Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 16 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 4 décembre 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères, auquel a été renvoyé le projet de loi C-61, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël, se réunit aujourd'hui à 15 h 15 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous reprenons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-61, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël. C'est le seul sujet à l'ordre du jour de cette réunion du comité.
Notre premier témoin aujourd'hui est M. Leo Lax, vice-président adjoint, Développement des entreprises, chez Newbridge Network.
Monsieur Lax, hier, des fonctionnaires du ministère de l'Industrie sont venus nous expliquer certains des détails techniques du projet de loi, après quoi nous avons discuté de certaines des répercussions politiques de la mesure. Je me doute du sujet principal de votre exposé, mais je vais vous laisser nous le dire. Je vais vous céder la parole et vous laisser procéder à votre guise.
Le sénateur Prud'homme: Qu'est Newbridge Network, s'il vous plaît?
Le président: Je pense que M. Lax est la personne la mieux placée pour nous parler de Newbridge.
M. Leo Lax, vice-président adjoint au Développement des entreprises, Newbridge Network: Merci de me donner l'occasion de vous dire qui nous sommes et ce que nous faisons en Israël.
Newbridge Network est une entreprise de télécommunications vieille de dix ans qui a son siège à Kanata. Nous concevons, fabriquons et vendons de l'équipement de communications à l'échelle internationale, principalement à des compagnies de téléphone et à de grandes sociétés. Notre chiffre d'affaires s'établit à près de un milliard de dollars par année, et nous exportons environ 90 p. 100 de notre production. Nous avons des bureaux partout dans le monde, et nos principaux clients sont de grandes sociétés ou compagnies de téléphone du monde entier.
Nous attendons avec impatience l'adoption de ce projet de loi étant donné qu'il améliorera sensiblement notre compétitivité à l'échelle internationale. Les concurrents de Newbridge dans le monde entier, notamment aux États-Unis et en Europe, peuvent actuellement vendre leur matériel en Israël en disposant d'un avantage par rapport à nous.
Pour vous donner une idée de nos ventes en Israël, permettez-moi de vous dire qu'en 1992, elles ont atteint plus de un million de dollars américains et cette année, plus de 20 millions de dollars américains. En Israël, nous comptons parmi nos clients la compagnie de téléphone, Bezak International, les deux grandes banques, la société aérienne El Al, et de nombreuses autres grandes sociétés.
L'an dernier, nous avons mis sur pied une coentreprise avec Tadiran, qui est une entreprise de télécommunications établie en Israël, pour mieux desservir nos clients dans la région. Nous sommes représentés à son conseil et sommes propriétaires à 25 p. 100. Notre président, M. Terry Matthews, est en fait président de la compagnie appelée T&N Networks.
Par le passé, nous avons commercé avec Israël par le biais de notre filiale américaine. Les États-Unis disposent d'un accord de libre-échange avec Israël, ce qui nous a permis de fournir à nos clients un produit à un prix équivalant à celui de nos concurrents américains. Cependant, nous avons engagé pour ce faire des coûts additionnels. Cela, sans parler de l'accord de coparticipation que nous avons.
Nous menons également en Israël des activités de recherche et de développement qui nous permettent d'élaborer des produits mieux adaptés. Un accord de libre-échange avec Israël nous permettra de conclure des accords beaucoup plus équitables par rapport à nos concurrents du monde entier.
Nous espérons que la tendance se poursuivra. Nos ventes en Israël continuent d'augmenter. Nous importons actuellement environ deux millions de dollars d'équipement d'Israël, principalement sous la forme d'accords de licence mais également de sous-systèmes qui sont utilisés par nos clients dans d'autres parties du monde.
J'espère vous avoir donné une idée de ce que nous faisons et des raisons pour lesquelles nous croyons que cet accord nous donnera l'occasion de créer plus d'emplois ici au Canada et nous permettra d'être compétitifs à l'échelle internationale tout en respectant les critères de croissance en Israël par le biais de nos activités ici au Canada.
Le président: Merci, monsieur Lax.
Le sénateur Grafstein: Monsieur Lax, qu'est-ce que cela représente en termes de dollars?
M. Lax: Cette année, nous exporterons en Israël pour environ 20 millions de dollars d'équipement.
Le président: Vous semblez très bien vous débrouiller, même si vous ne jouez pas à armes égales.
M. Lax: C'est vrai. Cela tient à la qualité de notre équipement et au service que nos partenaires en Israël fournissent. Cependant, nous devons actuellement franchir une étape additionnelle et pour ce faire nous réduisons notre capacité interne. Nous exportons en Israël via les États-Unis.
Je crois que les chiffres pour les exportations du Canada à destination d'Israël sont grandement sous-estimés, parce que je suis sûr que nous ne sommes pas les seuls à utiliser ce genre de mécanisme pour fournir des produits et des services en Israël.
Le sénateur Spivak: Que pouvez-vous nous dire du reste de l'industrie des télécommunications? Le Canada est le leader dans le monde de la technologie du sans-fil. Je ne sais pas quelle est la situation en Israël. Quel avantage comporterait un accord de libre-échange pour l'industrie des télécommunications, ou des éléments de celle-ci?
Dans ce domaine particulier, les compagnies sont des plus impatientes d'exporter à l'étranger, en raison de l'incroyable avantage comparatif dont nous disposons et parce que ce domaine a un programme d'infrastructure beaucoup plus économique que la technologie typique par câble.
M. Lax: Newbridge ne s'occupe pas actuellement directement du sans-fil. Cependant, une infrastructure de télécommunications sans fil, notamment dans des pays en voie de développement, a ceci d'avantageux qu'elle ne nécessite pas la construction de quoi que ce soit comme il faut habituellement le faire avec une infrastructure par câble.
Dans ce contexte, la compagnie canadienne Nortel est un leader à l'échelle internationale pour la technologie du sans-fil. La capacité de Nortel de desservir ce marché directement du Canada lui conférera un avantage important comparativement à d'autres, qui ne bénéficient pas d'un tel accord.
Le sénateur Spivak: Voyez-vous cet accord comme un avantage non seulement pour Israël mais pour toute la région du Moyen-Orient? Grâce au processus qui se déroule, on commence à constater une augmentation de l'activité économique parmi tous les pays du Moyen-Orient. À votre avis, quel impact pourrait avoir cet accord particulier?
M. Lax: Nous croyons que ces produits sont essentiels au développement économique de la région. Le savoir-faire qu'acquerra Israël en mettant en place l'infrastructure pourrait être utilisé dans toute la région pour accroître les capacités de développement économique.
Le sénateur Corbin: Tout le monde pratique le libre-échange. La Communauté européenne et les États-Unis disposent déjà d'un accord de libre-échange avec Israël et le gouvernement du Canada espère que ce projet ira de l'avant.
Vous dites que si nous adoptons ce projet de loi en vue d'un accord de libre-échange avec Israël, cela améliorerait vos chances sur le plan commercial.
M. Lax: Oui.
Le sénateur Corbin: Je ne comprends pas tous les rouages commerciaux, mais dans un libre marché, il doit y avoir des perdants et des gagnants.
M. Lax: Oui, vous avez raison.
Le sénateur Corbin: Assurément, les Américains et la Communauté européenne sont d'importants joueurs dans ce domaine avec Israël. Je ne vois pas comment vos chances pourraient s'améliorer face à ces géants, compte tenu de l'importance de leurs économies et du poids politique des États-Unis, notamment auprès d'Israël, pour des raisons que tous ici autour de la table connaissent bien.
Vous ne m'avez pas convaincu que ce serait un plus pour le Canada. Pouvez-vous nous en dire davantage?
M. Lax: Même si vous avez raison de dire que nous ne faisons pas le poids face à la puissance économique des États-Unis ou de l'Europe, dans le domaine des télécommunications, nous sommes un leader mondial. Dans ce créneau particulier de l'industrie, Nortel, Newbridge, Mitel et un certain nombre d'autres compagnies dans le domaine du sans-fil, se sont taillé une place enviable dans le marché mondial. L'industrie des télécommunications au Canada s'est montrée très capable de concurrencer les sociétés européennes et américaines dans le monde entier.
Un accord de libre-échange entre le Canada et Israël inciterait fortement l'industrie des télécommunications en Israël à travailler avec des sociétés canadiennes de la même façon qu'elle l'a fait avec l'Europe et les États-Unis. Nous sommes reconnus comme des leaders. Le fait de ne pas disposer de ce genre d'accord est un obstacle psychologique.
En outre, uniformiser les règles du jeu nous mettrait sur un pied d'égalité de sorte que nos produits seraient jugés strictement d'après leurs propres mérites plutôt que d'après les considérations financières qu'on y associe.
Le sénateur Corbin: Je peux comprendre votre argument au sujet de règles du jeu équitables. Cependant, ne pensez-vous pas que quand on en vient à l'essentiel, certaines décisions ont un fondement politique? Soyons réalistes: les États-Unis et Israël entretiennent des relations extrêmement étroites. Au moment critique, ne pensez-vous pas que les lobbys américains exerceront des pressions pour faciliter une pénétration encore plus grande des produits américains en Israël, par opposition aux produits canadiens? Au Canada, nous n'utilisons pas ce genre de tactiques. Cependant, les Américains sont très enclins à les utiliser contre des services rendus, passés et présents.
Pensez-vous que vous lutterez à armes égales?
M. Lax: Je crois que cet accord nous donnera une meilleure chance de lutter à armes égales.
Le sénateur Corbin: Merci.
Le président: Quand vous faites allusion à l'Europe, j'imagine que vous pensez à l'Union européenne. De quels pays précis de l'Union parlez-vous? J'imagine que vous ne parlez pas du Portugal.
M. Lax: En effet. Je parle principalement de l'Allemagne et du Royaume-Uni, où l'on trouve une forte industrie des télécommunications.
Le sénateur Doody: Je me pose des questions au sujet de la filiale américaine que vous avez mentionnée. A-t-elle été créée par suite de l'Accord de libre-échange canado-américain ou à titre de véhicule permettant de faciliter l'exportation de vos produits par le biais des États-Unis en raison de leur accord de libre-échange avec Israël, ou s'agit-il d'une usine comme telle? S'agit-il d'une usine de composantes ou simplement d'un mécanisme d'exportation?
M. Lax: Notre installation américaine est une installation à service complet. Nos opérations comportent l'intégration, les tests, le service à la clientèle, la commercialisation et la vente. Nous employons environ 600 personnes aux États-Unis. Nous avons des bureaux dans environ 80 pays du monde. Le siège de notre société est ici à Kanata, mais notre filiale qui dessert l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud se trouve aux États-Unis.
Le sénateur Doody: Les 20 millions de dollars américains d'exportation que vous avez réalisés avec Israël l'an dernier l'ont été à partir de votre usine américaine?
M. Lax: Nos exportations se sont faites par le biais de ce que nous appelons notre division de l'Amérique du Nord et du Sud. Il s'agit d'une filiale en propriété exclusive de Newbridge.
Le sénateur Doody: En quoi la conclusion d'un accord de libre-échange canado-israélien affectera-t-elle l'arrangement actuel? Pouvons-nous supposer que les 20 millions de dollars de produits proviendront de l'usine canadienne dans ces circonstances?
M. Lax: Oui.
Le sénateur Doody: Quel avantage comporte pour vous le fait d'expédier le produit du Canada plutôt que des États-Unis?
M. Lax: Sénateur, vous avez mis le doigt sur la question. Nous expédierons le produit d'ici vers Israël.
Le sénateur Doody: C'est donc l'usine américaine qui perdra au change. Je présume que des emplois additionnels seraient créés dans la région de Kanata.
M. Lax: Vous avez absolument raison.
Le sénateur Doody: Savez-vous ce que cela pourrait représenter sur le plan des emplois?
M. Lax: Je n'ai pas de chiffres préparés. À l'échelle internationale, notre société expédie actuellement pour environ 75 millions de dollars de produits par mois. L'usine en obtiendrait une petite portion. Nous employons actuellement environ 1 500 personnes à Kanata. Il nous faudrait peut-être engager 40 ou 50 personnes de plus pour faire face à la demande.
Le sénateur Doody: C'est important pour 40 ou 50 personnes.
M. Lax: Oui, très important.
Le sénateur Bolduc: Je crois comprendre, monsieur, que les règles de notre programme sont moins restrictives que celles de l'ALÉNA. L'arrangement que vous avez avec les États-Unis pour exporter à partir de ce pays demeurera et ce traité vous conférera un avantage additionnel. N'est-ce pas?
M. Lax: Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?
Le sénateur Bolduc: Étant donné que les règles de notre programme sont moins restrictives que celles contenues dans l'ALÉNA, vous pourrez utiliser votre production au Canada et aux États-Unis et exporter tout le produit. Une partie d'un produit peut être fabriquée ici et une partie aux États-Unis en vue de son exportation en Israël. Ce sera plus facile de le faire avec le traité que sans le traité.
M. Lax: Je ne suis pas sûr de comprendre la question, mais notre produit est fabriqué en grande partie ici à Ottawa. Il est assemblé et testé aux États-Unis quand il est destiné aux États-Unis. Aux termes de cet accord, cela ne serait plus nécessaire parce que nous pourrions le faire ici.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: Vous avez dit que l'an dernier, vous aviez fait 1 million de dollars de commerce et, cette année, 20 millions. J'ai bien compris, 1 million et 20 millions?
[Traduction]
M. Lax: Je suis désolé, j'ai peut-être été mal compris.
Nous avons exporté pour un million de dollars de produits en 1992. C'est l'année où nous avons commencé nos activités en Israël. En 1993, nos exportations sont passées à 3,3 millions de dollars. En 1994, nous avons exporté pour 12,5 millions de dollars, en 1995 pour environ 13 millions de dollars, et en 1996 pour environ 20 millions de dollars.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: Alors, cette augmentation s'est faite sans nécessairement un traité de libre-échange. C'est une progression très intéressante pour laquelle je vous félicite d'ailleurs. Que ce soit du libre-échange ou non, vous avez très bien progressé. La réalité va bien, mais cela pourrait être plus.
Vous avez dit que vous finissez vos produits aux É.-U. parce que c'est là que vous allez en vendre le plus. En finissant les produits, si les produits sont pour aller en Israël, avez-vous la même intention de finir votre production en Israël? Vous pourriez les finir au Canada mais votre marché étant en Israël, vous les finiriez sans doute dans ce pays?
[Traduction]
M. Lax: Aux termes de cet accord, nos produits seraient entièrement fabriqués ici et expédiés à nos clients. Compte tenu de notre accord de coparticipation en Israël, on pourrait procéder à l'intégration et aux tests là-bas. Aucune décision n'a encore été prise à ce sujet. Je ne suis pas sûr que ce serait avantageux pour nous de faire de la fabrication en Israël. Actuellement, il n'y en a aucune de faite là-bas pour notre compte.
Le sénateur Prud'homme: Nous n'avons pas parlé avec vous des aspects politiques de la situation. Nous en parlerons avec d'autres.
Notre comité ne veut pas envoyer le mauvais signal à ce moment-ci du processus de paix au Moyen-Orient. Si le comité recommande au gouvernement non pas de refuser de signer mais de reporter l'accord jusqu'à ce que nous ayons une meilleure idée des intentions de M. Nétanyahou dans le processus, cela n'aurait aucune incidence sur vos progrès puisque vos exportations sont passées de un million de dollars à 20 millions de dollars.
M. Lax: C'est une question de degré. Notre croissance a été liée directement à la nécessité pour l'économie locale de croître et de construire l'infrastructure de télécommunications. Nous le faisons du mieux que nous le pouvons dans le cadre de nos arrangements actuels. Je crois qu'une relation commerciale améliorée nous permettrait de croître encore plus. Ce sera fantastique pour nous et fantastique pour l'économie ici.
Le sénateur De Bané: Serait-il juste de dire que vos principaux concurrents sont principalement japonais, français, allemands, britanniques et américains?
M. Lax: Vous avez raison.
Le sénateur De Bané: Votre stratégie consiste essentiellement à être meilleurs et à être encore plus compétitifs que ces grands joueurs?
M. Lax: En effet. Nous voulons être jugés seulement d'après la qualité de notre produit plutôt qu'en fonction d'arrangements financiers qui peuvent influer sur notre capacité à fonctionner correctement.
Le sénateur Bolduc: Vendez-vous dans d'autres pays du Moyen-Orient?
M. Lax: Oui. Nous avons des bureaux à Bahreïn et un important arrangement en Égypte. L'actuelle initiative de l'autoroute de l'information en Afrique du Nord est actuellement mise en oeuvre en utilisant notre équipement.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lax. Vous avez été des plus utiles au comité.
Notre prochain témoin représente le Comité central des Mennonites du Canada.
Veuillez commencer.
M. William Janzen, directeur, bureau d'Ottawa, Comité central des Mennonites du Canada: Monsieur le président, nous désirons vous remercier de nous avoir invités à comparaître.
Comme on l'a fait remarquer, nous sommes un organisme international de développement et de secours parrainé par l'Église mennonite. Nous sommes présents dans une cinquantaine de pays. Nous ne comparaissons pas à titre d'experts techniques sur tous les aspects de cet accord, mais nous pensons en savoir un peu sur la situation du peuple palestinien, puisque nous travaillons là-bas depuis 1949. J'aimerais aborder la question sous cet angle.
En fait, j'aimerais la commenter selon trois points de vue. Le premier concerne la vie immédiate des gens. J'ai eu l'occasion de visiter la Palestine en octobre. J'ai demandé à plusieurs Palestiniens, y compris les dirigeants palestiniens, ce qu'ils pensaient du projet d'accord de libre-échange avec le Canada. Ils m'ont dit être favorables au principe de la libre circulation des biens et des services, mais ont ajouté que le Canada ne devrait pas faire bénéficier Israël de ce principe sans s'assurer qu'il en fera bénéficier les Palestiniens qui sont ses voisins les plus immédiats. Ils ont expliqué qu'Israël empêche actuellement de façon draconienne la libre circulation des biens.
Ils ont expliqué comment le bouclage des territoires empêchait la libre circulation des biens entre les villes et villages situés en territoire palestinien, entre la Cisjordanie et la bande de Gaza et entre territoires palestiniens situés en Israël et ailleurs.
L'agriculteur palestinien n'a même pas l'accès garanti à sa terre, située à deux kilomètres de là. Les travailleurs palestiniens ne peuvent se rendre au travail. Les fournisseurs palestiniens ne peuvent livrer leurs produits aux points de vente. Les Palestiniens sont incapables d'exporter leurs légumes, leurs agrumes, leur huile d'olive et ainsi de suite. Les investisseurs palestiniens ne peuvent pas ouvrir des usines parce qu'ils ne sont pas sûrs de pouvoir les alimenter, de pouvoir avoir la main-d'oeuvre, et cetera.
À Bethléem, nous avons visité une petite usine qui produisait des souvenirs pour les touristes de Jérusalem, à cinq milles de là. L'usine a dû fermer. Pendant des mois, le bouclage des territoires l'a empêchée de livrer ses produits aux détaillants de Jérusalem. Dans la bande de Gaza, quelque 700 petites entreprises de textiles qui avaient antérieurement effectué du travail à contrat pour des usines d'Israël ont fermé parce qu'elles n'arrivaient pas à obtenir des fournitures et à livrer le produit fini.
Le bouclage des territoires par les Israéliens a contribué à réduire sensiblement le niveau de vie des Palestiniens.
Dans la bande de Gaza, un directeur d'école nous a raconté que des enfants arrivaient à l'école l'estomac creux, le matin, parce que leurs familles sont maintenant trop pauvres.
Au cours des dernières semaines, les Israéliens ont légèrement assoupli les restrictions, mais il reste d'importants obstacles à surmonter. Ces barrières continuent d'aggraver sensiblement les privations du peuple palestinien.
Le second angle sous lequel j'aimerais commenter inclut des considérations d'ordre géographique. Israël continue de s'efforcer, avec beaucoup de diligence, d'établir sa dominance en Cisjordanie. Depuis le début du processus de paix d'Oslo, en 1993, Israël, plutôt que de suspendre momentanément sa politique de colonisation, a débloqué des ressources supplémentaires pour la construction de maisons et de routes de contournement à l'intention des colons israéliens, routes que les Palestiniens ne sont pas, la plupart du temps, autorisés à prendre.
Israël contrôle également les ressources en eau. Ainsi, des colons israéliens de la Cisjordanie ont des piscines alors que leurs voisins palestiniens n'ont pas assez d'eau pour arroser leurs jardins.
Quand le processus de paix a débuté, en 1993, les Palestiniens croyaient obtenir un territoire unifié dont ils contrôleraient les ressources, ce qui leur permettrait s'ériger en société et de développer une économie. Jusqu'ici, ils n'exercent un contrôle réel que sur 3 p. 100 du territoire de la Cisjordanie.
J'aimerais vous montrer une carte sur laquelle les territoires cerclés de bleu représentent les 3 p. 100 de territoire sur lesquels les Palestiniens exercent une pleine autonomie. Les territoires plus grands, cerclés de jaune, représentent ce qu'on appelle la zone B. À l'origine, ces territoires devaient, eux aussi, être remis aux Palestiniens, mais ils font maintenant l'objet d'un contrôle conjoint. Les territoires en blanc, qui comprennent tout juste un peu plus de 70 p. 100 du territoire cisjordanien, continuent d'être occupés par les Israéliens.
Le gouvernement israélien actuel a déclaré qu'il ne projetait pas remettre aux Palestiniens plus que ce qu'ils avaient déjà obtenu. Il serait bon de noter que la position du gouvernement israélien va nettement à l'encontre de la politique canadienne. Le Canada continue de croire que les colonies juives sont non seulement des obstacles à la paix, mais qu'elles sont aussi illégales, qu'Israël n'a pas le droit de revendiquer Jérusalem-Est et que bien des mesures qui permettent aux Israéliens de maintenir l'occupation sont illégales. Pourquoi alors le Canada signerait-il avec ce régime un accord de libre-échange?
La situation présente bien des analogies troublantes avec celle de l'Afrique du Sud, il y a 20 ans. Le gouvernement y avait alors établi des bantoustans comme le Transkei qui, bien qu'ils aient été indépendants sur papier, constituaient en fait de petites enclaves fragmentées relevant du pouvoir dominant et condamnées à la pauvreté. Le Canada ne s'était pas engagé dans un accord de libre-échange avec le pouvoir dominant. Il n'avait pas tenu compte de ceux qui prétendaient que l'accord finirait bien par profiter aux bantoustans. Au contraire, il a imposé des sanctions économiques. Parce que je ne suis pas un chaud partisan des sanctions, il ne faut pas croire que j'appuie sans réserve le fait que le Canada donne l'impression d'approuver le pouvoir dominant en pareille situation.
De plus, j'aimerais vous entretenir brièvement d'une dimension historique. Au début du siècle, la Grande-Bretagne, qui dirigeait alors les affaires étrangères du Canada, s'est engagée à donner au peuple juif un territoire national. Elle laissait sous-entendre que les habitants de la région, c'est-à-dire les Palestiniens arabes, auraient à faire d'énormes concessions, mais elle promettait que l'arrangement ne causerait pas de préjudice à la population locale.
En 1947, les Nations Unies ont repris l'idée et ont recommandé la partition de la Palestine en deux États. L'État juif devait recevoir 56 p. 100 de ce qui jusqu'ici avait été la Palestine. Cette proposition exigeait des Palestiniens arabes qu'ils cèdent un territoire considérable. Les pays arabes ont rejeté la proposition, et les conflits ont éclaté. Les groupes juifs étaient bien armés. En fin de compte, quand l'État d'Israël a été déclaré, il possédait 77 p. 100 du territoire.
Le monde occidental s'est empressé de reconnaître l'État d'Israël et les frontières qu'il revendiquait. Cependant, en 1967, quand Israël a annexé d'autres territoires, le monde occidental, par la voix des Nations unies, a dit: «Non, c'est trop. Il faut rendre les territoires occupés par la force militaire». On l'a dit, année après année, sans résultat. Les territoires n'ont pas été rendus. Maintenant, presque 30 ans plus tard, le monde occidental est en train de légitimer en partie la possession par Israël de certains territoires occupés, sa dominance sur ces territoires et les méthodes qu'elle a utilisées pour la conserver.
Je n'aime pas parler de ces questions. Cependant, nous sommes convaincus que cette façon de marquer notre appui à la politique actuelle d'Israël n'est pas propice à une paix durable et juste ou à la coexistence paisible, dans le respect réciproque, de deux peuples. Cet appui a aussi des conséquences sur la scène plus globale, en termes de coexistence paisible du monde occidental et de tous les peuples du Moyen-Orient.
J'ai l'impression que le gouvernement du Canada s'est peut-être déjà engagé si loin dans l'accord qu'il lui serait peut-être très difficile d'en retarder la signature ou d'y apporter des modifications de fond. Je vous demanderais, cependant, si vous ne pouvez changer l'accord, de prendre au moins l'engagement ferme de suivre de très près l'évolution de la question là-bas, de même que la politique et les activités du Canada. Ainsi, les mesures prises par le Canada peuvent contribuer à réaliser les objectifs énoncés, qui sont une paix durable et juste et la coexistence de peuples différents qui ont tous beaucoup trop souffert, pendant trop longtemps.
Le sénateur De Bané: Je ne vois pas la logique de votre conclusion par rapport au reste de votre exposé. Vous nous avez expliqué pourquoi il ne serait pas sage, pour le Canada, de donner sa bénédiction à ces politiques en adoptant le projet de loi à l'étude, particulièrement au vu des politiques actuelles du gouvernement israélien. Dans votre conclusion, vous nous exhortez, si nous ne pouvons empêcher l'adoption du projet de loi, à suivre ce qui se passe là-bas.
Depuis un demi-siècle, le Canada s'efforce d'être impartial au Moyen-Orient en refusant de vendre des armes à Israël et aux Arabes, en aidant les pauvres et les réfugiés et en essayant de promouvoir la paix. Pendant cinquante ans, ce fut la politique du gouvernement du Canada.
Si nous adoptons le projet de loi à l'étude, croyez-vous que le Canada conservera son image d'impartialité dans cette région du monde et de bâtisseur de paix entre les Arabes et les Palestiniens?
Une des principales raisons invoquées par le gouvernement est que ce libre-échange finira par favoriser les Palestiniens. Toutefois, comme vous l'avez dit, les Palestiniens ont besoin de libre-échange avec Israël, non pas avec le Canada.
Comprenez-vous ce que j'essaie de dire?
M. Janzen: Oui, je comprends. Je vous remercie de me donner l'occasion d'expliquer quelque chose qui, manifestement, n'a pas été bien compris.
Je préférerais nettement que le projet de loi à l'étude ne soit pas approuvé et que l'accord ne soit pas mis en oeuvre, et c'est ce que je recommande. L'accord envoie les mauvais messages non seulement au peuple palestinien et, en un certain sens, au gouvernement d'Israël, mais aussi aux autres pays de la région.
Au cours des dernières années, un certain climat de confiance a commencé à s'installer. Depuis 1993, Israël en a beaucoup profité. Il a reçu la reconnaissance diplomatique de 38 nouveaux pays qui avaient auparavant refusé de le reconnaître, et certains d'entre eux étaient des pays du Moyen-Orient. Toutefois, cela ne peut continuer. Il est très clair que les peuples du Moyen-Orient sont extrêmement troublés par les faits et les nouvelles tendances. Leurs gouvernements le sont tout autant.
Parfois, la plus grande marque d'amitié que l'on puisse donner à quelqu'un est de lui dire: «Mon ami, vous faites fausse route. Dans votre propre intérêt, je ne puis vous appuyer. Je vous supplie de revenir sur votre décision». C'est le genre de message que devrait envoyer le Canada au gouvernement d'Israël.
En guise de conclusion, je dirai que, s'il est impossible d'empêcher cet accord, il faudrait au moins que votre comité suive de près ce qui se passe, bien que ce ne soit pas mon premier choix.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
Le sénateur Whelan: Monsieur Janzen, avez-vous dit que vous aviez passé beaucoup de temps dans la région dont il est question?
M. Janzen: Notre organisme travaille auprès des Palestiniens depuis 1949. Nous avons aussi travaillé en Jordanie, en Égypte, au Liban et en Syrie. J'ai vécu en Egypte de 1993 à 1995 et j'ai parcouru toute la région. J'ai aussi visité des Palestiniens pendant une semaine, en octobre dernier.
Le sénateur Whelan: Parlez-vous leur langue?
M. Janzen: J'ai le regret de dire que je ne la parle pas vraiment.
Le sénateur Whelan: Comment votre organisme a-t-il aidé ces gens?
M. Janzen: Auprès des Palestiniens, pendant de nombreuses années, nous avons réalisé des projets plutôt pratiques, par exemple les aider à utiliser au mieux les terres qui leur restaient en y installant des systèmes d'irrigation, en les aidant à installer des citernes de manière à pouvoir s'alimenter en eau et en leur fournissant des semences d'olivier.
Nous avons aussi mis en oeuvre un programme considérable d'importation d'artisanat. Des travaux d'aiguille, particulièrement ceux des Palestiniennes, étaient achetés là-bas et vendus en Amérique du Nord. D'autres organismes font ce même genre de travail.
Nous aidons plusieurs organismes à développer des moyens pacifiques de régler les conflits au sein de la société palestinienne. Nous avons aussi en cours plusieurs projets visant à aider les femmes et les personnes handicapées à trouver des moyens de gagner leur vie. Notre contribution est très faible. Nous ne disposons pas d'un million de dollars, mais bien de quelques centaines de milliers de dollars. Nous travaillons à la base, avec les gens.
Le sénateur Whelan: Donc, la valeur d'un seul chasseur à réaction pourrait vous être très utile?
M. Janzen: C'est peu dire! Effectivement, on pourrait faire beaucoup avec pareil montant.
Le sénateur Whelan: Quand vous étiez en Palestine, avez-vous discuté avec des Israéliens des conditions que vous avez décrites au comité?
M. Janzen: Durant mon dernier voyage, j'ai rencontré seulement un Israélien. J'avoue que j'étais plus à l'écoute des Palestiniens que des Israéliens.
Le sénateur Whelan: Quand vous étiez là-bas, avez-vous parlé à des autorités canadiennes?
M. Janzen: Oh oui!
Le sénateur Whelan: Avez-vous rencontré notre ambassadeur?
M. Janzen: Je n'ai pas parlé à l'ambassadeur, mais j'ai parlé à des fonctionnaires de l'ambassade.
Durant mon dernier voyage, j'ai interrogé les Palestiniens au sujet de certaines assertions contraires. Par exemple, Time Magazine a publié, en couverture, la photo d'un policier palestinien en train de tirer sur des Israéliens. Lorsque je les ai interrogés, les Palestiniens m'ont répondu qu'ils déploraient la violence, mais que les policiers palestiniens n'avaient ouvert le feu sur les Israéliens que lorsque ces derniers avaient envahi des territoires autonomes de la Palestine, notamment les 3 p. 100 de territoires qui leur ont été cédés.
Je me suis rendu dans une famille musulmane où le père, un policier palestinien, avait été tué par balle. On m'a raconté l'incident. Au sortir de la mosquée, après la prière du vendredi, il semble qu'un grand nombre de policiers et de militaires israéliens se trouvaient dans le secteur. Certains Palestiniens ont commencé à leur lancer des pierres. La police palestinienne a essayé de disperser les manifestants, leur demandant de rentrer chez eux.
Les policiers palestiniens ont aussi conseillé aux Israéliens de se faire moins visibles pour que la foule se disperse plus rapidement. Toutefois, les troupes israéliennes ne l'ont pas fait. Au contraire, elles se sont mises à tirer. Les gens ont fini par se disperser, mais bon nombre d'entre eux ont été blessés et tués. De nombreuses personnes ont reçu une balle dans le haut du corps, souvent dans le dos, révélant ainsi que les Israéliens ne tiraient pas vraiment pour se défendre.
Ceux à qui j'ai parlé ont fait remarquer que les territoires relevant uniquement de l'Autorité palestinienne sont moins menaçants pour les Israéliens maintenant que lorsqu'ils relevaient d'eux. Ils ont fait remarquer également qu'aucun des attentats suicides extrêmement tragiques survenus cette année n'avait été attribué à un Palestinien autorisé à travailler en Israël.
J'ai essayé de sonder le terrain en ce qui a trait à la démocratie palestinienne, qui est une question fort préoccupante également.
Le sénateur Whelan: Ce qui m'inquiète le plus, c'est le commerce de produits périssables. Je viens du Sud de l'Ontario où l'on cultive de nombreux produits périssables. De nombreux Mennonites du monde entier travaillent ensemble dans cette région à faire pousser des fruits et légumes. Je sais à quel point les pertes peuvent être élevées quand on ne peut vendre son produit et qu'on n'a pas d'entrepôt à température contrôlée.
Qu'avaient les autorités auxquelles vous vous êtes adressé à dire à ce sujet? Font-elles rapport à Ottawa de ce qui se passe là-bas?
M. Janzen: Les pertes sont considérables. D'après des données qui viennent, je crois, des Nations Unies, il se perd environ 6 millions de dollars par jour dans les territoires palestiniens.
Les représentants du Canada là-bas m'ont dit qu'ils faisaient des représentations auprès des autorités israéliennes. Selon eux, le gouvernement israélien commence à se rendre compte qu'il est dans son propre intérêt de prendre des mesures qui amélioreraient le sort économique des Palestiniens.
Au cours des six dernières semaines, certaines mesures ont été prises à cet égard. J'en félicite le gouvernement d'Israël et je lui en suis reconnaissant. Par contre, le gouvernement israélien sait aussi qu'il peut, sans préavis et quand il le juge bon, imposer un bouclage des territoires.
Étant donné les déclarations faites par le gouvernement actuel, les Palestiniens n'ont plus qu'un faible espoir, au mieux, d'obtenir un territoire plus ou moins unifié sur lequel se bâtir une société et se doter d'une économie. Il reste encore beaucoup à faire.
Le sénateur Whelan: La situation est extrêmement tragique, monsieur le président. J'ai visité Israël et la Jordanie, il y a déjà un bon bout de temps. Je m'y déplaçais en compagnie d'un conseiller agricole né aux États-Unis et formé là-bas, mais qui avait passé la plus grande partie de sa vie en Israël. Il travaillait de très près avec les villages arabes.
Je me suis rendu dans un village strictement arabe, dans ce qu'ils appellent la ceinture de la fraise. On y faisait pousser de succulentes fraises. Je n'en avais jamais vu de pareilles, même dans la région la plus fertile du Canada d'où je viens. Ils y faisaient pousser des fraises pendant huit moins de l'année. Ils les envoyaient le soir même de leur cueillette à Berlin, à Amsterdam ou à New York, à bord de 747.
Mon compagnon de voyage m'a dit: «Je suis Juif. À la sortie de l'école, les enfants arabes vont travailler au champ. Pendant ce temps, nos enfants apprennent la musique.» Je les ai vus faire.
Les Israéliens avaient effectué d'excellentes recherches. Nous avons alors signé avec eux un accord visant à échanger des chercheurs.
La situation semblait beaucoup plus harmonieuse là-bas, en 1983. J'avais été vivement impressionné par ce qu'ils faisaient. Nous parlons maintenant de libre-échange, mais il semble y avoir moins de liberté, moins de libre-échange, moins de tout.
J'aimerais savoir que ce disent nos gens d'ambassade à notre gouvernement, dans leurs rapports. Notre comité peut-il les obtenir?
Le président: Nous pourrions nous renseigner, sénateur.
Le sénateur Kinsella: Monsieur le président, le témoin peut-il nous dire ce qu'il pense de la définition de «pays» donnée dans le projet de loi, au paragraphe 41(1) de la page 20?
M. Janzen: La question ne relève pas de mon champ de compétence, mais j'ai entendu d'autres témoins dire que le Canada était en train de consentir des avantages de libre-échange à l'égard de produits cultivés dans des territoires occupés, occupation que le Canada estime illégale.
Le sénateur Kinsella: Avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'expression qui revient tout au long du projet de loi au sujet d'un autre bénéficiaire de l'accord? Connaissez-vous l'expression?
M. Janzen: Si les modalités en vertu desquelles ce bénéficiaire pouvait réellement obtenir des avantages étaient énoncées et que ces avantages étaient conditionnels, elles représenteraient selon moi une partie très significative du projet de loi. Toutefois, si j'ai bien compris, il appartient actuellement à Israël de permettre ou d'interdire à d'autres bénéficiaires les avantages de ces dispositions.
L'historique que je vous ai fait montre que les Israéliens ont jusqu'ici empêché les Palestiniens de profiter d'avantages. Si Israël persiste, je doute que les avantages revenant aux Palestiniens soient nombreux.
Le sénateur Kinsella: Des fonctionnaires nous ont dit que les territoires jouissant des avantages prévus dans l'accord seraient ceux où s'appliquent les règlements douaniers d'Israël.
Selon vous, les trois territoires que vous nous avez montrés sur la carte ne cadreraient-ils avec cette description?
M. Janzen: Non. À mon avis, ce serait les colonies israéliennes implantées dans les territoires occupés qui en profiteraient. Toutefois, même si tous ces territoires en bénéficiaient, Israël a mis en place tout un train de mesures pour empêcher la libre circulation des biens en territoires palestiniens. Je ne crois pas que ces territoires puissent bénéficier de l'accord. Israël a presque complètement fermé ses marchés aux Palestiniens. Il serait insensé de croire qu'il leur permettra maintenant d'accéder au marché canadien
Le sénateur Kinsella: Avez-vous examiné le genre de mécanisme prévu dans l'accord pour régler ce genre de situation?
M. Janzen: Pour être tout à fait franc, ce n'est pas une question que j'ai examinée de près. Les témoins qui me suivront, cet après-midi, pourront mieux y répondre que moi. Je me rends compte que vos questions sont parfaitement légitimes, mais je ne suis malheureusement pas en mesure d'y répondre.
Le sénateur Prud'homme: Je vous remercie d'avoir été si clair dans vos explications sur les 3 p. 100 et sur les 70 p. 100. Les Canadiens ont l'impression qu'une fois qu'Israël se retire d'Hébron, les Palestiniens auront pleine autorité sur la Cisjordanie. Il est très clair que ces six villes ne représentent que 3 p. 100 du territoire. C'est loin de la pleine autonomie. Les Palestiniens ont autorité sur quoi? Cette question m'a toujours préoccupé. Beaucoup d'entre nous n'ont jamais tout à fait saisi les enjeux.
Je ne souhaite pas rendre la tâche difficile à ceux qui, comme vous, travaillent dans cette région. Toutefois, on m'a transmis une lettre qui a été envoyée à un ministre. Il n'est pas nécessaire d'entamer une chasse aux sorcières au ministère des Affaires étrangères pour savoir qui m'a remis copie de la lettre adressée à M. Axworthy. Ce n'est pas quelqu'un du ministère des Affaires étrangères.
J'aimerais que cette lettre soit distribuée à tous les sénateurs ou, du moins, à ceux qui font partie du comité afin qu'ils puissent comprendre un peu mieux toutes les conséquences de la signature du traité avec Israël, État ami du Canada, mais qui n'est pas un allié. Il y a toute une différence entre l'amitié et les alliances, en politique internationale. Il faut défendre ses alliés. Israël est un bon ami du Canada. Cependant, cela ne nous empêche pas de nous lier d'amitié avec des pays arabes ou avec les Palestiniens.
Seriez-vous disposé à partager avec nous le contenu de la lettre envoyée à Lloyd Axworthy?
M. Janzen: Oui, sénateur. Je vous serais reconnaissant de la faire distribuer.
Le sénateur Prud'homme: La lettre est très courte. Elle est très claire et fait voir les choses sous l'angle de M. Janzen, bien sûr. Si le comité n'y est pas opposé, je demanderai que la lettre soit annexée au procès-verbal de la séance d'aujourd'hui. Ainsi, elle sera traduite.
Je ne vois aucune objection à cette proposition.
Le président: Monsieur Janzen, voulez-vous que cette lettre fasse partie de votre témoignage devant le comité aujourd'hui?
M. Janzen: C'est ce que propose l'honorable sénateur et je n'y vois aucune objection. Cela me satisfait.
Le président: Le comité est-il d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Elle sera annexée au témoignage entendu ici.
Le sénateur Prud'homme: J'admire quiconque tâche d'aider autrui. Si c'était le peuple juif qui avait besoin d'aide, j'approuverais tout autant quiconque lui viendrait en aide. Je tiens à ce que cela soit très clair.
J'admire le travail que vous avez accompli depuis 1947 à vos frais. Je sais ce que vous devez subir pour recueillir de l'argent partout au Canada. Cela fait honte à tous ceux qui devraient faire le même genre de travail. Je vous remercie du travail que vous faites ici.
M. Janzen: Le sénateur Whelan a mentionné les relations personnelles qui existent entre les Israéliens, les Juifs et les Palestiniens. Il ne fait aucun doute que chaque camp compte beaucoup de gens très bien. En fait, il existe des programmes où des citoyens juifs-israéliens et palestiniens se réunissent pour discuter de ces questions. Je suis heureux de constater que d'après certains sondages d'opinion publique en Israël, il existe un appui en faveur d'une orientation tout à fait différente de celle adoptée par le gouvernement actuel. Ce sont les éléments sur lesquels le Canada peut bâtir. Je vous remercie beaucoup.
Le président: Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, monsieur Janzen.
Honorables sénateurs, notre prochain témoin est un représentant du Conseil national des relations canado-arabes.
M. Michael Lynk, secrétaire-trésorier, Conseil national des relations canado-arabes: Monsieur le président, M. Atif Kubursi devrait être ici d'un moment à l'autre. Il participe actuellement à une réunion sur le Liban, présidée par le député Mac Harb.
Je suis prêt à commencer. Il vous présentera ses remarques lorsqu'il arrivera.
J'ai distribué une copie de notre déclaration au comité. Elle est assez longue, mais je crois qu'elle vaut la peine d'être lue. À la fin du document, nous avons inclus un article du numéro de la semaine dernière du Guardian Weekly de Manchester en Angleterre à propos du bouclage des territoires par Israël et de ses répercussions sur l'économie palestinienne. J'aborderai ce point dans quelques minutes.
Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole devant vous.
Au début des années 80, votre comité a grandement contribué à la paix au Moyen-Orient en invitant le délégué des Nations Unies de l'Organisation de libération de la Palestine à comparaître devant lui. Cela a permis de briser la glace, en ce qui concerne les relations du Canada avec le Moyen-Orient. La plupart des choses que je lis sur les relations entre le Canada et le Moyen-Orient en font mention. Je vous félicite de cette initiative.
Je parlerai principalement du droit international. Je suis un avocat de formation. Lorsque M. Kubursi se joindra à moi, il vous parlera des répercussions économiques de l'accord de libre-échange.
J'aimerais présenter cinq points au comité avant de répondre à vos questions.
Le sénateur Prud'homme: Monsieur le président, comme certains membres réguliers du comité ne sont pas présents aujourd'hui et n'auront peut-être pas l'occasion de lire sa déclaration, le témoin pourrait peut-être en souligner les éléments principaux. Ce document devrait être annexé au procès-verbal des délibérations d'aujourd'hui ou être lu par le témoin. C'est un document difficile à comprendre.
Le président: En ce qui concerne la présentation de documents détaillés, l'usage au comité veut qu'on les fasse circuler parmi les membres du comité et que le témoin en souligne les principaux points. L'usage n'est pas d'avoir une présentation parallèle, c'est-à-dire de reproduire la totalité de la déclaration dans le procès-verbal et d'avoir aussi le compte rendu, mot pour mot, des délibérations du comité.
C'est à mon avis l'usage que nous devrions suivre. Si les membres du comité ne trouvent pas cela raisonnable, le comité peut en décider autrement.
Le sénateur Prud'homme: Est-ce l'usage de distribuer le document uniquement aux membres proprement dits du comité? Au bout du compte, c'est le Sénat qui votera sur ce projet de loi. Tous les sénateurs devraient pouvoir prendre connaissance de ces déclarations.
Le président: C'est un argument valable. Je ne crois pas que les membres du comité aient des objections à ce que vous fassiez circuler le document parmi tous les sénateurs.
Le sénateur Prud'homme: Ce n'est pas mon travail.
Le président: Je ne crois pas avoir l'autorité pour le faire. J'ai certaines fonctions au sein du comité, mais elles ne se rapportent pas à l'ensemble du Sénat.
Le sénateur Prud'homme: J'aimerais rappeler au témoin que s'il veut que certains points importants soient versés au compte rendu, il devrait les lire à haute voix. Autrement, ils pourraient échapper à notre attention.
M. Lynk: Je vous remercie beaucoup de ce conseil, sénateur Prud'homme.
Le sénateur Prud'homme: Ce n'est qu'une proposition.
Le sénateur De Bané: Je suis d'accord avec les lignes directrices que vous avez énoncées, monsieur le président. Cependant, le Conseil national des relations canado-arabes est un groupe de coordination et de réflexion qui réunit tous ceux qui s'intéressent aux relations entre le Canada et le monde arabe. Ne pourrions-nous pas faire une exception pour cette organisation et annexer son mémoire au procès-verbal d'aujourd'hui? Nous pourrions faire la même chose pour le mémoire du comité Canada-Israël. Il s'agirait d'une exception et non d'une modification de nos règles.
Le sénateur Carney: J'aimerais entendre le témoin. Nous commençons à manquer de temps.
Le sénateur De Bané: J'aimerais que l'on étudie ma demande.
Le président: Si vous voulez présenter une motion, sénateur, je devrai la soumettre au comité.
Le sénateur De Bané: Je propose que la déclaration du Conseil national des relations canado-arabes soit annexée au procès-verbal de nos délibérations d'aujourd'hui.
Le président: Chers collègues, vous avez entendu la motion. Voudriez-vous lever la main si vous acceptez la motion?
Le sénateur Lynch-Staunton: Il serait préférable de nous occuper des questions administratives une fois les témoins partis. Pour le moment, poursuivons l'audition des témoins.
Le président: Nous avons une motion dont nous devons nous occuper, sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur Carney: Nous pouvons nous en occuper plus tard.
Le président: Sénateur De Bané, acceptez-vous de retirer votre motion pour l'instant, s'il est entendu qu'elle sera présentée plus tard?
Le sénateur De Bané: Certainement.
Le président: Je demanderais au témoin de bien vouloir continuer.
M. Lynk: J'aimerais vous présenter cinq points, après quoi je me ferai un plaisir de répondre aux questions du comité. J'aimerais laisser un peu de temps à M. Kubursi pour qu'il aborde son domaine de compétence.
Tout d'abord, même si on voulait qu'il en soit autrement, il est impossible de dissocier la politique et l'économie dans quelque secteur que ce soit de la vie publique. Il est certainement impossible de les dissocier dans le cadre de l'analyse de cet accord de libre-échange. Nous ne pouvons pas dissocier l'accord de libre-échange Canada-Israël des progrès réalisés vers la paix au Moyen-Orient en général et entre les Israéliens et les Palestiniens en particulier.
Il faut dire que cet accord n'aurait pas vu le jour sans la signature des accords Oslo I et Oslo II en 1993 et en 1995. Le Canada y a vu une occasion de lier l'économie et la politique au Moyen-Orient et d'améliorer la confiance que le processus de paix commençait lentement à inspirer aux parties.
Cela dit, je pense que le gouvernement a changé. Le processus de paix ne progresse plus. Il est interrompu et même il régresse. Le moment est mal choisi pour présenter ce projet de loi. Il transmet un mauvais message, surtout symboliquement, au Moyen-Orient. Le Conseil national des relations canado-arabes aimerait que ce projet de loi soit retiré jusqu'à ce que le moment soit plus propice pour ce qui est des progrès vers la paix au Moyen-Orient.
Cela vaut également pour l'orientation politique actuelle au Moyen-Orient.
Je vous renvoie à la page 8 de notre mémoire, au haut de la page, où nous signalons certaines violations qui se sont produites depuis l'inauguration du gouvernement israélien actuel, il y a six mois.
Le mouvement en faveur de la création de nouvelles colonies et du peuplement des colonies existantes s'est intensifié. On a élargi le système routier à l'intention des colons dans l'ensemble de la Cisjordanie et le bouclage prolongé et extrêmement perturbateur des territoires administrés par les Palestiniens a entraîné la destruction de l'économie palestinienne.
Les hauts responsables du gouvernement israélien n'ont cessé de déclarer qu'ils n'avaient absolument pas l'intention de céder sur aucun des aspects du statut définitif y compris -- et ils sont importants pour les deux parties mais surtout pour les Palestiniens -- Jérusalem, les colonies, les frontières définitives, le droit de retour des réfugiés, la souveraineté des eaux et la souveraineté palestinienne pour concrétiser une paix juste et définitive.
Enfin, il y a également le désir évident du gouvernement d'Israël de conserver le contrôle permanent d'autant de territoires conquis en 1967 que possible.
Je vous renvoie également aux pages 14 et 15 de notre mémoire, qui renferment des extraits des lignes directrices du gouvernement israélien actuel sur lesquelles se sont entendues en juin 1996 toutes les parties représentées au Cabinet, dirigé maintenant par le premier ministre Nétanyahou. Elles énoncent explicitement la position du gouvernement entre autres sur la question des colonies, de Jérusalem et de la conservation des territoires.
J'attire aussi votre attention au milieu de la page 16 où nous citons M. Nétanyahou lors de sa visite à la colonie d'Ariel en Cisjordanie, la semaine dernière. M. Nétanyahou a défendu la politique de colonisation de son gouvernement tout en rejetant la revendication des Palestiniens concernant leurs terres ancestrales. Voici ce qu'il a déclaré:
Les gens ne vivent pas ici depuis des milliers d'années. Regardez ces collines. Avons-nous privé qui que ce soit de quoi que ce soit? Des terres stériles. Si nous n'étions pas venus ici, ces terres seraient restées stériles pendant encore 2 000 ans.
Le troisième point sur lequel je tiens à attirer l'attention du comité est le rôle que le droit international doit jouer en ce qui concerne le règlement final d'une paix juste et durable au Moyen-Orient.
Je relève tout d'abord les déclarations publiques du Canada, auxquelles souscrit entièrement le Conseil national des relations canado-arabes.
En avril 1995, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a déclaré:
Le Canada ne reconnaît pas le contrôle permanent d'Israël sur les territoires occupés en 1967 (le plateau du Golan, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza) et s'oppose à toute mesure unilatérale visant à déterminer d'avance l'issue des négociations, y compris l'établissement de colonies dans les territoires et toute mesure unilatérale destinée à annexer Jérusalem-Est et le plateau du Golan. Le Canada considère que de tels actes sont contraires au droit international et défavorables au processus de paix.
Certaines des principales caractéristiques du droit international qui ont été codifiées dans les conventions de Genève de 1949 interdisent l'acquisition de territoires par des mesures militaires ou la guerre; le transfert des populations civiles d'une puissance conquérante aux territoires occupés; l'imposition de pénalités collectives à une population occupée; l'ingérence dans le bien-être de la population occupée de manière à la priver de nourriture, de secours ou de soins médicaux; le déni des droits juridiques fondamentaux des personnes détenues ou leur transfert des territoires occupés; l'ingérence dans les droits de la propriété privée de la population occupée; ou l'imposition de mesures de sécurité à la population occupée, qui dépassent le minimum absolu exigé pour assurer le maintien de l'ordre.
Il y a quelques semaines, j'ai parcouru l'ensemble des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies entre 1967 et 1991. Le conseil a adopté 116 résolutions enjoignant Israël de renoncer aux territoires occupés, soit ceux que j'ai mentionnés ou les territoires qu'il occupe maintenant dans le sud du Liban. Jusqu'à présent, ces résolutions sont restées lettre morte.
Notre quatrième point fait écho à celui présenté par le témoin précédent. Il s'agit de savoir quelles sont les frontières d'Israël qui seront visées par l'accord de libre-échange.
Les chiffres actuels laissent entendre qu'environ 260 citoyens israéliens vivent dans des colonies en Cisjordanie. Ces colonies sont illégales en vertu du droit international. Elles deviennent de plus en plus importantes et intégrées à l'économie israélienne pour ce qui est du secteur manufacturier, de l'industrie légère et de l'agriculture.
Le projet de loi C-61 ne renferme aucune disposition concernant les marchandises provenant des frontières d'Israël telles qu'elles existaient avant 1967 ou des colonies fondées après 1967.
Notre crainte est avivée par les commentaires faits par le ministre Eggleton lorsqu'il a témoigné devant le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes le 29 octobre. On lui a demandé à plusieurs reprises si le projet de loi C-61 s'appliquait uniquement au tracé des frontières antérieur à 1967. Il a répondu:
Le projet de loi couvre toute la zone délimitée par les frontières actuelles d'Israël.
M. Loney lui a alors demandé plus de précision et si certaines zones étaient exclues.
M. Eggleton a répondu:
Vous voulez dire à l'intérieur des frontières actuelles de l'État d'Israël? Je ne le pense pas.
[...] Il l'applique au territoire sur lequel Israël exerce un contrôle douanier, donc au territoire de l'Autorité palestinienne.
Récemment les médias ont rapporté que Revenu Canada avait pris des mesures pour rayer de la liste un organisme de charité au Canada qui envoyait des fonds exempts d'impôt aux colonies de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Cette mesure a été prise conformément à la politique canadienne dont j'ai parlé il y a quelques instants. Il me semble contradictoire que le Canada tout en agissant ainsi signe un accord de libre-échange avec Israël, qui autorise l'entrée au Canada, à des conditions privilégiées, de marchandises fabriquées par ces colonies illégales dans les territoires occupés.
Les gens demandent souvent si en cas de signature d'un accord de libre-échange avec Israël, il ne faudrait pas rétablir l'équilibre en signant également un accord de libre-échange avec la Palestine. Le Conseil national des relations canado-arabes serait partisan d'un accord de libre-échange signé avec l'Autorité palestinienne. Cependant, cela serait loin de contribuer à réparer les torts ou à rétablir l'équilibre.
Si nous sommes de cet avis, c'est parce qu'Israël possède fondamentalement une économie avancée de style européen et profiterait considérablement d'un accord de libre-échange. Par contraste, la Palestine a une économie tiers-mondiste très primitive et anémique. Son revenu par habitant se situe entre 1 200 et 1 500 $ par année. Israël domine l'économie et il serait beaucoup plus profitable pour le développement politique et économique de la Palestine que le Canada se joigne à d'autres puissances occidentales qui sont des amies ou des alliées d'Israël pour tâcher d'influencer Israël et l'inciter à cesser ces blocages économiques qui dévastent l'économie palestinienne au lieu de conclure un accord de libre-échange avec la Palestine.
L'économie palestinienne est principalement agricole et il y a très peu de fabrication. Les 300 bouclages et plus des territoires palestiniens depuis la signature des accords d'Oslo en 1993 ont coûté à l'économie palestinienne environ six millions de dollars par jour. Les produits agricoles palestiniens sont souvent bloqués aux aéroports et aux ports israéliens jusqu'à ce qu'ils pourrissent et ne puissent plus être exportés.
Je céderai maintenant la parole à M. Kubursi qui abordera de façon plus générale les conséquences économiques de ce traité.
Le président: Je tiens à préciser au comité que nous entendons des témoins qui ont demandé à être entendus.
Nous entendrons maintenant M. Atif Kubursi qui est économiste. Il a été professeur à l'Université McMaster et a agi à titre de professeur invité à la Faculté d'économie et de politique à l'Université Cambridge. Je pourrais en dire beaucoup plus mais je m'en tiendrai là.
Monsieur Kubursi, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre les témoignages précédents. J'espère, compte tenu de l'heure, que votre témoignage ne sera pas répétitif. S'il le devient, vous m'excuserez si je me vois obligé de vous le dire. Vous voudrez bien alors utiliser votre temps pour aborder un nouveau point.
M. Atif Kubursi, membre principal du conseil d'administration, Conseil national des relations canado-arabes: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. J'essaierai d'être à la hauteur.
J'ai trois points à présenter. Tout d'abord, l'accord de libre-échange avec Israël n'est pas fondé uniquement sur des considérations économiques. C'est en fait un aspect très mineur. Je suis sûr que beaucoup de gens vous l'ont dit. L'accès n'est pas un problème. Les échanges entre le Canada et Israël ont augmenté de façon appréciable l'année dernière. Les exportations ont augmenté de 37 p. 100 et les importations de 32 p. 100. Il semble n'exister aucun problème d'accès.
Deuxièmement, nos échanges commerciaux se font avec de nombreux autres pays -- et nous exportons beaucoup plus qu'Israël -- avec lesquels aucun accord commercial n'existe ou n'est envisagé. Le problème, ce sont les incidences que cet accord aura sur l'économie arabe en général, l'économie palestinienne en particulier et l'économie canadienne. À ces trois niveaux, nous estimons qu'il existe certains problèmes auxquels nous devons nous attaquer.
En ce qui concerne l'économie arabe, nous envoyons le mauvais message. Les exportations du Canada vers l'Arabie Saoudite seulement sont supérieures au volume des échanges bilatéraux entre le Canada et Israël. Nous exportons plus de 500 millions de dollars vers l'Arabie Saoudite.
Il s'agit également d'un mauvais message en ce sens que nous accordons à un pays un traitement préférentiel que nous n'accordons pas au reste de la région. Il n'est pas dans l'intérêt du Canada, qui fait énormément de commerce dans la région même si seulement 17 p. 100 de ses échanges se font avec Israël, d'accorder à Israël un traitement préférentiel que nous n'avons pas accordé à d'autres pays. À mon avis, cela n'est pas dans l'intérêt du Canada pour l'instant, compte tenu des possibilités d'échanges dans la région et des messages négatifs qu'une telle mesure risque de transmettre à la région.
L'autre aspect important, c'est que cet accord nuit à l'économie palestinienne, et pas seulement parce que nous accordons aux zones occupées, particulièrement aux colonies, l'accès préférentiel aux produits canadiens qui pourrait leur permettre d'utiliser illégalement l'eau qui appartient aux Palestiniens. Cela serait contraire à certaines vues, procédures, règles et lois établies, qui nous sont chères depuis longtemps et auxquelles nous avons été parties.
Les conséquences pour l'économie palestinienne sont également désastreuses. Même si nous accordions cet accord commercial aux Palestiniens, cela ne servirait pas leurs intérêts parce que pour l'instant ils n'ont aucun contrôle sur leur territoire et se voient refuser l'accès à l'eau. Il s'agit principalement d'une économie agraire. Les seules exportations que nous pourrions obtenir de cette région sont des produits agricoles. Or, la production agricole est inexistante. Même si des denrées agricoles étaient produites, elles ne seraient pas accessibles parce qu'elles doivent passer par les postes de contrôle israéliens.
L'aspect sans doute le plus préjudiciable, c'est que les fruits et les légumes constituent le gros des exportations israéliennes vers le Canada. Ces produits ont besoin d'énormément d'eau et il est ridicule que l'un des pays les plus pauvres en eau au monde exporte des produits nécessitant une grande consommation d'eau vers le pays le plus riche au monde. À mon avis, le traitement préférentiel accordé à ces produits compromettra l'intégrité écologique de la nappe aquifère commune que partagent les Palestiniens et les Israéliens. Nous aurions davantage intérêt à offrir des mesures propres à encourager une utilisation plus rationnelle.
Pour l'instant, Israël accorde d'importants encouragements à l'exportation et établit le prix de ses produits agricoles à une fraction de leur valeur compte tenu de leur disponibilité limitée. En leur accordant un accès préférentiel, nous encourageons le gaspillage de cette eau. Nous compromettons encore davantage l'intégrité écologique de la nappe aquifère, qui est non renouvelable. Cet aspect est au coeur même du conflit concernant les ressources en eau de la région.
De plus en plus, et surtout, nous transmettons le mauvais message car il impossible de dissocier l'économie de la politique. Nous estimons que cet accord doit être conclu en temps de paix. Conclure cet accord maintenant équivaut à dire au gouvernement israélien que peu importe les mesures qu'il décide de prendre, peu importe la façon dont il retarde ou enraye le processus de paix, le Canada est prêt à fermer les yeux plutôt qu'à lui demander de soutenir le processus de paix. Nous nous trouverions à le récompenser de faire exactement le contraire de ce sur quoi repose cet accord.
Le sénateur Whelan: Savez-vous si des étrangers sont propriétaires d'entreprises dans les territoires occupés?
M. Kubursi: Les entreprises appartiennent principalement aux Palestiniens dans la région palestinienne. Il y a très peu d'entreprises qui appartiennent à des étrangers. Cependant, dans les colonies, il existe des entreprises israéliennes et étrangères.
Le sénateur Whelan: Y a-t-il des Canadiens là-bas?
M. Kubursi: Je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Whelan: Pourrions-nous nous renseigner, monsieur le président?
Le président: Nous pouvons étudier la question et voir si le comité doit lancer une enquête.
Le sénateur Whelan: J'estime que c'est un aspect d'une grande importance. Plus j'entends parler de cet accord de libre-échange, moins il me semble libre pour l'une ou l'autre partie. Il sera peut-être profitable à une poignée de gens et j'aimerais savoir si certains d'entre eux sont des Canadiens.
Le sénateur Grafstein: Quels sont les pays que le Conseil national des relations canado-arabes représente?
M. Lynk: Nous ne représentons aucun pays. Nous sommes des Canadiens d'origine arabe.
Le sénateur Grafstein: D'après les témoignages que j'ai entendus, on craint que cet accord soit injuste pour d'autres pays arabes. Vous pourriez peut-être nous donner des précisions à ce sujet. Quels sont les pays auxquels vous songez particulièrement lorsque vous faites cette déclaration?
M. Kubursi: Je dis cela en ce sens que cela pourrait créer un obstacle et nuire aux relations avec le Canada.
Le sénateur Grafstein: De quels pays s'agit-il?
M. Kubursi: Je dirais qu'il s'agit de tous les pays arabes, qui sont au nombre de 22, avec lesquels le Canada a des relations commerciales. Ils auront l'impression qu'Israël a été tout spécialement choisi pour faire l'objet d'un traitement particulier qui ne leur a pas été accordé à eux. Il s'agit d'un traitement asymétrique.
Le sénateur Grafstein: J'aimerais avoir plus de précisions à propos des relations qu'entretient le Conseil national des relations canado-arabes avec l'Autorité palestinienne. Nous avons lu des articles dans les journaux à propos d'événements récents dans cette région du monde.
À qui précisément le Conseil national a-t-il parlé au sein de l'Autorité palestinienne en ce qui concerne l'accord de libre-échange? Quand ces réunions ont-elles eu lieu et qu'a-t-on dit à propos de l'accord de libre-échange?
M. Kubursi: Nous n'avons rencontré personne et nous n'avons pas l'intention de le faire. Nous en parlons en tant que scientifiques, économistes et personnes intéressées. J'ai fait énormément de travail dans la région. À l'heure actuelle, je travaille à un projet d'aménagement hydraulique pour le Centre de recherches pour le développement international.
Je suis le directeur régional du projet d'aménagement hydraulique au Moyen-Orient de l'Université Harvard. Je suis continuellement en contact avec la région et j'ai écrit plusieurs ouvrages à ce sujet.
Le sénateur Grafstein: Je ne conteste pas votre compétence, ni vos connaissances. J'aimerais avoir des renseignements plus concrets concernant la position actuelle de l'Autorité palestinienne. Plus précisément, qu'a déclaré l'Autorité palestinienne au sujet de cet accord de libre-échange, qui a fait cette déclaration et quand a-t-elle été faite?
Il serait utile que le comité examine une déclaration plus précise car nous avons affaire à deux marchés: le marché israélien et le marché palestinien. Nous avons entendu le témoin précédent, le représentant des Mennonites, nous déclarer qu'il a été là-bas pendant une semaine et qu'il a discuté avec les citoyens de la région mais je ne l'ai pas entendu dire qu'il avait rencontré les autorités.
Si vous possédez cette information, cela serait utile. Dans la négative, je comprends.
M. Lynk: J'offrirai une réponse en deux temps.
Tout d'abord, nous ne sommes pas le porte-parole de l'Autorité palestinienne en ce qui concerne cet aspect. Nous sommes une organisation de Canadiens d'origine arabe, dont nous présentons le point de vue aujourd'hui.
Pour connaître la déclaration de l'Autorité palestinienne, vous voudrez peut-être vous adresser au représentant de la Palestine au Canada, ici à Ottawa. Je suis sûr qu'il sera ravi de répondre à vos questions, devant le comité ou en privé.
Deuxièmement, j'appuie les propos de M. Janzen. J'étais dans les territoires pendant deux semaines en janvier. C'était ma troisième visite dans les territoires. Même si ce n'était pas le but premier de ma visite, j'ai effectivement parlé à des hommes d'affaires palestiniens. Lorsqu'il a été question du Canada, ils ont indiqué qu'ils aimeraient recevoir une plus grande aide du Canada et faire plus d'échanges commerciaux avec le Canada.
Cependant, d'abord et avant tout, ils ont indiqué à quel point le bouclage permanent des territoires par Israël était désastreux pour l'économie palestinienne. C'était pour eux le problème économique le plus pressant, car tant que le bouclage des territoires se poursuit, il leur sera impossible d'utiliser efficacement l'aide au développement qu'ils recevront et de profiter des relations commerciales qu'ils pourraient établir avec le Canada, l'Europe, les États-Unis ou tout autre pays.
Le sénateur Grafstein: Pouvez-vous nous dire de façon précise combien de Palestiniens travaillent pour des entreprises d'exportation soit palestiniennes, soit israéliennes?
M. Kubursi: À l'heure actuelle, 22 000 Palestiniens travaillent en Israël, principalement dans le secteur de la construction, qui n'est pas un produit d'exportation, et dans le secteur agricole, qui exporte habituellement la moitié des récoltes, le reste étant destiné au marché intérieur.
Le sénateur Grafstein: Combien travaillent uniquement pour des entreprises d'exportation? C'est de cela dont il est question ici.
M. Kubursi: Seul un très petit nombre. À un moment donné, 130 000 Palestiniens travaillaient en Israël. Ils sont beaucoup moins nombreux aujourd'hui en raison du bouclage des territoires. Les Palestiniens en Israël travaillent surtout dans le secteur de la construction. Seul un faible nombre travaillent pour des entreprises d'exportation israéliennes.
Le sénateur Grafstein: Combien y en a-t-il sur les 22 000?
M. Kubursi: Sur les 22 000, moins du quart.
Il y a un autre facteur dont il faut tenir compte. Les Palestiniens ont conclu un accord de libre-échange avec Israël aux termes du Protocole de Paris, mais ils n'ont pas été en mesure de tirer parti des avantages qu'il leur accorde.
Les économistes ne s'entendent pas sur bien des points. Toutefois, en matière de libre-échange, surtout entre pays riches et pays pauvres, nous sommes d'accord pour dire que, dans une large mesure, le pays pauvre en tirera des avantages s'il a accès au marché du pays riche. Habituellement, les pays pauvres ne possèdent pas de technologie manufacturière de pointe. Leur raffinement technique et leur capacité de production sont très limités. Le secteur le plus productif est habituellement celui de l'agriculture, et au Moyen-Orient, ce secteur est fortement tributaire des ressources en eau.
Le sénateur Grafstein: C'est ce que j'avais entendu dire.
M. Kubursi: Dans les territoires occupés, les habitants ont droit à moins de 100 mètres cubes d'eau par personne, par année. Seulement 70 p. 100 de cette ressource sont destinés au secteur agricole. Même en vertu du dernier volet de l'accord d'Oslo, les Palestiniens contrôleront moins de 26 p. 100 de leur territoire et moins de 20 p. 100 de leurs ressources en eau. Dans ces circonstances, il est impossible de créer une économie viable qui pourra tirer parti des avantages du libre-échange.
Il faut absolument faire en sorte, surtout si le Canada tient à leur venir en aide, que les Palestiniens exercent un plus grand contrôle sur leurs ressources en eau et sur leurs terres pour qu'ils puissent développer une économie viable et ainsi améliorer leur niveau de vie.
Le sénateur Grafstein: Y a-t-il d'autres secteurs, en dehors des secteurs agricole et artisanal, que les Palestiniens sont en train de développer, aux fins d'exportation?
M. Kubursi: Oui.
Le sénateur Grafstein: Lesquels?
M. Kubursi: Il y a trois grands secteurs. Ils essaient de se lancer dans la transformation de produits alimentaires, surtout de l'huile d'olive. Ils possèdent quelques presses et essaient de mettre au point un produit de qualité. Ils s'intéressent également à la préparation d'aliments, comme les biscuits, le chocolat et les fruits séchés.
Le deuxième secteur est celui des batteries. Ils essaient de mettre au point des produits relativement simples à fabriquer, et aussi des produits textiles, surtout ceux qui exigent une main-d'oeuvre abondante, parce que l'avantage comparatif des Palestiniens, c'est leur main-d'oeuvre bon marché. Les Palestiniennes sont particulièrement douées pour les travaux de broderie. Il s'agit-là d'une tradition séculaire.
On tente maintenant de développer des compétences en services techniques, surtout dans le domaine de l'information géographique, et je suis très fier de faire partie du groupe qui travaille à ce projet. Pour la première fois, les Palestiniens devancent les Israéliens au chapitre des techniques de cartographie. Israël fait appel à leurs compétences dans ce domaine pour établir ses systèmes d'utilisation des terres.
Le sénateur Grafstein: Vous avez parlé de l'exportation de textiles. Souhaitent-ils également assembler et exporter du matériel de faible technicité?
M. Kubursi: Oui.
Le sénateur Grafstein: Ils semblent également vouloir accroître la production d'objets religieux aux fins d'exportation. Il y a beaucoup de petites entreprises naissantes qui, si la situation était différente, seraient prêtes à se lancer dans l'exportation. Elles seraient très compétitives en raison de la structure de leurs coûts.
M. Kubursi: Il y a plusieurs facteurs concernant l'offre et la demande dont il faut tenir compte.
En ce qui concerne la demande, les Palestiniens détiendraient un important avantage concurrentiel s'ils avaient un meilleur accès aux marchés arabes. Ils seraient à ce moment-là sur le même pied que leurs concurrents. Il est très difficile pour les Palestiniens de faire concurrence aux économies plus avancées.
Ils ont été exclus des marchés traditionnels, surtout dans le Golfe persique, en Jordanie, en Syrie et au Liban. Ils ont été privés de certains avantages concurrentiels qu'ils avaient développés au fil des ans. Aujourd'hui, ils doivent faire concurrence à une économie plus avancée, mais leurs chances et leurs capacités sont limitées.
Pour ce qui est de l'offre, l'économie palestinienne a été exposée à l'économie israélienne, où le prix de revient est très élevé, ce qui a pour effet de lui imposer un lourd fardeau. Les Palestiniens n'ont pas été exposés à une forte concurrence, même dans leurs marchés traditionnels. Or, ils sont maintenant obligés d'obtenir du crédit à des taux beaucoup plus élevés.
Ils doivent aussi changer leur optique en ce qui concerne la main-d'oeuvre, puisque celle-ci peut trouver du travail comparable en Israël. Israël peut verser des salaires élevés, son économie étant productive et hautement compétitive. Les Palestiniens, eux, ne peuvent pas le faire.
De plus, Israël a délibérément et systématiquement adopté des politiques qui font qu'il est très difficile pour les industries palestiniennes naissantes de prendre de l'expansion.
En 1967, lorsque les Israéliens se sont installés en Cisjordanie, ils disposaient déjà d'industries bien établies, qui comptaient pour 7 ou 8 p. 100 de leur produit intérieur brut. Aujourd'hui, ils possèdent toujours les mêmes industries. La situation n'a pas beaucoup changé.
À mon avis, les Israéliens considèrent l'économie palestinienne comme un marché captif et préfèrent que les choses restent ainsi. Ils n'ont pas permis aux Palestiniens d'avoir accès au marché du crédit. Les industries palestiniennes n'ont pas droit aux avantages comparatifs dont bénéficient les industries israéliennes.
L'exposition à l'économie israélienne, où le prix de revient est élevé, et l'exclusion des marchés traditionnels ont eu pour effet, de façon notable, de miner la capacité de production de l'économie palestinienne.
Le sénateur Grafstein: Est-il juste de dire que les autres pays arabes s'inquiètent de la situation, en raison des accords de libre-échange concluent entre Israël, les États-Unis et l'Union européenne, et de l'accord qui pourrait être conclu entre Israël et le Canada? Est-ce que ces accords ne donneraient pas, non seulement à l'économie israélienne, mais aussi à l'économie palestinienne, un avantage concurrentiel sur les autres pays arabes qui n'ont pas les mêmes rapports commerciaux avec les États-Unis, l'Union européenne ou le Canada?
Est-ce que cet accord ne donnerait pas à l'économie palestinienne un avantage comparatif sur les autres pays qui ne jouissent pas des mêmes rapports commerciaux?
M. Kubursi: Les préoccupations des Arabes sont nombreuses. D'abord, ils craignent que les accords ne donnent à Israël un traitement préférentiel. Deuxièmement, Israël est récompensé alors qu'il a révoqué les engagements pris lors de la conférence de paix, à Madrid. Je suis certain que les Jordaniens sont eux aussi inquiets dans une certaine mesure.
Le sénateur Lynch-Staunton: Sur les 22 pays arabes, y en a-t-il qui ont protesté officiellement auprès du gouvernement du Canada? Y a-t-il des pays arabes qui sont intervenus auprès du gouvernement pour protester contre cet accord ou pour remettre son bien-fondé en question?
M. Kubursi: Pas à ce que je sache, non.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous parlez des craintes des pays arabes. Vous devez donc être leur porte-parole. Y a-t-il des gouvernements arabes qui ont poussé leurs démarches plus loin? Ont-ils formellement exposé leurs inquiétudes au gouvernement du Canada?
M. Kubursi: Je ne suis le porte-parole d'aucun pays arabe. Comme nous l'avons mentionné, nous représentons les Canadiens d'origine arabe.
Je suis convaincu que, lorsqu'ils auront analysé la question, ils constateront qu'il s'agit d'un accord exclusif négocié par le Canada.
Le sénateur Lynch-Staunton: Permettez-moi de vous interrompre. Vous et d'autres témoins entendus hier nous avez dit craindre une détérioration éventuelle des relations entre le Canada et les pays arabes si nous signons cette entente, parce que cela reviendrait, en réalité, à sanctionner des gestes pour le moins répréhensibles d'Israël.
Le fait que le Canada conclue pareil accord inquiète-t-il tant les pays arabes qu'ils ont protesté directement auprès du gouvernement du Canada?
Si le témoin ne peut répondre, y a-t-il une autre personne dans la salle qui peut répondre à cette question, monsieur le président?
Le président: On pourrait probablement poser la question au porte-parole du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Le sénateur Lynch-Staunton: L'Autorité palestinienne a-t-elle fait des représentations auprès du gouvernement du Canada? Il importe de mieux connaître la pensée des gouvernements intéressés. Je ne prends pas à la légère les préoccupations exprimées ici, aujourd'hui et hier, et ces témoins ne seront pas les seuls à les exprimer. Je me sentirais plus à l'aise si je savais qu'au moins un pays arabe a les mêmes préoccupations.
Je respecte votre position. Tous les témoignages que j'ai entendus jusqu'ici aujourd'hui ont été faits par des Canadiens de souche arabe. Moi-même, je suis de souche irlandaise, mais je ne prétendrais pas pouvoir parler au nom de l'Irlande.
M. Kubursi: Deux points nous préoccupent, notamment que toute mesure prise puisse par inadvertance avoir des conséquences défavorables et qu'elle nuise à l'établissement de relations progressivement plus amicales entre le Canada et le monde arabe.
Il faut s'arrêter à deux éléments. D'une part, on en entendra assurément parler parce que la presse en fera état. Déjà, il en a été question. Des faits montrent que la question a suscité de l'intérêt. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la presse, au Moyen-Orient, n'est pas exclusivement privée et indépendante. Si cela est un indice, il est indirect. Cela montre que ces gouvernements sont inquiets.
Ils n'y voient pas de stricts signaux économiques, comme nous avons essayé de le faire valoir. Ils y voient aussi un message politique. Le monde arabe en conclura certes qu'il s'agit d'une récompense pour un gouvernement qui, d'après lui, ne le mérite pas, particulièrement du fait qu'il n'a pas respecté les accords qu'il a conclus et qu'il a nui au processus de paix, toujours selon les Arabes.
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, j'espère que nous pourrons vérifier que ces vues sont celles des pays. Des États auprès desquels sont accrédités nos ambassadeurs les ont-ils convoqués pour leur faire part de pareilles préoccupations?
Le président: Le secrétaire parlementaire, M. MacDonald, sera ici ce soir. Vous pourrez alors lui poser la question.
Le sénateur Prud'homme: Ce que pensent les Arabes de cet accord est sans rapport. Nous sommes tous des Canadiens ici. Ils ne le sont pas. En fait, on pourrait dire que M. Kubursi vient tout juste d'être nommé...
Le sénateur Lynch-Staunton: Attention à ce que vous dites!
Le sénateur Prud'homme: Mais ne comprenez-vous pas qu'il a été nommé...
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous parlez au...
Le sénateur Prud'homme: En toute franchise, je m'en fous. Quel intérêt le Canada a-t-il au Moyen-Orient? C'est la question que je lui pose.
Où est l'intérêt du Canada au Moyen-Orient? Quel genre de message, selon vous, envoyons-nous?
Le président: On nous l'a dit plusieurs fois.
Le sénateur Prud'homme: M. Kubursi fait partie du comité spécial de liaison pour la reconstruction du Liban auquel il a été nommé par le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international.
Vous êtes en train de parler avec un Canadien auquel on a demandé d'aider le Canada à reconstruire le Liban. Il fait partie du comité dirigé par M. Mac Harb. Cet après-midi, il a rencontré les fonctionnaires du ministère. Il est ici pour parler en tant que Canadien.
Le sénateur Lynch-Staunton: Nous ne sommes pas ici pour entendre des échanges entre sénateurs. Je ne suis pas ici pour contester ce que disent les témoins, mais plutôt pour mieux me renseigner sur des pays qui, nous dit-on, seront très troublés, si ce n'est carrément préoccupés, par la signature de cet accord. Jusqu'ici, je n'ai rien entendu à cet effet.
Le sénateur Prud'homme: Monsieur Kubursi, vous parlez en tant que Canadien, non pas en tant que porte-parole d'un pays arabe, de l'OLP ou d'Israël. Êtes-vous en train de dire, en fonction de tout votre savoir collectif sur le Moyen-Orient, que la signature de cet accord enverrait le mauvais message au mauvais moment?
M. Kubursi: C'est exact, et cela nous inquiète. De plus, ce qui se passe dans nos pays d'origine ne nous laisse pas indifférents.
Le président: Sénateur Prud'homme, vous avez posé la question au moins neuf fois. Pas une fois je n'ai entendu quoi que ce soit qui puisse laisser croire qu'il y a désaccord. Je me demande combien de fois vous poserez cette question.
Le sénateur Prud'homme: Quand il s'agit du Moyen-Orient, il faut répéter et répéter encore pour faire en sorte que les gens comprennent bien. Voilà 34 ans qu'on me casse les pieds avec ces questions.
Je suis convaincu que je n'ai pas besoin d'entendre des représentations de pays arabes. Je m'intéresse aux intérêts du Canada. Les témoins sont en train de dire que, selon ce qu'ils savent du Moyen-Orient et ce qu'ils y ont vu, l'accord envoie le mauvais message. Ils le disent, non pas en tant qu'arabes, mais en tant que Canadiens d'origines diverses. Nous avons tous des origines différentes. Je suis convaincu que, forts d'une expérience que nous n'avons pas, ils nous décrivent la réalité telle qu'ils la voient. Ils n'ont pas besoin de savoir ce que pensent les autres pays arabes. Je suis satisfait de la réponse.
En réponse à une question du sénateur Grafstein, vous avez dit qu'actuellement, 22 000 Palestiniens sont autorisés à travailler en Israël, par rapport à 100 000 auparavant, et vous affirmez qu'on les emploie comme main-d'oeuvre à bon marché. Toutes autres choses égales d'ailleurs, quand ils sont autorisés à se rendre au travail, sont-ils payés autant que les travailleurs israéliens?
M. Kubursi: Leur salaire se situe tout au bas de l'échelle. Ils cotisent à tous les avantages sociaux, mais ils n'en bénéficient pas. Vous pourriez donc retrancher 25 p. 100 de plus de leur salaire.
Le président: Cet échange a été des plus intéressant. J'aurais de nombreuses questions à vous poser au sujet de votre travail au CRDI, mais je m'en abstiendrai parce que cela ne relève pas de notre mandat. Je vous remercie d'avoir bien voulu nous aider dans notre examen.
Nous passons maintenant au comité Canada-Israël. Le principal porte-parole sera M. Shimon Fogel.
Monsieur Fogel, si vous avez d'autres renseignements utiles à nous communiquer au sujet de votre curriculum vitae, n'hésitez pas à le faire avant de commencer votre exposé. N'oubliez pas cependant que nous nous intéressons plus à ce que vous avez à dire qu'à qui vous êtes.
M. Shimon Fogel, directeur, Relations gouvernementales, comité Canada-Israël: Je sais qu'il se fait tard et j'ai suivi les témoignages des derniers jours.
Je suis d'une nature plutôt modeste. Je m'en tiendrai donc à ce que vous avez dit à mon sujet. Toutefois, j'aimerais vous présenter Mme Maureen Molot, qui enseigne à l'université Carleton et à l'école Paterson des relations internationales, ici, à Ottawa. Elle se spécialise dans les grands principes du libre-échange et elle pourra donc, peut-être, vous être utile.
C'est avec un certain regret que je vous avoue qu'après avoir entendu les derniers témoins et avoir été informé de certains débats que vous avez eus hier, je suis moi-même presque convaincu qu'il vaudrait mieux oublier cet accord de libre-échange et passer à autre chose. Par contre, je ne suis pas tout à fait convaincu.
Le sénateur Prud'homme: Nous essayerons de vous en convaincre.
M. Fogel: L'honorable sénateur ne manque pas d'ambition.
Je commencerai par vous décrire les questions que j'aborderai avec vous. Je ferai peut-être appel, à ce moment-là, à votre indulgence et vous demanderai de permettre à Mme Molot de partager avec vous des observations au sujet du libre-échange qui pourraient éclairer vos délibérations, une fois que vous nous aurez entendus, nous et le secrétaire parlementaire.
J'hésite un peu quant à la façon de vous répondre et de contribuer à votre examen, car j'aurais surtout tendance à vouloir réagir aux arguments politiques qui ont été invoqués au cours des derniers jours. Je suis foncièrement convaincu qu'un débat politique n'a pas sa place ici. Je ne vous cacherai pas que j'ai, moi aussi, parti pris dans ce dossier. Après tout, je suis mandaté pour faire progresser les relations bilatérales entre le Canada et Israël. Nous ne sommes pas sourds, moi et ceux que je représente, aux nombreuses doléances des Palestiniens, tant en ce qui concerne les Israéliens qu'en ce qui concerne l'évolution de la situation sur une longue période.
Toutefois, le fait que l'on s'attarde à des points particuliers me frustre beaucoup. Dans le projet à l'étude, ce sont uniquement des intérêts économiques qui sont en jeu. J'y reviendrai d'ailleurs dans un instant. Nous constatons que l'examen se transforme en débat pour savoir qui fera le mieux valoir sa cause dans l'espoir d'influencer les législateurs.
Tel qu'il a été mentionné plus tôt, le Sénat a fait une étude poussée, il y a environ 12 ans, et a présenté un rapport sur ce que devrait être, selon lui, la politique du Canada à l'égard du Moyen-Orient. Certains d'entre vous se rappellent peut-être la portée de cette étude. Ce n'était pas une question dont on pouvait faire le tour en deux ou trois jours, et l'étude ne s'est pas limitée à une série de témoins qui défendaient une opinion particulière que l'on aurait pu prédire d'avance. Le Sénat a étudié la question à fond et a cherché à corroborer les faits évoqués afin d'esquisser la politique canadienne.
On peut venir ici et soulever certains points au sujet de diverses résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies qui exhortent Israël à rendre les territoires occupés depuis 1967. Comme nous sommes tous de bonne foi, on pourrait supposer que c'est acceptable. Ce que ne disent pas ces témoins -- et ce que montrent les faits --, c'est que chaque résolution fondée sur la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies est une équation. Elle ne demande pas simplement que les territoires soient rendus aux Palestiniens. Elle demande, d'abord et avant tout, comme la politique étrangère des différents régimes qui se sont succédé au Canada, que soit reconnu l'État d'Israël.
Je pourrais passer beaucoup de temps à contester les diverses affirmations que j'ai entendues ici au cours des deux dernières heures et demie. Je ne le ferai pas parce que ce n'est ni le temps, ni le lieu.
Je vous donnerai donc mon opinion en réaction à ce qu'a dit un témoin qui m'a précédé. Il a laissé entendre que la politique et l'économie sont indivisibles. Je soutiens au contraire que le gouvernement actuel du Canada, dans la foulée de ce qu'avait commencé à faire le gouvernement précédent, a dit exactement le contraire. En fait, durant le mandat du gouvernement actuel, un examen de la politique étrangère a eu lieu. On a conclu très clairement que les questions commerciales, et la position du Canada au sein de la communauté internationale en matière d'économie et de relations commerciales, sont distinctes des affaires étrangères et qu'en tant que pays commerçant, nous devions chercher à profiter de toutes les occasions qui se présentaient.
Il existe des tribunes pour faire valoir nos préoccupations concernant le respect des droits de la personne et des questions connexes abordées ici aujourd'hui.
Cet accord entre le Canada et l'Israël est l'aboutissement logique de l'évolution de leurs relations commerciales. C'est le Canada qui en a suggéré l'idée, lors d'une rencontre des premiers ministres d'alors, en réaction aux entreprises canadiennes de tous les coins du pays qui se plaignaient d'être désavantagées au départ par rapport à leurs concurrentes parce qu'elles n'étaient pas soumises aux mêmes règles. Cet accord n'est pas une façon de récompenser Israël. En fait, les négociations officielles à son sujet ont débuté bien avant l'accord Washington, bien avant l'accord d'Oslo et, certes, bien avant leur mise en oeuvre.
Ces négociations ont eu lieu parce qu'elles étaient dans l'intérêt du Canada et des entreprises canadiennes. Il est important de se le rappeler. Il ne s'agit pas de récompenser un régime israélien particulier, même si nous reconnaissons qu'Israël est la seule démocratie au Moyen-Orient et que les Israéliens ont le droit et le privilège de s'élire un gouvernement qui reflète leurs intérêts. Refuser d'aller de l'avant avec cette mesure n'enverra pas un message aux Israéliens. Ce refus pénalisera les entreprises canadiennes, au moment même où nous cherchons à nous creuser une niche là-bas, particulièrement dans le domaine de la haute technologie.
Certains commentaires faits il y a quelques instants portent sur des questions qui ne visent pas les 22 États arabes, non pas parce que le Canada ne le veut pas, mais bien parce que les économies sont fondamentalement différentes et d'un tout autre ordre. Le Canada est à la recherche de partenaires avec lesquels multiplier les possibilités de commerce extérieur. Nous avons besoin de commercer avec des pays qui ont quelque chose à offrir dans des domaines où nous voulons réaliser une croissance. Dans le cas d'Israël, c'est surtout dans le domaine de la haute technologie.
Le Canada s'est doté d'une politique étrangère conforme à un certain raisonnement. Contrairement aux Américains, qui cherchent à stopper le commerce avec des pays avec lesquels ils ne sont pas d'accord, le Canada a été jusqu'à commercer avec des pays avec lesquels il n'a presque rien en commun -- ni la forme de gouvernement, ni les valeurs, ni les intérêts -- parce que, depuis des années, il croit à l'engagement constructif. Il croit que, plus nous nous rapprochons d'un pays, plus ses intérêts correspondront aux nôtres et plus il sera sensible à nos préoccupations. Le cas d'Israël n'est pas différent de celui des autres pays avec lesquels le Canada fait beaucoup de commerce.
J'aimerais porter à votre attention deux autres points dont il a été question. Tout d'abord, ce que les pays arabes et, en particulier, l'Autorité palestinienne ont à dire au sujet de l'accord de libre-échange me préoccupe. Vous aurez l'occasion d'en parler avec le secrétaire parlementaire. De hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international sont présents. Ils vous confirmeront, je crois, qu'en plus de l'engagement pris officiellement dans une lettre envoyée par l'homologue de M. Eggleton en Israël, M. Shcharansky, qui affirme que les avantages de l'accord du libre-échange seront pleinement accordés aux Palestiniens des territoires, le Canada a amorcé avec l'Autorité palestinienne une série de pourparlers depuis maintenant plus d'un an concernant le libre-échange. L'Autorité palestinienne n'est pas opposée à l'accord de libre-échange entre le Canada et Israël. Bien que je ne sois pas un porte-parole des divers pays arabes, je puis vous assurer qu'aucun d'entre eux n'a manifesté de l'opposition. Il importe que vous le sachiez.
Ceux qui viennent ici témoigner, y compris moi, cherchent tous à faire valoir leurs propres intérêts. Je ne suis pas sûr que dans le peu de temps dont vous disposez pour examiner cette mesure législative, vous aurez le temps de creuser les points particuliers qui ont été soulevés.
Je demanderais maintenant à Mme Molot de vous exposer des enjeux économiques dont vous pourriez vouloir tenir compte.
Mme Maureen Molot, professeur, Université Carleton, Norman Paterson School of International Affairs, comité Canada-Israël: Monsieur le président, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à témoigner, ce soir.
J'étudie depuis longtemps les questions de libre-échange. J'ai suivi avec intérêt tous les débats qui ont entouré la signature, par le Canada, d'un accord de libre-échange avec les États-Unis et notre participation aux négociations qui ont mené à l'ALÉNA. J'en ai discuté avec bon nombre des fonctionnaires ici présents. Ces discussions avaient toujours pour cadre de référence les avantages qu'en retirerait le Canada, comme l'a dit M. Fogel, les avantages qu'en retireraient les entreprises canadiennes et les Canadiens et les Canadiennes en général, en termes d'emplois, et cetera.
Les témoignages que j'ai entendus cet après-midi étaient intéressants parce qu'il a été très peu question des avantages que retire le Canada. Nos exportations représentent maintenant 40 p. 100 environ de notre produit national brut, soit une hausse par rapport aux 25 p. 100 du milieu des années 80. Ce fait a de l'importance. Il nous incombe donc de profiter de toutes les occasions qui se présentent pour faire en sorte que nos producteurs puissent vendre leurs produits à l'étranger.
J'irais même plus loin. Selon moi, la croissance de l'économie canadienne au cours des dernières années -- elle n'a certes pas été robuste -- est venue essentiellement de nos exportations, étant donné la faiblesse de la demande intérieure. Par conséquent, il ne faut pas prendre à la légère la possibilité de trouver de nouveaux débouchés.
Par ailleurs, toujours au chapitre des exportations, le Canada cherche depuis longtemps à diversifier ses exportations de manière à ne pas entièrement dépendre des États-Unis. D'après les statistiques des quelques dernières années, bien que nos exportations à destination des États-Unis aient augmenté en dollars, elles ont légèrement diminué en pourcentage. Si nous cherchons à diversifier nos exportations, il semble raisonnable de saisir les occasions qui s'offrent à nous pour augmenter les exportations à destination d'autres pays. Cet accord de libre-échange permettrait justement de le faire.
Le libre-échange est positif pour le Canada. Les études évaluant l'effet de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis sur l'économie canadienne ces quelques dernières années montrent clairement que le Canada a énormément tiré profit du libre-échange. Les exportations de produits ont augmenté dans les secteurs où les tarifs douaniers ont baissé. Je pense en particulier à une étude faite il y a quelques années par le C.D. Howe Institute, qui examinait l'effet de l'accord de libre-échange avec les États-Unis sur le Canada les deux premières années de sa mise en oeuvre.
D'autres études ont été faites depuis et elles indiquent toutes le même phénomène, à savoir que nos exportations dans les secteurs libéralisés par le libre-échange ont augmenté. En outre, il est clair que nos exportations à destination de pays avec lesquels nous avons une entente de libre-échange augmentent à un rythme plus rapide que celles à destination de pays avec lesquels nous n'avons pas d'entente de ce genre.
Il est également important de noter que la composition de nos exportations change. Nous nous éloignons progressivement des exportations de ressources naturelles et recherchons un pourcentage plus élevé d'exportations de produits manufacturés et de haute technologie, ainsi que l'a indiqué le premier témoin de cet après-midi.
Monsieur le président, les accords de libre-échange sont positifs pour le Canada. Nous venons d'en signer un avec le Chili, comme tous les honorables sénateurs le savent bien. Les sociétés canadiennes en tirent avantage et la population canadienne bénéficie des emplois qui sont ainsi créés. En tant que Canadiens, nous avons la responsabilité de prendre des mesures qui seront à l'avantage de l'ensemble des habitants de notre pays.
Le sénateur Whelan: Peut-être connaissez-vous mon point de vue sur le libre-échange. Je n'ai encore jamais rencontré de véritable libre-échangiste, c'est-à-dire quelqu'un ne profitant pas d'autrui.
J'ai acquis beaucoup d'expérience au cours des douze années où j'ai été ministre responsable des produits agricoles périssables. Nous avons toujours été un pays libre-échangiste par rapport à d'autres. Nous avons pratiqué le libre-échange pour 80 p. 100 de nos produits agricoles et lorsque nous devions importer des produits périssables, nous ne les avons pas assujettis à un tarif douanier. Les États-Unis maintenaient une protection tarifaire pour leurs produits périssables douze mois par an. Nous étions parmi les pays les plus libre-échangistes du monde.
Lorsque je suis allé en Israël en 1982, j'ai visité une grande société d'exportation qui était subventionnée à près de 50 p. 100. Elle produisait et exportait de magnifiques produits comme des orchidées, des avocats, des tomates et des fraises. Ensemble, les Arabes et les Juifs en faisaient la récolte et le conditionnement. Ces produits étaient ensuite expédiés à bord de 747 à destination de New York, Copenhague, Londres et d'autres villes. Toutefois, cette opération était fortement subventionnée et je me demande si elle existe toujours en Israël.
Il y a certains produits agricoles dont Israël ne fera pas le commerce. Je remarque que les produits laitiers et avicoles sont protégés en vertu de ce soi-disant accord.
M. Fogel: Oui, dans les deux pays.
Israël a récemment choisi de renoncer aux subventions du gouvernement pour la production et la fabrication des produits. Cela a posé de grands défis à l'économie israélienne, qu'elle a su relever. Toutefois, en Israël, le gouvernement, tout comme le peuple, ont une philosophie de libre entreprise et sont pour une diminution de l'intervention et de la réglementation du gouvernement.
Si vous retourniez en Israël, monsieur le sénateur -- et je vous encourage vivement à le faire -- vous vous apercevriez qu'un autre genre de relations s'est établi entre le gouvernement et l'industrie, que ce soit l'industrie de l'agro-alimentaire ou de la haute technologie.
Le sénateur Whelan: J'ai appris que ces produits sont toujours subventionnés à près de 50 p. 100.
M. Fogel: Pour les produits avicoles et laitiers, il y a des offices de commercialisation, comme au Canada.
Le sénateur Whelan: À propos de l'industrie laitière, en 1935, le Canada a donné à Israël ses premiers bovins Holstein, ce qui lui a permis de créer une solide industrie laitière.
Le sénateur Kinsella: Je m'intéresse au fonctionnement des kibboutz et des moshavs. S'agit-il, d'après vous, de coopératives? Qu'apportent-ils à l'accord?
M. Fogel: Les kibboutz et les moshavs, éléments essentiels d'Israël au début de la création de cet État, ont considérablement évolué ces dernières décennies. Nous pouvons maintenant examiner deux périodes assez longues au cours desquelles le Parti travailliste n'était pas au pouvoir et nous apercevoir que les subventions versées par le gouvernement aux kibboutz en général, ainsi qu'à certains d'entre eux qui produisaient divers produits, ont été pratiquement éliminées. Alors qu'il s'agit de coopératives, on peut les considérer, d'un point de vue canadien, comme des sociétés privées dont la participation au capital est répartie entre les employés. Toutefois, ils ne bénéficient plus de l'appui et des subventions du gouvernement comme autrefois.
Le sénateur Kinsella: Ma deuxième question porte sur les possibilités que vous entrevoyez en vertu de cet accord en matière de coopération -- il en est fait mention dans l'un des articles du préambule -- entre le Canada et Israël en ce qui concerne les territoires qui pourraient être définis comme bénéficiaires de l'ALÉCI pour ce qui est du mécanisme d'exécution du traité. Peut-être pourriez-vous vous arrêter sur quelques exemples pratiques.
Par exemple, quelles sont d'après vous les possibilités qui s'offrent à un entrepreneur canadien qui voudrait établir des liens directs avec la collectivité de Jericho, que ce soit dans le domaine de l'agriculture ou de l'industrie?
M. Fogel: Je vous remercie de poser cette question, sénateur. Elle permet d'envisager les trois dimensions de l'équation économique, qui ont toutes un impact sur le Canada.
Je pars d'un principe fondamental, corroboré non seulement par le gouvernement israélien actuel, mais aussi par le précédent. Dans le cadre de discussions avec le Canada, il a toujours été reconnu qu'il y va de l'intérêt d'Israël que l'économie palestinienne commence à devenir plus avancée et plus importante. C'est simplement par intérêt; en effet, si les Palestiniens -- la population autochtone -- sont plus prospères, ils seront plus heureux et nous verrons qu'ils seront alors partie prenante au processus de paix. Israël a intérêt à essayer de faciliter une économie plus productive.
Je reconnais que certaines des mesures prises par le gouvernement israélien actuel et le gouvernement travailliste précédent ont posé d'énormes problèmes aux Palestiniens. Toutefois, au chapitre de la croissance et de la coopération économiques, Israël a demandé au Canada un appui pour diverses initiatives palestiniennes.
Le Canada a également des liens directs avec les collectivités palestiniennes dans les territoires et finance des projets sans tenir compte d'Israël. Depuis le début du processus de paix en cours, le Canada a prévu quelque 75 millions de dollars afin de faciliter la création d'une infrastructure palestinienne relative aux syndicats, à la petite entreprise, et cetera.
La troisième dimension est peut-être celle qui offre le potentiel le plus encourageant; je veux parler de la coopération à trois entre Israël, la Palestine et le Canada au niveau du secteur privé de chacun.
Malgré les problèmes et les faits nouveaux survenus dans la région ces derniers temps, certaines initiatives particulières ont déjà commencé à prendre forme. L'une d'elles, à laquelle le Canada s'intéresse en particulier, touche également la Jordanie. Il s'agit de la création d'un centre médical de recherche et développement de haute technologie dans le domaine du cancer.
C'est précisément ce genre de coopération économique qui permet à toutes les parties visées de se rendre compte qu'elles ne sont pas seulement partie prenante, mais qu'elles sont en mesure d'obtenir des avantages intéressants et concrets.
Le sénateur Kinsella: Est-ce que la définition de «territoire» de ce projet de loi s'appliquerait à Bent-Djebail ou Tibnin, dans le sud du Liban, et est-ce qu'un entrepreneur canadien pourrait s'y implanter?
M. Fogel: À une certaine époque, avant même qu'il y ait des accords de libre échange, les Israéliens dans le nord, à Metulla, et divers entrepreneurs dans le sud du Liban collaboraient tout le temps à des projets économiques.
Le mot bénéficiaire, dans l'accord, ne s'applique qu'à une seule partie; c'est-à-dire, les Palestiniens ou l'Autorité palestinienne, au nom du peuple palestinien dans les territoires occupés.
Le secrétaire parlementaire pourrait peut-être vous donner plus de précisions. Toutefois, le gouvernement palestinien et l'Autorité palestinienne sont tous deux satisfaits de cette formule. Elle n'inclut ni l'Irak, ni les territoires souverains du Liban. Israël n'a aucune prétention territoriale au Liban. On voulait faire allusion à l'Autorité palestinienne.
Cette définition pourrait être peaufinée non pas au moyen de négociations entre Israël et le Canada, mais par le gouverneur en conseil du Canada.
Le sénateur De Bané: Monsieur Fogel, avez-vous dit que les sénateurs ne peuvent pas s'offrir le luxe d'examiner les réalités particulières de la région au cours de leur étude du projet de loi?
M. Fogel: Je n'oserais pas dire aux membres du comité ou aux sénateurs ce qu'ils devraient faire.
Le sénateur De Bané: Non. Ce que vous dites essentiellement cet après-midi, c'est qu'il s'agit ici d'une question purement économique, que si nous votons contre le projet de loi, ce n'est pas Israël qui en souffrira, mais les entreprises canadiennes.
Êtes-vous en train de dire que nous ne pouvons pas nous offrir le luxe d'examiner les réalités particulières de la région au cours de notre étude du projet de loi?
Le directeur des relations gouvernementales du comité Canada-Israël ne cesse de vanter, jour après jour, les valeurs, les principes moraux de la société israélienne. Or, aujourd'hui, vous nous dites: «Oubliez tout cela; parlons argent.»
Ce doit être la première fois que vous faites un tel commentaire à ce niveau-ci. Dans quelques années, vous allez regretter d'avoir adopté une telle prise de position.
C'est la première fois dans l'histoire du peuple juif que quelqu'un nous dit, «Il faut considérer ce projet de loi comme un accord commercial. Oubliez ce qu'on vous a dit ces derniers jours. Vous puniriez les Canadiens, non pas les Israéliens.»
Je connais des Canadiens qui sont très masochistes. Hier, monsieur Bronfman, de Claridge Holdings, nous a dit qu'il n'investira pas dans ce pays tant et aussi longtemps que M. Netanyahou poursuivra ses politiques actuelles. Il doit être très masochiste.
En toute honnêteté, vos propos cet après-midi sont l'antithèse de ce que j'ai entendu au sujet d'Israël.
Est-il vrai, comme on nous l'a dit, que les colonies israéliennes dans les territoires occupés, qui ont été bouclés à la suite des accords d'Oslo, ont reçu une aide financière massive du nouveau gouvernement israélien et que leur population a augmenté de 48 p. 100 en Cisjordanie depuis 1993, et de 62 p. 100 à Gaza?
Au début de votre exposé, vous avez dit que vous appuyez les revendications légitimes des Palestiniens. Est-ce vrai, monsieur Fogel?
Vous avez deux options. Si, d'une part, Israël est contre un état binational et si, d'autre part, vous ne voulez pas permettre aux Palestiniens d'avoir leur propre État, quel genre d'avenir prévoyez-vous pour eux? C'est soit l'un, soit l'autre.
Le président: Honorables sénateurs, je doute que ces discussions aident le comité à prendre une décision.
M. Fogel: Je m'en remets à vous. On vient de m'accuser d'une chose grave.
Le président: Si c'est ce que vous pensez, nous allons entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
M. Fogel: J'aimerais m'expliquer. Vous verrez, d'après les bleus, que je n'ai pas dit que vous n'avez pas le luxe. Je faisais allusion à un contexte bien précis.
Le contexte était le suivant: si le comité veut examiner le conflit israëlo-palestinien et les événements qui se sont produits au cours des derniers mois, il devrait le faire, mais dans le cadre du mandat qui lui a été confié lorsqu'il a préparé le volumineux rapport Stanfield.
Un des témoins a dit que le Sénat a même sollicité le témoignage du représentant de l'OLP aux Nations Unies pour préparer le rapport qui a été soumis au gouvernement du Canada. Si c'est ce que veut le comité, il doit alors faire une analyse approfondie de la question.
C'est vous qui devez prendre cette décision, sénateurs, pas moi. Ce n'est pas à moi de définir le mandat du comité relativement à ce projet de loi ou aux travaux qu'il doit mener dans le cadre de son mandat plus vaste en tant que principal responsable, au Sénat, du dossier des affaires étrangères.
Si vous voulez limiter votre examen à une évaluation du projet de loi C-61, vous devez vous en tenir au contexte du projet de loi. Ce document n'équivaut pas à une proclamation du Canada relativement au conflit israëlo-arabe. De nombreuses interventions canadiennes ont été faites sur la question et elles concordent en tous points avec les objectifs du projet de loi.
Si vous voulez discuter des mérites relatifs des différentes parties au conflit, alors faites-le dans un contexte qui vous permet d'examiner ces questions à fond.
Le président: Comme je l'ai déjà indiqué, sénateur De Bané, je ne crois pas que cette discussion soit vraiment utile.
Le sénateur De Bané: Vous serez heureux d'apprendre, monsieur le président que ma question suivante porte sur l'économie.
Le président: Allez-y.
Le sénateur De Bané: Vous avez dit que vous étiez fort impressionné par le rapport que le comité a déposé il y a quelques années. Je tiens à vous rappeler que le rapport signalait, entre autres, que le Canada, en tant que membre du G-7, avait tout intérêt à ce que la stabilité soit assurée au Moyen-Orient. Je parle d'un point de vue strictement économique. Le Canada a tout intérêt, sur le plan économique, à ce que la stabilité soit assurée dans cette région.
Le gouvernement israélien poursuit des politiques qui, d'après un grand nombre de citoyens israéliens, et surtout M. Shimon Peres, ne favorisent pas la paix, et la paix est essentielle aux intérêts du Canada.
Je crois que nous devrions attendre de voir ce que compte faire l'actuel gouvernement israélien avant d'aller plus loin. S'il se dirige dans la bonne voie, nous devrions agir en conséquence pour témoigner de notre appui au gouvernement. Attendons de voir ce qu'il compte faire.
Le sénateur Grafstein: J'aimerais revenir aux questions économiques.
Le témoin a dit que les entreprises canadiennes attendent avec impatience la conclusion de cet accord, qui pourrait entraîner la création d'emplois et favoriser les exportations canadiennes. Il n'a pas dit lesquelles.
Je vais le faire, et vous pourriez peut-être compléter la liste. Lorsque le ministre a signé l'accord à Toronto il y a plusieurs semaines, 500 représentants d'entreprises canadiennes de toutes les régions du Canada, mais surtout de l'Ontario, étaient présents. Parmi eux, il y avait des représentants d'entreprises spécialisées dans la préparation d'aliments, les vins, les produits pharmaceutiques, les meubles à éléments, le bois -- à l'état brut, transformé ou autre -- les matériaux de construction, les maisons préfabriquées, le papier journal, les vêtements, les textiles, l'équipement de haute technicité -- surtout l'équipement téléphonique -- et les logiciels.
Ce n'est qu'une liste partielle des entreprises qui étaient présentes à la réunion, et toutes étaient impatientes à l'idée d'établir des liens commerciaux avec l'Israël, bon nombre d'entre elles n'ayant jamais commercer avec ce pays.
Ces entreprises sont présentes dans toutes les régions du pays. Est-ce que cette liste est complète?
M. Fogel: Je ne le crois pas. Certaines des catégories que vous avez mentionnées sont générales. Pour ce qui est des techniques de pointe, on pourrait les répartir en différentes catégories. Dans le secteur de la bio-ingénierie, Israël et le Canada partagent des compétences particulières dans le domaine des appareils de diagnostic. Dans le secteur des télécommunications, leurs compétences se complètent.
Les secteurs économiques qui sont jugés comme étant les plus prometteurs pour le Canada au cours des années à venir sont précisément ceux qui considèrent Israël comme un marché très intéressant et un partenaire important pour pénétrer l'Europe et certains pays du Moyen-Orient et d'Afrique.
Le sénateur Spivak: J'aimerais parler de l'opportunité de l'accord. Je ne sais pas si le témoin sera en mesure de répondre à cette question, parce qu'elle traite de la politique du gouvernement canadien.
D'après ce que je crois comprendre de la politique commerciale canadienne, nous n'avons pas l'habitude de donner à certains gouvernements le temps d'adopter des politiques qui sont conformes à nos normes. Je ne me fais pas allusion ici à ce qui se passe aujourd'hui en Israël. Il s'agit là d'un commentaire tout à fait général.
Cet argument m'apparaît assez logique. Peut-être devrions-nous attendre avant d'aller plus loin. Nous devrions peut-être donner au gouvernement le temps de mieux s'organiser.
Je pense surtout à la Chine. Le Canada souhaite établir des liens commerciaux avec la Chine; il lui consent même des prêts, et le facteur temps n'entre pas en ligne de compte.
Le président: Je vois ce que vous voulez dire, mais je ne crois pas que le témoin soit en mesure de nous aider. Vous voudrez sans doute aborder cette question lorsque nous nous attaquerons à notre rapport.
M. Fogel: J'aimerais faire une distinction entre l'appui politique canadien et la stratégie commerciale canadienne. J'ai parlé plus tôt de l'approche du Canada à l'égard du commerce international. Nous avons dit, de manière très explicite, que la politique commerciale qui vise à améliorer la situation et la prospérité des entreprises canadiennes au profit des Canadiens est considérée séparément des rapports politiques qu'entretient le Canada avec d'autres pays.
Le sénateur Prud'homme: Le témoin a fait une déclaration et j'aimerais y répondre.
Le président: N'est-ce pas là une question sur laquelle le comité devrait se pencher?
Le sénateur Prud'homme: Non, parce que M. Fogel ne sera pas ici.
Le président: Il est ici pour répondre à nos questions.
Le sénateur Prud'homme: Je poserai ma question sous forme de commentaire.
Le président: Sénateur Prud'homme, vous abusez de ma patience. Si vous désirez continuer, c'est à vos risques et périls.
Le sénateur Prud'homme: Le témoin a dit que ce comité n'est pas le lieu indiqué pour parler des aspects politiques de cet accord; son mandat est de parler de libre-échange. C'est un point de vue. Toutefois, il a fait allusion à une autre étude et a cité en exemple le rapport sur la politique du Moyen-Orient, qu'a préparé le sénateur Van Roggen.
J'ai eu l'honneur de recevoir une copie du rapport. C'était la neuvième ébauche. Le comité a étudié la question pendant des années. Les honorables sénateurs ont analysé les relations économiques et politiques du Canada avec le Moyen-Orient et ils ont fait de l'excellent travail.
Le rapport, pour être poli, a été édulcoré. C'est pour cette raison qu'il y a eu neuf ébauches. Deux sénateurs ont voté contre: le sénateur Nurgitz et le sénateur Grafstein, qui est ici présent aujourd'hui.
À l'époque, je me suis opposé, et je continue de m'opposer, au fait qu'on taxe d'antisémite toute personne qui parle du Moyen-Orient. C'est ce qui s'est produit à l'époque. Il n'existe aucune preuve qui montre que les sénateurs Murray, Asselin, Flynn, Haidasz ou Hicks sont antisémites. On les a accusés collectivement d'avoir un parti pris alors qu'ils avaient effectué de l'excellent travail pour le Canada, le genre de travail que vous proposez que nous fassions.
Le volet politique a autant d'importance pour nous que pour les témoins. Pour Mme Molot, il s'agit essentiellement d'une question de libre-échange. Pour nous, le volet politique est tout aussi important.
Le président: Je tiens à remercier les témoins pour leur excellent témoignage.
Notre prochain témoin nous vient du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il s'agit de M. Ron MacDonald, le secrétaire parlementaire.
Monsieur MacDonald, le comité s'est concentré assez intensément sur le projet d'accord de libre-échange entre le Canada et Israël. Nous avons couvert à maintes reprises une bonne partie du sujet. Je suppose qu'on vous a fait part des domaines qui ont particulièrement attiré notre attention. Il nous serait utile que vous présumiez que nous avons une assez bonne vue d'ensemble des conditions de l'entente de même que des ramifications politiques qui s'y rattachent. Nous vous serions très reconnaissants d'insister sur les points qui vous semblent les plus utiles pour nous.
M. Ron MacDonald, député, secrétaire parlementaire, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Monsieur le président, le ministère a préparé un texte assez détaillé à votre intention ce soir. Avec votre indulgence, je vous demanderais de le joindre en annexe aux délibérations. Je sais que les sénateurs mettent beaucoup de zèle lorsqu'ils entreprennent l'étude d'une question et qu'ils essaient du mieux qu'ils peuvent de se plonger dans le sujet et toutes ses complexités.
Plutôt que de monopoliser votre temps et de vous lire mon exposé, je vais le remettre au greffier. Il ne contient rien de nouveau. Il ne s'agit que d'informations reformulées au nom du gouvernement au sujet de l'ALECI.
Si le président et les sénateurs sont d'accord, je ne lirai pas le document aux fins du compte rendu.
Le président: La question a été soulevée plus tôt relativement à un autre sujet et nous avons décidé que nous la laisserions en suspens.
J'ai bien peur que vous nous posiez maintenant un problème pratique.
Les membres du comité sont-ils d'accord pour que nous joignions en annexe non seulement la déclaration de M. MacDonald mais celle du Conseil national des relations canado-arabes?
Des voix: Oui.
Le président: C'est accepté.
Monsieur MacDonald, vous pouvez présumer que le document figurera dans le fascicule du comité.
Le sénateur Corbin: Monsieur le président, nous avons posé hier aux hauts fonctionnaires du ministère des questions de nature politique auxquelles ils ont choisi de ne pas répondre et auxquelles, selon vous, ils ne devraient pas répondre. Le secrétaire parlementaire a-t-il des observations à faire sur ces questions qui ont été posées hier? Ce serait le nouvel élément de tout exposé qu'il voudrait faire. Nous ne voulons pas qu'il résume ce qu'ont dit les hauts fonctionnaires du ministère, mais y a-t-il un nouvel élément auquel il aimerait répondre?
M. MacDonald: Je veux remercier le comité de m'avoir invité ici aujourd'hui. Je vous transmets les excuses de M. Eggleton qui, à l'heure qu'il est, est en route vers le Chili pour signer l'Accord de libre-échange Canada-Chili.
Je commencerai par vous parler brièvement de certaines des politiques du gouvernement. Comme vous le savez, des gouvernements canadiens qui se sont succédé ont eu pour politique de chercher à conclure, lorsque c'était possible, des accords de libre-échange avec certains des partenaires commerciaux du Canada.
En fait, les deux Chambres du Parlement ont discuté en long et en large de l'AL ÉNA, de l'ALÉ, de l'accord Canada-Chili de même que de l'ALÉCI, entre l'État d'Israël et le gouvernement canadien. Je n'ai pas besoin de répéter les statistiques. On sait fort bien que le libre-échange est plus avantageux pour le Canada que le protectionnisme.
Le gouvernement a pour politique, lorsque c'est possible, de conclure des accords de libre-échange, quand c'est utile pour les producteurs et les fournisseurs canadiens de produits et de services. En fait, cette politique a fait plus que ses preuves, si l'on tient compte de l'aboutissement de l'Uruguay Round sur le libre-échange, le GATT et l'OMC qui est le fruit de ce processus. Il n'y a pas l'ombre d'un doute que le monde se dirige vers la suppression des obstacles au commerce dans toute la mesure du possible, alors que les pays disposent de certaines règles qui permettent une libéralisation des échanges de biens et services.
En fait, le Canada en a profité à un point tel qu'il se retrouve maintenant parmi les plus grands pays commerçants du monde. Nous occupons le premier rang des pays du G-7 en ce qui a trait au pourcentage que représente le commerce par rapport à notre PNB, qui est de 37 p. 100 à l'heure actuelle. C'est très positif. La plupart des emplois qui ont été créés dans le secteur privé depuis l'arrivée au pouvoir de notre gouvernement en 1993 se trouvent dans les industries à vocation commerciale.
Dans le discours du Trône, prononcé au début de la présente session, nous indiquons clairement que, pour assurer le développement économique et la création d'emplois, nous comptons que 500 000 nouvelles entreprises exportent dans le cadre de leurs activités quotidiennes.
Il n'est pas étonnant que nous soyons en train de négocier un accord de libre-échange entre le Canada et Israël.
Certaines personnes ont demandé pourquoi conclure maintenant un accord de libre-échange avec Israël. Nos échanges bilatéraux avec ce pays n'atteignent qu'environ 500 millions de dollars comparativement à un milliard avec les États-Unis.
La structure de l'économie de l'État d'Israël et le fait que nos voisins du Sud, de même que des membres de l'Union européenne, ont conclu avec Israël des accords de libre-échange, ont faussé les règles du jeu pour les entreprises canadiennes qui veulent y exporter ou importer de ses produits.
J'aimerais maintenant vous entretenir de certains problèmes politiques.
Les négociations entourant cet accord de libre-échange ont été amorcées au moment où tous les espoirs étaient permis quant à l'aboutissement du processus de paix qui avait été amorcé. La plupart des Canadiens, des Israéliens et des Palestiniens raisonnables espèrent toujours que ce processus reprendra, tout comme, en fait, tous ceux qui veulent la paix et la prospérité dans le monde de même que pour la population du Moyen-Orient.
Le temps que nous menions à bonne fin la plupart des négociations, un changement démocratique est survenu au sein du gouvernement d'Israël. En tant que démocrates -- même si parfois nous n'aimons pas l'impact de la démocratie -- nous devons accepter que c'est la voie à suivre. Le processus de paix a ralenti. Je n'apprends rien à personne dans cette salle.
Il s'agit alors de se demander si le Canada doit aller beaucoup plus loin du point de vue politique en décidant de ne pas respecter l'engagement et l'accord, qui avait été négocié de bonne foi entre le Canada et l'État d'Israël, et de brandir ce projet de loi pour essayer d'amener le gouvernement israélien et le premier ministre Nétanyahou à réamorcer le processus de paix. Il s'agit de quelque chose que le gouvernement n'a pas pris à la légère. On s'est beaucoup interrogé pour savoir si certains gestes posés par le gouvernement canadien auraient des conséquences sur le processus de paix.
Il a toujours été entendu que les avantages découlant d'une entente entre le Canada et Israël doivent aussi s'appliquer aux biens produits dans les territoires palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza. Il s'agissait d'une très solide expression de notre engagement à l'égard de la conclusion du processus et de la décision finale en ce qui a trait au statut des territoires palestiniens.
Notre gouvernement n'a pas cessé de se déclarer fortement en faveur du processus de paix. Nous avons indiqué clairement que nous croyons que le seul espoir de prospérité dans la région, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens, réside dans une paix juste et durable. Nous nous en sommes toujours tenus à ces positions.
Nous avons toujours bien fait comprendre que l'expansion des colonies dans les territoires occupés va à l'encontre, selon nous, du droit international. Nous n'avons jamais changé d'avis là-dessus. Nous n'avons jamais appuyé les déclarations de membres du gouvernement israélien qui favorisaient l'expansion des colonies. Nous ne croyons pas que cela facilite le processus de paix.
Un accord de libre-échange avec le gouvernement israélien serait conclu essentiellement pour assurer que les producteurs canadiens de biens peuvent être traités sur un pied d'égalité. Il ne viserait pas à récompenser ou à punir qui que ce soit.
La réalité politique au Moyen-Orient ne nous échappe pas. Nous avons travaillé très fort pour faire en sorte que les avantages économiques du libre-échange s'appliquent non seulement au peuple israélien mais aussi aux populations de la Cisjordanie et de Gaza.
Lorsque j'ai repris ce dossier il y a deux mois, j'ai posé à nos hauts fonctionnaires de nombreuses questions dont un grand nombre de celles que leur ont adressées les sénateurs les derniers jours. Je voulais être sûr que cet accord n'avantagerait ni ne désavantagerait un intervenant en particulier dans la situation très complexe au Moyen-Orient. Cette question a fait l'objet de discussions à la Chambre des communes de même qu'à son comité des affaires étrangères et du commerce international.
En fait, jusqu'à il y a environ une semaine, je craignais que les Palestiniens s'opposent à cet accord commercial et fassent des démarches pour que les législateurs canadiens le remettent à plus tard parce qu'ils estimaient que cela n'accélérerait pas le processus de paix.
La semaine dernière, je suis allé en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où j'ai passé près de trois jours. J'ai rencontré M. Masri, le ministre de l'Économie et du Commerce, et M. Nabeel Shath, ministre de la Planification et de la Coopération internationale. Je leur ai demandé si à leur avis l'accord commercial Canada-Israël présentait des avantages et s'il pourrait s'appliquer aux territoires.
J'ai également rencontré des gens d'affaires influents et les principaux conseillers économiques de Yasser Arafat. De l'avis des deux ministres et des sept ou huit gens d'affaires que nous avons rencontrés, l'accord serait avantageux pour les entreprises palestiniennes et devrait s'étendre à la Cisjordanie et à la bande de Gaza.
J'ai demandé à M. Masri si l'Autorité palestinienne s'oppose à l'accord de libre-échange Canada-Israël. Il a répondu par un non catégorique. Il a déclaré que si un accord de libre-échange entre le Canada et Israël profite à la population des deux pays, elle ne s'y opposerait pas.
J'ai également demandé comment un accord de libre-échange Canada-Israël s'appliquerait aux territoires occupés, à la Cisjordanie et à la Bande de Gaza. Après nous être entretenus pendant une quarantaine de minutes, il est devenu clair qu'il faudrait donner suite à certaines questions d'ordre technique. En quoi consisterait le règlement qui étendrait ces avantages à la Cisjordanie et à la bande de Gaza? Comment fonctionnerait-il? Y aurait-il une déclaration à la Chambre des communes?
M. Masri avait écrit au gouvernement canadien aux alentours du 20 octobre pour demander certains changements. Après deux heures de discussions préliminaires sur la question, j'ai indiqué que trois ou quatre des changements demandés concernant le libellé ne me paraissaient pas poser de difficultés mais que je devrais consulter nos conseillers juridiques au Canada ainsi que les ministres avant d'agir.
J'ai demandé en particulier à M. Nabeel Shath s'il préférait attendre de voir la suite qui serait donnée à certaines demandes de M. Masri avant que l'on décide de faire profiter la Cisjordanie et la bande de Gaza des avantages de l'accord de libre-échange et il a répondu que non. Il voulait trois choses: dans un premier temps, que l'on précise comment le règlement serait formulé et appliqué. Dans un deuxième temps, que l'on éclaircisse la teneur de certains passages de la lettre envoyée par l'ambassadeur. Dans un troisième temps, s'ils acceptent que la portée de l'accord soit étendue, que cela soit rendu public.
L'intention n'est pas de minimiser l'importance de certaines questions qui ont été soulevées.
M. Masri a demandé si nous serions disposés à entamer le dialogue sur une structure et un protocole de coopération économique entre la Cisjordanie et la bande de Gaza et le gouvernement canadien. J'ai indiqué que nous n'y voyons aucune difficulté. Nous avons tous deux reconnu que nous ne traitons pas d'État à État étant donné que le statut définitif de la Cisjordanie et de la bande de Gaza n'a pas encore été arrêté. Cela n'a suscité aucun débat.
J'attends de recevoir de l'information de M. Masri pour préparer un document qui obligerait l'Autorité palestinienne et le gouvernement canadien à travailler avec les entreprises des deux côtés afin d'accroître les débouchés économiques pour les entreprises palestiniennes en permettant aux marchandises produites en Palestine de pénétrer le marché canadien.
À 13 h 30 aujourd'hui, je me suis entretenu à nouveau avec M. Shath et je lui ai indiqué les résultats de mes discussions préliminaires avec les hauts fonctionnaires du ministère. Nous avons convenu d'échanger des lettres ces prochains jours afin de savoir exactement à quoi nous en tenir sur ces questions.
Au bout du compte, sénateurs, les craintes que j'avais au départ quant à savoir s'il était préférable de suspendre cet accord, si cet accord favorisait une position particulière d'un gouvernement en place et s'il offrait des possibilités de croissance économique dans les territoires palestiniens se sont dissipées. Après trois jours de réunions la semaine dernière, je peux affirmer que les gens d'affaires palestiniens et l'Autorité palestinienne considèrent qu'un accord de libre-échange offre des avantages, bien qu'il reste à mettre au point certains détails.
Lorsque j'étais à Ramallah, j'ai rencontré un certain nombre de gens d'affaires pour parler de possibilités d'affaires. J'ai rencontré entre autres un Canadien d'origine palestinienne qui était dans la région depuis environ cinq mois. Je lui ai demandé ce qui se passerait si on suspendait les dispositions destinées à étendre la portée de l'accord aux territoires palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Ils ont été quelque peu stupéfiés par la question. Ils ont indiqué prévoir investir en Cisjordanie le 1er janvier. Lorsque je leur ai demandé ce qui se passerait si l'entrée en vigueur du règlement était suspendue pendant 15 ou 30 jours, ils ont indiqué que cela risquait de compromettre certains de leurs investissements.
J'ai communiqué cette information aux deux ministres palestiniens pour qu'ils sachent que des possibilités d'investissement existent.
Au bout du compte, je dois tenir compte de la réalité politique et cette réalité, c'est que les opinions divergent.
Lors du débat en troisième lecture à la Chambre des communes, j'ai écouté très attentivement l'opposition qui a soulevé des préoccupations légitimes quant aux avantages réels que cet accord conférerait au peuple palestinien. En tant que parlementaires, nous estimons parfois devoir être le porte-parole de gens qui autrement ne pourraient pas se faire entendre. Je crois toutefois que le peuple palestinien se fait très bien entendre. Quant à savoir s'il est entendu aussi clairement qu'il le devrait, c'est autre chose.
Honorables sénateurs, j'ai rencontré les représentants de l'Autorité palestinienne et ils n'ont jamais demandé que nous retardions l'adoption de ce projet de loi au-delà de la date prévue de la sanction royale, c'est-à-dire le 1er janvier. Ils n'ont pas demandé à être exclus. Ils ont demandé à participer à certaines discussions, ce que j'ai accepté. Nous poursuivrons cette question au cours des cinq à dix prochains jours.
Le sénateur Bolduc: À l'heure actuelle, êtes-vous en train de tenir des négociations avec l'un des 22 pays arabes, qui pourraient déboucher sur un accord de libre-échange entre le Canada et ce pays?
M. MacDonald: Nous ne poursuivons à l'heure actuelle aucune négociation officielle. Au cours de ma visite au Moyen-Orient et dans les États du Golfe la semaine dernière, j'ai été à Muscat, à Oman, à Abou Dhabi, à Dubaï, à Amman, en Jordanie, à Ramallah, à Gaza, à Hébron, au Koweït et à Tel Aviv. Dans chaque cas, nous avons étudié comment nous pourrions travailler de gouvernement à gouvernement, dans tout le Moyen-Orient mais surtout dans le monde arabe, pour accroître les investissements et les échanges bilatéraux.
À chacun de ces endroits, les principaux ministres du gouvernement ont fait un certain nombre de propositions. J'espère pouvoir donner suite à certaines d'entre elles. En ce qui concerne en particulier la Jordanie, nous avons convenu d'établir un programme destiné à déterminer les principales possibilités d'investissement là-bas. Le gouvernement de Jordanie déterminera les principaux gens d'affaires capables d'entreprendre certains de ces importants projets. D'ici la fin mars, nous les jumellerons à des sociétés canadiennes qui possèdent le savoir-faire et les moyens financiers pour mener à bien ces entreprises conjointes.
C'est le genre d'initiatives que j'ai prises ces dernières semaines pour donner suite au travail effectué par nos ambassades et le ministère depuis un certain nombre d'années.
Le sénateur Bolduc: Cet après-midi, un représentant d'une entreprise canadienne de télécommunication nous a indiqué qu'un accord de libre-échange leur serait profitable. Je soupçonne qu'il leur serait également profitable de conclure un accord avec l'un des pays arabes pour pouvoir concurrencer avec succès l'Union européenne.
M. MacDonald: Je suis tout à fait d'accord. Les débouchés dans cette région sont énormes. Malheureusement, nous avons raté de nombreuses occasions parce que les gens d'affaires du Canada ont entendu beaucoup d'histoires négatives à propos de cette région. Ils ont entendu parler de terrorisme, de guerre et de menace de guerre et ils ne voient pas les possibilités économiques.
Le gouvernement canadien aide la Jordanie et l'Arabie saoudite à se joindre à l'OMC. J'ai déjeuné aujourd'hui avec l'ambassadeur d'Égypte et nous avons parlé d'initiatives que nous pourrions prendre, d'État à État, pour mieux nous préparer à une ère de libre-échange.
Lorsque j'étais dans les Émirats arabes unis la semaine dernière, nous avons déposé un document auprès du gouvernement pour éliminer l'exigence de visa afin de faciliter l'échange de gens d'affaires entre les Émirats arabes unis et le Canada. À Oman, nous avons parlé de conventions de double imposition qui pourraient être importantes là-bas ainsi que des accords sur la protection des investissements étrangers.
Récemment, les représentants de notre gouvernement et ceux de nombreux États arabes ont redoublé d'efforts pour instaurer un cadre favorisant davantage des initiatives mixtes de coopération économique, d'investissement et de création d'emplois dans l'ensemble de nos pays.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pour élargir la portée de l'accord de libre-échange aux bénéficiaires de l'ALÉCI, il faut obtenir la coopération d'Israël. Les Palestiniens sont-ils convaincus qu'ils l'obtiendront?
M. MacDonald: Les Palestiniens sont très inquiets à propos de leur accès au marché israélien ainsi qu'aux marchés de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Je ne prétendrai pas que tout va pour le mieux. Les obstacles non tarifaires au commerce suscitent de graves préoccupations. Lorsque les territoires sont bouclés pour des raisons de sécurité, il est très difficile de faire sortir ou entrer des produits.
J'ai également entendu dire à plusieurs reprises que les douaniers israéliens entraveront le commerce. J'ai entendu ce commentaire des Jordaniens et des gens d'affaires de Gaza et de la Cisjordanie. C'est un aspect assez inquiétant.
Cependant, l'avantage d'élargir la portée de l'ALÉCI à la Cisjordanie et à Gaza, c'est qu'on donne ainsi aux Palestiniens des munitions supplémentaires dans leur lutte contre les responsables israéliens qui pourraient recourir à des obstacles non tarifaires au commerce. Nous avons établi une délégation commerciale de ministres. Si l'accès au marché de la Cisjordanie ou de Gaza est entravé, la délégation interviendra auprès des représentants d'Israël pour leur indiquer que leurs actes sont contraires aux conditions de l'accord commercial.
J'ai soulevé cette question avec M. Masri et il n'était pas tout à fait partant pour cette solution. J'ai indiqué qu'il s'agit d'un autre instrument qui pourrait être utilisé. Il m'a demandé qui en prendrait l'initiative. J'ai expliqué que si une entreprise canadienne voulait expédier des marchandises vers Gaza dans le cadre de cet accord et que les marchandises étaient bloquées à la frontière, l'entreprise canadienne pourrait se plaindre auprès du gouvernement canadien de l'existence d'une barrière non tarifaire au commerce l'empêchant d'accéder à ce marché. Les Canadiens agiraient alors comme ils le font en vertu de l'ALÉNA et de l'ALÉ et suivraient chaque étape du mécanisme de règlement des différends, la première étant que la délégation commerciale entamerait le dialogue avec le gouvernement israélien pour mettre fin à cette pratique.
Le sénateur Lynch-Staunton: L'accord reconnaît-il que le Canada a indiqué vouloir élargir la portée de cet accord aux territoires occupés? Je sais que notre cahier d'information renferme des lettres de l'ambassadeur et du ministre aux instances israéliennes, et une réponse très satisfaisante, mais existe-t-il une obligation de la part d'Israël ou ne s'agit-il pas vraiment d'une obligation?
M. MacDonald: Dans le cadre des négociations qui ont abouti à l'accord, il était clair que le gouvernement canadien avait l'intention, ce que le gouvernement israélien a d'ailleurs accepté, que cet accord s'applique à la zone où les lois douanières israéliennes sont appliquées.
Il existe également une entente provisoire entre les Palestiniens et les Israéliens en vertu des accords d'Oslo, qui prévoit l'application des lois douanières israéliennes dans ce territoire. Il s'agit d'une entente provisoire pendant que se déroule le processus de paix. Cette entente reconnaît implicitement qu'elle s'appliquera là où s'appliquent les lois douanières israéliennes, c'est-à-dire en Cisjordanie et à Gaza.
En reconnaissance du statut unique de l'Autorité palestinienne en ce qui concerne les territoires occupés, nous lui avons envoyé une lettre pour lui demander de travailler avec nous sur certains détails afin de nous permettre d'adopter un règlement prévoyant l'application particulière de l'accord à la Cisjordanie et à Gaza. Ce sont les négociations à propos desquelles j'ai demandé des éclaircissements lorsque j'étais là-bas la semaine dernière et lors de mes rencontres aujourd'hui.
J'ai quand même bon espoir. C'est étonnant ce qui se peut se passer lorsque vous rencontrez face à face des gens dont vous n'entendez parler autrement que dans les nouvelles ou avec qui vous n'échangez que des lettres.
Nous comprenons tout à fait que les Palestiniens veulent en profiter pour faire certaines déclarations publiques. Nous travaillerons avec eux pour que les avantages s'appliquent également aux marchandises produites en Cisjordanie et à Gaza afin qu'ils puissent remettre sur pied leur économie une fois le processus de paix terminé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez répondu à une question concernant l'attitude de l'Autorité palestinienne. D'après votre rencontre avec les deux ministres, il est clair qu'ils ont une attitude positive et qu'ils ne veulent pas retarder les choses. Savez-vous si l'un des 22 pays arabes s'oppose à ce que le Canada conclue cet accord avec Israël?
M. MacDonald: À ma connaissance, aucun gouvernement de l'un des 22 pays en question ne nous a indiqué officiellement son opposition à cette mesure.
La semaine dernière, je me suis rendu dans sept de ces pays. Je n'ai jamais manqué une occasion de parler du processus de paix au Moyen-Orient et d'obtenir la réaction des dirigeants de ces pays à ce sujet. Je leur ai demandé ce que devrait être selon eux le rôle du Canada. Ils ont répondu qu'il serait bon d'accroître la coopération économique entre le Canada et la Cisjordanie et Gaza. Ils considèrent que malgré le ralentissement du processus de paix, il se terminera de façon juste et équitable car la paix est la seule option qui existe dans la région pour les Israéliens et les Palestiniens. Ils ont également indiqué que la seule façon d'arriver à une paix durable est d'assurer la croissance et la stabilité économiques de la Cisjordanie et de Gaza. C'est un aspect qui n'échappe pas au monde arabe. Une paix sans croissance économique en Palestine ne sera pas une paix durable.
Le sénateur Lynch-Staunton: D'après les témoignages que nous avons entendus, on a surtout reproché à cet accord d'arriver au mauvais moment. Même si on désapprouve certaines de ses dispositions, c'est surtout cet aspect qu'on lui reproche.
Des personnes bien informées qui connaissent bien la région nous ont indiqué que cet accord pourrait avoir des répercussions, que le Canada pourrait être considéré un allié aveugle des États-Unis qui sont considérés comme un allié aveugle d'Israël. Vous avez entendu ces arguments. Je les ai entendus également, bien que pas aussi souvent et ils m'ont impressionné.
Les témoins qui ont comparu ici, hier et aujourd'hui, ont exprimé des sentiments que je partage. Ces sentiments sont-ils reflétés dans les contacts officiels entre le Canada et les pays arabes du Moyen-Orient, lors de vos visites, dans les notes ou échanges diplomatiques de nos ambassadeurs ou de nos représentants?
J'ai appris avec étonnement et plaisir que l'Autorité palestinienne appuie l'accord. Je crois comprendre que les pays arabes ne s'y opposent pas, du moins à votre connaissance, et d'après ce que vos collaborateurs ici peuvent confirmer. Est-ce exact?
M. MacDonald: Il s'agit d'un accord entre le Canada et Israël. Les deux ministres que j'ai rencontrés ont indiqué ne pas avoir l'intention de retarder l'application de cet accord. Ils estiment ne pas en avoir le droit. Ils ont demandé plus de précisions sur la façon dont cet accord pourrait s'appliquer à la Cisjordanie et à Gaza. Ils veulent également bénéficier des avantages économiques du libre-échange avec le Canada, selon les mêmes conditions que l'accord de libre-échange avec Israël. Comme le statut définitif de la Cisjordanie et de Gaza n'est toujours pas arrêté, cela risque toutefois de ne pas être le moyen le plus net d'assurer l'application de ces avantages.
Les Palestiniens en sont bien conscients. Nous avons eu une conversation très productive qui a surtout porté sur la possibilité d'entamer des discussions sur un protocole propre à favoriser une plus grande coopération économique entre les territoires palestiniens et le Canada. J'ai accepté que nous en discutions. Nous attendons de recevoir certaines propositions du ministre.
Je n'ai entendu personne où que ce soit dans la région condamner cet accord. Le Canada est le seul endroit où j'ai entendu des gens condamner cet accord parce qu'ils estiment légitimement que l'accord récompense le ralentissement du processus de paix et n'apportera pas à la Cisjordanie et à Gaza les avantages que nous espérons.
Je ne leur reprocherai pas de penser ainsi. Au début, j'étais du même avis. Cependant, lorsqu'on visite la région, on voit la situation sous un jour tout à fait différent. Il suffit de passer un seul jour dans un camp de réfugiés à Gaza pour constater l'énorme disparité sur le plan du revenu et des conditions de vie qui existe entre les Palestiniens qui vivent dans ces camps et les gens qui vivent seulement 12 milles plus loin en Israël. Il faudra procéder à un redressement massif de l'économie une fois que les pourparlers de paix auront abouti. L'investissement et le développement économiques sont indispensables pour que le peuple palestinien puisse vivre non seulement en paix, mais connaître une certaine prospérité. Cet accord ne le permettra pas, mais c'est un pas dans la bonne voie.
Nous ne devons pas nous laisser prendre par le débat plus vaste et très émotif qui a cours au Moyen-Orient entre Israël et la Palestine. Il ne fait aucun doute que cette question comporte des aspects politiques. J'ai visité la Cisjordanie et Gaza pour voir si ces préoccupations étaient fondées.
Pour répondre à votre question, sénateur, au bout du compte, ces problèmes n'en sont pas moins complexes. Aucun des ministres ne nous a demandé de suspendre ce projet de loi bien que je leur aie demandé précisément si c'était leur intention. Je suis revenu en ayant une idée claire de la manière de régler ces problèmes. Je pense que nous avons amorcé un processus qui mènera à une résolution.
Le président: Vous dites que ce n'est pas ce qu'ils demandent. Indiquez-nous précisément ce qu'ils demandent.
M. MacDonald: Au lieu d'être visés par un mécanisme où le libre-échange avec les territoires serait une conséquence directe de l'accord négocié, ils préféreraient un échange de lettres, plus de précision, et, pour des raisons évidentes, que certaines références soient omises de la lettre que nous leur avons envoyée. Ils aimeraient également que nous nous engagions à poursuivre le dialogue sur un protocole économique visant à améliorer les échanges et la compréhension des économies de chaque pays.
Leur requête n'est pas déraisonnable. Nous y répondrons demain et nous espérons avoir leur réponse d'ici le début de la semaine prochaine.
La plupart des problèmes soulevés concernaient le libellé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Est-il possible d'apporter ces correctifs directement? Avons-nous besoin de l'approbation d'Israël?
M. MacDonald: Absolument pas. Cela n'a rien à voir avec l'accord.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il peut y avoir un obstacle à sa mise en oeuvre. Vous dites qu'ils peuvent arrêter un camion.
M. MacDonald: Oui, ils le peuvent, mais nous avons un accord et cela fait partie de l'accord entre le Canada et Israël.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne veux pas vous contredire. Je suis du même avis que vous à cet égard. Cependant, si vous n'avez pas l'accord d'Israël, cela risque de donner lieu à un différend.
M. MacDonald: Nous ne chercherons pas à obtenir l'accord d'Israël à ce sujet. Il s'agit de discussions bilatérales qui se tiennent entre le gouvernement canadien et l'Autorité palestinienne.
Le sénateur Lynch-Staunton: Savez-vous si Israël est en train de négocier d'autres accords de libre-échange en ce moment?
M. MacDonald: Mes collaborateurs m'indiquent qu'ils négocient avec la Pologne. Ils viennent tout juste de conclure un accord avec la République tchèque, la Slovaquie et, en mars 1996, ils ont conclu un accord avec la Turquie.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je vous remercie beaucoup. En ce qui me concerne, vous pourrez revenir ici tant que vous le voudrez pour prôner les vertus du libre-échange. Votre témoignage a transformé ma journée.
Le sénateur Bolduc: Habituellement, un accord commercial renferme une disposition prévoyant qu'avec six mois de préavis nous pouvons y mettre fin si l'autre partie ne respecte pas les règles du jeu. Cet accord renferme-t-il ce genre de disposition?
M. MacDonald: Oui, cette disposition existe.
Le sénateur Bolduc: Si Israël ne se comporte pas comme elle le doit avec les Palestiniens, nous pouvons abandonner l'accord.
M. MacDonald: Oui.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais voir cet article.
Le président: On me dit que nous devrions examiner l'article 11.4 concernant la durée et la cessation.
M. MacDonald: On y énonce que l'accord restera en vigueur à moins que l'une ou l'autre des parties y mette fin en envoyant un préavis de six mois à l'autre partie.
Le sénateur De Bané: Monsieur le secrétaire parlementaire, je tiens à vous féliciter de la sensibilité dont vous faites preuve à l'égard du sort des Palestiniens et de la franchise et de l'honnêteté avec lesquelles vous analysez les circonstances et les espoirs du Canada au cours des négociations sur cet accord et également les conséquences de l'élection du nouveau gouvernement en Israël.
À votre avis, quand cet accord pourrait-il être conclu avec l'Autorité palestinienne? Manifestement, vous croyez pouvoir faire bouger les responsables des Affaires extérieures. Vous semblez avoir beaucoup plus de poids auprès d'eux que M. Spector, qui s'est plaint de ne pas avoir réussi à les faire bouger. Compte tenu de l'emprise que vous semblez avoir sur ces responsables, quand pensez-vous que ces accords seront conclus avec l'Autorité palestinienne?
M. MacDonald: Nous n'adopterons pas de règlement visant expressément la Cisjordanie et Gaza jusqu'à ce que nous ayons conclu l'accord et jusqu'à ce que l'Autorité palestinienne nous ait indiqué son consentement. C'est la lettre qui a été envoyée par l'ambassadeur et que nous sommes en train de modifier par suite de nos entretiens. Je ne prévois pas que cela pose de difficultés majeures. Nous nous sommes parlés aujourd'hui. Cela dépendra de l'emploi du temps de M. Shath. Cependant, nous n'avons eu aucune difficulté à le joindre au téléphone aujourd'hui. Nous en avons discuté assez longuement et il me dit avoir hâte que cet accord soit conclu.
Pour vous situer un peu le contexte, sénateur, c'est le monsieur qui vient de conclure l'accord avec l'Union européenne. C'est lui qui l'a négocié. Il voit très clairement les avantages que présentent ces types d'accords commerciaux normalisés avec l'Autorité palestinienne car une fois la paix instaurée, leur grand problème sera l'économie.
Le sénateur De Bané: Ma question portait sur les délais.
M. MacDonald: J'ai bon espoir que cela se fera. Nos collaborateurs travailleront tard ce soir et demain pour préparer cette lettre. Je lui ai dit que je lui enverrais par télécopieur chez lui demain. Il a mon numéro de téléphone à la maison et nous nous entretiendrons au cours de la fin de semaine pour voir si nous pouvons nous entendre. J'espère que cela se fera rapidement.
La deuxième entente a été conclue avec M. Masri. Nous avons convenu d'examiner la façon d'établir un protocole pour accroître la coopération économique. J'estime qu'il s'agit d'une initiative à plus long terme, mais leur signature de l'accord n'en dépend pas. Il s'agit d'une initiative secondaire mais positive que nous pouvons entreprendre avec les Palestiniens et pour les entreprises canadiennes et palestiniennes. J'ai bon espoir, sénateur.
Le sénateur De Bané: En ce qui concerne l'accord et les affirmations selon lesquelles les règles du jeu ne sont pas équitables, que pensez-vous des exportations vers le Canada en provenance des colonies juives installées dans les territoires occupés? Comme vous le savez, le gouvernement d'Israël offre des subventions et une aide publique très généreuses aux entreprises situées dans ces territoires. La colonisation de ces territoires s'est considérablement intensifiée ces dernières années.
Examinons la situation selon le point de vue du Canada. Comment les règles du jeu peuvent-elles être équitables si les entreprises canadiennes sont aux prises avec des concurrents qui sont largement subventionnés?
M. MacDonald: J'ai passé une journée à Hébron avec le maire de cette ville et un de ses adjoints. Je me suis rendu sur la tombe d'Abraham et j'ai vu l'endroit où vivent les colons au centre-ville. Je suis tout à fait conscient de ce qui risque de se produire si la situation n'est pas réglée pour toutes les parties intéressées, surtout en ce qui concerne l'économie d'Hébron qui a beaucoup souffert ces dernières années.
Quant aux colonies elles-mêmes -- et je ne les ai pas toutes visitées -- elles ne sont pas très vastes. Elles ne semblent pas avoir beaucoup d'industries.
Le sénateur De Bané: Le ministre vient tout juste d'annoncer une augmentation de 100 000 dollars.
M. MacDonald: J'en suis conscient, mais laissez-moi répondre à votre première question.
Les colonies que j'ai visitées ne semblent pas produire grand-chose. Elles semblaient être essentiellement résidentielles. J'ai lu dans le journal local certaines déclarations de hauts fonctionnaires du gouvernement israélien qui parlent d'une expansion possible des colonies. Je ne vais pas conclure que c'est ce qui va vraiment se passer. Je ne sais pas si cela va arriver. Il s'agit peut-être d'un positionnement de la part de certains membres du gouvernement israélien. Ce que je sais par contre, c'est que le peuple israélien veut que l'on passe de la parole aux actes et l'on maintienne le processus de paix.
Je comprends ce que vous dites. L'accord n'exclut aucun produit en particulier. C'est un accord territorial. Il porte sur les biens qui sont produits dans cette région.
Le sénateur De Bané: La région est définie comme celle qui est sous contrôle israélien.
M. MacDonald: La législation douanière s'applique. Elle s'applique certes en Cisjordanie et à Gaza. Vous avez raison lorsque vous dites qu'il y a des colonies qui sont considérées illégales en vertu du droit international et qui sont à l'heure actuelle situées en Cisjordanie et à Gaza.
J'ai posé la question à un de nos conseillers juridiques. Même si nous pouvions dire que cet accord ne s'applique pas aux colonies qui ne sont pas reconnues en vertu du droit international, nous ne pourrions rien n'y faire. Dans une zone de libre-échange, tout devient uniforme après un certain temps. Qui peut dire d'où viennent les produits?
Je crois comprendre ce que vous dites, mais à toutes fins pratiques il y a beaucoup plus de Palestiniens dans ces régions que de colons et beaucoup plus de Palestiniens font du commerce de base de biens et services et profiteront plus que les colons de cet accord.
Le sénateur De Bané: Le principal point sur lequel je suis en désaccord avec vous -- et j'espère qu'il s'avérera que j'ai tort -- c'est votre optimisme quant à l'aboutissement du processus de paix. Quant à moi, je suis très pessimiste pour la raison évoquée si éloquemment par Shimon Peres. Il a déclaré que nous comprenons enfin que la paix est impossible tant que nous ne restituons pas des territoires. Il dit aux Palestiniens: «Vous me donnez la paix et je ne vous donne rien». Pour cette même raison, je suis très pessimiste quant à l'aboutissement du processus.
M. MacDonald: Si je suis optimiste, c'est parce que les Israéliens à qui j'ai parlé -- pas nécessairement les gens du gouvernement -- veulent absolument la paix.
Ils veulent une normalisation. Ils ne veulent pas vivre sous la menace d'un conflit. Ils veulent la paix, la sécurité et la stabilité économique. Depuis que le processus de paix s'est ralenti, le taux de croissance économique en Israël se situe autour de 1 p. 100. Il a perdu un point de pourcentage.
Les Israéliens veulent la paix. Lorsque je me suis retrouvé en territoire palestinien, les Palestiniens à qui j'ai parlé en venaient à une seule conclusion: «La paix est inévitable parce que c'est la seule solution».
L'Autorité palestinienne ou le gouvernement israélien peut dire autre chose, mais j'ai une grande confiance en la démocratie et ceux qui ont été élus devraient écouter attentivement ce que disent les Palestiniens et les Israéliens. C'est la paix qu'ils veulent et nous devons la leur donner.
Le sénateur De Bané: Espérons que votre souhait va se réaliser.
Le sénateur Prud'homme: Était-ce votre première visite au Moyen-Orient?
M. MacDonald: C'était la première fois que j'allais dans un pays arabe.
Le sénateur Prud'homme: Vous avez vu à quel point il est difficile de faire des affaires au Moyen-Orient.
Aucun pays arabe ne dira au Canada ce qui est bon pour lui. Aucun des 22 pays ne lui dira: «Ne signez pas de traité avec Israël.» Ce n'est pas ainsi que procèdent les Arabes.
Je suis heureux que vous soyez allé à Gaza et en Cisjordanie. Le fait que vous sachiez maintenant ce qui s'y passe nous rassure au sujet des contrôles dont cet accord fera l'objet.
Les Palestiniens ne nous diront pas que nous ne devrions pas signer cet accord. Ils essaieront d'obtenir tout ce qu'ils pourront. C'est là le problème. Cependant, monsieur MacDonald, ils ont de la fierté; ils n'aiment pas mendier. La Palestine n'est pas un appendice.
Je suis convaincu que la Palestine aimerait avoir son propre accord, mais elle préférerait qu'il entre en vigueur le 2 janvier plutôt que le ler, pour afficher son indépendance.
Il y a de l'espoir, si les gens comprennent la fierté des Palestiniens. Je suis convaincu que dans tous les pays où vous vous rendrez on vous dira que la paix au Moyen-Orient dépend de la solution qu'on trouvera au problème palestinien.
Je partage le pessimisme du sénateur De Bané, surtout avec le nouveau gouvernement au pouvoir. M. Chrétien a amorcé des discussions avec M. Rabin. C'était un signe encourageant.
Vous avez dit que les échanges commerciaux ont diminué au cours des six dernières années. C'est exactement l'argument qu'ont invoqué nombre de témoins que nous avons entendus. Si nous ne faisons pas quelque chose pour les aider, cela pourra être interprété comme de l'indifférence de la part du Canada.
Je suis très heureux que vous vous soyez rendu au Moyen-Orient. J'espère que votre mission portera ses fruits dans les prochains jours. J'aimerais que vous nous confirmiez qu'un contrôle sera exercé.
M. MacDonald: Je crois qu'en tant que gouvernement nous devons trouver des moyens de mieux exposer les gens d'affaires canadiens aux énormes débouchés qu'offre le monde arabe. En même temps, nous devons travailler de concert avec les gouvernements et, qui plus est, le secteur privé du monde arabe, pour nous assurer qu'ils comprennent tout à fait les avenues de développement économique au Canada.
Comment le Canada, un petit pays de 30 millions d'habitants, peut-il exercer plus grande influence sur la politique au Moyen-Orient ou n'importe où ailleurs dans le monde? Il peut entre autres utiliser la bonne volonté qu'il a engendrée autour du globe pour lier presque inextricablement le Canada et les valeurs véhiculées par la plupart de nos entreprises aux entreprises de ces régions.
Par exemple, si le Yémen ne veut pas retomber dans la spirale de la guerre civile, il doit connaître un important développement économique. Il lui faut attirer des investisseurs et libéraliser son commerce. Le gouvernement au Yémen a fait d'incroyables progrès en quelques années, malgré la guerre civile de 1994.
Ces pays doivent réformer leur économie s'ils veulent faire du commerce et attirer les investisseurs.
Notre tâche ne consiste pas toujours à faire des conjectures sur la politique d'une région mais à faire ce que nous savons faire de mieux. Parce que nous sommes sensibles à la culture des autres, nous parvenons plus facilement que la plupart de nos amis américains à faire des affaires. Nous soutenons la concurrence mondiale dans bien des secteurs. Ce que le gouvernement du Canada a de mieux à faire, c'est d'exposer les entreprises canadiennes aux débouchés qu'offre le monde arabe et les entreprises arabes à nos débouchés. Nous faut commencer à nous occuper de nos affaires.
Les gens qui se trouvent dans les camps de réfugiés à Gaza se fichent pas mal de ce que nous faisons autour de cette table. Ils ont à coeur un régime qui leur permettra de réussir; un régime qui les traitera avec respect et leur permettra de mettre en place une économie prometteuse. Lorsque vous allez à un endroit comme Gaza et que vous voyez de vieilles femmes dans les rues vendre des guenilles, vous savez que la solution n'est pas seulement de nature politique mais économique également.
Si le Canada songe sérieusement à apporter son aide dans cette région, il doit faire tout ce qu'il peut pour que des accords comme l'Accord Canada-Israël s'appliquent à des secteurs comme Gaza et la Cisjordanie. Ce projet de loi nous a permis de parcourir un bon bout de chemin dans cette direction.
Le président: Monsieur MacDonald, je vous remercie d'être venu ici ce soir.
La séance est levée.