Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 5 juin 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui, à 15 h 15, pour poursuivre son examen des répercussions de l'intégration de l'Union européenne sur la conduite des affaires publiques nationales des États membres et des répercussions de l'émergence de l'Union européenne sur les relations économiques, politiques et militaires entre le Canada et l'Europe.
Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, notre témoin cet après-midi est le professeur Panayotis Soldatos. Il occupe la chaire Jean Monnet de l'Université de Montréal. La notice biographique du professeur Soldatos est impressionnante. Il a obtenu deux doctorats. Il a été «fellow» de l'Université Harvard. Il a été professeur invité à l'Université Jean Moulin de Lyon, et aux Universités de Versailles, McGill et Concordia.
Professeur Soldatos, veuillez présenter votre déclaration d'ouverture.
[Français]
M. Panyatis Soldatos, chaire Jean Monnet, Université de Montréal: Monsieur le président, je présenterai un exposé qui va se faire dans le cadre qui est le mien et qui a ses limites. Étant juriste et politologue, je ne vais pas m'aventurer dans d'autres champs au niveau de l'exposé. Quand il y aura la période des questions, je tåcherai de répondre de mon mieux à celles qui pourraient déborder le cadre que je vais présenter.
Ainsi je vais... mes remarques porteront sur le développement du système politique et institutionnel de l'Union européenne. Ce système est actuellement en révision: il y a une conférence intergouvernementale, donc une conférence «constitutionnelle», qui vise à modifier le cadre de ce système pour mieux le préparer pour un large nombre de pays de 20, 25 et plus d'ici 10 ou 15 ans.
Aussi est-il important de le cerner avec le plus de précision, parce qu'ainsi, en termes de politiques pour nous au Canada, il est plus facile de faire des politiques et de traiter avec un système dont nous connaissons bien la nature, dont nous comprenons l'essence, le contexte; et ceci pour traiter avec l'Union européenne, aussi bien sur le plan bilatéral que trilatéral, lorsque les Etats-Unis font partie du dialogue trilatéral, ou alors même multilatéral, lorsque nous avons à traiter avec les Européens dans le cadre d'organismes internationaux ou des forums internationaux comme l'Organisation mondiale du commerce et d'autres. Il est, enfin, important de connaître ce système parce qu'il est très particulier: on arrive difficilement à le cerner, ici comme ailleurs, parce qu'il n'existe pas d'autres systèmes de ce genre dans notre culture politique.
Nous avons un système qui est à la fois intergouvernemental, comme une organisation internationale, et a aussi une dose de fédéralisme. D'où la difficulté; d'où l'importance de l'examiner. Il y a une autre raison qui me porte à mettre l'accent sur ce système: c'est le fait qu'au Canada, pour des raisons liées à la difficulté du système, mais aussi à nos propres controverses politiques, le système de l'Union européenne a été tantôt présenté comme étant un système fédéral, tantôt comme étant un système intergouvernemental, selon l'obédience politique de l'acteur. Dans les débats canadien et québécois, on a présenté presque sous forme d'auberge espagnole ce système. Mais ce n'est pas une auberge espagnole, c'est un système qui, tout en étant particulier, a des règles précises de fonctionnement. On peut le cerner objectivement et il est important de s'y pencher; ceci d'autant plus que cela nous permettra de voir vers où ce système évolue ou pourrait évoluer. Alors, plutôt que de présenter de façon technique ce système, sa «plomberie», il est important de le présenter selon ses logiques de base.
Quelles sont ces logiques de base sur lesquelles on a construit et on a fait évoluer, depuis plus de 40 ans, le système de l'Union européenne qui en fait tourne surtout autour des communautés européennes --, la politique étrangère et sécurité commune, les affaires intérieures de justice sont des domaines plutôt de pure coopération intergouvernementale où il n'y a pas beaucoup à dire, si ce n'est leur faiblesse de produire des politiques cohérentes et efficaces sur le terrain international et européen?
Ces logiques sont des logiques qui ont été, en bonne partie, imaginées par Jean Monnet, quand il a inspiré la création des Communautés européennes, et facilitées et inspirées aussi par le contexte de l'époque.
À cet égard, j'ai identifié sept logiques de base autour desquelles évolue ou parfois n'évolue pas ce système européen et autour desquelles se fait le débat aujourd'hui en Europe.
La première logique de ce système est qu'il est un système élitiste. C'est un système qui a été fondé et qui fonctionne, en bonne partie, en dehors de l'intervention directe du public, du citoyen. C'est un système qui était conçu entre élites. Les traités qui ont créé les Communautés européennes n'ont jamais été soumis à une ratification référendaire. Puis, jusqu'à la fin des années 70, il n'y avait même pas de Parlement européen directement élu. C'étaient des représentants des parlements nationaux qui allaient siéger à une assemblée. Donc, c'est un système qui évolue en dehors, dans sa création et fonctionnement, de l'impact direct du citoyen. Je ne dirais pas seulement en dehors, mais aussi à l'abri: il fallait le protéger. Ce n'était pas par inadvertance ou par esprit antidémocratique que l'Union européenne, la Communauté européenne à l'époque, a été créée sans une élection directe, sans ratification référendaire des accords: on a voulu éviter une politisation prématurée du système, politisation qui pourrait le faire déraper.
Et bien sûr, nous connaissons, au Canada, quand on soumet à des consultations référendaires des projets, des dérapages d'accords conclus entre élites politiques. On a justement prévu à l'époque que si l'on ouvrait les débats politiques, on pourrait ne jamais arriver à créer les Communautés européennes; parce qu'il y avait beaucoup de partis politiques, dans différents pays, hostiles à l'Union européenne; parce qu'on sortait d'une grande guerre et que ce n'était pas tout à fait normal que les Français et les Allemands confient ensemble leur souveraineté à un système commun, aux Communautés européennes.
Toutes ces raisons ont fait qu'on a créé, dès le début, un système avec un déficit démocratique voulu, pour éviter que de grands débats politiques fassent déraper, dérailler un système qui est jeune, qui est particulier, qui est nouveau, que nous ne connaissons pas. On n'a jamais connu un système qui ne soit ni un État, ni une organisation internationale. Si l'on ouvre ce système nouveau, jeune, original, voire fragile, à des débats, nous risquons de déraper.
Voilà donc la première originalité: un système élitiste. Un système élitiste et je me réfère, entre autres, à l'élite technocratique de Bruxelles -- vous avez rencontré, à la commission, les commissaires et leurs équipes de 14 000 ou 15 000 fonctionnaires. C'est à elles qu'on a donné un rôle moteur dans cette logique élitiste. L'élite technocratique avait un rôle moteur. Ce rôle moteur était, d'abord, un rôle d'initiative législative.
En effet, contrairement à nos systèmes où c'est au Parlement de proposer des lois, de légiférer, dans le système communautaire, la commission a le monopole des propositions de législation. Pourquoi? Parce qu'on a pensé qu'un organe technocratique, éloigné du politique, pourrait faire la synthèse de tous ces intérêts nationaux. De même, le produit final, la législation en Europe, sort aujourd'hui avec quelques changements au niveau du Parlement, d'un conseil des ministres, comme si ici, le Cabinet canadien légiférait. On a voulu là aussi garder, en vase clos, avec ce déficit démocratique évidemment, le processus de législation pour que la commission d'abord, qui propose et qui est neutre, puisse faire l'homogénéisation de tous les intérêts nationaux et, par la suite, permette aux ministres de faire, en vase clos, leurs négociations, leur «bargaining» et arriver à une législation communautaire.
La deuxième logique, c'est la logique de la proportionnalité. Monsieur Bourassa a souvent insisté sur cet aspect. La proportionnalité dit qu'il faut que les institutions et leurs pouvoirs soient en proportion avec le degré d'intégration économique.
La CE n'est pas une zone de libre-échange, ce n'est pas une union douanière; c'est un marché commun, un marché unique avec déjà des éléments d'union économique et monétaire. Donc, cette intégration poussée doit avoir en proportion, à sa disposition, des institutions fortes, aussi fortes que le degré fort d'intégration. On comprend alors pourquoi, dans l'ALÉNA, on a des institutions faibles; il n'y a qu'une zone de libre-échange.
Pourquoi des institutions fortes ? D'abord, pour la rapidité de la décision. Si l'on doit adopter une politique agricole commune, si l'on doit négocier au GATT et adopter une politique commerciale commune, il faut le faire vite. On ne peut pas dire aux autres, aux Américains, aux Japonais: «Nous avons un système institutionnel faible. Il nous faut un an ou deux pour générer une décision commune». La rapidité dans ces questions d'intégration économique nécessite des institutions capables d'agir vite. Et agir vite, cela veut dire quoi? Que les institutions soient fortes, qu'elles aient des pouvoirs de décision dans l'UE, elles légifèrent; elles ont un pouvoir législatif; elles adoptent des décisions à la majorité plutôt qu'à l'unanimité. C'est un prérequis, ce besoin de rapidité. Mais il y a aussi le besoin de cohésion. Quand vous avez aujourd'hui 15 pays, on ne peut pas prendre des décisions selon le dénominateur commun le plus bas. D'où le besoin de disposer d'un système qui soit au-dessus des pays membres -- qu'on appelle supranational. Cela ressemble, en partie, au fédéralisme, avec des institutions qui ont reçu des pouvoirs souverains des États membres pour légiférer dans les domaines de leur compétence et le faire selon leurs propres règles et sans que tout le monde soit nécessairement d'accord. On voit aujourd'hui qu'avec la règle majoritaire, on peut minoriser de grands pays comme l'Allemagne et la France. C'est la raison pour laquelle, actuellement, dans la Conférence intergouvernementale, il y a des pays qui veulent réviser la décision à la majorité. Aussi, certains proposent non seulement une majorité de pays, non seulement une majorité de votes, mais aussi une majorité de populations. La raison, c'est que les grands pays se rendent compte qu'avec la nouvelle Europe élargie, ils seraient minorisés au profit des petits pays.
Donc, on a voulu ainsi que des institutions autonomes et indépendantes agissent avec rapidité, cohérence, sans tenir compte du dénominateur commun le plus bas, de tout le monde autour de la table. Cela, c'est la deuxième logique, celle de la proportionnalité. C'est l'acte unique européen. Le président Jacques Delors a pu vendre cet argument de proportionnalité en disant: en allant vers le marché unique, il faut renforcer, en même temps, les institutions. On ne peut pas dans l'acte unique, parler seulement de marché unique, d'ouverture des frontières, pour les biens, les services, les capitaux et les personnes; il faut aussi parler d'institutions. C'est ainsi que dans l'acte unique, vous avez à la fois la création d'un marché unique et un renforcement des institutions. Notamment, le Parlement a reçu plus de pouvoirs législatifs; la commission a reçu plus de pouvoirs exécutifs, la décision de la majorité a étendu son champ. On a voulu mettre le marché unique en proportion avec les institutions ou plutôt les institutions en proportion avec les marchés uniques. Donc, si l'on renforce l'intégration économique, il faut renforcer l'intégration institutionnelle, décisionnelle, politique. C'est le deuxième principe: la proportionnalité.
Le troisième principe est celui de la souveraineté surveillée. Dans le système communautaire, on a le principe de la souveraineté surveillée. Cela veut dire qu'on transfère des droits souverains, en politique agricole, en politique commerciale, dans les domaines où la communauté a reçu des pouvoirs souverains, des droits souverains, on les exerce de façon surveillée. Il y a, bien sûr, un organe qui surveille ces transferts de souveraineté: c'est le conseil. L'on a transféré cela aux institutions communes: il y a un Parlement; il y a une commission qui propose les législations; mais, en dernier ressort, celui qui décide pour l'essentiel, c'est le conseil des ministres: il surveille cet exercice de souveraineté commune; il la surveille pour faire en sorte que les États, les gouvernements, soient présents autour de la table qui prend les décisions législatives. C'est un transfert de souveraineté, mais qui est surveillé par les représentants gouvernementaux des États membres qui ont l'essentiel du pouvoir législatif. C'est le troisième principe, la troisième logique.
La quatrième logique est celle de la création d'un système d'élites mixtes. L'Union européenne n'est pas un système d'élites technocratiques seulement. Il y a des élites technocratiques comme la commission, comme la Cour de justice. Mais, à côté des élites technocratiques, on a mis ensemble les élites politiques du Parlement européen et du conseil. Sur les quatre institutions importantes du système, vous en avez deux qui sont technocratiques: la Cour de justice et la commission, et deux qui sont politiques: le Parlement européen et le conseil des ministres. On a créé un système d'élites mixtes, en les mettant en interdépendance nécessaire.
Que veut dire l'interdépendance nécessaire? C'est qu'aucune de ces élites ne peut agir seule et livrer la marchandise législative. La commission propose et le conseil ne peut rien faire sans qu'il soit saisi d'une proposition législative de la commission, donc, il dépend de la commission. Inversement, les ministres ne peuvent modifier la proposition de la commission qu'à l'unanimité. Ils peuvent adopter les législations à la majorité, on l'a dit; mais pour modifier, pour amender une proposition, il faut l'unanimité. Cela veut dire qu'ils sont obligés de négocier avec la commission qui peut modifier, elle-même, sa proposition. Il y a une négociation entre le conseil et la commission. Il y a un tandem. Mais on ne peut pas se débarrasser de la proposition de la commission facilement, parce que l'unanimité, c'est chose difficile. Montesquieu disait qu'il faut aller de concert, il faut aller ensemble. Ils sont obligés de travailler en tandem pour produire quelque chose. Et c'est d'ailleurs ce deuxième aspect qui gêne un certain nombre de pays. Dans les propositions britanniques du ministre des Affaires étrangères, dernièrement, au mois de mars, on annonce que l'on souhaite que, si le conseil ne se prononce pas sur les propositions de la commission pendant un certain temps, on les abandonne et que ces propositions n'existent plus. C'est une façon de contourner l'idée qu'on ne peut modifier les propositions de la commission qu'à l'unanimité. En plus, vous savez, sans entrer dans les détails, que dans les traités, on prévoit que l'on peut condamner le conseil pour carence s'il ne statue pas.
Ce tandem est devenu maintenant un triangle. Parce que, comme vous le savez, depuis l'acte unique, et surtout le traité de Maastricht, le Parlement européen a reçu, dans un certain nombre de domaines, un pouvoir de codécision. Il y a des domaines législatifs qui sont cités, article par article, dans les traités et qui exigent la codécision avec le Parlement. Il faut que le Parlement soit d'accord avec le conseil. Là, vous avez la commission qui propose, le Parlement et le conseil, en codécision, qui décident. Vous avez un système donc d'interdépendance d'élites mixtes, triangulaire dans bien des cas. C'est un système qui répond à cette logique, que l'on puisse travailler avec tout le monde: les élites politiques, les élites technocratiques, pour arriver, d'une part, à tenir compte des sensibilités politiques du conseil et du Parlement, d'autre part, à la qualité de la décision -- ce qu'on appelle la qualité des dossiers. À ce dernier propos, la commission a la légitimité technocratique: elle prépare ses dossiers; elle consulte les différents États; elle consulte les différents secteurs économiques et sociaux. Elle est ainsi capable de générer des projets législatifs qui ont fait le tour du sujet et des acteurs. Car, laisser cette tåche au conseil, c'est comme demander à une conférence fédérale-provinciale de légiférer. C'est impossible. Donc, on a eu raison de mettre le démarrage législatif au niveau technocratique.
Le cinquième principe est celui du fédéralisme juridique. Au niveau juridique, le système européen de la Communauté européenne, et non pas la politique étrangère et de sécurité commune, fonctionne selon une logique de fédéralisme juridique. C'est-à-dire que le produit final de législation -- un règlement, une décision, une directive -- a des effets juridiques que nous connaissons dans les systèmes fédéraux.
Le premier élément de fédéralisme implique que le règlement est directement applicable dans chaque pays membre. Les États n'ont rien à faire pour le ratifier, l'incorporer, le transposer. Comme on adopte une loi à Ottawa qui s'applique sur l'ensemble du territoire fédéral, de la même façon un règlement communautaire adopté à Bruxelles est directement applicable. Cela est un principe de fédéralisme juridique, de superposition des règles communautaires; dès leur adoption, elles entrent dans l'ordre juridique de chacun des 15 pays membres.
Le deuxième élément du fédéralisme juridique est celui de la primauté du droit communautaire, des législations communautaires sur les droits nationaux. C'est révolutionnaire. Un règlement prime sur toute législation nationale et les juges nationaux doivent y donner préséance, en cas de conflit.
Dans le débat canadien, par exemple, en cas d'association du type Maastricht, la loi communautaire va primer sur la loi de l'Assemblée nationale, dans un domaine de la compétence de la communauté.
Le troisième principe de ce fédéralisme, c'est qu'il y a une Cour de justice, une Cour suprême, nous pouvons l'appeler ainsi, qui a privilège d'interprétation du droit communautaire. Si une question d'interprétation du droit communautaire est posée dans une juridiction nationale de dernière instance -- une Cour suprême française, anglaise, allemande, et cetera -- celle-ci est obligée de renvoyer, le dossier pour interprétation à la Cour de justice des Communautés européennes. L'article 177 le dit. Une juridiction de première instance peut, mais la CEE n'est pas obligée de recourir à ce renvoi. Et c'est l'interprétation de la Cour de justice des Communautés européennes qui a l'autorité de la chose jugée, qui s'impose au juge qui l'a demandée.
Il y a d'autres aspects que le fédéralisme implique, mais ces trois sont essentiels: applicabilité directe, primauté du droit communautaire et privilège d'interprétation du droit communautaire donné à la Cour de justice des Communautés européennes.
La sixième logique est celle de la légitimité indirecte. L'Union européenne -- et la communauté -- n'est pas basée sur une logique de légitimité directe que nous connaissons dans nos cultures politiques, c'est-à-dire sur la logique du suffrage universel qui mandate un acteur à faire des choses, à légiférer, à décider. Dans les systèmes communautaires, comme je vous l'ai dit, la commission propose des législations, mais n'a aucun mandat direct. Elle n'est pas élue. Ce sont les gouvernements des États membres qui la nomment après qu'elle ait été, depuis Maastricht, mais pas avant, approuvée par le Parlement européen. Par ailleurs, le conseil qui légifère n'a pas été élu comme organe législatif de l'Union européenne. Ce sont des ministres, et bien sûr, ils sont légitimes parce qu'ils ont l'approbation de leurs parlements nationaux, mais, au niveau communautaire, il n'ont pas un mandat direct des européens. Le seul qui a un mandat direct depuis 1979, c'est le Parlement européen, qui, toutefois, n'a qu'une tranche limitée du pouvoir législatif.
La commission et le conseil n'ont donc une légitimité indirecte. Celle de la commission vient du fait qu'elle est approuvée par le Parlement européen et qu'elle est nommée par les gouvernements des États membres, qui, eux, ont leur légitimité. De même, le conseil a une légitimé de second degré; il est légitimé dans chaque parlement national. Le ministre français ou allemand qui siège au conseil y agit avec cette légitimité indirecte. Aller au-delà de ce système de légitimité indirecte, ce serait créer un système fédéral.
Si l'on veut légitimer la commission directement, on aurait une administration de style américain, donc présidentielle. Si l'on veut légitimer directement le législatif européen, il faut alors transférer tout le pouvoir législatif au Parlement européen, donc, fédéraliser le système, et faire du conseil une deuxième Chambre -- parce que le conseil est la préfiguration d'une seconde Chambre, d'une Chambre haute, du fait des représentants des États membres. Mais pour l'instant, tout fonctionne avec une légitimité indirecte, avec des coûts, évidemment, de déficit démocratique et de déficit de communication. Les gens ne comprennent pas comment des ministres légifèrent en vase clos, comment une commission de technocrates propose des législations. C'est le coût que l'on a vu en Europe, lors des référendums, en France, au Danemark et ailleurs.
On a bien dit que ce système a un déficit. Mais c'était voulu ainsi, pour les raisons que j'ai essayé d'expliquer au tout début. La logique démocratique est indirecte et elle est non seulement indirecte, mais elle est plus juridique que politique. C'est-à-dire que l'on a une Cour de justice qui peut annuler des législations.
Quant à la légitimité politique, elle commence avec le traité de Maastricht qui prévoit un citoyen européen. Ce citoyen européen, il a certains pouvoirs, mais il ne peut voter que pour le Parlement européen ou aux élections locales. On a essayé d'introduire la légitimité politique, par cette citoyenneté européenne, qui a suscité, d'ailleurs, un grand débat.
La dernière logique est celle du «spillover»: d'un niveau d'intégration économique, on glisse vers un autre niveau d'intégration économique; d'un niveau d'intégration économique, on pourrait glisser vers une intégration politique. Il y a une logique de «spillover» dès le départ. Quand Jean Monnet proposait les Communautés européennes, il savait qu'un système fédéral ne serait pas accepté, ni par les États et les gouvernements, ni par les opinions publiques. Donc, il a proposé ce que certains ont appelé le fédéralisme déguisé: on commence par un marché commun qui conduira à l'union économique et monétaire et à l'unification politique.
D'abord, il a prévu un «spillover» économique: d'un niveau d'intégration d'union douanière, de marché commun encore incomplet, on irait vers un marché unique, puis vers une union économique et monétaire. Sa première prévision de «spillover» économique est basée sur la socialisation des élites et des masses: des ministres qui travaillent au sein d'un conseil pendant de nombreuses années, ils se connaissent, ils sont socialisés à l'idée européenne. Madame Thatcher, qui n'aimait pas beaucoup l'Europe, a joué le jeu! Elle bloquait de temps en temps, mais elle a signé l'acte unique européen, cet acte de création des marchés uniques, avec des institutions plus fortes qu'avant; pour le public, il y a la socialisation utilitaire. Le pari de Jean Monnet, c'est l'utilitaire d'abord, l'affectif après. On ne peut pas créer un État européen, les gens ne sont pas européens tout de suite. Ils n'ont pas une identité, mais ils trouvent rentable ce système qui leur apporte un bien-être matériel. Ils vont commencer à l'aimer et à vouloir y vivre. D'ailleurs si, aujourd'hui, on a des difficultés pour aller vers une union monétaire, c'est que l'utilitaire n'est pas évident à tout le monde. Quand on voit 18 millions de chômeurs, 11 p. 100 de moyenne, les gens disent: mais l'Europe a servi à quoi? Et finalement, il y a le politique. Il y avait l'espoir que de l'économique, on irait vers le politique, mais cela est moins évident; l'automaticité du passage de l'économique au politique est moins évidente. En politique étrangère et de sécurité commune, dans les affaires intérieures et de justice, on a du mal à avoir un système supranational comme au niveau économique. Les deuxième et troisième piliers de l'Union européenne restent encore des piliers de coopération et pas d'intégration comme le pilier économique. Ce passage de l'économique au politique ne s'est pas produit; il est incertain.
Voilà les sept logiques de base d'un système en évolution qui est, encore cette année, contesté à la Conférence intergouvernementale; on conteste, en effet, en partie, certaines de ces logiques.
[Traduction]
Le président: Merci, professeur Soldatos.
L'histoire nous démontre que la fédération canadienne ne s'est pas båtie sans difficulté. Ma propre province, la Nouvelle-Écosse, et sa voisine, le Nouveau-Brunswick, deux des provinces de l'Atlantique, sont entrées dans la Confédération à cause de ce qui était perçu comme une menace imminente des Fenians. Par contre, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, un peu plus éloignées de la Nouvelle-Angleterre, ne sont pas entrées parce qu'elles ne se sentaient pas aussi menacées. À mesure que le gouvernement est devenu plus compliqué, les tensions ont donc semblé grandir dans l'union. Nous y avons fait face, d'une façon ou d'une autre, raisonnablement bien, mais nous devons nous rappeler qu'il s'agissait de sociétés relativement simples.
En Europe, par contre, il ne s'agit pas de sociétés simples, mais plutôt de groupes ethniques, de groupes nationaux bien développés, et je peux comprendre pourquoi ils étaient prêts à accepter cette nouvelle structure compliquée tant qu'il y avait un danger clair et concret. Mais ce danger n'est plus aussi clair, ni aussi concret. Je me demande seulement si les forces centripètes sont assez puissantes pour produire une Union européenne élargie viable, en particulier là où l'on tente de limiter les services gouvernementaux afin d'instaurer l'union monétaire.
Quel est votre point de vue sur la viabilité de l'union actuelle et d'une union élargie dans les circonstances que vous prévoyez?
[Français]
M. Soldatos: La pression de l'extérieur due à la compétitivité internationale du Japon et des États-Unis, le pression des pays du Sud, clients de l'Europe économique, pour une Europe plus cohérente sur le plan international sont là.
Il y a là une rationalité d'intégration qui date de l'époque de Jean Monnet, même s'il n'y avait pas d'économie mondialisée globalisée. C'était l'impératif de la reconstruction de l'Europe via le marché commun, tandis que l'union économique et monétaire renvoie à la compétitivité du bloc européen vis-à-vis du reste du monde.
Il reste maintenant la question du passage à plus d'intégration économique et politique. Monsieur le président, vous avez mis le doigt sur le problème. Il est vrai que ces vieilles nations ont bougé vers l'intégration économique pour des raisons non économiques, parce que l'Europe, sortant de la guerre, se trouvait pour la première fois dans l'histoire une superpuissance hostile et d'une idéologie complètement différente, qui défendait un autre système économique et politique. On dit que Staline était l'architecte du marché commun avec Jean Monnet! C'est vrai que cette menace a fait que les besoins économiques ont été vus avec plus d'objectivité, selon un angle qui n'était pas tout à fait celui de l'intérêt national.
Le fait que cet empire de l'Est n'existe plus enlève la pression externe. On sait que dans les fédérations, le facteur externe était un élément intégrateur, y compris dans la nôtre: des menaces externes directes ou indirectes forcent à la cohésion un acteur régional.
Il est vrai que l'absence aujourd'hui de cette menace politico-militaire et idéologique enlève un ingrédient qui pourrait faire prendre mieux la mayonnaise dans la Conférence Intergouvernementale.
Il y a une décontraction: s'il s'agit de la Bosnie, les gens peuvent penser, à tort, qu'ils peuvent vivre avec la situation que nous connaissons. Ils ne pourraient pas vivre avec la même situation s'il y avait l'Union soviétique. Ils auraient agi autrement s'ils savaient que l'Union soviétique exploitait ou tirait des dividendes du conflit dans l'ex-Yougoslavie. L'absence de pression politique ralentit la prise de conscience du besoin de solidarité, même économique, même si, pour moi, le danger économique est beaucoup plus grand, aujourd'hui, dans la concurrence internationale.
Mais la pression viendra de l'union monétaire. Le plus grand espoir de voir l'Europe réussir d'ici trois ou quatre ans, dans l'approfondissement politique et institutionnel, c'est le monétaire.
Les Allemands ont bien souligné cette idée du «spillover»: si nous faisons l'union monétaire, il faudra un gouvernement économique, une certaine harmonisation fiscale, un pacte fiscal, un pacte économique, une discipline budgétaire constante. Y aura-t-il des pressions pour plus d'intégration économique? Lorsque nous pensons à un gouvernement économique, on envisage une certaine autorité pour décider. Si l'union monétaire se réalise, elle sera la locomotive vers le «spillover» politique.
Sur un autre plan, celui du nationalisme, il faut faire une distinction. Ce nationalisme est actuellement un phénomène de l'Europe de l'Est. Il y a eu, bien sûr, certaines tendances à l'autonomie en Écosse, en Espagne, en Belgique. Il ne s'agit pas de nationalisme de fragmentation. Les Catalans, par exemple, pensent qu'ils ont avantage à être en Europe et en Espagne à la fois. L'Espagne est un bon véhicule pour l'Europe et l'Europe est un bon véhicule pour l'Espagne. Ils font à la fois le pari de vivre dans un cadre européen et national, plus décentralisé. Ils ne cherchent pas à fragmenter les systèmes nationaux en Europe occidentale. Il n'y a pas vraiment de mouvements importants de séparation.
En revanche, les pays de l'Est sont un cas particulier. Premièrement, suite à beaucoup d'événements que nous connaissons, il y a des minorités nationales importantes dans un certain nombre de pays qui soulèvent des problèmes à l'intérieur des découpages des frontières existantes. Deuxièmement, ce sont des nations qui, ayant vécu sous la domination soviétique, ont une aspiration d'épanouissement lorsqu'ils arrivent sur la scène internationale -- c'est un peu comme la décolonisation dans le tiers monde -- et ils souhaitent se doter de l'habit national. Si nous sommes en Bosnie, nous voulons avoir un état bosniaque. C'est un phénomène de l'Est qui, à mon avis, si ces pays s'intègrent dans l'Union européenne, va perdre de sa force, comme nous l'avons vu dans l'Europe occidentale. Les Slovaques et les Tchèques vont se rendre compte qu'en vivant dans l'Union européenne, ils auront à mettre en commun leur souveraineté dans des domaines économiques importants et, plus tard, en matière d'affaires intérieures et de justice.
L'intégration européenne implique aujourd'hui que l'avenir est basé sur l'existence, la coexistence de plusieurs gouvernances: organisation mondiale du commerce, union européenne, État- nation, régions, villes.
Si vous considérez, par exemple, les quatre régions motrices de l'Europe, elles ont créé un réseau très important formé par les régions de la Lombardie, Bade-Wurtemberg, de la Catalogne, et de Rhône-Alpes auxquelles s'est associée l'Ontario depuis quelques années.
Ce sont des locomotives économiques qui, dans certains domaines, comptent plus que certains États-nations de l'Union européenne: par exemple, des régions comme le Bade-Wurtemberg ont une économie plus forte que la Grèce ou le Portugal.
En somme, je crois que l'intégration de l'Est dans l'Union européenne va amenuiser ces tendances du nationalisme et amènera une socialisation intégrative de ces pays et l'acceptation de la combinaison de plusieurs cadres sociétaux tels que les cadres sous-national, national, supranational ou mondial. C'est ce que nous appelons la subsidiarité. Dans le traité de l'Union européenne, nous avons, en effet, un article de subsidiarité, l'article 3b), qui laisse à chaque niveau de gouvernement la possibilité de faire ce qu'il peut mieux faire. La subsidiarité est un principe depuis l'Antiquité. Il faut en arriver à ce que chaque niveau puisse agir selon des critères d'efficacité. Je donne en exemple la France. L'éducation est nationale; mais la France a accepté qu'il y ait des compétences en matière d'éducation dans l'Union européenne, en formation professionnelle, en équivalence des diplômes, en création de réseaux de mobilité d'étudiants, et cetera, et qu'au niveau régional ou des Chambres de commerce, il y ait des rôles d'éducation. Dans un État aussi centralisé en éducation, comme la France, nous trouvons la subsidiarité. Il y a des choses qui se font au niveau sous-national français, d'autres au niveau national et d'autres au niveau européen. C'est plutôt cette combinaison des systèmes qui est performante.
Alors, au niveau du nationalisme, je distingue entre l'Est et l'Ouest de l'Europe. Les pays de l'Est qui entreront dans l'Union européenne vont justement régler leurs problèmes de nationalisme: le marché unique et l'union monétaire leur feront voir la souveraineté avec un oeil plus pragmatique, du vingt et unième siècle, plutôt que du dix-neuvième siècle. Comme ils sortent pour l'instant de l'empire soviétique, ils cherchent la souveraineté là où ils l'ont laissée, quand ils ont été absorbés par ce système; ils retrouvent leur souveraineté.
Quant au traité de Maastricht, il est lui-même à l'origine de crises de confiance. Les critères du traité de Maastricht sont des critères de discipline dans les politiques macro-économiques des États membres, de réduction, notamment de l'inflation, de la dette extérieure et de déficit budgétaire.
D'ailleurs, au Canada, nous tentons les mêmes choses au niveau macro-économique, les mêmes disciplines, sans le traité de Maastricht. Aux États-Unis, nous suivons la même approche, pour mettre de l'ordre dans les finances publiques. Pourquoi? Nous disons que si le traité de Masstricht n'existait pas en Europe, il faudrait l'inventer, parce qu'il crée un cadre qui force à plus de disciplines macro-économiques par ses critères, parce qu'en bout de ligne, il y a un prix, une compensation: la monnaie unique.
Tout le monde le comprend, même les Britanniques. Dans les milieux économiques et financiers britanniques, on n'est pas hostile à l'union monétaire. Ce n'est pas la même chose au Parlement britannique ou chez certaines élites politiques.
Le traité de Maastricht répond aux pressions de la globalisation de l'économie. C'est avec une croissance économique et une compétitivité -- cela dépend de la santé des finances publiques, des politiques macro-économiques en contrôle -- que l'on génère des emplois.
Mais il y a dans certains pays des phénomènes démagogiques. On s'en prend aux bureaucrates de Bruxelles, tout en sachant que c'est le conseil qui décide et que le traité de Masstricht a été signé par le gouvernement des États membres, et non par les bureaucrates de Bruxelles. C'est le niveau politique qui légifère en Europe, sauf que dans l'opinion publique, on dit que les bureaucrates de Bruxelles imposent des critères qui amènent de l'austérité, donc le chômage.
Le sénateur Bolduc: De quelle façon voyez-vous le scénario pour la séance intergouvernementale qui est commencée et qui va durer probablement -- à cause des élections britanniques, ils vont laisser passer cela -- 18 mois?
Ils vont tenter de refaire un peu les institutions pour les adapter. Que voyez-vous comme scénario possible de changement au niveau des institutions dont nous avons parlé ?
Est-ce que le Parlement européen va tenter de le renforcer?
Est-ce que les bureaucrates de Bruxelles vont devoir partager leurs initiatives réglementaires ou législatives, peu importe, ou de politiques, avec soit les parlementaires ou une autre formule?
Est-ce que le conseil des ministres européen va rester ce qu'il est? Que voyez-vous comme scénario possible de changement du Sénat ? J'ai soulevé la question lorsque j'étais en Europe. Selon leur compréhension, lorsque nous sommes dans un régime unitaire, il n'y a pas de problème; quand nous décidons de ne plus être dans un régime unitaire, pour des Canadiens comme nous, cela veut dire que nous sommes dans un régime fédéral. J'ai posé la question suivante à M. Delors et à d'autres: êtes-vous près d'un régime fédéral ? Il m'a répondu que le régime fédéral était encore impensable.
J'ai compris que leur définition du fédéralisme était quelque chose d'assez centralisé: de quoi faire peur à nos amis Canadiens anglais. Cela m'a surpris. Il nous a répondu: «Nous n'en sommes pas là, mais pas du tout; nous sommes encore loin de cela.»
Même si tout le monde ne sera pas dans l'union monétaire, il y aura un minimum de cinq à six pays qui y seront dans quatre à cinq ans. Cela appelle des institutions politiques qui répondent à cela. Par conséquent, c'est un régime régime fédéral qui est au bout de cela. Comment voyez-vous cela?
M. Soldatos: Je commence par la deuxième partie de votre question, c'est-à-dire la centralisation. Je reviendrai aux institutions, à la réforme possible à laquelle on peut s'attendre cette l'année plutôt que l'année prochaine.
Le système européen n'est pas centralisé. Premièrement, lorsque nous parlons des institutions européennes, il faut se rendre compte que l'essentiel de la décision est au conseil une majorité qualifiée que l'on obtient au sein des représentants des gouvernements des États membres.
Le sénateur Bolduc: Pour les questions économiques et pour les questions politiques?
M. Soldatos: Pour les questions économiques. Pour ce qui est des questions politiques, au deuxième ou au troisième piliers, c'est un système tout à fait décentralisé, aux mains des États membres.
Au niveau institutionnel, avoir un conseil qui légifère, ce n'est pas beaucoup de centralisation. Après tout, c'est une majorité de gouvernements qui doit se dégager, pour l'essentiel, pour décider.
Même si ce n'est pas la règle de l'unanimité, c'est quand même une décentralisation assez importante: chaque gouvernement est là pour y veiller, ce que l'on a appellé la souveraineté surveillée. En dernier ressort, le maître d'oeuvre restera le législateur intergouvernemental. On ne peut pas blåmer les bureaucrates de Bruxelles de centralisation, sachant que la décision finale se prend au sein du conseil. C'est très décentralisé parce que tous les pays y sont.
Par ailleurs, dans l'Union européenne, en termes de compétences, on est beaucoup moins centralisé que dans un État fédéral. Elle a une compétence quasi exclusive essentiellement en agriculture, en politique commerciale et en concurrence.
Pour le reste, il y a des compétences partagées qui sont soumises maintenant à la règle de la subsidiarité, c'est-à-dire que la communauté ne peut agir en premier lieu: elle n'agit qu'en second lieu, après avoir démontré que les États membres n'étaient pas capables d'agir efficacement. Elles doivent faire le test de l'incapacité des États membres, ce qui fait que vous n'avez que peu de projets législatifs depuis deux ans.
Le sénateur Bolduc: Si nous l'appliquions en matière d'environnement, par exemple?
M. Soldatos: Là aussi, il faut que la communauté démontre qu'une question d'environnement ne peut pas être réglée mieux au niveau national. Le test est inversé: il faut commencer par le niveau national pour chercher l'efficacité, puis aller au niveau communautaire et non pas l'inverse: il ne faut pas démontrer la capacité communautaire, mais plutôt l'incapacité nationale.
Il n'y a donc pas centralisation ici dans la mesure où la commission est de plus en plus timide: chaque fois qu'elle propose une législation, il faut qu'elle fasse le test de subsidiarité, ce qui a réduit considérablement sa production de propositions législatives, car, quand elle arrive au conseil, on lui pose la question: avez-vous fait bien le test ? Et on le refait au conseil. La subsidiarité décentralise donc énormément l'exercice des compétences.
Un autre aspect de décentralisation est l'aspect budgétaire. On dit souvent que l'Europe est fédérale, mais l'union a un budget qui représente environ 2,4 p. 100 de l'ensemble des budgets nationaux. Il faut mettre cela en parallèle avec ses compétences. Nous pouvons avoir toutes les compétences au monde sans les moyens de leur exercice.
Si nous avions les mêmes compétences au Canada, au niveau fédéral, avec un budget qui représente 2,4 p. 100 de tous les budgets provinciaux, vous n'iriez pas loin. C'est le problème de la Communauté européenne. Il ne s'agit pas seulement de lui donner des compétences: il faut aussi lui donner les moyens d'agir.
De surcroît, dans l'union, il y en a près de 50 p. 100 qui vont à la seule politique agricole commune. Nous restons avec seulement les 50 p. 100 de ces 2,4 p. 100 des budgets nationaux.
Le sénateur Bolduc: Revenons maintenant au scénario. Qu'est-ce que vous voyez?
M. Soldatos: Les scénarios pour les institutions, pour la commission, un problème qui va être résolu, tel que l'idée d'élire un président, de lui donner la possibilité de choisir son Cabinet et de le soumettre au Parlement, pour que les États n'aient rien à faire avec la nomination des commissaires, comme si c'était un Parlement qui investit exclusivement, celui du nombre de commissaires. Comme le disait Émile Noël, l'ancien secrétaire général de la commission, si l'Europe s'élargit vers les pays de l'Est, selon les règles actuelles -- il y aurait deux commissaires pour les grands et un pour les petits -- nous aurions environ 36 commissaires. C'est beaucoup. Ce n'est pas beaucoup pour un système fédéral; au Canada, il arrive que nous ayons des Cabinets qui ont un nombre de ministres aussi important. Mais la différence ici est que vous aurez 36 commissaires venant de 25 pays. Ce ne sont pas 36 ministres qui viennent du même pays. Vous avez là des origines nationales et politiques variées: un éventail politique très fragmenté à un nombre de nationalités représentées très large.
Comment arriver à une réduction ?
Je crois que l'on y parviendra; ce sera le seul changement substantiel au niveau de la commission. Nous devons arriver à convaincre les grands pays de ne pas avoir deux commissaires -- dans les six grands pays: l'Espagne, la France, l'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Pologne.
En revanche, on n'arrivera pas à des commissaires par bloc. Par exemple, le Benelux pourrait avoir un commissaire.
Les États y tiennent, puisque la commission a des compétences importantes en termes législatifs et en termes de concurrence. C'est elle qui dit aux États que les aides sont illégales que dans certains cas. C'est elle qui dit aux entreprises qui veulent fusionner que c'est illégal, contre les règles de concurrence. C'est un pouvoir énorme. Les États veulent y être. Ils n'abandonneront pas leur siège à ce niveau.
Nous arriverons donc à une commission plus réduite du seul fait de convaincre les grands pays de n'avoir qu'un seul commissaire. Au lieu de 36 commissaires, nous aurons environ une vingtaine de commissaires. En revanche, la suggestion d'enlever à la commission ses pouvoirs en matière de concurrence ne sera pas suivie.
Le deuxième changement est au niveau du Parlement européen. Il y aura un plafonnement autour de 700 parlementaires, ce qui crée une sous-représentation si vous avez un Parlement pour 450 millions de gens qui n'ont pour les représenter que 700 parlementaires environ. Par ailleurs, il y a actuellement plus d'une vingtaine de procédures législatives, dont trois importantes. Il y a des cas où le Parlement donne son avis; il y a d'autres cas où le Parlement coopère -- coopération législative -- il n'a qu'un veto suspensif; et il y a d'autres cas où il codécide. Il a un veto définitif. On pense que l'on va supprimer les cas de coopération législative, c'est-à-dire qu'il y aura des cas où il donne son avis et des cas où il codécide; la coopération législative va être absorbée par la codécision avec un veto définitif.
Nous n'allons pas étendre les cas de codécision qu'indirectement en absorbant la coopération législative. Nous aurons deux interventions du Parlement: consultative purement et codécisionnelle, mais sans nouveaux champs et sans nouveaux pouvoirs. Il n'y aura pas d'augmentation des pouvoirs du Parlement, mais on va simplifier les procédures.
Nous parlerons maintenant du conseil, la troisième institution. Au niveau du conseil, la question du vote sera amenée. Il y a des votes pondérés, pour en arriver à 87 voix. La majorité qualifiée est de 62. Il y a ainsi une pondération de voix.
Je crois que cette idée d'avoir une majorité double, celle des voix pondérées et celle à la fois ce que l'on fait aujourd'hui et celle d'une majorité des populations pour protéger les grands pays, sera acceptée.
Un autre changement sera au niveau de la visibilité du conseil. Nous avons commencé avec des séances ouvertes au public, aux journalistes mais enfin, c'est limité. Le conseil ne peut pas fonctionner comme un Parlement, parce qu'il n'y aura plus de capacité de négociation si tout est public. Il y aura une paralysie.
À cet égard, la Cour de Justice a pris des décisions, il y a quelques mois. Le conseil doit maintenant justifier le refus de communiquer des documents internes du conseil sur les débats, sur la prise de votes. Il va être amené de plus en plus à ouvrir ses dossiers, non pas ses séances mais ses dossiers, c'est-à-dire à donner plus d'information au public avec plus de visibilité, pour réduire le déficit de communications et, de cette façon, renforcer l'intérêt des Européens. Il n'y aura pas de changements au niveau de ses pouvoirs. Il n'y aura pas de nouveaux pouvoirs: tourisme, droits de l'homme, emploi.
Quant à la Cour de justice, les Anglais sont plutôt les seuls à trouver qu'il est anormal que la Cour tranche en dernier ressort un pouvoir fédéral, une jurisprudence très fédéraliste -- elle a dit des choses qui ne sont même pas dans les traités, la primauté du droit communautaire.
Alors, on propose de pouvoir avoir un système d'appel, sans préciser plus. Mais, je ne crois pas que la Cour de justice va être affectée dans ses pouvoirs actuels. Je crois qu'elle va rester ce qu'elle est.
Donc, en synthèse, des changements relativement mineurs. Par cette conférence, il faut s'attendre à des changements très limités, qui seraient un succès, vu le contexte dans lequel nous sommes, c'est-à-dire le contexte économique difficile, l'absence de pression de l'Est, comme l'a dit le sénateur Stewart, le contexte de la Grande-Bretagne qui va vers des élections -- le gouvernement britannique est paralysé actuellement -- et le contexte franco- allemand -- l'axe franco-allemand ne fonctionne pas bien. Aujourd'hui, la position française est beaucoup plus proche des positions britanniques, si on l'analyse. Les Allemands, seuls, ne peuvent, n'ont pas intérêt à pousser trop cette fois-ci pour l'approfondissement. Il y aura ainsi une autre conférence intergouvernementale, probablement nécessaire, après l'union monétaire.
Si l'union monétaire se réalise, il s'agira du premier «spillover» de la décennie. Pour réaliser cette union monétaire, on a besoin de discipline économique, fiscale, de gouvernement économique. Il faut revoir le système institutionnel.
Et comme l'élargissement ne se fera pas avant l'an 2005, la Communauté aura le temps pour un autre exercice constitutionnel.
Ce fut une erreur d'avoir obligé la Communauté à faire une conférence, mandatée par le texte, sans égard au contexte: l'Italie sans gouvernement pendant longtemps; la Grande-Bretagne en paralysie; la France avec un nouveau parti gouvernemental assez divisé sur certaines questions européennes; l'Allemagne avec des situations budgétaires difficiles; une Europe dans une crise de l'emploi assez importante. C'était, disons, inopportun, mais il était dangereux d'annuler la conférence et je crois qu'on arrivera à certaines réformes mineures.
Le sénateur Bolduc: Quand vous dites qu'il y a des difficultés entre la France et l'Allemagne, j'ai compris que vous vouliez dire que l'Allemagne avait une politique commerciale plus ouverte, alors que la France a une politique commerciale un peu plus protectionniste. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?
M. Soldatos: Ce n'est pas nouveau. En France, comme vous l'avez dit, des idées de libre-échange avec le Mexique, l'Afrique du Sud, l'Asie, ne sont pas très populaires. Ils ont dit que c'était une politique bouillonnante, inutile et dangereuse pour la Communauté.
Par ailleurs, certains en France actuellement -- et il y a les déclarations de M. Séguin de l'Assemblée nationale -- trouvent que les commissaires doivent être ramenés à un rôle plutôt d'administrateurs que de vrai gouvernement; que la Banque centrale doit essayer d'être une sorte de syndicat de banques centrales. On n'aime pas l'idée d'une Banque centrale style allemand. Ceci dit, on va s'aligner sur le plan de la Banque centrale; on va l'accepter. Mais, sur le plan institutionnel, on n'est pas prêt à faire de grandes concessions; et on veut que les Parlements nationaux jouent un rôle dans le processus législatif.
D'ailleurs, en France ils ont amendé la Constitution lors de la dernière réforme: maintenant, chaque proposition législative de la commission peut être présentée au Parlement français, pour avis.
Vous allez me dire qu'il ne s'agit que d'un avis; mais si vous êtes ministre et négociez à Bruxelles une législation et que votre Parlement a pris position contre ce projet politiquement, ce n'est pas facile de voter pour.
Donc, il y un effort français de renationalisation du processus par l'injection du rôle de l'Assemblée nationale dans le processus communautaire et, en général, du rôle des parlements nationaux. On parle tout le temps du rôle des parlements nationaux pour réduire le déficit démocratique, plutôt que de la «fédéralisation» du Parlement européen pour donner un vrai pouvoir. C'est là que je vois beaucoup de différences avec les Allemands.
[Traduction]
Le sénateur Grafstein: J'ai trouvé les propos de notre témoin très intéressants et très convaincants. L'une des grandes questions que doit se poser le comité est la suivante: où s'en va l'UE actuellement?
Quand j'étais en Europe, et c'est encore plus évident après vous avoir entendu, je croyais qu'il s'agissait d'un débat du XXe siècle sur une question du XVe siècle, quand il y avait deux écoles de pensée en Europe: l'école d'Érasme et celle de Luther, l'école individuelle et l'école universelle. Je pense maintenant avoir entendu les arguments de deux écoles et demie et je crois que vous faites partie d'une de ces écoles -- corrigez-moi si je me trompe.
Chaque école vise les mêmes objectifs: le progrès économique, la paix et la stabilité. Ce sont les buts communs, mais tout le monde fait une analyse différente des moyens permettant de les atteindre.
La première école veut élargir et approfondir l'UE, l'eurodiscipline; intégrer davantage les États au point de vue macro- économique; accroître l'intégration; accroître le fédéralisme; réduire le nationalisme et donc, accentuer le progrès tout en réduisant l'instabilité. Je pense que vous faites partie de cette première école.
La deuxième école -- et je l'appelle une demi-école -- est l'école luddite britannique qui dit: «Nous ne voulons rien savoir de tout cela; nous voulons écraser l'UE, nous aimerions saper ses bases. Nous sommes heureux de vivre seuls; nous sommes contents que les divers éléments de l'Europe soient en désordre.» La Grande-Bretagne a toujours mieux réussi quand elle détenait la balance du pouvoir plutôt que lorsqu'elle faisait partie d'un groupe de puissances; alors, retournons en arrière. Comme les Luddites, détruisons les machines et revenons à la situation d'avant. C'est un peu l'école britannique.
Puis, il y a une autre vision, celle que j'appelle la deuxième école, pas une demi-école, qui pense comme ceci: pour atteindre ces mêmes objectifs, nous devons tenir compte des conséquences pratiques lorsque nous élargissons et approfondissons l'UE. À mesure que nous nous élargissons et que nous nous approfondissons en Europe, nous constatons que les différences et les difficultés s'intensifient; que l'appareil gouvernemental devient plus complexe; que tout le système ralentit parce que plus le gouvernement grossit et s'élargit, plus la prise des décisions ralentit; que des différences sont en train de surgir entre la France et l'Allemagne, qui sont des membres clés de l'Union européenne; que l'eurodiscipline est trop difficile, trop rapide, et cause trop d'instabilité; et, enfin, simplement pour que les arguments de cette école se tiennent, soudainement, lorsqu'un pays décide de s'écarter de la voie commune, comme l'a fait la Grande-Bretagne à propos de la vache folle, il peut mettre du sable dans la machine, l'enrayer et presque l'arrêter complètement.
Si cette analyse est correcte, il y a une vision plus large, et cette vision élargie est ce qui a été appelé l'Union atlantique, celle où l'on met fin à cette intégration fédérale et où l'on revient à une perspective élargie qui consiste en une union économique atlantique entre le Canada, les États-Unis et l'Europe -- où l'on recule pour avancer.
Quelle importance accordez-vous à cette école? Nous n'en avons pas entendu beaucoup parler, mais je pense qu'elle a de plus en plus d'adeptes à cause des difficultés que soulèvent les deux premières écoles que j'ai décrites.
[Français]
M. Soldatos: Je vais faire le parallélisme. On disait souvent que le Québec n'a pas besoin du Canada, qu'il n'a qu'à faire «one step back» vers l'ALÉNA, puis vers la globalisation et le reste du monde.
C'est un peu ainsi que j'ai interprété cette idée qu'ont certains pour l'Europe: il y a une communauté atlantique maintenant; il y a l'accord, le plan d'action transatlantique avec les États-Unis; il y aura celui avec le Canada; puis, il y aura certaines libéralisations; l'OMC va faire aussi son travail. Alors, l'Europe devrait peut-être faire un peu marche arrière et après, regarder le grand large.
Le problème, avec cette école, est que tout en admettant que l'économique est essentiel aujourd'hui, elle pense que les États doivent faire moins; mais elle ne dit pas que les États doivent faire mieux. On dit: «Moins d'État, mieux d'État».
Et pourtant, personne ne dit aux États-Unis que l'État n'a pas de rôle. Il a des rôles macroéconomiques essentiels et ce rôle macroéconomique, s'il n'y avait pas d'État, qui pourrait le jouer?
Dans l'Union européenne, il n'y a pas que la libre circulation; il faut une cohésion macroéconomique. Et qui va la décider? Est-ce qu'à 25, s'ils se réunissaient sans approfondissement institutionnel préalable, ils sortiraient de la table des discussions avec une politique budgétaire commune, des politiques fiscales plus homogènes, des politiques commerciales plus homogènes? Ce n'est pas évident.
Donc, premier élément, le rôle macroéconomique futur, moderne de l'Europe, d'une société moderne -- ne parlons pas d'État -- nécessite une cohésion décisionnelle.
Deuxième élément, il y a le rôle social. L'Europe connaît de grandes disparités régionales et sociales. Si c'était l'Europe des six, j'aurais dit que c'est le macroéconomique. Mais quand vous avez des pays de l'Est qui adhèrent, il faut une politique régionale, agricole.
De même si vous prenez des pays comme le Portugal ou la Grèce, qui va penser pour ces pays-là et les mettre à niveau? On dira qu'il faut des fonds structurels. Mais, il faut des décisions et il faut de l'argent. Donc, il faut renforcer la capacité de la communauté de décider, pour remédier aux disparités régionales. Comme au Canada, il y a des régions, qui, si on les laisse seules, ne pourront pas se débrouiller. Il faut une intervention politique en termes de décisions et économique en termes budgétaires.
L'Europe ne peut pas se lancer dans n'importe quel dialogue ou aventure d'intégration euro-atlantique ou mondiale, sans gérer son hétérogénéité économique et sociale dans une Europe de 25, qui sera encore plus grande, avec de nouvelles démocraties fragiles, économiquement et politiquement, qui sont celles du Centre et de l'est.
La troisième question, c'est la question du déficit démocratique. Plus l'Europe avance dans l'intégration économique, plus les gens refusent de lui reconnaître la légitimité de décider; au fond, l'Europe est condamnée à se fédéraliser, sinon elle va être antidémocratique, parce qu'elle a opté pour un marché unique sans légitimité directe. Elle aurait pu rester au niveau d'un libre-échange, mais elle a opté pour un marché unique, elle veut opter pour une union économique et monétaire.
On ne peut pas considérer que toutes ces activités macroéconomiques se font à l'abri de toute lumière politique, de toute injection de mandat direct. Donc, l'intégration économique moderne et avancée nécessite, pour des raisons de démocratie, un approfondissement du système politique.
Un élément banal, mais essentiel, est introduit en jetant un regard sur des concurrents de l'Europe. Je ne peux pas comprendre une Europe économique à côté du Japon et des États-Unis, économiques, politiques et militaires. L'on ne peut pas comprendre cette asymétrie dans une économie globalisée, qui fera que l'Europe ne réussira pas ses politiques technologiques, d'environnement, macroéconomiques, si elle part à 25 pour réfléchir sur quelle politique fiscale, quelle politique monétaire, quelle politique environnementale elle mettra de l'avant face aux États-Unis et au Japon.
En même temps, comme vous l'avez dit, elle doit régler ses problèmes intraeuropéens, dialoguer au niveau Atlantique avec nous et avec les États-Unis, dialoguer avec l'OMC. Comment pourra-t-elle générer une telle capacité de dialogue par une constellation molle, fragile et fluide de 25 pays? Elle ne va pas pouvoir gérer tout cela.
D'après moi, la première école d'un développement du fédéralisme européen est la seule possible. Mais elle sera plutôt lente. Je crois que si l'on veut éviter la désintégration, au sens large du terme, l'on doit passer par cette école. C'est pourquoi l'Europe à la carte n'est pas possible, mais l'Europe à plusieurs vitesses est nécessaire et souhaitable. C'est-à-dire que les vitesses seront différentes, mais l'objectif final demeurera le même. C'est la différence entre l'Europe à plusieurs vitesses et l'Europe à la carte. À la carte, vous prenez indéfiniment ce qui vous arrange; à plusieurs vitesses, vous suivez temporairement votre vitesse, en attendant de pouvoir aller plus vite. Ceux qui le peuvent doivent aller à des vitesses différentes de ceux qui ne le peuvent pas; mais tous doivent vouloir, parce que ceux qui ne le veulent pas et ceux qui le veulent ne peuvent pas travailler ensemble.
[Traduction]
Le président: Nous avons apprécié cette possibilité d'entendre votre analyse, professeur Soldatos, et nous vous remercions pour vos réponses franches et candides à nos questions. Plus nous analysons la relation entre le Canada et l'Union européenne, plus cela devient intriguant et compliqué. Je parie que le comité voudra revenir sur le sujet.
[Français]
M. Soldatos: Je vous remercie beaucoup de cette belle occasion de pouvoir dialoguer avec vous et vous dire que la chaire Jean Monnet souhaiterait pouvoir, une fois votre rapport publié, le relayer par une réunion stratégique, par une table ronde, par une activité qui permettrait de faire connaître le produit de votre réflexion et de vos rencontres, nombreuses ici et à l'étranger, autour de ce dossier.
Donc, nous sommes aussi demandeurs pour votre produit, quand il sera prêt.
[Traduction]
Le président: Merci.
La séance est levée.