Conseil de recherches médicales ont entraîné, dans les activités de recherche potentielles en 1995, une baisse évaluée à quelque 82,1 millions de dollars. Il s'agit là de possibilités de recherche qui auraient pu contribuer à la croissance et au développement du pays. Ce qui est encore plus déconcertant, c'est que la disparition des activités de recherche va entraîner une réduction dans la qualité des services médicaux, laquelle ne se manifestera peut-être pas immédiatement mais deviendra évidente dans une quinzaine d'années.

Pour obtenir la technologie, le Canada ne pourra pas compter sur les autres pays. Ces derniers seront peut-être disposés à nous la vendre mais, faute d'expérience en recherche, les Canadiens risquent de ne pas savoir quoi importer ni même ce qui est offert sur le marché.

MOT DE LA FIN

Dans son quinzième rapport, le comité concluait que le Sénat pourrait se donner pour rôle de surveiller les changements et les innovations dans le cadre du TCSPS et d'examiner l'énoncé de principe fédéral-provincial pouvant découler des consultations du ministre du Développement des ressources humaines. Le comité croit toujours que c'est là un rôle qui convient au Sénat.

Le comité est par ailleurs très préoccupé de l'incidence des compressions dans les transferts sur le niveau de recherche effectuée dans les centres de santé universitaires canadiens. S'il peut s'avérer nécessaire de limiter les dépenses dans les services de santé en général, nous ne devons pas perdre notre capacité à long terme de prendre des décisions avisées concernant la prestation des soins au Canada. La méthode la plus directe de garantir que le pays produit le personnel capable d'administrer à l'avenir le système des soins de santé du Canada semble d'appuyer les activités de recherches médicales dans les établissements universitaires. Par conséquent, le comité recommande au gouvernement fédéral d'augmenter immédiatement le financement qu'il consent au Conseil de recherches médicales.

Respectueusement soumis,


Le JEUDI 13 février 1997

Le comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le Projet de loi C-270, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (session du Parlement), a, conformément à l'Ordre de renvoi du mercredi 11 décembre 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président

DAVID TKACHUK


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