Délibérations du comité sénatorial permanent
des
affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 10 -- Témoignages
Ottawa, le jeudi 9 mai 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel ont été renvoyés le projet de loi C-9, Loi concernant la Commission du droit du Canada, et le projet de loi C-13, Loi instaurant un programme de protection pour certaines personnes dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites, se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour en faire l'étude.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Chers collègues, je vous souhaite le bonjour. Notre réunion débutera par l'examen du projet de loi C-9, Loi concernant la Commission du droit du Canada. Vous vous rappellerez qu'à notre dernière séance, la semaine dernière, le libellé du projet de loi, plutôt que le projet de loi comme tel, suscitait des préoccupations. Nous avons demandé à des représentants du ministère de la Justice, soit David Paget et Mme McCorkell-Hoy, de revenir ce matin nous exposer leur point de vue au sujet du problème de la semaine dernière.
Commençons par entendre ce qu'ils ont à nous dire.
M. David Paget, avocat général principal, Direction générale des politiques, ministère de la Justice: Madame la présidente, pour faire suite au point soulevé durant la séance de la semaine dernière concernant la pertinence du paragraphe 18(1), aux termes duquel les membres du Conseil consultatif sont nommés par la Commission à titre amovible, nous avons effectivement étudié la question. Nous l'avons fait avec l'aide du rédacteur du projet de loi et de juristes du ministère de la Justice spécialisés dans le droit administratif.
Si je me souviens bien, on craignait que des instances autres que le gouverneur en conseil ne puissent faire des nominations à titre amovible. Or, d'après nos recherches, cette disposition du projet de loi est bel et bien légale. La règle générale veut que les fonctionnaires publics soient nommés «à titre amovible».
Voici un extrait du paragraphe 23(1) de la Loi d'interprétation où est édictée cette règle:
...sauf disposition contraire..., les fonctionnaires publics sont réputés avoir été nommés à titre amovible.
La définition de «fonctionnaire public» est inclusive plutôt qu'explicite dans la Loi d'interprétation, selon laquelle l'expression désigne un «agent de l'administration publique fédérale». Pour plus de certitude, le projet de loi C-9 précise donc que la règle générale s'applique aux membres du Conseil consultatif.
En effet, sans cette précision, on aurait pu douter que cette règle s'applique, ce qui n'est pas souhaitable. Le projet de loi met les points sur les i et les barres sur les t en précisant que les nominations sont faites «à titre amovible», ce qui convient davantage comme norme parce que c'est la règle générale et, par conséquent, la plus courante. La Loi d'interprétation est claire: toute autre forme de nomination est une exception à la règle.
Voilà, madame la présidente, notre réaction à la préoccupation exprimée la semaine dernière.
La présidente: Honorables sénateurs, avant de passer aux questions, j'aimerais préciser que je me suis entretenue de cette question avec le sénateur Beaudoin, la semaine dernière. Malheureusement, il n'est pas ici pour vous le dire lui-même, mais une conversation avec la sous-ministre adjointe de la Justice, Mary Dawson, a dissipé ses doutes. Il m'a depuis lors affirmé qu'il était disposé à voter en faveur du projet de loi.
Plaît-il aux honorables sénateurs de faire l'étude, article par article, du projet de loi C-9?
Le sénateur Lewis: Madame la présidente, je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement.
La présidente: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Adoptée.
La présidente: Passons donc à l'examen du projet de loi C-13.
J'invite Helen Banulescu, Warren Black et le caporal Jeff Warren de la GRC a se joindre à nous pour examiner le projet de loi C-13, Loi instaurant un programme de protection pour certaines personnes dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites.
Durant la première session de la trente-cinquième législature, le projet de loi à l'étude a été déposé sous le numéro C-78. Il n'a jamais été renvoyé au Sénat. C'est donc la première fois que nous l'étudions.
Veuillez faire votre exposé, qui sera suivi, j'en suis sûre, de questions.
Mme Helen Banulescu, chef, Groupe d'application de la loi, ministère du Solliciteur général du Canada: Madame la présidente, c'est avec plaisir que nous soumettons le projet de loi C-13 sur le programme de protection des témoins au comité pour étude.
Depuis que le projet de loi a été déposé pour la première fois à la Chambre des communes, en mars 1995, nous avons tenté de souligner l'importance de la protection des témoins comme moyen efficace de faire respecter la loi.
Comme les membres du comité le savent peut-être, le fait de protéger les témoins entraîne souvent des condamnations, en raison du témoignage donné par la personne protégée. C'est pourquoi la GRC a, depuis 1984, un programme administratif de protection des témoins.
Le projet de loi à l'étude a pour objet de donner un fondement légal au programme existant en vue de le doter, entre autres, d'un cadre d'admissibilité clairement défini pour les témoins; d'assurer une plus grande uniformité dans le traitement des cas partout au pays; de bien définir les responsabilités tant du service policier que des personnes qui sont admises au programme; et de mieux définir au sein de la GRC la structure de gestion voyant à son fonctionnement au jour le jour. Le projet de loi fait aussi en sorte qu'il existe une procédure de plainte et qu'un rapport annuel est déposé à la Chambre des communes concernant le fonctionnement du programme. Ainsi, le programme fédéral de protection des témoins sera plus transparent et permettra de rendre de meilleurs comptes à la population canadienne.
Lorsque le projet de loi a été étudié par le comité de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes, le gouvernement a bien tenu compte des préoccupations exprimées par les membres. Nous avons donc effectué les changements nécessaires pour rendre le projet de loi plus musclé. Si vous me le permettez, j'aimerais vous décrire ces changements.
Tout d'abord, le projet de loi modifié prévoit explicitement que l'accord de protection passé entre le témoin et le service policier doit établir les obligations des deux parties, non pas seulement celles du témoin. Le projet de loi a aussi été modifié pour faire en sorte que, en plus de respecter toutes ses obligations financières, le témoin protégé dans le cadre du programme assume aussi toutes ses responsabilités légales, y compris la garde et l'aliment des enfants. On a aussi ajouté une nouvelle disposition qui permet au commissaire de fournir de toute urgence des services de protection à un témoin avant la signature d'un accord de protection.
De plus, bien que le fait de divulguer de l'information au sujet des allées et venues ou de l'identité d'une personne protégée dans le cadre du programme demeure une infraction, il est maintenant clair que celui qui communique le renseignement doit l'avoir fait sciemment. En effet, il faut bien comprendre que, pour être jugée coupable, la personne doit avoir eu l'intention de commettre l'infraction.
Une autre disposition a été ajoutée pour bien préciser que, si le témoin protégé décide de fournir des renseignements sur l'endroit où il se trouve ou sur son identité et si la personne à qui il a fourni cette information la dévoile, cette dernière ne commet pas une infraction à condition de respecter certaines mesures de protection, par exemple de ne pas compromettre la sécurité du témoin protégé.
Enfin, le gouvernement a retiré la disposition qui aurait dégagé la Couronne et les dirigeants de la GRC de toute responsabilité dans l'administration du programme s'ils avaient agi de bonne foi.
Bien que les lois des États-Unis et de l'Australie comportent de telles dispositions, le gouvernement convient avec le comité que les bénéficiaires du programme devraient pouvoir en appeler devant les tribunaux, au besoin.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, un des principaux objectifs du projet de loi consiste à rendre le programme plus ouvert, plus transparent et à rendre de meilleurs comptes. De cette façon, nous espérons certes éviter tout malentendu intentionnel.
Avant de répondre à des questions, je tiens à préciser que le projet de loi concernant le programme de protection des témoins est conçu pour répondre aux besoins tant du public que des forces d'application de la loi. Il nous tarde, à mes collègues et à moi, de connaître votre opinion, car elle nous aidera à atteindre cet objectif global.
La présidente: Madame Banulescu, je vous remercie.
Le sénateur Beaudoin: Madame la présidente, l'article 13 du projet de loi me préoccupe un peu. Je le trouve vague. Pourriez-vous m'en expliquer la raison?
Mme Banulescu: L'article 13 vise à protéger la personne. Il ne faudrait pas que la personne signant un formulaire dans lequel on lui demande s'il s'agit de sa véritable identité soit pénalisée parce qu'elle décline sa nouvelle identité plutôt que l'ancienne. Il s'agit simplement d'une forme de protection pour ceux qui refont leur vie sous un nouveau nom.
Le sénateur Beaudoin: Cette personne n'est-elle pas obligée de vivre sous son nouveau nom?
Caporal Jeff Warren, Gendarmerie Royale du Canada: Il faut prévoir certaines situations, par exemple lorsque nous faisons établir un passeport au nouveau nom d'un de nos protégés. La loi relative à la délivrance des passeports exige la fourniture de certains renseignements, y compris peut-être au sujet d'identités antérieures. Nous avons en place un processus gråce auquel ce renseignement ne fait pas partie du système habituel de données du Bureau des passeports. Par conséquent, si la personne protégée demande le renouvellement de son passeport cinq ans plus tard, elle n'est pas requise de fournir son identité antérieure et elle n'enfreint pas la loi si elle ne le fait pas. En règle générale, les formulaires du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux exigent que la personne fournisse ses identités antérieures.
Le sénateur Beaudoin: Vous conservez tout de même ces données, n'est-ce pas?
M. Warren: Bien sûr.
Le sénateur Gigantès: Les mots que vous avez utilisés au début de votre exposé, lorsque vous avez dit qu'il fallait rendre le système plus transparent et rendre de meilleurs comptes à la population canadienne m'inquiètent. Je peux facilement prévoir ce qui arrivera si quelqu'un invoque la liberté d'accès à l'information et la Loi d'accès à l'information. Le projet de loi à l'étude n'a-t-il pas pour objet principal de protéger le témoin? Cette protection ne repose-t-elle pas sur le secret entourant l'identité antérieure du témoin?
Mme Banulescu: Vous avez tout à fait raison. Lorsque nous disons qu'il faut rendre le système plus transparent et rendre de meilleurs comptes, nous parlons simplement de rendre publiques la procédure ou les directives qui s'y appliquent, par exemple les critères d'admission. Le public a le droit de savoir comment se fait la sélection des témoins admis au programme. C'est ce que prévoit le projet de loi. Quant aux coordonnées et à l'identité des témoins individuels, naturellement, il n'est pas question de révéler ces renseignements.
Le sénateur Gigantès: Un autre détail me trouble. Vous dites que, si un témoin protégé révèle son identité antérieure à quelqu'un et que ce quelqu'un la dévoile, il n'y a pas d'infraction.
Mme Banulescu: Cette question a fait l'objet d'un long débat lors des audiences du comité de la Chambre. À l'origine, aux termes du projet de loi, la personne qui avait communiqué le renseignement aurait commis une infraction. Toutefois, le comité estimait que cela entravait la liberté de la presse. Si, en tant que témoin, je déclarais aux médias: «Voici le nom que je portais auparavant et l'endroit où je vivais», que je n'étais pas punie, alors les personnes à qui je donne ce renseignement devraient pouvoir le révéler, tant et aussi longtemps qu'elles ne compromettent pas ma sécurité ou celle d'autres témoins et que cela ne nuit pas à l'intégrité du programme. Le projet de loi prévoit des mesures de protection. Il existe certaines restrictions.
Le sénateur Gigantès: Certains journalistes ont une conscience, d'autres pas, tout comme il existe des journaux qui respectent le code d'éthique et d'autres, moins. Je connais des journalistes auxquels je ne dirais même pas bonjour. Je suis moi-même un ex-journaliste. À mon avis, pareille disposition met en danger le témoin. J'en suis troublé.
Le sénateur Milne: J'ai une liste de questions dont j'aimerais que la réponse figure officiellement dans le compte rendu.
Tout d'abord, ce programme de protection des témoins vise-t-il à remplacer tous les autres programmes analogues qui existent au Canada, par exemple ceux des municipalités et des provinces?
M. Warren: Non, il ne les remplace pas. En fait, bien des personnes ignorent que les services policiers municipaux protègent probablement plus de témoins que la GRC. Ces programmes continueront d'exister. Les seuls cas relevant d'un service de police municipale où l'on prêterait main forte seraient ceux où il faut que le témoin change de nom, auquel cas le service policier doit s'adresser à la GRC. Toutefois, le service municipal continuera de s'occuper des cas où il n'est pas nécessaire de changer le nom du témoin, et ceux-ci sont nombreux. Tous les cas de protection des témoins ne requièrent pas forcément un changement d'identité. Seulement 30 p. 100 d'entre eux au plus l'exigent.
Le sénateur Milne: Comment devient-on admissible à ce programme?
Mme Banulescu: Comme je l'ai mentionné plus tôt, le projet de loi prévoit des critères d'admission, à l'article 7: il faudra que la GRC tienne compte du risque couru par le témoin pour sa sécurité; du danger résultant pour la collectivité de son admission au programme; de la nature de l'enquête ou de la poursuite; de la valeur des renseignements ou des éléments de preuve que fournit le témoin et de sa capacité à s'adapter au programme; et de tout autre facteur pertinent. Voilà les critères qui détermineront si le témoin est admis au programme.
Le sénateur Milne: Pourquoi ce programme relève-t-il du commissaire de la GRC plutôt que du solliciteur général?
Mme Banulescu: Le projet de loi essaie d'établir un juste équilibre entre la souplesse dont a besoin le commissaire pour voir au fonctionnement de la GRC au jour le jour et la reddition de comptes au Parlement et à la population. Ainsi, il faut déposer un rapport annuel et, dans l'un des articles du projet de loi, on exige que le commissaire tienne compte des instructions reçues du solliciteur général concernant l'administration du programme. C'est un peu une question d'équilibre. Toutefois, on estimait plus à propos de confier au commissaire le fonctionnement au jour le jour et de laisser au ministre le soin de rendre des comptes au Parlement et, en bout de ligne, à la population canadienne.
Le sénateur Milne: N'est-ce pas une façon, en passant ainsi par le solliciteur général, d'éloigner davantage le Parlement du processus?
Mme Banulescu: Oui.
Le sénateur Milne: Dans quel contexte admettrait-on un ressortissant étranger dans le programme?
Mme Banulescu: Cette disposition se trouve au paragraphe 14(2) du projet de loi. On ne prévoit pas s'en servir souvent. C'est pourquoi elle exige que deux ministres approuvent l'admission au programme. Ainsi, il faudra obtenir l'approbation du solliciteur général du Canada pour l'admission au programme et celle du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pour l'entrée au pays.
Le sénateur Milne: Comment cette initiative aide-t-elle les témoins protégés à devenir des membres autonomes de la société, plutôt que de vivre aux crochets des autres?
M. Warren: Sénateur, chaque plan de réinstallation a une durée d'environ six mois durant lesquels nous aidons les personnes protégées à faire face aux dépenses quotidiennes. Simultanément, nous les retirons du milieu criminel dans lequel elles ont souvent toujours vécu. Nous les aidons à se trouver un emploi en leur payant des cours de formation. Nous leur fournissons un milieu de vie que beaucoup d'entre elles n'ont jamais connu auparavant et qui leur permet de ne pas côtoyer des criminels tous les jours.
Le projet de loi à l'étude nous permettra de continuer officiellement à le faire. Par contre, nos plans ont une durée limitée. Les témoins protégés savent qu'il y a une fin. Ils sont encouragés, en fait, presque obligés à devenir autonomes, habituellement dans les six mois, au mieux. Il arrive souvent que le soutien dure un an. Au bout de ce délai, toutefois, les paiements cessent. Durant cette année, le témoin a eu le temps de parfaire sa formation.
Le sénateur Lewis: Madame la présidente, j'ai deux questions. La première porte sur le projet de loi lui-même, tandis que la seconde est de nature plus pratique.
Je me reporte au sous-alinéa 8 b)(iii), soit les obligations de la part du bénéficiaire. Le bénéficiaire doit:
... s'acquitter de ses obligations juridiques, notamment celles qui concernent la garde des enfants et le versement d'une pension alimentaire à leur égard.
Je me pose des questions au sujet du conjoint.
Mme Banulescu: Que voulez-vous dire au sujet du conjoint?
Le sénateur Lewis: Vous faites mention des enfants.
Mme Banulescu: Comme vous pouvez le voir, il est indiqué: «notamment celles qui concernent...» Ce n'est donc pas exclusif; il peut y avoir d'autres obligations. Toutefois, le comité a pensé qu'il était important de donner un exemple et l'exemple retenu a été celui de la garde des enfants et du versement d'une pension alimentaire à leur égard. Cela n'exclut aucune autre obligation.
Le sénateur Lewis: Toute obligation juridique est incluse, n'est-ce pas?
Mme Banulescu: C'est exact.
Le sénateur Lewis: Mon autre question se rapporte à l'identité. D'après ce que je comprends, toute personne admise au programme peut l'être pour une période limitée, laquelle peut prendre fin. Au cours de cette période, la personne aurait une nouvelle identité. Si le commissaire la retire du programme, elle reprendrait, j'imagine, son identité initiale, n'est-ce pas?
M. Warren: Elle continuerait à avoir sa nouvelle identité. La durée du programme, si vous voulez, les six mois ou l'année, se rapporte essentiellement à l'appui financier. J'utilise le mot «financier» au sens générique du terme, mais il s'agit en fait de l'appui quotidien, continu. La personne en question conserve sa nouvelle identité pour le reste de sa vie, à moins qu'elle ne choisisse de reprendre son ancienne identité, ce que nous décourageons fortement. La nouvelle identité devrait être conservée pour le reste de sa vie.
Le sénateur Lewis: D'un point de vue pratique, lorsque vous parlez d'identité, cela signifie sans doute un changement de nom.
M. Warren: Oui, entre autres choses.
Le sénateur Lewis: Le changement de nom relève probablement de la compétence provinciale, n'est-ce pas?
M. Warren: Effectivement.
Le sénateur Lewis: Que se passe-t-il en matière de dossiers provinciaux?
M. Warren: En général, les dossiers provinciaux sont le premier maillon de la chaîne. Lorsque tous les dossiers provinciaux sont modifiés, qu'il s'agisse du permis de conduire, de l'acte de naissance, du certificat de changement de nom, c'est-à-dire les dossiers de tous les ministères de statistiques démographiques de chaque province, on passe alors au maillon suivant de la chaîne, soit la compétence fédérale, qui vise l'identité. C'est à ce moment-là que nous entrons en jeu, à Ottawa. Nous facilitons certaines choses comme l'impôt sur le revenu, Revenu Canada, les numéros d'assurance sociale, les passeports et la citoyenneté. Nous traitons avec près de 30 ministères fédéraux. Les cartes de traités avec les Indiens sont un autre exemple.
L'aspect provincial est la première étape. Nous avons des protocoles avec les provinces en matière de sécurité.
Le sénateur Lewis: C'est ce que je me demandais. Les autorités fédérales contacteront-elles les autorités provinciales pour modifier les statistiques démographiques?
M. Warren: En fait, c'est la police provinciale qui traite avec les organismes provinciaux, lorsqu'il s'agit de statistiques démographiques, ou avec le ministère des Transports dans les cas des permis de conduire. La police et les procureurs généraux des provinces traitent avec ces ministères provinciaux.
Une fois ces documents rassemblés, ils nous sont envoyés. À la GRC, nous facilitons les aspects fédéraux de la question en établissant une liaison avec les 30 ministères divers dont j'ai parlé plus tôt.
Le sénateur Lewis: Si l'on prend l'exemple des statistiques démographiques provinciales liées aux actes de naissance, et cetera, par exemple, des modifications seraient-elles apportées aux dossiers? Sinon, je pourrais me présenter à un ministère provincial et demander un acte de naissance ou trouver une identité. Si le changement est inscrit, apparaîtrait-il dans les dossiers de ce ministère?
M. Warren: En fait, les changements ne sont pas inscrits dans les dossiers accessibles en vertu des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, par exemple. Les cas dont nous nous occupons, ceux de la police provinciale de l'Ontario ou de la Sûreté du Québec, sont retirés des dossiers normaux, qu'il s'agisse de données électroniques ou sur papier. Ils sont entreposés en lieu sûr dans les divers ministères des diverses provinces. Ils sont extraits du système, si vous voulez.
Le sénateur Lewis: Quelqu'un pourrait très bien demander: «Je veux savoir ce qui est arrivé à cette personne. Je sais qu'elle a peut-être joué le rôle d'un témoin et je veux savoir si elle a changé de nom.» Cela serait-il possible?
M. Warren: Ces dossiers sont retirés du système. Les seuls renseignements qu'il obtiendrait se rapporteraient à l'identité initiale. Tout ce qui a trait à la nouvelle identité est retiré du système habituel de tenue des dossiers.
Le sénateur Lewis: J'imagine donc que ce changement d'identité s'appliquerait à la famille de la personne en question, à son épouse et à ses enfants.
M. Warren: Effectivement.
Le sénateur Lewis: Vous allez jusqu'au bout, n'est-ce pas?
M. Warren: Oui.
Le sénateur Doyle: Je me pose encore des questions au sujet des points soulevés par le sénateur Lewis. En premier lieu, vous avez un certain nombre de personnes qui bénéficient actuellement de cette protection. Elles font partie du programme depuis beaucoup de temps.
Avez-vous consulté de ces personnes au moment de la rédaction de cette loi? Je pense en particulier au cas où cette protection ne leur serait plus accordée. Avez-vous été conseillé au sujet de ce qu'il faudrait prévoir? Loin de moi l'idée de vous dire ce qu'il faut faire, mais je pense que quiconque fait partie de ce système serait enclin à vous dire ce qui l'inquiète véritablement, ce qui inquiète son épouse ou ses enfants.
Mme Banulescu: L'avocat Barry Swadron est probablement l'un des porte-parole les plus efficaces de ceux qui ne sont pas satisfaits du programme. Il a comparu devant le comité et a fait un excellent exposé. Par suite de son témoignage, le gouvernement a décidé d'éliminer un article qui aurait empêché les personnes de poursuivre le gouvernement, tant que la GRC aurait agi de bonne foi.
Il a sans doute été le meilleur avocat de ceux qui ont fait partie du système, qui en ont été rejetés et qui ont eu des inquiétudes à cet égard. Après avoir entendu son exposé, le gouvernement a modifié le projet de loi. Maintenant, les personnes concernées peuvent non seulement saisir la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada de la question qui les intéresse, mais peuvent aussi avoir recours aux tribunaux si elles ne sont pas satisfaites des résultats.
Le sénateur Doyle: J'ai beaucoup de respect pour M. Swadron. Toutefois, je ne suis pas sûr qu'il était sensible à toutes les anxiétés particulières d'un fugitif; je ne parle pas ici de ceux qui fuient la justice, mais de ceux qui fuient leur identité.
Ne pourrait-on pas prévoir un appel au nom du commissaire? Si la GRC disait: «Vous ne bénéficiez plus du système», la personne ne pourrait-elle pas dire: «J'ai besoin de protection pour des raisons très personnelles et je mérite d'être de nouveau écouté»?
M. Warren Black, avocat général principal, ministère du Solliciteur général du Canada: Sénateur, tout d'abord, le paragraphe 9(2) exige qu'avant de mettre fin à la protection d'un bénéficiaire, le commissaire doive prendre les mesures utiles pour l'en informer et lui donner la possibilité de présenter des observations.
Le sénateur Doyle: On lui présente des observations à lui, pas à une autre partie.
M. Black: Non, on présente des observations au commissaire. Alors qu'on ne peut en appeler officiellement de la décision du commissaire, je crois qu'il est possible de demander un recours judiciaire à la Cour fédérale, si tant est que la décision ait été prise injustement. Ce n'est pas un appel officiel. Toutefois, il est toujours possible de demander aux tribunaux d'examiner les décisions des représentants du gouvernement qui auraient agi injustement.
Le sénateur Doyle: Il est très souvent difficile de faire examiner un cas par une tierce partie, lorsque la loi ne prévoit pas un tel examen.
Pardonnez-moi si je suis allé trop souvent au cinéma. J'imagine toutefois que la police est là pour déterminer s'il y a infraction de la loi. Elle est constamment à la recherche des méchants -- chose qu'elle doit faire -- mais imaginons le cas d'une personne qui aurait aidé la police et qui aurait donc mérité sa nouvelle identité. Supposons que la police ait raison de croire que cette personne sait également quelque chose au sujet d'un crime et lui demande: «Pierre, vous ne nous avez pas dit ce qui se passait. Dites-nous ce que vous savez de ce crime.» La personne pourrait répondre: «Non, je ne sais rien.» La police lui répondrait alors: «Puisque vous ne voulez pas nous communiquer ces renseignements, vous ne pouvez plus être membre du club.» Je ne dis pas que cela pourrait se produire. Je dis simplement qu'il serait peut-être bon de faire en sorte que cela ne se produise pas. Il faudrait imposer une limite de temps et déterminer jusqu'à quel moment la police peut s'attendre à ce qu'une source d'information continue à lui communiquer des renseignements. Pensez-vous que je cherche inutilement la petite bête?
M. Warren: Je ne dirais pas qu'il n'arrive jamais qu'une telle personne devienne une source d'information. Toutefois, il est rare qu'un de nos clients du programme soit utilisé comme informateur ou comme agent après son admission au programme. Lorsque nous admettons quelqu'un au programme, nous tenons essentiellement à l'extraire complètement du milieu criminel. Nous ne l'encourageons pas à devenir informateur et nous ne l'encourageons pas non plus, pendant qu'il fait partie du programme, à devenir agent.
En fait, il faut que les ordres viennent de très haut pour que l'on utilise un bénéficiaire comme agent officiel. Comme je le dis, tout ce que nous voulons, c'est qu'il ne nous donne pas de renseignements sur des activités criminelles ou au moins, qu'il ne cherche pas à nous les donner, pour de l'argent, par exemple. Il me semble que vous pensez qu'il continuera à être informateur après avoir bénéficié du programme, à moins que je ne comprenne pas bien votre question.
Le sénateur Doyle: Je ne cherchais pas à démontrer que le travail normal de la police n'est pas parfait. Je me demandais simplement s'il ne faudrait pas prévoir une mesure de protection pour la personne en question, pas nécessairement au cas où elle ne communiquerait pas des renseignements touchant l'affaire à laquelle elle aurait été mêlée, ce qui l'aurait empêché de bénéficier du programme, mais une mesure stipulant que la non-communication de renseignements ne viserait pas une affaire n'ayant pas donné lieu à son admission au programme en premier lieu. Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Warren: Je n'en suis pas sûr. Voulez-vous parler du fait que l'on révèle qu'une personne fait partie du programme, au cours d'une procédure judiciaire relative à l'affaire ayant entraîné son admission au programme, par exemple?
Le sénateur Doyle: Le projet de loi stipule: «des renseignements importants... ne lui ont pas été communiqués». Je me demande si une protection serait prévue pour le client dans ces cas-là.
M. Warren: De quel article parlez-vous, sénateur?
Le sénateur Doyle: Je cite le résumé du projet de loi relatif aux articles 8 à 10. Il est indiqué que le commissaire peut mettre fin à la protection dans les cas où: «à son avis», des renseignements importants ne lui ont pas été communiqués ou l'ont été de façon erronée. Est-ce bien cela?
Le sénateur Pearson: Il s'agit de renseignements importants touchant à l'admission au programme.
M. Warren: Lorsque nous admettons une personne au programme, nous lui demandons des renseignements sur ses engagements financiers, ou combien d'argent elle doit, ce qui est important pour nous, car il arrive parfois que nous devenions responsables de ses dettes. Si cette personne nous dit au cours des entrevues relatives à sa demande qu'elle ne doit pas d'argent et que nous découvrons trois mois plus tard que tous les agents de recouvrement de Colombie-Britannique la recherchent, car elle leur doit 500 000 $, cela pourrait justifier que l'on mette fin à sa protection.
Nous voulons parler ici de la non-communication des antécédents -- des responsabilités financières, médicales, familières, des antécédents criminels, de plusieurs autres choses. C'est le genre de communication que nous recherchons, non pas des renseignements sur le crime ou sur des activités criminelles.
Le sénateur Doyle: Êtes-vous donc en train de dire que la GRC ne pourrait jamais renvoyer la personne du programme sous prétexte qu'elle n'aurait pas donné de renseignements sur un autre crime, renseignements que, d'après la GRC, elle pourrait avoir?
M. Warren: D'après mon expérience, cela n'est jamais arrivé. Je ne dis pas que cela ne pourrait pas se produire, mais, à ma connaissance, cela n'est jamais arrivé depuis les quatre années où je travaille à plein temps dans le cadre du programme; je ne pense pas non plus que cela pourrait se produire.
Le sénateur Doyle: Vous pourriez le penser uniquement si un bénéficiaire du programme était interrogé au sujet d'un deuxième incident de comportement criminel.
M. Warren: Un incident auquel il aurait été mêlé, par exemple?
Le sénateur Doyle: Peut-être un incident autre que celui qui aurait entraîné son admission au programme en premier lieu.
M. Warren: Connaissant l'objet de ce paragraphe, j'ai du mal à imaginer une telle situation. D'après mon expérience, je ne peux simplement pas l'imaginer. Je ne peux certainement pas imaginer que la non-communication de renseignements sur d'autres activités criminelles, par exemple, justifie que l'on mette un terme à la protection. Aucun de nos informateurs n'est tenu de nous donner des renseignements. Tout est sensé être volontaire.
Le sénateur Doyle: Vous parlez simplement de la situation personnelle, n'est-ce pas?
M. Warren: C'est exact.
Le sénateur Doyle: Cet article ne pourrait-il pas indiquer: «des renseignements sur sa situation personnelle»?
Le sénateur Pearson: La phrase: «renseignements importants touchant à l'admission au programme de celui-ci» semble englober une telle notion, n'est-ce pas?
M. Warren: C'est ce que nous croyons.
Le sénateur Doyle: À mon avis, les mots des «renseignements importants ne lui ont pas été communiqués», sont isolés...
Le sénateur Pearson: Ils ne le sont pas.
Le sénateur Doyle: Il y a un autre alinéa tout de suite après.
M. Warren: Les renseignements qu'il pourrait avoir à propos d'une autre activité criminelle ne toucheraient pas à son admission au programme. Ce n'est pas un facteur dont nous tiendrions compte comme condition d'admission.
Le sénateur Doyle: Nous parlons ici de la fin de la protection.
Le sénateur Pearson: Il y a tout un contexte dans ce projet de loi.
Le sénateur Gigantès: Pour donner brièvement suite aux propos du sénateur Doyle, dois-je comprendre que vous pourriez penser qu'une personne qui va être admise au programme pourrait avoir été mêlée à une activité criminelle sur laquelle vous fermeriez les yeux puisque, à votre avis, ce serait dans l'intérêt de la justice d'oublier cette activité particulière de manière à ce que la personne en question puisse témoigner dans le cadre d'une affaire importante?
M. Warren: Absolument pas, sénateur. En fait, nous avons des bénéficiaires qui, au moment de leur admission au programme, font encore l'objet de poursuites. Ils ont déjà été accusés de crimes. Nous devons en tenir compte. S'il arrive qu'ils soient emprisonnés après avoir été reconnus coupables du crime dont ils étaient accusés, nous nous entendons avec le Service correctionnel du Canada pour leur offrir une protection pendant qu'ils purgent leur peine. Il n'est absolument pas question de s'en désintéresser.
Des entrevues assez approfondies sont menées. En général, nous sommes au courant de leurs activités. Il est évident que certains d'entre eux ne sont pas des enfants de choeur, mais nous ne fermons pas les yeux là dessus. En fait, l'entente que nous signons avec nos bénéficiaires stipule que si quelque chose apparaît pendant qu'ils font partie du programme, nous l'examinerons de très près; ils sont d'accord sur ce point, au départ.
Le sénateur Gigantès: Qu'arrive-t-il en cas d'héritage? Si vous avez pris dans la rue un M. Dupont, que vous lui avez donné le nom de Lapierre et que l'oncle richissime de M. Dupont meurt et lui laisse 1 million de dollars en héritage, que se passe-t-il?
M. Warren: Il est possible qu'on ne le retrouve pas sous sa nouvelle identité et qu'il perdra son héritage. Je n'ai jamais entendu parler d'un pareil cas.
Le sénateur Gigantès: Y a-t-il un mécanisme qui ferait en sorte que le nouveau M. Lapierre ne perdrait pas son héritage?
M. Warren: Il faudrait espérer qu'au cours des recherches, les parties responsables contacteraient la police de la région dont il vient. Il est à espérer que la police découvrirait qu'il fait partie d'un programme de protection des témoins, qu'il s'agisse du programme de la GRC ou de celui de la police de la communauté urbaine de Toronto, et qu'elle remette ce renseignement aux personnes intéressées, afin que celles-ci puissent le retrouver et lui donner ainsi accès à son héritage. Il est concevable qu'il puisse perdre son héritage, mais je n'ai encore jamais vu pareille situation.
Le sénateur Gigantès: Soit dit en passant, sénateur Lewis, si un couple adopte un enfant légitime au Québec, l'acte de naissance de cet enfant est modifié et indique que les parents adoptifs sont les parents naturels.
Si vous êtes un gangster qui aimerait bien tirer une balle dans la tête de M. Jean, parce qu'il a vendu la mèche au cours d'un procès, et que vous découvrirez qu'il a un oncle fortuné, vous attendez que ce dernier meurt, ou vous le tuez, puis vous trouvez M. Jean et lui tirez une balle dans la tête.
Le sénateur Bryden: Mes questions visent essentiellement à clarifier certains points. La définition de «témoin» est intéressante. «Témoin» désigne une personne qui a besoin de protection, sa sécurité étant mise en danger du fait qu'elle a participé à une enquête, par exemple, ainsi qu'une personne ayant des liens avec celle-ci.
Il semble que la protection offerte au conjoint ou aux enfants découle du danger que court la première personne. Si celle-ci est tuée au moment où elle quitte le tribunal après avoir témoigné, elle ne court plus aucun danger, mais son épouse ou ses enfants peuvent courir un danger considérable. Puisqu'elle ne court plus aucun danger, comment, en vertu de cette définition, accordez-vous une protection à l'épouse ou aux enfants? Dans un autre cas, la personne en question pourrait être si intimidante, pour quelque raison que ce soit, que personne n'osera s'attaquer à elle; par conséquent, elle ne court aucun danger.
Mme Banulescu: Le projet de loi n'est pas conçu pour régler pareils cas. À l'alinéa b), sous «témoin», on peut lire:
soit, en raison de ses liens avec la personne visée à l'alinéa a) et pour les motifs qui y sont énoncés, peut également avoir besoin de protection...
Je ne pense pas que cela vise à l'exclure uniquement parce que la première personne ne court plus de danger, puisqu'elle peut être décédée; ce n'est pas que la protection des membres de la famille ne soit pas prévue, elle l'est.
Le sénateur Bryden: Il ne fait aucun doute dans mon esprit que telle est l'intention. Je me demande si en fait cette définition englobe une telle situation. Comme nous le savons tous, l'intention d'une loi se révèle à la lecture de celle-ci. Si tout le monde est convaincu que tel est le cas, cela ne me pose alors pas de problème.
Toujours dans le cadre de cette définition, il est indiqué que le «témoin» est la personne qui fournit des renseignements et aussi les personnes à charge de cette personne. En vertu de l'article 6 du projet de loi, un témoin doit remplir certaines conditions pour pouvoir bénéficier du programme. L'une de ces conditions, c'est qu'il conclue un accord.
Puisque la notion de «témoin» englobe le conjoint et les personnes à charge, prévoyez-vous des accords distincts pour ces personnes également?
M. Warren: C'est ce que nous faisons à l'heure actuelle, monsieur le sénateur, dans le cas de ceux qui sont majeurs. Nous concluons des accords distincts avec le conjoint et les enfants de plus de 18 ans. Je ne peux pas imaginer que cela pourrait changer. En ce qui concerne notre programme, je pense que nous continuerons à procéder de la sorte et que nous aurons des accords distincts pour chacun des participants majeurs.
Le sénateur Bryden: Au sous-alinéa 8 b)(i), «protection» est réputée comprendre une obligation de la part du bénéficiaire -- il est intéressant que l'on utilise le mot «bénéficiaire» ici au lieu du mot «témoin» -- de fournir les renseignements ou les éléments de preuve requis dans le cadre de l'enquête ou de la poursuite qui a rendu nécessaire la protection.
Là encore, selon la définition de «témoin», si un membre de la famille, par exemple l'épouse, a des renseignements, ou si la police a des motifs raisonnables et probables de croire que l'épouse a également des renseignements, lorsqu'elle conclut un accord pour obtenir la protection qu'elle obtiendra probablement, puisque son mari court un danger, ce témoin ou ce bénéficiaire est-il tenu de communiquer les renseignements dont il dispose à propos de l'incident, puisqu'il doit signer le même accord?
M. Warren: Il y aurait en fait deux accords distincts.
Le sénateur Bryden: Toutefois, l'obligation existerait, n'est-ce pas?
M. Warren: Supposons que le mari soit le bénéficiaire potentiel. D'après mon interprétation, l'obligation de fournir les renseignements incombe au bénéficiaire, au mari, mais elle ne se transmet pas automatiquement ou nécessairement à l'épouse, si vous apprenez, après coup, qu'elle peut avoir des renseignements. On espère qu'elle en a de toute façon. Elle n'a rien à perdre si elle fait partie du programme, et la menace ne devrait pas s'accentuer du fait qu'elle consolide l'argument de la Couronne, par exemple, dans le scénario que vous nous avez exposé, monsieur le sénateur.
D'après mon interprétation de cet article, je dirais que le bénéficiaire lui-même, mais pas nécessairement son épouse, est tenu de fournir ces renseignements.
Le sénateur Bryden: «Bénéficiaire» désigne une personne protégée en vertu du programme. Si cette personne est protégée en vertu du programme, elle bénéficie probablement de cette protection en s'acquittant des obligations précisées dans la loi. Je ne m'attends pas à une réponse instantanée de votre part.
Le sénateur Gigantès: Puis-je poser une question complémentaire?
Le sénateur Bryden: Certainement.
Le sénateur Gigantès: Pour revenir au cas du mari et de l'épouse, lorsque le mari est votre source de renseignements, si en pareil cas, vous avez quelque motif de croire que l'épouse pourrait avoir des renseignements supplémentaires, pensez-vous qu'elle est tenue de les donner avant de signer l'accord qui lui permettra de devenir bénéficiaire?
Le sénateur Bryden: C'est la question que j'ai posée, me semble-t-il. Vous l'exprimez d'une bien meilleure façon que moi, sénateur Gigantès.
M. Warren: À toutes fins pratiques, j'aimerais croire qu'elle serait obligée de le faire. Ceci étant dit, nous n'avons aucun moyen de la forcer à le faire.
Le sénateur Gigantès: Sauf si vous lui dites que vous ne l'admettrez pas au programme. Êtes-vous obligé de l'admettre au programme ou bien, l'article précisant que le commissaire peut retirer quelqu'un du programme pour de bonnes raisons pourrait-il vous servir de menace, vous permettant ainsi de la forcer à parler?
La présidente: Nous pourrions certainement pousser cette logique à l'extrême. Elle fait partie du programme uniquement parce qu'elle est l'épouse du bénéficiaire. Ne pourrait-elle donc pas être admise au programme de deux façons différentes? Elle pourrait l'être en tant que témoin elle-même, ou en tant qu'épouse du témoin et, dans ce cas, les obligations ne seraient-elles pas quelque peu différentes?
M. Warren: Je dirais que oui, absolument. C'est un scénario que j'ai du mal à imaginer, je dois l'avouer. Je n'ai jamais vu pareille situation. Habituellement, en pareil cas, l'épouse qui est admise au programme avec son mari donne volontairement ces renseignements, comme je l'ai dit plus tôt, dans l'espoir de consolider l'argument de la Couronne. Je ne peux pas croire qu'il faudrait envisager d'exercer des pressions sur elle pour la forcer à le faire. Je ne dis pas que cela ne pourrait pas arriver, mais je n'ai certainement jamais vu pareille situation.
Le sénateur Bryden: D'après mon interprétation, non seulement agit-elle probablement dans ses meilleurs intérêts et dans les meilleurs intérêts de la Couronne, mais elle n'a pas d'autre choix compte tenu du libellé du projet de loi.
Le sénateur Gigantès: Elle ne peut que fournir des renseignements supplémentaires et complémentaires à ceux de son mari.
Le sénateur Bryden: C'est exact, si elle doit sincèrement s'acquitter des obligations requises en vertu de l'accord.
Le sénateur Lewis: Permettez-moi de faire une observation. L'article 8 indique que l'accord de protection est réputé comporter une obligation; il suppose donc qu'il y aurait un accord. En d'autres termes, si une épouse est englobée en raison des dispositions précédentes, elle n'aurait pas de telles obligations à moins que...
Le sénateur Bryden: Elle doit signer l'accord de protection.
Le sénateur Lewis: Si elle ne signe pas l'accord de protection, elle n'a pas à s'acquitter de ces obligations.
Le sénateur Bryden: Elle ne peut pas être protégée si elle ne signe pas l'accord de protection.
Le sénateur Milne: Dans ce cas, elle peut probablement être protégée de toute façon, parce que le fait de ne pas la protéger ferait courir à son mari, le principal témoin, un danger, ainsi qu'aux enfants. Par conséquent, qu'elle dise ce qu'elle a à dire ou non, il faudrait toujours assurer sa protection.
M. Warren: Peut-être devrais-je indiquer qu'à toutes fins pratiques, les accords actuels que nous concluons avec nos bénéficiaires n'indiquent nullement qu'ils doivent fournir des éléments de preuve. Ces accords traitent des obligations du bénéficiaire, lequel ne doit pas communiquer son identité et ne doit pas commettre d'actes intentionnels susceptibles de faire connaître son identité ou le lieu où il se trouve. Ces accords traitent du montant d'argent qu'il va recevoir chaque mois pour son loyer, son téléphone, son électricité, et cetera. Ils traitent de nos obligations et du fait que nous désignerons un responsable de son cas qui sera là pour l'aider, si vous voulez.
Nulle part dans l'accord est-il fait mention d'obligations ou de ce qui pourrait être perçu comme l'obligation de fournir des éléments de preuve.
Le sénateur Bryden: Hier au Sénat, nous avons eu un cours sur la définition de «réputé». J'accepte tout ce que vous avez dit au sujet de la manière dont vous fonctionnez actuellement et du fait qu'il n'y a aucune obligation. Toutefois, ce projet de loi stipule que l'accord de protection est réputé comporter une obligation. Par conséquent, après l'adoption de ce projet de loi, il ne sera pas possible de conclure un accord de protection qui n'est pas réputé comporter ces obligations.
Vous parlez de liberté; toutes ces obligations sont réputées figurer dans chaque accord de protection que vous conclurez à l'avenir.
Le sénateur Gigantès: D'après le sous-alinéa 8 b)(i), l'épouse qui dispose d'autres renseignements que ceux fournis par son mari, est obligée de les donner. Si l'on découvre qu'elle ne les a pas fournis, cela donne-t-il le droit au commissaire de la rejeter du programme, faisant ainsi courir un éventuel danger aux enfants?
Le sénateur Milne: La réponse doit être «non». Si le commissaire la rejetait du programme, il rejetterait en fait le mari du programme.
Le sénateur Bryden: Le paragraphe 6(2), qui a été ajouté au projet de loi après votre comparution devant le comité des communes, stipule ce qui suit:
...le commissaire peut, en situation d'urgence, fournir une protection pendant une période maximale de 90 jours à une personne avec laquelle un accord de protection n'a pas été conclu.
Pourquoi utilise-t-on le mot «personne» dans cet article, alors que le mot «témoin» est utilisé dans tout le projet de loi? La définition de «témoin» est vaste. S'agit-il d'une nouvelle catégorie? Y a-t-il une hiérarchie? Commencez-vous par la notion de personne, puis de témoin et enfin, de bénéficiaire?
Mme Banulescu: A des fins de rédaction, le terme «bénéficiaire» devait désigner une personne qui reçoit une protection ou une personne qui a été approuvée et qui est admise au programme. Le terme «témoin» désignait une personne qui est candidate et qui n'a pas encore signé l'accord.
Vous soulevez un point intéressant, monsieur le sénateur. De toute évidence, si une personne n'a pas conclu d'accord de protection, elle est un témoin. Peut-être cela a-t-il été négligé, du fait que la rédaction a été rapide. Cela est certainement conçu pour ne pas englober la notion de «bénéficiaire». Il s'agit d'une personne qui est un candidat éventuel, qui n'est pas passée par le processus et qui cependant court un danger. Le comité a pensé qu'il fallait prévoir un article stipulant des services de protection pour une période limitée de temps.
Le sénateur Lewis: Cela pourrait s'appliquer, j'imagine, à l'examen d'une personne à laquelle vous faites subir une entrevue.
M. Warren: On pourrait évaluer si en fait elle sera un témoin crédible ou efficace.
Le sénateur Bryden: Je ne veux pas insister sur ce point, mais si l'on revient à la définition de «témoin», je ne vois pas ce qu'elle exclut.
L'article 7 énonce les facteurs dont il faut tenir compte pour désigner les bénéficiaires du programme. Un de ces facteurs me semble intéressant. L'alinéa 7 b) stipule:
b) le danger résultant pour la collectivité de son admission au programme;
Peut-on me dire dans quelles circonstances la collectivité courrait un danger plus grand si une personne est admise au programme? De quelle collectivité parle-t-on ici? S'agit-il de la collectivité qu'elle quitte ou de celle où elle se rend?
M. Warren: On pourrait donner l'exemple d'un bénéficiaire qui est toxicomane. On décide de le placer dans une collectivité de 400 habitants qui n'offre pas de programmes de désintoxication. En pareil cas, l'absence de programmes de désintoxication pourrait causer un grave danger à cette collectivité, tandis que si l'on plaçait cette personne à Vancouver, elle ne ferait pas nécessairement courir un danger à la collectivité. Des programmes de désintoxication sont offerts à Vancouver et permettent de contrôler la situation. C'est un exemple.
Le sénateur Bryden: L'article 8 stipule ce qui suit:
8. L'accord de protection est réputé comporter l'obligation:
a) pour le commissaire, de prendre les mesures raisonnables pour assurer au bénéficiaire la protection...
Je me demande si ce libellé est assez fort et si le commissaire ne devrait pas avoir l'obligation de prendre «toutes les mesures nécessaires». On pourrait aller jusqu'au bout et dire «toutes les mesures possibles», ce qui ne serait probablement jamais fait. Toutefois, en ce qui concerne l'expression «toutes les mesures raisonnables», si vous demandiez au commissaire s'il est raisonnable, on en arriverait à la définition d'«homme raisonnable». Cette notion se retrouve dans tous nos livres de loi. A-t-on envisagé de prévoir dans cet article la notion de «toutes les mesures nécessaires» ou quelque chose d'un peu plus fort?
Mme Banulescu: Cet article et le genre de protection dont vous parlez posent un problème. Si vous vous reportez à la section des définitions, vous voyez que la définition de «protection» comprend le déménagement, le logement, le changement d'identité de même que l'assistance psychologique. Dans certains cas, vous changez complètement la vie d'une personne.
Ma notion de logement raisonnable n'est peut-être pas semblable à celle de quelqu'un d'autre. Le commissaire doit avoir une certaine souplesse, lorsqu'il s'agit de modifier complètement le mode de vie d'une personne. Je crois que l'obligation devrait être «prendre les mesures raisonnables». Si l'on parle de «toutes les mesures nécessaires» et du mode de vie, ma notion de «nécessaires» risque de ne pas être la même que celle du commissaire. Cette disposition vise à donner une certaine souplesse en raison du genre de protection offert, qui est très vaste.
Le sénateur Bryden: D'après ce que je comprends du projet de loi, cette mesure est prise lorsque la personne en question ou ses personnes à charge courent un grave danger. Mis à part le recyclage, il s'agit essentiellement d'essayer de protéger la personne de ce danger. Ce qui est nécessaire pour protéger cette personne et ce qui est réputé raisonnable pour protéger cette personne sont probablement deux choses très différentes en matière d'interprétation. En d'autres termes, la personne a-t-elle raisonnablement besoin d'un garde du corps 24 heures par jour ou est-il nécessaire qu'elle ait un tel garde du corps? À mon avis, la notion de raisonnable n'est pas une norme élevée pour le commissaire.
Mme Banulescu: Je comprends ce que vous voulez dire, mais le programme vise à assurer la protection de la personne. Je suis sûre que le caporal Warren pourra vous dire qu'il n'a jamais perdu de témoin.
M. Warren: Nous n'en avons encore jamais perdu.
Beaucoup de nos bénéficiaires considèrent qu'il est raisonnable de les faire déménager à Hawaï plutôt qu'en Saskatchewan, par exemple, mais le commissaire ne serait pas d'accord et moi non plus.
Le sénateur Bryden: Comment ces obligations contractuelles sont-elles mises à exécution?
M. Warren: Je ne suis pas sûr de comprendre la question. Par exemple, l'une des obligations de l'accord standard que nous signons actuellement est la suivante: le témoin ne doit pas commettre d'acte intentionnel ou de négligence qui risquerait de faire connaître son identité ou le lieu où il se trouve. Nous nous en apercevons habituellement après coup. Je pense à un cas particulier où le bénéficiaire avait décidé d'écrire une lettre indiquant sa nouvelle identité, son nouveau numéro d'assurance sociale et le lieu où il se trouvait. Il l'a fait unilatéralement sans en avertir son responsable. Nous nous en sommes aperçus après coup. Il est envisagé maintenant de mettre fin à la protection si la personne en question persiste à faire ce genre de chose.
Le sénateur Bryden: C'est le revers de la médaille qui m'inquiète. Je ne doute pas de la capacité de la GRC de faire respecter l'accord. Par contre, la passation d'un accord particulier avec le témoin protégé et sa famille est préoccupante. L'accord porte essentiellement sur une période d'adaptation et sur les coûts pendant un an et demie.
Supposons qu'un accord est passé le 15 mars, puis qu'un nouveau budget est déposé et que vous devez réduire vos dépenses. Vous ne pouvez donc assumer les coûts prévus dans l'accord pendant 18 mois parce que le commissaire n'a pas les fonds voulus. Supposons qu'il raccourcit la période à 12 mois. Comment la personne protégée fait-elle respecter l'accord? Un marché a été conclu. J'ai dit que je vous donnerais de l'information en échange de quoi vous avez promis de me réinstaller en Saskatchewan, et ainsi de suite. Ce sont les obligations de la Couronne. Comment la personne protégée fait-elle respecter cet accord?
M. Warren: Sous le régime actuel, la première étape consisterait à déposer une plainte auprès du responsable du cas. Celui-ci transmettrait alors la plainte à l'administration régionale pour la province, d'où elle partirait pour l'administration centrale et pourrait même aboutir sur le pupitre du commissaire. Certaines plaintes ont été acheminées jusqu'au bureau du commissaire Murray.
S'il est impossible de trouver une solution qui satisfait le témoin protégé, les deux seules autres options sont de s'adresser à la Commission des plaintes du public contre la GRC ou d'entamer une poursuite. Il nous arrive aussi d'être poursuivis en justice.
Le sénateur Bryden: Il est plutôt intrigant qu'une personne que vous êtes censés protéger puisse être obligée de faire appel à un tribunal -- où toute la documentation est publique -- pour faire respecter l'accord de protection. Cette personne essaie de cacher son identité. Pourtant, vous dites qu'il arrive que des poursuites soient entamées.
M. Warren: Oui. Durant les audiences et les délibérations de la Commission des plaintes du public contre la GRC dont j'ai fait partie en raison de ma participation au programme ou de poursuites, une procédure était en place pour protéger l'identité de la personne. Je me souviens notamment d'un cas où les parties à la poursuite utilisaient, par exemple, des pseudonymes. Dans la transcription, on pouvait lire uniquement «Agent A», «Agent B», «Mme X» ou «Mme Y». Les lieux n'étaient pas mentionnés.
Il arrive aussi que les audiences aient lieu à huis clos. L'identité et les coordonnées de la personne sont protégées.
Le sénateur Bryden: Sans contester la bonne foi de qui que ce soit, je suis quelque peu troublé par le fait que le juge est une des parties à l'accord, ce qui m'amène à une autre question.
Lorsque le commissaire décide de mettre fin à la protection du bénéficiaire aux termes de la loi, la personne protégée peut alors en appeler de la décision. Encore une fois, je tiens pour acquis qu'une fois qu'elle en a appelé auprès du commissaire, elle n'a pas d'autres recours. Il n'existe pas d'ombudsman, pas plus qu'il n'y a de disposition aux termes de laquelle, par exemple, le solliciteur général pourrait nommer un juge de la Cour fédérale pour entendre cet appel à huis clos, et cetera, n'est-ce pas? En d'autres mots, la décision du commissaire est sans appel.
Mme Banulescu: Comme l'a expliqué le caporal Warren, les plaintes doivent être adressées à la Commission des plaintes du public contre la GRC. Le ministre est ensuite informé de la décision rendue par la Commission. Bien sûr, cette décision est communiquée au commissaire. Il n'est pas obligé de revenir sur sa décision; cependant, le ministre est certes au courant de la situation. En dernier recours, la personne peut s'adresser aux tribunaux. Avec un peu de chance, la question est réglée avant d'en arriver là.
Il faut donner à la GRC la chance de résoudre le problème elle-même avant de s'adresser à la Commission des plaintes du public contre la GRC ou, en fin de compte, aux tribunaux.
Le sénateur Bryden: Je ne conteste pas les étapes internes à suivre, et cetera. Toutefois, le fait demeure que l'arbitre est aussi une des parties à l'accord, soit le commissaire. Il faut peut-être que ce soit ainsi. J'ai de la difficulté à croire que la personne protégée qui se retrouve dans cette situation et qui se plaint que l'accord n'est pas respecté s'adressera aux tribunaux.
Ma prochaine question concerne l'article 11 du projet de loi où il est question de personnes qui «communiquent sciemment» des renseignements au sujet du lieu où se trouve le témoin, et ainsi de suite. A-t-on envisagé la possibilité que cette information soit communiquée par imprudence? Je parle du cas où quelqu'un «communique sciemment» le renseignement par manque de prudence ou de diligence. La personne le fait sciemment; ce sont les mots que vous avez utilisés lorsque vous avez donné les explications au sujet du projet de loi. Or, il est difficile de prouver que la faute était intentionnelle, comme nous le savons tous.
M. Black: J'avoue que nous n'avons pas tenu compte de ce point particulier.
Mme Banulescu: Si, alors que je me trouve avec un groupe d'amis, par inadvertance, parce que je connais l'affaire, un renseignement m'échappe, on ne chercherait pas à m'accuser d'une infraction parce que je n'avais pas l'intention de la commettre. Il faut que la personne ait délibérément et sciemment compromis la sécurité de l'autre personne en communiquant ses coordonnées ou son nouveau nom. Il appartient alors à la Couronne de porter des accusations, si elle estime avoir assez de preuves. Je suis d'accord avec vous: il est difficile de prouver l'intention.
Le sénateur Bryden: En ce qui concerne le paragraphe 11(3), je m'intéresse à l'alinéa selon lequel:
d) leur communication est essentielle pour établir l'innocence d'une personne dans le cadre d'une poursuite criminelle.
Cela veut dire que la personne qui prend la décision fait face à un dilemme plutôt intéressant: faut-il compromettre la sécurité d'une personne pour établir l'innocence d'une autre?
Mme Banulescu: C'est évidemment le cas. C'est l'une des raisons pour lesquelles ce genre de décision doit être pris par le commissaire. Ce pouvoir n'est pas délégué en raison de la nature délicate des situations. C'est une question d'équilibre. S'il faut révéler le nom d'une personne pour établir l'innocence d'une autre, le commissaire doit avoir le pouvoir discrétionnaire de le faire.
Le sénateur Bryden: La personne protégée en est-elle consciente lorsqu'elle décide de tout dévoiler?
M. Warren: Au paragraphe (5), on exige aussi qu'avant de procéder à la communication, le commissaire prenne «les mesures utiles pour en informer» l'intéressé. Le paragraphe 6 dispose que le paragraphe (5) ne s'applique pas si la notification a pour conséquence d'entraver l'enquête relative à une infraction. Je soupçonne que pareil cas serait assez rare. Cependant, le témoin protégé ne devrait pas en être surpris. Avant que cela ne se produise, des mesures seraient prises pour informer la personne qu'il faut communiquer son nom. Cependant, il faudrait aussi l'informer des mesures de protection prises pour la protéger après la communication. Logiquement, c'est ce qui devrait se produire. Le témoin en sera informé au départ.
M. Black: On peut supposer que le juge participerait lui aussi au processus. Il aurait le pouvoir, au besoin, d'empêcher la communication d'aller plus loin.
Le sénateur Bryden: Si j'avais à défendre les intérêts du témoin protégé, je serais plus à l'aise si la loi prévoyait qu'avec l'approbation du tribunal, le nom du témoin protégé peut être communiqué pour prouver l'innocence d'une autre personne. Je ne cherche pas à accuser qui que ce soit de mauvaise foi dans l'application de cette disposition. On signe habituellement un accord parce que tout va bien et qu'on croit qu'il en sera toujours ainsi. Cependant, s'il y a un pépin, le contrat est essentiel. Dans une large mesure, c'est ce que fait la mesure législative à l'étude. Elle établit les modalités en vertu desquelles une personne peut témoigner, compromettant de la sorte sa sécurité. La Couronne a la responsabilité fondamentale de protéger cette personne.
La Couronne a incontestablement préservé son pouvoir discrétionnaire et sa marge de manoeuvre, exception faite des cas prévus dans le projet de loi. Je ne suis pas entièrement convaincu que les intérêts de l'autre partie à l'accord sont bien protégés.
Le sénateur Gigantès: Pourriez-vous coiffer M. Tremblay -- qui vit maintenant sous le nom de Robitaille -- d'une cagoule et le présenter au juge en disant: «Voici M. Tremblay. Il était présent lorsque cela s'est produit. C'est un témoin»? Le témoin pourrait alors dévoiler tout ce qu'il sait de l'affaire et se retirer tout de suite après. Nul ne connaîtrait son visage. Même le tribunal ignorerait où il vit. Est-ce possible?
M. Warren: Que je sache, sénateur, nous n'avons jamais utilisé de cagoules.
Le sénateur Gigantès: Un témoin en portait une dans l'affaire Gouzenko.
M. Warren: Je n'étais pas encore là, sénateur. Depuis que je fais partie du programme, nous n'avons jamais été obligés d'utiliser des cagoules. Nous avons dû prendre des mesures de sécurité plutôt musclées pendant que le témoin se trouvait dans une zone de danger, si je puis m'exprimer ainsi. Cela inclurait l'emploi d'un grand nombre d'agents de la GRC.
Le sénateur Gigantès: Quand vous dites que vous n'utilisez pas de cagoules, cela signifie-t-il également que vous n'avez pas eu recours à de la chirurgie plastique pour modifier les traits d'une personne?
M. Warren: Nous ne l'avons jamais fait.
Le sénateur Beaudoin: L'article 7 de la Charte concernant la sécurité de la personne me préoccupe un peu. Le ministère de la Justice a-t-il vérifié que le projet de loi à l'étude satisfait aux exigences de cet article?
M. Black: Sénateur, nous avons examiné cet article du projet de loi avec des experts de la Justice ainsi qu'avec des spécialistes de la Charte pendant longtemps. Cette question a été examinée avec soin.
Le sénateur Beaudoin: Vous êtes en train de légaliser ce que vous faisiez. N'avez-vous jamais éprouvé des difficultés auparavant?
M. Warren: Jusqu'ici, nous n'avons pas perdu de témoins protégés. On nous a poursuivis quelquefois. La Commission des plaintes du public contre la GRC nous a aussi parfois critiqués.
Nous avons réglé à l'amiable une des plus importantes poursuites amorcées contre nous en grande partie, d'après moi, parce que le procès nous aurait coûté trop cher. Nous avons préféré régler à l'amiable. Nous avons eu des difficultés et nous avons fait l'objet de critiques.
Le sénateur Bryden: Le même paragraphe 11(5) du projet de loi dit que:
Avant de procéder à la communication dans les cas visés..., le commissaire prend les mesures utiles pour en informer l'intéressé et lui donner la possibilité de présenter des observations.
Encore une fois, j'ignore d'où vient le mot «intéressé». Qui est visé, mis à part le témoin protégé, le témoin ou une personne à la charge du témoin? Sans vouloir trop insister, tout le monde sait que, si le même terme est employé dans trois sens différents dans un projet de loi, il faut prévoir que l'avocat dira: «Il est impossible que la situation soit la même, sans quoi vous auriez utilisé le même mot partout».
C'est ainsi que les avocats gagnent leur vie, en fendant les cheveux en quatre. L'erreur n'est pas monumentale, mais elle ne devrait pas y être. De toute évidence, on a beaucoup réfléchi et étudié ce projet de loi. Il serait dommage qu'un avocat puisse profiter de termes trop vagues.
Le sénateur Pearson: Je ne suis pas avocate. Mes questions ne seront donc pas aussi longues ou captivantes.
Je me réjouis d'avoir l'occasion de poser le genre de questions que l'on n'a jamais la chance de poser, habituellement. De combien de personnes parlons-nous ici?
M. Warren: Nous admettons environ 50 personnes par année, en moyenne, dans le programme. Ce chiffre n'inclut pas la famille élargie. En fait, le chiffre pourrait atteindre 60 ou 70 personnes quand on y inclut les différents membres de la famille. J'exclue ici les cas où le témoin ne veut pas faire partie du programme, où il dit: «Donnez-moi de l'argent. Je m'arrangerai tout seul pour disparaître».
Le sénateur Pearson: L'effet est cumulatif en ce sens que, une fois qu'ils sont admis au programme, bien que vous ne leur versiez plus d'argent, ils vivent en fait sous un nouveau nom.
M. Warren: Le temps fait aussi son oeuvre. Pendant que de nouveaux témoins sont admis, d'autres sont éliminés du programme. En règle générale, les accords ont une durée de six mois à un an. Nous n'entendons plus parler de ces personnes, une fois que les accords sont échus.
Le sénateur Pearson: Arrive-t-il souvent qu'on leur retire la protection?
M. Warren: Non, c'est rare.
Le sénateur Pearson: De toute évidence, le programme est utile, sans quoi il n'y aurait pas de pareil projet de loi à l'étude. Le programme répond à un besoin. Je suppose qu'à beaucoup de personnes qui y sont admises, il offre l'occasion unique de refaire leur vie.
M. Warren: Exactement.
Le sénateur Pearson: En ce sens, il s'agit d'un bon programme. La semaine dernière, comme vous le savez, on a pu voir un documentaire sur l'affaire Gouzenko. Il était intéressant de voir comment vivait une famille dans pareille situation. Le documentaire a soulevé des points juridiques et décrit des problèmes intéressants.
Le sénateur Doyle: Je crois comprendre, d'après ce que vous avez dit jusqu'ici, que vous ne prévoyez pas qu'un témoin puisse être admis au programme, en sortir, puis y être réadmis. S'il publie sa biographie ou ses mémoires ou encore qu'il donne une entrevue à la radio, il souhaitera peut-être le faire sous son nom d'origine, puis reprendre sa nouvelle identité. Prévoyez-vous des situations de ce genre?
M. Warren: Certains de nos clients ont essayé de publier des mini-biographies. En règle générale, ils ne font plus partie du programme à ce moment. Habituellement, l'accord de protection est depuis longtemps échu. S'ils décident de sortir de l'anonymat et de passer à la CBC ou de publier un livre avec leur photographie à l'endos, ils ne pourront probablement pas être réadmis au programme. Nous ne pourrions pas les protéger, les réadmettre au programme s'ils ont eux-mêmes compromis leur sécurité.
Le sénateur Doyle: Votre réponse laisse entendre que, pendant qu'ils font partie du programme, vous ne les escorteriez pas jusqu'au studio et au retour?
M. Warren: Il n'en est absolument pas question. Ils doivent se débrouiller tout seuls.
Le sénateur Doyle: J'aimerais revenir brièvement à l'article 9 où, après avoir étudié le dossier, le commissaire décide de mettre fin à la protection d'une personne. Où est-il dit que le commissaire lui-même ne peut pas communiquer l'endroit où se trouve cette personne, ni son nouveau nom ou qu'il ne peut pas dire à un journaliste du Toronto Star, par exemple, où il peut trouver M. X, qui vit maintenant sous le nom de M. Y, dans telle ville?
M. Black: Sénateur, s'il le faisait, le commissaire commettrait une infraction aux termes de l'article 11. En effet, le paragraphe 11(1) s'applique à tout le monde, y compris au commissaire.
Le sénateur Doyle: Voulez-vous dire que l'article s'applique même s'il a mis fin à la protection du bénéficiaire?
M. Black: Le paragraphe précise bien qu'il est interdit de communiquer des renseignements au sujet d'un ancien bénéficiaire. La communication de renseignements signifie des renseignements au sujet du lieu où se trouve la personne ou de son changement d'identité. Cependant, cette disposition inclut aussi l'ancien bénéficiaire. La disposition s'applique à tous.
Le sénateur Doyle: Il y a un instant, l'un de vous a dit que vous aviez éprouvé des difficultés. Je n'en doute pas. N'importe quel service policier ou ministère du gouvernement en a. Le sénateur Bryden a proposé un moyen, du moins il me semble, de vous éviter des problèmes, soit de prévoir dans le projet de loi, où il y a lieu, d'autres instances que la GRC.
J'ai examiné les articles dont nous parlions auparavant. Je ne puis m'empêcher de penser que ce que Dieu donne, il le reprend. Le projet de loi ne prévoit aucun recours, sauf, comme vous l'avez dit, les tribunaux. Si l'on s'estime lésé, on peut intenter une poursuite; cependant, ce n'est pas une mesure que M. ou Mme Tout-le-monde envisagerait. Votre programme comprend peut-être des personnes tout à fait ignorantes de la loi ou n'ayant commis aucun crime, des personnes qui ne pensent pas en termes aussi spécifiques. Elles aimeraient savoir, selon moi, qu'à un certain moment donné, si elles estiment que leurs négociations avec la GRC ne vont pas bien, elles peuvent faire appel à un tiers, à un ombudsman quelconque, par exemple. Elles pourraient le faire sans tambour ni trompette, sans intenter une poursuite et devoir payer un avocat et tout le reste.
À mon avis, le passage où il est question de la communication erronée de renseignements importants n'est pas très clair. On pourrait discuter pendant deux jours devant un tribunal du sens du mot «important». Certes, les mots «touchant à» figurent parmi les termes les plus vagues utilisés dans une salle d'audience. Qu'est-ce qu'on entend par cela? On pourrait même débattre du sens du mot «programme».
Si c'est le genre d'expressions que l'on compte utiliser, il faut alors prévoir un recours pour la personne qui est admise au programme. Est-ce que vous comprenez mon point de vue?
Mme Banulescu: Oui, sénateur. Vous avez parlé d'un ombudsman. L'organisme qui, d'après nous, remplit ce rôle est la Commission des plaintes du public contre la GRC. Il interviendrait, espérons-le, avant que l'affaire ne soit portée devant les tribunaux. Je conviens avec vous que ce n'est pas tout le monde qui connaît la façon dont le système fonctionne. Les gens ne devraient pas nécessairement être obligés de s'adresser aux tribunaux pour régler leurs problèmes. C'est pourquoi nous avons une Commission des plaintes du public.
L'autre facteur dont il faut tenir compte sur le plan administratif, c'est le nombre d'intervenants que vous voulez inclure dans la loi. Une personne peut s'adresser de façon informelle à la Commission des plaintes du public. Si cela ne donne pas de résultats, elle peut alors se tourner vers les tribunaux. Le programme prévoit des recours pour la personne qui y est admise.
Le sénateur Doyle: Le seul recours qui est prévu ici pour le profane, c'est le commissaire.
M. Warren: Je suppose, sénateur, que les choses se déroulent probablement de la même façon dans le cas des nombreuses autres activités visant l'application de la loi que mène la GRC à l'échelle du pays. Il arrive à l'occasion que nos membres prennent des décisions malavisées, comme par exemple de tirer un coup de feu ou de conduire une voiture dangereusement. Habituellement, la plainte déposée suit la filière établie, allant d'abord aux Affaires internes, ensuite à la Commission des plaintes du public, suivie peut-être d'une poursuite ou même d'une action au criminel, selon la nature de l'acte commis. Notre programme de protection des témoins constitue l'une des nombreuses initiatives auxquelles participe la GRC sur une base quotidienne. Malheureusement, il y a parfois des plaintes.
Je ne vois pas pourquoi il faudrait prévoir dans ce cas-ci un ombudsman, alors qu'il n'existe rien de tel dans nos autres programmes.
Le sénateur Doyle: C'est peut-être parce que, à ce moment-ci, certains d'entre nous sont particulièrement sensibles à la question des droits des particuliers en raison de cette terrible affaire qui touche les militaires. Nous ne sommes pas en train de dire que la GRC est susceptible de faire face aux mêmes problèmes. Toutefois, il faudrait peut-être rappeler aux institutions qu'il ne faudrait pas avoir recours à des commissions royales d'enquête et à des audiences interminables pour essayer de connaître le fond de l'histoire.
Le sénateur Bryden: Pouvez-vous nous dire qui fait partie de la Commission des plaintes du public, et nous décrire brièvement son fonctionnement?
Mme Banulescu: Cette commission a été créée il y a plusieurs années. Même si elle est connue sous le nom de Commission des plaintes du public contre la GRC, elle est indépendante de la GRC. Les membres de la commission sont nommés, si je ne m'abuse, par le gouverneur en conseil. Le président actuel est un ancien juge. N'importe qui peut porter plainte contre la GRC auprès de la commission. Le programme de protection des témoins a déjà fait l'objet de plaintes dans le passé. Toutefois, comme nous voulions que le projet de loi soit très clair à ce sujet, nous avons inclus dans celui-ci une disposition qui précise que le public peut déposer une plainte auprès de la commission. Nous avons aussi légèrement modifié le mandat de celle-ci pour qu'il soit possible, comme l'a mentionné le caporal Jeff Warren, de tenir des audiences à huis clos, au besoin, pour discuter du dossier d'un témoin.
Le sénateur Bryden: Les membres de la commission ne sont pas nécessairement des profanes ou des anciens membres de la GRC, n'est-ce-pas?
Mme Banulescu: Autant que je sache, non.
Le sénateur Beaudoin: Je suis quelque peu préoccupé par le partage des pouvoirs qui est prévu ici. Les questions relatives aux changements d'identité et de nom de famille sont du ressort des provinces. Avez-vous déjà eu, dans le passé, des problèmes avec les provinces?
M. Warren: Non.
Le sénateur Beaudoin: Et qu'en est-il du Québec?
M. Warren: Je n'appellerais pas cela un problème. Toutefois, en raison de la façon dont les lois concernant les changements de noms et autres sont appliquées au Québec, nous n'effectuons pas de changements de noms dans cette province. Ce n'est pas parce que nous avons eu des problèmes; c'est tout simplement en raison de la façon dont les lois sont rédigées, étant donné qu'elles exigent la publication d'un avis de changement de nom, ainsi de suite. Nous pouvons faire ces changements dans d'autres provinces, comme le Nouveau-Brunswick et l'Ontario.
Le sénateur Beaudoin: Que faites-vous si la personne vient du Québec?
M. Warren: Si le bénéficiaire vient du Québec, nous effectuons le changement de nom au Nouveau-Brunswick, en Ontario, en Colombie-Britannique ou en Saskatchewan.
Le sénateur Beaudoin: Que voulez-vous dire par cela? Si la personne vit et travaille à Montréal, vous ne pouvez pas effectuer un changement de nom au Nouveau-Brunswick, n'est-ce pas?
M. Warren: Oui, absolument. Je suis Jeff Warren et je vis actuellement à Ottawa. Je suis également né à Ottawa, même si j'aurais pu aussi bien naître en Colombie-Britannique. Je peux faire changer mon nom dans n'importe quelle province -- même au Québec, si je ne vois aucun inconvénient à ce que le changement de nom soit publié. Mon lieu de résidence ou de naissance importe peu.
La présidente: Pour que les choses soient bien claires, je présume que vous ne faites pas cela sans l'autorisation des autorités du Québec.
M. Warren: Si j'habite à Montréal et que je décide d'aller au Nouveau-Brunswick pour faire changer mon nom à celui d'Elvis Presley, rien ne m'empêche de présenter une demande en ce sens au Bureau de l'état civil du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Beaudoin: Vous n'êtes pas obligé de vivre au Nouveau-Brunswick?
M. Warren: Il y a certaines règles concernant la durée de résidence et, gråce aux protocoles qui varient d'une province à l'autre, nous sommes parfois en mesure de contourner le critère de résidence. Je n'aime pas utiliser ce mot. Tout ce fait selon la loi; toutefois, les critères de résidence dans ces provinces sont contournés, dans certains cas avec l'autorisation du Bureau de l'état civil de la province. On utilise des affidavits, que l'on obtient habituellement des procureurs généraux des provinces, conformément à la loi sur les statistiques de l'état civil de la province.
Le sénateur Beaudoin: Mais le contrat de mariage reste le même. Si je me suis marié à Montréal et que j'ai signé un contrat à Montréal, je ne peux me rendre au Nouveau-Brunswick et dire que je ne suis pas M. Beaudoin, mais M. Smith.
M. Warren: Il arrive parfois que nous soyons obligés, pour diverses raisons, d'obtenir de nouveaux certificats de mariage. Encore une fois, nous avons été en mesure d'en obtenir dans chacune des provinces, sauf le Québec, en raison de la loi en vigueur dans cette province.
Le sénateur Beaudoin: Je suis surpris.
Le sénateur Pearson: Je suis certaine que vous agissez dans l'intérêt du Québec. Ils veulent eux aussi participer au programme de protection des témoins.
M. Warren: Nous agissons dans l'intérêt de la province et dans le respect de la loi. La loi n'est ni violée ni contournée. Selon la province, nous sommes parfois obligés de nous adresser à un juge pour obtenir certains documents nous donnant l'autorisation de faire certaines choses pour contourner le critère de résidence et les règles régissant la publication des changements de noms. Toutefois, c'est ce que nous faisons. Dans certains cas, le processus est plus long.
Nous voulons établir une procédure pour le Québec parce que nous traitons un grand nombre de dossiers à l'extérieur de Montréal et de la ville de Québec. Malheureusement, en raison de la loi actuelle, il est difficile, sinon impossible, d'agir autrement. C'est pourquoi nous effectuons les démarches à l'extérieur de la province.
Le sénateur Pearson: Les autorités en sont conscientes, n'est-ce pas?
M. Warren: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Et qu'en est-il des autorités policières du Québec?
M. Warren: Nous traitons un grand nombre de dossiers pour la Sûreté du Québec et la CUM.
Le sénateur Beaudoin: Vous changez les noms de leurs témoins?
M. Warren: Oui, sénateur, nous le faisons pour eux. Nous avons les contacts et les moyens de le faire.
Le sénateur Beaudoin: J'aimerais me pencher sur cette question, madame la présidente.
La présidente: Honorables sénateurs, voulez-vous qu'on procède dès maintenant à l'examen article par article du projet de loi, ou préférez-vous qu'on attende un autre jour?
Le sénateur Milne: Je propose que le comité fasse rapport du projet de loi au Sénat, sans amendement.
La présidente: Avant de mettre la motion aux voix, honorables sénateurs, êtes-vous d'accord avec l'idée d'adopter le projet de loi à ce moment-ci? Sinon, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas nous réunir un autre jour.
Le sénateur Beaudoin: Sauf s'il y a urgence, je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas attendre jusqu'à la semaine prochaine.
La présidente: Nous nous réunirons mercredi et jeudi prochains. Par conséquent, la motion du sénateur Milne sera mise en attente, le temps de bien réfléchir à ce projet de loi.
Le sénateur Losier-Cool: Nous pourrions peut-être obtenir une réponse claire aux préoccupations formulées par le sénateur Bryden.
La présidente: Les témoins pourraient peut-être nous fournir ces renseignements par écrit au lieu de comparaître à nouveau devant le comité.
Le sénateur Bryden: J'aimerais, madame la présidente, si c'est possible, connaître la composition de la commission, pas nécessairement les noms des membres, mais les fonctions qu'ils occupent. C'est un point auquel je n'ai pas prêté suffisamment d'attention. Si les plaintes déposées par les bénéficiaires sont traitées de la même façon que les autres, la procédure est peut-être adéquate.
La présidente: Ces renseignements pourraient peut-être nous être fournis la semaine prochaine. Je demanderai au greffier de communiquer avec les témoins à ce sujet.
Mme Banulescu: Merci, madame la présidente.
La séance est levée.