Délibérations du comité sénatorial permanent
des
affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 13 -- Témoignages
Ottawa, le mercredi 29 mai 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour examiner le projet de loi C-8, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Sénateurs, nous accueillons aujourd'hui, du ministère de la Justice, M. Paul Saint-Denis, avocat-conseil, et M. Gérard Normand, avocat; du ministère de la Santé, M. Bruce Rowsell, directeur, Bureau de la surveillance des médicaments; et du Solliciteur général, M. Ronald Dykeman, analyste principal, Police, Police et application de la loi.
Monsieur Rowsell, vous avez la parole.
M. Bruce Rowsell, directeur, Bureau de la surveillance des médicaments, ministère de la Santé: Au nom du ministère de la Santé, du ministère de la Justice et du Solliciteur général, nous sommes heureux de vous faire part aujourd'hui des observations suivantes au sujet du projet de loi C-8.
La rédaction du projet de loi C-8 s'est amorcée il y a une dizaine d'années, en 1986. Par la suite, il a fallu apporter d'autres amendements au projet de loi pour tenir compte des exigences de la Convention de 1988, qui devait entrer en vigueur sous peu. Le gouvernement conservateur a présenté le projet de loi C-85 pour regrouper et améliorer la législation actuelle relative aux stupéfiants et pour faire en sorte que le Canada s'acquitte des obligations qui lui incombaient en vertu des trois conventions internationales. Le projet de loi C-85 est mort au Feuilleton lorsque le gouvernement a déclenché des élections. Quand le Parti libéral a pris le pouvoir, il a présenté de nouveau ce projet de loi, rebaptisé projet de loi C-7. Aujourd'hui, il est appelé projet de loi C-8.
Au cours de toutes ces années, de nombreux témoins ont comparu devant les comités. Beaucoup d'exposés ont été présentés, et les députés ont abondamment étudié le dossier. De fait, lors de son passage en Chambre, une trentaine d'amendements ont été proposés au projet de loi C-7, amendements qui portaient sur le traitement et la réinsertion sociale des délinquants et sur les peines prévues dans le projet de loi initial.
Je tiens à souligner qu'il s'agit d'un projet de loi sur la santé. Beaucoup d'entre vous avez sans doute des amis ou des connaissances qui ont été gravement malades. Certaines de ces personnes, atteintes d'un cancer, par exemple, ont eu besoin de médicaments puissants pour soulager leur douleur. Vous connaissez peut-être aussi des personnes atteintes de maladie mentale qui ont, elles aussi, besoin de médicaments.
Le projet de loi C-8 fait mention de substances conçues pour traiter la toxicomanie. Il réglemente notamment la méthadone, substance utilisée à la fois pour soulager la douleur et pour traiter les héroïnomanes. Beaucoup de centres de traitement se servent de la méthadone pour traiter la dépendance à l'héroïne. Malheureusement, si ces substances sont des médicaments puissants, elles comportent aussi des risques importants, risques qui entraînent souvent des abus.
C'est pour cette raison que ce projet de loi comporte deux volets. Premièrement, il autorise l'utilisation de ces substances pour des fins médicales et, deuxièmement, il instaure un mécanisme capable d'intervenir dès qu'il y a détournement ou abus de ces substances.
Pendant vos délibérations, vous avez entendu des gens parler de la Stratégie nationale antidrogue et de la notion de réduction des dommages causés par la toxicomanie. La Stratégie canadienne antidrogue s'attaque à la fois à l'offre et à la demande.
Comme on vous l'a expliqué, environ 30 p. 100 des ressources sont consacrées à la répression, c'est-à-dire à réduire l'offre de drogue. On a mis en place certains mécanismes pour lutter contre l'importation, l'exportation et la distribution de ces substances et pour contrer leur détournement. Par ailleurs, 70 p. 100 des ressources sont consacrées au traitement, à la réinsertion sociale, à la prévention, à la sensibilisation et à la collaboration avec les provinces dans le cadre de programmes dont l'objectif est d'informer les gens des risques associés à la consommation de drogues. Même si certains changements seront apportés à son financement, la Stratégie canadienne antidrogue est dotée d'une infrastructure qui continuera à reposer sur ces grands axes.
Comme je l'ai déjà indiqué, et pardonnez-moi de me répéter, le projet de loi C-8 vise à regrouper la Loi sur les stupéfiants et les parties III et IV de la Loi sur les aliments et drogues. À l'heure actuelle, les professionnels de la santé, les médecins, les pharmaciens, les dentistes, les vétérinaires et les fabricants de produits pharmaceutiques doivent se conformer à deux lois distinctes pour pratiquer leur métier, ce qui leur complique la tåche. En fondant ensemble ces deux lois, nous simplifions beaucoup leur administration. Il sera aussi beaucoup plus facile pour ceux dont la profession est touchée par ces lois de connaître les règles.
Le projet de loi réglemente également les substances qu'on appelle les précurseurs. Vous avez sûrement entendu parler du fait que ces substances sont détournées vers des laboratoires clandestins où elles servent à fabriquer des drogues illicites, généralement de la catégorie des stimulants, de la métamphétamine et d'autres stimulants qui engendrent des problèmes pour bien des jeunes dans notre pays. Le projet de loi resserre également le contrôle des benzodiazépines. Beaucoup d'entre vous connaissez sûrement le valium. Ces substances sont utilisées à des fins médicales tout à fait valables, mais elles sont parfois détournées vers le marché clandestin et combinées à d'autres drogues illicites, ce qui aggrave des risques d'abus des substances réglementées par le projet de loi C-8.
Les personnes traitées médicalement ne verront aucune différence dans l'accessibilité des benzodiazépines. Les mesures de contrôle prévues toucheront simplement l'importation, l'exportation et la fabrication de ces substances, et serviront à en prévenir le trafic. Par conséquent, rien ne devrait changer pour les pharmaciens et les médecins.
On a élargi la définition du terme «production» pour inclure tous les niveaux de production, de même que la culture de substances. Le même terme recouvrant toutes ces facettes, on évite d'avoir à utiliser plusieurs mots différents.
J'aimerais maintenant aborder certaines des questions soulevées par les témoins. Les témoignages présentés au cours des dernières semaines nous ont permis de mieux comprendre leurs préoccupations. J'ai tåché de regrouper les questions soulevées par sujet plutôt que de répondre aux préoccupations avancées par chacun des groupes.
Voyons d'abord les mesures de rechange à l'incarcération. Plusieurs témoins, en abordant cette question, ont mis l'accent sur la réduction des dommages causés par la toxicomanie, l'accroissement des mesures de traitement et de réinsertion sociale ou d'autres approches. Le ministère de la Santé privilégie le traitement et la réinsertion sociale plutôt que l'incarcération. Cependant, nous estimons que les tribunaux qui étudient chaque cas et qui ont en main toute l'information sont en mesure de décider, en connaissance de cause, des mesures les plus indiquées à prendre à l'égard des personnes reconnues coupables des infractions criminelles prévues par ce projet de loi.
Vous avez entendu des témoins déclarer que certains délinquants ne peuvent ni être traités ni réintégrer la société. Bien qu'il y ait des cas où l'incarcération soit nécessaire, nous sommes favorables à ce que l'on mette l'accent sur les traitements. Il s'agit d'un secteur où la collaboration intergouvernementale s'impose. Ce sont les provinces qui appliquent les programmes de traitement et de réinsertion sociale. Le gouvernement fédéral n'a pas le pouvoir de les forcer à offrir de tels services. Ce n'est qu'avec le temps et la collaboration de tous que nous pourrons encourager le changement à ce chapitre.
J'aimerais parler maintenant des programmes d'échange de seringues. Une foule d'hypothèses ont été avancées en ce qui concerne l'avenir de ces programmes. Là encore, les témoins qui ont comparu devant votre comité et celui de la Chambre des communes n'ont pas présenté un seul cas où une personne aurait été accusée par la police au moment d'échanger une aiguille ou une seringue souillée contre une seringue stérile. La plupart des inquiétudes exprimées à cet égard relativement à la loi actuelle ou au projet de loi C-8 reposent sur de pures hypothèses.
Il importe de préciser que le libellé du projet de loi C-8 s'apparente beaucoup à celui de la Loi sur les stupéfiants. Les policiers reconnaissent la valeur de ces programmes et ne sont certainement pas prêts à intervenir lorsqu'il n'y a pas d'activités criminelles.
Il est très difficile de définir ces programmes en raison, entre autres, des nombreuses formes qu'ils peuvent prendre. Certains d'entre eux sont offerts par des pharmacies et des centres communautaires, certains sont financés par la province et d'autres, enfin, par le gouvernement fédéral. Certaines collectivités sont desservies par des unités mobiles qui rencontrent des toxicomanes dans la rue et leur remettent des aiguilles et des seringues propres.
Il nous est donc très difficile de donner une définition de ces programmes qui puisse les exclure du projet de loi. Toute tentative en ce sens aurait pour effet de limiter la flexibilité qu'ils offrent à l'heure actuelle. Je ne peux que rappeler qu'on ne nous a pas signalé un seul cas où des policiers auraient arrêté une personne ayant participé à ces programmes.
On a mentionné que les auteurs d'un acte criminel punissable d'une peine maximale de cinq ans moins un jour n'auraient pas droit à une enquête ou à un procès avec jury. C'est là une question dont le sous-comité de la Chambre des communes a longuement débattu. En fait, on cherche à réduire les peines et à accélérer le plus possible les procédures judiciaires.
Après avoir examiné les peines imposées et les condamnations prononcées, le sous-comité a conclu que, pour certaines infractions, le procès devant juge serait plus efficace et permettrait aux tribunaux de simplifier leurs procédures et de s'occuper des délinquants auxquels des mesures de rechange à l'incarcération conviendraient davantage.
Passons maintenant aux pouvoirs des inspecteurs. Rappelez-vous que les inspecteurs s'occupent de questions administratives et que leur rôle est de veiller à ce que les professionnels de la santé respectent les règlements. Dans la plupart des cas, ils examinent les registres portant sur l'achat et le stockage de drogues et veillent à ce que ces substances soient gardées en lieu sûr et à ce que leur vente et leur distribution soient consignées. Ils rendent visite notamment à des médecins, à des pharmaciens, à des vétérinaires et à des dentistes.
Les inspecteurs n'ont cependant pas accès aux dossiers personnels des patients puisque la Chambre a adopté un amendement excluant expressément ces données. C'est là une amélioration par rapport à la loi actuelle. Le projet de loi prévoit aussi une procédure d'arbitrage selon laquelle toute mesure prise par le ministre ou par son délégué à l'égard d'un professionnel de la santé serait précédée d'examen par une tierce partie indépendante.
Encore une fois, cette disposition n'existe pas dans la loi actuelle. Elle permettrait aux intéressés de mieux se défendre et de présenter des renseignements utiles à l'évaluation de leur cas.
Vous avez entendu l'Association médicale canadienne exprimer des réserves au sujet du terme «medical use», utilisation médicale des substances, employé dans la version anglaise du projet de loi. C'est une expression qui revient très souvent dans le projet de loi et qui a été introduite par l'Organisation mondiale de la santé dans le but de souligner que ces substances sont parfois utilisées dans le contexte de la médecine par opposition au contexte industriel.
Or, nous avons constaté que, dans le texte français, on utilisait le terme «application». Cette formulation serait peut-être plus acceptable aux yeux des médecins, puisqu'elle ne donnerait sûrement pas l'impression que le projet de loi vise à dicter les utilisations des substances visées. Nous proposons donc au comité d'apporter ce changement.
Je tiens à préciser que, en ce qui concerne la terminologie, les professionnels de la santé utilisent des expressions qui ne sont pas aussi courantes dans le vocabulaire juridique. Par conséquent, je crois que le mot «application» saura satisfaire les deux camps.
En ce qui concerne le chanvre, vous avez certainement constaté tout l'intérêt que suscite la culture commerciale du chanvre. Vous avez aussi entendu le témoignage de ceux qui craignent que l'on mette en place un système trop onéreux qui réglementerait toute l'utilisation des produits du chanvre. Un des témoins vous a montré la panoplie de permis et de licences qu'il a dû obtenir sous le régime de la loi actuelle pour pouvoir exécuter des recherches et utiliser de la fibre de chanvre dans la fabrication de papier, de textile, et cetera. Des suggestions ont été faites quant à la manière de traiter la fibre du chanvre une fois parvenue à maturité.
Un certain nombre de témoins ont également déploré que la loi n'exclue pas encore assez clairement les herbes médicinales et les remèdes traditionnels. Vous avez aussi entendu des témoins dire que la nomenclature ou les noms cliniques utilisés dans les annexes ne rassurent pas les gens, qui ne savent pas exactement quels produits chimiques sont contenus dans ces herbes. Ces annexes sont identiques à celles qui figurent dans la loi actuelle.
Le projet de loi C-8 ne vise aucunement les herbes médicinales ou les produits homéopathiques. Toutefois, je tiens à signaler qu'à la suite d'un amendement adopté à la Chambre, la disposition d'interprétation prévue à l'ancien paragraphe 3(1) a été supprimée en raison des craintes exprimées au sous-comité, selon lesquelles cette disposition s'appliquerait aux herbes médicinales et ferait de celles-ci des substances illicites.
Concernant les annexes, le ministre de la Santé s'est engagé à mettre sur pied un groupe de travail composé de spécialistes qui examineraient les différentes annexes et établiraient des critères précis pour l'inclusion des substances dans les différentes annexes.
Il se peut que certaines substances soient transférées d'une annexe à l'autre. Comme vous le savez, cette démarche peut se faire par décret. En cas de doute quant au classement approprié de substances particulières dans les différentes annexes, des mesures correctives pourraient être prises.
J'aimerais souligner que le ministère a pris cet engagement et qu'il y donnera suite. Nous nous sommes fixé un délai d'un an pour l'exécution de ce travail.
Enfin, la vaste majorité des témoins qui ont comparu devant le comité ont voulu parler de la question du cannabis, de sa décriminalisation et de sa légalisation, ou des mesures à prendre pour modifier l'accès à ce produit au Canada. Il ne s'agit pas d'un sujet nouveau pour les trois ministères visés par le projet de loi.
Vous avez entendu les témoignages d'un grand nombre de représentants de centres de traitement et de travailleurs de rue qui interviennent directement auprès des toxicomanes et des jeunes. Mais vous n'avez pas encore eu l'occasion d'entendre le point de vue de médecins experts, de pharmacologues et de toxicologues, qui ont étudié les effets néfastes du cannabis. Vous n'avez pas assisté à des exposés sur le sujet présenté par des corps policiers, qu'il s'agisse d'organismes locaux, municipaux, provinciaux ou internationaux, comme Interpol.
D'autres questions soulevées par des experts de l'Organisation mondiale de la santé et de la Commission des stupéfiants de l'Organisation des Nations Unies n'ont pas encore été explorées. Ces spécialistes recueillent une foule de renseignements de partout dans le monde et peuvent donner de l'information sur les programmes mis à l'essai dans un grand nombre de pays.
On vous a décrit le programme mis en oeuvre à Amsterdam. Il a été question aussi de programmes appliqués dans d'autres pays comme l'Australie et des problèmes de drogues qui se posent à Francfort et en Suisse.
Des rapports ont été rédigés sur certains programmes mis sur pied en Alaska où, il y a un certain nombre d'années, le gouvernement a facilité l'accès à la marijuana. Au cours des dernières années, l'Alaska a modifié ses programmes et adopté une attitude plus sévère à l'égard de la consommation de drogue. Il l'a fait par suite des pressions émanant de la population elle-même et non des corps policiers de cet État.
Cette question est fort complexe. Il faut tenir compte des répercussions sur les plans social, pénal, législatif, légal ainsi que des répercussions sur la santé. C'est pourquoi le comité permanent de la santé de la Chambre des communes s'est engagé à examiner la politique en matière de drogue.
Le ministre de la Santé a écrit au président du comité permanent pour lui faire part de son appui. En tant que représentants du ministère de la Santé, nous offrirons avec plaisir notre aide et notre expertise aux députés qui seront chargés de réaliser cet examen.
Avant de terminer, j'aimerais vous dire quelques mots au sujet des amendements que le gouvernement aimerait proposer au projet de loi. Le premier vise à répondre aux préoccupations exprimées par l'Association médicale canadienne concernant l'utilisation, dans la version anglaise du projet de loi, de l'expression «medical use». Bien qu'elle puisse porter à confusion puisqu'elle renvoie souvent à un diagnostic médical précis, nous proposons que cette expression soit remplacée par «medical application».
Souvent, d'autres lois sont mentionnées dans un projet de loi. La portée du projet de loi C-8, qui réglemente certaines drogues et autres substances, est telle que plusieurs modifications s'imposent pour tenir compte de changements récents. Par exemple, il s'est avéré nécessaire d'apporter des modifications au projet de loi par suite de l'adoption de la Loi sur les armes à feu, de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et de la Loi sur les jeunes contrevenants. Une modification corrélative a été proposée au Code criminel aux fins d'uniformité. On veut modifier la définition de trafic afin que la fabrication de substances dans des laboratoires clandestins soit incluse dans celle-ci.
Madame la présidente, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Si vous avez des questions à poser, mes collègues et moi-même sommes disposés à y répondre.
Le sénateur Jessiman: Vous avez dit que nous devrions maintenir le système actuel pour que les tribunaux disposent d'une certaine marge de manoeuvre. N'est-il pas vrai -- et vous avez lu tous les témoignages --, que les services policiers dans les grandes villes, en particulier Vancouver, ainsi que Toronto et Montréal, ne disposent pas des ressources voulues pour assurer l'application de la loi? Ils ont des dossiers beaucoup plus importants à régler. Par conséquent, cette loi n'est pas appliquée dans ces grandes villes. Ce ne sont pas les tribunaux qui prennent cette décision, mais les policiers.
On nous a également dit que dans les collectivités plus petites, où il n'y a probablement pas autant de crimes, les policiers ont plus de temps à consacrer aux activités liées à l'application de la loi. Par conséquent, nos lois sont appliquées de différentes façons dans différentes régions, ou du moins, c'est ce qu'on nous dit. Cela n'a aucun sens. Ce n'est pas juste pour les habitants des petites collectivités; ou peut-être ne faisons-nous qu'aggraver la situation dans les grandes villes en étant si tolérants. Toutefois, si je me fie à ce que l'on me dit, je ne crois pas que cela soit le cas.
M. Paul Saint-Denis, avocat-conseil, ministère de la Justice: Sénateur, je crois que vous avez raison. Toutefois, cela vaut pour n'importe quelle infraction, pas seulement la possession de cannabis.
Dans les grandes villes, surtout au cours des dernières années alors que les ressources ont été coupées, les policiers ont été obligés de prioriser leurs activités en matière d'application de la loi. Par conséquent, dans certains cas, ils ne se lanceront pas activement à la poursuite des gens qui sont en possession de cannabis.
Cela dit, un policier peut néanmoins, dans le cadre d'une enquête portant sur une autre infraction, découvrir que la personne en cause se trouve en possession de cannabis. Selon les circonstances, il dispose toujours d'une certaine marge de manoeuvre quant à la façon dont il traitera l'infraction. Il peut par exemple simplement saisir la marijuana et faire une mise en garde. Si la personne fait depuis longtemps l'objet d'une surveillance, l'infraction de possession de marijuana peut donner au policier le pouvoir dont il a besoin pour obliger cette personne à se soumettre à certaines mesures précises.
Donc, vous avez raison, sénateur, mais cela ne vaut pas seulement pour les lois qui ont trait au cannabis, mais pour toutes les lois.
Le sénateur Jessiman: On nous dit qu'il y a au Canada entre deux et trois millions de personnes qui consomment de la marijuana. Est-ce que cette affirmation est totalement exagérée ou exacte?
M. Saint-Denis: Il n'existe aucun moyen de le confirmer ou de l'infirmer. À mon avis, ce chiffre a tout simplement été lancé par hasard. Il ne peut être confirmé. Nous n'effectuons pas d'enquêtes au Canada pour savoir combien de personnes consomment de la marijuana et à quel moment.
Le sénateur Jessiman: Lorsque des groupes donnent des concerts dans une ville, entre 20 000 et 50 000 jeunes assistent au spectacle. Ils fument de la marijuana en toute impunité. Je présume que si les policiers ne font rien, c'est parce qu'ils ne peuvent rien faire. Ils n'ont pas les ressources voulues pour intervenir. Toutefois, ils ne font de mal à personne.
M. Saint-Denis: Sénateur, certains témoins ont parlé des grands rassemblements, surtout des concerts de rock, où l'on fume de grandes quantités de marijuana et où la loi n'est aucunement appliquée. C'est vrai. Les policiers ont raison de ne pas intervenir parce qu'ils ne veulent pas créer d'émeutes. Sans doute qu'ils n'appliquent pas non plus les lois sur la consommation d'alcool ou les règlements administratifs relatifs à l'hygiène. Il s'agit là d'événements exceptionnels. Les policiers exercent leur pouvoir discrétionnaire de façon appropriée en évitant toute intervention directe.
Le sénateur Jessiman: N'est-il pas vrai que les infractions liées à la consommation d'alcool ou n'importe quelle autre infraction dont vous avez parlé, autre que la consommation de marijuana, ne sont pas des infractions criminelles?
M. Saint-Denis: Il y a des infractions comme le tapage nocturne, l'état d'ivresse publique, pour n'en nommer que quelques-unes. Il existe sans doute des infractions, autres que la possession de cannabis, pour lesquelles les sanctions prévues ne sont pas appliquées non plus, mais elles ne sont peut-être pas aussi nombreuses que les infractions relatives à la possession. Si vous voulez laisser entendre qu'en tout temps, de nombreuses infractions relatives à la possession de cannabis sont commises au Canada, il y a effectivement du vrai dans ce que vous dites.
Le sénateur Doyle: À propos de cette question en particulier, vous avez indiqué qu'on a réduit les fonds dont dispose la police. La situation que vous décrivez existait effectivement il y a une vingtaine d'années lorsque la Commission LeDain a constaté la même application irrégulière et le même respect inégal de la loi. Il existe plusieurs lois en vertu desquelles la police peut procéder à une arrestation. Par exemple, elle pourrait vous arrêter pour une infraction liée à la consommation d'alcool, selon la quantité d'alcool que vous auriez bue. Je ne vois pas comment vous pouvez comparer les deux infractions. Dans un cas, la personne se retrouve avec un casier judiciaire, ce qui est rare dans l'autre cas, bien que l'alcool risque d'être plus nuisible à celui qui le consomme et aux gens qui l'entourent que la marijuana.
Pourquoi, en ce qui concerne la marijuana, laisse-t-on la police décider si elle doit intervenir ou non? Cela semble vouloir dire que la police fermera les yeux sur les agissements de groupes importants de consommateurs mais interviendra si on consomme de la marijuana sur la côte Ouest ou à Toronto un samedi soir?
M. Rowsell: Je ne crois pas que nous puissions répondre à votre question, monsieur le sénateur. C'est sans doute pourquoi on a demandé au Parlement d'entreprendre un examen exhaustif de la consommation de cette substance en particulier. Je crois que personne dans cette salle ou ailleurs ne peut vous donner de réponse satisfaisante à ces questions. Vous avez fait des déclarations pleines de bon sens. Cependant, personne ne peut vraiment répondre. Personne n'en connaît les raisons profondes et personne ne sait comment nous devrions aborder la question du cannabis.
La loi actuelle a été modifiée pour qu'elle devienne plus claire et permette à la police de faire la distinction entre possession simple et trafic. Auparavant, il arrivait souvent qu'on ne porte pas d'accusation de trafic car il était tellement plus facile de réduire l'accusation à une accusation de possession simple.
On espère maintenant pouvoir mieux s'occuper des cas réels de trafic. C'était ce que visaient les députés.
En ce qui concerne la situation dans son ensemble, je crois qu'elle exige un examen approfondi.
Le sénateur Doyle: Lorsque le gouvernement de l'époque a décidé de ne pas donner suite aux recommandations du juge LeDain, n'a-t-il pas promis de faire une étude intensive de l'utilisation des stupéfiants au Canada en vue de réviser les lois dans plusieurs domaines?
M. Rowsell: Ces déclarations figurent au compte rendu officiel de la Chambre.
Le sénateur Doyle: Qu'est devenue cette étude?
M. Rowsell: Je crains de ne pouvoir répondre à cette question non plus.
Le sénateur Nolin: Le sénateur Jessiman a soulevé une question à propos des consommateurs. J'aimerais faire remarquer à M. Rowsell qu'en 1989, son ministère a publié un rapport technique concernant la consommation d'alcool et d'autres substances par les Canadiens. Le rapport a signalé que 23,2 p. 100 des Canadiens entre 15 et 19 ans consomment de la marijuana. Avez-vous des chiffres pour les autres groupes d'åge?
M. Rowsell: Ce sont les chiffres qui ont été obtenus suite à cette enquête. C'était une enquête particulière.
Le sénateur Nolin: Avez-vous des chiffres plus récents?
M. Rowsell: Oui. Je crois qu'un rapport a été publié en 1995.
Le sénateur Nolin: Est-il possible d'en avoir un exemplaire?
M. Rowsell: Oui, bien sûr.
Le sénateur Nolin: Est-ce que leur nombre a augmenté, diminué ou s'est-il stabilisé?
M. Rowsell: Je n'ai pas le rapport avec moi. Je ne suis pas sûr des chiffres exacts. Nous pouvons toutefois vous obtenir ce rapport, sénateur.
Le sénateur Jessiman: Qu'est-ce que cela représenterait en nombres? On y mentionne un pourcentage de personnes d'un certain åge. S'agirait-il d'un million de personnes?
Le sénateur Nolin: Il s'agit de millions.
Le sénateur Jessiman: Je suis sûr que nous avons dû recevoir une copie de l'article intitulé, «The war on drugs is lost» d'une personne de votre ministère. L'avez-vous lu?
M. Rowsell: J'ai pris connaissance de l'article, oui. Nous ne vous l'avons pas fourni.
Le sénateur Jessiman: Cet article fait suite à un symposium auquel ont assisté sept personnes remarquables, dont des juges et des chefs de police qui considèrent que la lutte contre la drogue est perdue. L'article auquel je fais allusion se base sur des données fournies par le professeur Michael Gazziniga. Ces personnes considèrent qu'il est ridicule de lutter contre la drogue et que les personnes qui en consomment ne devraient pas être poursuivies parce que c'est une question qui concerne la santé. Si vous développez une accoutumance, c'est votre problème. Vous ne causez du tort qu'à vous-mêmes. Ces gens disent que la nicotine et l'alcool créent une dépendance beaucoup plus forte que bien d'autres de ces drogues.
James Q. Wilson, professeur à UCLA, a écrit un article pour défendre la lutte contre la drogue. Il présente l'autre côté du problème. Et voyez de quoi il parle, de la cocaïne, de l'héroïne et de cette substance dérivée de la cocaïne à laquelle on ajoute de l'eau et du bicarbonate de soude. Est-ce ce qu'on appelle du «crack»?
M. Rowsell: Vous étiez en train de tester votre auditoire, n'est-ce-pas?
Le sénateur Jessiman: Tout à fait. Je suis en train de lire un article d'un Américain qui déclare qu'il ne faudrait même pas s'occuper de la marijuana parce que cette substance est loin de créer une dépendance comme d'autres drogues. Il estime que la consommation de la marijuana ne devrait absolument pas être criminalisée.
M. Rowsell: Je pense que vous constaterez également d'après cet article que les États-Unis examinent très sérieusement ce qui est en train de se faire au Canada car le Canada est nettement en avance sur eux pour ce qui est d'essayer de réduire la demande et de multiplier les initiatives axées sur l'information et la sensibilisation du public ainsi que sur la réinsertion sociale.
La plupart des programmes de traitement aux États-Unis sont assurés par le secteur privé. Par conséquent, la démarche adoptée par les États-Unis diffère nettement de celle en vigueur au Canada.
Le sénateur Jessiman: J'aimerais croire que nous allons un peu plus loin.
M. Rowsell: Je suis d'accord avec vous mais il y a encore beaucoup de chemin à faire.
Le sénateur Milne: Votre présentation ici aujourd'hui me pose un petit problème parce que vous nous avez cité des choses que nous avons déjà entendues. Or, je croyais que vous étiez ici pour parcourir ces amendements avec nous et nous en donner un bref aperçu. Pourriez-vous le faire brièvement?
M. Rowsell: Chaque amendement?
Le sénateur Milne: Je pense que les personnes présentes y ont droit, oui.
M. Rowsell: Bien sûr.
Le sénateur Lewis: Par qui ces amendements sont-il proposés?
La présidente: Par le gouvernement.
Le sénateur Lewis: N'ont-ils pas encore été déposés?
La présidente: Non et ils n'ont pas non plus fait l'objet de motions. Nous avons demandé qu'on nous les explique. Je crois qu'un amendement sera proposé par le sénateur Milne à la fin.
M. Rowsell: Est-ce que vous voulez le faire avant que les amendements soient présentés et déposés?
La présidente: Le problème, c'est qu'une fois qu'ils auront été présentés et déposés, vous ne serez pas ici. Le sénateur Milne espérait que vous nous donneriez une explication après quoi elle ou quelqu'un d'autre pourrait proposer ces amendements en votre nom.
M. Rowsell: Je suis désolé. C'est la première fois que je comparais devant le Sénat et la procédure est légèrement différente de celle en vigueur à la Chambre des communes.
Le sénateur Milne: N'oubliez pas que je fais partie des bons. Je peux ou non proposer ces amendements en votre nom.
La présidente: Notre groupe est beaucoup plus souple.
M. Rowsell: L'article 2 du projet de loi vise simplement à ajouter l'annexe II qui a été omise, à la Chambre des communes, de la définition des substances désignées. On veut s'assurer ainsi que le libellé des versions anglaise et française est exact.
M. Gérard Normand, avocat, ministère de la Justice: Le prochain amendement traite de l'article 31 à la page 28 du projet de loi et découle d'une observation faite par l'un des témoins qui a comparu devant vous. En ce qui concerne la version anglaise, on a discuté de la notion de «deal in a controlled substance» et une observation a été faite à propos de la version française du paragraphe 31(1).
À l'heure actuelle, la version française du projet de loi se lit comme suit «l'habilitant à faire le commerce de substances désignées ou de précurseurs». Après un examen plus poussé, nous avons jugé que la version française ne correspondait pas à la version anglaise. C'est pourquoi pour qu'elle corresponde à la version anglaise qui est la plus exacte en ce qui nous concerne, nous proposons de modifier le libellé de la version française à partir de la ligne 6 pour qu'il se lise comme suit: «à se livrer à des opérations à l'égard de substances désignées» au lieu de «à faire le commerce».
Pour traiter de l'aspect commercial, par la suite, nous avons proposé d'ajouter «exerce son activité professionnelle».
[Français]
Alors, nous avions à ce moment à marier de façon plus juste la version anglaise.
[Traduction]
Le sénateur Milne: Nous n'avons pas besoin d'une explication détaillée. Pourriez-vous simplement nous dire si l'objet de cet amendement est de faire correspondre le libellé de la version française et celui de la version anglaise tout en respectant le but premier du projet de loi? J'estime toutefois que nous devrions examiner chaque amendement.
Le sénateur Jessiman: Comment pouvez-vous procéder aussi rapidement alors que 14 ans se sont écoulés et qu'on ne s'est toujours pas occupé de la Charte?
Le sénateur Gigantès: On s'en est occupé.
Le sénateur Jessiman: Il s'agit d'une simple traduction. On a constaté un problème avec la version anglaise et maintenant on indique que la version française diffère de la version anglaise. Quelqu'un qui parle les deux langues pourrait-il prendre quatre ou cinq lignes et les réécrire en quelques minutes?
M. Rowsell: Avec votre approbation.
La présidente: Si vous pouviez poursuivre. Je pense que nous sommes arrivés à l'article 55.
M. Normand: L'article 55 est celui auquel M. Rowsell a fait allusion. On propose d'y remplacer le mot «use», dans l'expression «medical use», par le mot «application» pour répondre à la préoccupation de l'Association médicale canadienne.
La présidente: En avez-vous discuté avec les représentants de l'AMC?
M. Normand: Pas à ma connaissance.
M. Rowsell: Non, nous n'en avons pas discuté.
Le sénateur Bryden: Cet amendement visait-il à répondre à leurs préoccupations?
M. Rowsell: Oui.
Le sénateur Bryden: Je ne comprends pas pourquoi vous ne leur en avez pas parlé.
Le sénateur Nolin: Leur préoccupation est beaucoup plus importante que cela.
Le sénateur Bryden: À moins qu'il s'agisse d'un mot spécialisé que je ne comprends pas, quelle est la différence entre «use» et «application»?
M. Rowsell: Lorsqu'un médecin exerce la médecine ou qu'un pharmacien exécute des ordonnances, c'est ce qu'on entend par «medical use». Selon l'interprétation de l'Association médicale canadienne, cette drogue sert à traiter les schizophrènes et est donc utilisée comme un médicament. Dans le cadre du processus d'approbation des drogues à Santé Canada, nous approuvons certaines utilisations d'une drogue. À cet égard, nous nous demandons: Quand est-il indiqué d'utiliser cette drogue dans le traitement des patients; quels sont les maladies ou les diagnostics précis où elle sera utilisée? Nous essayons de faire la distinction entre l'utilisation médicale, l'utilisation industrielle ou l'utilisation scientifique. Le mot «application» s'appliquerait sur le plan médical mais l'Association médicale canadienne craignait que le ministère de la Santé dicte la manière d'utiliser cette drogue qui deviendrait alors l'unique manière dont un médecin pourrait l'utiliser. C'est la préoccupation dont nous a fait part l'Association.
Le sénateur Bryden: Comment le mot «application» permet-il de remédier à la situation?
M. Rowsell: Malheureusement, ce n'est pas un terme couramment utilisé. L'expression anglaise «Indications for use» serait utilisée dans ce que nous appelons la «monographie de produit» -- c'est-à-dire les indications d'emploi d'une drogue.
Le sénateur Bryden: Dans la documentation limitée dont j'ai pris connaissance à propos des drogues, on indique souvent que cette drogue aura une «application» dans les cas de VIH ou dans les cas de cancer et ainsi de suite. Le mot utilisé n'est pas «use». Selon la terminologie employée habituellement pour discuter des nouvelles drogues, on parle des «applications» de ces drogues.
M. Rowsell: Ceux d'entre nous qui avons travaillé ou qui travaillons dans le domaine de la santé ne lui donneraient pas cette interprétation.
Le sénateur Bryden: Très bien.
[Français]
Le sénateur Nolin: Avez-vous tenté de régler tous les problèmes soulevés par l'Association médicale canadienne ou seulement celui-là en particulier ?
M. Normand: Nous avons discuté des problèmes soulevés, concernant entre autres les pouvoirs des inspecteurs. Nous estimions qu'il n'y avait pas de problème à cet endroit.
Le sénateur Nolin: Nous y reviendrons dans ce cas.
Le sénateur Beaudoin: Si c'est à la demande de l'Association médicale, est-ce que vous leur avez montré vos amendements ?
M. Normand: Non.
Le sénateur Beaudoin: C'est bien de dire que nous allons y donner suite, mais s'ils ne sont pas d'accord, nous faisons cela inutilement. Dans la vie, il faut essayer d'éviter les erreurs.
M. Normand: Le problème était définitivement relié à l'utilisation du mot «use», la raison étant qu'il n'y avait pas de difficulté avec la version française à ma connaissance. Nous avons vérifié avec les légistes, à savoir si mettre le mot «application» en anglais, créerait un problème avec l'utilisation du mot «application» en français. On nous a répondu que non. Dans cette optique, nous avons cru bon d'utiliser le mot. Effectivement, cela réglerait le problème. Depuis toujours, ils ont suggéré de changer le mot «use». Cela n'avait jamais été fait jusqu'à maintenant.
Le sénateur Beaudoin: N'oubliez pas les deux versions sont égales, et si vous changez un mot, il faut que vous soyez très sûr qu'il faut le changer.
M. Normand: Oui, effectivement, mais nous avons vérifié avec les légistes pour savoir si ces mots pouvaient vivre ensemble.
[Traduction]
La présidente: L'article 55 du projet de loi, page 39.
M. Normand: À l'alinéa 55(1)d) à la page 39, l'annexe VI était absente de la version anglaise mais figurait dans la version française et est bien entendu nécessaire pour traiter des précurseurs. Nous demandons que la version anglaise soit amendée.
Le sénateur Milne: Puis-je vous demander où vous avez trouvé celui-ci? Je n'en ai pas entendu parler.
M. Normand: Cet amendement est connu depuis l'impression du projet de loi.
Le sénateur Milne: Vous ne m'en avez pas parlé lorsque vous m'avez demandé de proposer ces amendements en votre nom.
M. Rowsell: Il aurait dû se trouver dans la trousse.
Le sénateur Milne: Il n'y était pas.
M. Rowsell: Veuillez m'excuser.
M. Normand: L'article 64 du projet de loi traite de certains amendements à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il a été rendu nécessaire par suite de l'adoption du projet de loi C-45 au cours de la première session de la 35e législature. Le projet de loi C-8 a modifié l'annexe II de cette nouvelle loi. Il s'agit d'amendements corrélatifs.
La présidente: Au sujet de la procédure, si nous avions adopté ce projet de loi il y a plusieurs semaines, est-ce que vous auriez dû présenter un projet de loi proposant des amendements corrélatifs?
M. Normand: Mon collègue, François La Fontaine, qui a rédigé ces amendements, est ici et sera sans doute mieux placé que moi pour répondre à cette question de procédure.
M. François La Fontaine, avocat général, Section de la législation, ministère de la Justice: Cela aurait définitivement posé problème, c'est pourquoi nous tåchons d'éviter que le problème surgisse. La loi mentionnerait désormais la Loi sur les aliments et drogues et la Loi sur le contrôle des stupéfiants, qui serait abrogée. Donc, nous avons dû nous occuper de cette situation.
La présidente: Vous avez de la chance que nous ayons été aussi modérés après plus amples réflexions.
Le sénateur Nolin: Si vous vous souvenez bien, chaque année aux alentours de Noël, nous recevons d'innombrables amendements au Code criminel et à diverses autres lois. Je crois que c'est ce qu'on veut accomplir.
M. Normand: L'article 65 du projet de loi traite du Code criminel et l'amendement vise à y ajouter le paragraphe 7(2). À l'heure actuelle, l'article 65 du projet de loi porte sur deux articles de la Loi sur les drogues désignées et autres substances. La version précédente traitait de la notion de trafic, qui comprenait la fabrication. La notion de fabrication a été retirée de la définition de trafic et fait maintenant partie de l'infraction que constitue la production, prévue au paragraphe 7(2). Par conséquent, nous avons décidé d'ajouter le paragraphe 7(2) pour prévoir la notion de production, déjà prévue par le Code criminel à l'article 100.
Le sénateur Bryden: Je m'excuse de mon manque de précision mais l'amendement crée-t-il une nouvelle infraction en vertu du paragraphe 100(2)c), l'infraction de production non autorisée?
M. Normand: Non. Le paragraphe 100(2)c) du code traite des armes à feu et des restrictions qui peuvent être imposées dans certains cas. À l'heure actuelle, il traite de la notion de trafic. Par définition, le trafic englobe la fabrication. Dans ce projet de loi, la notion de fabrication a été retirée de la définition de trafic et fait désormais partie d'une nouvelle infraction, qui est celle de la production, qui comprend également la culture. Si nous n'ajoutons pas le paragraphe 7(2) qui précise l'infraction que constitue la production, nous perdons alors cette notion de fabrication qui était déjà prévue.
Le sénateur Bryden: Est-il vrai qu'on peut maintenant confisquer les armes d'une personne déclarée coupable de possession d'un seul plant de marijuana? Était-ce le cas auparavant?
M. Saint-Denis: Je ne crois pas que l'infraction que constitue la possession vise à exercer un contrôle des armes à feu.
Le sénateur Bryden: Et si cette personne fait pousser un plant de marijuana?
M. Saint-Denis: Si elle produit un plant, on parle alors de culture.
M. Rowsell: Et non de possession.
M. Saint-Denis: Il s'agit de deux infractions distinctes. Votre question portait sur la possession d'un plant de marijuana.
Le sénateur Bryden: Je m'excuse. J'ai utilisé le mauvais terme. J'aurais dû parler de la production non autorisée de drogues. Soyons clairs. J'ai cru comprendre que la production non autorisée consistant à cultiver de la marijuana n'était pas incluse auparavant dans la définition de «fabrication». C'est pour cette raison que le terme «production» est maintenant clairement défini. Si je comprends bien, une personne qui fait pousser un plant de marijuana dans son salon produit de la marijuana. En vertu de ce projet de loi, cette personne pourrait perdre son droit de posséder ou d'acheter une arme parce qu'elle produit ce plant. Est-ce que cela a toujours été le cas?
M. Saint-Denis: Vous avez raison de dire que la modification proposée aura ce résultat, mais cela n'a pas toujours été le cas. Une distinction a été établie selon le type de trafic.
Le projet de loi C-8 établira deux types d'infractions, l'une pour le trafic et l'autre pour la production, qui reprendront toutes deux certains éléments de l'infraction que constitue actuellement le trafic. Toutefois, l'infraction pour possession inclut également la culture. Le projet de loi C-8 ne prévoit pas d'infraction distincte pour la culture de ces substances. Cet acte est visé par l'infraction que constitue la production. En conséquence, si une personne cultive ou fait pousser un plant de marijuana dans son salon, elle serait visée par la modification proposée.
Le sénateur Bryden: Il ne s'agit donc pas d'une simple modification corrélative, car elle permet d'infliger une peine qui relevait auparavant de l'infraction pour trafic et sanctionnera dorénavant la production d'un seul plant de marijuana, ce qui n'était pas le cas avant.
M. Normand: Rien n'a changé en ce qui a trait au concept de fabrication, qui demeure l'objet principal de l'infraction liée à la production. On invoquait souvent la fabrication pour accuser quelqu'un de trafic. Toutefois, en ce qui concerne la culture, vous avez raison -- celle-ci n'était pas incluse.
Le sénateur Gigantès: Mes commentaires peuvent sembler futiles, mais les répercussions que pourrait avoir cette modification me font peur. J'arrive à faire la différence entre un plant de pommes de terre et un géranium uniquement au moment de la floraison. S'il y a des plants de marijuana sur mon terrain et que je ne les reconnais pas, suis-je coupable d'avoir produit des plants de marijuana?
Le sénateur Beaudoin: Non, car vous n'aviez pas d'intention criminelle.
M. Saint-Denis: Vous n'en aviez pas l'intention.
Le sénateur Gigantès: Faudrait-il prouver qu'il y a eu intention?
M. Saint-Denis: Oui.
M. Normand: Il faudrait prouver que vous aviez l'intention de faire pousser ces plants.
Le sénateur Beaudoin: Cela pourrait être difficile.
Le sénateur Lewis: Si on vous surprenait à fertiliser ces plants, vous seriez alors dans de beaux draps.
La présidente: Nous pourrions peut-être passer au nouvel article 65.1.
M. Normand: L'article 65.1 sera ajouté comme modification corrélative à la nouvelle Loi sur les armes à feu. Nous devons modifier l'alinéa 109(1)c) de cette loi.
Les mêmes commentaires s'appliquent à l'article 71. Celui-ci vise à ajouter le paragraphe 7(2) pour inclure le concept de fabrication, qui a été mis de côté lorsque la définition de trafic a été modifiée.
L'article 72 fait référence à l'article du Code criminel qui établit les infractions de juridiction absolue et vise à modifier la numérotation des sous-alinéas, qui passent de ix et x à x et xi.
Dans la version française de l'article 74, à la page 50, on fait référence à l'article 15 au lieu de l'article 16. On devrait lire paragraphe «16(1)» au lieu de «15(1)».
L'article 76.1 vise à modifier la Loi sur les armes à feu.
Le même commentaire s'applique à l'article 83.1, puisque l'article 176 de la Loi sur les armes à feu modifie un autre article de la Loi sur la défense nationale.
L'article 93.1 est une modification corrélative à la nouvelle Loi sur les jeunes contrevenants.
Il y a eu une certaine confusion concernant l'article 93.2 parce qu'on y lisait «En cas de sanction du projet de loi C-7...» Le projet de loi C-7 modifie le nom du ministère des Travaux publics. Nous devions modifier notre loi parce que nous mentionnons ce ministère au paragraphe 14(4).
L'article 93.3 est rendu nécessaire parce que nous faisons référence à la Loi sur les armes à feu.
Le sénateur Bryden: Il me semble encore une fois que le projet de loi permet à tout le moins à un juge d'interdire l'utilisation ou la possession d'armes à feu et de déterminer la façon dont cette interdiction s'applique dans le cas de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La culture d'un plant de marijuana est visée par le paragraphe 515(4.1) du Code criminel, qui a pour but de confisquer les armes de quelqu'un qui mettra probablement en danger sa sécurité ou celle d'autres personnes. Je ne crois toutefois pas qu'on puisse parler de violence lorsqu'une personne cultive un seul plant. Il n'y a aucune menace de violence. Si cette disposition a pour but d'empêcher l'utilisation d'armes lors d'infractions perpétrées avec usage ou menace de violence, cette éventualité n'est-elle pas déjà prévue par le Code criminel? Devons-nous aller aussi loin et demander qu'un juge retire ces armes à un cultivateur de marijuana ou rende une ordonnance précisant que cette personne ne pourra jamais demander une autorisation d'acquisition d'armes à feu?
M. Saint-Denis: Très juste, monsieur le sénateur. Toutefois, l'infraction que constitue la production n'est pas uniquement destinée à ceux qui cultivent un seul plant. Elle s'applique également à ceux qui cultivent des acres de marijuana. Je puis vous assurer que ceux-là sont bien armés. Il serait probablement dans notre intérêt de nous assurer que ces personnes, si elles sont déclarées coupables, n'ont pas le droit d'avoir des armes à feu.
L'article du Code dont vous avez parlé donne des pouvoirs discrétionnaires au juge. Il n'oblige pas un juge à interdire la possession d'une arme à feu. Celui-ci doit toutefois juger si la sécurité du contrevenant et d'autres personnes justifie qu'on interdise la possession d'une arme à feu.
À mon avis, il est peu probable qu'un juge interdise à une personne déclarée coupable d'avoir cultivé un seul plant d'avoir une arme.
Le sénateur Bryden: Sans analyser le Code criminel, il me semble que celui-ci comporte suffisamment de dispositions permettant à un juge d'interdire à un contrevenant de posséder des armes à feu si la possession de telles armes menace la sécurité du public sans qu'il soit nécessaire de particulariser chacune des infractions. Ce n'était qu'un commentaire.
M. Saint-Denis: Vous avez raison. Toutefois, on peut dire la même chose de toutes les autres infractions qui sont expressément mentionnées dans la Loi sur les stupéfiants et la Loi sur les aliments et drogues. Si vous croyez qu'il y suffisamment de dispositions -- à l'exception de celle dont nous discutons -- qui nous permettent d'interdire la possession d'armes à feu, suivant la même logique, il ne serait donc pas nécessaire de faire référence à d'autres mesures législatives qui ont entraîné des condamnations. Il est toutefois évident que le gouvernement n'a pas choisi cette orientation.
Le sénateur Bryden: Je trouve inquiétant que l'on tente d'assujettir au système judiciaire des actes qui ne devaient pas l'être. Certaines personnes tiennent trop à ce qu'on autorise expressément un juge à rendre différentes décisions lorsqu'un acte violent est commis. Selon la plupart des gens, le Code criminel donne au juge suffisamment de pouvoirs pour confisquer ou interdire les armes de toutes sortes -- qu'il s'agisse de couteaux, d'armes à feu ou d'arbalètes -- sans singulariser les diverses infractions.
M. Normand: Comme vous le savez probablement, le paragraphe 515(4.1) du Code criminel concerne les enquêtes sur cautionnement. Un juge peut émettre une condition uniquement pour la durée des procédures. Il doit déterminer si une telle décision est nécessaire dans l'intérêt de la sécurité du prévenu ou de toute autre personne. Si quelqu'un d'autre est en cause, il y aurait plus qu'un crime. Cette condition n'est valide que jusqu'au moment de la condamnation.
Le sénateur Bryden: Une disposition du projet de loi à l'étude permet de saisir les biens reliés à une infraction. Si la personne n'est pas accusée ou si le juge décide que les biens confisqués peuvent être rendus à leur propriétaire, le tribunal peut exiger que la personne contracte un engagement quelconque. Cette personne n'est probablement pas coupable de quoi que ce soit.
Par exemple, le tribunal a confisqué la maison ou la ferme de l'accusé, puis il juge qu'il n'en pas besoin et il la rend à l'accusé. Si celui-ci, par la suite, ne respecte pas l'engagement contracté, il enfreint une ordonnance du tribunal, ce qui le rend passible d'une poursuite au criminel. Y avez-vous réfléchi? Je peux comprendre que le bien d'une personne soit confisqué jusqu'à ce que l'on ait décidé si elle est coupable de l'infraction dont elle est accusée. Toutefois, aux termes du projet de loi à l'étude, si la personne est jugée non coupable et que ses biens lui sont rendus, elle doit se conformer à une instruction du tribunal. Si elle ne respecte pas cette instruction, elle commet probablement une infraction et peut en être accusée.
M. Normand: Le paragraphe 490(9) du Code criminel porte sur les cas où on peut poser des exigences lorsque la procédure a été entamée mais que le bien saisi n'est pas nécessaire comme preuve. Il est arrivé que des automobiles soient saisies en tant que biens infractionnels, mais que nous n'en ayons pas besoin comme preuve et qu'elles soient rendues à leurs propriétaires. De toute évidence, nous pouvons photographier l'automobile et soumettre cette photographie comme preuve. À la fin de la poursuite, une fois que toute la preuve a été soumise et que l'automobile a été rendue, il est impossible au procureur général d'exercer son pouvoir de confiscation au profit de Sa Majesté.
Cette disposition a essentiellement pour objet de prévoir ce genre d'engagement lorsque le bien est rendu à son propriétaire avant la fin de la procédure.
N'oubliez pas que le juge peut toujours exercer son pouvoir discrétionnaire. En bout de ligne, si le bien n'est pas confisqué, il sera rendu à son propriétaire. L'automobile est confisquée pour faire en sorte qu'il existe suffisamment de preuve pour établir un lien entre l'automobile et l'infraction. L'automobile serait un bien infractionnel.
Le sénateur Bryden: Vous êtes convaincu que cela s'arrête là?
M. Normand: Non, en raison du lien établi avec le paragraphe 490(9).
La présidente: Sénateur Milne, était-ce votre dernière question?
Le sénateur Milne: Oui.
Je vous remercie, monsieur. Je proposerai pour vous l'adoption de ces modifications.
Le sénateur Beaudoin: Après avoir discuté de problèmes aussi techniques, vous trouverez peut-être ma question très générale.
Il y a quelques instants, nous parlions des problèmes posés par l'administration de la justice. Les policiers et le procureur de la Couronne ont aussi un pouvoir discrétionnaire. Ma première réaction est que nous légiférons peut-être trop et que nous criminalisons peut-être des questions qui ne devraient pas l'être.
J'ai une seule question au sujet du projet de loi à l'étude, mais j'estime qu'elle est primordiale. Il est préférable, selon moi, de criminaliser au besoin, mais pas forcément de criminaliser, si vous me comprenez. En d'autres mots, s'il existe un moyen de réaliser un objectif sans recourir au droit pénal, il faudrait le privilégier. La société s'accommode mal d'un trop grand nombre de lois. Je suis convaincu qu'il existe, au Canada, des experts qui peuvent me dire s'il existe un autre moyen d'atteindre notre objectif dans ce cas-ci sans avoir recours à des sanctions pénales. Dans les faits, nous parlons d'un million de Canadiens qui peuvent faire l'objet de poursuites. Nous avons trop facilement recours au droit pénal. Il n'existe pas de moyen plus musclé, mais vous êtes-vous demandé s'il était possible d'atteindre cet objectif par voie de réglementation?
M. Saint-Denis: Sénateur, vous abordez-là une question de fond que l'on ne pourra vraisemblablement pas résoudre au cours d'une telle discussion. Toutefois, comme vous le savez, le gouvernement cherche, par sa Loi sur les contraventions, à décriminaliser certains comportements indésirables en diminuant le recours au droit pénal pour punir certaines infractions.
La Loi sur les contraventions aura pour effet net, lorsqu'elle entrera en vigueur, de placer dans une toute autre catégorie les personnes qui ont commis des infractions: elles ne seront pas jugées comme des criminels. Elles devront peut-être payer une amende. Leur comportement donnera peut-être lieu à la remise de contraventions.
Bien que les infractions criminelles ne disparaissent pas pour autant, ceux qui commettent de telles infractions n'auront pas forcément à subir toute la procédure rattachée au système de droit pénal.
Le sénateur Beaudoin: Dans la fameuse affaire Oakes entendue par la Cour suprême, l'article 8 de la Loi sur les stupéfiants a été jugé ultra vires parce qu'il revenait, d'après la cour, à écraser «une mouche avec un marteau-pilon». Cela n'a pas de sens.
[Français]
Je ne vois pas pourquoi on aurait des marteaux-pilons pour tuer des mouches. On a un problème très grave. Des drogues sont très dangeureuses, et évidemment nous sommes tous d'accord là-dessus. On me dit que la marijuana est beaucoup moins dangereuse, et je ne suis pas un expert; ce n'est pas mon domaine mais je m'interroge et je me dis que s'il y a un moyen de réglementer cela sans avoir recours au droit criminel, ce serait beaucoup mieux.
Il y a certainement des juristes qui se sont penchés là-dessus, sinon au Canada, du moins dans d'autres pays. Je me dis que c'est bien beau de décriminaliser une chose, mais il faut ajouter quelque chose à la place, et c'est ce qui me tracasse.
Le sénateur Gigantès: Peut-être un amendement constitutionel!
Le sénateur Beaudoin: Un amendement constitutionel, c'est bien clair et précis, mais là, nous sommes en droit criminel. Je pense que l'on s'appuie trop vite sur le droit criminel, parce que légiférer sur un crime, c'est facile. Un bon avocat va pouvoir rédiger cela et ce ne sera pas la fin du monde, mais régler un problème sans avoir recours au droit criminel, lorsque ce n'est pas nécessaire, là c'est difficile.
Le fait est que je ne connais pas beaucoup de lois, même si j'ai étudié de nombreuses lois. Je ne connais pas beaucoup de lois qui ont réussi cela, mais il doit sûrement y avoir une possibilité. Je me demande si on ne fait pas face à un problème comme celui-là avec le projet de loi C-8. Au début je pensais que c'était un projet de loi comme un autre. Mais je m'aperçois que ce projet de loi est très, très important. Enfin, je soulève une question générale.
M. Saint-Denis: La solution à votre observation serait que le comité permanent de la santé de la Chambre des Communes, qui va examiner les politiques fondamentales en matière de drogue au Canada, pourrait en même temps examiner la question afin de déterminer quelle est la meilleure façon de régler les différents genres de substances. Par exemple, est-ce que telle et telle substance devrait être régie par le droit criminel ou par d'autres moyens? On espère que ce comité agira en ce sens.
Le sénateur Beaudoin: On a d'autres problèmes. Certains disent que ce n'est pas pire que l'alcool ou le tabac. Il existe une situation difficile avec le tabac. Voyez la décision de la Cour suprême. Voici un produit que tous peuvent utiliser, dans notre pays, tout au moins, et on en prohibe la publicité. Mais le produit est parfaitement légal. Probablement que l'on doit se dire qu'il est impossible d'empêcher les gens de fumer. C'est justement le même problème que l'on rencontre ici: on se dit que l'on va utiliser le droit criminel à une telle fin, sachant fort bien qu'il peut y avoir un million d'individus qui vont aller à l'encontre de la loi. Cela me cause un problème sur le plan de la conceptualisation. Enfin, c'est tout ce que j'avais à dire.
Le sénateur Nolin: Mais c'est une très bonne question, et c'est le coeur du problème.
Le sénateur Beaudoin: J'ai beaucoup de mal à vous dire que je pourrais régler cela dans une journée ou deux. J'ai de la difficulté à comprendre. Si nous y sommes obligés, alors je voterai au meilleur de ma connaissance, mais je n'ai pas l'impression d'être très informé face à ce problème. Quand vous me dites que le comité de la santé va peut-être trouver un moyen de régler ce problème, alors, assignons-les comme témoins.
M. St-Denis: Le comité permanent de la Chambre des Communes a déjà indiqué son intention de se pencher sérieusement sur ce problème. Ils vont examiner de fond en comble la question de l'abus des drogues, de l'usage des drogues, le contrôle des drogues, et essentiellement les politiques fondamentales en matières de drogues au pays.
En même temps, ils vont certainement se poser la question à savoir si la marijuana, par exemple, devrait être une substance contrôlée par une loi pénale.
Le sénateur Beaudoin: Enfin, je ne connais pas la réponse.
[Traduction]
La présidente: Le timbre sonne. J'annonce que le vote est prévu pour 17 h 45. Nous suspendrons nos travaux à 17 h 40 et nous les reprendrons après le vote.
Le sénateur Gigantès: Un représentant du ministère de la Santé est présent. Nous avons entendu beaucoup de choses contradictoires au sujet de la marijuana.
Depuis notre dernière rencontre, j'ai reçu de l'information de personnes en qui j'ai confiance. L'une est un ex-procureur. D'après lui, la marijuana contient 17 fois plus de goudron que le tabac.
Un recherchiste du Parti libéral m'a affirmé qu'une nouvelle souche de marijuana a été créée en Hollande. Elle est 30 fois plus hallucinogène que les souches actuelles. On entend aussi dire que les Hollandais étudient la possibilité d'abaisser la limite de 30 grammes à 5 grammes, vraisemblablement parce que la marijuana est maintenant beaucoup plus puissante.
M. Rowsell: Ils l'ont déjà fait.
Le sénateur Gigantès: Sur quelles études se base l'évaluation officielle de la nocivité de la marijuana? Quand ces études ont-elles été effectuées et par qui?
M. Rowsell: Le ministère de la Santé n'a pas colligé toutes les données connues sur la marijuana. C'est une autre raison pour laquelle nous avons appuyé à la Chambre des communes l'idée d'une étude menée par le comité de la santé. On a recueilli beaucoup d'information au fil des ans. Cette information a évolué depuis lors. Comme vous le dites, il existe des études portant sur des formes transgéniques de culture hydroponique qui sont beaucoup plus puissantes et ont un plus grand pouvoir hallucinogène que ce que nous connaissions jusqu'ici.
La plupart des renseignements ne reposent pas forcément sur des faits scientifiques. Une grande partie de la preuve est anecdotique. La meilleure façon de régler la question consiste, selon nous, à recueillir le plus d'information possible des milieux scientifiques et de ceux qui connaissent ces substances.
Le sénateur Gigantès: Dois-je comprendre que vous commanderez probablement une étude sur la marijuana, y compris sur les conséquences de ces nouvelles souches ultra puissantes? Nous informerez-vous des méfaits éventuels de cette drogue? Sont-ils différents de ce que nous ont dit les témoins partisans de la décriminalisation; sont-ils différents de ce que nous avons entendu des témoins pourfendeurs de cette drogue?
Nous avons besoin de preuves scientifiques à jour. Je suis conscient qu'à l'avenir, un génie quelconque de la génétique trouvera peut-être le moyen de donner à la marijuana l'apparence d'un géranium, par exemple, en vue de mieux la dissimuler.
Je ne me sens pas en mesure de juger de cette question parce que vous affirmez n'avoir pas effectué d'étude. Le comité de la Chambre n'effectuera pas des études; il entendra des témoins. Selon moi, il faudrait demander à un groupe de chercheurs spécialisés de mener une étude scientifique en vue de faire le point.
J'avais l'intention d'appuyer la décriminalisation de la possession de petites quantités de marijuana, soit de 30 grammes ou moins. Je ne crois plus pouvoir le faire parce que la possession de si faibles quantités de cette nouvelle drogue très puissante est peut-être fort dangereuse. J'aimerais en savoir davantage. D'ici là, je ne suis pas disposé à décriminaliser la possession ni à abaisser les limites.
Le sénateur Nolin: Il faudrait peut-être avoir en main l'étude dont vous parlez. Nous disposerions tous de la même information. Je suis dans le noir.
Le sénateur Gigantès: Je demande que l'on fasse une étude publique.
Le sénateur Nolin: Je fais allusion aux renseignements sur lesquels vous fondez votre volte-face.
Le sénateur Gigantès: Je ne suis pas sûr de cette preuve. Elle est peut-être anecdotique. Un de nos recherchistes m'a parlé de nouvelles plantes qu'on fait pousser en Hollande, et un ex-procureur de la Couronne m'a dit que la marijuana contenait 17 fois plus de goudron que le tabac. Le procureur de la Couronne n'est pas un scientifique, pas plus que le recherchiste.
C'est pourquoi je demande que des chercheurs étudient cette substance. D'ici là, simplement au cas où le recherchiste et l'ex-procureur de la Couronne auraient raison, je ne suis pas disposé à proposer la décriminalisation de quelque chose qui pourrait se transformer en bombe à retardement.
[Français]
Le sénateur Nolin: Tout comme le sénateur Gigantès, vous admettrez que jusqu'à maintenant, la Loi sur les stupéfiants et la partie III et IV de la Loi sur les aliments et drogues remplissent bien leur rôle. Si on ne l'adopte pas assez vite, cela ne changera pas grand-chose. Il n'y a pas d'urgence.
On pourrait très bien continuer à vivre selon la Loi sur les stupéfiants et la partie III et IV de la loi sur les aliments et drogues et attendre que le fameux comité de la santé ait étudié toute l'étendue de la stratégie sur les drogues comme le disait notre collègue le sénateur Beaudoin. À ce moment-là, on prendra les décisions appropriées qui s'imposeront.
[Traduction]
La présidente: Messieurs, nous devrions consacrer le temps qui nous reste à interroger les témoins. Nous pourrons en débattre plus tard.
Le sénateur Gigantès a dit qu'il n'avait plus de questions. Sénateur Nolin, c'est encore à vous.
[Français]
Le sénateur Nolin: Dans vos remarques préliminaires, vous avez fait référence à la stratégie canadienne anti-drogue et à la notion de réduction des dommages causés par la toxicomanie. Ensuite, vous faites cette référence:
[...] la stratégie canadienne anti-drogue s'attaque à la fois à l'offre et la demande [...]
Je voudrais qu'on se concentre quelques minutes sur la question de la stratégie contre la demande, contre l'offre. Nous avons un projet de loi pénal; mais, cela va en ce sens qu'on en a parlé pas mal. Je voudrais qu'on se concentre sur la question de la demande. À l'occasion de la préparation de ce projet de loi, si je me fie à vos remarques préliminaires, cela fait presque dix ans que le ministère de la Santé travaille à la rédaction de ce projet de loi. Est-ce que vous avez pris connaissance, examiné, envoyé des experts, comparé des données statistiques sur ce qui se fait dans d'autres juridictions?
Je vais être plus précis. Au début des années 1980 et à la fin des années 1970, 11 états américains, regroupant à peu près un tiers de la population américaine, ont décidé de décriminaliser l'usage du cannabis. Ce que nous avons comme information, c'est que dans ces juridictions, la consommation a diminué, alors qu'elle a augmenté dans les autres.
L'Australie a commencé par permettre la décriminalisation dans une province. Et, maintenant selon ce que je comprends des preuves que nous avons devant nous, le ministre de la Justice ne s'objectera pas à ce que cela se fasse dans d'autres provinces. On a entendu parler du cas d'Amsterdam. Alors, est-ce que vous avez examiné, comparé des données statistiques, examiné les causes, le pourquoi, les effets de la mise en application de ces nouvelles méthodes pour réduire la demande?
[Traduction]
M. Rowsell: Non, nous n'avons pas étudié à fond les données statistiques en provenance de ces pays. La majorité des dispositions du projet de loi à l'étude visent à influer sur l'offre. Les seuls éléments qui contribuent vraiment à réduire la demande sont ceux qui font allusion au traitement et à la réadaptation.
Le ministère est en train de prendre d'autres mesures, par exemple de lancer des programmes d'échange des seringues usagées, travailler de concert avec les programmes communautaires sur le sida et les programmes d'éducation et de chercher de concert avec les gouvernements provinciaux à orienter le traitement et la réadaptation. Ainsi, notre bureau s'occupe du programme de traitement d'entretien à la méthadone et il essaie de mettre des substances à la disposition des médecins qui traitent les toxicomanes.
Vous avez souligné l'orientation prise dans certains États américains, en Australie et en Hollande. Ces trois pays sont tous signataires des conventions.
Comme l'a fait remarquer le sénateur Jessiman, dans certaines villes canadiennes, on a délibérément décidé de ne pas appliquer la loi. Les États-Unis ont aussi établi une distinction entre la compétence fédérale et l'ordre suivant de gouvernement. Des États ont décidé de ne pas observer les conventions mais, au niveau national, les pouvoirs voulus ont été conférés.
Je ne suis pas au courant de données qui feraient état d'une réduction ou pas. Mes seules connaissances à cet égard se fondent sur un cas en Alaska où la consommation de marijuana a en réalité augmenté. En raison des difficultés qu'elle éprouvait, la collectivité a décidé de changer la loi. L'Alaska n'est peut-être pas représentatif des autres États. Les circonstances ont peut-être justifié cette décision. Il faut examiner ces situations.
Encore une fois, sans vouloir en faire une rengaine, je répète que ce sont là les questions qui, selon nous, devraient faire l'objet de l'analyse objective d'un comité de la Chambre des communes. Nous essaierons de réunir le plus d'information possible pour le comité de la Chambre, mais c'est à lui qu'il appartient de se prononcer en toute impartialité.
Le projet de loi se concentre sur l'offre: l'importation, l'exportation et la fabrication des substances. Il n'est pas conçu pour réduire la demande. De nombreux ministères contribuent à la stratégie. Chacun a son rôle à jouer. Le nôtre, dans le cas du projet de loi à l'étude, était simplement d'agir sur l'offre et de trouver un moyen de rassembler tous ces autres partenaires en vue de régler le problème des drogues au Canada.
Le sénateur Nolin: Ne croyez-vous pas qu'il aurait été opportun que votre ministère examine ce qui se passe dans ces juridictions pour au moins connaître les raisons des décisions prises et, peut-être, donner une idée au gouvernement des résultats qu'elles obtiennent? Nous ne vivons pas en vase clos au Canada. Nous participons de près...
[Français]
La civilisation canadienne n'existe pas, on vit dans un monde planétaire et ce qui influence les Américains influence définitivement les Canadiens.
[Traduction]
M. Rowsell: J'en conviens. Vous avez cité plus tôt les statistiques provenant du groupe des programmes de l'alcool et des autres drogues. Il s'agit d'une unité qui fait partie de notre Direction générale des programmes et des services de santé. Ce sont les membres de cette dernière qui ouvrent la voie en ce qui a trait à la réduction de la demande. À cet égard, il se peut qu'ils aient procédé à ces analyses. Malheureusement je ne suis pas au courant d'une partie des travaux effectués par ce volet du ministère. Il se peut qu'ils aient ces résultats.
Vous avez demandé plus tôt si nous devrions mettre ce projet de loi en attente et entreprendre l'étude. Le sénateur Gigantès a demandé ce que nous connaissions au sujet de la puissance de ces substances, la marijuana en particulier. Dans les laboratoires de Santé Canada d'un bout à l'autre du Canada nous procédons à des analyses pour les services de police. Lorsqu'une substance est saisie, nos laboratoires procèdent à des analyses pour l'organisation judiciaire.
Nous avons bien sûr des données qui indiquent que la concentration en THC de la marijuana dans certaines régions, cultivée dans certaines conditions -- à savoir en hydroculture -- a considérablement augmenté. Les premières années, il était normal que la concentration soit d'environ 3 p. 100. Nous mettons à l'heure actuelle la main sur des échantillons qui en contiennent jusqu'à 28 p. 100. La teneur en delta-9 THC est beaucoup plus élevée au pays à l'heure actuelle. Je suis désolé de ne pas connaître la réponse en ce qui concerne les concentrations de goudron.
Nous avons souvent entendu dire que 35 000 décès sont attribuables à l'habitude de fumer et aucun à la marijuana. L'une des raisons en est que nous ne rassemblons pas de données. Lorsqu'il est fait rapport d'un décès attribuable à l'usage du tabac, aucune distinction n'est faite quant à ce que cette personne fumait. Cette distinction n'a pas été faite pour la collecte des statistiques. Il est facile de dire que nous ne pouvons attribuer aucun décès à la consommation de marijuana, mais la vérité c'est que nous ne le savons pas.
Le sénateur Nolin: À cet égard, Statistique Canada produit ces chiffres. Vous avez probablement lu le mémoire que l'Association du Barreau canadien a présenté au comité des communes dans le cadre de son étude du projet de loi C-7. Les chiffres qu'on y cite proviennent de données de 1990 de Statistique Canada. Il y a des chiffres. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Quelqu'un compare tous ces chiffres. C'est là où j'essaie d'en venir.
M. Rowsell: L'année dernière, deux délégations des Nations Unies ont rencontré des députés de la Chambre des communes pour essayer de les convaincre de l'urgence d'adopter cette mesure législative étant donné que le Canada sert de point de transit pour le déroutement des drogues dans de nombreux pays. D'importants approvisionnements de benzodiazépines ont été déroutés dans des pays européens et des pays en développement des Antilles, de l'Amérique du Sud et de l'Afrique. Ce projet de loi nous donne l'occasion de mettre un frein au dumping de ces drogues par le biais du Canada.
Le sénateur Nolin: Ne pouvons-nous le faire maintenant?
M. Rowsell: Non.
Le sénateur Nolin: Pourquoi en est-il ainsi?
M. Rowsell: Nous ne disposons d'aucune loi pour contrôler l'importation et l'exportation de benzodiazépines ou de précurseurs. Quantité de gens viennent au Canada, surtout en provenance des États-Unis ou de l'Europe, pour acheter des précurseurs. Ils peuvent les ramener dans leurs pays et les confier à des laboratoires clandestins. Nous n'avons à l'heure actuelle aucun pouvoir pour régler ce problème. Les Nations Unies sont très préoccupées du fait que nous ne respectons pas nos engagements pour régler ces problèmes à l'échelle internationale.
Cette mesure législative prend des mesures à l'égard de la marijuana beaucoup mieux que ne le fait à l'heure actuelle la Loi sur les stupéfiants, qu'il s'agisse de simple possession ou de trafic. Si nous rejetons la mesure législative, nous serons beaucoup plus sévères avec les gens en ce qui a trait à la marijuana.
[Français]
Le sénateur Nolin: Vous avez référé à l'étude que le comité de la santé de la Chambre des communes veut entreprendre et il n'y a pas de doute que nous avons un intérêt depuis que nous avons commencé l'examen du projet de loi C-7 et maintenant C-8; nous avons un intérêt aussi grand, sinon plus, à voir se faire la lumière sur toutes ces questions. Il est vrai que nos préoccupations viennent surtout des témoins que nous avons entendus. Pour la question que vous venez de soulever, il y a en effet des drogues très dangereuses ou des activités criminelles qui ont cours au Canada et que l'on doit réprimer de toute évidence.
La suggestion que je faisais tout à l'heure est la suivante: devrions-nous suspendre la décision d'approuver cette loi, et prendre le temps requis pour faire cet examen? Après cet examen, nous prendrons les décisions appropriées d'un point de vue pénal et nous recommanderons au gouvernement de prendre des mesures sociales plus appropriées, compte tenu des découvertes que ce comité fera? Alors je vous posais la question: est-ce qu'il y a urgence? Si vous en arrivez à la conclusion qu'il y a des activités criminelles qui ont cours au Canada et que l'on devrait les récriminer le plus rapidement possible, j'aurais aimé savoir cela plus tôt; on aurait adopté d'urgence ces mesures, quitte à retarder l'application du reste de la loi.
Si on peut amender immédiatement la Loi sur les stupéfiants ou la Loi sur les aliments et drogues, faisons-le. Je pense que l'on ne doit pas -- et c'est le but de ma question --, maintenir cette approche prohibitive face au contrôle des drogues, soit parce que l'on adhère à des traités internationaux, soit parce que des étrangers viennent nous dire qu'on devrait agir plus rapidement ou parce qu'on l'a toujours fait.
Il faut prendre une décision éclairée. Et le comité, je pense, offrira ce genre d'information. Le Barreau canadien -- comme avocat, je dois vous avouer que je prête beaucoup foi à l'opinion de l'Association du Barreau canadien -- est très dur dans son mémoire. Je voudrais vous en citer un passage:
[...] l'Association du Barreau canadien s'oppose à l'adoption du Projet de loi [...]
À ce moment-là, c'était C-7, maintenant c'est C-8.
[...] La Section [...]
-- nationale du droit pénal.
[...] estime que la criminalisation de l'usage des drogues s'est révélée inefficace pour en faire diminuer l'usage, réduire la criminalité ou améliorer l'état de santé au sein de la population en général. Un grand nombre des changements prévus par le Projet de loi pourraient se traduire par une augmentation importante des taux d'emprisonnement au Canada, de même que la durée des sentences.
Quels sont vos commentaires ou vos réactions quand je vous lis cela. Je présume que ce n'est pas la première fois que vous entendez cela. Quels sont vos propos? Qu'est-ce que vous avez à dire sur ces commentaires qui, selon moi, sont très durs?
M. Normand: D'abord, vous avez vu juste en disant que cela référait au projet de loi C-7. Ce mémoire a été écrit, si ma mémoire m'est fidèle, avant les derniers amendements. Ils ont été repris à tout le moins, mais c'était essentiellement les mêmes commentaires que ceux mentionnés avant les derniers amendements apportés au niveau des pénalités dans le projet de loi C-7.
Effectivement, des modifications avaient été apportées initialement, soit par l'instauration d'amendes maximales qui n'existent pas actuellement, mais que le juge a toujours le loisir d'imposer quand même. Il y avait eu également une addition au niveau des pénalités, au niveau de la possession simple de substances, sous l'annexe 1.
Ces choses ont été modifiées à la toute fin de C-7. On a ramené les pénalités à ce qu'elles sont actuellement. Alors, le commentaire, dans la mesure où il s'applique aux pénalités, est que je pense que cet aspect a été corrigé.
Le sénateur Nolin: Mais ils ne référaient pas uniquement aux pénalités.
M. Normand: Non, je comprends. Mais, la fin du commentaire référait aux pénalités.
Quant à savoir si la criminalisation est une bonne chose, mon rôle n'est pas de défendre la politique, mais d'expliquer le projet; alors c'est pour cela que je vous parle des pénalités.
Le sénateur Nolin: Ma question s'adresse à vous. Le rapport LeDain a plus de 25 ans?
M. Normand: Oui.
Le sénateur Nolin: Qu'est-il arrivé finalement, à votre ministère, de ce rapport? Quelles sont les mesures que vous avez jugé appropriées de prendre suite aux recommandations de ce rapport?
[Traduction]
M. Rowsell: Le rapport a été présenté au Parlement et il incombait aux députés de donner leurs directives aux ministères. Je ne m'occupais pas de ces substances à l'époque. J'étais vraiment très jeune en ce temps-là.
Le sénateur Nolin: Tout comme moi en tant qu'étudiant en droit.
M. Rowsell: Je m'occupais des présentations des nouvelles drogues et non des narcotiques et des substances contrôlées. Je ne suis pas au courant de la mesure directe qui a été prise alors par le ministère.
[Français]
Le sénateur Nolin: Est-ce que la mémoire corporative du ministère se souvient si l'examen entrepris par le juge LeDain se faisait dans le cadre d'un examen législatif d'un projet de loi en particulier ou si cela se faisait en parallèle aux travaux législatifs?
[Traduction]
Savez-vous si cela s'est fait dans le cadre d'un examen législatif ou par l'entremise d'une commission royale?
M. Rowsell: Il s'agissait d'une commission royale qui a fait rapport au Parlement.
Le sénateur Nolin: Ce n'était pas dans le cadre de l'examen d'un projet de loi en particulier?
M. Rowsell: Non.
[Français]
M. Saint-Denis: Je peux vous dire que dans le contexte du gouvernement -- pas du gouvernement de l'époque où le rapport LeDain a été publié, mais par après, à la fin des années 1970 et au début des années 80 -- il y a eu une initiative de la part des trois ministères: Justice, Santé et Solliciteur général. On voulait préparer un document qui aurait pour but de traiter, dans une certaine mesure, de l'usage du cannabis. Et, pour une raison ou une autre, l'échéancier politique et caetera, a fait que cela n'a pas abouti. L'intérêt que l'on avait à cette époque à vouloir réduire les effets de la criminalisation de la marijuana a diminué durant les années 1980, aux États-Unis plus particulièrement, mais aussi à travers le monde. À ma connaissance, ce qui se passait au niveau international, est que l'on a adopté une position plus sévère face à l'usage des drogues.
Alors, l'intérêt de vouloir décriminaliser a diminué. Maintenant, petit à petit, l'on semble changer encore un petit peu. La pendule fait son voyage traditionnel. Ce n'est pas que le rapport LeDain n'a rien donné, mais malheureusement, il n'a rien donné de concret. Il y a eu des efforts mais cela n'a pas abouti.
Si je me souviens bien, le Sénat avait déjà eu un projet de loi concernant la décriminalisation.
Le sénateur Nolin: Deux fois.
M. Saint-Denis: Alors vous voyez qu'il y a eu des efforts. C'est juste que cela n'a pas abouti.
Le sénateur Nolin: Vous avez assisté aux témoignages et vous avez entendu les recommandations des autres témoins. De façon brutale, ces gens ne peuvent pas tous avoir tort et vous, uniquement, avoir raison; comment peut-on concilier tout cela?
Le sénateur Gigantès: Le contraire aussi est valable, de façon brutale, ces messieurs ne peuvent pas avoir tort et les autres avoir raison.
Le sénateur Nolin: Oui, absolument, c'est exact. Il y a certainement une zone médiane raisonnable qui rejoindrait tout le monde. Comment concilier tout cela?
M. Normand: Par rapport à quel témoignage?
Le sénateur Nolin: Alors je vous ai lu quelques extraits du mémoire du Barreau canadien. La question a été soulevée par le Canadian Foundation for Drug Policy. Ils nous ont même réécrit récemment pour continuer à nous alimenter en éléments de preuve. La plupart de ces témoins nous ont dit que l'on faisait fausse route, la prohibition n'est pas la bonne méthode; la bonne approche est celle qui est suivie ailleurs.
Je comprends que vous allez me dire que vous recevez des instructions politiques qui favorisent la prohibition; l'on introduit un projet de loi C-8. Est-ce que je dois comprendre que si la Chambre des communes, via son comité sur la santé, déclenche une enquête approfondie sur la question de l'usage des drogues au Canada, vous allez aider ce comité à démontrer que la méthode prohibitive n'est pas la seule et que les autres méthodes peuvent aussi produire des résultats efficaces?
[Traduction]
M. Rowsell: Je crois que tout le monde veut une analyse en profondeur et objective de la situation. Qu'il s'agisse d'un retour du pendule ou que sais-je encore, le temps est venu pour nous de nous pencher sur les signes extérieurs. Vous avez entendu, comme vous l'avez dit, certains des témoins. Lors des audiences du comité des communes, des représentants de la communauté internationale des Nations Unies et de l'Organisation mondiale de la santé ont exprimé leurs vues. Ils vous donneraient un point de vue différent. Je crois qu'il est nécessaire qu'un organisme se penche sur la question et fasse la part des témoignages afin de décider ce qui convient pour le Canada.
Le sénateur Jessiman: J'aimerais paraphraser deux déclarations de 1972 à ce sujet. Dans un premier temps, en 1972, on a dit que le moment était opportun pour procéder à une discussion raisonnée sur le recours à la loi comme moyen de solutionner les problèmes sociaux liés à l'utilisation de drogues à des fins non médicales. On a dit, dans un deuxième temps, que les problèmes liés aux drogues ont tendance à mener à l'usage abusif des lois. Ces deux déclarations ont été faites en 1972, il y a bien longtemps. On y disait la même chose qu'aujourd'hui.
Le sénateur Gigantès: On demande l'abolition du Sénat depuis 1867.
M. Rowsell: Oui, ces déclarations ont été faites, mais il s'agissait d'une commission royale qui a fait rapport au Parlement et on ne nous a pas ordonné de faire quoi que ce soit différemment.
Le sénateur Jessiman: Je suis désolé, j'ai interrompu le sénateur Nolin.
[Français]
Le sénateur Nolin: J'aurais deux autres questions. Ma deuxième question portera sur la drogue qui n'apparaît sur aucune annexe de nos lois.
Si nous demandions à la Chambre des communes d'entreprendre son examen et par la même occasion, nous leur disions que du fait qu'ils nous aient envoyé un projet de loi C-8, nous avons décidé d'adopter certaines mesures urgentes. Mais pour le reste, nous ayons décidé de garder les lois actuelles en attendant que l'examen se fasse, examen auquel nous faisons référence depuis tout à l'heure. À la fin des travaux de ce comité, nous adopterons tel qu'il est le projet de loi C-8 ou nous le modifierons selon les conclusions de cette étude.
Quelle serait votre réponse si je vous disais que nous prenions cette décision?
[Traduction]
M. Rowsell: En toute honnêteté, je ne le sais pas. Comme j'ai essayé de l'expliquer, le projet de loi C-8 dans sa forme actuelle comporte un certain nombre d'avantages d'ordre administratif. Cela semble peut-être sans importance, mais pour les fabricants, les pharmaciens et les médecins qui doivent en arriver à un équilibre entre les exigences des parties III et IV de la Loi sur les aliments et drogues et de la Loi sur les stupéfiants, le fardeau est très lourd.
Le sénateur Nolin: Mais la question n'est pas urgente.
M. Rowsell: Non.
Le sénateur Nolin: Vous nous avez dit ce qui était urgent. Le reste consiste à faciliter la vie aux professionnels.
M. Rowsell: Oui.
Le sénateur Nolin: Si nous considérons le rapport LeDain et ce qui s'est passé par la suite, il est évident que nous ne voulons pas qu'une étude fouillée sur l'utilisation des drogues au Canada, effectuée par la Chambre des communes, se voit réserver le traitement auquel avait eu droit, il y a 25 ans, le rapport du juge LeDain. C'est la raison pour laquelle je dis que les conclusions d'une étude de ce genre effectuée au beau milieu de l'examen du projet de loi C-8, avec toute la pression qui l'accompagne, nous permettraient de prendre une décision éclairée. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Rowsell: Tout ce que je peux dire c'est que, bien que j'aie participé à la préparation de ce projet de loi, tant sous un gouvernement conservateur ou libéral, nous avions reçu instruction de le faire. Je crois que le gouvernement veut prendre le temps d'examiner les questions stratégiques entourant la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues. Je ne sais toutefois pas combien de temps il veut y consacrer ou comment il s'y prendra pour peut-être en arriver à une toute nouvelle mesure législative ou s'il va soustraire la marijuana de l'application de ce projet de loi pour l'intégrer à une nouvelle mesure législative, mais nous aurions tout de même cette mesure législative que nous pourrions administrer au nom du Canada.
[Français]
M. Normand: Un des facteurs principal présenté puis qui serait sûrement la question primaire en début de révision aurait sûrement trait d'abord et avant tout à la décriminalisation de la possession de la marijuana.
Cet aspect peut être traité de façon très rapide par un simple amendement par un ordre en conseil ou en amendant la loi sur les contraventions. Cela pourrait résoudre le problème. En ce qui a trait à la structure, nous mettons sur pied un système de saisie complet.
À l'heure actuelle, les policiers doivent tantôt utiliser les dispositions de la Loi sur les stupéfiants, et à d'autres occasions, le Code criminel, dépendamment s'ils veulent saisir une substance ou des biens reliés à une offense. Cela est ramené dans un contexte unique.
Il y a des pouvoirs de saisie sans mandat, pour des raisons exceptionnelles qui suivent finalement les décisions récentes de la Cour suprême du Canada.
Nous avons également eu des problèmes récemment dans l'Arrêt de la Cour suprême en ce qui a trait à la saisie dans un contexte où nous nous rendons dans une maison d'habitation. Ce que nous mettons de l'avant réglerait cette situation.
La partie III touche aux dispositions des substances. Nous avons un système complet qui n'est pas présent actuellement. Nous avons un système mais le système de la partie III s'avère beaucoup plus complet. Il a trait justement, par exemple, à des gens en possession de substances saisies et qui sont détruites par la suite sans fondement; nous pourrions les rembourser. Cela n'existe pas actuellement.
La partie IV, qui traite des inspecteurs, clarifie les pouvoirs et s'assure que les inspecteurs ne pourront pas inspecter les dossiers de patients. Cette addition n'est pas là actuellement. Plusieurs choses militent en faveur de la loi. Mais advenant une étude avec des résultats dans une, deux ou trois années qui iraient dans le sens de décriminaliser ou d'adoucir l'approche face à certaines substances, ce sont des choses qui pourraient se faire facilement par ordre en conseil en changeant une substance d'un annexe à un autre ou en la rayant tout simplement et en l'insérant dans une autre loi.
Pour cette raison, nous n'avons pas d'autres commentaires outre certains au sujet de témoins qui sont venus critiqués le projet de loi, sinon en ce qui a trait à l'approche globale face à la marijuana.
Pour le reste, nous avons présenté ce projet de loi au moment où il a été rendu public à des organismes au Québec et un peu partout à travers le Canada. Récemment, j'étais en Colombie-Britannique et tout ce qui en ressort est positif. Cette question reste centrale. C'est la chose chose dont on parle quand on traite de sévices sur la question de la possession.
Nous considérons que c'est quelque chose qui pourrait se résoudre très facilement par un simple amendement sans avoir à passer par tout le processus parlementaire, si le Parlement effectivement décidait de recommander, suite à cette révision en ce qui a trait à la marijuana, que l'on réduise les effets.
M. Saint-Denis: Est-ce que l'on pourrait séparer certains éléments de ce projet de loi et recommander que ces éléments soient mis en vigueur et que l'on suspende le projet de loi et que l'on garde en vigueur les deux lois sur les drogues?
Je ne suis pas certain que techniquement l'on pourrait faire cela si facilement. Ce projet de loi forme un tout qui est difficilement séparable.
Le sénateur Nolin: Oui, je comprends. Nous ne pouvons pas dire que nous en prenons une partie et ne pas prendre l'autre.
M. Saint-Denis: Avec la structure des infractions et la relation des infrations et des pénalités avec les différentes substances, cela serait difficile d'arriver à un régime qui permettrait de corriger plus particulièrement le problème auquel a référé M. Rowsell et puis de laisser le reste en suspens, d'une part.
D'autre part, vous aviez suggéré qu'en suspendant le projet de loi, cela inciterait la Chambre des communes à arriver à une conclusion rapide...
Le sénateur Nolin: Ce n'est pas tellement d'en arriver à une conclusion rapide mais à tout le moins de donner effet aux conclusions, de là ma préoccupation.
M. Saint-Denis: L'effet que nous pourrions donner aux conclusions, si c'est le genre de conclusions que nous pourrions envisager, c'est que nous pourrions avoir un projet de loi totalement différent de ce que nous avons ici.
Ce que fera le comité permanent sur la santé ne sera pas simplement de regarder la question de la marijuana. Il étudiera aussi les autres stupéfiants, les autres drogues et l'usage des médicaments. Il s'agit de quelque chose de plus fondamental que simplement le cannabis.
Le sénateur Nolin: Je suis entièrement d'accord. C'est une nouvelle approche face à l'usage des drogues et cetera.
M. Saint-Denis: Il est possible que la structure de ce projet de loi, même en suspens, ne serait pas le genre de véhicule utile pour apporter des modifications fondamentales à notre approche sur les drogues.
Il est fort possible que nous ayons besoin d'un projet de loi qui ressemblerait à quelque chose de tout à fait différent. Que nous le gardions en suspens ne donnerait pas grand-chose. Naturellement, cela est toujours basé sur l'hypothèse que la Chambre des communes serait prête à accepter ce qui serait un amendement finalement.
Le sénateur Nolin: Parce qu'il y a une toute autre situation.
Le sénateur Beaudoin: Ah!
Le sénateur Nolin: Nous pouvons bien penser ce qui serait bon pour les Canadiens, mais encore faut-il que les Canadiens se sentent interpellés par ce genre d'examen. Notre dernière intention serait de forcer les Canadiens à prendre une décision, ce qui, selon plusieurs, est peut-être contraire à leurs intérêts à l'heure actuelle.
C'est pour cela qu'un examen en profondeur m'apparaît juste. S'il existe des conclusions, et il y en aura toujours, nous voulons les voir appliquer ou nous ne les prendrions pas.
Nous désirons que les conclusions et le travail de ce comité soient crédibles. Il faut que l'on soit capable de dire aux Canadiens ce que nous avons accompli et voici les résultats.
Le problème survenu avec la décision du juge LeDain et avec les deux amendements du Sénat dans les 25 dernières années, a donné 0 exposant 0.
Aujourd'hui, nous sommes dans une situation ou le Canada opère dans un processus de prohibition qui ne porte pas les fruits escomptés et la population de plus en plus est préoccupée par l'usage du cannabis parce que ce sont leurs enfants qui les utilisent. Qu'il s'agisse de deux ou trois millions, il n'en reste pas moins qu'il existe une donnée du ministère qui me semble effrayante. Un quart des enfants de 15 à 19 ans utilise du cannabis. Ce sont les enfants des Canadiens. Les Canadiens ont le droit d'être préoccupés. Nous devons les interpeller. Ils doivent se sentir interpeller par le travail que l'on fait.
Je crains que l'on repousse sous le tapis tout cela et que nous passions un projet de loi prohibitif qui a définitivement de très bons côtés et que nous confions à un comité, comme au début des années 1970, ou à un juge très crédible, qui a fait un très bon travail, le soin d'étouffer la préoccupation des Canadiens et en bout de ligne, 25 ans plus tard, rien n'est changé.
M. Normand: La différence est qu'à ce moment-là, ce n'était pas un comité parlementaire qui avait entrepris la révision mais une Commission royale.
[Traduction]
M. Rowsell: La grande différence ici c'est que la commission royale était indépendante du gouvernement. Le gouvernement devait accepter ou rejeter son rapport. Ce sont des députés qui procéderont maintenant à l'examen. Croyez-moi, ils ont exactement les mêmes préoccupations que celles que vous avez exprimées, sénateur.
Le sénateur Doyle: Non, ils ne les ont pas.
M. Rowsell: Je suis désolé, mais ils ont les mêmes préoccupations. Nombre de députés ont exprimé exactement les mêmes sentiments que les vôtres.
Le sénateur Jessiman: Le projet de loi C-8 est-il exactement le même que le projet de loi C-7?
M. Rowsell: Non.
Le sénateur Jessiman: Est-ce que des changements ont été apportés?
M. Normand: Seulement ceux qu'on vous a remis aujourd'hui, monsieur le sénateur.
Le sénateur Jessiman: Saviez-vous que la Grande-Bretagne mettra sur pied une commission royale sur les drogues?
M. Rowsell: Non, je ne le savais pas.
Le sénateur Jessiman: Oubliez pendant un instant que vous êtes fonctionnaire.
La présidente: Sénateur Jessiman, ils sont ici pour représenter le gouvernement.
Le sénateur Jessiman: En tant que particulier qui en savent beaucoup à ce sujet, êtes-vous vraiment d'accord pour dire que...
La présidente: C'est une question injuste, sénateur Jessiman.
Le sénateur Jessiman: Un tout petit instant madame la présidente. N'êtes-vous pas d'accord pour dire que ce n'est pas l'utilisation des drogues qui pose vraiment le problème mais la consommation abusive des substances, comme c'est le cas pour l'alcool?
M. Rowsell: C'est la distinction que j'essayais de faire plus tôt. Quantité de ces substances ont des utilisations médicales très valables. Ce sont toutefois des substances très puissantes. Par conséquent, oui, on en fait une consommation abusive.
Au cours des derniers jours vous avez entendu parler des utilisations médicales de la marijuana. Nous ne disposons pas encore de la preuve scientifique pour nous pencher sur ces utilisations. Il ne s'agit que d'information anecdotique. Les gens prétendront que cela a fonctionné pour eux. Il nous faut être en mesure d'évaluer, sur une base scientifique, la validité de ces prétentions.
Le sénateur Jessiman: Ne prenez pas encore 28 ans toutefois.
La présidente: Au nom de mes collègues je vous remercie tous des exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui.
Honorables sénateurs, je suggère que nous ne procédions pas ce soir à l'étude article par article du projet de loi, mais plutôt mardi matin.
Le sénateur Nolin: Madame la présidente, les membres de mon caucus ont demandé que nous discutions en profondeur de ce projet de loi mercredi prochain. Pouvons-nous faire autre chose mardi et attendre jusqu'à jeudi pour examiner le projet de loi C-8?
La présidente: C'est tout à fait acceptable sénateur Nolin. Nous essaierons de faire venir des hauts fonctionnaires du ministère pour discuter du projet de loi C-28 mardi matin. À défaut de quoi, nous examinerons le projet de loi C-243 et entendrons des hauts fonctionnaires d'Élections Canada.
La séance est levée.